compte rendu intégral

Présidence de M. Vincent Delahaye

vice-président

Secrétaires :

M. Daniel Gremillet,

M. Loïc Hervé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Plan d'urgence face à la crise sanitaire - État B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Seconde partie

Loi de finances pour 2021

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Écologie, développement et mobilité durables - État B (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 137, rapport n° 138, avis nos 139 à 144).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Écologie, développement et mobilité durables

Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens

Compte d’affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et articles 54 quinquies à 54 septies), du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de 82 %, à périmètre courant, des crédits des programmes de cette mission, par rapport à la dernière loi de finances initiale ; toutefois, à périmètre constant, les crédits de paiement diminuent de 6 %, soit de 500 millions d’euros.

Le budget alloué à l’écologie est néanmoins complété par les crédits du plan de relance. Seuls les crédits du programme 113, « Paysages, eau et biodiversité », augmentent en 2021.

Je regrette, pour ma part, cette ventilation des crédits entre le plan de relance et la présente mission, car cela nuit à la lisibilité ; nous le verrons lors de la discussion des amendements.

Si le Gouvernement a renoncé de manière générale à son objectif de baisse de l’emploi public, je constate que le ministère de la transition écologique est un bon élève en la matière, puisque 50 % des départs à la retraite ne seront pas remplacés. Toutefois, cette baisse des effectifs, qui concerne tant le ministère que ses opérateurs, pourrait fragiliser la mise en œuvre du plan de relance ; je pense notamment à l’Ademe, qui se voit confier 1,8 milliard d’euros de crédits pour les deux prochaines années, au titre du plan de relance.

Le budget de 2021 se caractérise par un renforcement de la politique de l’eau et de la biodiversité : la subvention pour charges de service public versée à l’Office français de la biodiversité (OFB) augmente de 10 millions d’euros, conformément aux engagements pris par le Gouvernement en 2020 ; les crédits de la politique de protection des grands prédateurs augmentent de 1 million d’euros ; 7 millions d’euros supplémentaires sont affectés à l’Office national des forêts (ONF), pour sa mission de biodiversité ; 3 millions d’euros supplémentaires sont alloués au bien-être animal – malheureusement, nous n’avons aucun élément sur la portée effective de ces crédits ; et 8 millions d’euros sont affectés aux aires marines protégées.

Le programme 345, « Service public de l’énergie », dont la maquette évolue sensiblement cette année, représente près de 58 % des 15,7 milliards d’euros de l’enveloppe budgétaire que je rapporte. Or le Parlement n’a aucun pouvoir de modification sur ces dépenses ; il ne peut que les enregistrer. En effet, ces charges sont évaluées chaque année par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Elles sont estimées à 9,1 milliards d’euros pour 2020, soit une augmentation de 12,1 % par rapport à 2019.

Pour éviter, à l’avenir, des difficultés analogues à celles que nous évoquerons ultérieurement, lors de la discussion de l’article 54 sexies, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur deux « bulles » en devenir. Je pense au biométhane, dont les charges sont multipliées par cinq entre 2019 et 2021, et à l’hydrogène, dont la stratégie nationale présentée le 8 septembre dernier constitue un changement radical d’échelle par rapport au plan Hydrogène présenté en juin 2018, puisque l’on est passé de 100 millions d’euros à 7,2 milliards d’euros, mobilisés d’ici à 2030, dont 2 milliards d’euros pour les deux prochaines années. En outre, au-delà de ces dépenses d’investissement, la filière bénéficiera aussi de dispositifs de soutien.

Je ne peux donc qu’inviter le Gouvernement à prendre en considération la remarque de la Cour des comptes, formulée dans un rapport de 2018, qui fut présenté au Sénat, selon laquelle « les décisions de programmation énergétique ne reposent pas suffisamment sur une analyse consolidée et comparative des coûts et des prix – actuels et prévisibles – des différentes filières de production énergétique, qui permettrait de fiabiliser les projections de soutiens nécessaires à leur déploiement, et donc de réaliser une programmation énergétique permettant de les minimiser ». Il devient indispensable de réduire les dépenses publiques, en privilégiant les modes d’énergie renouvelable dont les coûts de production diminuent le plus.

À ce sujet, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, quand le Gouvernement compte-t-il soumettre au Parlement sa programmation pluriannuelle de l’énergie, conformément à l’article L. 141-4 du code de l’énergie ? Cette programmation pluriannuelle a été prise par décret, au mois d’avril dernier ; depuis lors, on aurait largement eu le temps d’en débattre…

J’en termine, sur le sujet de l’énergie, en observant que le rythme des projets subventionnés par le fonds chaleur progresse, mais pas suffisamment pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, notamment dans un contexte de concurrence du prix du gaz ; des aides au fonctionnement sont en cours d’étude.

Lors de mon intervention dans la discussion générale de ce projet de loi de finances (PLF), j’ai déploré que l’excellence énergétique reste inaccessible pour une grande partie de la population ; le soutien à la décarbonation demeure perfectible. Le chèque énergie est un indéniable progrès par rapport aux tarifs sociaux de l’énergie, mais beaucoup reste à faire pour sa pleine appropriation. En outre, ses montants paraissent encore insuffisants pour compenser les hausses de la composante carbone.

Pour ce qui concerne l’acquisition de véhicules propres, je note l’inscription de 507 millions d’euros sur le programme 174, « Énergie, climat et après-mines », auxquels s’ajoutent 732 millions d’euros au travers du plan de relance, soit un total de 1,2 milliard d’euros. Si les critères du bonus automobile, nettement assouplis, paraissent pertinents, ceux de la prime à la conversion sont trop restrictifs, les critères adoptés en juin 2020 ayant été durcis, une fois écoulées les 200 000 primes qui pouvaient en bénéficier.

Dans ce domaine, le reste à charge pour les ménages les plus modestes reste très important, même avec le bénéfice du montant maximal des aides. Je reviendrai sur ce point lors de l’examen des articles non rattachés.

L’ouverture de MaPrimeRénov’ aux ménages situés au-dessus des huitième et neuvième déciles est une excellente disposition ; le groupe LR la soutenait d’ailleurs bien avant le Gouvernement. Néanmoins, cette mesure ne permettra pas de provoquer un élan massif vers la rénovation.

En effet, compte tenu des barèmes, un couple avec deux enfants touchant 60 000 euros de revenus annuels ne pourra bénéficier de la prime qu’à la condition de réaliser une rénovation globale de son logement ou, à tout le moins, de l’isoler. Ce ménage bénéficiera alors d’une prime de 3 500 euros pour une rénovation dont le coût global oscille entre 50 000 et 70 000 euros. Avant 2020, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) permettait à ces ménages de bénéficier d’une aide pour une rénovation partielle ; malheureusement, nous n’avons pas pu amender ce point, puisque celui-ci relève du domaine réglementaire.

Il en va de même pour le plafond de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, qui est dérisoire – 150 euros – au regard du coût de cette prestation pour une rénovation globale – entre 4 000 et 5 000 euros.

Je terminerai mon intervention par une question pour le Gouvernement : l’article 15 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat habilitait le Gouvernement à définir par voie d’ordonnance, dans un délai d’un an – délai qui, vous le voyez, est dépassé –, la notion de passoire thermique. Cette définition devait être exprimée en énergie primaire et en énergie finale, en prenant en compte la zone climatique et l’altitude du logement. Le Gouvernement compte-t-il demander une nouvelle habilitation pour prendre cette ordonnance ou envisage-t-il d’utiliser un nouveau véhicule législatif ? Si oui, lequel ? En effet, l’identification des passoires thermiques est au cœur du plan de rénovation des bâtiments. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Stéphane Sautarel et moi allons vous présenter conjointement les programmes 203, « Infrastructures et services de transports », 205, « Affaires maritimes », et 355, « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Le secteur des transports, vous le savez, est l’un de ceux qui ont le plus souffert de la crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie de covid-19, en particulier lors du premier confinement, lequel a entraîné une chute inédite des déplacements sur le territoire. Les effets économiques pour les opérateurs ont été considérables : une perte de 4,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour le groupe SNCF – ce groupe avait déjà subi des pertes en raison de la grève du début de l’année –, une perte de 2 milliards d’euros pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes ou encore une perte de recettes de 2,6 milliards d’euros pour Île-de-France Mobilités, à l’issue du premier confinement.

Cette crise est intervenue alors que, quelques mois auparavant, avait été promulguée la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), laquelle prévoyait, pour la première fois, une programmation financière pluriannuelle des infrastructures de transports, portant sur la période 2018-2027. Cette programmation permettait à notre pays de disposer, enfin, d’une feuille de route validée par le Parlement dans un domaine stratégique. Au cœur de celle-ci figurait la nécessité absolue de régénérer et de moderniser nos grands réseaux structurants – routier, ferré, fluvial –, une rénovation indispensable des transports du quotidien, victimes pendant trop longtemps d’un sous-investissement chronique.

La loi d’orientation des mobilités prévoit en effet que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), par laquelle transite la majeure partie des crédits destinés aux infrastructures de transport dans notre pays, soit dotée de 13,4 milliards d’euros pour la période 2018-2022, afin d’investir dans les infrastructures de transport. Nous en avons la conviction, la crise sanitaire et économique ne doit surtout pas conduire à renoncer à cette feuille de route ; à cet égard, nous comptons sur le plan de relance pour permettre la réalisation effective des objectifs de cette loi.

Les recettes de l’Afitf ont été très sévèrement touchées par la crise sanitaire, avec, en particulier, la réduction à néant des recettes d’écocontribution du transport aérien, mais le montant des dépenses de cette agence devrait néanmoins atteindre 2,9 milliards d’euros en 2020, un montant quasi conforme à ce que prévoit la LOM. Cela est rendu possible grâce à une subvention de l’État de 250 millions d’euros, adoptée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative (LFR 3) pour 2020, et à une plus grande mobilisation du produit des amendes radar, décidée dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR 4) pour 2020, adopté définitivement au début de cette semaine.

Monsieur le ministre, je souhaite maintenant appeler votre attention sur un sujet particulier. Le Gouvernement devait remettre au Parlement un rapport sur la situation financière de l’Afitf, en vertu de l’article 60 de la LFR 3. Ce rapport devait nous être remis le 1er octobre dernier et nous ne l’avons toujours pas reçu. Cela nuit au contrôle que nous devons exercer et, de surcroît, ce n’est pas conforme au respect dû par le Gouvernement au Parlement.

De la même manière, nous n’avons pas pu obtenir d’informations sur le budget prévisionnel de l’Afitf pour 2021. Vous nous répondrez certainement qu’il n’a pas encore été adopté, mais vous devez avoir, j’imagine, quelques indications, quelques idées sur ce que sera le budget de cette agence l’année prochaine. Nous n’avons pu l’obtenir ni du secrétaire général de l’Agence, que nous avons entendu en audition – si l’on peut appeler cela une audition, tant peu de choses ont été dites – ni de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

Si vous pouviez nous fournir quelques informations à l’occasion de ces débats, nous en serions particulièrement heureux, même si le Gouvernement semble avoir l’intention de respecter la trajectoire fixée dans la LOM ; pouvez-vous nous le confirmer ?

Cela dit, il paraît déjà clair que les recettes prévues pour financer ces dépenses ne sont pas fiables, dans la mesure où le Gouvernement prévoit 230 millions d’euros d’écocontribution du transport aérien, ce qui est peu crédible. C’est pourquoi le Sénat a adopté, à notre initiative, un amendement à l’article 24 du présent projet de loi de finances visant à relever de 1,285 milliard d’euros à 1,685 milliard d’euros, soit de 400 millions d’euros, le plafond de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l’Afitf en 2021.

À périmètre constant, les crédits du programme 203, qui financent principalement les services de transports, augmenteront fortement en 2021 – ils croîtront de 18,8 % en autorisations d’engagement et de 7,9 % en crédits de paiement –, pour atteindre 3,722 milliards d’euros. La subvention à SNCF Réseau augmentera de 80 millions d’euros et 170 millions d’euros sont prévus de manière pérenne pour tenter de relancer le fret ferroviaire.

Sur le programme 203, nous proposons au Sénat un amendement tendant à augmenter de 20 millions d’euros les crédits d’investissement en faveur des ponts, de sorte que puisse être atteinte la somme de 120 millions d’euros par an, préconisée par le rapport d’information sur les ponts adopté l’année dernière ; c’est le niveau d’investissement jugé nécessaire par l’État lui-même pour entretenir les ponts placés sous sa responsabilité.

Les crédits de l’ancien compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs », destiné au financement des lignes ferroviaires d’aménagement du territoire – les trains d’équilibre du territoire, ou TET –, sont rebudgétisés au sein du programme 203. Leur montant diminue de 6,3 %, pour s’établir à 293 millions d’euros, ce qui s’explique en grande partie par le transfert de certaines de ces lignes aux régions.

Le plan de relance prévoit enfin une mobilisation financière sans précédent en faveur des infrastructures et mobilités vertes : 650 millions d’euros pour le ferroviaire ; 900 millions d’euros pour les mobilités de substitution à la voiture ; 550 millions d’euros pour compléter les crédits de l’Afitf en faveur des infrastructures ; 250 millions d’euros pour la modernisation du réseau national ; 100 millions d’euros pour les ponts ; ou encore 175 millions d’euros pour le verdissement des ports.

Voilà les éléments que je voulais porter à votre connaissance, mes chers collègues. Le corapporteur Stéphane Sautarel va maintenant poursuivre la présentation de ces crédits. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je poursuis la présentation de ce rapport spécial, que mon collègue Hervé Maurey et moi avons rédigé conjointement.

Les sommes que ce dernier vient d’évoquer sont considérables, mais encore faut-il, pour qu’elles aient un véritable effet contracyclique, qu’elles puissent effectivement être dépensées en 2021 et en 2022 et que les effectifs des opérateurs chargés des travaux soient suffisants. En outre, nous serons très attentifs à ce que ces crédits du plan de relance soient bien ajoutés et non substitués aux montants déjà prévus dans la LOM.

Je souhaite dire quelques mots sur les trois grands opérateurs qui relèvent du programme 203, « Infrastructures et services de transports », à savoir SNCF Réseau, la Société du Grand Paris (SGP) et Voies navigables de France (VNF).

Le groupe SNCF, considérablement fragilisé par la crise sanitaire provoquée par la covid-19, devrait bénéficier d’une recapitalisation de 4,05 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année 2020 ou au début 2021, dont le montant sera immédiatement transféré à SNCF Réseau.

Sur cette somme, 2,3 milliards d’euros devraient être directement dévolus au rétablissement de l’investissement annuel de régénération des voies, 1,5 milliard d’euros correspondent aux investissements relatifs à la fin de l’utilisation du glyphosate sur les voies, à la sécurisation des ponts et aux investissements de sécurité nécessaires, et, enfin, 300 millions d’euros devraient être dédiés aux petites lignes.

Nous serons très attentifs à ce que SNCF Réseau reçoive bien tous les financements dont l’entreprise a besoin pour poursuivre la modernisation de son réseau structurant. Il s’agit là de l’une des principales priorités décidées par le Parlement dans le cadre de la LOM.

En ce qui concerne la dette de l’opérateur, l’État a repris, en 2020, 25 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau, afin d’améliorer la situation financière de cette entreprise ; en principe, 1,7 milliard d’euros devaient avoir été amortis d’ici à la fin de l’année 2020. En 2021, l’État devrait amortir de nouveau 1,3 milliard d’euros de principal et s’acquitter de 692 millions d’euros de charges d’intérêt, qui sont retracées dans le programme 355, « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État ». Enfin, je le rappelle, 10 milliards d’euros de dette supplémentaire de SNCF Réseau seront transférés à l’État en 2022.

La Société du Grand Paris, chargée de construire le Grand Paris Express pour 35,6 milliards d’euros, a vu ses chantiers être ralentis par la crise sanitaire. Par conséquent, compte tenu des retards préexistants, il paraît désormais impossible de mettre en service le système complet composé des tronçons des lignes 16 et 17 à temps pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, contrairement à l’objectif fixé par le Premier ministre le 22 février 2018. Le calendrier des lignes 15 sud et 14 ne devrait pas être bouleversé.

Une expertise indépendante doit confirmer dans le détail ce qui pourra être ou non réalisé à cette date. Nous serons très attentifs à ce que la SGP réalise tout ce qui pourra l’être dans les temps, sans dérive de coûts supplémentaires.

Nos collègues du groupe de travail sur les coûts et le financement du Grand Paris Express l’ont montré dans leur communication du 14 octobre dernier, les entreprises franciliennes, elles aussi durement touchées par la crise économique, expriment aujourd’hui un véritable ras-le-bol fiscal à la suite des diverses hausses de taxes affectées à la SGP en 2019 et en 2020.

Dans ce contexte, l’objectif prioritaire de l’opérateur doit être de sécuriser ses financements de long terme, en souscrivant des green bonds sur les marchés, afin de bénéficier des taux exceptionnellement bas. Selon le président du directoire de cette société, que nous avons entendu, cela recèle des gisements potentiels d’économies très significatifs pour le projet et cela rejoint la nécessité d’être réactif pour préciser ces engagements dès l’année 2021.

Par ailleurs, la poursuite de la hausse des effectifs de la SGP – ils passeront, entre 2020 et 2021, de 585 à 875 équivalents temps plein travaillé (ETPT) – va incontestablement dans le bon sens, compte tenu de l’ampleur des enjeux techniques et financiers à maîtriser.

Voies navigables de France, enfin, continue de consentir d’importants efforts de réduction de son personnel, avec 99 ETPT en moins en 2021, ce qui suscite des inquiétudes, car nombre d’installations nécessitent encore des interventions humaines.

Grâce aux crédits du plan de relance et de l’Afitf – 268 millions d’euros au total, soit 54 millions d’euros de plus qu’en 2020 –, VNF pourra investir massivement pour remettre à niveau le réseau dont il a la charge. Selon nos informations, 160 projets ont été déjà été identifiés. Tout l’enjeu résidera dans la capacité de l’établissement à les mener de front sur les seules années 2021 et 2022.

J’en viens, pour finir, au programme 205, « Affaires maritimes », qui joue un rôle économique et social important et qui porte des fonctions régaliennes essentielles, la France disposant du deuxième domaine maritime le plus vaste du monde, avec plus de 5 000 kilomètres de côtes et 10 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, dont 97 % outre-mer.

La création d’un ministère spécifiquement chargé de la mer semble montrer que l’État entend enfin consacrer davantage d’attention à ce domaine stratégique pour l’avenir de notre pays. La dotation du programme s’établit, en 2021, à 155,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 159,4 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui traduit une baisse de, respectivement, 2,9 % et 1 %. Comme les années précédentes, le poste budgétaire essentiel de ce programme réside dans les exonérations de cotisations sociales patronales pour la marine marchande, qui sont vitales pour le pavillon français dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée.

Toutefois, la sécurité et la sûreté maritimes bénéficieront de crédits importants dans le cadre du plan de relance, puisque 25 millions d’euros sont prévus pour moderniser les infrastructures des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage et 25 millions d’euros seront affectés au renouvellement de la flotte de baliseurs, avec un projet de navire à hydrogène dont l’ambition d’une réalisation rapide nous laisse toutefois sceptiques…

En conclusion, en dépit, d’une part, des critiques que nous avons émises sur l’opacité de l’Afitf et sur les incertitudes pesant sur les recettes de cette agence, et, d’autre part, des questions relatives à la possibilité de réaliser les investissements prévus dans ce PLF, nous sommes favorables aux crédits des programmes 203, 205 et 355 que nous vous avons présentés.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. Nous appelons par conséquent le Sénat à adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous présenter le programme 159, « Expertise, information géographique et météorologie », ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Le programme 159 regroupe les subventions du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.

Ces trois opérateurs se sont vu signifier, voilà quelques années déjà, des trajectoires financières qui peuvent paraître très exigeantes jusqu’en 2022, mais qui ont le mérite de rompre avec le manque de visibilité pluriannuelle dont ils souffraient précédemment.

Météo-France joue un rôle essentiel pour la sécurité des personnes et des biens, comme nous l’avons encore vu récemment avec les inondations de la vallée de la Roya.

Sa subvention pour charges de service public va diminuer, en 2021, à 185,1 millions d’euros. Dans le même temps, ses effectifs baisseront de 95 équivalents temps plein travaillé (ETPT), mouvement qui se poursuivra en 2022.

Le réseau territorial de Météo-France évolue fortement dans le cadre d’Action publique 2022. Ses effectifs vont diminuer de 40 %, mais de nombreuses activités seront regroupées dans la Météopole de Toulouse. Cette centralisation et cette fonte du réseau sont rendues possibles par les évolutions technologiques, qui permettent désormais de conduire un certain nombre de tâches de prévision à distance.

Météo-France se procure actuellement un nouveau supercalculateur. Ce nouveau matériel, qui était attendu, permettra de multiplier sa capacité de calcul par 5,45. Il nécessite un investissement total de 144 millions d’euros sur la période 2019-2025. L’État versera, à ce titre, une subvention de 8,3 millions d’euros à l’opérateur en 2021.

L’IGN verra, lui, sa subvention légèrement augmenter, à 89,2 millions d’euros, mais ses effectifs perdre 36 ETPT. Alors que son modèle économique est évidemment fragilisé par l’avènement de l’open data, l’objectif de l’établissement, dans le cadre d’Action publique 2022, est de devenir l’opérateur interministériel unique en matière de données géographiques souveraines.

Le Cerema, pour sa part, accomplit une mutation qu’il faut saluer, dans un contexte de forte diminution de ses moyens depuis sa création en 2014 et jusqu’en 2022. Cette mutation a lieu malgré une réduction annuelle de 5 millions d’euros de sa subvention pour charges de service public, qui atteindra 195,1 millions d’euros en 2021. Les effectifs seront réduits de 87 ETPT, le plafond d’emploi de l’opérateur étant de 2 507 ETPT en 2021.

L’opérateur s’est fixé pour objectif d’améliorer la collaboration avec les collectivités territoriales et avec l’Agence nationale de cohésion des territoires.

Nous devrons veiller à lui laisser des marges de manœuvre en 2022, la trajectoire me semblant tenable jusque-là, mais très difficile à soutenir au-delà. Il faudra y être attentif.

J’en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dit « Bacea », qui regroupe 2,3 milliards d’euros de crédits de la direction générale de l’aviation civile (DGAC). Ce budget annexe est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. En conséquence, l’effondrement du trafic aérien provoqué par la pandémie a bouleversé son équilibre financier.

La crise sanitaire a entraîné une quasi-mise à l’arrêt du trafic aérien en Europe au printemps 2020. En dépit d’une légère reprise pendant l’été, la situation s’est rapidement dégradée à l’automne. Elle est devenue catastrophique avec la mise en place de nouveaux confinements en fin d’année. Au total, la DGAC anticipait un recul du trafic de 65 % par rapport à 2019, mais les chiffres finaux devraient être encore plus négatifs. Le retour du trafic à son niveau d’avant-crise est attendu pour 2024 au mieux, certains opérateurs anticipant même que le trafic ne retrouvera son niveau de 2019 qu’en 2029.

Les compagnies aériennes françaises, déjà fragiles avant la crise, pourraient enregistrer 4 milliards d’euros de pertes en 2020. Après avoir accordé à Air France-KLM, au printemps dernier, des aides sous la forme de prêts et de garantie d’emprunts, pour 7 milliards d’euros, l’État va probablement réintervenir d’ici à la fin de l’année. L’hypothèse d’une recapitalisation est largement évoquée pour améliorer le bilan de la compagnie et assurer son avenir. J’ajoute que les aéroports ont bénéficié de mesures spécifiques, mais que leur situation se dégrade fortement et qu’il faudra sans doute y revenir.

Dans cette conjoncture exceptionnellement difficile, les recettes de la DGAC devraient s’effondrer de 80 % en 2020. C’est considérable. Pour construire son budget 2021, la direction s’est fondée sur un trafic inférieur de 30 % à celui de 2019, mais cette prévision me paraît d’ores et déjà caduque. Les 1 509,7 millions d’euros espérés paraissent hors de portée. Les recettes des diverses taxes perçues par la DGAC pour compte de tiers – taxe de solidarité, taxe d’aéroport, taxe sur les nuisances sonores aériennes – ont également vu leurs recettes drastiquement diminuer.

Les performances de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), encadrées par le droit européen dans le cadre du plan de performance RP2, restent, à ce stade, insuffisantes.

Si le taux de la redevance de route est compétitif, les retards dus au contrôle aérien demeuraient importants en 2019. Les raisons sont connues : une certaine obsolescence des équipements et l’inadéquation de l’organisation du travail des contrôleurs aériens aux nouvelles caractéristiques du trafic.

Pour mobiliser les équipes de la DSNA autour d’un projet ambitieux, il me semble utile de prévoir la signature d’un contrat analogue aux contrats d’objectifs et de performance des établissements publics. Cela permettrait de formaliser des objectifs précis et chiffrés.

Comme en 2020, le schéma d’emplois 2021 de la DGAC reste stable. Sa masse salariale diminuera légèrement, de 6,2 millions d’euros, pour atteindre 932,6 millions d’euros. Compte tenu du contexte économique, les négociations du protocole 2020-2024 ont été suspendues. Malgré tout, 1,6 million d’euros sont prévus au titre de mesures catégorielles.

Pour accélérer la réalisation de ses grands programmes de modernisation, la DGAC a profondément revu sa gouvernance. Elle consacrera, l’année prochaine, 140,6 millions d’euros à ces programmes. Pour les faire aboutir, elle devra se mobiliser fortement. C’est surtout son endettement qui va progresser en 2020, de 1,4 milliard d’euros, ce qui est extrêmement important.