Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Le débat que nous avons est un débat budgétaire, mais ces sujets ne sont en rien budgétaires. Notre collègue a tout à fait raison de dire que le taux d’éloignement est aujourd’hui ridicule. L’éloignement est inexistant ! Et le chiffre qui a été donné, de l’ordre de 12 % à 13 %, correspond en réalité quasi exclusivement à des éloignements réalisés à Mayotte.

Cela dit, le problème n’est en rien budgétaire ; cela ne sert à rien, mes chers collègues, de consacrer 10 millions d’euros de plus à l’éloignement. Les problèmes que l’on rencontre sont d’une tout autre nature, et la situation dans laquelle se trouve actuellement le Gouvernement est absolument intenable.

Pourquoi ne peut-on pas éloigner aujourd’hui ? Premièrement, parce que la moitié seulement de nos centres dits de rétention sont en activité, et parce que, de surcroît, ceux qui fonctionnent sont eux-mêmes limités à un taux d’occupation de 50 %. Il n’y a donc quasiment plus personne dans les centres de rétention qui, vous le savez, sont un point de passage plus ou moins obligé dans ce domaine.

Pour pouvoir éloigner, deuxièmement, il faut que soient délivrés les laissez-passer consulaires. Or les États concernés ne délivrent plus ces laissez-passer. Nous n’avons de toute façon plus de liaison, en termes de transports, avec la plupart de ces pays, dont même les plus proches de nous, y compris des pays européens, exigent un certificat covid-19 récent. Or je vous rappelle, autre sujet de préoccupation, que personne ne peut obliger quiconque à passer un test de dépistage du covid-19 ; inutile de vous dire que, dans ces conditions, il n’est pas très compliqué de ne pas être éloigné…

Il y a donc bel et bien un sujet, mais ce sujet n’est pas budgétaire. Nous pourrons en discuter lors du débat prévu le 17 décembre, mais il n’y a pas lieu, par conséquent, d’allouer 10 millions d’euros supplémentaires à des actions qui, en l’état, ne sont pas réalisables – c’est l’une des difficultés de ce sujet, et aussi l’un des éléments de grand décalage, madame la ministre, entre ce que nous avons entendu voilà quelques minutes et la réalité.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Parler du taux d’exécution des OQTF en le comparant à ce qui se passe dans d’autres pays n’a aucun sens, parce qu’il faut regarder les volumes ! Quand on prononce des OQTF en veux-tu en voilà, sans motivation, sans se soucier de faisabilité, la comparaison avec d’autres pays qui procèdent de manière plus intelligente est évidemment accablante…

À regarder les volumes, on constate que nos résultats ne sont pas si mauvais. Et si nous voulons les améliorer, interrogeons-nous sur la manière dont agissent les autres pays, parce qu’ils sont exactement soumis aux mêmes contraintes que nous en matière de laissez-passer consulaires.

Si vous pensez que la seule manière d’exécuter une OQTF est le diptyque CRA-expulsion forcée, vous vous trompez : ça ne marche pas ! Ça coûte cher – 15 000 euros en moyenne –, et ça ne marche pas. Ce sont les incitations et les départs volontaires qui fonctionnent : ça coûte beaucoup moins cher et c’est plus efficace. Regardez ce que fait l’Allemagne : quand elle veut des départs, c’est ainsi qu’elle procède. Elle n’enferme pas, en tout cas pas trop, et elle ne force pas les gens.

Continuez à vous acharner dans l’erreur ! Vous voulez changer la donne, et vous n’avez à proposer que la continuation des mêmes erreurs que l’on fait depuis quinze ans ? C’est incompréhensible ! (Mme Esther Benbassa et MM. Jean-Pierre Sueur et Éric Kerrouche applaudissent.)

Mme Valérie Boyer. Je dirais surtout qu’on ne fait rien depuis quinze ans !

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. Je voudrais abonder dans le sens de mon collègue corapporteur Philippe Bonnecarrère et rappeler que, même hors période de covid-19, nous avons les plus grandes difficultés à éloigner. Le problème s’est aggravé, mais il a toujours existé.

Pour autant, je souhaiterais rappeler aussi que le Sénat a proposé diverses solutions, dont une a d’ailleurs été soumise à M. le ministre de l’intérieur, qui n’a pas répondu, pendant une séance de questions au Gouvernement : elle consisterait, pour certains pays depuis lesquels l’immigration régulière est tout aussi importante que l’immigration irrégulière, en l’occurrence ceux du Maghreb, à conditionner la délivrance de visas au fait qu’ils acceptent de reprendre sur leur territoire leurs émigrés en situation irrégulière.

Une telle disposition nous donnerait vraisemblablement un moyen de discussion et nous permettrait de mettre fin à cette situation totalement anormale. (M. Cédric Vial applaudit.)

Mme Valérie Boyer. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Lorsqu’un ministère chargé de l’immigration a été créé, en 2007, le ministre avait absolument voulu que son périmètre comprenne le codéveloppement,…

Mme Valérie Boyer. Exactement !

M. Jérôme Bascher. … afin de pouvoir faire ce que vient de prôner Mme Jourda.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-791 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-421 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-973, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Sauvetage des naufragés

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

12 000 000

12 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

Sauvetage des naufragés

12 000 000

12 000 000

TOTAL

12 000 000

12 000 000

12 000 000

12 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Selon l’ONU, plus de 20 000 migrants ont péri en Méditerranée depuis 2014. Cet effroyable seuil a été franchi en mars 2020, le naufrage d’un bateau au large des côtes libyennes ayant entraîné la mort de 91 personnes migrantes.

La Méditerranée se transforme en cimetière et, par son inaction, l’État français se fait complice de ces morts.

Il est temps que cela cesse ! Nous nous devons de porter assistance à ces enfants, à ces femmes et à ces hommes naufragés. Arrachés à leur terre natale par les affres de la vie, les guerres ou l’instabilité politique, ils n’aspirent qu’à une chose : trouver la paix en Europe, en attendant de pouvoir rentrer un jour dans leur pays d’origine.

Ainsi est-il proposé de créer un programme intitulé « Sauvetage des naufragés » qui financerait des dispositifs maritimes affrétés par l’État français afin de porter secours aux embarcations de fortune en détresse.

Le financement de cette mesure se ferait par un prélèvement de 12 millions d’euros, soit le double du budget de l’ONG SOS Méditerranée, sur les crédits de l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière. La France, pays des droits de l’homme, se doit d’être à la pointe de la solidarité envers les personnes exilées.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Avis défavorable. Il n’appartient pas à la commission de créer un nouveau programme.

Par ailleurs, pour résoudre cette catastrophe humanitaire des noyades en Méditerranée, il suffirait de casser les trafics et de faire en sorte que chaque bateau retourne là d’où il est parti. Demandez-vous pourquoi il n’y avait pas de noyades voilà quelques décennies !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice Esther Benbassa, je partage le constat que vous faites : la mort d’une personne qui prenait la mer pour aller vers une vie meilleure dans notre pays est évidemment un drame terrible qui nous mobilise tous, et contre lequel nous sommes totalement révoltés.

La France mène une action résolue face à cette question préoccupante des sauvetages en Méditerranée. Vous savez peut-être que notre pays participe de manière volontaire à la relocalisation des demandeurs d’asile qui ont été débarqués à Malte, en Italie ou en Espagne, soit plus de 1 100 relocalisations depuis juin 2018. Le financement de ces opérations est assuré par le fonds asile migration et intégration (FAMI) de l’Union européenne.

Par ailleurs, la France joue un rôle moteur dans les négociations européennes qui permettent de mettre en place un véritable mécanisme concret dit de « répartition » des personnes qui sont débarquées après leur sauvetage en Méditerranée. Par exemple, à La Valette, le 23 septembre 2019, la France a obtenu un accord de l’Italie, de Malte et de l’Allemagne sur un texte visant à préciser les modalités de débarquement et les relocalisations qui s’ensuivent afin de pouvoir sauver autant que possible les personnes qui sont dans ces embarcations.

Nous poursuivons cette action en vue d’une approche solidaire des États de première entrée dans le cadre du dialogue européen. Dès lors, le Gouvernement est défavorable à la réallocation proposée en termes de crédits par les auteurs de cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je soutiens cet amendement de Mme Benbassa. Je voudrais en profiter pour restaurer l’image de Marseille, qui a été un peu dégradée par les interventions de deux de mes collègues. Ils l’ont citée comme étant une ville submergée par l’immigration. Beaucoup de Marseillais, eux-mêmes issus d’une immigration pas toujours très légale à l’époque où leur famille est arrivée à Marseille, adhèrent à la déclaration de Benoît Payan : « Nous ne laisserons pas des naufragés mourir en Méditerranée. C’est notre histoire, c’est notre tradition et ce sont nos valeurs. » C’est cette image-là de Marseille que je voudrais défendre devant cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-973.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-972, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

10 000 000

10 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Par cet amendement, nous souhaitons dénoncer un budget déséquilibré tant la part belle est faite au financement de la lutte contre l’immigration irrégulière, au détriment de l’intégration et de l’accès à la nationalité française.

En effet, depuis 2017, les crédits accordés à la police aux frontières ainsi qu’aux actions de répression des personnes migrantes sont en augmentation constante et disproportionnée, à hauteur de 61,8 %. Obnubilé par sa chasse électorale à droite, le Gouvernement en oublie l’essentiel. Le financement du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », connaît une augmentation extrêmement timorée de 0,4 % dans ce PLF pour 2021.

Ce programme est pourtant essentiel puisqu’il vise à donner un accueil digne aux personnes migrantes et à assurer leur suivi sur notre territoire, notamment en matière d’intégration, d’apprentissage du français et d’insertion sur le marché du travail. Ces actions semblent néanmoins bien secondaires à l’exécutif, qui préfère se concentrer sur une politique visant à décourager les migrants de rejoindre notre sol alors même que ceux-ci fuient les guerres, les famines, l’instabilité politique et, parfois même, les dérèglements climatiques.

Afin de doter la mission « Immigration, asile et intégration » d’un budget plus équilibré et plus humain, il est proposé, par le présent amendement, de prélever 10 millions d’euros alloués à l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, afin qu’ils viennent abonder le programme « Intégration et accès à la nationalité française », notamment l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, dont le budget est en recul de 1,6 % par rapport au PLF voté pour 2020.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Je suis défavorable à cet amendement. La générosité française s’exerce en faveur des migrants et de l’asile. En 2006, le budget consacré à l’accueil s’élevait à environ 500 millions d’euros. Il est de plus de 3 milliards d’euros aujourd’hui. Les sommes destinées à l’hébergement ont été multipliées par six, ce qui n’est pas assez, car nous ne maîtrisons pas l’immigration.

Madame Benbassa, la philosophie de vos amendements va toujours dans le même sens : on n’en fait jamais assez et on n’en fera jamais assez à vos yeux. Un collègue a évoqué Mayotte, mais on aurait pu aussi citer la Guyane, un département comme la Seine-Saint-Denis ou Marseille. Effectivement, ces territoires sont d’une certaine façon submergés. Mayotte en est un exemple criant, puisque près de 50 % de sa population est clandestine et que 75 % des naissances à la maternité sont issues de familles de clandestins.

On peut donc bien parler de submersion dans certains cas.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Défavorable.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je ne conteste pas le droit d’expression de notre collègue Meurant, mais je suis assez étonné qu’un rapporteur spécial tienne de tels propos. Il y a quand même des chiffres ! Il parle de submersion. Dois-je rappeler que la France est actuellement le vingt-septième ou le vingt-cinquième pays d’Europe en termes de délivrance d’un premier titre de séjour ? On en accorde deux fois moins que la Hongrie ! Et nous serions submergés ? Regardons les chiffres ! Un rapporteur de la commission des finances devrait savoir faire la différence entre 1 et 2… (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-972.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-971, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

5 000 000

5 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

Fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile

5 000 000

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Depuis 2015, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides souffre d’une sous-budgétisation chronique des moyens qui lui sont accordés.

Face à cette situation, le Gouvernement avait décidé dans son PLF pour 2020 d’augmenter de 20 millions d’euros le budget de fonctionnement de l’Office. Nous avions noté avec intérêt cette amélioration, certes insuffisante, mais qui constituait un progrès au regard des moyens alloués les années précédentes.

Cet effort ne s’est malheureusement pas inscrit dans la durée, puisque, dans ce PLF pour 2021, l’augmentation des crédits accordés à l’action n° 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, a considérablement diminué. Madame la ministre, pourquoi ce ralentissement ?

Au sein de l’Ofpra, certains dysfonctionnements sont encore à déplorer. Les services de l’Office sont engorgés et ne peuvent examiner correctement les dossiers des demandeurs d’asile dans des délais convenables. Cette réalité s’est d’ailleurs encore accentuée pendant la pandémie, puisque le temps de traitement moyen d’un dossier a été, cette année, de 241 jours, contre 161 jours en 2019.

Cette situation est regrettable et requiert que davantage de moyens soient injectés dans le fonctionnement de l’Ofpra, afin que l’effort budgétaire enclenché l’année dernière se poursuive durablement.

Le présent amendement vise à créer un fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile à hauteur de 5 millions d’euros. Ces moyens viendraient appuyer le recrutement de personnels qualifiés, mais aussi la formation des agents déjà en fonction afin qu’un traitement plus fluide des dossiers soit effectif au sein de l’Office.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice Esther Benbassa, le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.

D’abord, parce qu’on ne peut pas créer comme cela, à l’occasion de débats budgétaires, un fonds dont les contours et la mission n’auraient été discutés avec aucun expert, aucune partie prenante et aucun élu local.

Ensuite, parce que la mission que vous envisageriez de donner à ce fonds existe déjà et est financée par les crédits dont nous débattons ce soir.

En l’occurrence, en ce qui concerne l’Ofpra, je ne peux pas laisser sous-entendre que le traitement des dossiers serait long en raison d’un défaut de formation ou de professionnalisme de ses agents. Les agents de l’Ofpra sont tous des professionnels engagés, qui font le choix d’aller travailler à l’Ofpra et d’exercer un métier difficile. Cela les amène à réaliser parfois des entretiens avec des personnes ayant vécu des faits de guerre atroces, des violences sexuelles, des mutilations, et qui racontent leur histoire lorsqu’elles remplissent leur dossier. Les agents de l’Ofpra les prennent en charge toute la journée et tout au long de l’année.

Le directeur général de l’Ofpra, que j’ai reçu la semaine dernière, m’a parlé des 200 recrutements effectués ainsi que des formations afférentes. Ces 200 ETP supplémentaires sont déjà budgétés dans les crédits que nous avons proposés pour réduire les délais, car nous partageons en effet le constat qu’ils sont trop longs.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-971.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-165, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

1 000 000

1 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

1 000 000

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est un amendement de justice. Il concerne les interprètes afghans de l’armée française. On en parle régulièrement, mais je n’avais pas déposé d’amendement l’année dernière. Je ne suis pas sûre que celui d’aujourd’hui connaîtra un sort positif, mais il me donne néanmoins l’occasion de rappeler, madame la ministre, que l’armée française a engagé des interprètes, des ouvriers polyvalents, des cuisiniers, des physionomistes, soit environ 800 personnes sans lesquelles l’armée française aurait été sourde et muette en Afghanistan.

Ces gens ont été absolument abandonnés à leur sort quand la France a quitté l’Afghanistan. Très peu d’entre eux ont pu avoir la possibilité de venir en France. En revanche, ils ont été, comme les harkis jadis, poursuivis par leurs concitoyens comme étant des traîtres, car ils avaient travaillé pour l’armée française.

Le journaliste Quentin Müller a mené une enquête, pour ne pas dire une croisade. Aujourd’hui, certains interprètes de l’armée française et leur famille ont fini par arriver en France. Ils sont soutenus par des bénévoles qui font ce qu’ils peuvent pour les amener à l’Ofpra et les aider à trouver un logement. La dernière famille a été logée dans le Calvados, à Colombelles, grâce au maire de cette ville qui a bien voulu faire un effort et aider ces gens à obtenir des papiers. Cet amendement vise à dégager un financement pour régler le problème de cette centaine d’interprètes de l’armée française.

Madame la ministre, cette affaire est la honte de la France. On ne peut pas avoir utilisé des gens en Afghanistan dans des conditions pareilles et les abandonner absolument à leur triste sort, car ces personnes sont aujourd’hui victimes d’attentats. Beaucoup d’entre elles sont déjà mortes. Il faut absolument que la France puisse accueillir celles qui restent.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Je comprends tout à fait à l’indignation de Mme Goulet. J’appelle néanmoins à rejeter cet amendement, par souci de cohérence.

M. Jean-Pierre Sueur. Aucun argument !

Mme Esther Benbassa. Quelle cohérence ?

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je voudrais apporter quelques éléments pour éclairer à nos débats.

Lors des opérations militaires qui ont été menées par la France en Afghanistan, près de 800 personnels civils de recrutement local, les PCRL, dont une majorité d’interprètes, vous avez raison, ont œuvré au profit des forces françaises déployées en Afghanistan entre 2001 et 2014.

Après le retrait effectif de nos troupes d’Afghanistan, le gouvernement français a mis en place un dispositif en faveur de ces personnels. Il prévoit une indemnisation forfaitaire pour leur permettre la relocalisation dans une autre région d’Afghanistan, dans un pays tiers, au choix, ou pour ceux faisant l’objet de menaces graves, une procédure de relocalisation en France ou dans un autre pays.

La France a mis en place ce dispositif pour eux, pour leur famille élargie et comprenant les parents jusqu’aux deuxième et troisième degrés. La relocalisation s’est bien déroulée, et elle s’est faite en trois phases entre 2012 et 2019.

Au terme de ces trois phases d’examen, je vous annonce que 768 personnes se sont vu délivrer des visas d’installation en France. À leur arrivée, 408 cartes de résident leur ont été délivrées, ainsi qu’aux membres adultes de leur famille.

Lors des deux dernières phases, ces personnes ont bénéficié d’une prime d’aide à l’installation, d’un accompagnement social, de la mise à disposition de logements. Lors de la dernière phase, la délégation interministérielle pour l’accueil et l’intégration des réfugiés a été chargée de leur prise en charge et a mandaté un opérateur particulier, France Horizon.

L’ensemble de ce dispositif a permis à la France d’exprimer sa reconnaissance, mais aussi de respecter ses engagements humanitaires à l’égard de ces personnels.

Ce dispositif ne relève pas de la protection au titre de l’asile. Il a été mis en place avec des supports budgétaires extérieurs à ceux de la mission « Immigration, asile et intégration ». Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-165.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

Mme le président. J’appelle en discussion l’article 54 quaterdecies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Immigration, asile et intégration

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Administration générale et territoriale de l'État

Article 54 quaterdecies (nouveau)

L’article L. 713-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorité judiciaire communique ces mêmes éléments, sur demande ou d’office, au directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration lorsqu’ils sont de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d’une demande d’asile. »

Mme le président. Je mets aux voix l’article 54 quaterdecies.

(L’article 54 quaterdecies est adopté.)

Mme le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Administration générale et territoriale de l’État

Article 54 quaterdecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B (début)

Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à périmètre constant, le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » augmente d’un peu plus de 200 millions d’euros pour financer les élections départementales et régionales.

Vous le savez, un projet de loi relatif à leur organisation sera bientôt déposé au Parlement. Les élections devront vraisemblablement se dérouler en juin prochain, suivant en cela les recommandations du rapport de Jean-Louis Debré, remis au Premier ministre le 13 novembre dernier.

À périmètre constant, le budget de la mission doit se stabiliser en 2021 : l’effort se réduit pour les administrations de la mission, tout particulièrement pour l’administration territoriale.

Ce point me paraît essentiel : après plusieurs années de baisse des crédits et des emplois de l’administration d’État dans les territoires, l’année 2021 pourrait marquer, et il était temps, un coup d’arrêt.

En 2021, la mission sera principalement marquée par la poursuite de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE). Celle-ci a été enclenchée par la circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019, mais son déploiement a dû être ralenti en 2020 du fait de la crise sanitaire et économique.

Au-delà des questions qu’elle peut susciter, cette réforme semble interrompre une logique gestionnaire, de rabot sur les moyens des services de l’État, entamée il y a une douzaine d’années par la révision générale des politiques publiques.

La création des secrétariats généraux communs aux préfectures et aux directions départementales interministérielles, prévue initialement pour le premier semestre 2020, devrait être effective le 1er janvier prochain, de même que le transfert au ministère de l’éducation nationale des missions sport et jeunesse exercées par les directions départementales et régionales de la cohésion sociale.

Si je conçois l’objectif d’optimisation du fonctionnement de l’administration territoriale de l’État, je considère qu’il y a lieu de s’interroger sur le calendrier retenu par le Gouvernement. En effet, la deuxième vague de l’épidémie de covid-19 mobilise fortement les services, qui doivent pouvoir parer au plus urgent et rester focalisés sur la gestion de crise.

Maintenir un objectif de transformation à très court terme n’est pas pertinent, tant du point de vue de la bonne mise en œuvre de la réforme que de celui de son acceptation par les services. Il est vrai que la création des secrétariats généraux communs (SGC) a déjà dû être repoussée au-delà du premier semestre 2020, mais, la crise étant toujours aussi prégnante, la date du 1er janvier prochain ne me paraît pas en phase avec la situation actuelle.

En effet, je considère que le calendrier doit être adapté à l’ambition affichée par le Gouvernement : si la réforme de l’OTE est véritablement structurante, comment expliquer qu’elle ne puisse être différée de quelques mois et doive impérativement se dérouler dans le contexte de crise sanitaire majeure que nous traversons ? À titre de comparaison, la réforme des services économiques de l’État en région a, quant à elle, été ajournée !

Par ailleurs, au-delà de la limitation de la pression sur le budget et les emplois de la mission, des interrogations demeurent sur l’évolution du rôle de l’État dans les territoires.

Les thématiques portées par la mission sont nombreuses et je n’ai malheureusement pas le temps de les évoquer toutes ici.

Le principal sujet concerne l’accessibilité des services publics et, de ce point de vue, je tiens à rappeler que, même plus accessible, le « tout numérique » n’est pas une solution : il est indispensable de maintenir un accompagnement physique des personnes. Je pense, en particulier, à la dématérialisation des demandes de titres, qui a laissé de côté les publics les plus fragiles, ou encore aux « maisons France Services », pour lesquelles l’État ne s’applique pas à lui-même l’exigence de deux ETP qu’il a fixée pour tous, en particulier pour les collectivités territoriales. Seulement onze maisons de services au public (MSAP) financées par l’État ont été labellisées France Services.

Je souhaite enfin évoquer le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui couvre également des actions relatives à la radicalisation. Alors que le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation devrait voir son rôle renforcé via l’intégration de nouvelles missions liées à la prévention des dérives sectaires et au « contre discours républicain », je tiens à relever que les crédits du FIPD devraient baisser.

En effet, pour 2021, l’action consacrée au FIPD affiche une baisse de plus de 3,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3,9 millions d’euros en crédits de paiement. Je propose donc un amendement de crédits sur le FIPD de 3,84 millions d’euros afin de porter ces montants au niveau que vous avez annoncé, madame la ministre, sur votre compte Twitter.

La prévention de la délinquance et de la radicalisation ne peut en aucun cas constituer une variable d’ajustement budgétaire.