M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen en première lecture des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie. Il s’agit de deux textes ambitieux et nécessaires, alors que la crise sanitaire et économique que nous traversons jette une lumière crue, à peine atténuée par l’engagement sans faille du personnel soignant, sur les limites et les faiblesses de notre système de santé.

Cette crise a balayé d’un revers de main l’espoir de voir se résorber, d’ici à quatre ans, une dette sociale composée des déficits cumulés des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et disparaître avec elle la caisse chargée de son amortissement, la Cades.

Créée par l’ordonnance du 24 janvier 1996 pour une durée initiale de treize ans, la Cades a vu son existence prolongée à plusieurs reprises au rythme des transferts et des reprises de dette. La dernière en date remonte à 2010 après que la crise financière de 2008 a incité le gouvernement d’alors à transférer 130 milliards d’euros de dettes supplémentaires et à retarder son extinction de quatre ans.

La pandémie de covid-19 et les mesures de confinement mises en œuvre pour en limiter la progression ont provoqué à la fois un effondrement des recettes et une hausse des dépenses comme rarement – si ce n’est jamais – auparavant. Pour sécuriser durablement le paiement des pensions et des prestations, une reprise par la Cades de la dette de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’Acoss, qui n’a pas vocation à porter de tels déficits, est donc inévitable.

L’article 1er du projet de loi ordinaire relatif à la dette sociale et à l’autonomie prévoyait ainsi un nouveau transfert de dette pour un total de 136 milliards d’euros : 31 milliards d’euros de déficits cumulés jusqu’en 2019, 92 milliards d’euros au titre des déficits prévisionnels pour les exercices 2020 à 2023 et 13 milliards d’euros au titre de la reprise d’un tiers de la dette des établissements participant au service public hospitalier.

L’article 1er du projet de loi organique, quant à lui, prolonge jusqu’en 2033, c’est-à-dire pour neuf années supplémentaires, la durée de vie de la Cades, ainsi que la mobilisation de ses recettes, à savoir la CRDS, une fraction de la CSG et une contribution du Fonds de réserve pour les retraites.

Les textes adoptés par l’Assemblée nationale ont été partiellement modifiés lors de leur passage en commission. Parce qu’elle estimait que la prise en charge d’une partie de la dette des hôpitaux par la Cades devait incomber à l’État, la commission des affaires sociales est revenue sur cette disposition.

Le débat est évidemment légitime et méritait d’être posé. Il ne nous semble cependant pas incohérent qu’une partie de la dette des établissements de santé soit considérée comme une dette sociale, dès lors que ce sont les caisses primaires d’assurance maladie qui les financent en grande partie.

Il serait faux par ailleurs de considérer que les investissements réalisés ne l’ont été que dans l’immobilier. Pendant des années, en effet, les établissements de santé ont été encouragés à emprunter auprès des banques pour financer leurs besoins en raison d’un Ondam contraint. En effectuant ce transfert de dette dès 2021, les établissements de santé retrouveraient de la visibilité et des marges de manœuvre, ce qui leur fait actuellement défaut.

Notre groupe, attaché à cette opération de bonne gestion financière, a déposé un amendement visant à réaffecter une partie de la dette des hôpitaux à la Cades. Nous aurons, mes chers collègues, l’occasion d’en débattre dans quelques instants.

Ces deux projets de loi ouvrent en outre la porte à la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale – et d’un nouveau risque donc – consacrée à la prise en charge de l’autonomie. Cette réforme, attendue de longue date par les professionnels de santé, est une avancée sociale majeure qu’il nous faut saluer : elle offrira une ossature aux politiques existantes, favorisera la mise en œuvre de nouvelles mesures et encouragera une approche plus préventive de l’autonomie.

Dès 2024, date à laquelle s’achèvera l’amortissement de la dette reprise par la Cades en 2010, une fraction de la CSG sera réorientée vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, majorant ainsi son financement à hauteur de 2,3 milliards d’euros.

Le secrétaire d’État, Adrien Taquet, l’a rappelé : en 2040, près de 15 % de la population, soit environ 10,5 millions de personnes, auront plus de soixante-quinze ans. C’est deux fois plus qu’aujourd’hui.

Les précédents gouvernements avaient esquissé, sous des formes variées et avec des succès divers, les contours de la prise en charge de ce nouveau risque. Nous voici désormais à l’aube d’une réforme d’envergure que viendront compléter à l’automne la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et, dans le courant de l’année prochaine, un projet de loi consacré au grand âge et à l’autonomie que nous souhaitons ambitieux.

Nous nous félicitons également de l’adoption en commission de notre amendement visant à intégrer les associations de personnes en situation de handicap au sein des concertations que mènera, dans le cadre de sa mission, M. Laurent Vachey. Cette réforme ne doit, en effet, et en aucun cas, omettre la question du handicap.

Les conclusions de cette mission feront l’objet d’un rapport, remis en septembre prochain au Parlement, sur les conditions de création d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche de la sécurité sociale. Il précisera notamment les conditions de leur financement à court terme.

Cette réforme, faut-il le rappeler, est scrutée avec attention dans des territoires d’outre-mer vieillissants. En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, la part des personnes âgées de plus de 65 ans a été multipliée par 1,5 entre 1999 et 2014 et devrait continuer à croître dans les années à venir. Selon l’Insee, cette part devrait ainsi doubler dans les Antilles d’ici à 2030, pour représenter près de 30 % de la population.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parce qu’une meilleure prise en charge de l’autonomie ne saurait attendre, parce qu’il y voit une avancée sociale majeure, le groupe La République En Marche votera en faveur des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, sous réserve évidemment de l’adoption de son amendement relatif à la prise en charge de la dette des hôpitaux. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après les différents projets de loi sur l’état d’urgence sanitaire et leur flot d’ordonnances, et alors que nous sortons tout juste d’un épisode particulièrement traumatisant pour nos concitoyennes et nos concitoyens, les deux projets de loi organique et ordinaire qui nous sont soumis vont ni plus ni moins que plomber pour des années notre système de protection sociale.

Alors que la sécurité sociale soldait son déficit, au prix d’une compression de ses dépenses depuis plusieurs années, voilà que vous lui faites porter un nouveau fardeau immensément lourd – 136 milliards d’euros –, et ce de façon totalement injuste. En effet, comment justifier que cette somme, correspondant en grande partie à la dette liée au covid-19, soit transférée à la Cades et pas reprise par l’État ? Comment justifier que ces 136 milliards d’euros vont être, en réalité, supportés et financés par les contribuables à travers la CSG et la CRDS, dont on sait pertinemment que ce ne sont pas des impôts progressifs ?

Le Gouvernement, face à une situation d’ampleur exceptionnelle, fait le choix de se défausser et de confier ce gouffre financier à un organisme social. C’est d’autant plus insupportable que ces 136 milliards d’euros sont dus en grande partie au confinement généralisé de la population pendant deux mois, ce qui ne relève absolument pas de la responsabilité de la Cades.

Si la pandémie explique pour une part ce confinement, la décision prise s’explique, au fond, par la tension qui pesait sur notre système hospitalier et son incapacité à faire face à l’afflux des patients. Or cette réalité douloureuse est la résultante de choix politiques assumés par le Gouvernement et ceux qui l’ont précédé : 10 milliards d’euros de restrictions budgétaires draconiennes en sept ans, réalisées sur le dos des hôpitaux, des milliers de lits fermés, des suppressions d’emplois à tour de bras.

Mais regardons de plus près comment se déclinent ces 136 milliards d’euros de dette : une partie, à savoir 13 milliards d’euros, provient de la dette hospitalière. Or, sur la quasi-totalité des travées de la Haute Assemblée, nous sommes d’accord : les dépenses d’investissement des hôpitaux relèvent de l’État, et non de la sécurité sociale. Certes, notre commission des affaires sociales a supprimé ce dispositif, mais permettez-moi de dénoncer à la fois les mensonges du Gouvernement et son tour de passe-passe. En novembre dernier, le Premier ministre, après plus de neuf mois de grève de l’ensemble des services d’urgence de France, avait annoncé la reprise d’un tiers de la dette des hôpitaux par l’État et non par la sécurité sociale, comme vous vous apprêtez à le faire.

Si je résume : vous transférez aux hôpitaux la dette que vous étiez censé reprendre à ces mêmes hôpitaux ! Encore une fois, alors que la Cades est alimentée par la CRDS et la CSG, nous considérons que ce n’est pas à nos concitoyennes et nos concitoyens de payer la crise liée au covid-19 ni les dettes hospitalières fabriquées par les gouvernements successifs. D’autant que, comme on l’a rappelé, les conditions dans lesquelles la Cades peut emprunter sont bien moins favorables que celles de l’État. C’est donc un choix aberrant économiquement, sauf à justifier de futures restrictions budgétaires. Alors que la crise sanitaire a démontré qu’il était plus que jamais indispensable de consolider notre système de protection sociale, vous lui imposez, une fois encore, une surcharge financière indue et mortifère.

Pour faire passer ce mauvais coup, vous faites semblant de tirer des leçons de la crise vécue par les personnes en perte d’autonomie dans les Ehpad ou à domicile. Vous allez donc créer une cinquième branche de la sécurité sociale. Mais pour quoi faire, monsieur le secrétaire d’État ?

La sécurité sociale a été créée en 1945 par Ambroise Croizat et Pierre Laroque : c’est un système de protection sociale qui couvre toute une vie, de la naissance à la mort, avec tous ses aléas. De notre côté, nous considérons que la perte d’autonomie, que ce soient les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées, est liée à l’état de santé et, donc, que les dépenses doivent relever d’une branche existante, celle de l’assurance maladie.

J’en profite d’ailleurs pour redire, ici, que nous soutenons la prise en charge à 100 % de l’ensemble des soins des assurés sociaux, avec les financements nécessaires pour y parvenir. Nous proposons que la branche maladie prenne en charge la perte d’autonomie, d’autant plus que cette branche est financée par les cotisations sociales, et non par l’impôt, comme vous semblez vouloir le faire dans votre projet de loi, même si tout cela est encore très flou.

Nous nous opposons à cette fiscalisation et à cette privatisation de la sécurité sociale, tout comme nous nous opposons à la non-compensation par l’État des exonérations de cotisations. Pour rappel, vous avez voté 66 milliards d’euros d’allégements l’an dernier, soit la moitié pile de la dette que vous appelez « sociale ».

Bien entendu, nous ne sommes pas pour le statu quo. À l’inverse de cette cinquième branche qui dénature notre modèle social, nous proposons, comme l’a expliqué ma collègue Cathy Apourceau-Poly, la création d’un grand service public national de la perte d’autonomie et de l’accompagnement, incluant les établissements médico-sociaux et les aides à domicile. Ce service public national aurait pour vocation de revaloriser tous ces métiers, dont chacun a enfin pris conscience de l’importance durant la pandémie. Tous ces salariés, majoritairement des femmes, d’ordinaire invisibilisés et maltraités par la société, ont fait tourner le pays en étant en première ligne pendant le confinement.

Comment votre cinquième branche, dont nous débattrons à nouveau lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, pourrait-elle prendre réellement en compte l’ensemble des personnels exerçant des métiers d’aide à la personne, quand on voit le faible financement annoncé, à savoir 2,3 milliards d’euros à l’horizon de 2024 ? Permettez-moi de citer le rapport Libault, qui a notamment souligné combien les enjeux liés au grand âge étaient exponentiels et estimé à 10 milliards d’euros le besoin de ressources supplémentaires en 2030.

Pour répondre à ces défis, la sécurité sociale a besoin de financements, de recettes nouvelles.

Monsieur le secrétaire d’État, inspirez-vous des propositions figurant dans notre proposition de loi portant mesures d’urgence pour la santé et les hôpitaux, élaborée avec des professionnels de la santé et du secteur médico-social, des syndicalistes, des usagers et des membres des directions, lors de notre tour de France des hôpitaux et des Ehpad.

Il est temps de changer d’orientation politique et d’écouter celles et ceux qui sauvent des vies, s’occupent de nos aînés. Ils ne réclament ni médailles ni chèques-vacances, mais la reconnaissance de leur métier. Ils veulent qu’on les respecte, ainsi que leurs patients.

Le temps presse, parce que la prise en charge de nos aînés est un marché juteux et que le secteur assurantiel est déjà sur les rangs pour financer cette cinquième branche. Ce n’est pas notre conception, vous l’aurez compris : nous sommes profondément hostiles à la marchandisation des services à la personne et de notre système de protection sociale. Vous ne serez donc pas surpris si notre groupe vote contre ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les projets de loi que nous examinons aujourd’hui visent deux objectifs bien distincts.

Premièrement, il s’agit de trouver une solution de moyen terme aux besoins urgents de financement de la sécurité sociale. Ses comptes ont été gravement déséquilibrés par l’épidémie de covid-19, qui a nécessité d’établir comme traitement un confinement qui a entraîné une baisse des recettes et une hausse des dépenses.

Il convient de sécuriser le fonctionnement de l’Acoss en transférant le montant de 136 milliards d’euros à la Cades. La commission des affaires sociales a souhaité soustraire de ce montant le tiers de la dette hospitalière, c’est-à-dire 13 milliards d’euros, considérant que ces dépenses relevaient de la responsabilité de l’État. C’est vrai que, avec un Ondam à 2 %, l’hôpital ne pouvait pas prendre en charge ses investissements. Comme l’a dit le rapporteur, il s’agit de toute façon d’investissements immobiliers de l’État.

Deuxièmement, il s’agit de préparer l’avenir de la sécurité sociale à travers la création d’une cinquième branche consacrée à l’autonomie. Cette disposition est la première pierre que nous posons pour la prochaine réforme du grand âge, qui permettra à notre société de s’adapter au vieillissement de la population, de prévenir et de traiter la perte d’autonomie, ce qui n’était pas du tout le cas avec la loi ASV de 2015.

Il est d’ores et déjà prévu d’attribuer une fraction de la CSG à la CNSA, soit un total de 2,3 milliards d’euros à compter de 2024. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, il faudra financer la branche dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

J’aimerais, dans la perspective de la prochaine réforme de l’autonomie, rappeler quelques points importants, ce qui me paraît souhaitable.

Tout d’abord, les politiques de prise en charge de la dépendance relèvent du principe d’égalité territoriale et doivent être financées par la solidarité nationale – je me réjouis donc de la création de cette cinquième branche. Cela permettra de payer la totalité des aides-soignants, dont le salaire était pris en charge jusqu’à présent à hauteur de 30 % par les conseils départementaux.

Ensuite, il conviendrait de fusionner les sections tarifaires de la dépendance et des soins au niveau des Ehpad. Il ne resterait que deux sections : l’une, versée par la sécurité sociale, qui comprendrait le budget « soins » et le budget « dépendance », l’autre consacrée à l’hébergement, contrôlée par le conseil départemental.

Après la fusion des sections tarifaires « soins » et « dépendance », il conviendrait de faire du conseil départemental l’unique responsable de la gestion de l’ensemble de l’offre médico-sociale en Ehpad, avec la conclusion d’une délégation en matière de soins et d’autonomie de l’ARS au conseil départemental.

À domicile, l’ARS aurait pour rôle de contrôler les acteurs médico-sociaux et des missions d’inspection. Le département gérerait les Ssiad en plus des services d’aide et d’accompagnement à domicile, qui relèvent déjà de sa compétence. Tout cela contribuerait à une meilleure coordination entre tous les intervenants à domicile, qui seront alors sous la responsabilité du département.

La mise en place d’un service départemental des aînés et des aidants, avec une déclinaison territoriale par canton, permettrait d’instaurer une équité et un guichet unique de coordination des intervenants à domicile auprès des personnes âgées dépendantes. Cela permettrait de renforcer la prévention, mais aussi de coordonner tous les intervenants à domicile et de prévoir les sorties d’hospitalisation en amont.

Par ailleurs, il convient de veiller à l’amélioration des conditions de travail en établissement, en créant plus d’emplois et en valorisant les professions d’infirmier et d’aide-soignant. Cela passera par la revalorisation des salaires, comme le ministre de la santé l’envisage, à hauteur de 6 milliards d’euros, ainsi que par un grand plan national de formation. En effet, la VAE est insuffisamment connue et l’apprentissage peu développé. Nous allons gravement manquer d’infirmiers et d’aides-soignants.

Vu le manque de personnel et la grande dépendance physique et cognitive des pensionnaires en Ehpad, accentuée par la pandémie de covid-19, il est nécessaire d’accroître le nombre d’emplois pour parvenir le plus rapidement possible à un taux d’encadrement de 0,7 à 0,8 employé par pensionnaire. Ce taux s’élève actuellement à 0,6, ce qui ne permet pas une prise en charge correcte de nos aînés.

L’augmentation de 20 % du personnel doit se faire au niveau des aides-soignants et des infirmiers de manière progressive. Cela doit débuter dès 2021, et non en 2024 avec une enveloppe de 2,3 milliards d’euros seulement, comme le prévoit le projet de loi. Il faut débuter en 2021 pour que le financement atteigne 6 milliards d’euros en 2024. La hausse des effectifs aurait bien sûr dû débuter il y a de très nombreuses années. Je voudrais rappeler que Philippe Bas, ministre de la santé de Jacques Chirac en 2006, préconisait de parvenir à un taux d’encadrement d’un employé par pensionnaire en 2012.

Enfin, la crise sanitaire a encore davantage mis en évidence la très grande fragilité et la précarité du secteur du maintien à domicile. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, serait-il nécessaire de trouver de nouvelles ressources pour pérenniser le personnel des services d’aide à domicile.

Notre groupe votera ces projets de loi.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mes premiers mots iront aux rapporteurs, que je tiens à remercier et à féliciter. J’aurai également un mot particulier pour le rapporteur de la commission des affaires sociales, qui est un expert des questions de financement et qui est aussi toujours à la recherche d’une forme de sagesse et d’équilibre. Qu’il en soit remercié.

Ma collègue Jocelyne Guidez abordera la question de l’autonomie. Pour ma part, je traiterai celle du financement de notre dette sociale, qui est une problématique majeure pour notre pays, une forme de nasse dans laquelle nous nous trouvons et de laquelle nous avons des difficultés à sortir.

Avec ce texte, vous proposez d’alourdir de 136 milliards d’euros la dette de la Cades. C’est une somme considérable qui, naturellement, nous interpelle.

À sa création, en 1996, la Cades avait pour objectif de rembourser la dette accumulée par la sécurité sociale à l’échéance de 2009. Nos prédécesseurs avaient même créé un prélèvement dédié – la contribution pour le remboursement de la dette sociale –, avec promesse à nos concitoyens qu’il serait temporaire.

Nous avons cru, en adoptant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, que la dette sociale pourrait être remboursée dans les prochaines années et que la CRDS pourrait même être supprimée. Mais, comme l’a souligné le rapporteur, tel Sisyphe avec son rocher, tous nos efforts ont été réduits à néant.

Mes chers collègues, notre système est devenu trop complexe – on parle d’ailleurs de la « tuyauterie » du projet de loi de financement de la sécurité sociale. De nombreux acteurs s’enchevêtrent dont les rôles initiaux n’étaient pas ceux qu’ils sont aujourd’hui : État, assurance maladie, CNSA, conseils départementaux… À cet égard, l’audition du professeur Pellet était très intéressante.

Il faut redonner de la simplicité et de la lisibilité à notre protection sociale. Je suis convaincu que cela lui redonnerait aussi de l’efficacité. C’est la raison pour laquelle notre groupe partage les deux principales orientations proposées par notre rapporteur : le refus du transfert d’une dette immobilière hospitalière de 13 milliards d’euros dont l’État doit assumer la charge et la mise en place d’une « règle d’or » pour couper le robinet alimentant la dette sociale.

La première orientation s’explique simplement : la dette hospitalière a servi à financer des investissements qui appartiennent à l’État. Or la Cades n’a pas été conçue pour cela, mais pour amortir les déficits de financement de la branche maladie. Les dépenses de l’assurance maladie étant des dépenses de transfert, mettre la dette hospitalière à la charge de la Cades aurait pour effet de modifier la nature de cette caisse. Je ne pense pas que ce soit souhaitable.

En outre, comme cela a été souligné, l’État a la possibilité de contracter des emprunts à très long terme, jusqu’à trente ans, ce que ne peut faire la Cades, et à meilleur taux. C’est à lui qu’il revient de prendre en charge la dette hospitalière et non à la Cades. Je soutiens pleinement l’amendement de notre rapporteur en ce sens.

En ce qui concerne la règle d’or, les textes actuels prévoient que le législateur peut autoriser un régime à recourir à des ressources non permanentes, telles que l’emprunt, mais uniquement pour satisfaire des besoins de trésorerie et non pour couvrir des besoins de financement. Il faut appliquer ces dispositions plus strictement.

Cela étant dit, je comprends que la question de l’assouplissement des règles de gestion en cas de crise exceptionnelle comme celle que nous vivons puisse se poser. Toutefois, ce n’est assurément pas à la Cades d’en supporter la charge.

C’est notre rôle de parlementaire que de nous assurer que la règle d’or est respectée et de ne pas faire porter aux générations futures nos dépenses présentes de fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’on fait un petit retour en arrière, on s’aperçoit que la commission des affaires sociales et la Mecss mettent en garde de manière récurrente depuis plusieurs années leurs interlocuteurs – sécurité sociale, Acoss, Cour des comptes, gouvernement… – sur le risque de maintenir un stock de dette à l’Acoss, eu égard au délai d’expiration de la Cades, et sur les transferts permanents d’exonérations de cotisations et de charges décidées unilatéralement par l’État en matière sociale qu’il fait supporter aux caisses de sécurité sociale. Nous l’avons dit des dizaines de fois.

Ainsi, le 26 juin 2019, lors de son audition, Gérald Darmanin nous annonçait qu’il n’était pas certain que l’État rembourse à la sécurité sociale les 2,5 milliards d’euros de « cadeaux sociaux » consentis à l’occasion de la crise des « gilets jaunes ». L’usage a montré qu’ils n’ont pas été remboursés.

Le 15 octobre 2019, j’appelais de nouveau l’attention de Mme Buzyn et de M. Dussopt sur les risques que nous encourrions. S’ils ne m’opposèrent pas une fin de non-recevoir, ils m’objectèrent que la croissance des années à venir permettrait d’absorber les 40 milliards d’euros de stock de l’Acoss et qu’il serait même possible, comme l’avait dit M. Véran, alors rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’anticiper les choses et de financer l’autonomie avec la CRDS.

Des 136 milliards d’euros que l’État nous demande de transférer à la Cades, on évalue à 31 milliards d’euros, a minima – je pense que le chiffre est beaucoup plus important en réalité –, les « errements » antérieurs. Si l’on nous avait écoutés, on nous demanderait donc aujourd’hui de ne transférer « que » 100 milliards d’euros et non 136. C’est ma première remarque.

Bien évidemment, face à ce constat, il n’était pas question de faire autrement : il fallait accepter ce transfert et la prorogation de la Cades. Cependant, à l’avenir, il faudra faire en sorte d’éviter ce transfert aujourd’hui incontournable. C’est tout le sens de la règle d’or proposée par le rapporteur.

Tout cela aurait pu se résumer en une simple opération d’orthodoxie financière visant à remettre la Cades sur les rails après la crise du covid si le Gouvernement n’avait décidé de faire de la Cades une sorte d’auberge espagnole où l’on trouve tout et n’importe quoi.

Je ne reviendrai pas sur les 13 milliards d’euros de l’hôpital dont on a déjà beaucoup parlé. Peut-être contredirez-vous cette information, monsieur le secrétaire d’État, mais un journal économique national annonce que le Gouvernement envisagerait de transférer 150 milliards d’euros de la « dette covid » à la Cades en repoussant encore le délai – ce n’est plus une auberge espagnole, c’est une grande surface ! Cela paraît inconcevable.

Par ailleurs, on affiche à la sauvette, au détour d’un texte dont ce n’est pas l’objet, la création d’une cinquième branche, consacrée à l’autonomie, en accordant 0,15 point de transfert de CSG en 2024 alors que les projections les plus optimistes flèchent un besoin annuel de financement de 10 milliards d’euros. Un peu de saupoudrage encore : le ministre des solidarités et de la santé nous annonce un petit milliard dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale – une aumône par rapport aux besoins réels.

Notre groupe considère qu’il y a urgence. Cela fait des années que nous parlons de ce cinquième risque – je ne l’appelle pas encore cinquième branche. Il faut y parvenir, mais pas de cette façon, pas au détour d’un texte dont l’objectif initial était l’articulation financière du remboursement de la dette sociale. On ne fait pas passer à la sauvette quelque chose que l’on attend depuis des années.

Quid du financement ? Malheureusement, l’amendement que j’avais proposé n’a pas été retenu au titre de l’article 40 de la Constitution – un amendement identique a pourtant été accepté à l’Assemblée nationale… Il s’agissait d’anticiper dès le 1er janvier 2021 le transfert de 0,15 point de la CRDS : en supprimant 13 milliards de dette des hôpitaux, on reprenait 6 milliards sur trois ans à la Cades, ce qui lui permettait d’être encore « bénéficiaire ». Ce dispositif n’a pas été retenu. Il faut absolument que nous avancions sur cette question du financement. Le Sénat y travaille.

Dans le même temps, force est de constater que la création de cette cinquième branche de la sécurité sociale, de ce cinquième risque, est très compliquée. Un certain nombre d’entre nous pense qu’il est nécessaire d’aller au bout de la réflexion pour savoir si les autres branches de la sécurité sociale – maladie et vieillesse –, dont c’est la vocation première, ne peuvent tenir ce rôle. Je pense aussi à la branche famille, qui concerne certes la petite enfance, mais aussi les personnes hébergées en Ehpad.

Il s’agit d’un problème important. Loin de notre groupe l’idée de ne pas vouloir créer cette cinquième branche. Laissons-nous le temps de la réflexion. Nous savons qu’un rapport sera présenté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Par ailleurs, au sein de notre commission, un duo composé de Bernard Bonne et de Michelle Meunier, qui fonctionne parfaitement, a déjà des propositions à formuler. Attendons un peu !

Nous devons aussi nous assurer que la CNSA soit le bon outil au service du financement de la perte d’autonomie. Elle a d’abord été créée pour le fameux lundi de Pentecôte, dont la suppression a rapporté, pendant des années, environ 2 milliards par an. Aujourd’hui, La CNSA participe à la distribution des fonds mis à disposition dans le cadre de l’Ondam. Elle a beaucoup évolué. Est-ce le bon outil pour financer la perte d’autonomie ? Peut-être – je n’en sais rien –, mais ce n’est pas aujourd’hui que l’on peut formellement décider de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale.

Nous proposons de prendre le temps nécessaire. Si mon amendement allant dans ce sens était adopté, cela prouvera que le Sénat n’est pas dans l’affichage, mais dans le travail et la proposition. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)