Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Tissot, votre approche est tout à fait conforme à ce que j’essaie de mettre en place depuis le premier jour. Pour faire de la rénovation, il y a deux éléments clés : d’une part, l’accompagnement par les collectivités locales, le tissu associatif – par exemple, la fédération Soliha (Solidaires pour l’habitat), qui accomplit un très beau travail –, les agences de l’État comme l’ANAH ; d’autre part, la diminution du reste à charge. Plusieurs d’entre vous ont rappelé que l’accompagnement était nécessaire.

Si j’étais taquin, je dirais qu’entendre le groupe socialiste prôner la prime et non pas le crédit d’impôt me fait sourire, surtout si je me réfère aux propos de l’ancienne ministre de l’écologie Ségolène Royal, qui, après que nous avions créé MaPrimeRénov’, criait au scandale, jugeant horrible que le Gouvernement détricote le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) pour mettre en place une prime.

Or c’est une prime que vous êtes en train de préconiser et vous avez raison de le faire. Lorsque nous avons créé MaPrimeRénov’ pour remplacer le CITE, c’est précisément pour permettre, comme vous le souhaitez, le préfinancement des travaux. Le CITE soulevait de grosses difficultés pour les ménages modestes, qui devaient attendre un an, voire un an et demi, avant d’obtenir ce crédit d’impôt pour des travaux coûtant parfois jusqu’à 10 000 ou 12 000 euros. Comment faire l’avance de trésorerie dans ces conditions ?

La prime présente, elle, l’avantage d’être versée tout de suite, je vous rejoins sur ce point ; c’est bien le cas de MaPrimeRénov’. Cela permet de diminuer le reste à charge en évitant les problèmes de trésorerie. Je suis d’accord avec vous sur les enjeux de la prime.

Monsieur le sénateur, vous appelez aussi à plus de simplicité. Vous avez raison, c’est l’un des sujets sur lesquels il nous faut travailler à coup sûr. Ce chemin partagé est le bon.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec.

M. Philippe Pemezec. Monsieur le ministre, devenir propriétaire de son logement est un excellent moyen de se prémunir contre les aléas de la vie. Cela permet aussi de se constituer un patrimoine et, si on le souhaite, de laisser un héritage à ses enfants.

La faculté donnée aux organismes sociaux de pouvoir vendre une partie de leur patrimoine me paraît un excellent dispositif, d’autant que cela facilite le parcours résidentiel. Pour l’avoir mis en pratique dans ma ville – on a pu vendre plus de 10 % du patrimoine social, il est vrai qu’il y en avait beaucoup puisque l’on est passé de 73 % de logements sociaux à 38 % aujourd’hui –, j’en suis convaincu. En outre, cela crée de la mixité dans le patrimoine social.

Malheureusement, monsieur le ministre, la loi ÉLAN est une véritable usine à gaz ! Tout d’abord, il aura fallu attendre plus d’un an les décrets d’application. Les bailleurs sociaux n’ont donc pas pu vendre et ont perdu beaucoup d’argent – pour l’office des Hauts-de-Seine, cela représente 27 millions d’euros. Par ailleurs, cela a provoqué l’incompréhension des accédants à la propriété.

Au lieu de simplifier le système, on l’a complexifié ; je pense en particulier à la publicité et à la procédure de vente des logements sociaux. Aujourd’hui, pour se porter acquéreur, il faut être le plus rapide et le premier à répondre à une annonce publiée sur une plateforme internet, sans examen préalable des dossiers ni analyse des situations ou de leur degré d’urgence : c’est la règle du premier arrivé premier servi qui prévaut. Voilà qui n’est pas très juste, surtout quand il s’agit de logements sociaux : on enlève un peu d’humanité à cette mise en vente et tout semble se faire sans considération des dossiers, ce qui est assez curieux.

Monsieur le ministre, avez-vous l’intention de simplifier le système qui doit entrer en application au 1er juillet prochain, c’est-à-dire très prochainement ? Il est dommageable que l’administration d’État ait toujours à cœur de complexifier les choses. Par ailleurs, comptez-vous remettre le maire au cœur du dispositif décisionnaire ? Le maire est celui qui connaît le mieux son territoire et sa population, et qui est donc le plus à même de participer à la décision concernant le choix des accédants. Cela permettrait de rendre le système plus juste, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait prêt à tout regarder pour simplifier les procédures. Il s’agit d’un dispositif que j’ai soutenu, parfois contre vents et marées, il faut bien le dire. Autant la vente n’est pas pertinente dans tous les territoires, autant elle peut l’être dans certains territoires et ce que vous avez accompli en est un très bon exemple.

L’objectif de la loi est de rendre le processus plus simple pour les gestionnaires et plus accessible pour les bénéficiaires. Si l’on identifie d’ores et déjà les étapes à modifier pour aller dans ce sens, je suis mille fois preneur de vos suggestions en vue d’apporter des améliorations.

S’il a fallu du temps pour que le décret d’application soit publié, c’est parce qu’il était extrêmement compliqué. Il fallait en effet permettre au bailleur social de vendre, tout en lui laissant la gestion de la copropriété, ce qui revenait à accorder une possibilité nouvelle dans le cadre d’une vente. Dans les faits, l’acquéreur devient propriétaire de son chez-soi, mais, pendant un certain nombre d’années, laisse la gestion de la copropriété au bailleur social, notamment pour l’accompagner dans l’appropriation de l’acte de propriété et, surtout, pour éviter que n’apparaissent des copropriétés dégradées. C’est cette disposition qui a pris le plus de temps. Le reste, y compris l’outil financier qu’est l’Opérateur national des ventes, mis en œuvre par Action Logement dans le cadre d’un accord-cadre signé voilà un an afin de permettre à tous les bailleurs sociaux qui le souhaitaient qu’Action Logement soit le porteur et le financeur du projet, a été mis en place vraiment rapidement.

Pour ce qui concerne la simplification, je suis tout à fait favorable à ce que nous discutions pour, si nécessaire, apporter des modifications.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.

M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le ministre, comme vous le savez, les mêmes mots résonnent sans cesse pour le secteur du bâtiment depuis le début de la crise sanitaire : perte d’activité, perte de productivité, surcoûts importants et persistants, bouleversement des chantiers, décalage des plannings, survie. Le BTP est en effet l’un des secteurs qui a vu son activité se réduire le plus fortement : –88 % au début du mois d’avril dernier, soit le même taux que l’hôtellerie-restauration, alors même qu’il n’a pas fait l’objet d’une fermeture administrative.

La reprise est là, mais progressive et fragile. Des chantiers du bâtiment ont redémarré au cours du mois de mai dernier. Néanmoins, l’activité des entreprises n’a pas encore retrouvé son rythme normal : une entreprise sur trois n’a pas retrouvé un niveau d’activité habituel. Certes, votre gouvernement a pris des mesures de soutien en faveur du bâtiment, telles que les prêts garantis par l’État, l’activité partielle et un fonds de solidarité, mais il n’en reste pas moins que nos entreprises du bâtiment attendent des actes suffisants dans le soutien à l’investissement local et dans la réactivité, dans un contexte où l’instruction des permis de construire s’est arrêtée.

Aussi, les exonérations de charges prévues dans le PLFR 3 doivent être étendues pour que nombre d’entreprises n’ayant pas subi de chute d’activité supérieure à 50 % au cours de la période allant du 1er février au 31 mai soient éligibles. Si ce n’est pas le cas, cette mesure sera d’effet très limité. L’accroissement de la dotation de soutien à l’investissement local est insuffisant : le milliard d’euros fléchés sur l’investissement local dans la transition écologique ne compensera pas les 9 milliards d’euros de baisse de recettes fiscales locales, attendues avant la fin de l’année. En outre, les mesures d’incitation à l’investissement local sont absentes. Enfin, une valorisation du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est primordiale, afin d’inciter à l’investissement local.

Monsieur le ministre, les entreprises du bâtiment et de l’artisanat ont besoin de confiance dans leur relance. Quelles mesures supplémentaires proposez-vous pour susciter cette confiance ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, la priorité, c’est l’emploi : l’emploi, l’emploi, l’emploi ! Pour le préserver, le premier objectif, je l’ai dit, est de protéger les entreprises qui rencontrent actuellement des difficultés. Je n’entre pas dans le détail, vous avez vous-même évoqué plusieurs mesures.

Nous avons déposé trois textes juridiques sur le logement durant la période d’urgence sanitaire. Nous avons également rédigé plusieurs guides sanitaires. Enfin, nous nous sommes beaucoup occupés des questions de surcoût – elles continuent d’ailleurs de nous occuper – dans les commandes publiques et privées.

Le deuxième objectif est d’éviter un trou d’air à l’automne. Pour cela, je ne cesserai de le répéter, il faut favoriser les commandes. Tel est le but de l’augmentation d’un milliard d’euros de la DSIL, par exemple. Les instructions que je donne à mes équipes vont dans ce sens.

À cet égard, les services de l’État ou de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) jouent un rôle de facilitateurs partout sur les territoires. Il ne faut absolument pas remettre à demain les projets qui peuvent se faire aujourd’hui, surtout que l’année 2020 aura été plus que singulière pour le secteur du bâtiment. Ce dernier aura en effet connu le premier tour des élections municipales, puis la période d’urgence sanitaire, le second tour des municipales, la reprise et la relance. Force est d’admettre que l’année a été assez compliquée.

Le troisième objectif, c’est la relance. Un certain nombre de mesures devront être décidées. Je pense à la rénovation énergétique des bâtiments, au soutien à la construction, dans une perspective d’aménagement du territoire, comme cela a été dit.

Ces trois objectifs sont indissociables, ils constituent les éléments d’une même chaîne. Il est très important de réussir chacune de ces étapes.

Autrement dit, si on passe directement du soutien, de la protection, à la relance, sans faire en sorte d’éviter un trou d’air à l’automne en favorisant dès aujourd’hui la commande, de multiples PME et ETI courent à la catastrophe dans de nombreux territoires ruraux. Les entreprises comptant quelques dizaines de salariés n’ont pas un carnet de commandes rempli pour les deux prochaines années.

Ces trois objectifs guident notre action depuis le premier jour. Nous allons continuer dans ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.

M. Jean-Marc Boyer. Pour éviter le trou d’air, monsieur le ministre, et pour contrebalancer les effets de cette crise sanitaire, il convient d’annuler les charges sociales patronales, comme le demandent de très nombreuses entreprises du BTP. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.)

Si la filière peut supporter un quart du surcoût, des annulations de charges doivent être étalées sur huit mois pour le bâtiment et dix mois pour les travaux publics. De telles mesures me paraissent essentielles et doivent être prises de façon urgente pour les entreprises de ces secteurs.

Enfin, je pense qu’une lecture intelligente et souple doit être faite des normes lors de l’instruction des permis de construire. Les attentes sont réelles à cet égard.

M. Julien Denormandie, ministre. Exactement !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher.

M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, la relance dans le bâtiment, on l’a dit, est effectivement une urgence pour notre économie. Pour aller plus vite, il faut réduire les délais d’instruction. C’est là un sujet majeur.

Aujourd’hui – hélas ! –, que ce soit dans le secteur du logement social, du logement individuel, mais aussi pour les entreprises, les temps d’instruction se font en séquentiel, ce qui constitue autant d’opportunités pour les grincheux d’intenter des recours et d’allonger les délais de réalisation des projets.

Dans certaines régions de France, que je ne citerai pas, certains en font même un métier : ils menacent d’intenter des recours pour toucher un peu d’argent s’ils y renoncent. C’est bien connu, et des bailleurs et des promoteurs s’en plaignent.

Pourrait-on réduire ces temps pour aller plus vite ?

Aujourd’hui, de nombreux propriétaires sont prêts à rénover énergétiquement leur maison individuelle. Tout le monde est dans l’attente. Les commerciaux ont leurs carnets de commandes pleins, les ouvriers attendent l’arme au pied. De nouveaux dispositifs sont attendus dans le projet de loi de finances pour 2021. Or la relance, c’est maintenant ! Il faut indiquer une direction, prendre de véritables mesures.

Les publicités que l’on voit fleurir partout vantant le dispositif de rénovation à zéro euro sont mensongères. Les entreprises nous le disent, il y a un reste à charge, vous en avez d’ailleurs parlé, monsieur le ministre. Il faut trouver une solution. Le coût n’est pas le même partout en France. Peut-être faudrait-il décentraliser certaines aides au lieu de tout décider à Paris ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Jérôme Bascher, vous avez tout d’abord évoqué le problème des recours. J’aimerais, si vous m’y autorisez, prendre à témoin l’ancien ministre Marc-Philippe Daubresse sur cette question.

Souvenez-vous, nous avons beaucoup discuté de cette question lors de l’examen de la loi ÉLAN.

M. Julien Denormandie, ministre. Un décret a été pris permettant de cristalliser les moyens, de passer directement à une autre juridiction.

Je m’engage à faire tout ce qui peut être fait pour lutter contre les recours abusifs. Pour l’instant, toutes les propositions qui m’ont été faites ont été inscrites dans la loi ÉLAN ou dans ce décret. Si nous pouvons faire d’autres choses, je suis prêt à en discuter avec vous.

Ce que je constate en revanche, c’est que ce fameux décret n’est pas suffisamment connu des acteurs de l’immobilier sur le terrain. Je pense que nous devons communiquer sur ce sujet.

J’en viens à votre seconde question. La préemption des nouvelles aides pose problème. Pour ma part, je suis très attaché, c’est peut-être très « ancien monde »… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Tout arrive, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Julien Denormandie, ministre. Oui, tout arrive ! (Nouveaux sourires.)

Je suis très attaché à la stabilité, notamment à la stabilité fiscale. À cet égard, j’ai pris l’engagement il y a trois ans de gréer le dispositif Pinel et le prêt à taux zéro. Nous avons d’ores et déjà annoncé MaPrimeRénov’. Je l’ai dit, il faut rester campé sur ses appuis et capitaliser sur l’existant. MaPrimeRénov’, aujourd’hui, c’est notre marqueur. C’est elle qu’il faut renforcer. Beaucoup de ménages savent qu’elle existe, nous avons fait en sorte qu’elle fonctionne pendant le confinement. Je le dis donc très clairement : utilisez massivement MaPrimeRénov’. La Convention citoyenne pour le climat a d’ailleurs salué sa création.

Pour finir, j’évoquerai la décentralisation. La contractualisation territoriale sur le logement est pour moi un véritable chantier, très complexe, on le sait. Plus les dispositifs sont adaptés aux territoires, mieux c’est. Le Denormandie dans l’ancien est l’un des premiers dispositifs fiscaux qui part du projet territorial et qui n’est pas zoné. C’est ce qu’il faut faire. C’est d’ailleurs ce à quoi s’attelle la ministre Jacqueline Gourault dans son projet de loi.

Puisque cette question est la dernière à laquelle j’ai à répondre, j’en profite pour tous vous remercier du beau débat que nous avons eu cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. Permettez-moi d’aborder un dernier point, monsieur le ministre, et de vous faire une proposition.

Certaines entreprises de rénovation proposent aux particuliers de leur fournir une ingénierie financière avec des montages compliqués qui sont souvent des arnaques. Il faudrait que la Banque publique d’investissement (Bpifrance) et la Banque des territoires puissent faire des avances de trésorerie aux entreprises sérieuses, celles qui ne font pas de montages, afin que ces dernières puissent être effectivement payées. Les aides d’État, qu’il s’agisse d’une prime ou d’un crédit d’impôt, pourraient ensuite être versées directement à ces banques.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe auteur de la demande.

M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour de saluer la qualité de ce débat.

Pour avoir, comme vous, monsieur le ministre, participé à de nombreux débats sur le logement dans de multiples enceintes, je puis vous assurer que les débats du Sénat, hier et aujourd’hui, sont de la meilleure qualité. C’est ici, sur nos travées, que les propositions sont les plus riches. Je le dis non pas parce que je siège dans cette assemblée, mais, je le répète, parce que j’ai participé ailleurs à de nombreux débats. Il est important qu’un ministre écoute les propositions des uns et des autres.

M. Julien Denormandie, ministre. Bien sûr !

M. Marc-Philippe Daubresse. La situation du secteur de l’immobilier, chacun l’a dit ici, est d’une gravité extrême. Les chiffres dont nous disposons, monsieur le ministre, proviennent du secteur privé, non de votre ministère. Ils portent sur les trois mois impactés par la crise.

Les crédits immobiliers sont en recul de 40 %, les achats de logements anciens réalisés par les particuliers sont en chute de 62 %, les ventes des constructeurs de maisons individuelles sont en repli de 51 %. J’en passe et des meilleures…

Ces chiffres, vous ne les avez pas eus à temps, monsieur le ministre. Je le dis parce que Marie-Noëlle Lienemann, moi et d’autres avons connu cette situation. Il est très difficile pour un ministre d’infléchir la barre d’un bateau ayant une très grande inertie s’il ne dispose pas des chiffres à temps, en tout cas suffisamment tôt.

Rappelons-nous que, trois mois après le déclenchement de la crise des subprimes, un plan de relance de la primo-accession à la propriété dans le neuf avait été engagé sous l’impulsion de François Fillon et de Nicolas Sarkozy, après son discours de Toulon. Ont alors été décidés la vente de logements HLM en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement), le dispositif Scellier, la relance de l’accession sociale à la propriété et du logement social. Tout cela avait alors pris quatre mois.

J’ai vérifié les décrets : alors que j’avais été sollicité sur ces sujets en septembre de l’année 2008, les décrets ont été signés en décembre de cette même année. Une série de mesures ont été prises et ont constitué un véritable plan de relance du secteur du logement. De même, des mesures ont été prises pour le bâtiment, je pense aux dispositifs Devedjian.

Cette fois-ci, quatre mois après le début de la crise, on commence seulement à se préoccuper d’un plan pour le bâtiment ! J’espère que l’administration des finances – je ne vous en fais pas grief à vous, monsieur le ministre –, qui, de fait, pilote la récession du secteur du logement depuis deux ans et prend des mesures insoutenables, notamment pour le logement social, ne viendra pas raboter toutes les propositions que vous ferez.

Le problème dans notre État hypercentralisé est que Bercy est à la manœuvre dans presque tous les domaines. En ajoutant de la crise à la crise, l’inertie actuelle conduira à une situation ingérable.

Le débat de cet après-midi l’a montré, notre commission des affaires économiques, par la voix de Dominique Estrosi Sassone, l’a justement rappelé : un plan de relance est incontournable pour construire plus, plus durable et plus abordable.

Un tel plan doit être fondé sur quatre piliers.

Il s’agit, premièrement, de la rapidité d’exécution : le temps, c’est de l’argent, cela a été dit.

Il s’agit, deuxièmement, de la solvabilisation des ménages : on parle de la relance par l’offre, mais le sujet majeur aujourd’hui, c’est la solvabilisation des ménages, asphyxiés par la crise du Covid-19.

Il s’agit, troisièmement, de l’accès au confort des logements dans tous les territoires, pas seulement dans les plus grandes métropoles urbaines ; le secteur du bâtiment, qui représente 2 millions d’emplois et 500 000 entreprises, est non délocalisable.

Il s’agit, quatrièmement, Dominique Estrosi Sassone l’a dit, de faire revenir les investisseurs institutionnels dans le secteur du logement, notamment en accélérant les délais et les conversions de bureaux en logements.

Vous avez dit à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que, si rien ne repart, c’est parce que les banques ne font pas preuve de bonne volonté. (M. le ministre fait un geste de dénégation.) C’est un peu facile ! N’est-ce pas le ministre de l’économie et des finances qui a décidé en décembre 2019 de limiter le financement par les banques des projets immobiliers des ménages, notamment de nombreux jeunes ménages ? Aucun argument solide n’a pu être présenté à l’appui de cette décision.

Chacun, ici, peut citer le cas de jeunes ménages dans son département qui souhaitent accéder à la propriété, dont les dossiers sont conformes à toutes les règles, mais à qui les banques refusent un prêt.

Sophie Primas, Dominique Estrosi Sassone et Annie Guillemot l’ont dit : il faut organiser un « Ségur du logement ». C’est une bonne proposition. Nous ne pourrons pas éternellement nous contenter de rafistoler les dispositifs existants.

Nous proposons donc tout d’abord que les fameuses recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) soient mises en sommeil, au moins le temps de la reprise complète de l’économie, en particulier dans le secteur du logement.

Nous proposons ensuite de nous engager dans la voie de la numérisation – c’est un impératif – afin d’accélérer la relance. Il faut repenser les modes de travail et non pas simplement numériser les procédures. Il faut passer d’un système de contrôle bureaucratique a priori à des systèmes de contrôle a posteriori.

M. Marc-Philippe Daubresse. De nombreux bailleurs sociaux m’ont dit être toujours soumis à des règles tatillonnes pour l’obtention des agréments pour leurs logements sociaux. Ces règles entraînent un allongement des délais. Ces bailleurs ayant pignon sur rue, un contrôle a posteriori serait pourtant suffisant et préférable à ces mesures bureaucratiques centralisatrices qui empêchent d’aller vite ! (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Annie Guillemot applaudissent.)

Cette proposition vaut pour les agréments, mais aussi pour les autorisations d’urbanisme, la signature des conventions APL, etc. Vous connaissez l’ingénierie…

Nous demandons par ailleurs, comme je l’avais déjà proposé dans la loi ÉLAN, un véritable moratoire de cinq ans sur l’inflation normative, afin d’alléger les contraintes et les PLU superfétatoires pour la réalisation de logements sociaux, en accession sociale ou en location-accession notamment.

La réduction d’un mois des délais de livraison de 100 000 logements sociaux neufs permet aux bailleurs de réaliser un gain de 50 millions d’euros. C’est autant de pouvoir d’achat supplémentaire, voire plus, pour les locataires. Il faut y penser !

La crise actuelle nécessite de prendre des mesures d’assouplissement de la commande publique, vous le savez aussi.

On pourrait reprendre aujourd’hui le dispositif, appelé CQFD – pour coûts, qualité, fiabilité, délais –,…

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Marc-Philippe Daubresse. … que j’avais mis au point à une époque.

Enfin, notre groupe propose quatre pistes d’action pour faire face spécifiquement à la crise.

Pour l’accession sociale, nous proposons d’élargir la garantie de l’État sur les prêts immobiliers et de créer un nouveau produit de propriété à mensualités modérées, qui tire les leçons du Covid-19.

Pour les villes moyennes, nous proposons d’aller beaucoup plus loin dans l’opération Action cœur de ville. L’ANAH pourrait mobiliser un nouveau grand emprunt. Elle l’a fait lorsque j’en étais le président, du temps d’Alain Juppé et de Michel Rocard.

Enfin, nous proposons de favoriser les logements performants par une fiscalité verte – Dominique Estrosi Sassone en a parlé –, notamment en dopant l’investissement locatif privé.

Nous avons beaucoup parlé des logements. Plus largement, dans le secteur du bâtiment, on pourrait reprendre les dispositifs Devedjian, qui avaient fonctionné : 1 000 chantiers, 20 000 collectivités avaient été labellisés par le préfet, par le maire, et non pas par des niveaux plus hauts, à hauteur de 50 milliards d’euros. C’est la jauge, monsieur le ministre.

Mme Annie Guillemot. Tout à fait !

M. Marc-Philippe Daubresse. Bien sûr, des remboursements anticipés du FCTVA doivent être prévus.

Mme la présidente. Vous avez très largement dépassé votre temps de parole !

M. Marc-Philippe Daubresse. Je finis, madame la présidente.

Monsieur le ministre, voilà ce que serait pour moi un véritable plan de relance du logement. Vous l’avez compris, nous sommes tous à votre disposition, sur toutes nos travées, pour y contribuer. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation du logement et du bâtiment.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)