M. Fabien Gay. Nous vous faisons beaucoup de propositions. On pourrait par exemple augmenter le SMIC, mais cette question est taboue. Il va bien falloir y venir pourtant.

Durant la crise, vous nous avez invités à applaudir ceux qui étaient en première ligne, mais, pour l’instant, les caissières d’Auchan, de Carrefour, des centres Leclerc et de tant d’autres enseignes n’ont pas touché la prime covid. (Mme la secrétaire dÉtat sexclame.) La seule solution, je le redis, c’est d’augmenter les salaires. Il faudra bien en passer par là ! Le nœud du problème, c’est le partage de la valeur.

La désocialisation, c’est une double pénalité. Ce que vous donnez de la main droite, vous le reprenez de la main gauche. Au total, ce sont 2 milliards d’euros qui manquent au budget de la sécurité sociale. À ce train-là, vous direz dans deux ou trois ans que de nouvelles coupes budgétaires sont nécessaires. Ce sont alors les salariés, ceux qui ont les plus bas salaires, qui trinqueront les premiers. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous abordons là une question de fond. Quel est le rôle de la sécurité sociale ? Est-il d’accroître le pouvoir d’achat ? Cela a été dit, le mieux serait de mettre fin à la déflation salariale. Pour des raisons idéologiques, on a fait croire que c’était le coût du travail qui pénalisait la compétitivité en France.

La sécurité sociale n’a pas à se substituer aux politiques macroéconomiques ou même microéconomiques. À cet égard, je pense qu’il serait temps de donner un coup de pouce significatif au SMIC.

La sécurité sociale n’est pas là pour mettre en œuvre une politique de pouvoir d’achat. C’est vrai qu’on en a pris l’habitude : la prime Macron, par exemple, consiste à accorder des exonérations, au détriment du budget de l’État ou de la sécurité sociale, pour augmenter le pouvoir d’achat et lutter contre la déflation salariale.

La sécurité sociale doit s’occuper de la santé, notamment de la santé au travail. La productivité horaire de la France est parmi les plus élevées en Europe. Faut-il, après l’intensification du travail à laquelle nous avons assisté, accroître le temps de travail ? Pour notre part, nous pensons qu’il va falloir au contraire le réduire très vite, que ce soit sous sa forme hebdomadaire ou sous sa forme annuelle, afin de préserver la santé au travail.

La sécurité sociale n’a pas, non plus, à soutenir la rentabilité du capital en l’accroissant.

Je rappelle enfin que les exonérations introduites dans la loi dite « Aubry » de réduction du temps de travail avaient pour but au départ de favoriser la création d’emplois. Ces exonérations étaient alors vertueuses. On a ensuite renoncé à la création d’emplois, les exonérations ayant été accordées sans contrepartie.

Posons-nous la question de fond : à quoi sert la sécurité sociale ? Elle n’est pas là pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés – il y a d’autres voies pour cela –, elle n’est pas là non plus pour accroître davantage la rentabilité du capital.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Pour vendre des produits en Europe, ou ailleurs, il faut être compétitif. Depuis la mise en place du CICE et des exonérations de charges, nous avons atteint un prix moyen horaire proche de celui de l’Allemagne. Nous sommes donc plus compétitifs. C’est de cette façon que nous arriverons à vendre nos produits.

On le constate, les PME et les TPE ont encore des difficultés à recruter des salariés dans plusieurs secteurs d’activité. Les chefs de ces entreprises ne cherchent pas du capital. Ce qu’ils veulent, c’est sauver ou développer leur entreprise.

Par ailleurs, les exonérations de cotisations sociales salariales sur les heures supplémentaires sont très importantes pour le pouvoir d’achat. Elles n’empêchent pas la création d’emplois puisque les entreprises ne parviennent pas toujours à recruter. Il est donc souhaitable d’augmenter les heures supplémentaires.

Je rappelle que c’est en développant l’emploi que l’on parviendra à réduire le déficit de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Depuis quelques années maintenant, nous avons tendance à considérer dans ce pays que les charges sociales sont un système punitif. On oublie d’expliquer que les cotisations sociales sont du salaire différé, et que c’est bien plus important pour les bas salaires que pour les hauts salaires. Le salaire différé signifie aussi une protection sociale et des droits à la retraite accrus. C’est également une protection supplémentaire pour les hauts salaires.

Il faudrait cesser de toujours parler des cotisations sociales comme étant des charges.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 969 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendements n° 969 rectifié et n° 210 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021
Article 11

M. le président. L’amendement n° 211 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et Regnard, Mme Micouleau, MM. Cambon et Daubresse, Mme Jacques, MM. del Picchia, Reichardt, Houpert et Chaize, Mme Belrhiti, MM. Rietmann, Perrin, Bonne, Sido, Menonville et Courtial, Mmes M. Mercier et Sollogoub, M. Pellevat, Mme Deromedi, M. Vogel, Mmes Garriaud-Maylam et Dumas, M. Sautarel, Mmes Raimond-Pavero, Gruny et L. Darcos, MM. Levi, D. Laurent et Panunzi, Mme de La Provôté, MM. Frassa et Chauvet, Mmes Joseph et Estrosi Sassone, MM. de Nicolaÿ, Lefèvre et B. Fournier, Mme Férat, MM. Calvet, Grosperrin et Bacci, Mme Richer, M. Decool, Mme Paoli-Gagin, MM. Bonnus et Belin, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Saury, Le Gleut et Cuypers, Mmes Lherbier et Morin-Desailly, MM. Piednoir, Boré, Somon et Bonhomme, Mme Guidez, MM. Bouchet, Savin, Charon, Wattebled, Maurey, Darnaud, Duplomb, Brisson, Segouin, E. Blanc et H. Leroy, Mme C. Fournier, MM. Rapin, Bouloux, P. Martin, Gremillet et Mandelli, Mme Di Folco et MM. Longeot et Pointereau, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale est complété par deux paragraphes ainsi rédigés :

« …. – Le principe, les exonérations ainsi que les modalités de versement de cette prime exceptionnelle peuvent être reconduits chaque année à compter du 1er janvier 2021 selon les conditions prévues par l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.

« …. – La prime attribuée dans les conditions prévues aux I à III du présent article est exclue du revenu de référence fiscal. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Marie Mercier.

Mme Marie Mercier. L’article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales avait, dans le but de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, ouvert aux employeurs la possibilité de verser à leurs salariés dont la rémunération est inférieure à trois SMIC une prime exonérée, dans la limite de 1 000 euros, d’impôt sur le revenu, de cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle et de tout autres cotisation et contribution dues.

L’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 a reconduit cette prime en la subordonnant à l’existence d’un accord d’intéressement. Les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ont été assouplies par l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 en vigueur depuis le 2 avril 2020.

L’ordonnance du 1er avril 2020 a supprimé la condition de l’existence d’un accord d’intéressement, de sorte que cette prime peut désormais être versée par tous les employeurs. Elle a également, sous certaines conditions, fixé à 2 000 euros le montant maximum de prime bénéficiant des exonérations fiscales et sociales.

Cet amendement vise à prévoir que le principe, les exonérations, ainsi que les modalités de versement de cette prime exceptionnelle peuvent être reconduits chaque année à compter du 1er janvier 2021, selon les conditions prévues par l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce dispositif a toujours été considéré comme provisoire. Au vu de la situation des comptes sociaux, il ne semble ni raisonnable ni souhaitable de pérenniser ce qui deviendrait vite une franchise d’impôt et de cotisation de 1 000 euros pour tous les salariés qui en bénéficient.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. Dans la droite ligne de ce que vient de dire le rapporteur général, je veux rappeler que cette prime était effectivement exceptionnelle et qu’elle n’a donc malheureusement pas forcément vocation à être reconduite automatiquement.

Par ailleurs, depuis maintenant plusieurs années, le Gouvernement entend favoriser et encourager le partage de la valeur à travers le développement de l’épargne salariale – plusieurs lois en attestent, comme la loi Pacte –, tout en associant financièrement les salariés aux résultats de l’entreprise, que ce soit par la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés concluant un accord d’intéressement ou en donnant la possibilité aux plus petites entreprises de mettre en place un accord d’intéressement par décision unilatérale de l’employeur ou encore d’appliquer directement un accord d’intéressement négocié au niveau de la branche.

Cet effort en faveur du partage de la valeur se poursuit avec la suppression du forfait social sur l’abondement employeur, qui correspond à un versement volontaire du salarié dans le cadre de l’actionnariat salarié. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la prime exceptionnelle a été reconduite durant l’année 2020.

Vous l’avez rappelé en présentant votre amendement, madame la sénatrice, la condition fixée pour conclure un accord d’intéressement a effectivement été supprimée en avril dernier afin de répondre à l’urgence et de permettre à tous les employeurs de récompenser rapidement les salariés particulièrement mobilisés durant la crise sanitaire.

En proposant seulement de pérenniser l’exonération des primes, on ne favorise pas vraiment un partage durable de la valeur. C’est pourquoi, selon nous, une exonération de ces primes ne constitue pas un outil de pilotage efficace et suffisamment convaincant au service du pouvoir d’achat, si ce n’est dans des conditions encadrées, de façon provisoire, comme l’a rappelé le rapporteur général, à l’instar des conditions que le Gouvernement a clairement définies en 2018 et en 2019.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 211 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 211 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021
Organisation des travaux

Article 11

I. – La Caisse nationale de l’assurance maladie reprend, au plus tard le 31 mars 2021, les réserves du régime de prévoyance de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF constatées au 31 décembre 2020.

II. – Sont prélevées, au plus tard le 31 mars 2021, au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie, une somme de 40 millions d’euros sur les réserves du fonds national de gestion technique des agents en activité et de leurs ayants droit de la caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières et une somme de 135 millions d’euros sur les réserves du fonds national de gestion technique des agents en inactivité, des pensionnés de tous ordres et de leurs ayants droit de la même caisse.

Le recouvrement de ce prélèvement est régi par les règles applicables en matière de taxes sur le chiffre d’affaires.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 708 rectifié est présenté par Mme Lubin, MM. Jomier et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Durain et Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal et Tissot, Mmes Préville, Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 1008 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 708 rectifié.

Mme Monique Lubin. Cet amendement a pour objet de s’opposer au transfert vers la CNAM des réserves de la caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières, la Camieg, ainsi qu’à celles du régime de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF).

Une concertation aurait dû être menée avec les syndicats de la Camieg et de la CPRP SNCF, afin que le montant de la participation de ces deux caisses à la crise sanitaire que nous traversons soit défini conjointement. Or la décision à laquelle renvoie l’article 11 a été imposée sans concertation.

Avec la déprogrammation des soins liée au confinement, il est vrai que les dépenses de santé classiques ont été fortement réduites. Cependant, la baisse des dépenses constatée pour ce premier semestre 2020 serait de 30 millions d’euros pour la Camieg et de 35 millions d’euros pour la CPRP SNCF. Il semble donc que les prélèvements de 175 millions d’euros et de 176,6 millions d’euros prévus respectivement pour la Camieg et la CPRP SNCF, afin de compenser les économies réalisées pendant le confinement, soient excessifs et ne correspondent pas à la réalité comptable.

Avec cet amendement, nous demandons au Gouvernement de revoir le montant de la contribution demandée à ces deux caisses.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 1008.

Mme Laurence Cohen. Comme nos collègues socialistes, nous demandons la suppression de cet article, qui prévoit d’affecter à la CNAM les excédents de la caisse d’assurance maladie des industries gazières et électriques et de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF.

Effectivement, la Camieg dégage des excédents importants depuis sa création en 2007, ce qui a d’ailleurs déjà justifié un prélèvement de 176 millions d’euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

À l’instar des articles 3 et 10, l’article 11 a pour objet de trouver des recettes nouvelles pour faire face au coût de la pandémie : pour ce faire, il prévoit un nouveau prélèvement de 175 millions d’euros – cette fois-ci – sur les 430 millions d’euros disponibles de la Camieg et sur les 259 millions d’euros de prestations versées, soit une taxation de près de 70 %.

Les représentants que mon groupe et moi-même avons auditionnés sont évidemment opposés à cette nouvelle ponction, qu’ils jugent bien trop élevée. Quand on l’ajoute à celui de 2014, ce prélèvement représente un montant de 350 millions d’euros – cela me rappelle le chiffre que nous avons entendu hier quand on a parlé de la taxe Gafam ! –, soit 1 200 euros par ayant droit, ce qui est un effort considérable pour les salariés et les retraités des industries électriques et gazières.

Ces représentants ont aussi attiré notre attention sur le fait que les moindres dépenses durant le premier confinement allaient sans aucun doute être répercutées sur les comptes dans les mois à venir.

Je précise par ailleurs que des discussions s’étaient engagées pour étudier comment mieux gérer ces excédents, mais que la direction de la sécurité sociale a plusieurs fois formulé des refus.

J’ajoute enfin que l’article 11 vise la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF, qui subit elle aussi un prélèvement de 176 millions d’euros.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons de supprimer cet article qui, je le rappelle, menace ces régimes spéciaux de retraite.

Je doute que notre amendement soit adopté. Nous présenterons par conséquent un amendement de repli, preuve de la bonne volonté de la Camieg de participer à l’effort demandé, dans d’autres proportions toutefois que celles qui sont prévues à l’article 11. En l’état, cet article fait peser un risque de rupture d’égalité devant l’impôt par rapport à d’autres organismes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Supprimer l’article 11 reviendrait à retirer 350 millions d’euros de recettes à la CNAM, alors que nous venons de réviser l’Ondam 2020 de plusieurs milliards d’euros.

Surtout, les réserves émises ne sont plus nécessaires pour ce qui est de la CPRP SNCF, dont la trésorerie du risque vieillesse a été transférée à l’Acoss.

Je connais évidemment les oppositions de la Camieg. Le prélèvement proposé représente pourtant moins de la moitié de ses réserves, qui resteraient à un niveau équivalent à environ une année de prestations complémentaires.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. En complément des informations données par le rapporteur général, je rappelle que, depuis sa création en 2007, la Camieg dégage des excédents importants sur les fonds d’assurance maladie complémentaire obligatoire qu’elle gère. Le montant de ses réserves s’élèvera à 458 millions d’euros en 2021, et à 1 milliard d’euros en 2035.

Vous le savez, la crise sanitaire a entraîné une baisse des dépenses des régimes complémentaires, en écho à la forte mobilisation de l’assurance maladie obligatoire de base pour lutter contre le virus. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a lancé une concertation avec l’ensemble des employeurs et les organisations syndicales représentatives du secteur des industries électriques et gazières.

Les travaux menés depuis mars 2020 dans le cadre de cette concertation ont abouti à la définition de mesures réglementaires, dont bénéficieront prochainement les assurés.

Je souhaite vous en donner quelques détails : le Gouvernement s’est engagé à procéder, dès le 1er janvier 2021, à une baisse des cotisations pesant sur les assurés et les retraités. Par exemple, pour un salaire brut mensuel de 2 500 euros, la baisse des cotisations sera d’environ 11 euros par mois, soit une baisse annuelle de 132 euros. Le Gouvernement procédera également à une amélioration de la prise en charge des frais d’optique de ces assurés.

En conclusion, ces mesures visent ici un double objectif : elles participent, d’une part, à la relance et à l’amélioration directe du pouvoir d’achat des salariés et des pensionnés des industries électriques et gazières et, d’autre part, au redressement des comptes du régime général au travers d’une contribution des régimes complémentaires d’assurance maladie pour faire face au surcoût né de la crise sanitaire.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Je ne voterai pas ces amendements, mais je voulais tout de même émettre quelques doutes sur la concertation qui a été évoquée.

En réalité, derrière ce débat, il y a des cotisants et des familles qui, aujourd’hui, se sentent quelque peu spoliés et qui craignent de devoir verser plus de cotisations, notamment pour leurs complémentaires.

J’entends bien, madame la secrétaire d’État, que vous envisagez des baisses de cotisations. Cette annonce peut certes être considérée comme satisfaisante, mais l’amélioration des prestations, uniquement en ce qui concerne les soins d’optique, reste pour moi insuffisante.

Je vous engage vraiment à poursuivre la concertation : n’oubliez pas que, derrière chaque cotisant, il y a des familles pour qui chaque euro compte.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 708 rectifié et 1008.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Organisation des travaux

Article 11
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021
Article 11

M. le président. Mes chers collègues, afin de permettre à chacun de participer aux commémorations du 11 novembre, et en accord avec la commission et le Gouvernement, nous lèverons notre séance vers dix-huit heures.

Je me permets tout de même de signaler que, en une heure et dix minutes, nous n’avons examiné que 15 amendements et qu’il en reste 603. Nous nous apprêtons donc à siéger ce week-end, dans la joie et la bonne humeur… (Sourires.)

Organisation des travaux
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021
Article 12

Article 11 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1009, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’alinéa 2 de l’article 11 prévoit une ponction de 175 millions d’euros sur les réserves de la caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières au profit de la caisse nationale d’assurance maladie. Cette somme est censée compenser les déséquilibres des autres caisses de l’assurance maladie.

Alors que le Gouvernement appelle à l’équilibre des comptes sociaux, il est incompréhensible que les caisses excédentaires soient punies et ponctionnées. Finalement, on est victime quand on est bon !

En effet, la Camieg, qui gère les prestations maladie et maternité pour le régime général, mais aussi l’assurance maladie complémentaire de ses assurés, dégage des excédents importants depuis sa création en 2007.

Chaque année, un prélèvement sur ses excédents est réalisé pour couvrir le déficit du régime général, ce qui est évidemment justifié, mais le prélèvement de 175 millions d’euros proposé par le Gouvernement en 2021 correspond à près de la moitié des réserves de la Camieg !

Les fédérations syndicales des industries électriques et gazières nous ont contactés pour nous faire part du caractère disproportionné, injuste et incompréhensible de cette ponction. Les employeurs de la caisse se sont également opposés à ce prélèvement, que le Gouvernement justifie en évoquant l’amélioration des prestations servies par les caisses.

Les électriciens et gaziers font partie des salariés qui étaient en première ligne lors de la pandémie. Les excédents de la caisse doivent servir à améliorer leurs droits en matière de protection sociale.

La commission des affaires sociales ayant émis des réserves sur la pertinence de ce prélèvement, nous vous invitons à adopter notre amendement.

M. le président. L’amendement n° 1037, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le nombre :

40

par le chiffre :

5

et le nombre :

135

par le nombre :

15

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Nous insistons sur la Camieg parce que la ponction envisagée nous semble véritablement injuste.

Je me joins à mes prédécesseurs, qui en ont appelé à une véritable concertation sur le sujet. Je pense qu’elle est absolument nécessaire, les employeurs comme les salariés de la Camieg étant défavorables à ce prélèvement.

Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que la caisse disposait d’excédents importants. Ce n’est pas faux, mais, compte tenu de la pyramide démographique, ils sont destinés à payer les pensions d’un plus grand nombre d’inactifs dans les années à venir. Si une telle ponction devait être réalisée, on mettrait la caisse en difficulté pour le futur.

Sur le plan de la justice sociale, on ferait peser 16 % du milliard et demi qui sera prélevé sur les régimes complémentaires, que ce soit les mutuelles ou les assurances, sur 1 % de la population française, proportion qui correspond aux salariés des caisses en question. Il nous semble que ce prélèvement est trop important et que cette mesure reviendrait à faire payer deux fois cette corporation, ce qui, là encore, constitue une injustice.

Nous proposons donc d’aligner le taux de prélèvement des réserves de la Camieg sur celui des mutuelles – ni plus ni moins. Si vous me permettez un petit trait d’humour, s’il ne doit plus y avoir de régimes spéciaux, alors cela vaut dans un sens comme dans l’autre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 1037 vise à diminuer le prélèvement prévu sur les réserves de la Camieg. Je rappelle qu’il s’agit de ressources pour l’assurance maladie, dans un contexte où les recettes manquent.

Une opération similaire, de l’ordre de 176 millions d’euros, a d’ailleurs déjà été réalisée en 2014. Ce n’est donc pas nouveau ! J’ajoute que, à l’époque, ce prélèvement n’avait pas pour autant menacé l’équilibre de la Camieg.

Je tiens à souligner que, après prélèvement, il restera 255 millions d’euros dans les réserves de la caisse, pour un régime dont les dépenses annuelles s’élèvent à 278 millions d’euros pour la complémentaire. Ce prélèvement ne menacerait pas la soutenabilité financière de la caisse et n’aurait aucun effet sur les assurés.

Le Gouvernement tire ainsi les conséquences de ces excédents récurrents et élevés, en prévoyant dans le même temps de baisser les cotisations et d’améliorer les prestations. C’est donc « tout bénéf », si j’ose dire ! (Sourires.)

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat. À la suite des explications limpides du rapporteur général, je n’ai pas d’autres éléments à apporter. Qui plus est, je me suis déjà exprimé sur la baisse des cotisations de 11 euros par mois.

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 1009 et 1037.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Personnellement, je m’abstiendrai sur ces amendements. Je pense en effet que le fait de taper dans les réserves des caisses est une mauvaise habitude.