M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Christine Herzog, je vous remercie de souligner qu’il n’est pas si facile de réimplanter et de relocaliser des industries pharmaceutiques en France et en Europe.

Confrontés à cette situation, nous avons demandé voilà quelques mois – c’était avant la crise du Covid-19 – à M. Jacques Biot de faire un rapport sur les pénuries de médicaments et la stratégie à mettre en place pour réimplanter des sites de production en France et en Europe. Je crois en effet que, sur ce sujet, il faut avoir une approche européenne. La crise du Covid-19 a renforcé notre appréciation en ce sens, ainsi que la conviction de nos homologues européens, lesquels étaient peut-être moins interventionnistes en la matière.

Vous avez raison, il faut relocaliser la production de principes de base en France et en Europe, afin d’éviter que nous ne soyons dépendants à l’égard d’un seul pays et qu’une crise géopolitique, sanitaire ou climatique, entre autres, ne bloque l’approvisionnement.

Quel que soit le domaine, mieux vaut prévoir un approvisionnement double et de proximité. On a pu constater ce qui se passait lorsque la logistique cessait de fonctionner…

Par ailleurs, nous allons réfléchir à l’évolution de la politique du médicament. Olivier Véran partage l’idée selon laquelle l’industrie et la santé doivent travailler main dans la main pour que soient envisageables la réimplantation de sites en France et l’anticipation du coût de production français.

Nous souhaitons également participer au lancement d’un IPCEI, ou projet important d’intérêt européen commun, pour la santé, c’est-à-dire un programme permettant de soutenir massivement un secteur, à l’instar de ceux que nous avons lancés pour les batteries électriques ou la microélectronique.

Mes homologues autrichien et allemand sont parfaitement en phase avec ce projet. Il ne reste plus qu’à le mettre en œuvre rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.

Mme Christine Herzog. Madame la secrétaire d’État, depuis plusieurs années, des médicaments pour le traitement des maladies graves sont en rupture de stock. Ces pénuries font courir des risques importants aux malades, mais également à notre pays.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 10 juin 2020, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel.

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 108 du 28 mai dernier, M. Jean-Noël Guérini souhaitait voter pour.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010, adoptées pour son application, la commission des finances a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, par 9 voix pour, aucune voix contre et 4 bulletins blancs, sur la nomination de Mme Isabelle Falque-Pierrotin aux fonctions de président du collège de l’Autorité nationale des jeux.

5

Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse dans la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire ?

Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe socialiste et républicain, sur le thème : « Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse afin d’aider ces publics particulièrement exposés dans la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Annie Guillemot, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Annie Guillemot, pour le groupe socialiste et républicain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quoi de plus important, quoi de plus essentiel que la jeunesse et son avenir ?

Débattre de la jeunesse, ainsi que des nouvelles politiques que nous devons mettre en œuvre à l’endroit de cette dernière, renvoie tant à la nécessaire solidarité intergénérationnelle et sociale qu’à une impérieuse nécessité, qui conditionnera notre futur immédiat et, plus encore, notre avenir à moyen et long termes.

Je partirai d’un postulat, sans lequel il me semble impossible de débattre et de construire de nouvelles politiques pour la jeunesse ; il s’agit d’affirmer et, surtout, d’inscrire dans les faits que, comme Jean Jaurès le disait au sujet de la nature humaine, nous devons faire un large crédit à notre jeunesse.

Faire confiance à la jeunesse et la soutenir, cela relève de l’urgence, car, si les jeunes sont heureusement les moins touchés par la pandémie, ils sont malheureusement en première ligne de la crise économique et sociale dont nous redoutons l’ampleur.

Si nous avons voulu ce débat sur le thème : « Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse ? », c’est que nous estimons que la situation sociale n’a pas été suffisamment prise en compte par le Gouvernement, alors qu’il faut anticiper et aider les plus fragiles à traverser la crise.

L’augmentation du chômage nécessite des mesures fortes pour empêcher de nombreux jeunes de basculer dans la précarité. La crise sanitaire que nous traversons se double en effet d’une crise économique et sociale, dont nous ne pouvons que redouter les effets dévastateurs. Il faut faire, là aussi, jouer la solidarité nationale.

Le plan de sortie du confinement doit s’accompagner de mesures d’urgence renforcées pour éviter qu’une crise sociale durable ne s’installe ; il faut ainsi compléter la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 d’un titre dédié aux mesures d’urgence sociale pour les jeunes. Cette urgence sociale a été relayée, depuis des semaines, par les acteurs de la solidarité, mais également par les associations d’élus.

Nous estimons que l’État, garant de la solidarité nationale et de la justice sociale, doit intervenir et mettre en œuvre des politiques publiques ancrées dans le quotidien des jeunes.

Quel sens, quelle valeur donner à ces politiques publiques qui se définissent avant tout comme la réduction des écarts, c’est-à-dire l’attention aux plus fragiles, aux plus déshérités pour lutter contre les inégalités sociales et spatiales ? Quelle place accorde-t-on, dans notre politique d’emploi et de logement et dans notre système de protection sociale, à notre jeunesse, qui est particulièrement exposée aux conséquences de la crise sanitaire ?

En effet, les jeunes de 18 à 25 ans, qui constituent 30 % des salariés des entreprises durement touchées par le confinement – restaurants, commerces et centres de loisirs –, ont été privés de revenus, alors que 670 000 étudiants en dépendent pour leurs besoins les plus essentiels – alimentation, logement, habillement – et que 20 % des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté.

Quelque 30 % des 18-22 ans pensent ne pas trouver de job cet été et 15 % d’entre eux ont vu leur stage être annulé, sans solution de rechange. Nombreux seront ceux qui ne pourront pas financer leurs études ou payer leur loyer…

Comment donner confiance à cette jeunesse, alors que le logement leur devient inaccessible et que le Gouvernement annonce une récession de 11 % ? Mes collègues Corinne Féret, Claudine Lepage et Viviane Artigalas reviendront sur plusieurs points, notamment sur la question de l’autonomie financière des jeunes – allocation d’autonomie, revenu de base –, sur le rôle des missions locales, sur le service civique, sur l’aide spécifique aux étudiants, sur la garantie jeunes et sur l’alternance.

Si aucune mesure n’est prise, les diplômés de 2020 et des années à venir constitueront la génération sacrifiée à la crise, comme l’indiquent les conclusions du groupe de travail du Sénat sur les conséquences de l’épidémie de Covid-19 dans le secteur de l’enseignement supérieur, groupe auquel participait notre collègue Sylvie Robert.

Par ailleurs, au cours de cette crise, les inégalités accrues de revenu et l’instabilité économique ont encore compliqué l’accès au logement. Ainsi, non seulement le maintien des aides au logement est indispensable, mais il ne suffira pas ; il faut aller plus loin et prévoir une période temporaire pour de nouvelles mesures d’aide, qui permettront aux plus fragiles de surmonter leurs difficultés.

Bien sûr, il faut aussi revenir, monsieur le ministre, sur la politique actuelle du logement – sous-indexation, après le gel du barème, de l’aide personnalisée au logement, mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS) –, mais il faut surtout renoncer à la réforme, prévue en 2020 et déjà reportée quatre fois, de l’APL, qui fera perdre l’allocation à 600 000 personnes, dont près de 300 000 jeunes.

Est-il raisonnable de continuer dans cette voie, alors que les jeunes sont particulièrement visés par ce dispositif ? Ce sera insupportable. Annulez cette réforme ; vous l’avez déjà reportée quatre fois, encore un petit effort… (Sourires sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

Si cette précarisation frappe durement les jeunes en général, elle frappe encore plus durement les jeunes de nos quartiers. Avant la crise, le taux de chômage s’y élevait à 13 %, soit à 5 points de plus de la moyenne nationale ; pour les moins de 25 ans de ces quartiers, il atteint 40 %.

Si la crise de 2008, qui a affecté la finance et les services, a eu un impact sur la jeunesse, l’effet est, cette fois, plus concentré sur les moins qualifiés, sur les bas salaires et sur les plus jeunes, autant de facteurs qui conditionnent la bascule dans la pauvreté, comme en ont témoigné les files d’attente de la faim.

Face à l’urgence de la situation, il nous faut répondre, tout de suite, avant le mois de septembre. C’est un discours positif et volontaire qu’il faut tenir à la jeunesse. La richesse de la jeunesse, nous devons la reconnaître et la valoriser ; d’ailleurs, nombre de jeunes ont travaillé pour les autres pendant cette crise.

Au regard de la réalité sociale et économique, le pourcentage de jeunes en insertion devrait être quatre, voire cinq fois plus élevé. Mme Muriel Pénicaud nous l’indiquait la semaine dernière, seuls 16 % des jeunes des quartiers ont des emplois aidés. C’est ainsi que nous donnerons corps au principe d’équité, sans lequel nulle justice ne peut être vécue ni même perçue.

J’ai déjà évoqué la réactivation des contrats aidés, qui peut constituer un levier de soutien fort et rapidement mobilisable : des jeunes apportant leur savoir et leurs compétences à nos communes et à nos associations, et trouvant, par ce biais, une première insertion dans l’emploi, encadrés par des adultes.

Je vous renvoie aux préconisations du 20 mai dernier, relatives au secteur associatif et à l’éducation populaire, du groupe de travail piloté par notre collègue Jacques-Bernard Magner sur les conséquences de l’épidémie de Covid-19 sur les politiques publiques en faveur de la jeunesse et de la vie associative.

En 2017, il y avait près de 500 000 contrats aidés ; en 2019, il n’y en avait plus que 130 000. Oui, leur remise en cause drastique et brutale a signifié non seulement le retour à la précarité pour nombre de jeunes, mais encore la fragilisation du monde associatif.

Avant la crise, le taux de chômage dans nos quartiers représentait plus du double de celui de la population globale et pouvait atteindre 45 % pour les jeunes de 16 à 25 ans sans diplôme. Cette crise exacerbe les fractures et les inégalités, et l’insatisfaction de besoins parfois vitaux – alimentation, logement, emploi, numérique – s’est révélée au grand jour. Or des milliers de jeunes pourraient apporter leur savoir et leurs compétences pour lutter contre cette fracture numérique.

Ils pourraient ainsi financer leurs études en ayant un emploi aidé, car ils ne pourront pas payer leurs études en septembre, tout en aidant les décrocheurs : aujourd’hui, dans les quartiers, seul un enfant sur dix est encore scolarisé, donc neuf sur dix ne le sont plus. Nous pourrions également mobiliser les étudiants, et ce serait, là encore, gagnant-gagnant.

Monsieur le secrétaire d’État, au regard des besoins existants dans les écoles et les collèges des quartiers, et considérant la nécessité de donner un avenir aux jeunes de ces quartiers, le Gouvernement compte-t-il réactiver les contrats aidés et revenir sur le jugement péremptoire consistant à estimer qu’ils sont trop coûteux et peu utiles ? Reportons-nous au bilan des emplois d’avenir : 300 000 jeunes en avaient bénéficié, parmi lesquels un sur cinq, soit 60 000, venait d’un quartier populaire.

Je ne vous en demande pas tant, mais lancez un plan de contrats aidés dans les quartiers pour 20 000 jeunes. Cela aiderait la jeunesse, mais aussi nos enfants et les associations. Il s’agit là d’un véritable défi éducatif et démocratique. Il y a une urgence, une urgence économique et sociale pour les jeunes ; de la jeunesse dépend notre avenir collectif.

J’ai été maire pendant dix-sept ans et je me disais souvent qu’il fallait trouver avant tout un logement et un emploi aux gens, deux conditions indispensables pour vivre, pour pourvoir à l’éducation des enfants et pour préserver la santé. J’ai vite compris que non seulement il fallait de l’énergie – c’est très difficile pour les jeunes –, mais aussi que c’était un combat quotidien.

Deux autres choses sont essentielles. D’une part, il faut le respect ; on le voit aujourd’hui, il faut lutter contre les discriminations, d’où qu’elles viennent, sinon on ne peut pas construire ; chacun a droit au respect, des droits et des devoirs de chacun. D’autre part, il faut l’espoir, l’espoir d’un avenir meilleur ou plus serein, qui permettra de s’émanciper grâce à la culture et à l’éducation. Celles-ci – ne l’oubliez pas, monsieur le secrétaire d’État – nous invitent à la tolérance et à la rencontre d’autres imaginaires.

Dans la situation que nous vivons, qui a révélé, si besoin en était encore, la profondeur des inégalités sociales et spatiales et la fragilité des jeunes, la priorité est, pour le groupe socialiste et républicain du Sénat, d’aider les plus fragiles, donc les jeunes, à traverser la crise. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Guillemot, je veux tout d’abord vous remercier, ainsi que le groupe socialiste et républicain, d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, parce que c’est un sujet absolument essentiel, qui va beaucoup nous mobiliser dans les mois à venir.

En effet, vous l’avez dit, chaque fois que survient une crise économique – cela a été vérifié en 2008 et en 1993 –, les premiers touchés et ceux qui le sont les plus durement sont les plus vulnérables et, parmi eux, il y a les jeunes, quel que soit, d’ailleurs, leur niveau de qualification. Les jeunes sont vulnérables parce qu’ils rentrent sur le marché du travail, qu’ils sont dans un moment de transition.

Deux chiffres résument, à eux seuls, l’importance du débat que vous nous proposez aujourd’hui : 550 000 jeunes de moins de 25 ans sont actuellement au chômage et 700 000 jeunes doivent arriver sur le marché du travail à la rentrée prochaine. Pour eux, ainsi que pour ceux qui sont encore en formation – en apprentissage ou dans l’enseignement supérieur –, nous devons trouver des solutions pour lutter contre la précarité, qui pourrait s’accroître si rien n’était fait dans les semaines et les mois à venir.

Fort heureusement, les solutions ne dépendent pas que de nous, et je veux vous également remercier des mots très positifs que vous avez eus, parce qu’on les entend trop peu. Il faut le rappeler, le premier atout de la jeunesse, ce sont les jeunes eux-mêmes. Nous avons, en France, une jeunesse créative, volontaire, qui a envie de s’insérer, de s’autonomiser et de se construire.

Elle est également engagée, et je veux, comme vous, rendre hommage à leur dynamisme, à leur civisme et à leur sens indéniable de l’engagement collectif. Loin des idées reçues, nous pouvons être fiers de cette génération qui, pendant la crise sanitaire, a su mobiliser une formidable énergie.

Parmi les 300 000 personnes qui se sont spontanément portées volontaires au travers de la plateforme de la réserve civique, 40 % avaient moins de 30 ans ; 58 000 jeunes en service civique ont transformé leur mission pour contribuer à l’effort national contre la pandémie, et l’on ne compte pas les jeunes qui se sont engagés bénévolement, dans leur quartier, au pied de leur immeuble, pour subvenir aux besoins vitaux des personnes dans le besoin.

Après cette crise, nous devrons faire prospérer cet élan ; c’est en prenant appui sur l’énergie créatrice des jeunes que nous parviendrons à dominer cette crise sanitaire. Pendant celle-ci, nos réponses à destination des jeunes étaient d’ordre social et constituaient des mesures d’urgence ; nous devons maintenant penser à moyen et long termes, pour compléter l’action sociale par une action économique durable et par un investissement renouvelé dans la formation et dans les compétences.

Permettez-moi maintenant de vous présenter cette stratégie plus en détail et de vous indiquer dans le cap que nous tenons, tout d’abord au travers des mesures que nous avons prises au plus fort de la crise sanitaire et durant le confinement et, ensuite, en évoquant nos pistes de travail pour les mois à venir.

Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a répondu, vous le savez, avec une force sans précédent aux drames économiques et sociaux. Notre action pour tous les Français a directement bénéficié aux jeunes ; quand on prend des mesures de soutien à l’activité économique, à l’emploi et aux entreprises, on prend indirectement des mesures de soutien aux jeunes, et l’ensemble des dispositifs que nous avons pris permet de limiter les dégâts sur le monde économique et donc sur l’emploi des jeunes.

Je veux également mentionner les règles régissant le chômage et l’activité partiels, règles qui ont été assouplies pour protéger les demandeurs d’emploi en fin de droits, les intérimaires et les travailleurs saisonniers en faisant perdurer leurs droits au-delà du confinement.

Je pense aussi aux jeunes parents, obligés de garder leurs enfants, qui ont bénéficié d’un système exceptionnel d’indemnités journalières.

Je veux également citer les mesures de solidarité avec les personnes précaires et l’aide de 150 euros qui a été versée à 4 millions de familles pauvres ou modestes, à laquelle s’est ajouté un montant de 100 euros supplémentaires par enfant. Cela représente un effort global de 900 millions d’euros, largement fléché vers les enfants et vers les jeunes.

Nous avons également agi directement et spécifiquement en direction de la jeunesse. La principale mesure a consisté en une mobilisation de 150 millions d’euros, sous la forme d’une aide exceptionnelle de 200 euros pour 800 000 jeunes, destinée à compenser la perte de revenu liée à l’arrêt temporaire d’un stage, d’un apprentissage ou d’un job étudiant. Cette prime sera versée dans le courant de la semaine aux jeunes étudiants et autour du 15 juin aux autres.

Je pense également à d’autres mesures d’urgence prises pour répondre à des situations de fragilité particulière.

Les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ont pris la décision de n’exiger aucun préavis des étudiants qui ont décidé de mettre fin à leur bail en résidence étudiante, afin de leur éviter un surcoût inutile. Nous avons prolongé les dispositifs de l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour les enfants atteignant leur majorité pendant la période de la crise de la Covid-19, car le contexte incertain risquait de déstabiliser dramatiquement les jeunes sortant de ce dispositif.

Pour éviter que trop de jeunes ne décrochent de leur scolarité, nous avons lancé une opération, soutenue par les associations du collectif Mentorat, d’équipement d’urgence en matériel informatique et en connexion internet, pour un montant de 15 millions d’euros.

Il faut maintenant penser à l’après-crise, vous l’avez dit. À ce titre, quatre grands axes de travail, sur lesquels je reviendrai à l’occasion des questions, nous mobilisent.

Tout d’abord, il faut lutter contre le décrochage scolaire, notamment dans la voie professionnelle, parce qu’aucun jeune ne doit être désœuvré ni se sentir laissé pour compte.

Ensuite, nous devons maintenir la dynamique engagée par notre gouvernement sur la formation et sur l’apprentissage ; forts de de nos réussites, et parce que le contexte nous y incite, nous devons aller plus vite et plus fort.

En outre, il est nécessaire de faciliter l’accès à l’embauche ; le marché du travail risque de se durcir, nous devons aider les entreprises à embaucher des jeunes et aider les jeunes à accéder à l’emploi.

Enfin, il convient d’agir pour lutter contre la précarité des jeunes face au risque de rupture que vous avez évoqué. Notre plan prendra appui sur la politique pour la jeunesse que nous menons depuis 2017. Cette politique donne aux jeunes de meilleures armes pour aborder un marché du travail devenu plus défavorable.

Je veux à cet égard revenir sur le plan d’investissement dans les compétences. Nous avons mobilisé 15 milliards d’euros pour la formation de 1 million de jeunes et de personnes peu qualifiées. Nous avons développé des solutions multiples de la deuxième chance et de lutte contre le décrochage scolaire, notamment pour les jeunes vivant en outre-mer, afin qu’aucun jeune ne soit laissé sans solution.

Tous les jeunes sans emploi de 16 à 18 ans auront désormais une obligation de formation, ce qui implique aussi, pour l’État, l’obligation de leur proposer une solution à partir de la rentrée prochaine ; cela a été adopté au travers de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, promue par Jean-Michel Blanquer.

Grâce à la réforme de la formation professionnelle et de l’alternance, nous avons réussi à provoquer un essor sans précédent de l’apprentissage, avec une augmentation de 16 % en 2019 du nombre d’apprentis, qui a atteint près de 400 000. Cette dynamique doit absolument perdurer, et nous aurons besoin de la mobilisation de toutes les entreprises, au cours des mois qui viennent.

Nous allons déployer un plan spécifique pour aborder la rentrée ; il sera présenté avant l’été. J’ai entendu vos inquiétudes en ce qui concerne l’idée d’attendre le mois de septembre ; vous avez raison, il faut aller vite. Par exemple, pour l’apprentissage, des mesures seront annoncées dès demain, à l’issue d’une rencontre avec les partenaires sociaux. Nous allons évidemment continuer d’avancer sur les autres chantiers et les mesures seront présentées avant l’été.

Voilà pour les grands objectifs, sur lesquels nous reviendrons à l’occasion de cette séance de questions.

Enfin, j’ai entendu votre interrogation principale sur les emplois aidés et les emplois-jeunes.

J’assume les mesures prises sur les emplois aidés. Il y a eu de très belles histoires et de très beaux exemples de jeunes qui ont, grâce à un emploi aidé, réussi à trouver leur voie et à s’insérer, mais ce n’était pas la majorité des cas. Nous devons construire des solutions aidant à la fois le jeune recherchant une insertion durable dans l’emploi et la structure qui le reçoit ; c’est ce que nous avons commencé à faire avec les parcours emploi compétences et c’est ce que nous avons continué de développer avec les emplois francs, en ciblant précisément les quartiers.

Je suis ouvert à toutes les propositions. Je réfléchis en ce moment à des dispositifs de soutien à l’emploi associatif, en lien avec le volet associatif de mes responsabilités, mais cela pourrait tout à fait se croiser avec la préoccupation de l’emploi des jeunes. Il y a là des ponts intéressants à construire dans les semaines à venir ; en tout cas, j’y suis tout à fait disposé.

Je suis sûr que surgiront de nos débats des idées fructueuses pour les mois à venir.

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. M. le secrétaire d’État l’a rappelé, les crises économiques précédentes ont montré combien les jeunes constituent une population fragile, combien ils sont vulnérables face au fléau du chômage, combien ils sont, plus que d’autres, susceptibles de tomber dans le découragement et la crainte de ne pas parvenir à s’insérer dans le monde du travail.

Parmi les dispositifs destinés aux jeunes, le service civique semble particulièrement pertinent pour favoriser l’intégration, pour créer le lien social et pour faire acquérir à nos jeunes des compétences, qu’ils peuvent par la suite valoriser dans le cadre d’une première embauche. Cette année, le service civique a 10 ans et son petit frère, le service national universel, fête, lui, sa première année d’expérimentation.

Ma question est la suivante : peut-on dresser un bilan du service civique depuis son instauration et, surtout, que peut-on dire du service civique et de son rôle au cours de cette période de confinement ? Peut-on envisager un élargissement de ce dispositif, ce qui impliquerait, vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, d’augmenter son budget ? Autrement dit, le service civique peut-il être un élément structurant de l’indispensable accompagnement des jeunes dans l’ère post-Covid-19 ?

Enfin, j’aimerais attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les jeunes en situation de handicap, qui représentent à peine 3 % des volontaires du service civique. Au regard de la précarité et de la fragilité accrue de ces jeunes, un renforcement de leur accès au service civique paraît plus que jamais nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur André Gattolin, je vous remercie de mettre l’accent sur le service civique, qui fête, vous l’avez dit, ses 10 ans cette année. Nous avions prévu un grand moment réunissant 1 000 jeunes du service civique, qui devait se tenir à la fin du mois de mars. Évidemment, nous avons dû le reporter, mais le service civique est un magnifique dispositif, et il faut le dire.

Il a été créé en 2010 et prolongé par la suite, quelles que soient, d’ailleurs, les majorités. Je salue d’ailleurs Patrick Kanner, qui a aussi participé à ce mouvement.

Ce dispositif a été construit pour favoriser l’engagement des jeunes, qui est, on le voit chaque jour, l’une de leurs grandes aspirations. Ce dispositif n’avait pas été conçu comme une brique supplémentaire de l’insertion dans l’emploi, mais il s’est imposé comme un moment permettant aux jeunes de prendre confiance en eux, de découvrir des choses, de développer un certain nombre de compétences, notamment des savoir-être, et d’être valorisés ensuite dans une logique d’insertion dans l’emploi.

En effet, beaucoup d’entreprises et de représentants du patronat estiment aujourd’hui que le service civique est devenu une forme de label sur un CV ; ils considèrent qu’un jeune qui a fait un service civique sait évoluer dans un milieu professionnel et développer des compétences.

Oui, il faut continuer de développer le service civique ; nous y avons investi beaucoup depuis 2017, en renforçant son budget. Cette année, 145 000 à 150 000 jeunes feront une mission de service civique.

Il faut continuer de le faire croître et, pour répondre à votre question, cela peut constituer l’une des réponses à la crise que nous vivons, parce que les jeunes ont envie de s’engager – ils nous l’ont encore montré pendant ce confinement, notamment les jeunes en service civique – et parce que ce moment, même s’il ne constitue pas un emploi rémunéré, est utile et formateur pour l’insertion des jeunes. Nous aurons donc besoin de mobiliser tous les dispositifs pour atteindre l’objectif d’insertion massive dans l’emploi.

Cela dit, je tiens à le préciser, j’accorde une grande importance à la qualité des missions : je l’ai souligné dès ma prise de fonctions, il ne faut pas tomber dans la substitution à l’emploi ni dans des missions qui ne serviraient qu’à occuper les jeunes. Si le service civique a fonctionné, c’est parce que les jeunes sont utiles et se sentent tels. Il faut évidemment poursuivre dans cette voie, et c’est ce à quoi nous travaillons.