M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pandémie du covid-19 qui nous touche depuis près d’un an a, et aura, des conséquences sanitaires, sociales, économiques que nous devrons collectivement affronter.

Le montant total de cette mission s’élève à 15,91 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 15,99 milliards d’euros en crédits de paiement, en légère augmentation par rapport au montant des crédits attribués en 2020.

Nous avons souhaité, en cette année si particulière, faire porter l’effort sur quelques secteurs plus saillants.

Ainsi, nous vous proposons de conforter les crédits destinés aux hébergements d’urgence pour les femmes victimes de violence, ainsi que les APL accession, mais aussi de nous associer à des mesures complémentaires de soutien pour nos commerces de proximité.

Nous n’oublions pas pour autant les conséquences territoriales de cette pandémie, qui toucheront davantage des territoires déjà fragilisés et visés, à ce titre, par des politiques de cohésion.

Aujourd’hui, nos élus s’inquiètent du fait que leur projet de dynamisation de leur commune soit durablement marqué par de possibles faillites de commerçants, l’annulation de fêtes ou de festivals. Et j’aurai, à cet égard, une pensée particulière pour les élus de moyenne montagne : la neige ne sera pas reportée pour eux !

Le 25 novembre, lors du salon des maires, Mme la ministre Jacqueline Gourault a indiqué son souhait de voir 16 milliards d’euros, sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, s’ajouter aux financements traditionnels et « descendre » dans les territoires. Ces abondements supplémentaires sont évidemment les bienvenus, si tant est que ces aides de relance économique soient bien accessibles à tous, visibles et fléchées.

Nous sommes aussi vigilants à ce qu’elles ne se substituent pas à des engagements pérennes menés depuis des années.

La mise en œuvre de la deuxième génération de l’agenda rural, le désenclavement des territoires et, en particulier, la pérennité des crédits mobilité qui viendront abonder les CPER pour la période 2020-2024, les nouveaux contrats de transition écologique et le plan France Très haut débit à destination de la ruralité constituent la colonne vertébrale de nos politiques d’aménagement du territoire, qui ne devront en aucun cas être sacrifiées. Faute de quoi, l’ensemble des crédits de la relance ou de cohésion perdront de leur efficacité. Or les abondements prévus au programme 112 nous paraissent fragiles.

Plus que jamais, en effet, nous avons besoin d’outils administratifs opérationnels, simples, présents physiquement dans nos territoires, au service de nos projets locaux.

L’Agence nationale de la cohésion des territoires, née sur l’initiative du groupe du RDSE, entrera en 2021 dans sa première véritable année d’existence. Lors de sa communication d’étape, en juillet 2020, devant la délégation aux collectivités territoriales, notre ancienne collègue Josiane Costes avait rappelé quelle était notre première préoccupation : il s’agit bien d’assurer « l’appui en ingénierie et sur mesure à des projets locaux », de « développer du bas vers le haut, et non du haut vers le bas ». Or les remontées que nous avons des comités locaux de cohésion territoriale confirment nos craintes initiales que l’agence ne se dilue dans ses multiples responsabilités nationales. Nous devons infléchir cette tendance.

Aussi, mes chers collègues, nous proposons à votre vote plusieurs amendements pour conforter ses missions directes d’ingénierie territoriale. Certes, l’ANCT bénéficiera de 20 millions d’euros supplémentaires sur ces missions, mais nous souhaitons que ses crédits soient abondés de 10 millions d’euros supplémentaires, et que l’on crée les postes consacrés à l’ingénierie, annoncés en 2020 et pourtant non budgétés en 2021, en les fléchant dans les territoires.

Nous demandons également que des volontaires territoriaux d’administration puissent épauler l’ANCT dans des missions directes d’assistance aux projets des collectivités.

Ce sont nos élus qui, en 2021, devront remettre l’ouvrage sur le métier, dans des circonstances très difficiles, pour reconstruire une vie locale avec le virus. Plus que jamais, mes chers collègues, faisons confiance à l’intelligence territoriale ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà du seul exercice comptable et budgétaire, la mission dont nous discutons aujourd’hui – mais c’est aussi valable, plus largement, pour le PLF – doit nous amener à réfléchir aux enjeux fondamentaux que revêt la cohésion nationale pour notre société.

Dans le contexte actuel de crise sanitaire et sociale, alors que les signaux sont alarmants, il est de notre responsabilité collective d’anticiper les formes de précarité qui découleront de la montée de la pauvreté liée à cette crise.

La crise sanitaire se double effectivement d’une crise du logement, et nous entendons rappeler, au sein de cet hémicycle, que le logement est un bien de première nécessité.

À ce titre, comme l’a indiqué mon collègue Olivier Henno, nous saluons les mesures exceptionnelles qui ont été prises dans le secteur de l’hébergement depuis le début de la crise, afin de lutter contre l’épidémie et de protéger les populations les plus fragilisées : accroissement des capacités d’hébergement d’urgence, mise à l’abri des personnes, tout en diminuant la densité d’occupation des structures pour respecter les consignes sanitaires. Ce sont 35 000 places exceptionnelles qui ont été ouvertes, dont 14 000 seront pérennisées d’ici à 2021.

Si l’on peut se féliciter de l’engagement du Gouvernement en faveur de l’hébergement d’urgence, des efforts importants sont également réalisés pour la rénovation énergétique des bâtiments et du logement, via le plan de relance, qui consacre 6,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement à la rénovation énergétique sur la période 2021-2022. C’est nécessaire quand on sait que le phénomène de précarité énergétique touche près de 5 millions de ménages.

En revanche, le secteur de la construction de logements neufs semble oublié, bien qu’il subisse un choc sans précédent – on estime que, sur la période 2020-2021, la baisse de la construction représentera 100 000 logements. Dominique Estrosi Sassone l’a souligné dans son rapport, il est regrettable qu’aucune mesure ne vienne soutenir la construction, car c’est un véritable levier de croissance : « 100 000 logements construits équivalent à 200 000 emplois préservés ou créés ».

Le Gouvernement a fait un premier pas à l’Assemblée nationale, avec la prorogation du dispositif Pinel et du prêt à taux zéro (PTZ). Avec des dispositions élargies, ces propositions pourraient permettre de soutenir la filière du bâtiment et de l’artisanat, et ainsi d’engager une dynamique positive pour la relance de notre pays.

La crise, évidemment, impactera aussi le monde du logement social, dont les difficultés étaient déjà connues. Les bailleurs sociaux, fragilisés depuis 2018 par la réduction de loyer de solidarité voient leurs problématiques se renforcer – au premier chef, celle qui concerne le manque d’autofinancement.

Sans retour de l’APL accession, notamment, ils auront le plus grand mal à atteindre leurs objectifs de vente dans de bonnes conditions, en évitant l’écueil des copropriétés dégradées, comme je le rappelle systématiquement. Aujourd’hui, fragilisés par la RLS, ils ne disposent plus des mêmes moyens pour financer de nouveaux programmes de construction et multiplient, depuis quelques mois, les alertes en matière d’impayés de loyers. Nous devrons être attentifs à ces signaux, afin de préserver la solvabilité des ménages et de sécuriser les parcours résidentiels.

Dans ce contexte compliqué, où le secteur du logement social manque de visibilité, il convient de souligner la pression exercée par le Gouvernement sur Action Logement – certains de mes collègues l’ont déjà fait, mais ce point est particulièrement important.

Cette pression s’est un peu relâchée, grâce à la mobilisation du Sénat dans son ensemble, notamment de sa commission des affaires économiques, mais aussi grâce aux interventions de notre collègue Philippe Dallier, qui suit ces sujets de près. De votre côté, madame la ministre, vous nous avez aidés, en signifiant que le Gouvernement ne procéderait pas par ordonnance pour réformer le groupe Action Logement.

Néanmoins, la pression reste de mise, avec le doublement de la contribution d’Action Logement prévu à l’article 47 du présent projet de loi de finances : de 500 millions d’euros, l’an passé, le prélèvement passerait à 1 milliard d’euros, cette année.

Nous défendrons, là encore de façon collégiale, un amendement visant à revenir sur cette ponction, qui nous semble préfigurer l’avenir de la réforme avant même l’engagement de la concertation avec les partenaires sociaux. En ajoutant 1 milliard d’euros aux 300 millions d’euros de compensation supprimés à l’article 24 du présent texte, on obtient le montant annuel de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC)… Si la ressource est retirée en totalité, se pose clairement la question de la stabilité du secteur du logement social, avec, en corollaire, une remise en cause de la politique de rénovation urbaine !

Représentant 18 % des logements sociaux en France, Action Logement aura assuré plus de 40 % de la production en 2020 ! Que serait la construction neuve sans Action Logement ? Le groupe apporte 1,4 milliard d’euros d’aides directes aux bailleurs sociaux, ainsi que 510 000 aides aux salariés pour un montant de 581 millions d’euros.

Pour la rénovation urbaine, il déploie 475 millions d’euros de financement, et cela doit nous faire réfléchir, madame la ministre, car la rénovation urbaine, comme vous le savez, peine à maintenir son régime de croisière.

D’ailleurs, c’est aussi dû à une problématique essentielle pour les élus, la garantie de la pérennité de la ressource. À cet égard, une chose est certaine : entre l’État et Action Logement, celui qui est au rendez-vous et qui paie rubis sur l’ongle, chaque euro, chaque année, c’est Action Logement ! Cette forme de « sanctuarisation » des moyens du logement va être capitale, madame la ministre, pour la période dans laquelle nous allons entrer.

Et, là encore, il y a urgence ! Nous aussi avons entendu le cri de ces maires – ils étaient 101 au départ ; ils sont de plus en plus nombreux – qui défendent des territoires en décrochage, qui réclament des moyens à la hauteur des enjeux de la République. Placés aux avant-postes de la crise sanitaire et économique, témoins de la détresse des bénévoles associatifs, ayant reçu un nombre incommensurable de demandes d’urgence, ils appellent, au nom de l’égalité républicaine, à réserver 1 % du plan de relance au soutien des quartiers et des publics prioritaires.

En évoquant ces mots, j’ai évidemment en tête le rapport de Jean-Louis Borloo : Vivre ensemble, vivre en grand. Pour une réconciliation nationale.

Le groupe Union Centriste est en phase avec les amendements déposés par la rapporteure pour avis Viviane Artigalas dans le cadre du programme 147 et, bien évidemment, avec ceux qui ont été discutés dans le cadre de la mission « Plan de relance ».

Nous appelons le Gouvernement à tenir compte de la position du Sénat pour que soient fléchés les moyens destinés aux communes ayant des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous avons besoin de repérer avec précision ces crédits, afin qu’ils atterrissent réellement dans ces territoires.

Au-delà, la lutte contre les fractures et pour l’égalité de tous sur notre territoire passe par une meilleure politique de la ville et par de réelles stratégies d’aménagement du territoire. C’est aussi l’objet de cette mission budgétaire.

Accompagner la construction et la rénovation du logement social, déployer une politique de la ville, c’est faire de l’aménagement du territoire de manière différenciée et adaptée : différenciée en fonction des problématiques locales, mais surtout adaptée aux difficultés des habitants.

L’Agence nationale de la cohésion des territoires porte de nombreuses politiques de cette mission : programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain, initiative Territoires d’industrie, guichet France Services, agenda rural. Ce sont autant d’actions louables, mais il faut que cette agence soit bien le bras armé de l’État dans les territoires pour les accompagner dans leurs projets, et non un outil au service de l’État pour expliquer aux territoires ce qu’ils ont à faire.

Je rappelle le principe, en France, de libre administration des collectivités territoriales. L’Agence nationale de la cohésion des territoires doit offrir un support en ingénierie à ceux qui en ont besoin, les soutenir dans leurs projets, leur donner les moyens de faire ce qu’ils ont décidé de faire, au bénéfice de leur population. Tout le monde appelle de ses vœux une telle agence, afin d’opérer un rééquilibrage de l’action de l’État au bénéfice des territoires, qui a peut-être manqué par le passé. Nous voulons donc une ANCT au service des collectivités, non un outil pour leur dire ce qu’elles doivent faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au sein de la mission « Cohésion des territoires », j’aborderai le volet relatif au logement et mon collègue Serge Mérillou traitera de la politique de la ville.

Le budget de 2021 pour le logement et l’hébergement est un budget de continuité, avec des crédits en faveur de l’hébergement en hausse.

Mais il ne prend pas vraiment la mesure de la gravité de la situation sociale engendrée par la pandémie. La prise en compte de l’hébergement d’urgence est insuffisante et il manque des mesures fortes pour empêcher de nombreux Français de basculer dans la précarité.

S’agissant du programme 109, « Aide à l’accès au logement », le PLF pour 2021 prévoit un prélèvement sur les ressources d’Action Logement de 1 milliard d’euros pour abonder le budget des aides au logement. Cette nouvelle ponction sur la trésorerie de ce partenaire de l’État risque de fragiliser l’écosystème du logement social.

Or Action Logement est un acteur clé pour appréhender la période de relance, alors que la crise sanitaire que nous traversons accentue les difficultés d’accès et de maintien dans le logement et fragilise le secteur de l’immobilier et du bâtiment dans son ensemble. Dans ce contexte, le groupe doit amplifier ses financements en faveur de la production de logements sociaux, de la réorientation du Plan d’investissement volontaire, de la rénovation urbaine, de l’accompagnement du programme Action cœur de ville, et non financer les APL, en lieu et place de l’État !

Pour le reste du programme 109, le contexte actuel nous fait singulièrement sentir le poids des décisions successives du Gouvernement : baisse de 5 euros, gel du barème et sous-indexation des APL ; mise en place de la réduction de loyer de solidarité ; suppression de l’APL accession.

Toujours du fait du contexte actuel particulièrement difficile, on aurait pu attendre de ce projet de loi de finances un rattrapage en faveur des familles les plus modestes. Mais il n’en est rien. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain continuera de soutenir le rétablissement de l’APL accession, ainsi qu’une réévaluation du montant des aides au logement.

La mise en œuvre de la réforme des APL en temps réel frappera en premier lieu les jeunes actifs à petits revenus ou ceux qui entrent dans la vie professionnelle dans un contexte économique très difficile. Nous demandons donc la mise en place d’un régime compensatoire pour les soutenir.

S’agissant du programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », je voudrais d’abord rappeler, comme l’ont fait d’autres orateurs avant moi, que l’instauration de la réduction de loyer de solidarité a fragilisé les capacités d’investissement des bailleurs sociaux. Le PLF pour 2021 prévoit de nouveau la suspension de l’indexation du montant des plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la RLS, ce qui limitera le montant des économies prévues à 1,3 milliard d’euros.

Certes, la mission « Plan de relance » prévoit 60 millions d’euros pour financer les travaux de rénovation énergétique et les travaux de réhabilitation lourde de logements locatifs sociaux. Pour autant, la Caisse des dépôts et consignations anticipe une baisse de production de logements sociaux de 20 % par rapport aux objectifs du pacte d’investissement.

Je voudrais aussi évoquer la question de la territorialisation des politiques d’aide au logement, qui doit davantage prendre en compte les spécificités locales. L’Assemblée nationale a introduit deux articles additionnels, prolongeant le prêt à taux zéro, ainsi que le dispositif Pinel jusqu’à la fin de 2022.

Toutefois, rappelons que, depuis la loi de finances pour 2018, la quotité finançable par les PTZ a été divisée par deux : elle est passée de 40 % à 20 % pour 95 % du territoire français, soit dans les zones B2 et C. Cette différence de traitement crée une inégalité territoriale. Or, c’est justement dans les zones moins tendues, où les prix d’acquisition sont encore accessibles, que le PTZ prend tout son sens.

L’inégalité est aussi manifeste avec le dispositif Pinel, dont le zonage n’a pas évolué depuis 2014. Certaines collectivités en sont donc exclues, désertées par les investisseurs, alors qu’elles présentent un besoin en logements.

Je terminerai enfin sur la nécessaire relance de la construction. Le 12 novembre, l’État, les professionnels et les associations d’élus locaux ont signé le pacte national pour la relance de la construction durable.

Ce pacte tend à simplifier et accélérer les procédures d’urbanisme, pour limiter la baisse des mises en chantier en 2021, et d’accompagner l’émergence de projets durables de construction. Il appelle à une déclinaison à travers des accords locaux de coordination, pour fédérer les acteurs concernés par sa mise en œuvre. C’est une bonne méthode.

En conclusion, ce PLF contient, certes, une ambition fléchée sur le logement, avec, au sein du plan de relance, un effort important en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments. Mais concernant tous les dispositifs d’aide au logement et de soutien au pouvoir d’achat des Français les plus modestes, ce plan de relance a constitué une occasion manquée de maintenir un certain nombre de filets de sécurité pour nos concitoyens les plus fragiles. Nous le regrettons profondément.

Le « quoi qu’il en coûte » doit s’appliquer à la justice sociale et à la protection des plus vulnérables.

Pour toutes ces raisons, et comme depuis trois années consécutives, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demande au Gouvernement une réorientation de la politique du logement et rejette les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cela a été dit, nos territoires ont souffert et souffrent encore de la crise sanitaire. Il est indispensable que l’État soit au rendez-vous pour assurer leur cohésion, car de celle-ci découle aussi la cohésion nationale. Il faudra, dans les prochaines semaines et les prochains mois, mobiliser toutes les énergies et l’ensemble des financements pour retrouver une voie plus « radieuse » et, surtout, plus vertueuse.

On peut avoir deux lectures de ce budget. La première nous invite plutôt à exprimer une forme de satisfaction. Certains crédits ont effectivement été augmentés – Agence nationale de la cohésion des territoires, maisons France Services, etc. – et certains dispositifs confortés, comme la prime d’aménagement du territoire ou les ZRR.

Néanmoins, vous me permettrez de penser qu’il faut donner plus de lisibilité. Tout cela reste très fragile, et nos élus ne cessent d’appeler à la constance pour pouvoir durablement redresser les territoires et s’inscrire dans la voie des investissements pour l’avenir, tout particulièrement dans la période qui s’annonce.

Nous le savons toutes et tous, il n’y aura pas de relance durable sans les territoires, sans nos communes, nos intercommunalités, nos départements et nos régions ! C’est pourquoi je forme le vœu ce soir, singulièrement en ma qualité d’élu d’un département rural, que toutes les énergies puissent être mobilisées. Derrière ces évolutions que l’on peut considérer comme satisfaisantes, il faut aussi veiller à l’application concrète de ce budget.

Que les crédits soient là, c’est une chose, mais, comme nous sommes plusieurs à l’avoir rappelé, le tout manque un peu de visibilité et il va falloir passer à l’action. D’une part, de nombreux dispositifs qui nous sont présentés, notamment l’Agence nationale de la cohésion des territoires ou les maisons France Services, sont en phase de démarrage. D’autre part, comme le rappelait à l’instant Valérie Létard, nous ne voudrions pas que ces dispositifs se révèlent être des outils de l’État pour assurer sa présence sur les territoires. Ils doivent permettre de conforter nos territoires et de renouer avec la croissance.

Pour cela, je le dis avec beaucoup de solennité, il faut impérativement retrouver de l’agilité, ce qui me conduit à mettre l’accent sur celle qui sera au cœur des débats de cette année 2021 : l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Nous n’avons pas cessé – c’était encore le cas voilà quelques jours, avec vous-même, monsieur le secrétaire d’État – de réaffirmer le besoin de disposer, sur nos territoires, d’un outil agile, apportant un support en ingénierie aux communes ou départements demandeurs. Sans accompagnement de nos collectivités, le seul octroi de crédits ne permettra pas une relance durable ; celle-ci demeurera un vœu pieux, ce dont nous ne voulons absolument pas.

Nous attendons des actions concrètes. Nous attendons que l’on traite enfin, et durablement, les dossiers de la téléphonie, de l’accès au numérique, de la mobilité. En cela, l’Agence nationale de la cohésion des territoires doit aussi faire office de caisse de résonnance, car, trop souvent, nos territoires se heurtent à des barrières administratives ou technocratiques.

Autrement dit, nous voulons des outils qui, à la fois, nous offrent une agilité et nous permettent d’être dans l’action.

C’est pourquoi nous voterons ces crédits, mais resterons très vigilants. Après les paroles, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, le temps des actes est venu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Serge Mérillou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, trois ans, c’est long ! Les habitants les plus modestes des quartiers de la politique de la ville l’ont appris à leurs dépens. Eux qui devaient être les « grands gagnants » du discours de Tourcoing de 2017, eux à qui le Gouvernement devait redonner espoir sont aujourd’hui les grands perdants de ce début de quinquennat.

Les conclusions du rapport de Jean-Louis Borloo offraient pourtant des perspectives intéressantes pour ces quartiers délaissés par la République. Deux ans après, où sont les actes ? Une fois de plus, le Gouvernement a fait ce qu’il sait faire le mieux : communiquer !

M. Michel Savin. Très bien !

M. Serge Mérillou. Madame la ministre, je ne ferai pas de procès en inaction. Je le reconnais, quand il s’agit de favoriser les plus riches, votre gouvernement répond présent ! (Rires sur les travées du groupe SER.) L’accroissement des inégalités depuis l’arrivée du président Macron aux responsabilités le prouve.

En juillet 2018, pour renouer avec les élus locaux de la politique de la ville, le Gouvernement annonçait vouloir garantir les mêmes droits aux habitants de ces quartiers, favoriser l’émancipation et « faire République ».

Alors, certes, vous avez sanctuarisé les crédits, mais c’est insuffisant. Le bilan de ces trois dernières années est vide : vide d’ambition pour les quartiers, vide de souffle, vide d’actions concrètes pour les habitants… laissant place, souvent, à un sentiment d’abandon, un sentiment de « non-assistance à territoire en danger ».

Madame la ministre, il y a urgence ! Je vous le demande : écoutez les élus de terrain ! Le 14 novembre dernier, ils ont été plus de 150 à interpeller le Président de la République. Dans un courrier, ils exprimaient ainsi leur désarroi face à la politique d’abandon des quartiers menée par votre gouvernement : « Il serait irresponsable de nier que la haine et le repli sur soi prospèrent à mesure que la rupture sociale et la pauvreté augmentent. »

Ces quartiers subissent de plein fouet les conséquences économiques, sociales et sanitaires de la crise. Or, paradoxalement, la politique de la ville est l’angle mort du plan de relance. Madame la ministre, il nous faut renouer avec ce qui fait la grandeur de notre nation. Solidarité et fraternité doivent être les maîtres mots de la politique de relance.

C’est dans cette logique que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et moi-même proposons d’agir suivant trois axes.

Tout d’abord, nous devons soutenir la mobilisation des acteurs et redonner confiance et espoir aux habitants.

Le plan de relance doit être l’occasion de redonner vie à la République dans les quartiers de la politique de la ville, de restaurer la cohésion dans notre pays.

Nous avons proposé dans le cadre de la mission « Plan de relance », la création d’un Conseil national des solutions composé d’élus, d’associatifs, de fonctionnaires, d’entrepreneurs et d’universitaires bénévoles. Nous n’avons pas été entendus.

Ce conseil aurait vocation à identifier, promouvoir et évaluer les solutions qui fonctionnent sur le terrain en matière d’emploi, de citoyenneté, d’éducation, de sécurité, de mobilité ou encore de logement. Il aurait également comme première mission de mettre en place des collectifs pour l’emploi et la formation dans les cent villes les plus pauvres de France.

Nous devons ensuite envoyer un signal fort à la jeunesse.

Le PLF pour 2021 prévoit la création de 20 cités de l’emploi au bénéfice des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous tenons beaucoup, madame la ministre, à la création de 80 cités de l’emploi supplémentaires, pour un montant de 9 millions d’euros voté dans le cadre du plan de relance.

Nous tenons également beaucoup aux propositions de la rapporteure pour avis Viviane Artigalas en faveur d’un doublement des moyens du programme de réussite éducative et de la création de 40 cités éducatives supplémentaires.

Ces propositions pour la jeunesse de ces quartiers répondent à une attente forte des maires des quartiers populaires.

Enfin, nous devons faire de l’ANRU un acteur de la relance dans les quartiers de la politique de la ville. À cet égard, nous nous félicitons de l’adoption par le Sénat, la semaine dernière, de l’amendement de Viviane Artigalas, tendant à augmenter de 100 millions d’euros l’investissement de l’État dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain.

Madame la ministre, nous devons agir, et agir vite. Il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)