Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mmes Marie Mercier, Patricia Schillinger.

1. Procès-verbal

2. Hommage au Président Valéry Giscard d’Estaing

M. le président

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

3. Loi de finances pour 2021. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Seconde partie (suite)

Outre-mer

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Micheline Jacques, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Maurice Antiste

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Guillaume Gontard

M. Stéphane Artano

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

Mme Éliane Assassi

Mme Nassimah Dindar

Mme Viviane Malet

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

Mme Catherine Conconne

Mme Micheline Jacques

M. Dominique Théophile

M. Jean-François Longeot

Mme Annick Petrus

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

État B

Amendement n° II-959 rectifié bis de M. Gérard Poadja. – Retrait.

Amendement n° II-958 rectifié bis de M. Gérard Poadja. – Retrait.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

Amendement n° II-1018 de M. Victorin Lurel. – Retrait.

Amendement n° II-1104 rectifié de M. Maurice Antiste. – Retrait.

Amendement n° II-1103 rectifié de M. Maurice Antiste. – Retrait.

Amendement n° II-1055 de M. Victorin Lurel. – Retrait.

Amendement n° II-1051 de Mme Catherine Conconne. – Retrait.

Amendement n° II-1050 de M. Maurice Antiste. – Rejet.

Amendement n° II-1056 de M. Victorin Lurel. – Rejet.

Amendement n° II-1039 rectifié bis de M. Dominique Théophile. – Retrait.

Amendement n° II-1057 de M. Maurice Antiste. – Retrait.

Amendement n° II-1058 de M. Maurice Antiste. – Retrait.

Amendement n° II-1102 de M. Maurice Antiste. – Rejet.

Amendement n° II-1060 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.

Amendement n° II-1059 de M. Maurice Antiste. – Retrait.

Amendement n° II-1101 de M. Maurice Antiste. – Retrait.

Amendement n° II-997 de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.

Amendement n° II-1054 de M. Victorin Lurel. – Retrait.

Amendement n° II-1019 de M. Victorin Lurel. – Rejet.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

Article 55 sexies (nouveau)

Amendements identiques nos II-1161 de M. Teva Rohfritsch et II-1164 du Gouvernement. – Adoption des deux amendements rédigeant l’article.

Articles additionnels après l’article 55 sexies

Amendement n° II-796 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Rejet.

Amendement n° II-1053 de M. Victorin Lurel. – Retrait.

Défense

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances

PRÉSIDENCE DE M. Georges Patient

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Stéphane Ravier

M. Guillaume Gontard

M. Ludovic Haye

M. André Guiol

M. Christian Cambon

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Pierre Laurent

M. Alain Cazabonne

M. Gilbert Roger

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

Mme Florence Parly, ministre des armées

État B

Amendement n° II-1090 de Mme Michelle Gréaume. – Retrait.

Vote sur les crédits de la mission

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial

Adoption des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

Sécurités

Compte daffectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Philippe Dominati, en remplacement de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères

Mme Françoise Dumont, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la commission des lois

M. Jean-Louis Lagourgue

Mme Esther Benbassa

Mme Nicole Duranton

Mme Maryse Carrère

Mme Éliane Assassi

Mme Nathalie Goulet

M. Stéphane Ravier

Mme Nadine Bellurot

M. Jérôme Durain

M. Christian Cambon

M. Marc Laménie

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

sécurités

État B

Amendement n° II-1111 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° II-748 rectifié de Mme Guylène Pantel. – Rejet.

Amendement n° II-1109 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° II-979 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° II-980 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° II-978 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° II-1112 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° II-1169 rectifié ter de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° II-1168 rectifié ter de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° II-1110 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° II-960 de M. Gérard Poadja. – Non soutenu.

Amendement n° II-206 rectifié bis de M. Jean Sol. – Adoption.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption des crédits modifiés de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.

Article 66 (nouveau)

Amendement n° II-16 rectifié de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 67 (nouveau) – Adoption.

compte d’affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

État D

Amendement n° II-510 rectifié quater de M. Jean-Marie Mizzon. – Rejet.

Amendement n° II-794 rectifié quinquies de Mme Valérie Boyer. – Retrait.

Vote sur les crédits du compte spécial

Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.

Immigration, asile et intégration

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Jean-Louis Lagourgue

Mme Esther Benbassa

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Maryse Carrère

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Yves Leconte

M. Stéphane Ravier

M. Arnaud de Belenet

Mme Valérie Boyer

M. Édouard Courtial

4. Démission et remplacement d’un sénateur

5. Loi de finances pour 2021. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Immigration, asile et intégration (suite)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté

État B

Amendement n° II-791 rectifié bis de Mme Valérie Boyer. – Rejet.

Amendement n° II-421 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Rejet.

Amendement n° II-973 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° II-972 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° II-971 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° II-165 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Vote sur les crédits de la mission

Rejet des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Article 54 quaterdecies (nouveau) – Adoption.

Administration générale et territoriale de lÉtat

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale de la commission des finances

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la commission des lois

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Maryse Carrère

Mme Nathalie Goulet

M. Édouard Courtial

M. Jean-Louis Lagourgue

Mme Éliane Assassi

M. Éric Kerrouche

Mme Christine Lavarde

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté

État B

Amendement n° II-1108 rectifié bis de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Amendement n° II-1105 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° II-1 de la commission. – Adoption.

Amendement n° II-1106 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption des crédits modifiés de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage au Président Valéry Giscard d’Estaing

M. le président. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre des outre-mer, se lèvent.) Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec émotion et tristesse que nous avons appris, dans la soirée d’hier, la disparition du Président Valéry Giscard d’Estaing.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite rendre hommage, dans notre hémicycle, à un homme d’État au parcours exceptionnel, qui a profondément transformé notre pays.

Valéry Giscard d’Estaing a occupé successivement les plus hautes fonctions de la République, chaque fois de manière précoce.

Secrétaire d’État aux finances de 1959 à 1962, il devient ministre des finances et des affaires économiques en 1962 – il a alors 36 ans –, sous la présidence du général de Gaulle, et il le reste jusqu’en 1966. Il occupe de nouveau ce poste de 1969 à 1974, sous le mandat du Président Georges Pompidou, avant d’être élu à la présidence de la République.

Valéry Giscard d’Estaing incarne alors l’avenir, le changement. Il admire profondément le général de Gaulle, même s’il lui arrive d’avoir avec celui-ci des désaccords politiques, qui ont commencé par le « oui, mais » et se sont poursuivis avec le regard qu’il portait sur une certaine manière d’exercer le pouvoir ; néanmoins, n’oublions pas son engagement dans la Première armée française, en 1944 ; il avait alors 18 ans.

Candidat à l’élection présidentielle, il affronte les électeurs avec une image – celle de la modernité –, un projet – la société libérale avancée –, un slogan – « le changement sans risque » – et quelques belles formules, comme : « Je voudrais regarder la France au fond des yeux. »

Devenu Président de la République, à 48 ans, il entreprend une vaste politique de réformes. Il souhaite aller vers une démocratie renforcée et vers plus de libéralisme, et faire entrer de plain-pied notre pays dans ce qu’il qualifie de « monde moderne ».

D’abord, pour signifier, de manière symbolique, un changement de style, l’injure au chef de l’État cesse d’être un délit. Puis vient l’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel, changement capital, dont même Michel Debré admet, dans ses Mémoires, le caractère positif et l’apport que cela représente pour les oppositions et les minorités des deux assemblées.

Viennent ensuite : l’abaissement de la majorité à 18 ans ; la loi qui humanise le divorce, au travers de la notion de consentement mutuel ; la généralisation de la sécurité sociale à tous les Français ; la réforme de l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française), les organismes de radio et de télévision cessant alors, selon son expression, d’être « la voix de la France » ; la loi dite « informatique et libertés », dont nous reparlerons très bientôt, avec la création de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), dans laquelle Alain Poher, alors président du Sénat, joue un rôle central ; la création d’un secrétariat d’État à la qualité de la vie, qui vise à protéger la nature et à endiguer « l’urbanisation excessive » ; et la loi dite « sécurité et liberté », défendue par Alain Peyrefitte, d’une autre inspiration puisqu’elle a vocation à rassurer, déjà, une opinion publique inquiète des progrès de l’insécurité.

Valéry Giscard d’Estaing prend enfin un grand nombre de mesures en faveur des femmes, avec la création d’un secrétariat d’État à la condition féminine, conduit par Françoise Giroud, et la contraception libre et gratuite, mais également avec la loi sur l’interruption volontaire de grossesse – un moment très important –, défendue avec tant de noblesse et de courage par Simone Veil ; il manifeste ainsi sa résolution et son esprit d’indépendance.

Enfin, c’est sous son septennat que sont instituées les questions d’actualité au Gouvernement, pour le plus grand bonheur des ministres… (Sourires.)

C’est un Européen convaincu qui accède à la magistrature suprême. Il relance le processus européen, soutenu par le chancelier allemand Helmut Schmidt. Il contribue à créer le Conseil européen, qui permet aux chefs d’État et de gouvernement des neuf pays membres de la Communauté économique européenne de se réunir, au moins trois fois par an, pour examiner les dossiers communautaires. Jean Monnet reconnaîtra que l’institution de ce Conseil européen a été l’innovation la plus importante après le traité de Rome.

Il fait adopter le principe de l’élection au suffrage universel direct des députés au Parlement européen. Le choix de Simone Veil, comme premier titulaire du poste de président du Parlement européen, à Strasbourg, lui doit beaucoup et concrétisera l’influence et l’action de la France. Le rôle décisif qu’il joue dans la construction européenne lui vaudra d’être, plus tard, désigné président de la Convention qui proposera une Constitution pour l’Europe.

Après son échec de mai 1981, il éprouve un sentiment d’injustice qu’il décrit dans son livre Le Pouvoir et la Vie.

Il revient alors au sein de son Auvergne, où il gravit à nouveau les échelons de la vie politique, la députation et la présidence du conseil régional.

La pensée de Valéry Giscard d’Estaing, telle qu’elle s’exprime dans Démocratie française, est une exhortation à l’apaisement politique, un appel à substituer le dialogue au conflit, la négociation à la lutte ; une inspiration qui vise à conjurer la fatalité de la seule bipolarisation.

Valéry Giscard d’Estaing était attaché au bicamérisme et il demeure le seul Président de la République à être intervenu au sein même de cet hémicycle ; c’était le 27 mai 1975, pour le centenaire du Sénat de la République. À cette occasion, évoquant la IIIe République, il affirmait : « Plus circonspect que la Chambre [des députés], moins sensible qu’elle à la séduction d’idéologies non encore éprouvées au contact des réalités, le Sénat a apporté dans la gestion des affaires publiques le concours de l’expérience et de la sagesse » ; comme un écho au discours de Bayeux, prononcé, en 1946, par le général de Gaulle.

Nous garderons tous le souvenir de sa grande intelligence, d’un Président moderne et réformateur, d’un militant de la construction européenne. Je lui rendais visite chaque année – je l’ai fait encore il y a quelques mois à peine – et son intelligence fulgurante me frappait à chaque rencontre.

Je veux que nous ayons, pour son épouse, pour sa famille déjà éprouvée et pour ses proches, ainsi que pour tous ceux qui ont partagé ses engagements, une pensée mais également un moment de partage de peine et d’unité, afin que nous soyons, non pas « deux Français sur trois » mais trois Français sur trois à croire en la République et en ses valeurs, dans la diversité que nous formons.

En ce jour où la Haute Assemblée va examiner les crédits de la mission « Outre-mer », je ne peux m’empêcher d’évoquer également l’intérêt que Valéry Giscard d’Estaing portait aux outre-mer. Il fut ainsi le premier Président de la République à se rendre dans l’île de Wallis ; il fut aussi le Président de la République du référendum sur l’indépendance des Comores, avec les conséquences que l’on sait.

Je remercie encore la vice-présidente Rossignol d’avoir, hier soir, au cours de nos débats, montré que le Sénat était attentif, dans sa diversité, à ce grand homme d’État.

Avant de vous proposer, monsieur le ministre, mes chers collègues, un moment de recueillement, je vais céder la parole à M. Lecornu.

La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est également avec beaucoup d’émotion que je prends la parole, ce matin, devant vous, pour m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage du président du Sénat ; le Président de la République s’adressera à la Nation, ce soir.

Monsieur le président, vous avez terminé votre propos en rappelant l’intérêt qu’a porté le Président Giscard d’Estaing aux différents outre-mer et la marque qu’il y a laissée. C’est vrai, les grands chantiers de modernisation de notre pays ont trouvé un écho singulier dans les différents territoires d’outre-mer, notamment pour les femmes et pour la jeunesse.

Le surnom de « prince qui a fendu les océans » que lui a donné la presse est lié à ses déplacements outre-mer. Il s’y est rendu comme secrétaire d’État et comme ministre, puis, au cours de son septennat, il a tenu à parcourir chacun des territoires d’outre-mer sauf deux : Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guyane.

Dans l’océan Atlantique, il a marqué les Antilles, dans un moment compliqué socialement ; on se souvient d’un déplacement tendu mais au cours duquel il a su trouver les mots pour renouer avec la population et lancer des initiatives diplomatiques importantes. Cela a ainsi permis de positionner la Martinique et la Guadeloupe au cœur de grands sommets internationaux, notamment pendant la guerre froide, avec une rencontre avec le président Ford, au cours d’un sommet important réunissant également l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Pour ce qui concerne l’océan Indien, vous avez rappelé, monsieur le président, la décision difficile liée aux Comores, avec la préfiguration de ce qui aboutira par la suite à la départementalisation de Mayotte. Il a également entretenu une relation charnelle avec La Réunion, et pour cause : son Premier ministre, Raymond Barre, avait un lien très fort avec ce département.

Enfin, il a visité l’océan Pacifique. Il fut le premier Président de la République à se rendre à Wallis, pour annoncer l’arrivée de la radio à Wallis et à Futuna. Je veux aussi souligner le rôle du Président Giscard d’Estaing en Polynésie, avec le cheminement vers le statut de l’autonomie. J’aurai également un mot particulier pour la Nouvelle-Calédonie ; c’est un territoire que je considère avec beaucoup de tendresse mais aussi d’inquiétude. On a trop souvent oublié que, quelques années avant les événements, Valéry Giscard d’Estaing fut le premier Président de la République à lancer une grande réforme foncière – le plan Dijoud –, premier acte de rééquilibrage entre Kanaks et non-Kanaks.

Pour finir, je veux vous faire part d’un point de vue plus personnel. Je garderai, moi aussi, le souvenir d’un homme intelligent, érudit, drôle – très drôle, même – et curieux, posant des questions au tout jeune secrétaire d’État à l’écologie que j’étais. Il se passionnait pour les éoliennes, mais aussi pour l’énergie nucléaire ainsi que pour la place de la France en Europe. Cette érudition, cette capacité à penser vite, cette curiosité, cette bienveillance, quoiqu’un peu taquine, je dois bien l’avouer, nous ne les oublierons pas.

C’est vrai, le Président Giscard d’Estaing a occupé différentes fonctions. Il aimait à me dire qu’il avait eu beaucoup de plaisir à exercer des fonctions exécutives locales, notamment à la présidence du conseil régional d’Auvergne ; je veux d’ailleurs souligner l’humilité dont il a fait preuve dans son parcours politique, après avoir exercé la magistrature suprême. On peut également saluer l’homme de lettres, l’académicien.

Ainsi, il fut secrétaire d’État, ministre, maire, Président de la République, président de conseil régional, député, membre du Parlement européen ; il n’eut donc qu’un seul tort, celui de ne pas être sénateur, mais il y a largement suppléé en défendant le bicamérisme avec beaucoup de passion et avec le sens de l’équilibre qu’on lui connaissait.

Je vous remercie, monsieur le président, de m’avoir permis d’adresser ces quelques mots devant la Haute Assemblée.

M. le président. Merci monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose maintenant d’observer un moment de recueillement, en mémoire et en hommage à Valéry Giscard d’Estaing. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent un moment de recueillement.)

3

Compte de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public - État D (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Seconde partie

Loi de finances pour 2021

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Outre-mer

Suite de la discussion d’un projet de loi

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 137, rapport général n° 138, avis nos 139 à 144).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Outre-mer

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et article 55 sexies).

Je profite de l’occasion pour féliciter M. Stéphane Artano, qui a été élu, ce matin, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. (Applaudissements.)

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord rappeler la vocation particulière de la mission « Outre-mer » : favoriser le rattrapage, par les territoires ultramarins, de leur retard économique et social par rapport à l’Hexagone. Cet objectif se manifeste notamment par le fait que plus de 90 % des crédits demandés pour 2020 étaient des dépenses d’intervention.

Le rattrapage de cet écart persistant constitue le défi majeur de la mission. La situation économique des outre-mer paraît en effet bien plus défavorable qu’en métropole : le PIB par habitant est, dans l’Hexagone, près d’une fois et demie plus élevé que celui de la Guyane et près de trois fois supérieur à celui de Mayotte.

Les outre-mer ont été fortement touchés par la covid-19, et les effets de la pandémie sur l’économie de ces territoires sont palpables ; ainsi, l’effet du confinement s’élève à plus de 25 % du PIB à La Réunion et en Guyane. Toutefois, la comparaison avec les données de la France entière montre également une meilleure résistance des économies ultramarines, en raison principalement du poids plus important, dans ces territoires, du secteur non marchand.

La crise économique constitue néanmoins un facteur supplémentaire de ralentissement de la convergence des économies ultramarines avec l’Hexagone, l’un des principaux objectifs, je le rappelle, de la mission « Outre-mer ».

Dans ce contexte, l’augmentation des crédits de celle-ci par rapport à 2020 – de 6,39 % en autorisations d’engagement et de 2,64 % en crédits de paiement – constitue indéniablement une bonne nouvelle pour ces territoires.

Le principal point de vigilance sur lequel je souhaite attirer votre attention est la sous-exécution importante dont cette mission fait l’objet. Il s’agit d’une question centrale et récurrente, souvent mise en avant par les gouvernements successifs pour expliquer la situation des outre-mer ; ces derniers seraient presque responsables de leur situation parce que les crédits existent mais ne seraient pas consommés faute d’ingénierie locale. C’est d’ailleurs de la difficulté à consommer les autorisations d’engagement au cours des dernières années que le Gouvernement argue pour proposer une baisse de 5 % des crédits de paiement du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».

La sous-consommation s’explique également par la situation financière de nombreuses collectivités locales, qui ne disposent pas de l’épargne nécessaire et qui souffrent d’un déficit du compte de fonctionnement. Il est crucial de les remettre à flot financièrement, afin qu’elles puissent s’inscrire dans le plan de relance.

Concernant le logement, la question du manque d’ingénierie ne devrait pas se poser, dans la mesure où les opérateurs immobiliers ont de très bons services en la matière. En outre, la disponibilité du foncier fait souvent défaut en outre-mer ; ainsi, avant de prévoir des crédits destinés à la construction, il conviendrait d’en prévoir pour l’aménagement du foncier. Dans certains territoires, en effet, le foncier est rare et cher. Dans d’autres, comme en Guyane, le foncier existe, mais il doit être aménagé et il serait judicieux d’avoir des crédits pour cela, à l’image du fonds régional d’aménagement foncier et urbain. Action Logement m’a également fait part d’une sous-consommation des crédits, pourtant disponibles.

Cette sous-consommation des crédits budgétaires est d’autant plus préoccupante que, en 2019, le Gouvernement avait demandé la suppression de 170 millions d’euros de dépenses fiscales en outre-mer : suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) et recentrage de la réduction d’impôt sur le revenu dans les territoires d’outre-mer. Il s’était toutefois engagé à utiliser les gains budgétaires dégagés pour abonder le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) et financer les dépenses visant à favoriser le développement économique des territoires. J’avais appelé l’attention du Sénat, à l’époque, sur le fait que les dépenses budgétaires, contrairement aux dépenses fiscales, n’offrent aucune garantie dans la durée et peuvent faire l’objet de sous-consommation.

Je constate aujourd’hui que ces promesses sont tenues en apparence ; les crédits du FEI, par exemple, augmentent largement. Toutefois, ce fonds fait l’objet d’une forte sous-consommation – près de 30 % en 2019 –, qui constitue une perte nette pour les territoires ultramarins.

Le programme 138, « Emploi outre-mer », rassemble les crédits visant à compenser, auprès des organismes de sécurité sociale, les exonérations spécifiques de cotisations patronales. En 2019, le dispositif d’allégements et d’exonérations de charges patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer a été modifié, afin de répondre entièrement aux dispositions de l’article 86 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, qui actait la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) au 1er janvier 2019.

Cette réforme avait entraîné, en 2019, une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges. Ces derniers connaissent, en 2021, une hausse de 6,4 % par rapport à ceux qui étaient prévus en 2020.

Nous tenons à rester vigilants quant à la fiabilité de ces prévisions, parce que la baisse de l’activité qui résulte de l’épidémie et le recours important au chômage partiel sont susceptibles d’entraîner une sous-exécution importante. En pareil cas, il nous paraît important que les crédits restants soient affectés à d’autres dépenses de la mission.

Sur le fond, je tiens à le dire, les nouveaux paramètres du régime issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 n’ont pas pleinement compensé les effets de la suppression du CICE à 9 %. Cela a entraîné une augmentation du coût du travail en Guyane, alors même que ce territoire subit une forte concurrence extérieure et reste particulièrement vulnérable par rapport à l’économie informelle.

Les conséquences économiques de l’épidémie devraient être de nature à susciter une réflexion sur un éventuel élargissement du barème de compétitivité renforcée à de nouveaux secteurs, afin d’apporter un soutien suffisant aux territoires ultramarins.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2021 ne comprend aucune évolution en matière fiscale concernant les outre-mer, alors que ce levier aurait été pertinent pour mobiliser l’épargne face à la crise.

Pour ce qui concerne l’accompagnement des collectivités territoriales, je tiens à souligner l’adoption, à l’Assemblée nationale, d’un amendement tendant à augmenter les crédits de la mission de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 10 millions d’euros en crédits de paiement, afin de financer l’expérimentation d’un contrat d’accompagnement pour les communes en difficulté des départements et régions d’outre-mer qui manifesteraient des efforts de redressement. J’avais proposé, au travers d’un rapport remis au Gouvernement et rédigé par Jean-René Cazeneuve et moi-même, un tel contrat, qui est susceptible de fournir un accompagnement financier de l’État aux collectivités les plus en difficulté, dans une logique de coresponsabilité ; son expérimentation me semble donc particulièrement bienvenue.

Comme chaque année, je rappelle que la mission ne concerne qu’une part faible de l’effort de l’État en faveur des outre-mer. C’est particulièrement vrai aujourd’hui, puisque les territoires ultramarins devraient bénéficier d’au moins 1,5 milliard d’euros dans la cadre du plan de relance national.

Une vigilance particulière s’imposera néanmoins quant à la déclinaison territoriale de ce plan et à la bonne exécution des crédits. En outre, dans la mesure où une partie importante des dépenses dépend d’appels à projets, aucune garantie ne peut être apportée à ce stade quant au montant dont les outre-mer bénéficieront réellement. Nous interrogerons le ministre, en séance publique, afin d’avoir une meilleure vision du montant effectivement mis au service de chaque territoire.

Malgré ces réserves, mes chers collègues, la prudence restant de mise, je vous inviterai à adopter les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres sont têtus ! Malgré la crise, l’effort de l’État en faveur des outre-mer est réel. Il est en hausse non seulement sur cette mission, mais aussi, de manière transversale, sur l’ensemble des missions du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.

La mission « Outre-mer » regroupe environ 12 % des crédits de l’État en faveur des outre-mer, sur un total de plus de 19,2 milliards d’euros, hors dépenses fiscales. Cela représente 4 % du budget de l’État, pour environ 4 % de la population française, comme le souligne Micheline Jacques dans son excellent rapport pour avis publié au nom de la commission des affaires économiques.

Alors, non, mes chers collègues, avec 2,68 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 2,4 milliards d’euros de crédits de paiement (CP), les outre-mer ne sont ni des enfants trop gâtés ni des oubliés de la République !

En cette période extraordinaire, au sens premier du terme, plutôt que de joutes verbales décapantes, il nous faut relever le défi de l’efficacité et de l’efficience des moyens déployés par l’État et par chacune de nos collectivités, pour apaiser l’urgence sanitaire et conjurer le mauvais sort économique, que la division de nos énergies risque d’aggraver.

Comme dans l’Hexagone, la covid-19 a fragilisé nos maisons construites sur nos terres insulaires lointaines, isolées mais pas esseulées. Ce budget en est la preuve.

Comme dans l’Hexagone, nos collectivités ont dû improviser, se débrouiller et trouver des solutions pour gérer les urgences.

Comme dans l’Hexagone nos populations vivent dans l’espoir d’une année 2021 à l’aune d’un ou plusieurs vaccins salvateurs, mais aussi et surtout d’un rebond économique impératif, urgent et crucial. Nous avons été beaucoup plus exposés qu’ailleurs à l’arrêt brutal du tourisme et des transports, qui a produit des effets directs et indirects dévastateurs sur des marchés étroits et concentrés. Le seul secteur du tourisme a chuté jusqu’à 90 % dans certaines collectivités ultramarines.

L’urgence est à la reconsolidation de nos économies, à la formation des hommes pour les préparer à cette reprise indispensable et à la stabilité des dotations publiques alimentant nos moteurs économiques éparpillés sur tous les océans du monde.

En matière d’emploi et de formation, nous ne pouvons pas ignorer les efforts budgétaires du programme 138, « Emploi outre-mer ». Comme l’a souligné Georges Patient, il constituera, dès la reprise de l’activité, un relais essentiel aux mesures d’indemnisation du chômage partiel en cours. Ce programme rassemble, en plus des crédits destinés aux exonérations de charges sociales, les crédits du service militaire adapté (SMA), qui constitue une formidable opportunité, une deuxième chance offerte par la République à nos jeunes en difficulté d’insertion. Ses crédits sont en augmentation de 4 % en AE et il fait l’objet d’un ambitieux plan dit « SMA 2025 », qui prend pleinement sens en ces temps de redressement face à la crise.

En 2020, la création, à Bourail, d’une nouvelle compagnie du régiment du SMA de Nouvelle-Calédonie marque la volonté d’aller encore de l’avant sur ce dispositif essentiel pour nos jeunes en quête d’une nouvelle voie.

Par ailleurs, comme le prévoit le programme 123, l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer n’est pas une formule vaine au soir d’une crise comme celle que nous vivons. Les AE, à hauteur de 829 millions d’euros, et les CP, à hauteur de 593 millions d’euros, connaissent respectivement une hausse de 7 % et une baisse de 5 %, que nous devons relever de manière factuelle, mais aussi comprendre.

L’enjeu, aujourd’hui – je le dis avec tout le respect que je porte au pouvoir d’amendement que nous serons nombreux à exercer tout à l’heure –, est de savoir, non pas combien de crédits nous pourrons décrocher en plus, mais comment nous pourrons mobiliser au maximum ceux qui seront consacrés à nos territoires. En effet, tous les observateurs l’attestent : la mission « Outre-mer » doit quitter le podium de la sous-exécution ou sous-consommation – cela est fonction des hémisphères d’analyse.

Je sais que d’autres voix s’exprimeront différemment, mais l’ajustement du niveau des CP relève, selon moi, de la mécanique financière logique et implacable : il est fonction des décaissements escomptés sur l’année concernée, pour faire simple, comme pour toutes les lignes s’exécutant de manière pluriannuelle.

Nous avons pour défi un regain d’engagements, de nouvelles contractualisations, de nouvelles concrétisations réelles, effectives et à un rythme plus élevé de portée contracyclique.

Que faire ? Si l’accusé se nomme ingénierie, redoublons d’appui aux collectivités territoriales, notamment en matière de gestion de projets. Des efforts ont été faits sur ce plan. Néanmoins, ne détournons pas le regard. La simplification des procédures et des normes, l’accessibilité des informations ainsi que la territorialisation des budgets forment autant de gages de souplesse ou d’agilité, pour employer une formule du moment, comme le relève la Cour des comptes. C’est cette agilité qui nous apportera l’efficience budgétaire et ce doit être notre priorité.

En ce qui concerne l’investissement, l’État est au rendez-vous : sa politique contractuelle en outre-mer, dont les crédits sont supportés par l’action n° 02, Aménagement du territoire, du programme 123, connaît ainsi une augmentation de 3 % en AE. Le FEI maintient son fort niveau de dotation à 110 millions d’euros, pour accompagner l’équipement de nos territoires.

En 2021, l’effort sera maintenu en AE pour les contrats de convergence et de transformation, le futur contrat de développement et de transformation en Polynésie française en cours de finalisation et le contrat de développement en Nouvelle-Calédonie. Il en est de même pour la convention triennale santé-solidarité polynésienne qui nous est confirmée pour le printemps par le Premier ministre. Nous lui faisons confiance !

Il est vrai que les contrats passés ont fait l’objet, depuis leur mise en œuvre, d’un problème récurrent d’impayés, des niveaux d’AE étant constatés en deçà des montants contractualisés dès leur démarrage. Des retards de paiement ont aussi été relevés. La parole de l’État doit pourtant reposer sur un socle de confiance inébranlable. Nous relevons que le montant cumulé des charges à payer relatives à ces contrats s’élevait, en fin de gestion 2019, à 3,6 millions d’euros, ce qui constitue le plus bas niveau historique et traduit la volonté de ce gouvernement d’honorer les engagements de l’État, quel que soit celui qui les a pris par le passé.

Programmons ce que nous pouvons payer et engageons ce que nous pouvons réaliser : voici le maître-mot de nos prochains contrats, selon les principes de différenciation mais aussi de responsabilité commune dans un respect mutuel.

L’aide à la reconversion de l’économie polynésienne est consolidée une année de plus. Sont maintenus, en effet, la transformation de la dotation globale d’autonomie en prélèvement sur recettes (PSR), la dotation territoriale d’investissement des communes ou encore le troisième instrument financier sur les projets d’investissement prioritaires. Globalement et malgré la crise, l’ensemble des dotations d’investissement ultramarines est maintenu, voire augmenté. Comme le répète souvent le président Édouard Fritch, il faut savoir dire merci et arrêter de se plaindre.

Les crédits de la ligne budgétaire unique finançant le logement outre-mer s’élèvent à 224,6 millions d’euros en AE et 176,9 millions d’euros en CP : ils sont donc en hausse.

Il est vrai qu’ils sont à un niveau très inférieur à celui qui a été constaté jusqu’en 2017 et qu’ils sont frappés d’une sous-exécution chronique, comme cela a été souligné.

Les crédits prévus et dépensés en 2021 devraient donc se trouver largement inférieurs aux besoins, alors que le rythme souhaité de construction de logements sociaux est estimé à plus de 15 000 par an depuis le vote, en 2017, de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer. Voilà un fait tout aussi têtu qu’incontestable.

Le sénateur que je suis ne saurait affirmer d’autre axe que celui de la différenciation en associant les énergies locales, pour une meilleure appropriation des outils et consommation de nos crédits.

Ce sera le cœur des débats de la loi « 4D » – décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification –, que nous prépare le ministre des outre-mer, le tout autant sénateur M. Sébastien Lecornu. Je tiens à le remercier pour son engagement et son dévouement à nos océans de France.

Chers collègues, avec quelques points d’attention, mais aussi avec responsabilité, je constate que nos budgets de la mission « Outre-mer » sont en augmentation, malgré certaines sous-exécutions chroniques. Notre défi, au-delà de la course aux crédits, est de remporter la bataille de l’efficacité pour gagner au champ de la responsabilité. C’est dans un partenariat franc et constructif avec l’État, qui est à nos côtés en ces temps de crise comme lors de la relance prochaine, que nous réussirons tous.

Je me joins donc à l’avis de mon collègue Georges Patient en invitant le Sénat à adopter ces crédits et l’État à les exécuter avec nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Nassimah Dindar et Micheline Jacques applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme Micheline Jacques, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a approuvé les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2021, en formulant plusieurs messages et recommandations.

Si, en termes de pourcentages, les crédits alloués à la mission sont en hausse, surtout en autorisations d’engagement, pour ce qui concerne les volumes de crédits, l’impact économique des 2,4 milliards ou 2,7 milliards d’euros n’est pas fondamentalement différent de l’enveloppe de 2 milliards d’euros reconduite depuis une dizaine d’années.

Depuis 2019, en effet, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégement de charges a gonflé de manière purement comptable le programme 138, « Emploi outre-mer », sans que les entreprises y gagnent nécessairement.

Par ailleurs, 170 millions d’euros proviennent en quelque sorte de la poche des Ultramarins. À cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer l’engagement pris en 2019 de recycler, chaque année, les prélèvements supplémentaires provoqués par la suppression de dispositifs fiscaux qui bénéficiaient aux ménages et aux entreprises ?

La nouveauté de ce budget est, bien entendu, la mission « Plan de relance ». Ainsi, 1,5 milliard d’euros ont été initialement fléchés aux outre-mer, soit 1,5 % des 100 milliards du plan de relance, alors que ceux-ci représentent 4 % de la population. Monsieur le ministre, confirmez-vous que l’enveloppe restera bien ouverte au-delà de 1,5 milliard d’euros ?

C’est bien cette volonté que le Sénat a exprimée en adoptant un amendement tendant à prévoir 2,5 milliards d’euros, apportant du reste un démenti au préjugé d’outre-mer budgétivores, d’autant que les crédits affichés restent, trop souvent non consommés. Nous préconisons, face au risque d’effondrement du secteur marchand, de flécher ces crédits du plan de relance territoire par territoire.

Nous vous alertons sur les risques du « premier arrivé, premier servi ». Un grand nombre de très petites entreprises ayant des projets utiles et créatifs ne sont pas outillées pour déposer rapidement des dossiers. Sur certains territoires, un tiers des TPE ignorait purement et simplement les dispositifs du premier confinement. C’est dire combien la gestion et la numérisation doivent être soutenues.

Je termine par un impératif : saisir la chance historique qui se présente pour le logement ultramarin. En effet, les financements de relance mobilisables vont bien au-delà des crédits budgétaires ; avec les plans d’investissement volontaire d’Action Logement et de CDC Habitat, on est sans doute proche des sommes investies par l’État pendant quinze ans, c’est-à-dire plus de 3 milliards d’euros.

Le véritable défi est d’activer ces fonds en redynamisant un secteur qui a un puissant effet d’entraînement sur les économies de nos outre-mer. L’objectif doit être de développer sur place des filières intégrées : aménagement, nouveaux matériaux, construction, habitat et traitement de l’amiante. Selon nous, ce mouvement doit être impulsé par des mécanismes et des opérateurs qui doivent adopter le modèle de l’entreprise formatrice.

En outre, face à des taux de chômage vertigineux, il faut intégrer la jeunesse ultramarine, qui regorge de jeunes talents.

Monsieur le ministre, l’acte de construire et ses ramifications ont également besoin d’un encadrement mieux adapté. À cet égard, la Cour des comptes vient de souligner l’existence d’exigences normatives « sans réel rapport avec les réalités locales », faisant ainsi écho aux préconisations de notre délégation sénatoriale aux outre-mer.

Tout aussi réaliste, le haut-commissaire au Plan déplore que l’État, avec les règles actuelles, entrave même ses propres actions. Le moment est venu de sortir de ce carcan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » ne comprennent qu’un peu plus d’un dixième de l’ensemble de l’effort budgétaire de l’État à destination des territoires ultramarins. La commission des affaires sociales est à la fois satisfaite du maintien du niveau des crédits de la mission, au-dessus du seuil symbolique de 2,5 milliards d’euros, et réservée quant à leur lisibilité et à leur répartition.

Le programme « Emploi outre-mer », qui concentre plus de la moitié des dépenses de la mission, retrace, pour l’essentiel, la compensation budgétaire des exonérations de cotisations sociales, dites Lodéom – du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer –, dont bénéficient les entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion ainsi que de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Monsieur le ministre, notre commission s’est émue de ce que les exonérations Lodéom, principal outil du budget dont vous êtes l’ordonnateur, semblent non pas faire l’objet d’une stratégie d’ensemble, mais plutôt revêtir la forme d’un secours en urgence porté, a posteriori, à différents secteurs. J’en veux pour preuves l’heureuse intégration de la production audiovisuelle dans le régime de compétitivité renforcée à la suite de la fermeture de France Ô ainsi que la fin de non-recevoir opposée au secteur éminemment stratégique du BTP, dangereusement exposé en cette période particulière.

Le programme « Conditions de vie outre-mer » comprend, d’une part, le financement budgétaire et fiscal de la politique de logement, et, d’autre part, diverses actions budgétaires aux vocations disparates, qui ont toutes pour point commun de prévoir d’importants transferts aux collectivités territoriales. Dans l’un et l’autre cas, la commission des affaires sociales a signalé l’urgence de certaines réformes.

Concernant le logement, notamment social, la Cour des comptes pointe dans un rapport récent la pertinence discutable d’un financement reposant de plus en plus sur la dépense fiscale, là où l’intervention budgétaire serait sans doute plus pertinente. Elle signale également les difficultés issues de l’intervention, sans ordre de bataille, de dix-neuf organismes de logement social (OLS) pour l’ensemble des territoires ultramarins. Monsieur le ministre, nous y lisons en creux l’appel discret qui vous est fait de vous saisir pleinement de vos prérogatives.

J’ai eu, enfin, l’occasion d’alerter votre cabinet sur le fait que les dépenses de transfert aux collectivités territoriales représentent un risque de « prime au mauvais gestionnaire ». En effet, il s’agit d’augmenter uniquement les crédits de ceux qui ont été précédemment dans l’incapacité de les dépenser, au détriment de ceux qui en ont trouvé par eux-mêmes le bon emploi.

Sous ces réserves, et en renouvelant son souhait que les crédits sociaux de la mission « Outre-mer » fassent l’objet d’un pilotage plus fin et plus adéquat, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rendre un hommage appuyé au président Valéry Giscard d’Estaing, puisque c’est sous son septennat que mon territoire de Mayotte a pu se maintenir dans la France, à la suite de la consultation, île par île, du 22 décembre 1974.

J’en viens à la mission « Outre-mer ».

La principale problématique à laquelle elle est confrontée provient du fait que les crédits consommés sont largement inférieurs aux crédits attribués en loi de finances.

Conscient de cette difficulté, le ministre des outre-mer fait, cette année, un effort d’amélioration du pilotage budgétaire de la mission. Les crédits de paiement pour 2021 sont ajustés à ce qui devrait être effectivement dépensé. En outre, 70 % des crédits de la mission devant être disponibles dès janvier, ils pourront être engagés plus rapidement.

La programmation des crédits pour 2021 est également marquée par un effort de relance faisant suite à la crise de la covid-19 ; il se traduit par trois priorités : la construction et la rénovation des infrastructures ; le soutien à l’emploi et à la formation ; l’accompagnement des collectivités territoriales.

Les crédits alloués à la mission augmentent ainsi nettement par rapport à 2020 : une hausse de 6,39 % en autorisations d’engagement et de 2,64 % en crédits de paiement.

En matière de construction et de rénovation des infrastructures, l’année 2021 constituera la deuxième année de mise en œuvre du plan Logement outre-mer 2019-2022. Un effort important sera fait en matière de construction d’écoles.

D’autres dispositifs sont également maintenus, comme l’aide aux ménages de Guadeloupe et de Martinique pour l’acquisition de terrains dans la zone des cinquante pas géométriques ou la suite de l’opération de rénovation du quai de croisière de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En matière de soutien à l’emploi et à la formation, 84 % des crédits du programme « Emploi outre-mer » sont, cette année encore, destinés à compenser les exonérations de charges patronales accordées aux entreprises ultramarines. Ce dispositif a été étendu en 2019 à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

Dans les collectivités du Pacifique, des mesures d’insertion professionnelle spécifiques sont mises en place, notamment pour les chantiers de développement local en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

Quant au service militaire adapté, il a montré toute sa pertinence lors de la crise sanitaire. Une nouvelle compagnie vient d’être créée à Bourail en Nouvelle-Calédonie, tandis que des opérations de rénovation structurante auront lieu à La Réunion et en Polynésie française.

L’accompagnement des collectivités ultramarines, troisième priorité du budget 2021, passe par les contrats de convergence et de transformation, le fonds exceptionnel d’investissement ainsi que des dispositifs spécifiques à certaines d’entre elles.

Des plateformes d’aide à l’ingénierie à destination des collectivités ont ainsi vu le jour à Mayotte et en Guyane en 2020, mais il existe également des dotations spécifiques, notamment en Polynésie française, pour renforcer les moyens d’intervention des territoires.

Pour terminer, je souhaite rappeler que les crédits portés par la mission « Outre-mer » ne constituent qu’environ un dixième de l’effort total de l’État en faveur des territoires ultramarins, qui se monte à 24,47 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 24,13 milliards d’euros en crédits de paiement.

L’ensemble de ces éléments a conduit la commission des lois à émettre un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Maurice Antiste. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » que nous étudions aujourd’hui est aussi particulière que cette année 2020. Nos territoires n’ont pas été épargnés par la crise que nous traversons depuis presque un an ; bien au contraire !

L’augmentation de presque 6 % du budget proposé par le Gouvernement est louable. Cependant, les défis que rencontrent nos territoires nécessitent une politique encore plus ambitieuse.

Monsieur le ministre, nous ne critiquerons pas l’augmentation des crédits d’engagements de votre ministère, mais nous devons constater qu’ils ne représentent qu’une minorité des engagements de l’État dans nos territoires. Pour rattraper notre retard structurel sur l’Hexagone, dans presque tous les domaines, il est nécessaire que le « réflexe outre-mer » que nous réclamons régulièrement ici devienne la règle, et ce dans tous les ministères.

Il s’agit là d’une demande, non pas de rattachement de crédits liés à l’agriculture ou à la culture à la mission « Outre-mer », mais bien de mise en place d’une collaboration efficace entre tous les services du Gouvernement. Le but étant le déblocage des fonds nécessaires pour l’alignement équitable de nos territoires sur l’existant hexagonal.

Permettez-moi de prendre l’exemple des fonds CIOM, qui, malgré une promesse claire du Président de la République, ont pris plus d’un an pour être augmenté, à la suite d’un imbroglio autour de la provenance des fonds entre votre ministère et ceux de l’agriculture et du travail.

Il n’est pas normal que des annonces faites lors de l’examen des missions du PLF restent aussi floues pendant si longtemps. J’en tiens pour responsable la mauvaise coordination des différents ministères sur des questions pourtant essentielles pour nous.

Tout cela concernant non pas directement la mission « Outre-mer », mais bien le fonctionnement général des politiques publiques dans nos territoires, je vais tout de même parler rapidement du détail de ce budget.

L’accent mis, cette année, sur le logement social constitue, bien évidemment, une bonne chose, puisque nombre de nos concitoyens vivant dans des conditions extrêmement précaires, rendues parfois plus difficiles par un accès à l’eau aléatoire et des infrastructures insalubres.

Au-delà des augmentations budgétaires, il est nécessaire de veiller à ce que le phénomène de sous-consommation de la ligne budgétaire unique (LBU) ne devienne pas structurel. Il faut, pour cela, accompagner les services décentralisés de l’État dans la mise en place sur le terrain d’une ambitieuse politique du logement.

Concernant les aides aux entreprises et à l’emploi, le dispositif d’exonération des charges patronales atteint, aujourd’hui, son rythme de croisière, bien que l’année écoulée ne constitue pas le meilleur indicateur de son efficacité. À cet égard, il est aussi nécessaire de prêter une attention particulière à la mise en place, sur le terrain, des intentions budgétaires de votre ministère. Malheureusement, nous constatons chaque année un écart significatif entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, entre la théorie de la politique publique et sa transcription sur nos territoires bien particuliers.

J’illustrerai là aussi mon propos par un exemple passé. Le FEI, annoncé il y a deux ans comme une solution exceptionnelle dans les stratégies de développement de nos territoires, justifiant par ailleurs la fin de l’exonération de la TVA NPR, finance aujourd’hui bien peu de projets d’envergure, en tout cas pas à la mesure de l’ambition affichée au départ.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, comme nombre de mes collègues, je suis satisfait de l’augmentation du budget de cette mission. Ce sentiment est toutefois édulcoré par un peu de frustration et de doute. Au-delà de cette ambitieuse augmentation budgétaire de 6 %, nous avons besoin d’une refonte globale de nos plans d’investissement pour notre santé, notre culture et notre production agricole. Or, cette ambition, nous ne la voyons toujours pas arriver.

Nous avons tout de même de bonnes raisons de vous faire confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion budgétaire s’inscrit dans un contexte particulier, car la crise sanitaire liée au covid-19 frappe douloureusement nos territoires d’outre-mer.

Les inquiétudes de nos concitoyens ultramarins sont très importantes et l’évolution de la situation constitue une préoccupation de chaque instant.

Comme vous le savez, les territoires ultramarins sont déjà fragilisés par une balance commerciale déficitaire, des taux de chômage deux à trois fois plus élevés qu’en métropole, une insularité et un éloignement géographique favorisant la vie chère.

Aussi, dans ce contexte inédit de pandémie, les crédits de la mission « Outre-mer » doivent être, plus que jamais, mobilisés au service de nos territoires ultramarins.

C’est donc avec satisfaction que je constate une légère augmentation par rapport à l’année 2020. Ces crédits s’élèvent ainsi, pour 2021, à 2,68 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,34 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation respectivement de 6,39 % et de 2,64 %. Il faut, toutefois, souligner que la mission « Outre-mer » ne constitue qu’une petite partie du budget de l’État consacré aux territoires ultramarins.

En effet, la politique transversale de l’État en direction de l’outre-mer est portée par 94 programmes relevant de 31 missions. L’effort budgétaire de l’État en faveur des territoires ultramarins, tel qu’il est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2021, s’élève ainsi à 19,57 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 19,23 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces montants sont en très légère diminution par rapport à l’année 2020.

À cet égard, je regrette que l’action de l’État à destination des territoires ultramarins manque quelque peu d’ambition en s’inscrivant dans la continuité des années précédentes.

En premier lieu, permettez-moi, monsieur le ministre, d’aborder plus spécifiquement cette préoccupation forte des Ultramarins que constitue la question du logement. Je me félicite de la hausse de 8,7 % de la ligne budgétaire qui lui est consacrée, la portant à 224 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Il s’agit d’un signal positif envoyé aux territoires ultramarins en matière de lutte contre l’habitat indigne et d’accès au logement. Cela permettra de poursuivre la mise en œuvre du plan Logement outre-mer et d’accompagner les stratégies territoriales des établissements publics fonciers et d’aménagement de Guyane et de Mayotte.

En deuxième lieu, je tiens à évoquer les difficultés du secteur touristique, qui représente, en moyenne, plus de 18 % du PIB – emplois directs et indirects. À l’heure de la deuxième vague pandémique, les faibles chances de reprise du secteur semblent définitivement compromises. Si les territoires ultramarins sont épargnés par ce nouveau confinement – la Martinique est une exception –, ils en subiront néanmoins les conséquences économiques, car la haute saison touristique se déroule traditionnellement en hiver.

Par conséquent, la relance pérenne de l’économie ultramarine doit reposer sur une meilleure adaptation des dispositifs d’urgence à ces territoires.

En troisième et dernier lieu, je souhaite mettre l’accent sur la nécessité d’améliorer l’emploi et la compétitivité des entreprises ultramarines – elles sont, à 95 % des TPE et des PME –, notamment grâce à l’allégement des cotisations patronales.

Les moyens budgétaires prévus pour ce dispositif, en hausse de 6,6 % par rapport à 2020, représentent 1,5 milliard d’euros.

Je salue ce levier important qui vient soutenir les nombreuses petites entreprises ultramarines, moins résistantes à un choc économique d’une telle ampleur et d’une telle durée. À titre d’exemple, sur l’île de la Réunion, les entreprises ont considérablement réduit leurs embauches et 4 300 emplois ont été détruits depuis le début de la crise sanitaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’il manque, une fois de plus, d’ambition, ce budget pour l’outre-mer présente néanmoins une légère augmentation. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission « Outre-mer ».

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission budgétaire « Outre-mer » s’articule autour de plusieurs axes : le soutien à l’emploi, l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, les actions de formation en mobilité, le logement social, l’effort d’équipement des territoires et l’éducation et l’accompagnement des collectivités territoriales.

Néanmoins, beaucoup des crédits utiles à l’outre-mer proviennent d’autres ministères. Au regard des besoins, cette architecture budgétaire morcelée est dommageable.

Les territoires ultramarins accusent des retards sur les plans économique et social. À titre d’exemple, le PIB par habitant est près d’une fois et demie supérieur dans l’Hexagone qu’en Guyane. Il y est près de trois fois plus élevé qu’à Mayotte.

Les effets de la crise économique et sociale, résultat de la pandémie de covid-19 en outre-mer – je pense notamment à l’effondrement du tourisme –, viennent s’ajouter à une situation déjà très précaire.

Certes, les crédits de la mission sont en légère hausse, mais le budget reste relativement stable et ordinaire, dans une période extraordinaire.

Les conséquences de cette période extraordinaire sur les crédits de la mission sont immédiates. Ainsi, le premier poste budgétaire de celle-ci est l’action Soutien aux entreprises, qui vise à financer les dispositifs d’allégements et d’exonérations de charges patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit 1,565 milliard d’euros pour l’outre-mer, soit une hausse de 6,4 %. Cette augmentation des crédits m’interpelle. La baisse d’activité liée au covid-19 provoque un recours massif au chômage partiel. Ce dispositif réglant déjà la question des charges patronales de sécurité sociale, il est probable que les crédits ou du moins leur hausse soient surévalués. Alors qu’ils auraient pu être fort utiles ailleurs, ces crédits risquent d’être utilisés pour éponger la dette de la sécurité sociale.

La sous-exécution des crédits est un problème récurrent de la mission budgétaire « Outre-mer », comme plusieurs de mes collègues l’ont rappelé. La ligne budgétaire unique, qui finance le logement en outre-mer, en est le témoin. Son taux d’exécution s’est élevé à 90 % en autorisations d’engagement et 78 % en crédits de paiement.

Pourtant, les besoins sont réels ! Le ministère des outre-mer évaluait le nombre de ménages ultramarins en attente d’un logement social à 60 000 en 2019. Dans un rapport de septembre dernier, la Cour des comptes évoquait « 80 % d’ayants droit pour 15 % de bénéficiaires ». Dans son analyse, elle explique que la diminution des autorisations d’engagement dans la ligne budgétaire unique aura un impact négatif dans le futur sur le total des prêts accordés et sur le nombre de logements sociaux produits.

Cependant, il nous est proposé une ligne budgétaire unique aux autorisations d’engagement réduites de 2,7 %. Pour résumer la situation, des crédits alloués au logement ne sont pas consommés pendant que la demande de logement social augmente ! Pis, le budget qui nous est proposé va contribuer à cette tendance.

La question du logement n’est pas le seul rendez-vous manqué par le Gouvernement. La liste en est longue : maigre pouvoir d’achat, précarité, faiblesse de la politique de l’eau et de la politique de mobilité, absence d’une politique de retour sur le territoire.

Par ailleurs, le Gouvernement ne tire pas les conclusions des années précédentes. Le service militaire adapté, le SMA, par exemple, a montré toute sa pertinence dans l’intégration des jeunes sur le marché du travail. Pourquoi ne pas lui allouer davantage de crédits ?

Je veux aborder la protection de la biodiversité ultramarine, laquelle concentre plus de 90 % des espèces présentes sur le territoire national.

Selon les estimations de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, ce sont 500 000 à 1 million d’espèces qui sont menacées de disparition. Monsieur le ministre, j’ai sans doute mal regardé, mais je ne parviens pas à évaluer, ni dans les crédits de la mission « Écologie » ni dans les crédits spécifiques du plan de relance, la part des fonds pour la biodiversité qui est fléchée vers l’outre-mer. Pourriez-vous m’éclairer à ce sujet ?

De manière générale, ne serait-il pas préférable que la protection de la biodiversité ultramarine fasse l’objet d’un programme spécifique de la mission budgétaire « Outre-mer » ? Cela nous semblerait plus transparent et plus efficace pour bénéficier de fonds pérennes.

Monsieur le ministre, les enjeux sont nombreux, mais les moyens restent insuffisants. Jeudi dernier, le Sénat adoptait, dans le cadre de la mission « Plan de relance », un amendement de notre collègue Victorin Lurel tendant à bâtir un véritable « plan pour l’égalité réelle en outre-mer », à hauteur de 2,5 milliards d’euros.

Toutes les formations de cet hémicycle ont pris la mesure de l’urgence de la situation et vous rendent service. Utilisez ce levier pour lever le gage et, ainsi, doubler les crédits de votre ministère pour 2021 !

Dans l’attente de votre réussite, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. Stéphane Artano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail sur les chiffres du PLF 2021 de la mission « Outre-mer », rappelés par les rapporteurs et par certains de mes collègues.

J’insisterai plutôt sur la mise en place du plan de relance, dont 1,5 milliard d’euros sont dédiés aux outre-mer, avec des interrogations légitimes sur leur déclinaison par territoire.

Je reviendrai également sur le programme 123, relatif aux « Conditions de vie outre-mer », sans omettre évidemment l’impact de la crise sanitaire dans nos territoires.

Enfin, je prendrai brièvement mon archipel pour exemple, afin de rappeler que, si nous voulons relancer une dynamique dans l’outre-mer, il est essentiel que l’État fasse confiance aux élus locaux, qui disposent d’une légitimité démocratique.

Quel que soit le budget examiné, cette crise sanitaire n’aura laissé personne indemne. C’est tout particulièrement vrai de nos territoires ultramarins, déjà fragilisés par de nombreux déséquilibres structurels.

Même si je la salue, monsieur le ministre, je ne suis pas certain que la sensible augmentation des crédits réponde aux enjeux du développement de nos territoires.

La crise sanitaire a eu des effets désastreux tant pour nos entreprises que pour nos concitoyens. En réalité, elle vient accroître un peu plus les difficultés que nos territoires rencontrent au quotidien.

Plus encore que les collectivités de l’Hexagone, qui connaissent évidemment elles aussi leurs propres difficultés, les collectivités ultramarines, en moins bonne santé financière avant l’épidémie de covid-19, subissent de plein fouet une double crise sanitaire et économique qui affecte leurs budgets locaux, même si je note que des mesures de compensation sont prévues dans le plan de relance, monsieur le ministre.

Concernant les « Conditions de vie outre-mer », j’ai tout d’abord une pensée particulière pour nos collègues de Mayotte et la Guyane, qui ont été durement frappées durant la crise.

Sur le volet économique, je vous renvoie aux propositions contenues dans le rapport intitulé « Urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 », où nous appelions, au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, à un meilleur accompagnement des collectivités dans la crise. Il s’agirait de favoriser une relance territorialisée, avec une adaptation des dispositifs nationaux aux réalités de notre tissu entrepreneurial, afin de construire, pour l’avenir, un modèle de développement plus résilient.

Outre les conséquences économiques, qui sont chiffrables et quantifiables, il est des conséquences invisibles, mais qui laisseront des traces indélébiles : je veux parler des conséquences psychologiques de la crise.

Permettez-moi, mes chers collègues, de faire un parallèle avec les syndromes post-traumatiques liés aux événements climatiques. La délégation sénatoriale aux outre-mer a formulé des propositions tendant à la mise en place de dispositifs de prise en charge psychologique. Je pense que nous sommes dans la même situation en termes de besoins.

Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez, avec vos collègues concernés, impulser un dispositif d’écoute et d’accompagnement psychologique. Le capital humain nécessite vraiment toute notre considération.

En ce qui concerne le plan de relance, nous veillerons bien évidemment avec intérêt à sa déclinaison territoriale. Au-delà des montants alloués, je rejoins tous mes collègues, qui indiquent que l’ingénierie et le pilotage seront déterminants pour une réussite collective.

Tous les observateurs sont d’accord pour dire que, si nous voulons que la relance soit pérenne et efficace, elle doit s’appuyer sur une réelle adaptation des dispositifs à nos territoires, au titre de la différenciation territoriale.

Afin que les choses avancent, j’insiste sur la nécessité d’une confiance réciproque entre l’État et les élus.

Je vais dédier une minute de mon temps de parole à Saint-Pierre-et-Miquelon, où cette confiance, si délicate à construire, a volé en éclats par des choix étatiques peu pertinents et des méthodes qui interrogent – ils datent d’avant votre entrée en fonctions, monsieur le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je l’avais bien compris !

M. Stéphane Artano. Je vous laisse le bénéfice du doute !

Je ne parle même pas des courriers parlementaires qui restent sans réponse du préfet. Il s’agit bien d’une hégémonie de l’État, que l’on pourrait presque croire en perpétuelle campagne électorale,…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n’est pas mon cas !

M. Stéphane Artano. … ce qui interpelle à plus d’un titre.

Nous subissons une situation de blocage institutionnel anormale, contre laquelle je ne peux que me dresser. Jamais je n’aurais cru devoir le faire à cette tribune et à ce moment précis, mais c’est ainsi.

Quand on prétend rechercher des partenaires de confiance, il faut être loyal et ne pas saborder à dessein des projets majeurs de développement du territoire. Bien sûr, ce que je dénonce se fait de manière très intelligente, sous couvert d’un État républicain, mais la population n’est pas dupe.

À cet égard, les bâtons que l’on met dans les roues du conseil territorial sur le projet de construction portuaire le plus important de ces trente dernières années sont assez révélateurs. Entre les atermoiements de l’État sur le site d’implantation d’un quai, la recherche de munitions au fond de l’eau en 2019, la réalisation, en 2020, d’une étude d’impact sur les phoques – eh oui, il y a des phoques à Saint-Pierre-et-Miquelon ! – ou encore les sondages en vue de possibles fouilles archéologiques en 2021, je n’ose croire, monsieur le ministre, que la légèreté de l’État soit allée aussi loin dans le pilotage d’un projet d’investissement de près de 40 millions d’euros. Nous ne pouvons plus continuer ainsi.

L’écrivain Jérôme Leroy a déclaré : « En politique avoir raison n’est rien, convaincre est tout. » Comme de nombreux compatriotes, je ne suis pas du tout convaincu de certains choix de l’État à Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur le ministre.

Au-delà de ces considérations strictement locales, je vous indique que le groupe RDSE votera les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

(M. Vincent Delahaye remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer l’ensemble des membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Réunis ce matin, nous avons élu notre collègue Stéphane Artano à la présidence de cette délégation. Je me permets une nouvelle fois de le féliciter.

La délégation peut maintenant reprendre ses travaux. Il ne fait nul doute que leur qualité continuera à être reconnue, dans la lignée de ceux qu’avaient été entrepris les deux présidents précédents, MM. Serge Larcher et Michel Magras.

Mes chers collègues, vendredi dernier, nous nous sommes retrouvés derrière un amendement de notre collègue Victorin Lurel sur la mission « Plan de relance » pour créer un nouveau programme, intitulé « Plan pour l’égalité réelle outre-mer » et doté de 2,5 milliards d’euros. C’est à peu près le montant des crédits de la mission « Outre-mer » que nous examinons aujourd’hui.

L’objectif de cette mission est de réduire les écarts entre l’Hexagone et les collectivités d’outre-mer. C’est ambitieux, mais impératif.

Lorsque l’on parle d’égalité républicaine, nous avons l’ambition que les valeurs qui s’y rattachent soient partagées sur tout le territoire français, peu importe la distance qui sépare Paris de Papeete, Cayenne ou Pointe-à-Pitre.

Les crédits de la présente mission sont insuffisants pour répondre à cet enjeu de l’égalité républicaine. Certains soulignent l’évolution de l’enveloppe globale. Certes ! Pour notre part, nous souhaitons insister sur la baisse des crédits de paiement de l’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, sur la diminution de 5 % de ceux du programme « Conditions de vie outre-mer », de quasiment 3 % de l’action Logement ou encore de 10 % de l’action Aménagement du territoire.

Nous parlons de crédits de paiement. À cet égard, nous souhaitons alerter, comme malheureusement chaque année, sur la sous-consommation des crédits de la mission « Outre-mer ». Cette non-utilisation de crédits ne justifie en rien la réduction des moyens alloués. Les difficultés à engager les dépenses de cette mission sont inacceptables. Nous demandons au Gouvernement d’agir à ce sujet. Le Parlement ne peut voter des crédits qui ensuite ne sont pas utilisés, alors que les outre-mer en ont cruellement besoin !

Le Gouvernement et le Parlement doivent être vigilants sur la bonne exécution des crédits du plan de relance comme de cette mission, ainsi que sur leur déclinaison dans les collectivités qui manquent d’appui en matière d’ingénierie de projet, dont l’État est responsable.

Cette sous-exécution chronique concerne notamment le logement, dont les crédits sont très inférieurs au niveau constaté jusqu’en 2017 et bien en deçà des besoins ressentis en outre-mer. Il y a 69 432 demandeurs de logements sociaux et les besoins de logements sociaux sont évalués à plus de 10 000 par an. La crise du logement en outre-mer est nourrie par la forte pression démographique, la rareté du foncier, l’urbanisation rapide, la pauvreté des ménages et l’insalubrité. Pourtant, la commission des finances dénonce un niveau de crédits « historiquement bas ».

La crise touche de manière différenciée nos collectivités d’outre-mer, mais elle aggrave les inégalités. Rappelons que la part des jeunes de 18 ans en difficulté de lecture varie entre 30 % et 75 % dans les départements d’outre-mer, contre 10 % dans l’Hexagone. Le taux de chômage est deux à trois fois plus élevé qu’en métropole. Les personnes les moins qualifiées y sont surexposées. Par conséquent, la formation des jeunes doit être améliorée, et il faut renforcer les moyens de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, d’autant plus que ses dispositifs sont déstabilisés par la crise.

Les effets de la pandémie creusent les écarts existants. C’est également vrai sur le plan économique, au regard de la grande dépendance des outre-mer à l’extérieur et au tourisme, avec de fortes incidences sur le pouvoir d’achat. Rappelons que les produits alimentaires coûtent en moyenne 12 % plus cher en outre-mer, et même jusqu’à 28 % à La Réunion, où un quart des habitants vivent avec moins de 867 euros par mois.

La pauvreté s’ajoute à cette « vie chère ». Le taux de pauvreté atteint ainsi 77 % à Mayotte, contre 14 % en France métropolitaine, où seul le taux de pauvreté de la Seine-Saint-Denis est à peu près comparable à celui de certains territoires ultramarins.

L’épidémie implique d’appliquer des règles sanitaires de base, comme se laver les mains. Toutefois, comment en faire un geste naturel lorsque l’on n’a pas d’eau au robinet ? Une réelle politique de l’eau doit être mise en œuvre en outre-mer, où la vétusté des réseaux entraîne, au quotidien, des coupures et des contaminations.

Monsieur le ministre, des crédits nous sont présentés, mais leur lecture ne nous inspire aucun enthousiasme. Nous savons bien que nous abordons un sujet transversal, touchant l’ensemble des ministères, mais votre rôle est essentiel pour faire entendre la voix de l’outre-mer auprès du Gouvernement. Les enjeux sont de taille ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nassimah Dindar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons et le répétons, les territoires d’outre-mer accusent des retards structurels par rapport aux régions hexagonales. Chacun a des défis de développement majeurs à relever pour l’avenir de ses populations.

Aussi, chaque année, le Sénat salue l’effort financier global de l’État en faveur des outre-mer sur l’ensemble des programmes.

La mission « Outre-mer » définit trois priorités principales, afin de contribuer à la reprise économique qui suivra la crise sanitaire.

Cette crise a largement affecté l’économie de nos îles, sur des secteurs aussi importants que le BTP, le tourisme ou encore le commerce. Elle a également touché les publics vulnérables que sont les personnes âgées, les porteurs de handicap, les familles. Je veux aussi insister sur les conséquences de cette période difficile pour les salariés du secteur social et médico-social.

On ne l’a pas dit suffisamment, cette crise a aussi affecté le moral de nos jeunes d’outre-mer et leur confiance en l’avenir. Pour les avoir rencontrés lors de votre dernier déplacement à La Réunion, vous le savez, monsieur le ministre. À cet égard, je salue l’augmentation du budget dédié au SMA.

Cependant, le chômage des jeunes de moins de 30 ans requiert, dans les outre-mer, l’organisation d’un véritable Grenelle de l’emploi, avec des mesures incitatives pour la formation professionnelle, la mobilité étudiante et professionnelle, l’embauche dans un premier emploi et la pérennisation des premiers emplois.

Le taux de chômage des jeunes s’élève à 23,4 % à La Réunion et à 35 % à Mayotte, contre 8 % dans l’Hexagone. Derrière ces chiffres, il y a de la précarité et de la souffrance. Aucun élu de la République ne peut s’en contenter.

Certes, le PLFSS est venu renforcer les exonérations de cotisations patronales, mais ce renforcement est intervenu en compensation de la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Si ces exonérations sont salutaires pour les entreprises, pouvons-nous nous satisfaire d’un simple transfert comptable ?

Nous souhaiterions que la même somme soit destinée à des exonérations pour l’embauche des moins de 30 ans. Pourrions-nous envisager que votre ministère et celui qui est chargé de l’emploi s’accordent sur des pistes pour ce Grenelle que nous appelons de nos vœux ?

Monsieur le ministre, je défendrai tout à l’heure un amendement de mon collègue Gérard Poadja visant à étendre la prime spécifique d’installation que touchent tous les fonctionnaires civils et militaires lors de leur première affectation en métropole, à l’exception des ressortissants de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna. Je sais que vous serez le ministre qui mettra fin à cette discrimination !

Mes collègues ont longuement évoqué le logement social. Je sais que cette question est une priorité du ministère chargé des outre-mer.

La politique du logement social en outre-mer est bipède : elle est constituée, d’une part, par les aides directes – les aides à la pierre –, et, d’autre part, par les aides à la personne. L’équilibre du secteur ne peut tenir qu’en renforçant ces deux composantes.

Je me félicite de la hausse de 18 millions d’euros des crédits de la LBU. En revanche, je demeure interrogative sur la réduction des aides au logement qu’entraînera la baisse importante, de 50 millions d’euros, des crédits alloués à l’outre-mer dans le cadre du programme 109.

Aussi, au-delà de l’attention que vous portez aux aides directes, monsieur le ministre, nous vous demandons de ne pas fragiliser les ménages, leur solvabilité et, par ricochet, les opérateurs et entreprises qui construisent nos territoires. Vous engagez-vous à nous garantir que, en dehors de la base des ressources prévue par la réforme, les critères d’octroi des aides au logement à caractère familial et social ne seront pas revus outre-mer ?

Notre regret à tous vient bien de la sous-consommation des crédits LBU, comme le soulignaient les rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Il conviendrait de s’interroger sur ce point avec précision, car il n’est pas normal que de telles sommes soient sous-consommées, alors que nos populations sont dans le besoin. Aidez-nous, monsieur le ministre, à simplifier ces procédures !

La même demande de simplification est formulée par tous les acteurs concernant l’important et très attendu plan de relance, dont va bénéficier l’ensemble des territoires et que nous saluons. Il faut simplifier et rendre ces fonds accessibles aux TPE et PME, dont de récentes études ont souligné la faiblesse en matière de compétences et d’organisation administrative.

Notons que, à ce budget, s’ajoutent au moins 1,5 milliard d’euros dans le cadre du plan de relance outre-mer.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Nassimah Dindar. Cette somme importante est attendue. Je sais par avance, monsieur le ministre, que vous allez vous impliquer dans ces dossiers.

Bien évidemment, le groupe UC votera les crédits de la mission outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

Mme Viviane Malet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du PLF est un moment fort pour les élus ultramarins que nous sommes. C’est l’occasion d’insister sur les actions prioritaires à retenir pour nos territoires, afin de réduire le retard persistant avec l’Hexagone.

Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités, publié le 26 novembre dernier, vient nous le rappeler avec force : 33 % des habitants sont confrontés à la pauvreté en Martinique, 34 % en Guadeloupe, 42 % à La Réunion et 77 % à Mayotte.

Cette année, l’examen de la mission présente un caractère particulier du fait de la crise de la covid.

L’éloignement, l’insularité, la petitesse des marchés font que les outre-mer sont frappés de plein fouet et voient leur économie vaciller. Aucun secteur n’est épargné : BTP, tourisme, restauration, services, événementiel… Pour la seule île de La Réunion, ce sont 4 300 emplois qui ont été détruits depuis le début de la crise, malgré les aides diverses mises en place par l’État.

Le milliard et demi d’euros du plan de relance consacré en 2021 et 2022 aux outre-mer est le bienvenu. Cependant, comme le rappelle fort justement la commission des lois dans son rapport pour avis, il conviendra « d’être vigilants quant à la consommation concrète de ces crédits, puisqu’une partie d’entre eux dépendra d’appels à projets et rien ne peut garantir dès à présent que ces crédits seront effectivement consommés dans nos territoires ultramarins ».

J’en arrive à l’examen des crédits de la mission pour 2021, qui s’établissent à 2,68 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,44 milliards d’euros en crédits de paiement.

Les crédits 2021 du programme 138, « Emploi outre-mer », augmentent de 107 millions en AE et 94 millions en CP.

Les crédits du programme 123, « Conditions de vie outre-mer » connaissent quant à eux une hausse de 55 millions en AE et baissent de 31 millions en CP.

Monsieur le ministre, je tenais à saluer certaines annonces et certaines avancées effectuées lors de l’examen des crédits alloués à l’outre-mer à l’Assemblée nationale.

Je pense, tout d’abord, à l’augmentation de 3 millions d’euros des dispositifs en faveur de la continuité territoriale, permettant notamment un abondement et une modification des critères d’éligibilité de la « continuité funéraire », ainsi qu’un élargissement du dispositif à la fin de vie.

Je pense ensuite à la hausse de 8,7 % de la LBU, qui passe à 224 millions en AE, mais aussi à la mise en place de nouveaux contrats avec les collectivités territoriales en difficulté et, enfin, au passage de l’audiovisuel en secteur de compétitivité renforcée.

Cependant, je rappelle que l’augmentation des crédits alloués à la mission « Outre-mer », qui ne représente que 10 % des montants totaux des crédits alloués aux territoires ultramarins, fait suite à une diminution en 2020 par rapport à 2019, ce qui tempère quelque peu ma satisfaction.

Monsieur le ministre, je veux étayer mon propos en revenant sur un sujet auquel je tiens et qui est relatif à la continuité territoriale.

J’avais déposé un amendement, hélas déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, visant à ce que l’aide destinée à financer une partie des dépenses afférentes au transport aérien de corps puisse bénéficier aux familles qui ont perdu un enfant étudiant ou stagiaire à l’étranger, car de nombreux cursus universitaires rendent ces expériences internationales obligatoires.

La disparition tragique d’une jeune étudiante réunionnaise, emportée par la covid au Royaume-Uni, est venue rappeler la douleur des familles dans de telles circonstances. Je pense, monsieur le ministre, que vous pourriez porter la réforme que je propose.

Par ailleurs, lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré que, en vertu de la feuille de route qui est la vôtre jusqu’à la fin du quinquennat, vous vous intéresserez davantage aux modalités concrètes d’action qu’aux éternels grands débats, qui ont largement épuisé la patience de nos concitoyens. Je n’ai pas de raison de douter de votre volonté.

En conséquence, je souhaite insister sur trois points importants pour l’île de La Réunion.

En premier lieu, la filière réunionnaise du BTP a perdu un tiers de ses salariés et la moitié de ses entreprises entre 2008 et 2017. Le chiffre d’affaires du secteur a chuté de 40 % en dix ans et a atteint, en 2019, son niveau le plus bas depuis plus de vingt ans.

Il est regrettable que l’Assemblée nationale ait supprimé, en nouvelle lecture du PLFSS, la disposition votée par le Sénat permettant aux entreprises du BTP de bénéficier du régime de compétitivité renforcée de manière temporaire. Cette mesure aurait permis au secteur de faire face et de tenir jusqu’à la relance de l’activité, qui est prévue pour la mi-2021.

En deuxième lieu, je souhaite insister sur la nécessité d’anticiper l’évolution démographique de nos populations liée au vieillissement.

Ainsi, si l’une des trois priorités de la mission « Outre-mer » pour 2021 est la construction et la rénovation des infrastructures, ne faudrait-il pas réfléchir à un fléchage d’une partie des crédits LBU vers la construction de résidences pour personnes âgées à taille humaine, en développant un mode d’habitat innovant adapté à nos modes de vie ?

En troisième lieu, et enfin, même si la question ne relève pas de cette mission,…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Viviane Malet. … je ne peux m’abstenir d’évoquer un sujet majeur pour nos territoires : la gestion des déchets.

En effet, en l’absence, à ce jour, de solution de valorisation énergétique, nos déchets sont acheminés en installations de stockage de déchets non dangereux, ou ISDND. Nos territoires ultramarins subissent donc de plein fouet la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Viviane Malet. Les réalités de nos territoires et de leurs habitants doivent être au cœur de nos actions, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui pour la première fois en discussion générale dans cet hémicycle, en tant que sénatrice nouvellement élue. C’est une grande émotion, d’autant qu’il s’agit de l’examen de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances.

C’est aussi votre premier passage budgétaire en tant que ministre des outre-mer, cher Sébastien Lecornu.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Eh oui !

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Cela renforce mon émotion, car je connais votre sensibilité ultramarine.

Je ne reviendrai pas sur l’examen d’ensemble de la mission, qui a déjà été largement évoqué par nos rapporteurs, que je remercie. Je souhaite évoquer ici certains points qui me tiennent à cœur.

La Guyane est un territoire frappé de nombreux handicaps structurels, au premier rang desquels son étendue géographique, qui induit l’éloignement et l’isolement de bon nombre de ses habitants.

La population guyanaise est jeune, frappée par un taux de chômage élevé et une insuffisance de formation et de qualification professionnelle. J’apprécie donc l’effort porté sur le service militaire adapté, qui est une grande réussite. En Guyane, la création de la troisième compagnie de formation professionnelle et la construction d’un plateau pédagogique constituent une excellente nouvelle.

Concernant le programme 123, un effort budgétaire sans précédent est porté sur l’éducation. Je m’en félicite. Le plan d’urgence Guyane et des dotations spécifiques sont importants.

Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi d’émettre le souhait que, l’an prochain, à l’instar de ce qui est prévu cette année pour Mayotte, la Guyane puisse bénéficier de nouvelles constructions scolaires, car nos structures sont actuellement insuffisantes et ne permettent pas l’accueil de tous les enfants.

Le logement social fait également l’objet d’un effort important, au travers de la LBU. C’est une nécessité absolue, tant cette question est cruciale, en particulier pour la Guyane.

La mise en œuvre de l’opération d’intérêt national en Guyane répond à un impératif. Nous attendons beaucoup de ce dispositif.

De même, le renforcement de l’accompagnement de l’État, nécessaire pour la réalisation des plans de développement stratégique de l’établissement public foncier et d’aménagement de la Guyane, se traduit par une augmentation bienvenue de l’enveloppe du fonds régional d’aménagement foncier et urbain, le Frafu.

Je vous adresse donc un grand merci, monsieur le ministre, pour l’aide accrue de l’État en matière de logement et d’aménagement du territoire en Guyane.

La croissance démographique dans l’ouest guyanais impose des orientations nouvelles dans tous les domaines, par exemple en matière de santé. Nous aurons notamment besoin de votre appui auprès du ministre de la santé pour la création, unanimement souhaitée, d’un service de réanimation au centre hospitalier de l’Ouest guyanais. Je reviendrai vers vous sur ce sujet.

Pour finir, je dirai un mot sur la question économique. Le soutien au microcrédit en Guyane est précieux. La fragilité de nos entreprises y est importante, et le recours au microcrédit est un levier indispensable pour les nombreuses microentreprises que compte notre territoire.

En ce qui concerne l’aide au fret, il me semble que le dispositif pourrait être amélioré. J’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler.

Je vous remercie de nouveau, monsieur le ministre. Et bien évidemment, notre groupe votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Catherine Conconne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les années se suivent et se ressemblent, hélas !

Un hémicycle quasi désert, des lignes budgétaires déjà arrêtées et convenues et des élus qui vont s’acharner des heures entières à tenter de faire comprendre l’évidence et à réclamer le meilleur pour leurs pays. Ils seront tous là, tous présents, bravant kilomètres et risques sanitaires, rappelés à l’ordre par ce sens évident du devoir qui les anime.

J’aurais pu me lancer dans des évaluations sur la baisse de telle ligne – notre éminent rapporteur Georges Patient l’a déjà fait –, sur le maintien de telle autre, et passer des minutes entières à regretter et à déplorer des indicateurs qui se ressemblent d’année en année.

Serais-je donc gagnée par la résignation ? Oui, peut-être. Par une forme de résignation qui remporterait la partie contre la détermination et l’optimisme ? Il y a certainement un peu de cela… C’est mon quatrième exercice au sein de la Haute Assemblée, et une forme de fatalisme pourrait certainement me gagner, tant les années se suivent et se ressemblent.

Néanmoins, nos pays, ceux que l’on appelle « l’outre-mer », nous imposent une réalité qui nous gifle tous les jours. Tous les jours, il faudra donc se battre aux côtés de nos compatriotes frappés par des indicateurs désastreux. Je me contenterais d’un seul, qui est éloquent : 30 % de la population martiniquaise vit au-dessous du seuil de pauvreté, soit un Martiniquais sur trois !

C’est pour ces personnes que je continue de venir ici. C’est pour elles aussi que je tente inlassablement de réclamer le meilleur. Et ma demande n’est pas une demande pour plus d’argent, plus de subventions ou plus de moyens financiers. Je viens vous demander, monsieur le ministre, de faire preuve d’ambition. Je viens vous demander une lucidité pour trouver les voies d’un vrai changement de l’approche de nos pays dits « d’outre-mer ». Je sais que vous le pouvez.

Chaque année, au dernier trimestre, nous vivons des moments totalement anxiogènes. Que nous réservera cet exercice budgétaire ? Que va-t-on encore changer, faire évoluer, faire disparaître ? Chaque exercice budgétaire est une course à l’information, aux auditions, à l’effarement aussi provoqué par telle ou telle mesure. Et souvent on en sort sonnés, sonnés par les vraies injustices, qui font hurler de douleur des pans entiers de nos économies.

En si peu de temps dans cette assemblée, j’ai vécu la suppression de la TVA non perçue récupérable, la TVA NPR, la réduction de l’abattement fiscal sur l’impôt sur le revenu, les coups de poing portés régulièrement à la défiscalisation et, record d’incompréhension battu, la suppression de la défiscalisation sur la réhabilitation sociale des logements. J’en oubliais presque la taxe sur le rhum, censée punir les vilains alcooliques que nous serions ! (Mme Victoire Jasmin et M. Victorin Lurel rient.)

Cette instabilité qui nous épuise, cette instabilité ne rassure pas, cette instabilité qui rajoute de la difficulté à la difficulté. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j’ai souhaité vous dire quel défi se trouvait devant vous qu’il vous faut relever. Mais, encore une fois, je suis certaine que vous en serez capable.

Il faut une vraie ambition pour nos pays. Il n’est plus possible de se contenter de ces arbitrages budgétaires en dents de scie pour rythmer le développement légitime de millions d’âmes.

Chaque pays, dans sa différence, ses intérêts et son identité, devrait pouvoir disposer d’une boîte à outils pertinente et pérenne pour au moins quinze ans. Il y a des lois à activer, comme la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant d’autres dispositions en matière sociale et économique ; j’en profite pour saluer le mémorable baroud de mon collègue Lurel, la semaine dernière. Nous partageons tous son SOS pour vous dire d’oser. C’est la seule condition – oui, la seule ! – pour parvenir à inverser des tendances qui se sont sédimentées avec le temps.

Il faut de la visibilité pour l’initiative entrepreneuriale : il faut de la visibilité pour les collectivités. Dans ces marchés très contraints, chaque décision a des répercussions, des effets domino qui créent souvent des désastres. Nos entrepreneurs sont épuisés d’être chahutés en permanence. Ouvrez le champ des possibles ! Nous avons les idées, nous savons ce qu’il faut faire.

Une fois de plus, les années se suivent et se ressemblent. Nous aurons droit à ces démarches traditionnelles, à nos déclarations et à nos inlassables amendements dont on connaît le sort d’avance – « défavorable » et « rejeté » sont les mots qui viendront conclure une fois de plus nos demandes, de manière cinglante.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis beaucoup plus doux que cela !

Mme Catherine Conconne. Prenez toutes ces interpellations comme un appel à l’ambition. Prenez-les comme un appel à faire autrement ; plus cohérent, plus pérenne, plus évalué.

Nos pays sont marqués du sceau de l’inactivité – vous connaissez les chiffres – et j’ai pris l’habitude de dire ici, sans être un grand Grec de l’économie, que l’inactivité coûte forcément plus cher que la mise en activité. Comment pouvons-nous renverser la table, changer de paradigme, voir les choses autrement ?

Osons parler port franc, osons parler zone franche globale, osons reparler d’une défiscalisation ambitieuse. Je ne saurais terminer sans vous appeler personnellement à prendre à bras-le-corps le sujet de l’hôpital et de l’accès aux soins à la Martinique.

Les conditions d’accueil et l’accès à la santé sont indignes : on meurt à la Martinique, faute de soins, de médecins. L’hôpital de Trinité est une ruine insalubre. Il y a des décisions à prendre, et vite, pour doter le nord de la Martinique, le tiers du pays en termes de population, d’un outil qui soit digne de la République.

Plus largement, un plan santé est nécessaire. Il faut, là aussi, en porter l’ambition et faire en sorte que l’équité prévale. Comme le montrent les chiffres, la Martinique est confrontée au vieillissement de la population.

On ne peut plus se contenter d’ignorer ces pathologies, souvent déclenchées par des dures vies de labeur, qui peinent à être prises en charge. L’administration sur place se bat, mais l’ambition du pouvoir central peine à les aider. Prenez ce sujet emblématique en main, monsieur le ministre. Poussez l’avenue Duquesne au mieux : des promesses de longue date n’ont pas été tenues. Je pense, par exemple, aux budgets annoncés et jamais exécutés pour l’hôpital de Trinité.

Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue pour ce premier exercice budgétaire dans le cadre de votre nouvelle mission. Prenez-la avec hardiesse et détermination. Abordez-la avec un œil neuf. Et c’est parce que j’ai confiance en vous que je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, du point de vue de Saint-Barthélemy, ce budget n’appellera pas d’observation particulière de ma part.

En effet, vous le savez, la collectivité ne bénéficie pas de dotations de l’État. Elle lui verse, en revanche, 2,6 millions d’euros par an au titre de la dotation globale de compensation, la DGC. Cette dernière, du reste, a fait l’objet d’un effacement pour l’année 2018 après le passage de l’ouragan Irma. La collectivité en sait naturellement gré à l’État.

Les entreprises de l’île bénéficient, quant à elles, des exonérations de cotisations patronales dont les crédits sont inscrits à la mission « Outre-mer » que nous examinons aujourd’hui. Le dispositif applicable à Saint-Barthélemy tient compte de la structure particulière de notre économie, quasi monosectorielle, et de son environnement concurrentiel. Je ne puis que confirmer que sa prolongation, en 2019, a été gage d’une judicieuse stabilité et de visibilité pour nos entreprises.

Par ailleurs, ces entreprises ont pu bénéficier, au titre des mesures d’urgence, d’une intervention considérable de l’État, à hauteur d’environ 18 millions d’euros.

À cet égard, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse pour vous alerter sur la situation du Journal de Saint-Barth, seule publication hebdomadaire et gratuite de l’île, car les critères du décret d’aide exceptionnelle à la presse du 13 novembre dernier l’excluent du bénéfice de cette mesure. Or, à terme, sous les effets cumulés de la crise sanitaire et de la réforme des annonces légales, ce journal pourrait purement disparaître. Aussi, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissante si une attention particulière pouvait être accordée à cette situation.

En dehors de ces aspects budgétaires, qui méritaient, me semble-t-il, d’être évoqués, cette discussion est surtout l’occasion de m’adresser à vous, monsieur le ministre, au titre de la vocation interministérielle de vos fonctions, pour vous demander de relayer les préoccupations de la collectivité, essentiellement relatives à l’aménagement de la décentralisation et à la mise en œuvre de son projet différencié.

La première de ces préoccupations concerne le domaine de la sécurité sociale et des établissements médicaux de l’île. Comme vous le savez, depuis 2017, les missions relevant de la sécurité sociale ont été confiées à la Mutualité sociale agricole, la MSA, qui les assure par le biais de la caisse de prévoyance sociale, la CPS, de Saint-Barthélemy.

Au moment de sa création, il n’avait pas été jugé opportun de mettre en place un conseil d’administration ni de doter la caisse de la personnalité juridique. Toutefois, son fonctionnement largement satisfaisant depuis sa mise en place effective en 2017 et son élargissement au régime social des indépendants, le RSI, conduisent aujourd’hui à souhaiter la redéfinition de son organisation, afin d’y associer plus étroitement et formellement la collectivité.

Cela se justifie non seulement par ses compétences – fiscalité, logement, action sociale –, mais aussi par son implication financière dans le fonctionnement des structures de santé de l’île. Le président Bruno Magras avait d’ailleurs eu à alerter le Gouvernement sur la situation déficitaire de l’hôpital et de l’Ehpad, en dépit du concours de la collectivité.

S’il en était besoin, la crise sanitaire a mis en lumière cet engagement, avec l’élaboration d’un protocole sanitaire et l’acquisition de matériels de tests ; elle a conforté notre volonté politique d’être associés de manière plus institutionnalisée aux orientations prises en matière de sécurité sociale et de santé.

L’étroitesse du territoire et sa dépendance à l’extérieur à de nombreux égards commandent de faire des choix pertinents en ce qui concerne les politiques publiques mises en œuvre. Si la compétence en matière de sécurité sociale est une priorité, il n’en reste pas moins que la collectivité souhaiterait, à terme, se rapprocher du régime d’autonomie qui soit le plus abouti possible, tirant les leçons de la pratique du statut actuel.

Elle appelle donc de ses vœux une révision ambitieuse des dispositions constitutionnelles, laquelle ne saurait être menée qu’en solidarité et en concertation avec les autres collectivités ultramarines. Je garde espoir que nous puissions aboutir à une position commune, qui, je l’espère également, trouvera en vous un relais, voire un défenseur, au sein du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de crise sanitaire sans précédent, nous constatons avec satisfaction l’augmentation des crédits de la mission « Outre-mer », dont les autorisations d’engagement progressent de 6,4 % et les crédits de paiement de 2,6 %, pour atteindre un montant total de 2,44 milliards d’euros.

Au titre de la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement et de la production d’eau potable, on atteint 50 millions d’euros en crédits de paiement sur deux ans, soit 15 millions d’euros pour l’année 2021. Cependant, monsieur le ministre, une réflexion doit être menée, afin de revoir à la hausse, dans la durée, le financement des investissements sur la problématique de l’eau.

Ma première prise de parole dans cet hémicycle a eu lieu le 30 octobre 2017 – vous étiez alors secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot. Vous vous êtes rendu à l’époque en Guadeloupe, et vous avez pu comprendre sur place comment était organisé le système, ce que j’avais appelé le « scandale de l’eau ».

Si la gouvernance avance et qu’une prise de conscience se développe aujourd’hui, il va tout de même falloir 800 millions d’euros pour rattraper le retard. Nous comptons sur l’État pour aider à ce chantier.

Dans ces conditions, vous comprendrez bien que l’enveloppe est tout à fait insuffisante. Il faudrait accompagner ce territoire dans la durée, en faisant preuve de beaucoup de prudence, pour qu’il reprenne le bon chemin en matière de gestion de l’eau.

Le renforcement de la compétitivité des entreprises, notamment dans leur environnement régional, se décline avec une baisse des impôts de production, avec l’amélioration du capital des TPE-PME et avec le soutien à la filière tourisme-appel à projets d’innovation.

De plus, je tiens à relever l’adoption, par l’Assemblée nationale, de deux amendements significatifs pour nos territoires. Le premier vise la création de contrats d’accompagnement pour les communes en difficulté dont les efforts de redressement sont manifestes. L’objectif de ces contrats est de résoudre l’écart structurel entre recettes et dépenses, comme l’avait préconisé le rapport de décembre 2019 du sénateur Georges Patient et du député Jean-René Cazeneuve sur les finances des communes, des départements et des régions d’outre-mer.

Si le Gouvernement décidait de l’expérimenter dès 2021, ce dispositif pourrait permettre un retour à l’équilibre des collectivités concernées et l’amélioration de la gestion de nombreuses communes, singulièrement en Guadeloupe – je pense, par exemple, à la commune de Pointe-à-Pitre, qui connaît un déficit important.

Le second, et je m’en réjouis, concerne l’extension du dispositif de continuité funéraire, à la suite d’une réflexion menée par les élus ultramarins et le ministère des outre-mer sur la nécessité d’en élargir le bénéfice aux frères et sœurs, notamment pour les déplacements liés à une fin de vie. C’est un sujet sensible pour la communauté ultramarine vivant dans l’Hexagone.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Dominique Théophile. Dans la perspective d’un vote conforme au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, le groupe RDPI votera en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons ce matin se voit dotée de crédits en nette augmentation, soit une hausse de 13,6 % par rapport à 2020, pour s’établir à 2,68 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,34 milliards d’euros en crédits de paiement.

En effet, face à une baisse d’activité de l’ordre de 30 % dans l’ensemble des outre-mer pendant le premier confinement, l’ampleur de la crise dépendra de la rapidité de la reprise.

Dès lors, je salue le milliard et demi d’euros du plan de relance national en direction des outre-mer. Je le salue d’autant plus que les fragilités structurelles des outre-mer les rendent sensibles aux chocs conjoncturels, tels ceux que nous connaissons actuellement : la crise sanitaire, doublée de la crise économique, ne fait qu’amplifier les difficultés que connaissait déjà le secteur du BTP, par exemple.

Je tenais ce matin à attirer l’attention sur les indispensables aides à la mobilité dédiées à la continuité territoriale, afin que la crise sanitaire ne soit pas synonyme d’enclavement territorial et d’assignation à résidence. En effet, nous le savons bien, les outre-mer dépendent des échanges extérieurs, notamment via les liaisons aériennes – les premières à avoir subi la crise sanitaire et économique, avec 60 % de trafic en moins entre mars 2019 et mars 2020.

Certes, le recours au télétravail, l’enseignement à distance et l’e-santé démontrent l’importance du numérique pour assurer la résilience des territoires. C’est un point important.

D’ailleurs, les nouveaux moyens dédiés aux investissements du plan France Très haut Débit ne devront pas oublier les outre-mer, mais contribuer à accroître leur couverture numérique. Toutefois, le besoin de formation, l’importance du tourisme et les questions d’approvisionnement imposent d’assurer cette continuité territoriale.

Je salue également l’accompagnement des collectivités territoriales dans la conduite de leurs projets via des plateformes d’aide à l’ingénierie, dont une première évaluation démontre l’efficacité. Ce soutien aux collectivités ultramarines sera indispensable pour les appels à projet du plan de relance.

Enfin, les outre-mer font face à des défis que nous connaissons bien : défaillances en termes de gestion de l’eau – nombre des orateurs précédents l’ont souligné – et d’assainissement, alors que l’eau est indispensable pour les gestes barrières et constitue un enjeu d’autonomie – autonomie sanitaire, dans un premier temps, via un renforcement des capacités médicales, et autonomie alimentaire, dans un second temps, défi qui pourra être relevé en aidant les agriculteurs et pêcheurs affectés par la crise.

À cet égard, nos regards se tournent vers l’Europe et la conclusion récente d’un accord sur la PAC, avec la création d’un futur fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche pour la période 2021-2027 et, plus globalement, un futur cadre budgétaire européen qui affectera, par exemple, le Fonds social européen. Nous attendons également une solidarité européenne accrue ; je suis convaincu qu’elle sera au rendez-vous.

Comme ma collègue Nassimah Dindar, je vous confirme que le groupe UC votera en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une certaine émotion que je m’exprime pour la première fois à cette tribune où d’importantes personnalités ont pris la parole pour la défense des valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité.

En cette période où l’extrémisme, l’intolérance et le racisme doivent être combattus au quotidien avec fermeté, je sais que, ici, quelles que soient les travées où nous siégeons, nous lutterons pour le maintien de ces valeurs et leur transmission aux générations futures.

Nous abordons aujourd’hui l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ». Je ne reviendrai pas sur le détail des chiffres, différents orateurs l’ayant fait avant moi.

À l’heure où notre pays tout entier est frappé par une crise sans précédent, je ne puis que me réjouir de la progression substantielle des crédits de la mission « Outre-mer », qui nous permettra, je l’espère, d’accompagner nos territoires avec des mesures indispensables.

Nous le savons tous, les effets de la crise sanitaire liée à la covid-19 ont eu un effet dévastateur sur les économies ultramarines, en particulier à Saint-Martin, qui dépend très fortement du tourisme.

Alors qu’un nouveau confinement a frappé l’Hexagone, les chances d’une reprise de l’économie saint-martinoise semblent minces. Si notre territoire est épargné par ce nouveau confinement, il en subit de plein fouet les conséquences économiques. Or, trois ans après notre épisode climatique, notre collectivité est toujours en reconstruction et demeure l’une des plus pauvres de France en termes de PIB par habitant.

Une relance pérenne de notre économie doit donc reposer sur une véritable adaptation des dispositifs de soutien à notre territoire. En effet, et c’est un fait, la reprise économique sera malheureusement plus longue à se concrétiser sur nos territoires que dans l’Hexagone.

Aussi, une prolongation des dispositifs exceptionnels d’aide, au moins jusqu’au premier semestre de 2021, sera indispensable pour soutenir notre fragile tissu entrepreneurial. En effet, comme vous le savez, la haute saison touristique se situe traditionnellement en hiver.

À cet égard, je tiens à saluer la possibilité accordée par l’État à nos établissements hôteliers d’accueillir, à compter du 1er décembre et à titre expérimental, des touristes en provenance de certains pays dits « à risques », dont les États-Unis, à la condition d’avoir signé une convention avec l’ARS et la préfecture, engageant ainsi leurs responsabilités.

Toutefois, nos attentes en matière de rénovation et de réhabilitation hôtelières demeurent très importantes. Notre collectivité a donc, plus que jamais, besoin à la fois de la solidarité nationale et d’incitations fortes pour attirer les investisseurs privés.

Je me réjouis d’ailleurs que la Haute Assemblée ait adopté très largement, en première partie de ce projet de loi de finances, un amendement que j’avais déposé en ce sens. J’espère que l’Assemblée nationale suivra la sagesse sénatoriale lors de la commission mixte paritaire.

Monsieur le ministre, vous envisagez de décliner le plan de relance par territoire, en concertation avec les acteurs locaux, ce que je ne puis qu’approuver. Je me réjouis de l’intégration de nouvelles générations ; je pense notamment à la création de la plateforme « Un jeune, une solution ».

Les mesures annoncées sont les bienvenues, mais elles nécessiteront un suivi attentif pour être à la hauteur des espoirs suscités auprès de nos concitoyens. Face à un taux de chômage des jeunes très élevé sur notre territoire, et qui risque malheureusement de s’aggraver encore, nous devons intégrer davantage notre jeunesse dans le développement d’entreprises et de filières économiques porteuses d’avenir.

Dans son rapport de 2017, le préfet Philippe Gustin, alors délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, avait présenté un certain nombre de propositions. L’une d’entre elles, qui me paraît essentielle, concerne le renforcement des capacités d’ingénierie locale. Sur ce point en particulier, comme sur celui de l’hôtellerie, nous avons besoin de votre soutien, monsieur le ministre.

Je suis convaincue que l’expérience de terrain et les contacts avec le monde professionnel, associés à une formation adaptée, permettraient à ces jeunes générations de répondre aux besoins d’ingénierie locale ou de création de microentreprises.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaitais vous demander votre appui pour la tenue rapide d’un « Q4 sanitaire ». Il me paraît absolument indispensable, dans cette période difficile que nous traversons, de nous concerter avec nos voisins de Sint Maarten, notamment pour la mise en place de protocoles sanitaires communs et d’une mutualisation des moyens locaux et étatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis moi aussi très heureux de monter pour la première fois à cette tribune, non pas en tant que sénateur (Sourires.), mais en tant que ministre des outre-mer, pour défendre un budget dont les crédits augmentent significativement.

Permettez-moi, avant de commencer mon intervention, d’avoir un mot de félicitations pour le président Stéphane Artano, qui vient d’être élu ce matin président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Monsieur Artano, sachez que je me tiens à votre disposition, ainsi qu’à celle de votre délégation, dont je connais la rigueur des travaux.

J’ai aussi une pensée pour votre prédécesseur, Bernard Magras, qui n’est plus sénateur aujourd’hui. Nous connaissons tous son investissement sur ces questions et la qualité des travaux qu’il a conduits. (Applaudissements.) Où qu’il soit, je ne doute pas qu’il suive nos débats de ce matin.

Je me tiens donc à votre disposition, monsieur Artano, pour travailler sur les questions qui concernent votre territoire – j’ai entendu quelques messages… – et l’ensemble des outre-mer.

Enfin, je veux saluer de manière très républicaine le ministre Victorin Lurel, qui m’a précédé dans ces fonctions

J’évoquerai tout d’abord la crise sanitaire qui touche notre pays, singulièrement nos territoires ultramarins. Si la situation s’améliore globalement, ces territoires ont été particulièrement touchés par la crise du covid-19. Leur insularité, leur isolement, leur capacité hospitalière, le climat, la cohabitation avec d’autres épidémies, comme la dengue, ou leurs caractéristiques démographiques sont autant de facteurs qui influent inévitablement sur l’évolution de l’épidémie.

Les situations rencontrées sont très disparates, avec des rythmes d’évolution et des intensités de crise distinctes, dans le temps comme dans l’espace. Nous abordons à présent une nouvelle phase.

La Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna ou Saint-Pierre-et-Miquelon sont aujourd’hui des territoires où le virus ne circule plus, je suis heureux de le constater.

En Guadeloupe, sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, l’évolution est favorable, avec des indicateurs qui sont passés sous les seuils d’alerte.

À La Réunion et à Mayotte, les indicateurs sont également orientés à la baisse, mais nécessitent une attention permanente.

En Guyane, nous constatons un effet plateau, avec une incidence qui remonte légèrement. L’État reste particulièrement vigilant en la matière.

Nous restons aussi très attentifs à la situation en Polynésie française, qui voit ses indicateurs s’améliorer, mais qui fait face à une dispersion du virus sur ses différentes îles. La réserve sanitaire nationale est fortement mobilisée pour apporter le soutien nécessaire au système de soins polynésien. Je tiens à rendre hommage ici à l’action du président Fritch avec lequel nous avons noué un partenariat de confiance et de qualité.

Enfin, madame Conconne, monsieur Antiste, l’amélioration de la situation en Martinique nous a permis de rouvrir les commerces dès la semaine dernière, en avance par rapport à l’Hexagone, dans un esprit de différenciation que nous souhaitons tous.

Olivier Véran et moi-même avions annoncé une clause de rendez-vous : les taux d’incidence et de positivité sont passés sous le seuil d’alerte, ce qui va permettre de lever les restrictions de déplacement dès le 8 décembre prochain. Nous maintiendrons un couvre-feu pendant la nuit, car nous devons rester prudents face à une situation épidémiologique qui peut évoluer très rapidement. Si les indicateurs continuent d’évoluer favorablement, les restaurants pourront rouvrir aux alentours du 15 décembre prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Cette rapide description de la situation permet de comprendre à quel point il est nécessaire de continuer à adapter une stratégie sur-mesure, comme nous le faisons pour la Martinique, à l’échelle de chaque territoire, d’associer les professionnels de santé, les élus et l’ensemble des forces vives économiques des territoires concernés aux choix de ces mesures, aux côtés des agences régionales de santé et des préfectures et, bien évidemment, d’apporter à nos concitoyens encore plus de lisibilité sur chacune des mesures prises, avec la pédagogie nécessaire, en ne sacrifiant jamais aux impératifs sanitaires de protection des populations.

Une nouvelle fois, je puis vous assurer que la République sera aux côtés de ses outre-mer, pour affronter cette crise sanitaire, mais aussi économique et sociale.

Ce rappel me paraissait important avant d’aborder la mission « Outre-mer », laquelle ne constitue, comme cela a déjà été souligné, qu’une petite partie du budget que l’État consacre à nos différents territoires.

Vous le savez, ce budget s’étend sur 31 missions et 94 programmes. Au total, il s’élève à 19,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 19,2 milliards d’euros en crédits de paiement.

Sur ces 31 missions, 4 dépassent le milliard d’euros : « Outre-mer », « Relations avec les collectivités territoriales », « Écologie, développement et mobilités durables » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l’outre-mer : ainsi, 4,7 milliards d’euros sont alloués au paiement des traitements des agents de l’éducation nationale et un peu plus de 1 milliard d’euros aux dépenses de personnel des forces de sécurité intérieure.

Au sein du projet de loi de finances, il me paraît important de souligner plusieurs dispositions, en dehors même de la seule mission « Outre-mer ».

Il s’agit, d’une part, dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » que le sénateur Charles Guené connaît bien, de la poursuite du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer, les Dacom. Le Président de la République avait pris cet engagement l’an dernier dans le cadre du grand débat national.

Un premier rattrapage a été réalisé en matière de péréquation, dans le cadre de la DGF pour les collectivités d’outre-mer. Ce mouvement s’accélérera l’an prochain, puisque, dans le cadre de la révision de la Dacom, nous vous proposerons de légiférer pour quatre ans. Dès l’an prochain, le volume de péréquation augmentera donc pratiquement de 17 millions d’euros.

Pour ce qui concerne la mission « Éducation nationale », les 42 millions d’euros des programmes dédiés à l’enseignement et les 37 millions d’euros du programme « Vie de l’élève » sont particulièrement fléchés vers Mayotte et la Guyane. Il s’agit également d’un engagement du Président de la République. Un rattrapage important s’impose dans ces deux territoires, où l’État assure la maîtrise d’ouvrage de la construction d’établissements scolaires. Les sénateurs des territoires concernés suivent de près cette question.

J’en viens à la fiscalité, dont on sait qu’elle constitue un levier d’action puissant pour le développement de nos outre-mer. La refonte du Fonds d’investissement de proximité, le FIP, outre-mer a été votée à l’Assemblée nationale, grâce à un amendement déposé par le président de la délégation aux outre-mer, le député Olivier Serva.

Par ailleurs, le renforcement du dispositif d’investissement productif dans le Pacifique, mieux connu sous l’appellation de neutralisation de l’impôt sur les sociétés pour les collectivités d’outre-mer, a également été adopté, grâce à un amendement des députés du Pacifique ; je pense notamment à Philippe Dunoyer, Maina Sage ou encore Nicole Sanquer.

Ces deux mesures étaient particulièrement attendues par les acteurs économiques ultramarins. Elles permettront d’accélérer la relance des outre-mer.

Par ailleurs, au Sénat, un amendement présenté par les sénateurs Georges Patient et Thani Mohamed Soilihi a permis de limiter à Mayotte et en Guyane la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, afin de tenir compte des contraintes propres à ces territoires dans la gestion des déchets.

La coconstruction a, une nouvelle fois, bien fonctionné et nous allons continuer ainsi, notamment au sein de la mission.

Concrètement, quel est le contenu de ce budget ? Outre les mesures de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, que M. le rapporteur spécial Georges Patient connaît bien, le Gouvernement a présenté un PLF pour 2021 intégrant la principale partie des 100 milliards d’euros du plan de relance.

Au sein de ces 100 milliards, un socle, et non pas un plafond – ce point me permet de répondre à différents orateurs – de 1,5 milliard d’euros permettra, en plus des crédits de la mission « Outre-mer », de procéder à des engagements importants pour les territoires.

Plusieurs chiffres sont à retenir : 50 millions d’euros pour accélérer la construction et la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement. Ce sont des actions essentielles pour nos concitoyens, quoiqu’elles relèvent en grande partie de la responsabilité et des compétences des collectivités locales ; M. Dominique Théophile est revenu longuement sur ce point, et je crois savoir que son appel a été entendu. Nous y reviendrons tout à l’heure au cours de l’examen des amendements.

Quelque 50 millions d’euros sont prévus pour le plan Séisme Antilles, notamment afin de renforcer les bâtiments publics et d’accélérer la mise en œuvre des programmes en cours.

Quelque 80 millions d’euros iront à la transformation de l’agriculture et l’équipement des abattoirs. À ce titre, je me réjouis que, après de longues discussions conduites avec mes collègues Julien Denormandie et Clément Beaune et l’engagement personnel du Président de la République, la Commission européenne soit revenue sur l’annonce de la baisse des crédits du Poséi, le Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Personne n’y a fait référence ce matin, mais c’est une vraie victoire collective française, à l’échelle européenne, dont nous devons nous réjouir.

Des moyens très importants sont également consacrés à l’emploi et à la formation, à hauteur de 500 millions d’euros environ.

Des sous-enveloppes sont également prévues sur certaines mesures opérées par le ministère de la transition écologique, notamment pour la sauvegarde de la biodiversité – je me tourne vers M. Guillaume Gontard – ou pour les infrastructures routières en Guyane et à La Réunion. Je note la remarque de M. Guillaume Gontard sur la nécessité de clarifier les sommes consacrées à la biodiversité. En effet, il y a un engagement important des collectivités territoriales pour ce qui concerne des fonds régionaux, parfois européens. Sans doute faut-il faire plus de pédagogie à l’égard des acteurs concernés.

Je pense aussi à une mesure que le sénateur Michel Dennemont portera dans le cadre des articles non rattachés. Elle permettra d’augmenter le nombre de logements sociaux et étudiants financés par le prêt locatif social à La Réunion. Mme la sénatrice Nassimah Dindar, ancienne présidente du conseil départemental, que je salue, est revenue sur ce point, tout comme Mme la sénatrice Viviane Malet. C’est là aussi une belle mesure de relance. Nous devrons nous assurer de son opérationnalité avec les collectivités territoriales.

En complément, plus d’un milliard d’euros seront versés directement par l’Union européenne aux départements et régions d’outre-mer dans le cadre de l’initiative React-UE, Reprise écologique, numérique et résiliente de l’économie, pour une consommation d’ici à 2023. Je rappelle à cet égard que la France, fortement contributrice au budget de l’Union européenne, n’est pas pour rien dans la mise en place de ce plan de relance européen. Nous connaissons tous l’action diplomatique et personnelle importante du chef de l’État en la matière.

Concernant les collectivités d’outre-mer, l’un des enjeux est de parvenir à les connecter au plan de relance, plusieurs orateurs l’ont souligné, au regard des compétences que l’État n’exerce plus et qui ont été transférées. Je tiens à le rappeler, car j’ai entendu dans cet hémicycle – ce n’était pas ce matin ! – des propos parfois inexacts. Notre rôle est bien de les aider et de les accompagner, sans se substituer à elles, ce qui reviendrait à mettre en échec le principe même de l’autonomie de ces collectivités. Comment procéder ?

Par le biais de nos opérateurs comme l’AFD, l’Agence française de développement, ou la Caisse des dépôts et consignations, qui opèrent notamment le programme des investissements d’avenir auquel ces collectivités sont éligibles.

Par le soutien financier à la trésorerie des gouvernements locaux. Je pense aux deux prêts de 240 millions d’euros chacun, avec une garantie de l’État, au profit de la Nouvelle-Calédonie – Mme Nassimah Dindar défendra des amendements en la matière – et de la Polynésie française.

Enfin, par des investissements dans le champ des compétences régaliennes, dont certains projets se font attendre depuis bien longtemps, il faut le reconnaître. Je pense au programme immobilier de la justice, aux casernes de gendarmerie et des forces armées et aux commissariats de police.

Ainsi, entre les mesures d’urgence économique qui représentent à date 4,5 milliards d’euros pour les outre-mer, le 1,5 milliard d’euros « socle » – et non pas plafond ! – du plan de relance et les crédits React-UE, ce sont plus de 7 milliards d’euros supplémentaires qui seront à la disposition des territoires d’outre-mer entre 2020 et 2023.

Après ces quelques précisions indispensables, permettez-moi d’aborder plus directement la mission « Outre-mer ».

Vous l’avez dit, cette mission est scindée en deux programmes. Elle connaît une augmentation de 7,5 % en autorisations d’engagement et de 3 % en crédits de paiement.

Le plan de relance – c’est un point important, qui répond à certaines interrogations – ne vient donc pas en substitution des crédits de la mission « Outre-mer ». Il s’agit bien d’argent frais supplémentaire dans ces territoires, avec un enjeu, à savoir la consommation effective de ces sommes.

Si les crédits inscrits présentent un intérêt politique et budgétaire, ce sont les sommes effectivement dépensées qui améliorent et changent la vie de nos concitoyens.

Pour reprendre vos interpellations, l’État a-t-il une part de responsabilité dans les sous-exécutions ? Très certainement ! Pour autant, la question du rôle des porteurs de projet est également à interroger. Nous avons donc plutôt intérêt à nous serrer les coudes et à créer une solidarité entre ces acteurs, plutôt que de commencer à montrer tel bailleur social, telle collectivité territoriale ou tel représentant de l’État comme le responsable des sous-exécutions.

Sur le programme 138, « Emploi outre-mer », les autorisations d’engagement augmentent de 107 millions d’euros et les crédits de paiement de 93 millions d’euros.

Ce programme est très observé en raison de la situation sanitaire, économique et sociale. Nous apportons un soutien aux entreprises par le biais de l’augmentation, à hauteur de 6,6 %, de la compensation des exonérations de charges patronales, dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite « Lodéom ».

À cet égard, un amendement du député Stéphane Claireaux, adopté lors de l’examen du PLFSS 2021, permet d’étendre ce régime de compétitivité renforcé au secteur audiovisuel.

En matière d’aide à l’insertion, mentionnons également les moyens supplémentaires en effectifs qui accompagnent notamment l’ouverture d’une troisième compagnie du régiment du service militaire adapté de Nouvelle-Calédonie, à Bourail. C’est une décision que j’ai prise et à laquelle je tiens particulièrement.

Sur le programme 123, « Conditions de vie en outre-mer », les autorisations d’engagement augmentent de 85 millions d’euros, avec trois priorités.

La première, je le répète, c’est le logement. Les besoins dans les territoires ultramarins sont énormes. Les particularités propres aux outre-mer – je pense plus particulièrement à La Réunion – justifient que cette politique soit portée directement par mon ministère.

L’outil bien connu est la ligne budgétaire unique, la LBU, qui intervient donc sur tous ces champs de la politique du logement. Elle voit ses crédits augmenter de 8,7 %, soit 224 millions d’euros, dont 18 millions d’euros en autorisations d’engagement dédiées spécifiquement aux établissements publics fonciers de Guyane et de Mayotte.

En 2020, les engagements de crédits sur la LBU atteindront la cible programmée, et ce malgré les perturbations liées à la crise sanitaire. C’est le résultat – historique ! – de la mobilisation de l’ensemble des acteurs et d’une stratégie plus claire et mieux territorialisée dans le cadre du nouveau plan logement outre-mer, ce dont nous pouvons collectivement nous féliciter.

La deuxième priorité est l’éducation, avec 13,4 millions d’euros dans les établissements du premier degré de Mayotte et 17 millions d’euros pour la réfection du lycée d’État de Wallis-et-Futuna, projet attendu par ce territoire.

La troisième priorité, qui me tient particulièrement à cœur, est le soutien aux collectivités locales, en faveur desquelles j’avais déjà lancé, dans le cadre de mes fonctions précédentes, un certain nombre de chantiers.

Ainsi, le Fonds exceptionnel d’investissement reste stable à 110 millions d’euros. Il est également complété par les crédits du plan de relance et par le milliard d’euros alloué à une DSIL, dotation de soutien à l’investissement local, exceptionnelle, à laquelle les départements et régions d’outre-mer sont éligibles.

En outre, la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, à laquelle toutes les collectivités d’outre-mer sont éligibles, y compris dans le Pacifique, est maintenue à un niveau équivalent, à savoir un peu plus d’un milliard d’euros, dont 35 millions d’euros pour l’outre-mer, répartis entre 22 millions d’euros pour les DROM, les départements et régions d’outre-mer, et 13 millions d’euros pour les COM, les collectivités d’outre-mer.

Enfin, les contrats de convergence et de transformation ont été signés, pour leur grande majorité, en juillet 2019 et déploient progressivement les projets contractualisés avec les collectivités.

J’évoquerai également le nouvel outil de contractualisation financière, grande nouveauté de cette mission, directement inspiré d’un rapport rendu par Georges Patient et Jean-René Cazeneuve sur l’accompagnement des collectivités territoriales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut pas envisager la décentralisation, la différenciation territoriale et la défense des libertés locales sans s’assurer que la puissance publique locale fonctionne effectivement. Les collectivités ont besoin d’un accompagnement particulier en ingénierie et en matière financière. Les contrats d’accompagnement proposés dans ce rapport sont une réponse pertinente à cet enjeu.

Comment fonctionneront-ils ? Nous pourrions commencer, sur la base du volontariat, par identifier une dizaine de collectivités en 2021, avec un objectif : résoudre l’écart structurel entre les recettes et les dépenses.

L’idée est d’avoir des engagements de la collectivité à bien mettre en place des mesures de retour à l’équilibre et d’amélioration de la gestion et de lui proposer, en contrepartie, un accompagnement de l’État et un soutien financier exceptionnel, dont la reconduction sera conditionnée aux résultats.

Pour commencer, 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10 millions en crédits de paiement ont donc été ajoutés à la mission « Outre-mer » à cette fin, après l’adoption d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale par M. Cazeneuve.

Ces crédits supplémentaires nous permettront de lancer, dans quelques jours, l’appel à projets, selon des critères précis. Les préfets organiseront par la suite des moments d’échanges pour expliquer cette contractualisation.

Enfin, au sein de cette mission, le Gouvernement vous présentera un amendement visant à compléter la réforme engagée de la continuité territoriale.

C’est un sujet qui, je le sais, est très important pour les parlementaires ultramarins. C’est d’ailleurs à la suite d’un rapport parlementaire qu’une réflexion a été lancée en janvier dernier.

Le ministère des outre-mer a mis en place un groupe de travail sur le sujet. Une deuxième réunion de travail, à laquelle tous les parlementaires ultramarins ont été invités, a été organisée en septembre, et plusieurs mesures ont été annoncées, parmi lesquelles la fusion, pour une meilleure lisibilité, de l’aide simple et de l’aide majorée de l’aide à la continuité territoriale, l’ACT, l’augmentation du montant du bon ACT dans les collectivités d’outre-mer, afin qu’il puisse correspondre à une prise en charge d’environ 40 % du prix du billet, comme dans les DROM, ou encore l’ouverture du passeport pour la mobilité des études à des formations non diplômantes.

La majorité des propositions n’est pas de nature législative, sauf celle sur l’élargissement du bénéfice de l’aide obsèques.

Un amendement, déposé par le Gouvernement et reprenant la majorité des idées des parlementaires, a pu répondre aux principales attentes exprimées. Cette aide est désormais ouverte aux frères et sœurs des défunts et aux déplacements liés à la fin de vie. Lors de l’examen de la mission à l’Assemblée nationale, nous avons complété l’amendement gouvernemental par une nouvelle proposition parlementaire, preuve que la coconstruction est au cœur de notre méthode de travail. Désormais, l’article 55 sexies, tel qu’il vous est présenté, permet d’étendre la mesure de continuité obsèques aux déplacements entre territoires d’outre-mer.

Néanmoins, je suis conscient que la disposition est encore perfectible. À la suite d’échanges nourris avec M. le rapporteur spécial Teva Rohfritsch, il est apparu utile de simplifier l’écriture de la mesure, qui, à force de modifications, devenait peu intelligible, et d’opérer deux élargissements supplémentaires, afin de tenir compte de toute la diversité des situations familiales dans les outre-mer.

Aussi, l’amendement que M. le rapporteur spécial vous présentera tout à l’heure permet, d’une part, d’étendre la mesure aux trajets des outre-mer vers l’hexagone, et, d’autre part, d’élargir les conditions d’octroi de l’aide. Ainsi, pour bénéficier de l’aide, le décès ne devra plus avoir lieu avant le voyage aller, comme prévu aujourd’hui, ni avant le voyage retour, comme prévu dans l’article 55 sexies, mais dans les trois mois après le voyage aller.

Cette mesure permettra de prendre en compte des situations douloureuses de personnes, qui, parfois, doivent rentrer avant le décès, lequel n’intervient malheureusement que quelques jours après.

L’ensemble de ces mesures est estimé, pour 2021, à 3 millions d’euros, qui sont déjà intégrés dans les crédits initiaux de la mission « Outre-mer ». Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà, en quelques mots, le budget de mon ministère pour l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

Outre-mer
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 55 sexies (nouveau)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Outre-mer

2 709 945 291

2 444 994 969

Emploi outre-mer

1 851 168 363

1 841 720 298

Dont titre 2

164 272 313

164 272 313

Conditions de vie outre-mer

858 776 928

603 274 671

M. le président. L’amendement n° II-959 rectifié bis, présenté par M. Poadja, Mme Dindar, MM. Artano, Bonnecarrère et Canevet, Mme Guidez et M. Longeot, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

75 421 101

 

75 421 101

Conditions de vie outre-mer

75 421 101

 

75 421 101

 

TOTAL

75 421 101

75 421 101

75 421 101

75 421 101

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nassimah Dindar.

Mme Nassimah Dindar. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Gérard Poadja.

Les mesures contraignantes de quarantaines visant à maintenir tout nouvel arrivant sur le sol calédonien pendant une durée de quinze jours dans des hôtels réquisitionnés à cette fin permettent à ce territoire d’être aujourd’hui « covid free », protégeant ainsi une population particulièrement vulnérable.

Le présent amendement vise à transférer 75,4 millions d’euros de l’action n° 01 vers l’action n° 04, afin de financer par la solidarité nationale les mesures de quarantaine imposées en Nouvelle-Calédonie, aujourd’hui supportées par le seul gouvernement calédonien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cette proposition a déjà été discutée lors de l’examen de la mission « Plan de relance ». Le soutien de l’État à la politique menée par la Nouvelle-Calédonie repose d’ores et déjà sur un prêt garanti par l’État à hauteur de plus de 28 milliards de francs Pacifique, soit 230 millions d’euros.

Par ailleurs, comme pour les autres collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie est éligible au plan de relance. Je sais également que le Gouvernement travaille sur la question spécifique des finances de la Nouvelle-Calédonie, un sujet sur lequel je souhaite entendre M. le ministre.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. La situation de la Nouvelle-Calédonie est particulière sur le terrain sanitaire. Elle est différente de celle de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna, puisque, depuis le début, une quatorzaine sanitaire, à laquelle j’ai moi-même été soumis, est imposée sur ce territoire. Cela conduit à une forme de régulation des entrées aux frontières.

Ces dépenses sont importantes, puisque c’est au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de prendre en charge ces mesures de quatorzaine, à savoir la réquisition des hôtels, avec quelques exceptions, notamment pour les forces de sécurité intérieure, en particulier les escadrons de gendarmes mobiles, pour lesquels les dépenses engagées sont partagées avec l’État.

Ces efforts financiers importants de la Nouvelle-Calédonie permettent de maintenir le territoire dans une situation, en mauvais français, de « covid free ».

Pour ma part, je me suis engagé, dans un contexte plus global, à isoler les dépenses relatives au covid du territoire de la Nouvelle-Calédonie. J’ai demandé à l’équivalent de la DRFiP pour le territoire d’instruire un travail avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, pour documenter précisément ces dépenses. Mais nous ne savons pas combien de temps l’épidémie durera, ce qui renvoie à d’autres questions, notamment la politique de vaccination, que nous traiterons plus tard.

Par ailleurs, d’autres questions financières intéressent le territoire. Lors de mon déplacement, je me suis engagé, et je réitère ici mon engagement, à continuer de regarder la question des dépenses liées au covid, pour laquelle l’État fera un geste.

Toutefois, dans la mesure où je ne suis pas capable de donner aujourd’hui le montant de ce geste, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, contre l’engagement de travailler avec les sénateurs Gérard Poadja et Pierre Frogier, pour trouver la solution la plus opérationnelle possible. Celle-ci fera peut-être l’objet d’une mesure dans un PLFR ou bien sera adoptée par d’autres biais de gestion.

Nous pourrons évoquer de nouveau le soutien financier de l’État aux deux collectivités de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie. Quant au soutien des mesures liées au covid et à la relance, cela appelle d’autres outils d’accompagnement.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement.

Mme Nassimah Dindar. Je retire l’amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° II-959 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° II-958 rectifié bis, présenté par M. Poadja, Mme Dindar, MM. Artano, Bonnecarrère, Canevet et Delahaye, Mmes Gatel et Guidez et M. Longeot, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

40 000 000

 

40 000 000

Conditions de vie outre-mer

40 000 000

 

40 000 000

 

TOTAL

40 000 000

40 000 000

40 000 000

40 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nassimah Dindar.

Mme Nassimah Dindar. Je présente également cet amendement au nom de mon collègue Gérard Poadja. Il vise à transférer 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de l’action n° 02, Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, du programme 138, « Emploi outre-mer », à l’action n° 08, Fonds exceptionnel d’investissement, du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».

La survie des compagnies aériennes des collectivités du Pacifique, qui assurent presque seules la desserte et le désenclavement de ses archipels, est gravement menacée par la crise sanitaire. La compagnie Aircalin représente 80 % du trafic international vers la Nouvelle-Calédonie. Elle joue à ce titre un rôle primordial de continuité territoriale.

Pour faire face aux difficultés liées à la crise sanitaire, la compagnie a présenté un plan de sauvegarde et de relance, comprenant notamment une réduction de 20 % de sa masse salariale, et a obtenu un prêt garanti par l’État de 40 millions d’euros.

Pour autant, ces mesures sont insuffisantes, et seul un soutien financier spécifique de l’État, comme celui dont ont bénéficié Air France et certaines compagnies locales, permettra de sauver cette compagnie menacée de disparition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Sur le fond, la situation des compagnies aériennes du Pacifique est effectivement préoccupante. Je pense non seulement à Aircalin, mais également à Air Tahiti en Polynésie.

Toutefois, sur la forme, la mission « Outre-mer » n’est pas le vecteur adapté. Par ailleurs, le Gouvernement est en train de travailler sur ce sujet.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice Nassimah Dindar, la situation d’Aircalin est préoccupante, comme celle de bon nombre de compagnies aériennes desservant nos différents territoires d’outre- mer.

Un premier prêt garanti de 40 millions d’euros a été consenti pour accompagner la compagnie Aircalin. Lors de mon déplacement sur place, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec les différents représentants du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Je propose d’organiser rapidement un tour de table, afin d’examiner les outils spécifiques d’accompagnement des compagnies aériennes. À mes yeux, il s’agit d’un amendement d’appel, le ministère des outre-mer n’ayant pas vocation à venir secourir des compagnies aériennes !

En revanche, le CIRI, le Comité interministériel de restructuration industrielle, est compétent en la matière. Je sais par les deux sénateurs de la Polynésie française que la question se pose également pour leur territoire. Je préfère donc discuter de ces sujets lors d’un tour de table spécifique, comme nous l’avons fait pour Corsair.

Peu d’intervenants ont évoqué ce sujet dans le cadre de la discussion générale, car beaucoup de choses ont été faites, en urgence pour Air France et, plus récemment, pour Corsair.

Lors de mon dernier déplacement, en urgence, à La Réunion, pour l’incendie du Maïdo, j’ai eu l’occasion d’échanger informellement avec un certain nombre d’acteurs du territoire.

Au regard de ce que nous avons accompli ces dernières semaines, nous continuerons d’accompagner les compagnies aériennes en difficulté. Mais, pour le moment, je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. J’allais évidemment rebondir sur la nécessité d’accompagner Air Tahiti Nui pour la Polynésie.

Vous avez annoncé des PGE, des prêts garantis par l’État, pour répondre au cri du cœur de votre honorable sénatrice de Polynésie dans cet hémicycle. Au moins, aujourd’hui, les choses sont claires, car elles ont été dites. Je le dis en toute humilité et avec respect, nous avons été élus démocratiquement et nous sommes là pour dire les choses et dénoncer certaines situations.

Je me réjouis donc de votre réponse, et le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Outre-mer ». Toutefois, j’espère que la table ronde sur nos compagnies aériennes sera organisée dans les plus brefs délais.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour que la situation soit parfaitement claire, madame la sénatrice, l’État est largement aux côtés du territoire de la Polynésie française.

Moi aussi, j’ai été élu démocratiquement plusieurs fois. Je sais bien que ce n’est pas le cas de tout le monde, et certains de mes collègues peuvent parfois ne pas le comprendre – permettez-moi de m’exprimer sans langue de bois.

Si je veux bien me faire bousculer lorsque les actions ne sont pas au rendez-vous, je voudrais qu’on dise lorsqu’elles le sont ! Derrière toutes ces sommes, en effet, il y a quelque chose qui s’appelle la solidarité nationale. Tout le monde fait des efforts. On le sait très bien, beaucoup d’argent est dépensé actuellement et il faudra bien que quelqu’un, un jour, rembourse cet argent.

Par ailleurs, cela intéresse très directement tous les sénateurs ici présents qui ne sont pas sénateurs de collectivité à statut particulier – d’ailleurs, tous les territoires ne fonctionnent pas selon les mêmes critères –, si l’État n’intervient pas, c’est parfois parce qu’il n’est plus compétent.

En effet, les instruments de fiscalité nécessaires n’existent pas, en raison de certains choix anciens, qui remontent parfois à 1958. Certains territoires ont choisi – M. Victorin Lurel connaît ces questions par cœur – d’être DOM ou TOM, comme on disait à l’époque. Or, quand on est TOM, on a forcément plus de compétences, mais on a aussi la main sur la fiscalité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les cordes de rappel que nous mettons en place sont bien légitimes et relèvent de la solidarité nationale. Non seulement nous accompagnerons tout le monde, mais aussi et surtout, nous n’abandonnerons personne. Je crois l’avoir déjà dit au président Édouard Fritch, je crois l’avoir dit devant vous et je crois l’avoir dit devant toute la délégation qui avait été emmenée devant le Premier ministre et que j’ai reçue à mon ministère.

Je ne demande pas que l’on soutienne le Gouvernement pour le soutenir. Je dis simplement ce n’est pas tant l’effort du Gouvernement que celui de la Nation tout entière, de tous les contribuables et de tous ceux qui se retroussent les manches en ce moment pour faire face à cette crise sans précédent. Je tenais à le rappeler, bien que je l’aie déjà dit clairement.

Si vous aviez encore un doute, madame la sénatrice, je le répète ce matin devant vous : nous n’abandonnons pas la Polynésie française, et encore moins le président Édouard Fritch.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je ne me suis pas fait remarquer sur le premier amendement, qui a été retiré.

M. le rapporteur spécial, suivi par M. le ministre, qui se positionne sans doute de manière plus subtile, affirme que la commission ne peut émettre un avis favorable dans la mesure où ces mesures relèveraient du plan de relance. Non ! Lorsque nous demandons des dépenses conjoncturelles liées à la crise, notamment en Nouvelle-Calédonie, il ne s’agit pas de dépenses structurelles. Or le plan de relance vise à engager des dépenses structurelles.

Ainsi, quand on refuse à la Nouvelle-Calédonie une aide de 75 millions d’euros, au motif qu’elle figurera dans le plan de relance, je ne comprends pas.

Par ailleurs, le ministre a évoqué ce point, bien que les territoires soient autonomes, la solidarité nationale continue de jouer ! À un moment où nous discutons d’évolution du statut et de régime législatif, si vous dites aux outre-mer que l’autonomie, c’est l’absence d’argent et l’absence de solidarité nationale, toute évolution cessera, la peur devenant le seul motif de vote au moment des consultations référendaires. Je tenais à souligner ce point.

M. le ministre a pris des engagements à l’égard de la Nouvelle-Calédonie, qui doit être aidée pour gérer cette crise. Il a lui-même passé trois semaines là-bas, et il connaît donc parfaitement le problème.

Si l’inscription de crédits dans le cadre de cette mission n’est pas indiquée, il faut trouver comment aider Aircalin, afin de préserver la mobilité et le désenclavement. D’autres compagnies régionales ont été aidées ; les compagnies nationales ont été aidées ; il faut donc trouver un biais pour aider ces compagnies !

M. le président. Madame Dindar, l’amendement n° II-958 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Nassimah Dindar. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-958 rectifié bis est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

L’amendement n° II-1018, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne et M. Antiste, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d’eau en Guadeloupe

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

40 000 000

 

40 000 000

Conditions de vie outre-mer

 

 

 

 

Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d’eau en Guadeloupe

40 000 000

 

40 000 000

 

TOTAL

40 000 000

40 000 000

40 000 000

40 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Nous abordons la problématique de l’eau en Guadeloupe. Cet amendement vise à créer un fonds exceptionnel et à l’abonder à hauteur de 40 millions d’euros. En effet, nous l’avons déjà dit ce matin, il faut entre 700 et 800 millions d’euros pour réparer les réseaux d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe.

À l’époque où est née cette situation, l’État était responsable de l’affaire, avec les concessionnaires, dont Suez – c’est le nom, depuis quelque temps, de l’ancienne Lyonnaise des eaux. La responsabilité est donc pour le moins partagée.

La gestion des réseaux par les uns et par les autres, en particulier par les élus – reconnaissons-le –, a été calamiteuse. Mais que l’État aujourd’hui se défausse, qu’il dise que ce n’est pas de sa compétence, malgré la crise du covid-19, et que ce sont les communes qui l’ont déléguée aux EPCI qui doivent rester en charge de l’affaire, et cela nous prendra de dix à quinze ans pour réparer ces réseaux d’eau.

Nous avions une solution simple, au-delà de celle que le Gouvernement, par la voix de M. le ministre, a proposée : il faut dissoudre toutes les structures qui gèrent aujourd’hui l’eau et créer une structure unique. Mais cette structure existe : elle s’appelle le Siaeag, ou Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, et elle est criblée de dettes : près de 80 millions d’euros, dont 40 millions d’euros de dettes aux fournisseurs et de dettes bancaires, fiscales et sociales.

Aujourd’hui, compte tenu de ce qui s’est dit dans le pays, les gens ne paient plus l’eau ! On est donc dans une impasse.

Il s’agit de créer une structure unique, selon des voies à déterminer. Une proposition a été faite en ce sens par le Gouvernement. Deux parlementaires pourraient porter le sujet dans le cadre d’une proposition de loi. Reste le problème du financement.

Nous disons, nous, que si l’on veut faire ça sur cinq ou dix ans maximum, il faut 400 millions d’euros : 250 ou 200 millions d’euros, soit 40 millions d’euros par an pendant cinq ans, sous forme de subventions, et, par ailleurs, autant en prêts garantis. À long terme, il faudrait à peu près 400 millions d’euros en prêts garantis sur trente ans, puisqu’un tel investissement s’amortit sur trente ans.

Tel est l’objet de cet amendement : pour sortir de cette impasse, il faudrait un sursaut, autrement dit la création de ce fonds exceptionnel doté, au départ, de 40 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, pour deux raisons.

Sur le fond, certes, nous souscrivons bien entendu aux préoccupations de Victorin Lurel sur le réseau d’eau guadeloupéen, dont la situation est dramatique.

Tout en rappelant que l’eau est une compétence décentralisée, il faut néanmoins noter que différents instruments existent d’ores et déjà, permettant d’assurer un soutien de l’État en la matière, comme le fonds exceptionnel d’investissement, qui finance des opérations dans ce domaine. Le plan de relance permettra également de financer des opérations de réfection des réseaux d’eau outre-mer.

Il ne paraît donc pas pertinent de créer un programme budgétaire spécifique aux réseaux d’eau en Guadeloupe au sein de la mission « Outre-mer », alors que des dispositifs existent déjà.

Par ailleurs, cet amendement est gagé sur une diminution de 40 millions d’euros des crédits du SMA, le service militaire adapté, alors que ce dernier connaît actuellement une consolidation de son mode de fonctionnement, visant notamment à assurer la transition numérique et à améliorer les taux d’encadrement.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous remercie, monsieur Lurel, de porter la question de l’eau dans cet hémicycle.

J’en fais un dossier prioritaire, et il se trouve que, sur ce sujet, le sénateur Théophile me surveille également depuis le début du mandat, et pour cause : de secrétaire d’État à l’écologie à ministre délégué en charge des collectivités territoriales et, désormais, ministre des outre-mer, je suis ce dossier, ou il me poursuit, depuis mon entrée au Gouvernement. Et je mets un point d’honneur à obtenir, en la matière, des résultats tangibles.

Le Sénat est la chambre des territoires : nombre d’élus locaux ou d’anciens élus locaux siègent parmi nous, c’est le moins que l’on puisse dire. Le principe selon lequel l’eau est une compétence décentralisée, et même le symbole d’une décentralisation ancienne, est pour le coup incontestable ; jamais l’eau n’a été une compétence de l’État en tant que telle : il s’agit bien d’une compétence locale. Si nombre de compétences ont fait l’objet de transferts, via les lois Defferre ou les lois Raffarin, l’eau et l’assainissement sont, de manière intangible depuis l’après-guerre, des compétences décentralisées.

Il n’est pas de bonne gestion, par ailleurs, sans respect d’un principe auquel le président de l’Association des maires de France, M. Baroin, est très attaché, et que l’on ne saurait méconnaître ici, au Sénat : c’est que « l’eau paie l’eau », deuxième grand principe auquel nous tenons tous beaucoup, en tant qu’élus locaux, ce qui n’exclut évidemment pas la solidarité entre les bassins et entre les différents territoires d’outre-mer.

La solidarité nationale doit-elle être sollicitée en cas de crise grave, comme en Guadeloupe ? Vous l’avez dit, monsieur Lurel : la réponse est oui. Les principes que je viens de rappeler n’écrasent pas l’exception, qui commande évidemment de faire appel à la solidarité nationale pour régler le problème.

Je ne reviens pas sur le plan Eau-DOM ; vous en connaissez déjà largement les contours. Il s’agit désormais d’accélérer.

Votre amendement est en partie satisfait : je le vois comme un amendement d’appel – nous avons déjà eu l’occasion de travailler, vous et moi, sur ces sujets, et votre implication est connue. Le plan de relance tel que nous l’avons imaginé permet déjà, en effet, de flécher 50 millions d’euros vers la réfection des réseaux d’eau claire, mais aussi, d’ailleurs, d’eau grise ou d’eau noire.

Quand on ouvre une tranchée pour y poser une canalisation, on le fait autant pour l’eau potable que pour l’assainissement, même si c’est sur l’eau potable et sur les fuites afférentes qu’il faut agir en priorité, sachant que, en outre, on produit beaucoup sans parvenir à acheminer convenablement – l’enjeu est donc sanitaire, vous l’avez rappelé, mais également écologique.

Ces 50 millions d’euros du plan de relance permettent déjà largement, selon moi, de couvrir un certain nombre de travaux pour l’année 2021. Je prends deux engagements devant vous.

Premièrement, si l’État doit continuer d’accroître les moyens financiers qu’il mobilise pour les années 2022, 2023 et suivantes, afin que les travaux soient réalisés convenablement en Guadeloupe, mais aussi, dans une autre mesure, à Mayotte, il sera évidemment au rendez-vous. Je m’engage à poursuivre cet accompagnement tant que j’exercerai les fonctions qui sont les miennes aujourd’hui.

Deuxièmement, je m’engage à ce que nous avancions sur la gouvernance. Vous l’avez rappelé, monsieur Lurel – le Siaeag est connu des acteurs guadeloupéens, pas forcément de l’ensemble des sénateurs de la République…

En tout cas, la question reste posée de savoir comment on organise, dans un territoire archipélagique ou îlien, les réseaux d’adduction d’eau potable et la répartition entre syndicats et communautés d’agglomération de cette compétence, dont tout le monde ici connaît les modalités du transfert, puisqu’il s’agit de l’une des applications de la loi NOTRe.

Je prends donc cet engagement : le Gouvernement accompagnera les initiatives qui permettront d’aller dans le bon sens, celui d’une gouvernance plus claire et plus transparente de l’eau.

Je forme le vœu qu’un opérateur unique soit installé pour septembre 2021. Je sais que des initiatives législatives font actuellement l’objet de réflexions actives : je pense à la proposition de loi dite « Benin-Théophile », du nom de la députée et du sénateur qui tentent en ce moment même d’imaginer les contours d’un tel syndicat unique. Je ne veux pas préempter les débats parlementaires qui pourraient avoir lieu ; en tout cas, cette proposition est plus qu’intéressante : elle mérite d’être largement accompagnée, à titre de moyen, parmi d’autres, d’atteindre notre objectif.

J’ai par ailleurs indiqué dans la presse locale que, évidemment, si d’autres moyens que la loi pouvaient y pourvoir, et à condition que toutes les intercommunalités du territoire soient couvertes, il serait possible de procéder autrement et mieux que par la loi.

Au moment où nous parlons, la loi me semble malgré tout tenir largement la corde. J’accompagnerai en tout cas la proposition de la députée Benin et du sénateur Théophile, parce qu’elle promet une avancée majeure.

Ce sujet occupe largement la vie publique et politique guadeloupéenne ; je me suis donc permis, ici, au Sénat, d’être long, monsieur le président, afin d’être entendu aussi à l’extérieur.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre missions restent à examiner, après la mission « Outre-mer », d’ici à ce soir… Je vous invite donc à la concision.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je remercie M. le ministre des engagements qu’il prend aujourd’hui devant nous.

Je rappelle que le plan Eau-DOM, c’est 10 ou 12 millions d’euros pour l’État en Guadeloupe. La Guadeloupe bénéficiera par ailleurs de 133,9 millions d’euros – le préfet m’a dit 135 millions d’euros – sur le 1,5 milliard du plan de relance. Si l’on s’en tient à l’eau, sur les 50 millions d’euros consacrés à l’ensemble des outre-mer, la Guadeloupe touchera 10 millions…

Or on vient d’annoncer, en Guadeloupe, un plan de 170 millions d’euros, avec un effort considérable de la région et du département, qui, au même titre que l’État, ne sont pourtant pas compétents.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est vrai !

M. Victorin Lurel. Aujourd’hui, le montant des crédits mis à disposition n’est pas suffisant. Nous sommes en pleine crise du covid-19, les gens n’ont pas d’eau pour se laver, ni même pour respecter les gestes barrières. Je réclame un sursaut !

Ce que vous proposez, monsieur le ministre, je peux l’entendre. Et j’apprends ici que Dominique Théophile en serait le porteur. Je me demandais quel pourrait être le vecteur politique de cette affaire ; si Dominique Théophile s’en occupe, c’est très bien, même si la question d’un dessaisissement des parlementaires et des collectivités au profit de l’État reste posée.

Toutefois, qui paie les dettes ? On va prendre un temps fou, d’ici à septembre ou octobre de l’année prochaine, disiez-vous, pour créer cette structure unique et la rendre opérationnelle. Le problème des dettes bancaires sera peut-être réglé, mais quid du reste ? Qui paie les salaires ? Vous proposez que le département et la région s’en chargent.

Aujourd’hui, il faut peut-être que l’État envoie un signe fort en autorisations d’engagement et nous dise comment il compte exécuter ce budget et éviter les sous-consommations de crédits. Je demande, au-delà de ce que vous avez dit, donc au-delà du législatif, quelque chose de fort, c’est-à-dire un engagement financier. Il le faut !

Je retire donc cet amendement, monsieur le président, mais le problème reste posé.

M. le président. L’amendement n° II-1018 est retiré.

Si chaque amendement retiré l’est aussi rapidement, nous ne sommes pas rendus… (Sourires.)

L’amendement n° II-1104 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds d’urgence pour l’amélioration des conditions de vie dans les Outre-mer

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits de paiement :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

 

 

 

Conditions de vie outre-mer

 

16 000 000

 

16 000 000

Fonds d’urgence pour l’amélioration des conditions de vie dans les Outre-mer

16 000 000

 

16 000 000

 

TOTAL

16 000 000

16 000 000

16 000 000

16 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Les crédits alloués au programme 123, c’est-à-dire à l’amélioration des conditions de vie des habitants d’outre-mer, sont en diminution de plus de 5 %. La quasi-totalité des actions, Logement, Aménagement du territoire, Collectivités territoriales, Appui à l’accès aux financements bancaires, est en baisse.

Ainsi, les crédits alloués à l’action Aménagement du territoire baissent de 9,82 % ; quant à ceux de l’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports, ils n’évoluent pas par rapport à 2020. Ceux de l’action Logement sont en baisse de près de 5 millions d’euros, soit 2,74 %.

Or il s’agit là d’actions prioritaires, qui, comme telles, ne sauraient faire l’objet d’économies.

Cet amendement vise donc à créer un nouveau programme, « Fonds d’urgence pour l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer », qui serait doté de 16 millions d’euros. Il serait gagé sur une diminution à due concurrence des crédits de l’action n° 08 du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement vise à créer un programme dont l’objet est identique à celui du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », ce qui ne paraît pas pertinent.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous nous efforçons de vous présenter un tableau sincère des autorisations d’engagement et des crédits de paiement. Autrement dit, s’il manque de l’argent en crédits de paiement en cours d’exercice, nous saurons traiter le problème en gestion.

Compte tenu de cet effort de sincérisation, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

M. le président. Monsieur Antiste, l’amendement n° II-1104 rectifié est-il maintenu ?

M. Maurice Antiste. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1104 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-1103 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds d’urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

 

 

 

Conditions de vie outre-mer

 

15 000 000

 

15 000 000

Fonds d’urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer

15 000 000

 

15 000 000

 

TOTAL

15 000 000

15 000 000

15 000 000

15 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. D’après une étude nationale de l’Insee intitulée Niveau de vie et pauvreté dans les DOM, publiée en juillet dernier, les habitants des départements d’outre-mer avaient globalement, en 2017, un niveau de vie plus faible qu’en métropole, et les inégalités y étaient plus marquées, en particulier en Guyane, et bien plus encore à Mayotte.

Le taux de pauvreté monétaire dans les DOM était deux à cinq fois plus élevé qu’en France métropolitaine. Les chômeurs, les personnes non diplômées, les jeunes et les familles monoparentales sont les plus touchés par la pauvreté.

L’Insee indique en outre que la pauvreté touche un tiers de la population guadeloupéenne, quand la moitié des Guyanais et 29 % des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté !

La vie chère est une réalité encore bien prégnante dans ces territoires. L’État reconnaît ce problème, puisqu’il octroie une « prime de vie chère » à ses fonctionnaires. Une grande partie de la population, malheureusement, ne bénéficie pas d’aide spécifique pour pallier cette différence de niveau de vie avec l’Hexagone.

C’est pourquoi, en juin 2018, le Gouvernement a saisi pour avis l’Autorité de la concurrence sur le fonctionnement de la concurrence en matière d’importations et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer. Il ressort de cet avis que le niveau général des prix à la consommation est plus élevé dans ces départements qu’en France métropolitaine, de 12,5 % en Guadeloupe et de 12,3 % en Martinique, notamment.

Cet amendement tend donc à créer un nouveau programme, « Fonds d’urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer », qui serait doté de 15 millions d’euros et gagé sur une diminution à due concurrence de l’action n° 08 du programme 123.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. La création d’un fonds d’urgence doté de 15 millions d’euros ne me paraît pas adaptée pour lutter contre le phénomène de vie chère dans les outre-mer.

Ce phénomène est structurel, et la mission comprend différents dispositifs pour le limiter, comme l’aide au fret ou l’exonération de TVA.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Là encore, je vois cet amendement comme un amendement d’appel, sur un sujet très important.

Le sénateur Antiste a raison de rappeler, et l’humilité oblige à dire, que tous les gouvernements successifs – je le dis sous le contrôle de Victorin Lurel – ont cherché à prendre ce problème à bras-le-corps en mettant la pression sur les autorités de la concurrence, ainsi que, notamment, sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ; nombre d’outils sont sur la table. Nous avons nous-mêmes pris notre part de ce travail depuis 2017, avec le délégué interministériel.

Le sénateur Patient a raison de rappeler que les causes de ce phénomène sont éminemment structurelles ; des questions de compétitivité, notamment, sont en jeu – je n’ai pas le temps de m’étendre ici –, des questions de fiscalité aussi : on sait très bien qu’un débat existe sur ces questions autour de l’octroi de mer ; je me suis déjà exprimé publiquement sur le sujet, je n’y reviens pas.

Je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; mais il faut que nous continuions à évaluer ce qui a été mis en place par les équipes gouvernementales et par les majorités parlementaires successives – c’est très important.

Par ailleurs, je ne vois pas très bien, monsieur le sénateur Antiste, comment on pourrait utiliser le fonds que vous proposez ; sachant que sa création pourrait même produire de l’inflation à certains égards, j’avoue ne pas bien comprendre.

Il faut continuer à traiter ce sujet et le mettre à plat, sous l’angle de la relance notamment. Je pense en particulier à certains biens qui concernent le secteur de la construction. Au moment où l’on va mettre beaucoup d’argent sur la table, il est intéressant d’être attentif à ces aspects-là : non pas seulement le coût pour les ménages, mais aussi la circulation des capitaux dans l’économie marchande, qui sera alimentée par les travaux que nous allons encourager dans le cadre de la relance.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi – le sénateur Antiste ne m’en voudra pas – il émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.

M. Maurice Antiste. Vous avez bien compris, monsieur le ministre, qu’il s’agissait d’un amendement d’appel ; mais sachez que je ne vous lâcherai pas (Sourires.), car je sens votre volonté d’aller plus loin. Allons-y, enfin !

M. le président. L’amendement n° II-1103 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-1055, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

11 000 000

 

11 000 000

Conditions de vie outre-mer

 

 

 

 

Programme d’options spécifiques à éloignement et à l’insularité

11 000 000

 

11 000 000

 

TOTAL

11 000 000

11 000 000

11 000 000

11 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement est d’appel, je le dis tout de suite, puisqu’une solution s’ébauche sur le Poséi, le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, équivalent pour les outre-mer de la PAC, la politique agricole commune.

Voilà quelle est la situation : la PAC a été plus que maintenue ; les agriculteurs européens, et en particulier nos agriculteurs, ceux de l’Hexagone, vont se voir accorder quelques marges de liberté. Mais tel n’est pas le cas dans les outre-mer.

Nous nous réjouissons tous pleinement que le budget du Poséi soit maintenu – en euros constants, je l’espère… Mais il faut savoir que le maintien de ce budget européen n’a été obtenu que pour deux années, et non pour sept : pour 2021 et 2022. Ensuite, nous est-il dit, on prendra de l’argent sur les enveloppes du ministère de l’agriculture à l’échelon national : autrement dit, on diminuera les enveloppes hexagonales pour abonder les enveloppes ultramarines.

Nous avons tous pris l’engagement de nous battre pour obtenir les 2 millions d’euros promis. Cet amendement est d’appel, puisque nous proposons un crédit de 11 millions d’euros, mais nous discuterons bien de ces 2 millions d’euros en examinant, dans un instant, l’amendement n° II-1056.

Le Président de la République a pris l’engagement, le 25 octobre 2019, à La Réunion, d’augmenter les crédits du fonds CIOM, ou comité interministériel des outre-mer, consacrés à la diversification agricole ; ils n’ont pas bougé depuis onze ans, c’est-à-dire depuis 2009 – 40 millions d’euros ! Le ministère de l’agriculture a fait un effort : 3 millions d’euros. Il manque 2 millions d’euros ; nous les demandons à M. le ministre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Nous avions perçu cet amendement comme un amendement d’appel, et Victorin Lurel vient de confirmer le bien-fondé de cette hypothèse. Même si c’est pour deux années, le problème a été réglé par M. le ministre, que je salue.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour vous être agréable, monsieur le président, M. le sénateur Lurel a présenté d’un même mouvement des demandes de crédits relatives au Poséi et au CIOM. Pour la clarté du débat, je vous propose le retrait de l’amendement sur le Poséi et je répondrai tout à l’heure sur le CIOM – un certain nombre de vos collègues voudront, j’en suis sûr, intervenir sur ce sujet.

Un mot seulement : quand des victoires françaises sont remportées à l’échelle européenne, il faut s’en réjouir, parce que ce sont des victoires collectives. Je puis vous assurer que Clément Beaune et Julien Denormandie n’ont pas ménagé leurs efforts ; pour être tout à fait honnête, le Président de la République a dû décrocher son téléphone pour en parler lui-même directement avec la présidente von der Leyen et avec la chancelière Merkel.

Pardonnez-moi d’être direct, mais nous payons, ici aussi, le Brexit et la sortie du Royaume-Uni des institutions européennes. Les pays à qui parle cette notion d’outils communautaires dédiés à l’outre-mer, qu’il s’agisse des régions ultrapériphériques, ou RUP, ou des pays et territoires d’outre-mer, ou PTOM, ne sont plus très nombreux désormais, ce qui place la France dans une situation tendue.

J’appelle d’ailleurs à beaucoup d’unité et de solidarité, par-delà les sensibilités politiques, sur ces sujets ; nous avons gagné cette bataille sur le Poséi, mais l’affaire sera bientôt de nouveau sur la table. En attendant, réjouissons-nous de la position française, qui crée ces résultats.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Lurel, l’amendement n° II-1055 est-il maintenu ?

M. Victorin Lurel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1055 est retiré.

L’amendement n° II-1051, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Dispositif de soutien à la formation en mobilité

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

 

 

 

Conditions de vie outre-mer

 

5 000 000

 

5 000 000

Dispositif de soutien à la formation en mobilité

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Il s’agit ici de parler de problèmes structurels qui touchent en particulier deux pays de l’outre-mer, la Martinique et la Guadeloupe. En effet, nous sommes touchés par un dépeuplement chronique : des milliers de nos compatriotes quittent leur pays chaque année ; des peuples s’éteignent donc à petit feu.

Des initiatives sont prises, certes ; je suis moi-même porteuse de l’une d’entre elles, qui commence à produire ses effets. Nous ne nous contentons pas d’inventaires et de constats : nous sommes aussi dans l’action. Mais il est temps aussi, par exemple, d’activer le volet d’aide au retour prévu de longue date dans le dispositif de continuité territoriale de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, ou Ladom, dont on nous a promis la réforme.

Nous souffrons d’un chômage chronique, endémique ; dans le même temps, nos entreprises et nos collectivités manquent d’encadrement. Les jeunes formés s’en vont et parfois trouvent bonheur ailleurs en matière d’emploi.

Cet amendement vise à enclencher un cercle vertueux en s’inspirant d’un dispositif qui a été mis en place à Mayotte. Ce dispositif permet une prise en charge, sous conditions de ressources, d’une partie des frais d’installation des étudiants, moyennant leur engagement à revenir dans leur pays d’origine pour y partager leur savoir et lui témoigner leur soutien et leur solidarité.

Il s’agit d’abonder une ligne spécifique à hauteur de 5 millions d’euros, ponctionnée sur le programme 123 – des crédits restent à consommer, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, sur le budget en cours d’exécution de ce programme ; nous avons donc un peu de marge de manœuvre.

Il faut absolument que l’État montre, par des signaux forts, son engagement à lutter contre l’extinction à petit feu de peuples de l’outre-mer, ceux de la Martinique et de la Guadeloupe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement vise à généraliser le dispositif « Cadres d’avenir » à l’ensemble des départements et régions d’outre-mer. J’y suis défavorable, car cette évolution nécessiterait une mesure législative, ce dispositif étant prévu par les articles L. 1803-17 et L. 1803-18 du code des transports uniquement pour Mayotte ; l’adoption du présent amendement de crédit ne permettrait pas une telle extension.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je dirai un mot sur « Cadres Mayotte », sous le contrôle de Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte. On peut dire, quoiqu’il soit récent, que c’est un dispositif qui fonctionne. Il faudra malgré tout prendre le temps de l’évaluer.

Il est par ailleurs compliqué de partir de l’exemple de Mayotte pour le transposer aux Antilles ou à La Réunion, ne serait-ce que pour des raisons d’échelle : les cohortes, à Mayotte, sont toutes petites, et le dispositif est organisé sur cette base.

Cela dit, cette question d’échelle écrase-t-elle le problème que vous avez soulevé ? La réponse est non : de toute évidence, l’enjeu est énorme. Il s’agit d’ailleurs d’un enjeu assez noble ; de vraies questions sont posées sur les parcours de vie, le vieillissement de la population, l’existence d’un service public de bonne qualité – je ne reviens pas sur tout ce que vous avez dit, auquel je souscris parfaitement.

Je peux vous faire une proposition, parce que je pense qu’il faut avancer sur ce sujet. Si Mayotte a son propre dispositif, « Cadres Mayotte », c’est parce que c’est Mayotte, justement. On n’a d’ailleurs pas fait exactement à Mayotte comme en Nouvelle-Calédonie, et pour cause : l’exemple calédonien vient de l’accord de Nouméa. Il faut donc que nous imaginions quelque chose d’assez spécifique à l’échelle de ce que sont La Réunion, 860 000 habitants, et les territoires des Antilles.

On peut déjà commencer par s’appuyer sur les réseaux associatifs existants. Une association que vous connaissez bien, madame la sénatrice, puisque vous m’avez poussé à m’y intéresser, l’association Alé Viré, fait des choses vraiment assez formidables.

Sachant que les crédits qui sont retracés ici sont ensuite soumis, pour affectation, à ma signature, je peux m’engager publiquement à accorder à l’association des moyens supplémentaires si elle en a besoin en 2021, pour améliorer un certain nombre de dispositifs et lancer des pilotes. Il est déjà possible, même sans adopter cet amendement, d’accompagner financièrement ces initiatives dès 2021.

Le travail de mise à l’échelle du dispositif, par ailleurs, mériterait vraiment un parlementaire en mission, afin d’étudier cette affaire avec la plus grande précision. Je suis à la disposition des différents groupes politiques du Sénat pour y réfléchir.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement, donc, mais il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a pas de problème, au contraire : j’assortis cet avis d’un encouragement au monde associatif, que vous connaissez bien, madame la sénatrice.

M. le président. Madame Conconne, l’amendement n° II-1051 est-il maintenu ?

Mme Catherine Conconne. Non, je vais le retirer, monsieur le président. L’appel a été entendu et M. le ministre a été rassurant.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé auprès d’Alé Viré, association martiniquaise ; je souhaite que cet engagement vaille aussi pour nos collègues de Guadeloupe, où une autre association porte des initiatives et des ambitions analogues – il s’agit des deux territoires touchés par le dépeuplement dans la dite outre-mer.

Je vous prends au mot : ce ne sont ni les projets ni la volonté qui manque. Et je suis sûre que nous pourrons trouver un cadre législatif pour amplifier les initiatives déjà impulsées, lorsque celles-ci auront besoin d’un souffle nouveau. Nous nous battrons, en tout cas, pour que nous, Martiniquais et Guadeloupéens, ne devenions pas une espèce en voie de disparition !

Je retire donc l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1051 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1050, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Développement endogène des filières agricoles de diversification

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

 

 

 

Conditions de vie outre-mer

 

5 000 000

 

5 000 000

Développement endogène des filières agricoles de diversification

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Les producteurs agricoles des régions et collectivités d’outre-mer ont démontré durant toute l’année 2020 que la production locale joue un rôle essentiel dans nos territoires ; ils ont en effet continué à approvisionner nos populations en viandes, fruits et légumes frais lors de la crise sanitaire, et cela en dépit des difficultés d’approvisionnement.

Bien que la démonstration soit faite que nos régions ont un besoin vital de bénéficier d’une production locale forte, le Gouvernement peine depuis plus d’un an à répondre à la demande de revalorisation des fonds du CIOM qui émane des filières.

Pourtant, le Président de la République, lors de sa visite à La Réunion, au mois d’octobre 2019, avait annoncé la préservation du fonds CIOM, ainsi que sa revalorisation. Cette promesse présidentielle n’a pas été suivie d’effets immédiats.

Il est regrettable que l’intégralité des fonds dédiés aux CIOM ne provienne pas exclusivement de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », dont relève théoriquement l’aide à l’agriculture visée par le CIOM.

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ne prévoit que 43 millions d’euros pour le fonds CIOM en 2021, ce qui est clairement insuffisant au regard de la situation actuelle. C’est pourquoi, en addition des 3 millions d’euros qui semblent avoir été ajoutés aux fonds CIOM, il est nécessaire de soutenir les exploitants agricoles bénéficiaires de ce fonds, en augmentant les crédits de 5 millions d’euros supplémentaires.

Cet amendement vise ainsi à prélever 5 millions d’euros du programme 123, dans son action n° 09, et de les orienter vers un nouveau programme intitulé « Développement endogène des filières agricoles de diversification ».

M. le président. L’amendement n° II-1056, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Développement endogène des filières agricoles de diversification

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

2 000 000

 

2 000 000

Conditions de vie outre-mer

 

 

 

 

Développement endogène des filières agricoles de diversification

2 000 000

 

2 000 000

 

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Je rappelle quelques faits. Le ministre a eu raison de faire la part des choses. Le Poséi est maintenu. Ici, il s’agit du CIOM.

Parce que le Poséi était insuffisant, on a demandé à la France une enveloppe de 40 millions d’euros – tenez-vous bien, depuis 2009. Ce montant n’a jamais été augmenté. On nous avait assuré à l’époque qu’il n’y aurait pas de stabilisateurs budgétaires. Or ils existent depuis un moment. Cela signifie que la production agricole, notamment de diversification et d’élevage, est dans un régime malthusien : on ne peut pas produire, parce qu’il n’y a pas assez d’argent.

Mon collègue Maurice Antiste vient de proposer de revaloriser le CIOM, ce qui permettrait de respecter les engagements présidentiels pris à La Réunion et qui ont été réitérés ici. J’ai reçu personnellement un courrier signé de Didier Guillaume, alors ministre de l’agriculture, le 20 juillet dernier, qui promettait 45 millions d’euros. Or Julien Denormandie nous propose maintenant 3 millions d’euros.

On avait demandé 2 millions d’euros au ministère des outre-mer. Nous n’avons rien vu venir. Cet amendement a un objet plus modeste, puisqu’il vise simplement à s’en tenir à ce qui avait été prévu.

Prenez l’inflation sur onze années et faites une déflation : vous atteignez exactement 45 millions d’euros. On ne demande pas de revalorisation, on demande uniquement un maintien en valeur nominale, soit 2 millions d’euros.

C’est un amendement de repli par rapport à celui de mon collègue, mais il est réaliste. Je demande à mes collègues de nous aider et de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Si la problématique de fond soulevée par ces amendements est légitime, il ne paraît pas pertinent de créer un programme budgétaire spécifique au développement endogène des filières agricoles de diversification au sein de la mission « Outre-mer », puisque cette politique publique relève principalement de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

En outre, le plan de relance prévoit 80 millions d’euros en faveur de la diversification en agroécologie en outre-mer, et les crédits du CIOM ont été augmentés en 2020 de 40 à 45 millions d’euros.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. La mathématique de M. Lurel est redoutable ! (Sourires.)

Le dispositif est important. Le CIOM et le Poséi font partie des grands outils qui sont à la main de la puissance publique pour accélérer cette transformation et accompagner les agriculteurs dans les différents territoires. Je ne reviens pas sur le Poséi, mais son maintien nous permettra d’avoir une réflexion plus sereine sur le CIOM. En ce qui concerne ce dernier, l’engagement du Président de la République porte sur 45 millions d’euros.

Je le dis pour que cela soit inscrit dans le compte rendu et figure au Journal officiel : non seulement cet engagement est tenu en 2020 – en gestion, nous allons même faire plus puisque nous devrions atteindre environ 46 millions d’euros, car nous avons eu plus de demandes –, mais je m’engage devant le Sénat à ce qu’il soit de nouveau tenu pour l’année 2021, comme le Président de la République l’a promis lors de son déplacement à La Réunion.

Sur la question de savoir qui paie quoi, entre la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et la mission « Outre-mer », j’en appelle à la solidarité des sénateurs ultramarins vis-à-vis du ministre des outre-mer.

Cette année, mon ministère a apporté 5 millions d’euros, pour que les crédits du CIOM soient portés de 40 millions à 45 millions d’euros. L’année prochaine, nous nous engageons à tenir cet objectif de 45 millions d’euros, grâce au même dialogue de gestion entre le ministère de l’agriculture, dont c’est la responsabilité initiale, et le ministère des outre-mer, dont c’est la responsabilité, si j’ose dire, complémentaire.

Enfin, Georges Patient l’a dit, ces amendements posent la question du gage, mais je ne ferai pas ce coup à un ancien ministre. Monsieur Lurel, la vraie question est de permettre une souplesse de gestion entre les deux ministères sur ces crédits, tout en nous engageant sur un montant effectif de 45 millions d’euros pour l’année prochaine.

Je sollicite donc le retrait de ces amendements, faute de quoi mon avis serait défavorable, mais je doute de parvenir à convaincre M. Lurel… (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, un ministre des outre-mer doit défendre les intérêts des outre-mer. On le constate trop souvent – ici avec le ministère de l’agriculture, ailleurs avec d’autres ministères –, il y a visiblement insuffisamment de contacts entre les ministères.

Monsieur le ministre, je ne parle pas beaucoup, ce qui me permet d’observer. Or j’ai observé que vous sembliez vouloir prendre votre mission à bras-le-corps, en tant que nouveau ministre. En ce qui concerne l’alimentation et l’agriculture ultramarine, il s’agit véritablement d’organiser une révolution pacifique. (M. le ministre acquiesce.) Vous avez un rôle essentiel à jouer en la matière.

Je m’intéresse à la souveraineté alimentaire des territoires. Elle est importante outre-mer, car, en moyenne, les denrées alimentaires y sont importées à hauteur de 80 %. Il y a donc beaucoup à faire. Je me suis intéressé au Livre bleu des outre-mer du ministère de l’agriculture – il dépend du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre… –, dont l’ambition est de faire de l’alimentation et de l’autonomie alimentaire un levier de développement économique des territoires.

Les constats sont les suivants : les surfaces agricoles utiles ne représentent plus aujourd’hui que 33 % de la superficie totale, contre 52 % en métropole ; quelque 34 % de la surface agricole utile ultramarine sont consacrés aux cultures d’exportation, qui sont extrêmement subventionnées.

De tels schémas doivent être remis en cause. Si nous voulons parvenir à la souveraineté alimentaire, dans le respect de la préservation de la biodiversité, il faut revenir à la polyculture et à l’élevage.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé devant toute notre assemblée, car nous sommes les représentants de tous les territoires, y compris des outre-mer, ne l’oublions pas. Je soutiens donc avec force ces deux amendements.

Je veux bien être aux côtés du nouveau président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Stéphane Artano, pour une rencontre conjointe avec le ministère des outre-mer et le ministère de l’agriculture, afin que nous réfléchissions collectivement sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. Mes chers collègues, je ne fais pas appliquer à la lettre le règlement, qui voudrait que l’on ne puisse intervenir en explication de vote que sur un amendement précis, et non de manière globale. Aussi, je vous remercie de respecter au moins vos temps de parole.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J’ai entendu notre excellent rapporteur dire que l’on ne va pas créer un autre programme.

Nous examinons ici la mission « Outre-mer ». Nous avons examiné il y a quelques jours la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Le ministre nous a dit exactement la même chose : des engagements ont été pris par le ministère des outre-mer, moi j’ai pris sa part à hauteur de 3 millions. Il a pris devant nous l’engagement que, grâce à la fongibilité, dans le budget général de l’État, les 45 millions d’euros seraient bien attribués.

Or il y a une chose que je refuse, raison pour laquelle je maintiendrai mon amendement, c’est que ces crédits sont « en gestion ». J’aimerais plutôt qu’ils figurent « en inscription » !

Peut-être ferez-vous 47, 48 ou 50 millions d’euros, mais ces montants n’ont pas bougé depuis onze ans. Je demande à mes collègues de le comprendre : au-delà de la mécanique et de l’ésotérisme des transferts de crédits, nous sommes confrontés à onze années de stabilité, donc de pauvreté infligée. Il importe que nous votions ces amendements. Le Gouvernement fera ensuite son affaire !

Certes, il y a un gage, car il faut bien respecter les règles de la LOLF. Mais je demande à mes collègues d’aider l’agriculture des outre-mer et de voter ces 2 millions d’euros.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1050.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1056.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1039 rectifié bis, présenté par MM. Théophile, Patient et Mohamed Soilihi et Mme Phinera-Horth, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

5 000 000

 

5 000 000

 

Conditions de vie outre-mer

 

5 000 000

 

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à mettre en place, sous la forme d’un fonds de dotation et à titre expérimental, un instrument financier qui permette au secteur de l’innovation de changer d’échelle.

Les territoires ultramarins souffrent en effet d’une exiguïté qui peut entraver le développement commercial de leurs entreprises. Ce fonds doit ainsi permettre aux entreprises ultramarines de prospecter et de s’installer dans d’autres territoires ultramarins du même bassin régional, mais aussi dans l’Hexagone.

Nous proposons ainsi d’abonder ce fonds de dotation en transférant 5 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de l’action Aménagement du territoire, du programme « Conditions de vie outre-mer », vers l’action Soutien aux entreprises, du programme « Emploi outre-mer ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, mais les rapporteurs, en fonction d’autres éléments, sont revenus sur cet avis initial.

Je serai donc défavorable à cet amendement, car la mission « Outre-mer » comprend déjà des dispositifs visant à aider les entreprises innovantes dans les outre-mer.

L’action n° 01 du programme 138 prévoit, par exemple, une dotation à hauteur de 4 millions d’euros affectée à un dispositif d’appels à projets et d’appels à manifestation d’intérêt, afin de décliner une offre spécifique pour l’émergence en outre-mer de projets innovants et environnementaux-compatibles.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Labbé, je suis prêt à travailler avec vous sur le sujet évoqué précédemment. Le covid et les confinements ont modifié beaucoup d’habitudes ; ces changements méritent d’être observés, documentés et accélérés.

Monsieur Lurel, je vous répète que l’engagement relatif aux 45 millions d’euros sera tenu. Je tiens à ce que les choses soient claires.

Monsieur Théophile, vous avez tellement raison que l’aide que vous demandez est inscrite le plan de relance puisque 247 millions d’euros ont été votés pour apporter un soutien spécifique aux différentes entreprises outre-mer. Business France, dont vous connaissez l’ingénierie et les méthodes, aura la main sur ce dispositif. L’idée est évidemment d’arriver à territorialiser cette somme pour les différents territoires d’outre-mer.

Je m’engage donc à examiner les montants qui peuvent déjà être disponibles pour les différents territoires d’outre-mer sur les crédits prévus.

Je vous demande, par ailleurs, de bien vouloir retirer cet amendement, car il est gagé sur les crédits pour les collectivités territoriales. C’est certes le jeu du gage, mais la Constitution s’applique autant aux parlementaires qu’aux ministres.

Je vous propose donc de travailler plutôt sur la territorialisation de cette somme de 147 millions d’euros de Business France – vous avez sûrement des exemples concrets d’entreprises en Guadeloupe que vous souhaitez accompagner en la matière – et de veiller à ce que des instructions soient données aux préfets pour que les choses aillent dans le bon sens. J’espère ainsi avoir répondu à votre amendement d’appel.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Théophile, l’amendement n° II-1039 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Dominique Théophile. Non, je vais le retirer, monsieur le président, mais je me fais violence, car la demande est forte.

Une nouvelle génération entrepreneuriale est en train d’émerger outre-mer, et avec elle une nouvelle approche. Il serait souhaitable que ces entrepreneurs soient accompagnés, pour leur permettre d’exporter leur savoir-faire à l’extérieur.

Cela dit, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° II-1039 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1057, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de lutte contre les violences conjugales

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

Conditions de vie outre-mer

 

 

 

 

Fonds de lutte contre les violences conjugales

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. L’actuel projet de loi de finances fait l’impasse sur un problème majeur pour les outre-mer : les féminicides et les violences contre les femmes. Or ces faits prennent chez nous des proportions inquiétantes, voire très alarmantes.

Ces amendements visent donc à créer un fonds spécifique aux territoires ultramarins pour lutter contre les violences faites aux femmes.

Ce fonds serait doté de 5 millions d’euros et aurait pour vocation d’accompagner les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants à charge, en les aidant dans la poursuite de leurs activités scolaires et professionnelles, en leur rassurant un logement et en leur apportant une aide dans leurs démarches administratives et judiciaires.

M. le président. L’amendement n° II-1058, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

500 000

 

500 000

Conditions de vie outre-mer

500 000

 

500 000

 

TOTAL

500 000

500 000

500 000

500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Il s’agit d’un amendement de repli.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Nous souscrivons bien évidemment pleinement aux préoccupations des auteurs de ces deux amendements, mais nous émettrons un avis défavorable, car la mission « Outre-mer » comporte déjà des crédits destinés à la lutte contre ce phénomène.

L’action n° 04 du programme 123, qui ne porte pas de dispositifs en propre de lutte contre les inégalités, contribue à réduire les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes au travers de subventions versées à des associations pour des projets – vingt-sept en 2019 – relatifs, notamment, aux violences faites aux femmes, à l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu’à la lutte contre les discriminations.

Il est à noter que le ministère des outre-mer, en lien avec le service des droits des femmes et de l’égalité, s’est mobilisé pour étendre l’enquête violences et rapports de genre, l’enquête Virage, en outre-mer, afin d’actualiser les connaissances scientifiques sur la prévalence des violences dans les territoires ultramarins et d’évaluer les conséquences des violences subies par les femmes.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’enveloppe du ministère pour soutenir les associations, toutes thématiques confondues, est de 3 millions d’euros par an. Nous n’avons peut-être pas suffisamment communiqué sur cette somme, mais, depuis 2017, quelque 1 million d’euros ont été consacrés aux violences faites aux femmes. Jamais nous n’avions consacré autant de moyens à cette question.

Par ailleurs, l’homophobie doit tout autant nous inquiéter et nous préoccuper que les violences faites aux femmes. Loin de moi l’idée de segmenter les problèmes, mais vous arpentez suffisamment le terrain pour savoir que c’est également un phénomène préoccupant, et qu’il mérite véritablement d’être traité.

Le député Raphaël Gérard, que vous connaissez bien, s’est beaucoup mobilisé sur ces sujets. Au-delà des sommes, et plutôt que de procéder chaque année au coup par coup, je vous propose de mettre en place une véritable trajectoire pluriannuelle. Il s’agit d’inscrire notre action dans le temps. De nombreuses associations se demandent si elles vont pouvoir reconduire d’année en année certains dispositifs.

Le moment est venu de nous doter d’un système d’actions plus coordonné entre les différents acteurs. Il serait utile également d’y associer les caisses centrales d’activités sociales, les CCAS, ainsi que les conseils départementaux ou les territoires quand ils ont la compétence sociale.

Certaines mesures ne coûtent pas forcément beaucoup d’argent. Il faut notamment s’adapter aux différents langages. J’ai reçu des demandes en la matière. Il serait intéressant, le moment venu, que je puisse entendre les parlementaires. Je pense, par exemple au dispositif « téléphone grave danger », pour lequel un accueil en langue créole n’est pas prévu. Des femmes sont donc en difficulté pour signaler leur niveau de détresse.

Bref, nous allons devoir travailler assez rapidement sur beaucoup de questions d’ordre pratique. Je tourne mon regard vers la sénatrice Nassimah Dindar, ancienne présidente du conseil départemental de La Réunion, avec qui l’État a beaucoup travaillé pour mettre en place un certain nombre d’actions dans cette collectivité.

Plutôt que d’augmenter les crédits de la mission en tant que tels, je vous propose de réexaminer ce que l’on peut faire avec cette somme, mais de manière plus coordonnée et en y incluant davantage la lutte contre l’homophobie. Il importe de définir surtout une vraie trajectoire pluriannuelle, qui permette d’ouvrir quelques perspectives.

Il s’agit d’un sujet délicat, qui concerne également le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur. Il y a le volet prévention, mais il y a aussi le volet répression. La question des violences faites aux femmes est éminemment préoccupante. C’est aussi un point commun redoutablement délicat entre les différents territoires d’outre- mer. J’ai véritablement envie d’avancer sur ces sujets, en lien avec les différents acteurs.

Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Monsieur Antiste, les amendements nos II-1057 et II-1058 sont-ils maintenus ?

M. Maurice Antiste. Monsieur le ministre, j’aimerais que nous soyons sollicités pour cette réflexion que vous proposez. Votre idée n’est pas mauvaise. Il faudrait qu’elle voie le jour, afin que les nombreuses femmes battues et les foyers démembrés chez nous puissent croire en l’action solidaire.

Je retire donc ces amendements, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos II-1057 et II-1058 sont retirés.

L’amendement n° II-1102, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

2 500 000

 

2 500 000

Conditions de vie outre-mer

2 500 000

 

2 500 000

 

TOTAL

2 500 000

2 500 000

2 500 000

2 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Dans les territoires ultramarins, les établissements de santé doivent faire face à des déficits d’équipement ou à l’inexistence de spécialités.

Le recours aux évacuations sanitaires, qui permettent aux patients en situation d’urgence ou nécessitant une prise en charge par un spécialiste absent du territoire de se faire soigner dans un autre territoire français ou à l’étranger, est donc nécessaire.

À titre d’exemple, la Martinique ne dispose pas d’un cyclotron pour le diagnostic et le suivi des cancers. Pour Mayotte, ceux-ci sont effectués à La Réunion. C’est aussi le cas à Wallis-et-Futuna, etc. L’insularité et l’absence de certaines spécialités médicales ou chirurgicales outre-mer suscitent dès lors un nombre élevé d’évacuations sanitaires, généralement par voie aérienne.

Dans le cadre de la continuité territoriale, une possibilité de prise en charge totale a été instituée, afin de permettre l’accompagnement des personnes malades devant se faire soigner. Cependant, pour les patients et leurs proches, l’éloignement lors des prises en charge, parfois longues et effectuées en dehors de leur terre d’attache, entraîne de lourdes conséquences.

Afin de pallier cette difficulté et d’améliorer le système, il est proposé d’augmenter les moyens de l’action n° 03 du programme 123, en ponctionnant l’action n° 04, Financement de l’économie, du programme 138, « Emploi outre-mer ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Nous sommes tous sensibles à ce sujet. Néanmoins, la commission a émis un avis défavorable, car l’extension de l’aide à la continuité territoriale aux proches des personnes bénéficiant d’une évacuation sanitaire nécessiterait une modification du code des transports.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit encore une fois d’une vraie difficulté. Je remercie d’ailleurs l’ensemble des parlementaires des deux chambres, toutes sensibilités politiques confondues. Le texte comprend un certain nombre d’avancées pour la continuité funéraire, qui est un sujet redoutablement délicat dans les différents territoires d’outre-mer.

En ce qui concerne les évacuations sanitaires, il existe déjà des dispositions, même si l’on peut déplorer parfois un enchevêtrement complexe des dispositifs. La prise en charge de l’évacuation sanitaire, l’Évasan, se fait bien évidemment par la sécurité sociale.

La particularité est que la sécurité sociale prend également en charge un accompagnateur : une personne de la famille ou un ami. Depuis peu, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, Ladom, établissement public qui dépend de mon ministère, prend également en charge un deuxième accompagnateur. On arrive donc ainsi à un niveau de solidarité et d’accompagnement qui commence à être humainement soutenable.

En ce qui concerne les frais sur place de ces accompagnateurs, il me paraît très difficile de les faire prendre en charge par le budget de l’État ou de la sécurité sociale ; pourtant Dieu sait que je suis humainement sensible à toutes ces questions ! En revanche, cela me gêne de me tourner de nouveau vers Nassimah Dindar, mais j’ai été également président de département : c’est aussi la compétence des conseils départementaux et des CCAS que d’accompagner les familles.

En tout état de cause, dans la loi de la République, l’accompagnement des familles dans ce genre de circonstances revient aux collectivités territoriales, notamment à la collectivité territoriale chef de file, le conseil départemental ou, le cas échéant, au conseil territorial en cas de fusion des deux collectivités.

Je demande donc le retrait de cet amendement, en insistant sur la continuité des mesures entre Ladom et l’assurance maladie. Il n’est pas question de remettre en cause ce qui a été acquis par les parlementaires dans le passé. Quant à la prise en charge des frais sur place, et c’est un ancien président de département qui vous le dit, elle incombe selon moi aux collectivités territoriales.

M. le président. Monsieur Antiste, l’amendement n° II-1102 est-il maintenu ?

M. Maurice Antiste. Je vais le maintenir, car je ne suis pas sûr d’avoir été parfaitement compris.

Des actions existent au niveau de la continuité territoriale, mais cela reste encore la croix et la bannière pour les familles. Des proches sont même obligés de les soutenir financièrement pour qu’elles puissent partir tellement les démarches sont longues et lourdes. Je demande simplement une augmentation des moyens de l’action et non la création d’une nouvelle ligne budgétaire.

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Mme Nassimah Dindar. M. le ministre a raison de rappeler que des départements se mobilisent également.

Je signale à mon collègue Antiste que nous avons mis en place un dispositif à La Réunion : la caisse générale de la sécurité sociale prend en charge le billet d’avion du malade et du médecin accompagnant. Quand nous n’avons pas besoin du médecin, la caisse peut effectivement prendre en charge, lorsqu’il s’agit des mineurs, le billet du parent accompagnateur. Voilà ce que la loi autorise.

Ce qui pose véritablement problème, c’est souvent l’accompagnement par le deuxième parent, quand il s’agit d’un enfant, mais surtout la prise en charge sur le territoire hexagonal du logement des parents accompagnateurs.

Par exemple, il existe à La Réunion des conventions avec le Rosier Rouge, selon les hôpitaux, pour pouvoir prendre en charge – c’est le département qui s’en charge – pendant une période de quatre semaines ou de deux mois, selon les cas, l’hébergement des parents, la mise à disposition d’un numéro de téléphone, etc. Des conventions existent, et la caisse générale de sécurité sociale travaille le plus souvent en lien avec les départements, voire avec les CCAS.

La difficulté n’est pas, selon moi, les billets d’avion. Il y a en effet Ladom, mais aussi les cagnottes parfois mises en place. Le plus important, c’est bien l’accompagnement nécessaire sur le territoire national des familles. Celles-ci ont besoin de débourser de l’argent, de prendre des taxis, d’aller à l’hôpital, d’être logées, etc.

Pour finir, je dirai un mot des violences faites aux femmes. C’est un problème très important dans les territoires ultramarins, mais qui coûte cher à l’État. En effet, les familles démantelées – mon collègue a eu raison d’y insister –, les enfants pris en charge par les foyers, ce sont autant de dépenses sociales que l’État et la République assument. Il convient de travailler en étroite collaboration avec les différents ministères pour mettre en place de vrais moyens.

L’enquête Virage est une enquête nationale. Fort heureusement, mon cher collègue, tous les territoires ultramarins en ont bénéficié. En revanche, quand nous signons des conventions sur le dispositif téléphone grave danger, nous nous rendons compte que les territoires d’outre-mer ont été les oubliés.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Nassimah Dindar. Il en est de même pour les bracelets électroniques.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Nassimah Dindar. C’est un sujet sur lequel il est important que nous puissions travailler.

M. le président. Mes chers collègues, je n’autoriserai plus de dépassements de temps de parole ! Je ne voudrais pas que le Sénat soit contraint de siéger dimanche prochain pour examiner une mission reportée.

La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote. Et je vous prie de bien vouloir intervenir sur l’amendement, mon cher collègue.

M. Joël Labbé. Certainement, monsieur le président. J’étendrai quelque peu le sujet, mais tout en respectant le temps de parole qui m’est imparti…

Madame Dindar, la question se pose de la prise en charge des accompagnants sur le territoire, et cela justifie de notre part un geste de soutien.

Puisque nous parlons de la santé, je voudrais évoquer en deux mots le sujet des plantes médicinales, dont 80 % de nos ressources se trouvent dans les outre-mer. Le développement économique et sanitaire extraordinaire que représente cette ressource doit prendre son essor dans ces territoires, dans l’intérêt de nos compatriotes ultramarins et de leur santé.

Aussi allons-nous relancer au Sénat le groupe de travail informel sur les plantes médicinales. J’invite tous nos collègues d’outre-mer à le rejoindre, car c’est un secteur très intéressant, j’y insiste, pour le développement de leurs territoires.

M. le président. La prochaine campagne de promotion se fera en dehors des explications de vote sur les amendements, si vous le voulez bien ! (Sourires.)

La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. Je souscris tout à fait aux propos de mes collègues sénateurs des outre-mer. Je souhaite, en revanche, préciser un point évoqué par notre honorable ministre.

Lorsqu’il y a des évacuations sanitaires, ou Évasan, en métropole, la sécurité sociale prend en charge les frais pour les fonctionnaires d’État. Lorsque de telles évacuations ont lieu en Polynésie, pour les salariés et les fonctionnaires territoriaux, c’est la caisse de prévoyance sociale qui assure la prise en charge des malades et de l’accompagnateur. Je tenais à clarifier ce point.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1102.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1060, présenté par Mme Jasmin, M. Antiste, Mme Conconne, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds d’urgence pour un tourisme raisonné en outre-mer

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

2 000 000

 

2 000 000

Conditions de vie outre-mer

 

 

 

 

Fonds d’urgence pour un tourisme raisonné en outre-mer

2 000 000

 

2 000 000

 

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à créer un fonds d’urgence pour un tourisme raisonné.

Il y a dans nos territoires de nombreuses TPE et PME, et le tourisme représente une part importante du PIB. Au travers de cet amendement d’appel, je propose de mettre en conformité la volonté, réelle, d’encourager le tourisme écologique et celle de changer de modèle économique.

Nos territoires offrent diverses formes de tourisme, chacun d’entre eux ayant ses propres atouts. Nous voulons véritablement faire travailler les TPE et les PME, parce que des emplois directs et indirects sont en jeu.

Il est vrai, monsieur le ministre, qu’un certain nombre de gestes ont été faits dans le cadre du plan de relance. Mais je souhaite vraiment, pour la pérennité de la vocation environnementale de nos territoires, lesquels, encore une fois, ont beaucoup d’atouts, qu’une réflexion soit menée sur la diversité des territoires et des modes de tourisme, en particulier sur le tourisme environnemental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Ma chère collègue, nous partageons votre souci de redresser la situation du secteur du tourisme. Votre amendement, qui nous semble être d’appel, vise à créer un fonds d’urgence pour un tourisme raisonné en outre-mer, doté de 2 millions d’euros.

Or la mission « Outre-mer » comprend d’ores et déjà divers dispositifs visant à favoriser le tourisme outre-mer. Ainsi, le ministère des outre-mer a passé une convention avec Atout France, l’agence de développement touristique de la France, afin de mettre en œuvre des actions de communication et de promotion touristique, d’une part, et d’ingénierie d’observation et de stratégie, d’autre part.

Un cluster « tourisme des outre-mer », porté conjointement par le ministère des outre-mer et Atout France, contribue à la promotion des destinations ultramarines à l’étranger par des actions communes de marketing et de communication à destination du grand public, menées par des professionnels du tourisme et la presse. Des conventions en matière d’ingénierie permettent également de mener des travaux communs pour les territoires ultramarins.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous remercie, madame la sénatrice, de cet amendement d’appel. Il s’agit en effet d’un sujet central, non seulement pour la relance, mais aussi pour la sauvegarde du tissu des acteurs touristiques de nos territoires, lesquels ont été largement affectés par l’épidémie de covid.

Vous avez devancé une éventuelle prise de parole de M. Labbé en évoquant le caractère durable de ce tourisme, dont l’empreinte environnementale va désormais être largement observée par les clients. Il s’agit même de l’une des marques des destinations touristiques ultramarines, et il faudra y faire attention.

Cet amendement d’appel vise donc à créer un fonds d’aide doté de 2 millions d’euros. Je rappelle que, dans le cadre du plan de relance, un fonds national de 50 millions d’euros est consacré au tourisme durable.

Nous étudions actuellement quelle quote-part pourrait être affectée aux différents territoires d’outre-mer. Ces négociations n’ont pas encore complètement abouti, mais je puis d’ores et déjà vous dire que plus de 2 millions d’euros seront affectés aux différents territoires d’outre-mer. Il faudra ensuite, bien sûr, s’assurer comme d’habitude de l’adaptation des critères pour que le dispositif fonctionne bien.

Par ailleurs, nous associerons les parlementaires à la territorialisation du fonds prévu dans le plan de relance, afin que celui-ci soit le plus opérationnel possible.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Je suis prête à retirer cet amendement, monsieur le ministre, mais il se trouve que Mme Pompili, ministre de la transition écologique, a dit voilà deux mois, selon le Journal du dimanche, qu’elle ne recommandait pas aux Français de l’Hexagone de se rendre à la Guadeloupe et en Martinique. Je ne sais pas si c’est une fake news

J’aimerais qu’il y ait une certaine cohérence entre ce que dit le Gouvernement, à certains moments, et la vraie vie ! Si vous me convainquez que vous êtes prêt à consentir les efforts que vous annoncez, je retirerai l’amendement. Il faut simplement, à un moment donné, de la cohérence et des actions pertinentes…

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout d’abord, je me suis engagé sur ce point, et le Journal officiel en fera foi.

Par ailleurs, même les sénateurs qui ne sont pas ultramarins peuvent aller en vacances dans les outre-mer pour les fêtes de Noël.

M. Antoine Lefèvre. Volontiers !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous pouvons tous montrer l’exemple ! (Sourires.)

J’ai longuement pris la parole, ce matin, sur la situation sanitaire de chaque territoire ultramarin. Je le redis, les territoires d’outre-mer offrent des occasions de déplacement pour la pause de Noël et les fêtes de fin d’année.

Je pense que l’information que vous avez donnée est une fake news. S’il y avait un doute à cet égard, j’en parlerai à Barbara Pompili, mais je ne suis pas inquiet. Le ministre que je suis incite donc l’ensemble de la Haute Assemblée à déserter l’Hexagone pour se rendre massivement sur les plages de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion, ou d’ailleurs en outre-mer, lors des prochaines vacances ! (Nouveaux sourires.)

Mme Victoire Jasmin. Je retire l’amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° II-1060 est retiré.

L’amendement n° II-1059, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Observatoire des finances locales dans les outre-mer

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

 

Conditions de vie outre-mer

1 000 000 

1 000 000 

Observatoire des finances locales dans les outre-mer

1 000 000 

1 000 000 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Notre amendement vise à interpeller le Gouvernement sur la situation budgétaire particulièrement préoccupante des communes ultramarines.

Notre collègue Georges Patient et le député Jean-René Cazeneuve ont mené des travaux de grande qualité qui démontrent encore une fois, si besoin était, que la situation des communes des DROM est grave et urgente.

Ces difficultés sont la traduction d’une rigidité budgétaire qui entraîne une faible capacité d’autofinancement. Ainsi, la prise en compte de la situation des collectivités territoriales d’outre-mer doit sortir de la logique de « gestion de crise », pour favoriser un suivi plus régulier, fondé sur des données fiables et partagées par tous.

Par ailleurs, il est indispensable de mieux intégrer les intérêts des outre-mer dans la construction des réformes nationales relatives aux finances locales. À ce titre, le déploiement d’une base statistique spécifique pour les collectivités d’outre-mer paraît incontournable.

C’est pourquoi notre amendement vise à créer un observatoire des finances locales outre-mer, qui aurait pour mission la collecte, l’exploitation et la diffusion des informations statistiques et comptables en matière de finances des collectivités ultramarines. Cette structure pourrait être rattachée au comité des finances locales, le CFL, comme le propose le rapport Patient-Cazeneuve, sur le modèle de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales l’OFGL.

Pour ce faire, il est donc proposé de prélever 1 million d’euros de l’action n° 08 du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », pour abonder ce nouveau programme « Observatoire des finances locales dans les outre-mer ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. L’adoption d’un tel amendement de crédit ne paraît pas nécessaire. Il importe que, à terme, un observatoire des finances locales outre-mer soit créé, et que l’Agence française de développement, l’AFD, publie un état des finances communales dans chaque DROM, comme l’indique le rapport Patient-Cazeneuve qui a été cité de nombreuses fois aujourd’hui.

Cet observatoire pourrait toutefois être adossé au CFL, qui ne relève pas de la mission « Outre-mer ». La question de l’émergence d’un tel observatoire est, à notre sens, une question non pas de crédits budgétaires, mais de volonté politique.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à instaurer une transparence en matière de documentation budgétaire des collectivités territoriales d’outre-mer.

L’objectif est d’y voir clair et de se faire une idée de la gestion de ces collectivités et des différentes contraintes financières qui pèsent sur elles – Dieu sait s’il y en a ! Les travaux de cet observatoire s’ajouteraient à ceux des cours régionales des comptes.

Toutefois, créer un observatoire détaché du CFL irait dans le mauvais sens. En effet, si la différenciation territoriale en outre-mer est importante, pour autant, il ne s’agit pas de procéder à une mise à l’écart – j’ai bien compris que tel n’était pas votre souhait, monsieur le sénateur.

Commencer à ranger les finances locales ultramarines dans un coin, c’est prendre le risque qu’elles y restent, et nous devons y faire très attention. Lorsque j’étais ministre délégué chargé des collectivités territoriales, j’ai beaucoup incité le président du CFL, André Laignel, avec lequel mes relations étaient plus qu’apaisées, comme chacun le sait, à s’intéresser à la question des finances ultramarines. Il faut continuer à le faire !

Le Sénat, chambre des collectivités territoriales – disant cela, je regarde le président Stéphane Artano –, peut largement, pour le coup, se mobiliser et mettre la pression sur le Gouvernement et sur les institutions en leur demandant de travailler de manière spécifique sur la question des finances locales.

Le travail remarquable du président Patient et du président Cazeneuve allait dans ce sens, en mettant une focale particulière sur les finances locales outre-mer. Nous nous sommes emparés de ces propositions, et nous avons travaillé.

Je propose donc que cet amendement soit retiré et que l’on imagine autre chose. Je comprends le besoin de continuer à réfléchir, mais il ne saurait être question de prévoir, d’un côté, un observatoire isolé, et, de l’autre, le CFL, qui ne s’occuperait plus du tout des finances locales outre-mer.

Or l’ensemble de la péréquation est calculé de manière globale : il n’y a qu’une seule enveloppe, celle de la Nation française. Quand on augmente la dotation d’aménagement des communes et des circonscriptions territoriales d’outre-mer, la Dacom, on écrête la dotation globale de fonctionnement des Bouches-du-Rhône ou de l’Eure. Voilà pourquoi il ne faut pas prévoir un observatoire isolé !

M. le président. Monsieur Antiste, l’amendement n° II-1059 est-il maintenu ?

M. Maurice Antiste. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1059 est retiré.

L’amendement n° II-1101, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

1 000 000

 

1 000 000

Conditions de vie outre-mer

1 000 000

 

1 000 000

 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. J’espère, monsieur le ministre, que vos assistants notent toutes vos promesses… Quant à moi, j’en prends bonne note !

Cet amendement vise à interpeller le Gouvernement sur la problématique récurrente de l’aide à la continuité territoriale funéraire, sujet que vous avez évoqué précédemment. Les choses ne se déroulent pas tellement bien dans ce domaine, à cause d’un certain nombre de freins, et il faudrait revoir l’ensemble du mécanisme.

On ne peut manquer de rappeler que le dispositif, en l’état, est inopérant en raison des conditions d’éligibilité. Par exemple, sur une trentaine de demandes, seules deux ont été satisfaites.

Il convient ici, d’une part, de relever, le plafond des ressources, qui s’élève aujourd’hui à 6 000 euros, pour le porter à 12 000 euros, et, d’autre part, de réformer les conditions de résidence, qui ne permettent pas à un Ultramarin résidant dans l’Hexagone depuis plusieurs années de bénéficier du dispositif.

Le présent amendement tend donc à abonder à hauteur de 1 million d’euros l’action n° 03, Continuité territoriale, du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », et à prélever du même montant l’action n° 04, Financement de l’économie, du programme 138, « Emploi outre-mer ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Je rejoins les observations des auteurs du présent amendement sur la nécessité de renforcer l’aide à la continuité funéraire.

Cet amendement n’est toutefois pas plus opérant que le précédent. En effet, les conditions d’octroi de l’aide à la continuité funéraire sont fixées par le code des transports. Nous examinerons dans quelques instants un dispositif améliorant les conditions d’octroi de cette aide.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ne vous inquiétez pas, monsieur le sénateur, non seulement mon cabinet prend note de ce que je dis au banc du Gouvernement, mais, surtout, je me souviens de mes propos. Et le jour où je ne serai plus ministre, vous pourrez facilement me rappeler mes engagements précédents ! (Sourires.)

Sur ce sujet, nous avons bien travaillé avec les députés et les sénateurs, même si la question du relèvement du plafond, portée au travers de cet amendement, demeure. Mais celle-ci relève du domaine réglementaire.

Les ministres de Bercy et moi-même allons prochainement prendre un arrêté pour doubler ce plafond – vous me direz que je prends un engagement de plus, mais vous pourrez vérifier dans le Journal officiel qu’il sera tenu. Nous n’emprunterons pas la voie législative, car il faut veiller au non-empiètement du législatif sur le réglementaire, et inversement ; je sais que le Sénat y est attentif.

Cet amendement sera donc satisfait par l’arrêté qui sera pris. Je pourrai vous communiquer, ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires ultramarins, le contenu de cet arrêté avant même qu’il ne soit signé.

Par ailleurs, il n’est pas prévu de toucher aux règles de domiciliation. J’ai retenu des divers travaux de concertation menés qu’était surtout attendu le relèvement du plafond.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Antiste, l’amendement n° II-1101 est-il maintenu ?

M. Maurice Antiste. Je tenais simplement à signaler que le problème des décès pouvait se poser aussi entre deux départements d’outre-mer. Pensez-y, monsieur le ministre !

Cela dit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1101 est retiré.

Mes chers collègues, il faut véritablement faire preuve d’une plus grande concision. Je le répète, si nos travaux n’avancent pas davantage, l’examen d’une ou de plusieurs missions devra être reporté à dimanche prochain.

L’amendement n° II-997, présenté par Mme Jasmin et MM. Lurel et Antiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

1 000 000

 

1 000 000

Conditions de vie outre-mer

1 000 000

 

1 000 000

 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. On le sait, les crédits fléchés vers la ligne budgétaire unique, la LBU, ne sont pas suffisamment consommés. Il s’agit de les utiliser pour réhabiliter, rénover et mettre aux normes les immeubles, les bâtiments et tous les logements.

Ces crédits étant déjà prévus, nous ne demandons donc pas grand-chose, monsieur le ministre ! Il faut non seulement les utiliser, mais aussi créer des emplois. Quand le bâtiment va, tout va, dit-on souvent ; or, aujourd’hui, le secteur du bâtiment et des travaux publics est en panne.

Cet amendement vise à mettre en cohérence les divers besoins de rénovation, notamment les mises en conformité au regard des risques naturels majeurs. Pour cela, nous proposons de travailler d’une autre manière, en ayant recours au format des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, dans le cadre du schéma régional. Cela permettra à la fois d’appréhender différemment ces travaux nécessaires pour nos territoires et de créer des emplois. J’espère obtenir une réponse favorable !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Les crédits de la LBU, qui financent le logement outre-mer, connaissent d’ores et déjà une hausse de 8,7 % en autorisations d’engagement. Il est vrai que les crédits de paiement sont en baisse de 2,7 %, mais cette diminution s’explique par les précédentes sous-consommations des autorisations d’engagement.

Ces crédits s’élèvent donc à 224,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 176,9 millions d’euros en crédits de paiement.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Des crédits d’un montant de 15 millions d’euros sont déjà prévus dans le cadre du plan de relance.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Madame Jasmin, l’amendement n° II-997 est-il maintenu ?

Mme Victoire Jasmin. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-997.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1054, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

380 000

 

380 000

Conditions de vie outre-mer

380 000

 

380 000

 

TOTAL

380 000

380 000

380 000

380 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Les crédits de la mission ont été sous-consommés, l’an dernier à hauteur d’à peu près 180 millions d’euros, et de 191 millions en 2019, soit plus de 7 % de la mission. Pour justifier cette sous-consommation, le Gouvernement avait accusé les collectivités, par diverses voies, d’être incapables de monter correctement leurs dossiers.

Notre collègue député Max Mathiasin a récemment déposé un rapport dans lequel il écrivait : « Cette sous-consommation chronique résulte de la concentration en fin d’exercice d’une proportion substantielle de l’exécution des dépenses, ce qui obère la capacité des acteurs de la chaîne de dépenses d’effectuer des redéploiements significatifs en cours d’exercice. Afin de mieux anticiper cette difficulté, un rapport sur les modalités de pilotage du programme a été remis par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel. »

Un autre rapport a été remis, visant quant à lui les améliorations à apporter, le développement du contrôle interne, la simplification de la cartographie, la disposition des crédits en gestion 2020, l’avancement du dialogue de gestion. Il ne s’agit pas là de la responsabilité des collectivités !

Puisqu’il y a ce problème d’ingénierie, nous demandons de maintenir les crédits de l’an dernier, donc de conserver 380 000 euros.

Enfin, je regrette la situation que nous observons en matière de logement, un sujet que nous aborderons ultérieurement. Ce qui se passe est grave : 150 000 logements devaient être construits sur dix ans, au rythme de 10 000 par an. On n’en construit même pas 5 600 ! Je vous renvoie à ce qu’en dit la Cour des comptes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Si la question globale de la sous-consommation chronique des crédits de la mission « Outre-mer » se pose, il ne nous paraît pas pertinent de circonscrire une demande de rapport à la seule action n° 01 du programme 123 de cette mission.

Cette ligne finance les études et autres interventions en ingénierie, soit 6,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5,2 millions d’euros en crédits de paiement, c’est-à-dire les crédits mis à disposition des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DEAL, pour donner des moyens d’ingénierie. Elle accompagnera la mise en place dans chaque territoire d’un observatoire local du logement et de l’habitat, tout en soutenant les initiatives d’adaptation des normes de construction.

S’agissant, plus largement, des sous-consommations, cette question pourrait faire l’objet d’une mission au Sénat ou d’une demande d’information à la Cour des comptes de la part de la commission des finances.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il y a déjà une bonne nouvelle : la sous-consommation semble se tasser largement en 2020, comme je l’ai dit précédemment à la tribune.

Obtempérant aux demandes du président Karoutchi, je serai bref. Cette année sont prévus 7 ou 8 millions d’euros de dépenses en ingénierie pour la construction de logements au bénéfice des collectivités d’outre-mer. Un tel niveau n’avait jamais été atteint. Le plan logement outre-mer, le PLOM, commence à produire ses effets, et les ministres qui m’ont précédé y ont largement contribué.

Par ailleurs, 30 millions d’euros – deux fois 15 millions d’euros, pour être précis – sont débloqués, dans le cadre du plan de relance, par l’AFD, ce qui permettra l’accompagnement en ingénierie des collectivités territoriales pour différents projets, et pas seulement en matière de logement.

Plutôt que de renforcer la DEAL – il y aurait beaucoup à dire à cet égard –, il faudrait surtout développer l’offre de souplesse auprès de chaque collectivité territoriale. Nous sommes sur la bonne voie pour ce qui est de la LBU. Grâce à l’offre de l’AFD et du plan de relance, nous devrions aboutir à un résultat positif.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Monsieur le rapporteur spécial, vous vous êtes trompé d’amendement : il ne s’agit pas ici de demander un rapport, mais de maintenir les crédits de l’an dernier en conservant 380 000 euros, pour conserver le même niveau.

J’entends les arguments de M. le ministre. Le logement est un problème très grave. Il y a six ou sept ans, les autorisations d’engagement s’élevaient à 263 millions d’euros et les crédits de paiement à environ 235 ou 240 millions d’euros.

Aujourd’hui, les autorisations d’engagement représentent 224 millions d’euros et les crédits de paiement 191 millions d’euros. Or ce qui est inscrit et engagé s’élève à moins de 200 millions d’euros.

Ayant été ministre, je sais que l’on procède en interne à un redéploiement des crédits, au motif qu’il y a dans les outre-mer une sous-consommation, une « mauvaise exécution ».

À l’époque, la Guadeloupe bénéficiait de 63 millions d’euros en autorisations d’engagement. En 2021, celles-ci ne seront que de 31 millions d’euros. Il est vrai que d’autres collectivités progressent… Monsieur le ministre, j’aurais aimé que nous discutions tous ensemble, en toute transparence, du redéploiement interne des crédits.

On a un véritable problème : au motif que la Guadeloupe et la Martinique ne progressent pas, La Réunion est tout juste maintenue à son niveau. Pour ce qui est de la Guyane et de Mayotte, je comprends que se posent des problèmes spécifiques, notamment démographiques. Quoi qu’il en soit, il faudrait mener des études préalables, qui nous permettraient de mieux comprendre.

Je retire l’amendement, monsieur le président, mais le problème reste posé.

M. le président. L’amendement n° II-1054 est retiré.

L’amendement n° II-1019, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne et M. Antiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Emploi outre-mer

dont titre 2

 

170 000

 

170 000

Conditions de vie outre-mer

170 000

 

170 000

 

TOTAL

170 000

170 000

170 000

170 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement est dans la même veine que le précédent.

Il se pose un problème d’organisation et de structuration de la filière logement. Les deux instances représentatives sont l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, et l’Union sociale pour l’habitat outre-mer, l’Ushom, lesquelles sont liées par une convention. Il y a donc un problème de représentativité.

Dans le code de la construction et de l’habitation, le CCH, seule l’USH est citée, pas l’Ushom. Aujourd’hui, ces deux organisations se querellent. En tant que parlementaire, je reçois, comme tous mes collègues ici présents, des appels indiquant qu’il n’y a qu’une seule instance représentative, l’USH.

Nous demandons que l’Ushom soit reconnue, dans la mesure où la plupart des organisations et des bailleurs en sont adhérents. En outre, l’Ushom a fait un travail extraordinaire au cours des quatre dernières années.

Alors que je suis dans la vie parlementaire depuis dix-sept ans, je n’avais jamais appris qu’il y avait des barèmes différents entre la métropole et les outre-mer. Je ne savais pas non plus que le supplément de loyer de solidarité, le SLS, était versé beaucoup plus rapidement, et avec un revenu plus faible, en zone A qu’en zone B…

Par ailleurs, nous cotisons à la Caisse générale du logement locatif social, la CGLLS, qui finance le Fonds national des aides à la pierre ; or nous n’en bénéficions pas. Bref, il y a un ensemble d’éléments qui n’ont jamais été portés !

Il faut absolument que l’Ushom puisse vivre. M. le ministre a répondu à l’Assemblée nationale qu’il s’agissait d’une querelle privée. Non ! Il est question ici non d’une querelle de personnes, mais d’un problème de représentation institutionnelle.

La nouvelle présidente de l’USH, Mme Emmanuelle Cosse, vient d’adresser une lettre à notre collègue député de la Réunion, Philippe Naillet. Je dois le dire, on ne s’adresse pas comme ça aux gens ! Avec tous nos collègues d’outre-mer, ou presque, nous allons donc signer un courrier commun pour dire que nous tenons à l’existence de l’Ushom et que nous voulons qu’elle soit financée, selon le moyen que trouveront l’USH et les fédérations régionales.

On ne peut pas traiter ainsi cette affaire, en laissant croire qu’il s’agit de petites querelles de personnes… Il s’agit d’un problème institutionnel !

Pour finir, on a supprimé la circonscription outre-mer pour les élections européennes, on a supprimé France Ô, ainsi que nombreux impôts ; on n’a pas créé la Cité des outre-mer ; on n’a pas appliqué la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer ; on ne respecte pas la loi relative à la régulation économique outre-mer… Et maintenant, on nous annonce que l’on va supprimer l’Ushom. On ne peut pas autoriser cela !

M. le président. Si je puis me permettre, monsieur Lurel, vous débattez comme s’il était question ici d’une loi sur l’outre-mer…

J’aimerais que chaque orateur ne parle que de ses amendements et de la mission budgétaire.

M. Victorin Lurel. C’est ce que je fais !

M. le président. Étant un excellent spécialiste du sujet, vous êtes naturellement porté à défendre vos convictions. Il serait plus simple d’en rester aux amendements.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Je confirme que je ne m’étais pas trompé d’amendement : j’intervenais bien sur l’amendement n° II-1054 et sur l’article 33. Je persiste : la commission des finances propose bien l’ouverture d’une mission au Sénat ou la consultation de la Cour des comptes.

J’en viens à l’amendement n° II-1019. L’Ushom est un acteur majeur du logement social et très social outre-mer, ainsi qu’un partenaire du ministère des outre-mer. Dans le cadre du PLOM, elle bénéficie d’ores et déjà de financements publics. Contrairement à ce qu’indiquent ses auteurs, cet amendement de crédit ne pérenniserait pas sa dotation.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Peut-être n’ai-je pas été clair à l’Assemblée nationale ; je vais donc corriger mes propos. Je n’ai jamais prétendu que le problème que vous avez évoqué, monsieur le ministre Lurel, était une querelle de personnes !

J’ai simplement dit – je le répète pour la bonne information du Sénat – que le différend entre ces deux personnes morales était judiciarisé. Dès lors, il est compliqué pour les parlementaires, comme pour le Gouvernement, de s’immiscer dans un conflit qui sera tranché par le troisième pouvoir.

Par ailleurs, je le dis, nous avons besoin de l’Ushom, et je serai à vos côtés pour défendre cette institution.

Enfin, Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, va s’engager pleinement sur ce sujet en s’entretenant tant avec l’USH qu’avec l’Ushom. Elle réunira l’ensemble des parlementaires d’outre-mer pour vous informer, au fur et à mesure, des actions que nous mènerons en la matière.

Je vous assure – c’est un engagement que je prends devant vous – qu’il n’est pas dans l’intention du Gouvernement de faire disparaître l’Ushom !

Je sollicite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J’entends l’engagement qui vient d’être pris. Néanmoins, cette affaire qui a été judiciarisée a reçu un premier résultat : l’USH a été condamnée pour avoir expulsé manu militari l’Ushom du local qu’elle louait ; vous le savez tous. Une autre affaire est en cours au pénal, mais elle n’a rien à voir avec la question du logement.

Par ailleurs, je ne demande pas, monsieur le rapporteur spécial, une pérennisation de la dotation. On a supprimé la subvention de l’Ushom, et on s’est livré à un véritable chantage, dans les termes suivants : « Si vous ne respectez pas notre tutelle, on supprime votre dotation ! » Bien sûr, elle va vivre avec les cotisations… En guise d’équilibre et de compensation, nous demandons donc au Gouvernement de financer un organisme qui représente tous les bailleurs sociaux des outre-mer.

Je ne retirerai pas cet amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Je soutiens l’interpellation de Victorin Lurel. Des choses inadmissibles se passent en ce moment entre l’USH et l’Ushom, et nous ne pouvons pas rester muets ! Nous avons tous été destinataires du courrier de notre collègue député Philippe Naillet, et nous allons tous le cosigner, parce qu’il s’agit là d’une véritable injustice. Voilà pour le fond.

Sur la forme, nous serons solidaires face à cette chasse à l’homme, ou plutôt à la femme, qui a été ouverte contre la déléguée générale de l’Ushom. Ce ne sont pas des manières de faire !

Il est inadmissible d’expulser des personnes d’un local, manu militari, et de tenir des propos contraires à l’esprit d’apaisement et à l’harmonie qui doivent s’imposer lorsque l’on traite d’un sujet aussi difficile et délicat que le logement !

J’apporte mon soutien de principe à l’amendement de mon collègue Lurel, pour que cesse ce harcèlement et pour que soit traitée cette difficulté, qui est encore pendante, entre l’USH et l’Ushom.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. M’associant à tout ce qui vient d’être dit, je tiens à souligner, monsieur le ministre, que la conséquence de tout cela, c’est le risque assurantiel.

En effet, nous représentons des territoires exposés à des risques naturels majeurs : si tout n’est pas fait pour améliorer les différents logements, particulièrement ceux qui se trouvent sous la tutelle de ces organisations, il y a bien un risque assurantiel.

Quand ces territoires ne sont pas pris en compte et que les rénovations attendues ne sont pas faites, les compagnies d’assurances refusent d’assurer les personnes résidant dans ces logements. De plus, le coût des assurances en cas de risques naturels est une catastrophe ; on a pu récemment le constater à Saint-Martin. Cela constitue un tout, et il faut absolument régler ce problème !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1019.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 55 sexies et les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 55 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».

Outre-mer

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 55 sexies - Amendement  n° II-796 rectifié bis

Article 55 sexies (nouveau)

Le deuxième alinéa de l’article L. 1803-4 du code des transports est ainsi rédigé :

« Lorsque le déplacement est justifié par une dernière visite à un parent au premier degré, au sens de l’article 743 du code civil, à un frère ou à une sœur ou au conjoint ou à la personne liée à ce parent par un pacte civil de solidarité, dont le décès intervient avant le trajet retour, ou par la présence aux obsèques de ce parent, l’aide à la continuité territoriale intervient en faveur des personnes mentionnées aux deux premiers alinéas de l’article L. 1803-2 du présent code et régulièrement établies sur le territoire ou résidant dans une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2 autre que celle où se déroulent les obsèques. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-1161 est présenté par MM. Rohfritsch, Patient, Mohamed Soilihi et Hassani, Mme Duranton, M. Kulimoetoke, Mme Phinera-Horth, MM. Théophile, Dennemont, Patriat, Rambaud, Bargeton et Buis, Mme Evrard, M. Gattolin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Lévrier, Marchand et Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° II-1164 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 1803-4 est supprimé ;

2° L’article L. 1803-4-1 devient l’article L. 1803-4-2 ;

3° Après l’article L. 1803-4, il est inséré un article L. 1803-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1803-4-1. – Lorsque le déplacement est justifié par la présence aux obsèques d’un parent au premier degré, au sens de l’article 743 du code civil, d’un frère ou d’une sœur, du conjoint ou de la personne liée au défunt par un pacte civil de solidarité, ou lorsque le déplacement est justifié par une dernière visite à un parent dont le décès survient avant le terme du délai, fixé par voie réglementaire, de dépôt de la demande, l’aide à la continuité territoriale définie à l’article L. 1803-4 du présent code intervient, sous conditions de ressources, en faveur des personnes mentionnées aux deux premiers alinéas de l’article L. 1803-2 du même code et régulièrement établies sur le territoire.

« Le déplacement peut avoir lieu entre deux points du territoire national, l’un situé dans l’une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2 et l’autre situé sur le territoire métropolitain. Le déplacement peut aussi avoir lieu entre deux collectivités mentionnées au même article L. 1803-2. »

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° II-1161.

M. Thani Mohamed Soilihi. La cohésion du territoire est le ferment de notre engagement. En ce sens, la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite « loi ÉROM », a posé un premier jalon en étendant à l’outre-mer, des dispositifs de continuité territoriale. Il convient, désormais, de les adapter, afin de répondre au mieux aux réalités sociales et familiales ultramarines.

Cet amendement, qui est l’aboutissement d’un travail parlementaire fructueux entre les deux chambres, vise donc à démocratiser et à renforcer le droit à la continuité territoriale funéraire pour les Ultramarins.

Le dispositif actuel permet de financer partiellement, et sous conditions de ressources, le billet d’avion pour assister aux obsèques d’un parent, d’un enfant ou d’un conjoint en outre-mer, lorsque le bénéficiaire réside en métropole. Cette mesure, bien qu’elle soit salutaire, demeure lacunaire, en ce qu’elle s’adapte peu aux réalités familiales et aux besoins de mobilité des Français d’outre-mer.

C’est pourquoi nous souhaitons, par le présent amendement, clarifier la possibilité de se rendre au chevet du proche en fin de vie, ouvrir le dispositif aux frères et sœurs et étendre l’éligibilité de ce dispositif tant aux déplacements entre les collectivités d’outre-mer qu’aux déplacements entre ces dernières et la métropole.

Selon les estimations du Gouvernement, cette mesure concernerait 317 déplacements par an, pour un montant de 100 000 euros, sur un budget total de 6 millions d’euros.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° II-1164.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1161 et II-1164.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 55 sexies est ainsi rédigé.

Article 55 sexies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 55 sexies - Amendement n° II-1053

Articles additionnels après l’article 55 sexies

M. le président. L’amendement n° II-796 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, M. H. Leroy, Mme Berthet, MM. Gremillet, B. Fournier, Meurant et Klinger, Mmes L. Darcos et Garriaud-Maylam et MM. Piednoir et Longuet, est ainsi libellé :

Après l’article 55 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er septembre 2021, sur le coût pour les finances publiques des dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière à Mayotte.

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Aujourd’hui, quelque 400 000 à 500 000 étrangers seraient en situation irrégulière, pour seulement 23 000 mesures d’éloignement : 95 % d’entre eux restent ainsi sur le territoire français.

Mayotte est la première destination des migrants comoriens, mais pas seulement, certains venant désormais de bien plus loin !

Seule la moitié des 256 000 habitants de l’île y est née, le reste de la population venant surtout des Comores : comme le dit notre éminent collègue Mansour Kamardine, député de Mayotte, plus de 40 % de la population y est désormais clandestine. De telles circonstances pèsent lourdement sur la situation démographique, économique et sociale du département.

Le déséquilibre s’est encore accru entre 2012 et 2017 : ainsi, le déficit migratoire des natifs de Mayotte a presque doublé par rapport à la période 2007-2012, notamment du fait des départs de jeunes vers La Réunion ou la métropole, en raison de l’insuffisance de structures scolaires, universitaires ou sanitaires.

Mayotte est aujourd’hui confrontée à un double défi migratoire : le flux traditionnel en provenance des Comores et, depuis peu, un flux trouvant son origine dans la région des Grands Lacs – Burundi, Congo et Rwanda –, lequel est fortement dynamique et double pratiquement chaque année.

Ainsi, le nombre de demandeurs d’asile en provenance d’Afrique est passé de moins de 100, en 2014, à plus de 1000 cette année. Mayotte est en train de devenir une nouvelle voie d’accès vers l’Europe. Même si ce sujet relève plus précisément de la mission « Immigration, asile et intégration », nous devons nous interroger sur la part sociale en matière migratoire.

Je sais que le Sénat s’oppose systématiquement aux amendements demandant des rapports, mais je crois que nous devons ouvrir le débat : si nous demandons de tels documents, c’est justement parce que le Gouvernement, interrogé à plusieurs reprises, n’a jamais répondu précisément à ces questions, en dépit de toutes nos sollicitations.

Je demande, par cet amendement, d’améliorer l’information du Parlement sur le coût des soins dispensés aux étrangers se trouvant à Mayotte en situation irrégulière.

Même si l’aide médicale d’État n’est pas applicable à Mayotte, les étrangers en situation irrégulière peuvent s’y faire soigner dans le centre hospitalier ou en ville, pour un montant qui demeure aujourd’hui inconnu. Aussi, je propose de remédier à ce défaut d’information, en demandant au Gouvernement de remettre, sinon un rapport, du moins un tableau de bord, et de répondre enfin à nos interrogations sur ce sujet avant le 1er septembre 2021.

Mes chers collègues, j’ai déjà rendu plusieurs rapports sur ce sujet : j’ai posé des questions précises, mais je n’ai cependant rien obtenu. Est-il bien normal que la représentation nationale, qui interroge régulièrement le Gouvernement sur ces questions, n’ait jamais de réponse ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. J’émets un avis défavorable, par cohérence avec la position de principe de la commission des finances sur les rapports parlementaires.

Mme Valérie Boyer. Vous pourriez nous donner des réponses, tout de même !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis évidemment attaché à ce que le Gouvernement réponde aux sollicitations d’une ex-députée devenue sénatrice : si vos questions n’ont pas reçu de réponse jusqu’à présent, madame Boyer, je vous présente mes excuses.

Pour vous répondre très rapidement, car je vois le président Karoutchi me regarder avec beaucoup de sévérité, j’indique que 27 000 reconductions et éloignements ont été accomplis en 2019 ; l’épidémie de covid-19 affectera bien sûr ces données pour l’année 2020.

Le véritable enjeu consiste pour nous à poursuivre l’opération « Shikandra », qui, bien qu’elle ait été suspendue à cause du confinement, commence à produire des effets significatifs, notamment sur le plan de l’action de l’État en mer et dans la relation que nous entretenons avec les Comores.

J’ai bien compris que l’objet de votre amendement était, non pas la rédaction d’un rapport, mais la relation entre le Parlement et le Gouvernement sur ces sujets. Il conviendrait donc, si évidemment le président Artano en est d’accord, de prendre le temps nécessaire, dans le cadre de la délégation à l’outre-mer, pour débattre des politiques de lutte contre l’immigration illégale à Mayotte, en organisant une audition qui nous permette de travailler sur ce sujet.

Je suis extrêmement sensible à ces questions : Gérald Darmanin et moi-même nous rendrons à Mayotte avant Noël. Néanmoins – le sénateur Mohamed Soilihi en conviendra –, nous ne sommes pas là pour stigmatiser ce territoire…

Mme Valérie Boyer. Je ne le stigmatise pas !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous nous connaissons bien, madame la sénatrice, je n’ai jamais dit que vous la stigmatisiez. Cependant, je pense que nous devons faire les choses dans un certain cadre, car il s’agit bien d’un sujet sérieux, qui demande qu’on y passe du temps.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je remercie ma collègue de l’intérêt qu’elle manifeste pour ce département.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, notamment à Mme la présidente Éliane Assassi, les choses sont tellement complexes dans ce territoire que l’on ne peut se contenter de s’y intéresser en prenant un tel angle d’attaque. C’est pourquoi, si le président Artano en est d’accord, ces problématiques, liées à l’immigration, méritent, non pas un seul rapport concernant les dépenses de santé, mais bien une étude d’ensemble.

Cela fait maintenant des années que les élus de Mayotte demandent unanimement l’application de l’aide médicale d’État : tous les gouvernements nous l’ont refusée, compte tenu de l’appel d’air que cela provoquerait.

Il n’y a pas, sur ce sujet, de chiffres à découvrir, puisque nous les connaissons déjà, et vous en avez cités quelques-uns, ma chère collègue. C’est plutôt de solutions concrètes dont nous avons besoin aujourd’hui. Je crains qu’un rapport n’apporte aucune valeur ajoutée ; je pense, au contraire, qu’il contribuerait à mettre ces sujets sous le tapis.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en train d’examiner la mission budgétaire « Outre-mer », et que la mission « Immigration » sera peut-être discutée ce soir, sinon dimanche…

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. L’immigration à Mayotte est un vrai sujet : personne ne le nie ici.

J’ai eu l’occasion ce matin, lors de la réunion d’installation de la délégation à l’outre-mer, d’affirmer combien selon moi ce sujet devrait être prioritaire dans l’organisation de nos débats. Mais, dans ce cas, il faut faire en sorte de tout mettre sur la table ; il faudrait même, si j’ose dire, convoquer l’histoire ! (Mme Catherine Conconne applaudit.)

Déposer ce type d’amendements lors de l’examen d’une mission budgétaire n’est vraiment pas une bonne façon de faire. Au-delà des clivages politiques et de nos différences d’appréciation sur les politiques migratoires, nous devons débattre de ce sujet : c’est une évidence. (Mme Lana Tetuanui applaudit.)

Toutefois, n’utilisons pas ce genre de véhicule législatif, qui plus est dans une situation sanitaire, économique et sociale des plus complexes. Je pense que c’est envoyer un très mauvais message à des milliers, voire à des millions de personnes sur cette planète. En effet, déposer cet amendement, madame la sénatrice, c’est aussi, quelque part, manquer d’humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Sur la mission « Outre-mer », comme sur toutes les autres missions d’ailleurs, il est normal de déposer des amendements, surtout lorsque, malgré la réponse très aimable de M. le ministre, on ne dispose toujours pas de réponse à des questions pourtant formulées il y a fort longtemps. La représentation nationale a besoin d’être éclairée !

Ma chère collègue, nous n’avons pas de leçon d’humanité à recevoir.

Mme Valérie Boyer. Il n’y a rien d’inhumain à exiger des comptes et des chiffres, alors que la population de Mayotte est clandestine à 40 % et que tous les élus du territoire appellent à l’aide, tant la situation est préoccupante ! L’humanité, c’est justement de connaître et de savoir, pour pouvoir agir.

Mme Éliane Assassi. J’y suis allée, moi !

Mme Valérie Boyer. Notre devoir, en tant que responsables et parlementaires, c’est de demander des comptes et des chiffres, afin de prendre une décision éclairée. C’est ce que nous faisons au travers de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Mes chers collègues, vous dites sans cesse que l’outre-mer contribue à la grandeur de la France ; je crois donc que cela vaut bien votre patience, monsieur le président. Je vous remercie de nous la signifier, en tout cas !

Je salue à la fois le président Mohamed Soilihi et Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE. Il faudra, en effet, convoquer l’histoire, et pas seulement des statistiques ! En effet, vous parlez de l’immigration sur des terres que la colonisation a déchirées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Aucun rapport !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-796 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 55 sexies - Amendement  n° II-796 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Défense

M. le président. L’amendement n° II-1053, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 55 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la consommation et la ventilation des crédits consacrés aux « Études et autres interventions en ingénierie » inscrits à l’action n° 1 du programme 123 de la mission « Outre-mer ».

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, j’apprécie votre longanimité. Après tout, l’outre-mer le vaut bien…

S’agissant des crédits consacrés aux études et autres interventions en ingénierie d’un montant de 6,62 millions d’euros, nous aimerions savoir quelle a été leur ventilation et qui a pu en bénéficier. De plus, quel rapport a été remis et quelle plus-value en a été tirée ?

Cela étant, je vais retirer mon amendement, car la commission des finances peut demander que la Cour des comptes fasse une enquête pour vérifier l’exécution du budget et nous donner ainsi quelques éclaircissements sur cette ventilation.

M. le président. L’amendement n° II-1053 est retiré

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».

Défense

Article additionnel après l'article 55 sexies - Amendement n° II-1053
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du strict point de vue budgétaire, je constate que la loi de programmation militaire est respectée et que, en effet, les crédits augmentent bien de 1,7 milliard d’euros.

Mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées aborderont sans doute un certain nombre de sujets plus ponctuels.

Pour ma part, je souhaite, dans le cadre de la discussion du budget pour l’année 2021, faire un point rapide sur un projet qui vous tient à cœur : le plan famille. Je prends acte de la réforme de la rémunération qui a été engagée et qui semble porter ses fruits, puisque les recrutements, malgré un contexte sanitaire difficile, se sont plutôt bien effectués.

Je regrette simplement, madame la ministre, que l’amélioration de l’hébergement des militaires se fasse toujours attendre, même si les crédits sont bien au rendez-vous. Je crains que nous n’ayons un peu trop tendance à oublier qu’il s’agit d’un personnel particulier, qui doit être bien traité. Peut-être les normes en matière d’accessibilité et de mobilité pourraient-elles, pour un certain nombre d’entre elles, être appréciées de façon allégée – c’est un euphémisme.

Ce qui me préoccupe dans ce budget, madame la ministre, c’est non pas ce qui s’y trouve, mais ce qui ne s’y trouve pas.

Pour évoquer tout d’abord la fin de gestion de l’année 2020, je rappelle que le Sénat a voté le principe selon lequel le surcoût des opérations extérieures, les Opex, devait faire l’objet d’une solidarité interministérielle. L’an dernier, il n’en a pas été question, et cette année, cela recommence !

Vous me direz que, au fond, il ne s’agit que de 236 millions d’euros et que, après tout, avec le covid-19, l’effet de déport ne dépasse pas l’épaisseur du trait. Certes, mais la loi, c’est la loi ! Par conséquent, je ne vois pas comment le Gouvernement, d’une façon systématique, peut s’en affranchir.

Une autre de mes inquiétudes réside dans la vente des Rafale à la Grèce. Je me réjouis que ce pays ait fait le choix d’acheter du matériel français ; c’est une bonne nouvelle. Mais cette opération cache deux choses.

Premièrement, la loi de programmation repose, dans ses équilibres, sur une vente de Rafale qui tarde à se faire, ou qui ne se fait pas au niveau prévu. En sortant 12 avions opérationnels pour en acheter 12 neufs, on répond à un objectif non pas opérationnel, mais financier, à ceci près que le différentiel de coût – de 600 millions à un milliard d’euros – n’est pas assuré entre les avions d’occasion et les appareils neufs.

Deuxièmement, la loi de programmation affichait une capacité opérationnelle de 143 Rafale pour les armées, toutes armes confondues, à la fin de l’année 2023. De fait, dans l’attente de la livraison de nouveaux avions, elle se trouve revue à la baisse, avec toutes les conséquences qui en découlent, en matière non seulement d’interventions, mais aussi de préparation des forces et d’entraînement. Rappelons qu’il s’agit d’un prélèvement de près de 10 %, ce qui correspond à 12 Rafale sur les 102 que possède l’armée de l’air.

Le ministère fait valoir que l’impact serait atténué par une meilleure disponibilité des appareils, liée à une refonte du maintien en condition opérationnelle, le MCO. Pardonnez-moi, mais nous n’avions pas noté que l’amélioration de ce dernier et l’effort budgétaire qui l’accompagnait avaient pour objectif de compenser une perte de matériels ! L’objectif annoncé et voté était bien d’améliorer le contrat opérationnel, ainsi que la disponibilité.

Enfin, on nous annonce qu’il est possible d’acquérir, non plus 12 Rafale, mais moins, au motif que, appartenant à une nouvelle génération, ces appareils seraient plus performants. Ces questions devraient trouver une réponse à la faveur de l’actualisation de la loi de programmation, mais nous ne disposons toujours pas de calendrier la concernant.

S’agissant du choix de la propulsion du futur porte-avions, il y a urgence, si toutefois nous voulons être prêts en 2038, sans compter que, derrière ce choix, se trouve tout l’enjeu de nos savoir-faire nucléaires et, par voie de conséquence, de la dissuasion.

La décision est imminente, nous dit-on, mais elle tarde cependant à se manifester. Je ne puis croire qu’un enjeu aussi fondamental soit dépendant du calendrier de communication présidentiel ! Qu’en est-il ?

Enfin, je me suis toujours étonné, à titre personnel, que l’on se fixe un objectif militaire en pourcentage de produit intérieur brut, comme si c’était l’alpha et l’oméga, comme si la menace pouvait se calculer en PIB… Il s’agit simplement de mesurer un effort financier. Je m’inquiète que, avec une chute probable du PIB, nous n’atteignions malgré nous très vite les 2 %. Déjà, une petite musique se fait jour en ce sens à Bercy.

Vous l’avez compris, madame la ministre, nous ne demandons qu’à vous faire confiance. Les apparences sont sauves, mais derrière elles, nombre d’inquiétudes et de questions demeurent. Aussi, notre commission des finances a-t-elle souhaité conditionner son avis, qu’elle espère favorable, aux réponses et éclaircissements que vous voudrez bien apporter aux cinq questions suivantes.

Premièrement, y aura-t-il bien une actualisation de la loi de programmation en 2021, non pas confiée à je ne sais quel comité ou conseil de défense, mais soumise au Parlement ? Et dans quels délais ?

Deuxièmement, le produit de la vente des Rafale reviendra-t-il bien intégralement au ministère ?

Troisièmement, pouvez-vous vous engager sur le fait que la vente des Rafale ne se traduira pas par une révision à la baisse du contrat opérationnel ?

Quatrièmement, quand sera annoncé officiellement le choix de la propulsion du porte-avions ?

Cinquièmement, et enfin, la baisse probable du PIB est-elle de nature à remettre en cause l’enveloppe globale en valeur absolue de la loi de programmation ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. André Gattolin applaudit également.)

(M. Georges Patient remplace M. Roger Karoutchi au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Georges Patient

vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 144 voit ses crédits progresser de 8,9 %.

Ces crédits commenceront en 2021 à financer le nouveau fonds innovation défense, le FID ; d’après ce que nous avons compris, sa montée en puissance se fera sur cinq ans. Le montant de 200 millions d’euros constituera-t-il bien, madame la ministre, un socle minimal auquel pourra venir s’ajouter la participation d’autres acteurs publics ou privés ? Nous sommes tout à fait désireux d’en savoir plus sur ce sujet.

Cela étant, bien que ce nouveau fonds aille dans le bon sens, je le souligne, il ne saurait régler le fond du problème, à savoir les difficultés croissantes qui pèsent sur le financement des entreprises de la défense, conduisant les plus fragiles d’entre elles à être rachetées par des acteurs étrangers. Les entreprises de la base technologique et industrielle de défense, la BITD, font état des difficultés croissantes qu’elles rencontrent à se financer auprès du secteur bancaire, et cela, d’ailleurs, quels que soient leur taille et leur domaine d’activité.

Les causes sont multiples. Tout d’abord, il n’est jamais facile pour une entreprise d’aller se plaindre de son banquier. De plus, il existe des éléments factuels incitant les banques à la prudence : je pense en particulier aux sanctions extraterritoriales américaines, qui avaient frappé BNP Paribas d’une amende de 9 milliards d’euros en 2014, sujet qui nous renvoie tout simplement à notre souveraineté. Enfin, certaines ONG agissent pour orienter l’opinion publique dans le sens d’une hostilité montante aux ventes d’armes, voire à la production de ces dernières.

Nous pensons à ce stade, madame la ministre, que pour faire évoluer la situation, il faudrait agir dans trois dimensions : établir un réel dialogue autour des représentants de l’État, entre les entreprises de la BITD et les banques ; faire comprendre, au-delà de la communauté de défense, la relation directe entre l’existence de la BITD et la souveraineté nationale ; œuvrer à défendre notre souveraineté économique. C’est un vaste sujet, que nous ne réglerons pas lors de ce débat.

Enfin, je voudrais signaler que nous avons été étonnés, pour ne pas dire choqués, de découvrir la réduction de voilure de notre réseau de missions militaires à l’étranger, dans des postes pourtant très sensibles : Alger, Tunis, Amman, Tbilissi – ce poste couvre l’Arménie et l’Azerbaïdjan –, et même Londres et Moscou sont ainsi concernés. Cela constitue un contresens total dans le contexte actuel : il semble que l’on cherche à économiser quelques centaines de milliers d’euros, alors que le budget de la mission augmente de 1,6 milliard d’euros !

Ne conviendrait-il pas, madame la ministre, de revoir ce dossier ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 144 porte une partie des crédits du renseignement pour un peu plus de 400 millions d’euros. Il concerne deux services du premier cercle, qui dépendent du ministère des armées : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

J’évoquerai tout d’abord la situation de la DGSE, dont les crédits sont plus importants dans ce programme.

Le service voit ses moyens augmenter, conformément à la priorité affirmée dans la loi de programmation militaire. Dans le programme 144, ses crédits s’établiront en 2021 à 388 millions d’euros, soit une hausse de 11,4 %. Cette augmentation notable traduit la poursuite d’un effort d’investissement très important.

Il s’agit, d’une part, de mettre le parc immobilier à niveau, à la fois pour faire face à la croissance des effectifs et pour rénover certains bâtiments vétustes, d’autre part, d’accroître les capacités techniques, en particulier dans des domaines où le progrès technologique impose des investissements soutenus pour qu’ils soient maintenus à un bon niveau. Il faut savoir que les capacités techniques de la DGSE ont vocation à être partagées avec les cinq autres services du premier cercle.

Pour avoir une vision consolidée de la situation de la DGSE, il convient d’examiner aussi ses moyens humains. La DGSE compte aujourd’hui environ 7 100 personnes. Ses effectifs devraient rester stables l’an prochain, avant de reprendre leur progression pour atteindre 7 800 agents en 2025. En intégrant les dépenses de personnel, les crédits de la DGSE s’établiront en 2021 à 880 millions d’euros, soit une hausse de 7,7 %.

Enfin, mentionnons également l’existence des fonds spéciaux. La part principale des 76,4 millions d’euros de fonds spéciaux va à la DGSE.

Pour porter une appréciation sur ce niveau de crédit, il faut considérer néanmoins que l’effort financier de la France dans le domaine du renseignement extérieur reste sans doute encore un peu inférieur à celui de l’Allemagne et très sensiblement inférieur à celui du Royaume-Uni.

J’en viens maintenant à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense, un service en transformation qui réoriente de plus en plus son activité sur le renseignement. Rappelons que, avec 1 500 agents, ce service doit mener un nombre très élevé d’enquêtes administratives – 311 000 l’année passée – en vue d’assurer globalement la protection de nos forces. La DRSD a donc dû beaucoup se moderniser et mettre en place des outils d’aide au traitement des dossiers en recourant notamment, et de plus en plus, à l’intelligence artificielle. Ses crédits inscrits dans le programme 144 progresseront de 12,2 %. En y incluant les dépenses de personnel, les crédits du service s’établiront à 143,2 millions d’euros.

Au vu de ces éléments, notamment des crédits du renseignement qui sont marqués par une hausse sensible, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 144. (Applaudissements sur les travées du groupe SER – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi de programmation militaire consacre un effort en hausse de 17 % à la préparation et au soutien aux activités opérationnelles. Or l’amélioration de l’activité opérationnelle n’apparaît pas comme une priorité du budget, contrairement à l’entretien programmé des matériels (EPM), qui bénéficie en 2021 de 39 % des crédits du programme, soit 4,12 milliards d’euros.

Il va m’être difficile d’aborder en trois minutes tous les sujets liés au programme 178. Aussi, j’insisterai sur quelques constats qui doivent appeler notre attention. Compte tenu des enjeux, l’actualisation de la LPM ne pourra avoir lieu que dans un projet de loi !

Premier constat : la situation de l’activité opérationnelle et de la disponibilité technique opérationnelle (DTO) n’est pas satisfaisante.

La remontée de l’activité opérationnelle aux normes d’activité de l’OTAN a été repoussée à 2025. Nos soldats ne sont donc pas assez entraînés par rapport aux normes internationales et ne le seront pas avant 2025. Cela n’est plus compatible avec le constat que nous faisons de la multiplication et du durcissement des conflits.

Deuxième constat : les capacités industrielles des acteurs chargés de la maintenance et de leurs sous-traitants doivent faire l’objet d’une grande vigilance.

Troisième constat : les crédits consacrés à l’entretien programmé du matériel devaient s’établir à 4,4 milliards d’euros par an. Nous n’y sommes pas : au total, 900 millions d’euros manqueront au cours des trois premières années d’exécution de la LPM.

D’autres facteurs s’ajoutent encore pour accroître les besoins en EPM. Certains sont conjoncturels, tels que le coût de réparation de la Perle pour 70 millions d’euros, le surcoût lié à l’utilisation d’aéronefs vieillissants ou la livraison des 12 Rafale destinés à la Grèce.

D’autres facteurs sont structurels et découlent de la mise en œuvre de la politique de verticalisation des contrats d’EPM, notamment dans le domaine aéronautique.

Ces contrats verticalisés se traduisent paradoxalement, dans un premier temps, par des surcoûts : mise en œuvre de nouvelles chaînes industrielles d’EPM, remise à niveau des stocks de pièces de rechange étatiques transférées lors de la mise en œuvre du contrat verticalisé à l’industriel.

Tous ces facteurs s’ajoutent à la projection de nos troupes sur de multiples théâtres d’opérations extérieures et à la sur-exécution des contrats opérationnels, qui avait conduit à l’inscription de 500 millions d’euros supplémentaires pour les deux dernières annuités de la précédente LPM.

Pour répondre à ces défis, l’EPM devra bénéficier d’au moins 2 milliards d’euros supplémentaires lors de l’actualisation de la LPM.

Mes chers collègues, sous réserve de ces observations et en recommandant une grande vigilance en vue de l’actualisation de la LPM, nous vous proposons d’adopter les crédits du programme 178. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le modèle de soutien des forces armées a souffert du double effet de la révision générale des politiques publiques et de la précédente loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. La commission a d’ailleurs souligné le décalage entre moyens alloués et impératifs d’efficacité, dans un contexte de haute intensité sanitaire.

Le service du commissariat des armées (SCA) a perdu 30 % de ses effectifs au cours des six dernières années. Nous veillerons tout au long de l’exécution de la LPM à ce que la direction centrale ne soit pas de nouveau confrontée à une pénurie de moyens humains, comme ce fut le cas lors de la précédente période de programmation. De même, la professionnalisation des filières du SCA dépend de sa capacité à bâtir des parcours et des carrières. Le niveau de qualification des personnels affectés par les armées au SCA doit correspondre plus systématiquement aux profils des postes.

Le service de santé des armées (SSA) a perdu 8 % de ses effectifs durant la précédente LPM. La loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 ne prévoit de remontée modérée des effectifs qu’après 2023 !

La mise en œuvre du nouveau modèle hospitalier militaire sera l’un des axes de la stratégie SSA 2030 qui est en cours de définition. Les cartes ont été rebattues par la pandémie. Les huit hôpitaux d’instruction des armées participent à l’offre de soins à l’échelle d’un territoire. À cet égard, les élus locaux doivent être étroitement associés à la définition de cette offre de soins.

La principale difficulté du SSA concerne la médecine des forces. Faute d’effectifs suffisants, les mêmes personnels supportent la charge de projection en OPEX. Le taux de projection des équipes médicales est supérieur à 100 %, malgré l’apport des réservistes et il atteint 200 % pour les équipes chirurgicales. Cette sursollicitation nuit à la fidélisation des personnels. Les conclusions du Ségur de la santé pèseront sur l’attractivité du SSA et devront sans doute être compensées dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire.

Enfin, la vaccination contre la covid en France ne sera peut-être pas intégrée aux recommandations vaccinales adressées aux militaires. Or les militaires embarqués ou déployés en OPEX doivent absolument bénéficier de mesures de protection adéquates face à la pandémie. Je souhaiterais entendre Mme la ministre sur ce sujet sensible pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, nous resserrons la focale sur l’attractivité de la condition militaire. Cette dernière, qui repose en partie sur le régime des pensions militaires, a de forts effets sur le recrutement, rendu plus difficile cette année par la crise sanitaire. Marie-Arlette Carlotti évoquera ce sujet.

Les pensions militaires viennent de faire l’objet d’un rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, le HCECM, qui montre comment les pensions militaires servent la défense en maintenant la jeunesse des troupes tout en les fidélisant.

Les règles des pensions sont particulières : liquidation possible au bout de vingt-sept ans pour les officiers de carrière, de dix-sept ans pour les non-officiers, liquidation sans décote deux ans plus tard, durée de cotisation sensiblement majorée par des bonifications spécifiques.

Ce système encourage les reconversions en milieu de carrière et sert une démographie qui doit s’accorder avec la « haute intensité ». Or, du fait des réformes paramétriques successives, l’âge moyen des militaires s’est accru de près de trois ans jusqu’en 2016, avant que la croissance des effectifs ne stoppe ce vieillissement. Toutefois, des entrées plus tardives sur le marché du travail et l’effet du chômage sur les reconversions incitent à la prudence.

Dans le système à points envisagé par le Gouvernement, les primes seraient prises en compte. En contrepartie, l’ensemble de la carrière, et non plus les dernières rémunérations, servirait au calcul de la pension. Il est difficile, dans ces conditions, de présumer de l’équilibre final, car il dépendrait à la fois du rendement du système, de la traduction des bonifications et de la décote, de la part que représentent les primes dans la rémunération – elles diffèrent selon les cadres et sont en cours de refonte –, ainsi que du profil de carrière, plus ou moins ascendant. Les modalités des réversions seraient aussi à surveiller.

Dans ce contexte, les pensions suscitent une inquiétude chez les militaires. C’est la raison pour laquelle la commission continuera à exercer son devoir de vigilance et à étudier ce sujet, que nous serons certainement amenés à creuser par la suite.

Je me suis par ailleurs intéressé aux méthodes de recrutement de l’armée de terre, à la fois innovantes et prometteuses. Elles misent sur le big data et l’intelligence artificielle pour repérer sur les réseaux sociaux les profils pertinents et leur adresser messages ou vidéos ciblés. Le ciblage s’améliore en fonction des retours.

En outre, la mise en place d’un logiciel de recrutement interarmées intitulé Sparta, pour système du parcours de recrutement des armées, facilitera le suivi et devrait raccourcir la procédure. Pour la réduire encore davantage, nous préconisons dans notre rapport pour avis de pérenniser la simplification du contrôle médical mise en œuvre pendant la crise du covid, les recrutements n’ayant plus donné lieu qu’à une visite au lieu des deux visites normalement prévues. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2021 suit le trait voulu par le Président de la République et par vous, madame la ministre, à travers la loi de programmation militaire.

Alors que nous étions engagés dans une phase de reconstitution des effectifs, marquée par un rythme de recrutement soutenu, une crise sanitaire sans précédent est intervenue. Nous avons donc voulu savoir quelles pouvaient être, à travers le programme 212, les conséquences de la covid-19 sur le recrutement et l’attractivité du si singulier métier de militaire.

Certes, la crise sanitaire a perturbé les recrutements. Au printemps dernier, au creux de la vague, alors que le déficit était de 27 000 équivalents temps plein, les armées ont été réactives et ont mis en place des innovations afin d’atteindre les objectifs, comme le maintien en service au-delà des limites d’âge, le maintien de la durée du service ou du contrat, le réengagement d’anciens militaires, l’anticipation du recrutement de contractuels ou l’assouplissement de l’organisation des concours.

En bref, une plus grande souplesse a été mise en œuvre dans les procédures de recrutement, du premier contact à l’incorporation. Les publics ont été mieux ciblés, grâce à des campagnes de recrutement mieux adaptées et plus modernes. La situation de l’emploi, c’est-à-dire la hausse du chômage, a entraîné plus de candidatures et a facilité la sélection.

L’attractivité dépend également beaucoup de la condition militaire. En 2017, une série de mesures ont été prises pour améliorer la qualité de vie des militaires et de leur famille, dans le cadre du plan Famille. À mi-parcours – et nous y sommes, madame la ministre –, il serait utile de connaître son application concrète sur le terrain, sachant que nous avons eu des retours très différents sur ce sujet.

De plus, nous avons été fortement alertés sur la vétusté des logements et des hébergements des militaires et de leurs familles. Alors que les conditions d’hébergement sont déplorables – déplorables ! –, nous n’observons toujours pas d’améliorations suffisantes aujourd’hui. À cet égard et ce serait peut-être une solution, le Val-de-Grâce va-t-il rester dans le giron de l’armée ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis. Globalement, dans le contexte de la crise sanitaire, l’armée a su s’adapter à l’urgence – nous l’indiquons dans le rapport pour avis. Ainsi, pour l’ensemble du ministère, le schéma d’emploi perdrait 112 emplois en 2020 sur les 300 équivalents temps plein prévus dans la loi de programmation militaire, soit une réalisation de 188 emplois.

En revanche, madame la ministre, nous sommes très inquiets concernant la qualité des recrutements. Depuis 2014, on assiste de manière régulière à une dégradation de la qualité des viviers et à une augmentation de l’attrition. Certes, l’augmentation des recrues est un objectif important, mais il ne doit pas être le seul. Il faut aussi cibler des profils adaptés à ce métier si prestigieux, mais si difficile. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense », elle émet toutefois plusieurs réserves.

Je regrette tout d’abord, au sein du programme 146, « Équipement des forces », l’annulation de 124 millions d’euros de crédits de paiement en loi de finances rectificative. Ensuite, je note que la solidarité interministérielle prévue par la LPM pour le financement du surcoût des OPEX et des missions intérieures (Missint) n’est pas mise en œuvre. Enfin, qu’en est-il aujourd’hui du dégel attendu de 504 millions d’euros de réserve de précaution ?

L’année 2021 doit être celle de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Cette actualisation devra consolider la programmation : ce n’est que dans la durée, d’ici à 2030, que la LPM actuelle et la suivante produiront tous leurs effets. Nous serons très vigilants, car nos trois armées ont de nombreux besoins sous-financés ou non encore programmés. Depuis trois ans, l’effort va dans le bon sens. La modernisation est en cours, mais, nous le savons tous, les marches les plus hautes restent à franchir.

Pour l’armée de terre, les deux tiers du programme Scorpion restent à contractualiser. L’effort sur les équipements « à hauteur d’homme » doit se poursuivre. Pour la marine, il est urgent de lancer le porte-avions de nouvelle génération. À cet égard, la commission préconise une propulsion nucléaire, mais la décision présidentielle est attendue depuis maintenant près d’un an.

Nous serons vigilants, car nous avons le sentiment que, entre deux LPM, le Parlement, en particulier les rapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, est mis à l’écart de la réflexion. Nous le ressentons tous, madame la ministre, je tenais à vous le dire avec la plus grande sincérité.

Il n’est pas concevable que la trajectoire financière et, donc, les ambitions de la politique de défense puissent être demain révisées en dehors de tout contrôle parlementaire. Madame la ministre, nous confirmez-vous, comme vous l’a déjà demandé le rapporteur spécial, que la voie législative est bien celle qu’a retenue le Gouvernement ?

J’en viens au contrat d’exportation du Rafale en cours de négociation avec la Grèce, qui conduit à prélever 12 avions sur nos forces et à décaler de plusieurs mois les livraisons à l’armée de l’air d’appareils neufs prévues à partir de 2022. Nous craignons des conséquences opérationnelles, voire un effet déstructurant si l’opération devait se renouveler avec la Croatie, ce que nous espérons par ailleurs.

L’exportation du Rafale est évidemment une bonne nouvelle. Ce pari de la LPM, qui est en passe d’être tenu, permettra, je le rappelle, de maintenir en activité les chaînes de production.

Des questions financières se posent : le produit de cession doit revenir au ministère des armées, sans diminution concomitante de ses ressources budgétaires Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que c’est bien ainsi que cela se passera ?

Les montants sont en cours de négociation, non seulement pour les appareils eux-mêmes, mais aussi pour les capteurs et l’ensemble du matériel qui sera cédé. La somme de 600 millions d’euros est évoquée. Celle-ci sera évidemment loin d’être suffisante pour financer l’acquisition d’avions et d’équipements neufs. Il manque plusieurs centaines de millions d’euros. Comment dégagerez-vous les crédits nécessaires, madame la ministre, alors que les budgets sont déjà conçus au plus juste ?

Nos armées, nos industriels ont besoin de perspectives de long terme, encore plus en cette année de crise et alors que la base industrielle et technologique de défense est la grande oubliée du plan de relance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la ministre, nous avons très largement abordé les questions budgétaires lors de vos nombreuses auditions devant la commission. Nous voudrions aujourd’hui que vous nous apportiez des précisions sur un certain nombre de points, qui se limiteront à trois, puisque je ne dispose que de trois minutes ! (Sourires.)

L’exportation du Rafale à la Grèce, dont nous nous réjouissons tous, Cédric Perrin l’a souligné, risque fort de poser un problème de disponibilité des avions pour l’armée de l’air et de l’espace dans les cinq ans à venir sans anticipation de notre part dès à présent. En effet, même s’ils étaient commandés aujourd’hui, les avions neufs ne seraient pas livrés avant 2025. Or, madame la ministre, vous nous avez annoncé il y a quelques semaines la commande de douze appareils neufs. La commande grecque a été annoncée au mois de septembre dernier, nous sommes au début du mois de décembre : quand ces contrats seront-ils finalisés ? Nous confirmez-vous que les commandes seront passées avant la fin de l’année ?

La France fait le pari de la coopération avec le programme de système de combat aérien du futur (SCAF) et le futur char de combat MGCS, pour Main Ground Combat System.

Pour le SCAF, le projet de démonstrateur doit impérativement être lancé en 2021. Il nous semble souhaitable de négocier un cadre global avec notre partenaire allemand plutôt qu’une suite de contrats exigeant des validations politiques successives, d’autant que l’Allemagne et la France entreront en période électorale, respectivement en 2021 et en 2022.

Madame la ministre, étant donné le rôle des parlementaires allemands, le Gouvernement n’a-t-il pas intérêt à compter davantage sur la diplomatie parlementaire française en associant les parlementaires au dialogue franco-allemand ?

Pouvez-vous également nous donner quelques informations sur les négociations avec notre partenaire espagnol et sur la place qui lui est réservée dans le programme SCAF ?

Enfin, le plan de relance de la fin de l’été ignore la base industrielle et technologique de défense. À titre de comparaison, nos voisins britanniques ont pris des mesures fortes : le Premier ministre Boris Johnson a récemment annoncé un effort massif en faveur de la défense, dont le budget augmentera de 27 milliards d’euros en quatre ans, soit 18 milliards d’euros de plus que prévu.

Ce montant est à comparer aux 600 millions d’euros de commandes que le ministère des armées s’est engagé à passer dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique. L’investissement britannique risque fort d’accélérer le programme Tempest, dont le lancement est prévu en 2035, soit cinq ans avant l’achèvement du programme SCAF. Devrions-nous être plus attentifs à ce programme, potentiellement concurrent ? En tout cas, c’est une raison supplémentaire de regretter que la défense ne bénéficie pas du plan de relance, qui aurait pu très utilement renforcer la LPM. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.  M. le président de la commission et M. André Gattolin applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans une situation économique et financière compliquée, préserver et renforcer l’état de nos fonctions régaliennes est fondamental pour garder la main sur notre destinée nationale, notre autonomie stratégique et notre souveraineté.

Plusieurs indicateurs au sein de la mission « Défense » nous inquiètent.

Tout d’abord, la situation préoccupante de notre activité opérationnelle par rapport aux armées occidentales de même standard est le signe de notre rétrogradation au rang des nations. En effet, l’augmentation de 3,3 % des crédits du programme 178 ne prend pas en compte le surcoût des opérations intérieures de 30 millions d’euros, résultat d’une situation sécuritaire explosive dans notre pays.

Le surcoût des OPEX et des missions intérieures s’élève à 1,4 milliard d’euros. Si tous les ministères ne prennent pas leur part dans ce surcoût, conformément à ce que prévoit la loi de programmation militaire, ce sont nos armées, les hommes et les femmes qui les composent, la réparation et la modernisation des équipements qui en subiront les conséquences.

Sur les quatorze indicateurs d’activité opérationnelle, un seul devrait être conforme aux normes de l’OTAN en 2021, pour nos armées de terre, de l’air et de l’espace et notre marine nationale, à l’heure où la Turquie attise les tensions non seulement en Arménie et en Libye, mais aussi en Grèce, à Chypre et en Méditerranée.

Le chef d’état-major de l’armée de terre en a fait sa priorité, « être prêt à la haute intensité », mais le Gouvernement ne lui donne pas les moyens de disposer d’équipements à la hauteur, des entraînements adaptés, d’une industrie de soutien.

Il n’est pas du tout question du porte-avions de nouvelle génération dans le projet de loi de finances. Pourquoi ne pas commencer à provisionner pour encourager les industriels ? Pourquoi ne pas en prévoir un second pour assurer notre permanence à la mer ? Nous devrions déjà contribuer financièrement en 2021 à l’avenir de cette capacité opérationnelle.

S’il faut saluer l’effort financier important en faveur de la DGSE et de la DRSD, sachons raison garder : nous ne faisons que rattraper partiellement la sous-budgétisation de ces dernières années et nous sommes encore loin des efforts consentis par nos voisins allemands et britanniques.

De la même manière, l’augmentation de 10 % des crédits alloués à la base industrielle de technologie et de défense est une dépense publique en pure perte si l’État ne soutient pas ses entreprises de défense. Ces dernières risquent des sanctions en vertu du principe d’extraterritorialité du droit américain. Elles se heurtent en outre à la frilosité des banques, qui rechignent à leur prêter de l’argent, et sont soumises à des contraintes fiscales.

Sans stratégie de souveraineté économique, ces entreprises meurent ou sont rachetées par des acteurs étrangers. Il faut donc revoir les choses en profondeur pour ne pas jeter de l’argent par les fenêtres et perdre un temps précieux dans la course à l’innovation technique, au moment où la crise vient frapper durement notre industrie de défense, notamment le secteur aéronautique.

Compte tenu de toutes ces insuffisances, de l’absence de vision et d’ambition pour notre défense nationale, je voterai contre l’adoption des crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, suivant la trajectoire de la loi de programmation militaire, le budget de la défense est en hausse de 4,6 % et atteint 39,2 milliards d’euros, soit une hausse de 21 % depuis 2017. Force est de constater que, dans la lignée de votre prédécesseur, vous défendez bien votre portefeuille, madame la ministre.

Je ne vous cache pas que, en cette période de disette budgétaire, les priorités d’action du Gouvernement, essentiellement tournées vers le régalien, ont de quoi susciter des interrogations. Le traitement de la crise n’est pas identique dans les différents ministères.

Contrairement à nos homologues allemands ou américains, les parlementaires que nous sommes sont impuissants à déterminer la stratégie de défense française, notamment en ce qui concerne les opérations extérieures. Notre rôle revient essentiellement à signer un chèque quand vous nous présentez la facture, sur laquelle nous n’avons pas notre mot à dire.

Nous pourrions néanmoins saluer cette hausse des crédits si votre action était davantage tournée vers les soldats et les personnels, notamment vers leurs conditions matérielles de vie. Or ce n’est pas tout à fait le cas : les deux tiers des montants ouverts en autorisations d’engagement sont dédiés à l’équipement des forces et un tiers seulement est consacré aux dépenses de personnel. Finalement, il reste moins de 1 milliard d’euros pour soutenir matériellement les femmes et les hommes qui servent la France. Nous sommes donc loin du budget « à hauteur d’homme » que vous aviez annoncé, madame la ministre. Un tel budget est pourtant nécessaire.

Les militaires ont besoin, outre les moyens techniques déployés en opérations, d’être accompagnés. Leurs missions sont pesantes et l’omerta est encore trop souvent la règle. Nous l’avons vu à Castres récemment : cela peut conduire à des drames.

Vous l’aurez compris, même si je salue l’augmentation des crédits alloués à l’action Contrôle général des armées, je pense qu’elle est encore insuffisante pour véritablement démocratiser des outils comme la plateforme Thémis. Au-delà de la dimension humaine, la cohésion au sein des armées est essentielle d’un point de vue stratégique.

Un budget « à hauteur d’homme » doit aussi permettre d’améliorer les conditions de vie matérielle des soldats. Or l’effort en ce sens dans ce budget est encore loin de répondre aux besoins. Ainsi, le programme Hébergement comprend 237 millions d’euros en autorisations d’engagement et le plan Famille 160 millions d’euros pour l’année 2021.

Il s’agit ici de rénover les logements des militaires, qui « ne correspondent plus au XXIe siècle », selon vos propres mots, madame la ministre. Nous partageons donc un même constat. Cependant, je pense que les logements du XXIe siècle méritent plus que le simple déploiement des réseaux wifi prévu dans ce budget. Je sais que la rusticité est une valeur chère à nos armées. Je sais aussi que les familles des militaires devraient pouvoir vivre dans les meilleures conditions. L’État doit montrer l’exemple et prévoir des travaux de rénovation de grande ampleur, par exemple pour mettre fin aux passoires thermiques.

En parlant de rénovation énergétique, nous saluons l’effort entrepris pour diminuer la consommation d’énergie de nos armées. J’ai cru relever que vous visiez l’éradication des chaudières au fioul et au charbon d’ici à 2031. Cette échéance me semble encore très lointaine, sachant que le Gouvernement a prévu, et c’est heureux, d’interdire les chaudières au fioul neuves en 2022 et d’éradiquer les chaudières au fioul d’ici à 2028.

Il serait souhaitable que la puissance publique ne soit pas à la traîne sur les objectifs qu’elle fixe aux particuliers et qu’au contraire elle montre l’exemple. Ce n’est tout de même pas comme si vous vous manquiez de moyens pour consacrer plus de 500 millions d’euros en six ans à l’amélioration des performances énergétique de nos armées !

Ces deux points, le mal-être et les conditions de vie de nos militaires, m’amènent à la question de la fidélisation. Le recrutement d’un militaire coûte 42 000 euros, je ne vous apprends rien. Fidéliser nos soldats est donc primordial pour des raisons budgétaires, mais aussi, vous en conviendrez, pour des raisons de professionnalisation et d’efficacité des armées. Pourtant, je le répète, le mal-être et les conditions de vie que nous offrons à nos militaires sont loin d’être « à hauteur d’homme ». Les problématiques de recrutement qui en résultent sont donc logiques.

Je conclurai par une remarque d’ordre plus général : la crise que connaît l’OTAN, avec le retrait américain et les provocations de la Turquie, remet sur la table le besoin d’une Europe de la défense. Cela justifierait le maintien et le développement de notre appareil militaire, notamment de la dissuasion nucléaire double, qui n’est pas dimensionnée pour le seul besoin national.

La France doit être leader dans le processus de désarmement nucléaire mondial ; elle doit faciliter le dialogue entre États nucléaires. A minima, elle doit respecter les dispositions du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dont nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire. En attendant, les puissances nucléaires modernisent leur arsenal et la perspective d’un monde sans armes nucléaires est bien lointaine.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Défense ».

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.

M. Ludovic Haye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’exprimer l’honneur qui m’est fait d’intervenir pour la première fois à cette tribune et d’exprimer devant vous la position du groupe RDPI sur la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2021.

Cette année encore, le projet de budget présenté par le Gouvernement pour la mission « Défense » est en hausse significative. Il s’élève à 39,2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 4,5 % correspondant à 1,7 milliard d’euros. Depuis la loi de finances initiale pour 2017, les crédits de la mission « Défense » ont ainsi augmenté de 22 %, soit 6,8 milliards d’euros.

Nous ne pouvons que nous réjouir du respect des engagements tenus, puisque le budget 2021 est conforme à la trajectoire établie par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 du 13 juillet 2018, et ce pour la troisième année consécutive, ce qui est relativement inédit dans l’histoire de ces lois de programmation.

Toutefois, si nous souhaitons extraire toute la quintessence de cette loi de programmation militaire, madame la ministre, il sera indispensable d’appliquer les différents budgets annoncés jusqu’à leur terme, sans quoi nos armées en perdront les principaux bénéfices.

Cet effort exceptionnel répond aux besoins de transformation et d’adaptation de nos armées à un monde sans cesse plus instable, marqué aussi bien par l’émergence de nouvelles menaces et de nouveaux espaces de conflictualité que par une course technologique effrénée.

L’effort consenti par la Nation en faveur des armées est d’autant plus remarquable qu’il s’inscrit dans un contexte budgétaire contraint en raison de la pandémie, avec les conséquences économiques et budgétaires que nous connaissons. Nous le savons tous, cet effort est nécessaire pour assurer la protection de nos compatriotes ; cela a été dit, notre souveraineté nationale en dépend.

Le budget 2021 permet de répondre au souhait d’avoir une politique de défense humaine, ambitieuse et innovante.

Humaine d’abord, car ce budget 2021 répond au besoin d’un modèle d’armée « à hauteur d’homme » complet, équilibré et soutenable dans la durée, qui affronte véritablement les défis de recrutement et de fidélisation de nos militaires, améliore les conditions d’hébergement et poursuit le renforcement des équipements d’accompagnement et de protection de nos soldats.

Ambitieuse ensuite, car, avec 21 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 13,6 milliards d’euros en crédits de paiement, le programme 146, « Équipement des forces » bénéficie de l’essentiel de cette hausse et capte une bonne partie des nouveaux crédits. Ces crédits permettront de poursuivre la remontée en puissance capacitaire de nos armées.

Je signale notamment la livraison de nombreux aéronefs et matériels terrestres avec 157 blindés Griffon et 20 blindés Jaguar dans le cadre du programme Scorpion, ainsi que d’une nouvelle frégate multi-missions de défense aérienne. Dans le domaine prioritaire du spatial, un satellite CSO (Composante spatiale optique) et un système de satellites Ceres (Capacité d’écoute et de renseignement électromagnétiques spatiale) seront également livrés.

Innovante enfin, car une armée qui innove est une armée qui construit son autonomie stratégique.

Cet élan technologique, le ministère des armées a su le saisir à plusieurs titres.

À très court terme, en matière de lutte contre la covid-19, l’Agence de l’innovation de défense a investi dans des solutions innovantes pour faire face à ce coronavirus, comme le projet MakAir de développement d’un respirateur artificiel simplifié. Il prévoit le développement des armes hypersoniques et de technologies quantiques, un virage technologique qu’il convient de ne pas manquer.

En matière d’investissement R&D de long terme, il a intensifié le partenariat public-privé en travaillant plus intimement avec des pépites françaises leader de domaines technologiques de pointe. Cet axe, malgré la création du fonds d’investissement Definnov, reste perfectible.

En matière d’anticipation, enfin, il travaille dès à présent aux conflits du futur, à l’horizon 2030-2060. Tel est l’objet du projet ambitieux Red Team, en partenariat avec l’Agence de l’innovation de défense, ou à travers notre armée de l’air et de l’espace, avec le système de combat aérien du futur, le fameux SCAF dont le démonstrateur doit être impérativement lancé l’année prochaine.

Chers collègues, nous le voyons bien, que ce soit en opérations extérieures, afin d’assurer notre souveraineté, ou sur le territoire national, nos forces armées demeurent engagées à un rythme soutenu. Je salue ici leur infaillible et infatigable abnégation.

Plus que jamais, la France doit se doter d’une armée moderne et polyvalente pouvant répondre aux nombreux défis sécuritaires contemporains, mais aussi au retour potentiel des conflits à haute intensité. Ce budget, construit à partir de la réalité opérationnelle de notre engagement militaire, redonnera à nos armées les moyens d’assurer leur mission et de tracer un chemin vers notre Ambition 2030. Il démontre à nos forces armées qu’elles peuvent à leur tour compter sur nous.

Madame la ministre, notre groupe est fier de soutenir votre action volontaire et ambitieuse, qui met un terme aux coupes budgétaires et autres renoncements infligés à nos armées ces vingt dernières années.

La pandémie de la covid-19, mais aussi des catastrophes industrielles ou naturelles ont mis en exergue l’importance de disposer d’une capacité de réaction et de résilience à la hauteur. Ces différents événements se sont effectivement traduits, ces derniers mois, par une forte mobilisation des armées et notamment du service de santé des armées (SSA), au travers de l’opération Résilience. Ce budget marque une hausse de 27 % des crédits alloués au SSA, une reconnaissance à la hauteur de leur engagement. Je rends ici hommage aux femmes et aux hommes de ces services, sans oublier les nombreux autres services.

Enfin, il faut en être conscient, un budget de la défense irrigue bien au-delà du simple périmètre militaire et contribuera de façon déterminante à la relance économique de la France et à la relance de l’emploi. Les dépenses dédiées aux équipements sont directement injectées dans des entreprises stratégiques, notamment les petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries, qui constituent l’essentiel du tissu industriel de la base industrielle et technologique de défense (BITD), composé d’environ 4 000 entreprises employant quelque 200 000 personnes. Au-delà du soutien de nos armées, ce budget est donc un plan de soutien massif à l’industrie de défense et aux emplois dans nos territoires, durement frappés par la crise.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera avec fierté en faveur de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte de conflictualité élevé que le monde connaît actuellement, le budget de la mission « Défense » invite à la plus grande vigilance quant au maintien de ses moyens.

La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 prenait acte du « retour des puissances » dans les relations internationales. C’est un fait, les ambitions militaires de la Chine, le réveil stratégique de la Russie et les visées conquérantes de la Turquie remettent en cause l’ordre multilatéral, alors même que notre pays est attaché à une régulation des relations internationales avant tout fondée sur le droit. Le ministre des affaires étrangères l’a rappelé ici même, la semaine dernière, à propos du Haut-Karabagh.

Je n’oublie pas, bien sûr, la lutte contre le terrorisme islamiste, qui impose l’adaptation de nos forces armées et de nos services de renseignement face à une menace protéiforme. À cet égard, je salue le courage de nos soldats et leurs derniers succès obtenus dans la bande sahélo-saharienne ; je pense notamment à l’élimination d’un important chef militaire malien appartenant à la branche sahélienne d’Al-Qaïda. Cette avancée s’ajoute à d’autres, qui répondent à mon sens à la question, parfois soulevée, d’un potentiel enlisement de la force Barkhane au Sahel. Comme le disait Winston Churchill, « le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal : c’est le courage de continuer qui compte ».

Il s’agit pour moi non pas de vanter une posture « va-t-en-guerre », mais de rappeler combien le basculement de pays du continent africain dans le giron terroriste serait coûteux pour les démocraties occidentales, en premier lieu bien sûr pour les populations locales. Quelles guerres se gagnent à travers le prisme du temps court ? Peu, hélas…

Dans ces conditions difficiles, on ne peut que se réjouir de la poursuite, en 2021, d’une montée en charge des moyens budgétaires de la défense, conformément à la trajectoire tracée par la loi de programmation militaire 2019-2025, même si l’effort devrait être plus important à partir de 2023, comme l’ont fait justement remarquer les rapporteurs pour avis. En attendant, les crédits de paiement de la mission augmenteront de 1,7 milliard d’euros, il faut le souligner.

On peut comprendre que le plan de relance n’intéresse pas directement la défense et qu’il soit par conséquent relativement timide pour l’armée. Cependant, en marge de la mission, je m’inquiète de l’état de l’écosystème industriel qui lui est lié. L’industrie aéronautique est en souffrance, alors qu’elle est un fleuron de notre export et représente surtout des milliers d’emplois de PME qui irriguent nos territoires.

Dans le contexte de crise économique qui frappe notre pays, je me réjouis que le ministère ait privilégié une solution nationale pour la commande de 500 missiles air-sol pour les futurs hélicoptères d’attaque. En effet, la version franco-française, le MHT (missile haut de trame) de MBDA serait privilégiée, avec 600 emplois directs à la clé.

En raison de la baisse d’activité liée à la pandémie, nous avons été nombreux, en commission, à nous être inquiétés de la réalisation des objectifs visés par la loi de programmation militaire en matière d’équipement des forces. L’agrégat des crédits « Équipement des forces » augmente cependant de 6,7 % en 2021. C’est une bonne chose, mais les livraisons seront-elles tenues, par exemple au regard de la cible de 128 blindés Griffon qui ne sera pas atteinte cette année ?

Enfin, en tant que sénateur du Var, je pense aussi aux moyens de la marine nationale. Aussi, madame la ministre, je salue les efforts entrepris depuis trois ans en sa faveur. Le nouveau sous-marin Suffren et la réussite de son tir de missile de croisière illustrent la remontée en puissance de la marine et témoignent de l’effort budgétaire de plusieurs années. Il faut cependant éviter la multiplication des ruptures temporaires de capacité qu’on a pu connaître, dans un contexte de tensions politiques et criminelles croissantes en haute mer, lesquelles entraînent un haut niveau d’engagement opérationnel de nos forces navales.

En marge de cette nécessité de donner à notre marine les moyens de ses missions, je me réjouis de la poursuite du plan Famille. Il est fondamental de porter une attention soutenue à la vie quotidienne de nos marins, en retour de l’abnégation que suppose leur vie à bord.

Pour terminer, je profite de cette tribune pour saluer particulièrement le travail de tous les ingénieurs, techniciens et ouvriers de nos arsenaux, qu’ils soient de Brest, de Cherbourg, de Toulon, de Cuers-Pierrefeu et d’ailleurs. Ils exercent tous un travail difficile d’une grande technicité à bord de nos navires et de nos sous-marins, dans des milieux exigus et souvent dans un environnement inconfortable. Je salue les amis Sorbiers, qui se reconnaîtront ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime au nom de mon groupe, Les Républicains, mais permettez-moi en préambule, en tant que président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de remercier très chaleureusement les rapporteurs pour avis et les intervenants du travail exceptionnellement utile qu’ils ont réalisé sur ce budget de la défense.

Madame la ministre, en cette période de crise, la Nation demande toujours plus à ses soldats et ils sont au rendez-vous : le renforcement de l’opération Sentinelle après les attentats, les opérations Résilience pour la crise sanitaire, l’opération Amitié pour le Liban se sont mises en place, alors que nos opérations se poursuivaient dans la bande sahélo-saharienne et au Levant, à un rythme particulièrement élevé. En cet instant, avec vous tous, j’ai une pensée pour les 35 000 hommes et femmes de nos forces armées, déployés sur le territoire national comme à l’extérieur.

Cette année, je le rappelle, dix militaires français ont payé de leur vie leur engagement, et je tiens ici, en notre nom à tous, à leur rendre encore un ultime hommage. Ce sont ces soldats, ces marins, ces aviateurs, dont l’abnégation et le courage forcent l’admiration. Ils sont l’excellence de nos armées. Ce sont eux qui, si souvent, sont en première ligne, face à la dégradation du contexte stratégique.

Malheureusement en effet, les tendances identifiées par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 ne cessent de se confirmer et même s’aggravent.

Le terrorisme djihadiste, tout d’abord, se maintient et se recompose, malgré les défaites de Daech, imposées en bonne partie par nos armes, sur le champ de bataille. Il continue de répandre son idéologie mortifère sur tous les continents, singulièrement en Europe. Notre pays a encore été cette année durement éprouvé.

On note ensuite retour des États puissances : l’actualité ne cesse de nous en donner des exemples et, à nos portes, la Méditerranée en est le théâtre. La Turquie n’hésite plus à user de la force militaire, la Russie se place en position centrale, tandis que l’Europe paraît plus qu’hésitante, préférant bien souvent les condamnations verbales, qu’il faut âprement négocier, aux démonstrations de puissance qui ne correspondent ni à sa culture ni à l’ambition d’un certain nombre de ses membres.

L’escalade récente de la violence dans le Haut-Karabagh nous montre dans quelles impasses nous conduit cette impuissance. L’élection d’un nouveau président des États-Unis changera-t-elle la donne ? Rien n’est moins sûr, car, nous le savons, les États-Unis réorienteront durablement leur effort militaire vers l’Indopacifique. Tous nos partenaires européens feraient bien de le comprendre et de continuer d’avancer dans le sens du renforcement de l’autonomie stratégique européenne.

Dans ce contexte, avec 39,2 milliards d’euros, la mission « Défense » de ce projet de loi de finances, le troisième depuis l’adoption de la loi de programmation militaire, est conforme à la trajectoire prévue. Peut-on néanmoins faire comme si rien ne s’était passé au cours de l’année 2020 ? Peut-on ainsi considérer que la LPM de 2018 constitue en elle-même un plan de relance suffisant pour répondre à la grave crise, non seulement sanitaire, mais aussi économique et géopolitique, que nous traversons actuellement ?

Oui, l’effort sur la condition du personnel se poursuit, avec l’amélioration très nette des conditions d’hébergement et la poursuite du plan Famille. Nous vous en devons personnellement la reconnaissance, madame la ministre, car c’est votre marque dans cette loi de programmation militaire, je tenais à le dire ici.

Oui, les nouveaux matériels arrivent : cette année a été notamment marquée par la livraison du nouveau sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren après le succès de ses essais à la mer. Le premier tir de missile de croisière naval depuis ce SNA inaugure pour notre pays une nouvelle capacité stratégique, qui sera décisive pour nos armées. L’entretien programmé du matériel a bénéficié d’un effort important. Autant dire que c’était vraiment nécessaire, vu la détérioration de la disponibilité des équipements au cours de la précédente période de programmation.

Il restera à franchir les marches financières importantes à compter de 2022, cela a été souligné à plusieurs reprises, car la partie la plus importante de l’effort a été repoussée sur les dernières années de programmation. Pourrons-nous les franchir ? C’est l’espérance que nous formulons ici.

Par ailleurs, comme chaque année à la même période, la fin de gestion vient un peu tempérer notre satisfaction. Le surcoût des opérations extérieures et des missions intérieures en 2020 s’est révélé une fois de plus supérieur aux montants provisionnés. Le solde s’élève à 236 millions d’euros : il est financé par des redéploiements ou des annulations de crédits, dont 124 millions d’euros prélevés sur le programme « Équipement des forces » par la loi de finances rectificative. Ce n’est pas toujours le bon signe qui nous est envoyé.

Dans ce budget, une fois de plus, il semble que l’on ignore l’article 4 de la LPM, qui prévoit une solidarité interministérielle pour le financement de ce surcoût ; nous le déplorons. Des incertitudes subsistent par ailleurs concernant le dégel de 504 millions d’euros de réserve de précaution, ce qui est là aussi assez classique en cette période de l’année.

Venons-en aux autres sujets. Le ministère des armées, nous vous l’avons dit en commission, devra bénéficier du produit de la cession des 12 avions Rafale prélevés dans le budget de l’armée de l’air et de l’espace au profit de la Grèce. L’intérêt de cette vente n’échappe à personne, puisque c’est le premier pays européen membre de l’Union européenne et de l’OTAN qui s’approvisionne en Rafale en France. Cependant, des crédits supplémentaires seront nécessaires pour l’achat d’appareils neufs, que nous souhaitons voir se concrétiser le plus vite possible. Le respect des objectifs de la LPM dans le domaine de l’aviation de chasse en dépend fortement.

Vous avez pu entendre à travers les interventions de nos rapporteurs une inquiétude, parce que la crise économique est une bombe à retardement pour notre industrie de défense. Les carnets de commandes passés ont masqué la crise en 2020, mais les prochaines années risquent d’être dévastatrices. Les entreprises duales ont été immédiatement touchées par la violence du choc subi par le secteur aéronautique. Dans ce contexte, nous regrettons que la base industrielle et technologique de défense (BITD) ne bénéficie pas suffisamment du plan de relance. Le maintien des crédits de la LPM peut malgré tout rassurer, même si ce n’est pas toujours le sentiment de nos industriels.

L’aéronautique a bénéficié d’un plan de soutien, mais aucune mesure spécifique n’a été prise à l’intention des industries terrestres et navales. Nous tenons à vous faire part de leur inquiétude. Chacun connaît pourtant le potentiel de la BITD : ce sont 200 000 emplois de haute technologie, non délocalisables, des milliers de PME irriguant nos territoires. C’est un secteur capable de transformer rapidement la commande publique en croissance, en emplois et en recettes fiscales. Dès lors, pourquoi s’en priver, alors que l’économie connaît une récession exceptionnelle par son ampleur et que les besoins en matière de défense restent criants ?

L’actualisation de la loi de programmation militaire, prévue en 2021, apportera peut-être des réponses. Madame la ministre, je vous pose la même question que le rapporteur spécial : est-ce bien une loi qui est envisagée pour cette actualisation ? Faites en sorte que nous ne soyons pas mis devant le fait accompli, face à des arbitrages opaques sur lesquels les parlementaires n’auraient aucun droit de regard.

Vous savez le soutien que le Parlement vous a apporté pour la LPM (Mme la ministre acquiesce.), il en sera de même pour son actualisation. Il va de soi que seule une loi peut modifier, compléter ou actualiser une loi. L’actualisation de la LPM devra être un rendez-vous de transparence démocratique, car ses enjeux sont essentiels. Chaque euro comptera. De grands programmes doivent être sanctuarisés : le système de combat aérien du futur, le char du futur, le porte-avions de nouvelle génération. Des questions restent en suspens et nous devrons en débattre.

Au-delà de ces programmes phares, au-delà du renouvellement indispensable de notre dissuasion nucléaire, c’est bien notre modèle d’armée complet, gage de notre souveraineté, qui est en jeu. L’effort de défense représentait 1,82 % du PIB en 2019. Une récession de l’ordre de 10 % portera naturellement cet effort à 2 %, avant même l’échéance de 2025 fixée par la LPM.

Si l’économie décroît, les risques stratégiques ne connaissent, eux, aucune décroissance. C’est sur ces risques que doit être indexé l’effort de défense, et non sur un PIB qui s’effondre. L’indicateur de 2 % n’est de notre point de vue plus tout à fait adapté.

Nous comptons donc sur votre détermination, madame la ministre, et sur l’examen parlementaire du futur projet de loi d’actualisation, pour qu’au-delà de 2021 l’effort continue d’être, dans la durée, à la hauteur des enjeux : la force de nos armées et la paix en dépendent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Louis Lagourgue. « Les nations ne peuvent pas avoir de tranquillité sans une armée ; pas d’armée sans une solde ; pas de solde sans des impôts », disait Tacite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pendant quelques années, notre pays a cru pouvoir faire bon marché de sa tranquillité. La dynamique s’est récemment inversée, et c’est heureux.

Avec le Brexit, et même si des coopérations se poursuivent, l’armée française demeure en effet la seule armée d’envergure au sein de l’Union européenne. La France participe activement à la protection du continent, notamment depuis les pays Baltes. Cette défense nécessite également d’anticiper le développement de menaces, parfois hors de nos frontières. Nos soldats luttent ainsi dans la bande sahélo-saharienne et au Levant contre les groupes armés terroristes, et ce pour la sécurité des populations locale, européenne et française.

En plus de ces opérations extérieures, notre armée s’est progressivement vu confier des missions intérieures dans le cadre du plan Vigipirate, mais aussi dans celui de la lutte contre la pandémie. Force est donc de constater que, si notre armée joue pleinement son rôle dans la protection des Français, elle ne se bat pas seulement pour assurer la sécurité de notre nation.

Devant l’étendue de la tâche, il est impératif que nous nous assurions que nos soldats disposent des moyens suffisants pour mener à bien leurs missions. Si la pandémie a vocation à prendre progressivement fin, rien ne permet cependant de penser que le niveau d’engagement de l’armée sur d’autres missions est appelé à diminuer à l’avenir. Dans un contexte instable, les Français comme les Européens devront en effet assurer eux-mêmes leur sécurité. Si nos partenaires européens venaient à rester immobiles sur le sujet de la défense, la France aurait encore davantage intérêt à continuer d’entretenir et de renforcer ses capacités militaires.

Nous nous félicitons à cet égard que la trajectoire poursuive les objectifs fixés par la LPM. L’actualisation de nos objectifs restera particulièrement importante pour que nous disposions en permanence des moyens d’assurer notre sécurité, dans un contexte toujours changeant.

La situation économique constitue une source majeure de préoccupation, car une croissance durablement diminuée mettra en péril le financement de notre force : 2 % d’un PIB amputé par la récession seront-ils suffisants pour affronter les menaces qui pèsent sur nous ? Ces menaces sont évolutives, mais force est de constater que la tendance générale est à la montée des tensions, que ce soit en Méditerranée, en Afrique ou encore en Orient.

« L’armée, c’est la nation », disait Napoléon. L’une et l’autre doivent donc se soutenir. Nous regrettons que le plan de relance ne prévoie pas davantage de mesures en faveur du développement de nos capacités militaires. Nous avons pourtant la chance d’avoir en France une industrie de défense de pointe. Le monde nous l’envie, et nous l’envie parfois activement, comme nous l’a montré la récente tentative d’acquisition de la start-up Preligens. Nous avons la possibilité de créer de véritables synergies en investissant pour notre défense, de développer des matériels et des savoir-faire de pointe tout en soutenant l’économie et l’emploi en France. Ne négligeons pas ces opportunités.

Nous sommes par ailleurs très attentifs aux conditions de vie de nos soldats, notamment au sort qui sera réservé au Val-de-Grâce. Le logement des militaires en Île-de-France doit être amélioré.

Les années à venir seront difficiles à bien des égards. Pour assurer notre tranquillité et celle de nos alliés, nous devrons veiller à continuer d’investir suffisamment pour nos armées. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, lors de l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », Michelle Gréaume a souligné le déséquilibre entre l’évolution des moyens de notre diplomatie et celle, beaucoup plus rapide, des moyens de défense. La trajectoire de la LPM, en forte augmentation depuis trois ans, dont l’accélération est prévue de façon plus nette encore dans la seconde partie de sa mise en œuvre, fait en quelque sorte de nos armées notre vitrine diplomatique. Est-ce bien là le sens que nous devrions donner à l’action extérieure de la France ?

Notre budget militaire, avec une augmentation de 4,5 % cette année, atteint 39,2 milliards d’euros. On peut, comme vous le ferez, madame la ministre, se féliciter de cette augmentation programmée et respectée. On peut aligner les chiffres de la livraison promise et effective de nouveaux équipements : Griffon, Jaguar, fusils d’assaut, nouveaux avions MRTT (Multi Role Tanker Transport), hélicoptères, frégates…

Il est vrai que ces chiffres contiennent une part de remise à niveau nécessaire de nos capacités opérationnelles et de nos équipements, mais aussi du traitement et de la condition de nos militaires et de leurs familles : je pense au plan Famille, à l’hébergement, à l’augmentation des soldes, aux petits équipements. Je note toutefois que le service de santé des armées (SSA), auquel vous connaissez l’attachement de notre groupe, reste en souffrance.

Je veux insister sur un point : l’autosatisfaction sur des dépenses en augmentation ne suffit pas à dire, dans ce monde bouleversé et mouvant, si nous sommes sur la bonne trajectoire en matière de défense, quand tant d’incertitudes et d’évolutions géostratégiques nous interrogent.

Vers quelle armée, vers quel outil de défense nous conduit la forte augmentation actuelle des crédits ? Telle est la question qu’il faut se poser, me semble-t-il.

Madame la ministre, vous revendiquez la construction d’une armée tournée vers des engagements de haute intensité. Ce que nous construisons d’abord et surtout, c’est une armée massivement tournée vers la présence et les opérations extérieures. Ainsi, 13 000 de nos militaires sont déployés sur le territoire national, quand 5 100 le sont au Sahel dans l’opération Barkhane. Il y en a également 3 750 dans nos bases militaires au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, à Djibouti et aux Émirats arabes unis, 600 dans l’opération Chammal en Irak et Syrie, 4 500 en mission maritime sur les mers du monde et 400 auprès de l’OTAN.

La structure de déploiement vers laquelle nous ne cessons d’évoluer est donc claire et elle mériterait pour le moins un débat stratégique. J’espère par exemple que nous pourrons débattre de la poursuite, ou non, de l’opération Barkhane.

D’autres questions se posent toutefois. Par exemple, combien coûte et à quoi sert notre base aux Émirats arabes unis (Mme Nathalie Goulet sexclame.), forte de 650 militaires ? Quand et où parlons-nous sérieusement de cela ?

Nos engagements financiers au titre de l’Europe de défense augmentent. Au service de quel projet stratégique toutefois ? L’« autonomie stratégique européenne », nous répète le Président de la République. Or c’est exactement le contraire de ce que vient de déclarer la ministre allemande de la défense, qui parle d’en finir avec « l’illusion de l’autonomie stratégique » et pour qui l’OTAN reste l’unique boussole stratégique.

L’avenir de nos industries nationales de défense est une autre question majeure. Vous en faites un argument de soutien à la relance. De quelle relance parlez-vous ? De la relance du soutien à la conception de programmes d’armement adaptés à nos besoins de défense, ce qui serait une bonne chose, ou plutôt de la relance de programmes tournés vers l’exportation et la vente d’armes, guidés par l’engrenage d’une hypersophistication technologique, génératrice de surarmement ? À nos yeux, ces questions doivent être posées avec clarté.

Nous serions, pour notre part, par exemple favorables à une augmentation plus rapide du fonds d’investissement visant à sauvegarder nos sociétés d’intérêt stratégique, ainsi qu’à la reconstruction d’une filière nationale de production de munitions de petit calibre. Le paradoxe est que nous n’en avons plus, alors que Thales aide l’Australie à s’en construire une !

Enfin, j’en viens à l’avenir de notre dissuasion nucléaire, dans laquelle nous investissons cette année 5 milliards d’euros, sans compter le coût de lancement des études sur un nouveau porte-avions. Cela mérite un débat approfondi et sans tabou, au moment où s’approchent de nouvelles ruptures technologiques et où la fin du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, dénoncé par Donald Trump, risque de conduire à une nouvelle escalade extrêmement inquiétante.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, c’est plus d’une revue d’intérêt stratégique de nos priorités budgétaires que d’une litanie de crédits à la hausse que nous estimons avoir besoin. La relance tous azimuts d’une course au surarmement technologique redevient un facteur majeur d’insécurité collective. À nos yeux, le temps est venu de procéder à la révision des objectifs de la LPM.

En l’état, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Alain Cazabonne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 25 mars dernier, dans le contexte de la crise de la covid, le président Emmanuel Macron lançait l’opération Résilience.

Cette opération a été la contribution des armées contre la propagation du virus. Centrée sur l’aide et le soutien aux populations, ainsi que sur l’appui aux services publics pour faire face à cette épidémie en métropole et en outre-mer, elle a apporté un soutien déterminant dans les domaines de la santé, de la logistique et de la protection. Elle a permis le transfert de 146 patients pour décongestionner les services de réanimation de l’est de la France, ainsi qu’une meilleure répartition des personnels soignants. Nous tenons ici à remercier les effectifs largement impliqués dans la lutte contre cette pandémie et à leur rendre hommage.

Notre pays se voit confronté à un environnement stratégique à la fois instable et menaçant. Après des décennies de déflation, la LPM entend accorder des moyens aux armées, afin de remédier aux carences du passé et de permettre une remontée en puissance, tout en préparant l’avenir d’une défense nationale adaptée aux défis et conflits du XXIe siècle.

Il faut se servir de l’expérience passée. Je rappellerai l’accueil extraordinaire qui a été réservé à Édouard Daladier et à Neville Chamberlain après les accords de Munich, ainsi que le mot cinglant de Winston Churchill : « Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre ; vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. » Il est donc extrêmement important – certes, on sait que c’est difficile – de définir une politique lorsque des conflits approchent.

Dans ce contexte d’engagement, nos armées doivent être particulièrement soutenues. Le soutien est bien là depuis plusieurs années, et il ne devrait pas être amené à fléchir.

Je pense par exemple à la décision du Président de la République d’envoyer dans le cadre l’opération Barkhane, en début d’année, 600 soldats supplémentaires en renfort dans la zone dite des trois frontières, au Sahel, en plus des appuis aériens.

Le budget pour 2021 de la mission « Défense » respecte les engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Alors que le risque de conflit dans le monde s’accroît et que la France connaît une crise économique liée à la crise sanitaire dont on ne connaît pas encore toute l’ampleur, il était impératif de ne pas raboter le budget des armées et d’en refaire, comme autrefois, une variable d’ajustement. Face à un monde de plus en plus instable et dangereux, renoncer aux moyens de sa puissance et de sa protection serait de la folie.

Répondant à ces besoins importants et croissants, et restant fidèle à la trajectoire tracée par la LPM, le projet de budget que nous examinons est au rendez-vous des engagements pris. Il prévoit en effet une augmentation de 4,5 % par rapport à 2020, avec 1,7 milliard d’euros des moyens accordés à la défense, hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Sur le plan capacitaire, nous nous félicitons et saluons la livraison de nombreux équipements, ainsi que les différentes commandes prévues en 2021. Je pense par exemple aux systèmes de drones tactiques SDT, aux engins blindés de reconnaissance ou encore aux avions de transport et de ravitaillement A330 MRTT Phénix. Il s’agit ici de signes visibles et concrets de la remontée en puissance des armées. Cette arrivée de matériels témoigne des efforts et des progrès accomplis en termes d’innovation.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, nous sommes plutôt satisfaits à la lecture de ce budget. Cependant, je souhaite appeler votre attention sur quelques points de vigilance.

Le premier de ces points, et non des moindres – il a été évoqué –, est la question de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Le Parlement reste dans l’incertitude à cet égard. L’actualisation doit intervenir en 2021. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est à plusieurs reprises interrogée sur la forme que cela prendra et sur le calendrier. À l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Défense », pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous nous interrogeons également sur le prochain porte-avions de nouvelle génération, qui aura vocation à remplacer le Charles-de-Gaulle à l’horizon 2038. Les arbitrages sur ce dossier seront-ils rendus prochainement ?

Cette année encore, le projet de loi de finances initiale est grevé par le surcoût généré par les OPEX et les missions intérieures (Missint). En 2020, ce surcoût intègre notamment le renforcement des effectifs de l’opération Barkhane, la création de la task force Takuba, qui relève des OPEX, ou encore l’opération Résilience, qui relève des Missint. Le montant des surcoûts OPEX et Missint s’élève à 1,461 milliard d’euros, après 1,398 milliard d’euros en 2019.

Je souhaite également revenir sur la fidélisation de nos forces. Les crédits de personnels sont en hausse de 179 millions d’euros dans ce projet de loi de finances, ce qui représente une augmentation de 1,5 %. L’année 2021 sera en effet la première année de la mise en œuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires.

Le plan Famille, lancé voilà trois ans, est essentiel à cette démarche de fidélisation. En 2021, il se traduira par la poursuite des efforts en matière de construction d’hébergement, de crèches et de logements, en métropole comme en outre-mer, d’amélioration des conditions de vie en garnison, d’action sociale et d’accompagnement des conjoints à l’emploi ou à la mobilité. Si certaines de ses mesures sont perçues très positivement par les militaires, des avis plus contrastés ont été exprimés sur la situation du logement et les conditions d’hébergement dans les enceintes militaires.

Dans son rapport spécial fait au nom de la commission des finances, Dominique de Legge, dont je salue ici le travail, ainsi que celui de tous les rapporteurs pour avis, estime même que tout cet effort de fidélisation pourrait être compromis par le retard pris en matière d’infrastructures et de logement. La question des pensions de retraite militaires fera également l’objet d’un suivi très scrupuleux de la part de notre commission.

Enfin, nous ne pouvons que constater que la défense est la « grande oubliée » du plan de relance. Elle n’est concernée qu’au titre de l’accélération des commandes d’aéronefs, à hauteur de 600 millions d’euros. Le plan de relance vise à soutenir les secteurs qui souffrent et à provoquer un effet levier. Or cet effet est généralement particulièrement dynamique dans l’industrie de la défense. Dans ce secteur d’activité, l’efficacité de l’investissement public en matière d’emploi est bien supérieure à ce qu’elle est dans tous les autres.

Madame la ministre, le groupe UC votera les crédits de la mission « Défense » et sera tout à fait attentif à l’évolution des points soulevés dans cette intervention. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Gilbert Roger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec 39,2 milliards d’euros, en hausse de 4,5 %, le projet de budget des armées pour 2021 apparaît toujours comme une priorité nationale. La loi de programmation militaire 2019-2025 est respectée, ce dont je ne peux que me féliciter.

À y regarder de plus près toutefois, c’est l’arrêt des usines d’armement pendant le confinement qui a facialement préservé l’exercice 2021, puisque cela a conduit le ministère à ne pas dépenser 1,1 milliard d’euros de crédits. Ces crédits non consommés ont permis de couvrir les dépenses nouvelles de 2020, notamment les surcoûts des opérations extérieures. Ces derniers devraient atteindre un record inégalé, avec 1,6 milliard d’euros à la fin de l’année 2020, soit 500 millions d’euros de plus que prévu, en raison du renforcement de l’opération Barkhane, de l’opération de secours menée au Liban, mais également du soutien à la lutte contre le covid.

Il faut y ajouter les surcoûts liés aux missions intérieures, avec la montée en puissance de l’opération Sentinelle et ses 7 000 soldats mobilisés. Si l’on s’en tient à l’article 4 de la LPM, les surcoûts OPEX et Missint devraient être financés par la solidarité interministérielle. Or, comme l’a souligné M. le président de la commission des affaires étrangères, cet article n’a jamais été appliqué depuis son entrée en vigueur.

Il est un sujet de préoccupation sur lequel le projet de budget est silencieux : les 18 avions Rafale que la France doit fournir à la Grèce, 6 neufs et 12 d’occasion. Cette opération risque de laisser un surcoût pour l’armée évalué à 1 milliard d’euros. Le produit de la vente de ces Rafale est estimé à 400 millions d’euros. Si la possibilité d’une rétrocession de ces produits via un compte d’affectation spéciale a été évoquée, les recettes de vente seront inscrites au budget général de l’État, et non au budget du ministère des armées. Certes, madame la ministre, il vous revient de négocier la rétrocession de cette vente, mais cette négociation entre votre ministère et Bercy est loin d’être garantie.

Enfin, l’autre conséquence immédiate est l’affaiblissement de nos capacités opérationnelles d’ici à 2025 : retirer 12 Rafale sur 102, c’est diminuer la flotte de plus de 10 %. Madame la ministre, avez-vous signé le bon de commande pour les Rafale au profit de nos armées ?

Le coût des réparations à la suite de l’incendie du sous-marin nucléaire Perle est aussi un élément de préoccupation.

L’industriel était assuré à hauteur de 50 millions d’euros. La facture pour l’État s’élève à 60 millions d’euros et inclut la réparation de la Perle et la prolongation du Rubis. Rapporté au budget global de la défense, ce coût représente un choc financier majeur.

Les décisions prises sur le futur porte-avions de nouvelle génération, dont le programme devrait être prochainement lancé, sont un autre sujet d’inquiétude. Madame la ministre, pourriez-vous nous confirmer le calendrier de conception et de construction du nouveau porte-avions ? Quid d’une prolongation du Charles-de-Gaulle au-delà de 2038 ? Est-il envisageable qu’il reste déployé en Méditerranée, comme je vous le suggère dans le rapport d’information qu’Olivier Cigolotti et moi-même avons rédigé ?

Aux inquiétudes que je viens d’exprimer quant au respect de la trajectoire de la LPM s’ajoute la crise que traversent les industries de défense, cela a été souligné. Malgré la mise en place au mois de mai dernier d’un guichet spécifique pour les PME, ainsi qu’un plan de rattrapage capacitaire, la situation est très préoccupante : fragilisation des chaînes de production, difficultés avec les banques, fonte des marchés à l’export, menace d’une multiplication de rachats par des sociétés étrangères prédatrices. On peut citer l’exemple de Photonis, qui a échappé in extremis à un rachat par l’américain Teledyne.

J’en viens aux incertitudes de la coopération européenne alors que la LPM mise sur son développement. L’autonomie stratégique européenne nécessite de partager une vision commune des menaces, mais aussi d’avoir la volonté de renforcer l’indépendance et la capacité d’innovation des industries européennes du secteur. Or le Fonds européen de défense est reconduit avec un budget amputé de moitié. Est-ce un bon signe à adresser à nos partenaires, en particulier allemands ? Je ne le crois pas.

Comment, dans un tel cadre, rester compétitifs en matière de recherche et d’innovation technologique, alors que l’Europe est confrontée à un environnement de plus en plus compétitif ?

La culture commune en matière de défense est à construire. Il est nécessaire que toutes les initiatives nationales fonctionnent de façon complémentaire, avec un objectif unique. Or cet objectif n’existe pas encore. C’est tout l’enjeu de la boussole stratégique. Nous avons proposé que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’empare du sujet.

Cette coopération européenne doit aussi se traduire dans les faits. Au mois de février dernier, la France et l’Allemagne ont lancé la première phase du programme de système de combat aérien du futur (SCAF). Cependant, une interrogation demeure sur la sécurisation des financements. De même, il faut également considérer l’important effort des Britanniques, à hauteur de 1,74 milliard d’euros pour la recherche militaire.

Madame la ministre, pour les raisons que j’ai indiquées et dans l’attente des réponses que – nous l’espérons – vous nous apporterez, le groupe SER votera les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour la mémoire de nos militaires disparus et rends hommage à l’engagement de tous ceux qui participent à la défense de notre pays et œuvrent pour la paix et la sécurité, en France et à l’étranger, ainsi qu’à leur famille. N’oublions jamais en effet que les proches d’un militaire représentent le soutien indispensable et l’ancrage qui participe aussi à la réussite de leur mission.

Madame la ministre, vous nous présentez un budget de la défense pour 2021 conforme à vos engagements et à la trajectoire de la LPM. Nous observons avec satisfaction que les crédits de paiement s’élèvent à 39,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,6 milliard d’euros, dont une grande part sera consacrée au programme 146.

Ce fléchage vers le renouvellement des matériels est à souligner du fait de la très grande attrition et de l’obsolescence des matériels utilisés sur les théâtres d’OPEX. Il faut une politique de maintien en condition opérationnelle (MCO) plus réactive, capable de mieux anticiper les besoins des hommes sur le terrain. Il y va du principe même de notre capacité opérationnelle. Des efforts ont été réalisés en amont avec les industriels, et nous nous en félicitons.

Néanmoins, la question se pose encore plus avec les conséquences de la covid, qui n’ont pas épargné l’industrie française de défense, grands groupes ou PME, en France et à l’étranger, avec un lourd impact sur les trésoreries et les capacités de production.

Les efforts de la direction générale de l’armement (DGA) en direction des 1 000 PME sous-traitantes des fournisseurs sont bienvenus, mais restent insuffisants en comparaison des autres pays, dont les usines ont poursuivi leur activité.

Nous regrettons que le plan de relance ne concerne la défense qu’au titre de l’accélération de commande d’aéronefs, et pour 600 millions d’euros.

À cela s’ajoutent les très grandes difficultés pour les sociétés françaises à trouver des soutiens financiers, les banques restant trop frileuses vis-à-vis du secteur de la défense. C’est ubuesque.

À titre de comparaison, les Britanniques ont annoncé qu’ils consacreront à leur défense près de 27 milliards d’euros sur les quatre prochaines années, ce qui en fait le deuxième contributeur budgétaire au sein de l’OTAN, après les États-Unis. Cette décision, qui n’est pas seulement liée au Brexit, entraînera la création de 10 000 emplois et de nouvelles capacités, quand nous supprimons des postes militaires dans nos ambassades. Pourtant, avec la dégradation de l’environnement sécuritaire, jamais nous n’en avons eu autant besoin.

Sur le volet capacitaire toujours, comment imaginer que nos capacités resteront inchangées à la suite du prélèvement des 18 avions Rafale sur la flotte de l’armée de l’air ? C’est l’incarnation de la politique du « en même temps » : d’un côté, vous augmentez les crédits des programmes 146 et 144 ; de l’autre, vous amputez l’armée de l’air de 25 %.

Comment obtenir la garantie que le produit de cessions des Rafale à la Grèce reviendra au budget des armées, alors même qu’il ne bénéficie plus de la solidarité interministérielle pour le financement des OPEX ?

Il y avait l’option d’un compte d’affectation spéciale, mais ce serait un retour en arrière en termes de « sincérisation » budgétaire, car c’est un retour à la logique du financement par recette exceptionnelle, comme sous le précédent quinquennat.

En outre, nous devons reconnaître – hélas ! – que notre soutien matériel à la Grèce est lié à une incapacité politique et stratégique de l’Alliance et de l’Union européenne vis-à-vis de la Turquie. En tant que vice-présidente de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, très attachée aux valeurs de l’Alliance, je ne peux que regretter la faiblesse des réactions de cette organisation, de l’Union européenne et de leurs États membres face à des agressions caractérisées envers un autre État membre, Chypre, et envers des pays partageant les valeurs otaniennes, comme l’Arménie. Dans cette affaire, la France subit une double peine : du point de vue diplomatique et du point de vue de son outil militaire.

La politique de fidélisation des armées, enjeu majeur pour leur avenir, constitue un autre sujet primordial. Recruter, c’est bien ; préserver et conserver les effectifs, c’est mieux. Pour cela, la mise en place d’une véritable politique dédiée au quotidien des familles prenant en compte la spécificité de l’état militaire est cruciale.

Nous saluons les 95,5 millions d’euros pour 2021 pour le renouvellement du parc locatif et l’augmentation des places d’hébergement, notamment dans les zones tendues. Sur ce point, madame la ministre, pourriez-vous nous dire où en sont les discussions avec la maire de Paris ?

Le Val-de-Grâce, contre la fermeture duquel je m’étais beaucoup élevée, sera cédé en 2024. Pour quoi, à qui et pour combien ? Pourquoi ne pas l’avoir réhabilité pour les acteurs de la défense ?

N’oublions pas non plus que les infrastructures dédiées à l’hébergement des militaires doivent répondre à des critères de sécurité, les militaires étant eux-mêmes des cibles.

Enfin, je tiens à vous remercier de l’ouverture d’une journée défense et citoyenneté (JDC) en ligne, accessible aux Français de l’étranger, tout en rappelant l’importance du présentiel pour nos jeunes qui participent à cette journée, dès que la crise covid sera derrière nous.

Madame la ministre, je vous remercie de prendre en compte ces observations. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’en venir à la présentation proprement dite du projet de budget pour 2021, je tiens à mon tour à saluer la mémoire du président Valéry Giscard d’Estaing.

C’est un homme qui a défendu toute sa vie le projet européen. Comme son successeur, François Mitterrand, il a contribué à porter très haut l’amitié franco-allemande, qui en est le socle.

N’oublions pas que le président Giscard d’Estaing avait un lien particulier avec nos armées. Il s’était engagé à dix-huit ans pour la libération de Paris, puis dans la Première armée. Il a été cité à l’ordre de celle-ci et décoré de la croix de guerre 1939-1945. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC, Les Républicains et SER, ainsi quau banc des commissions.)

Chacun le sait, c’était un ancien élève de l’École polytechnique. Lorsqu’il accéda, en 1974, à la présidence de la République, il engagea une profonde modernisation de nos forces armées. Au cours de son septennat, une loi de programmation militaire fut adoptée. C’est à cette occasion que fut lancé l’équipement de nos armées en fusils Famas, ces fusils que nous sommes progressivement en train de remplacer par le HK416, dans le cadre de la LPM 2019-2025.

Nous voyons là toute la continuité qui peut exister d’une loi de programmation à l’autre : nous agissons dans le temps long.

En outre, les premières études sur un porte-avions nucléaire ont été lancées à cette époque.

Je ferai un dernier lien entre le passé, le présent et l’avenir : c’est dans cette loi de programmation 1977-1982 qu’a été prise la décision de lancer le programme des sous-marins nucléaires d’attaque Rubis. Je vois dans le fait que nous ayons réceptionné le premier exemplaire, le Suffren, qui prend la succession des sous-marins de la classe Rubis un signe tout à fait marquant de la continuité des actions et des décisions qui sont prises pour la France.

C’est avec une grande fierté que je vous présente aujourd’hui le projet de budget pour 2021 de la mission « Défense », qui, pour la troisième année consécutive, respecte à la lettre les engagements et la trajectoire financière de la loi de programmation militaire.

Ce budget est la marque du respect de l’engagement fort du Président de la République de porter l’effort national de défense à 2 % de la richesse nationale d’ici à 2025. Cet objectif n’est pas seulement symbolique. Il poursuit et consolide la remontée en puissance de nos armées, engagée par la loi de programmation militaire.

Ainsi que vous l’avez noté dans vos interventions, l’objectif de 2 % du PIB pourrait être atteint dès 2020 en raison des effets de la crise sanitaire sur notre économie. Pour autant, c’est une conséquence purement arithmétique de la crise. Cela signifie-t-il que nous avons suffisamment modernisé nos armées et qu’elles sont désormais mieux équipées ? Bien sûr que non ! L’effort doit se poursuivre, et il se poursuit.

Vous avez soulevé dans vos interventions la question de l’actualisation de la loi de programmation militaire.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Ah !

Mme Florence Parly, ministre. Cette dernière doit avoir lieu au plus tard en 2021. Le travail de préparation est en cours sur le fondement d’une mise à jour de notre analyse du contexte géostratégique nous permettant d’identifier les ajustements envisageables pour répondre à l’évolution de la menace et des risques.

Conformément à la loi de programmation militaire, les crédits pour le ministère des armées s’élèveront à 39,2 milliards d’euros en 2021, soit 7 milliards de plus qu’en 2017. Sur la période 2018-2021, les armées auront bénéficié au total de 18 milliards d’euros de ressources supplémentaires.

Les crédits de la mission « Défense » bénéficient non seulement aux armées, mais aussi aux entreprises françaises, à notre industrie et à nos territoires. Dans le contexte actuel, ce budget 2021 est une contribution essentielle à la relance économique de notre pays. Si l’on raisonne plus globalement, sur la première partie de la LPM, c’est-à-dire la partie 2019-2023, 110 milliards d’euros auront été injectés dans l’économie pour les équipements, les infrastructures et le maintien en condition opérationnelle. C’est donc l’équivalent en cinq ans d’un plan de relance pour les seules questions de défense.

C’est par ailleurs un plan de relance qui s’adapte : dès le mois de juin dernier, pour venir en aide au secteur aéronautique durement touché par la crise sanitaire, nous avons accéléré certaines commandes prévues au cours de la LPM, pour un montant de 600 millions d’euros. Cette anticipation, qui a permis de sauvegarder plus de 1 200 emplois pour au moins deux ans, fut une respiration bienvenue pour un secteur durement éprouvé.

De ce point de vue, l’intention exprimée par la Grèce d’acheter 18 avions Rafale, dont 6 neufs, a été une excellente nouvelle pour notre industrie. C’est le premier pays européen à afficher cette volonté. Nous poursuivons activement nos discussions et nous pourrions aboutir d’ici à la fin de l’année.

Je précise que, si le contrat aboutit, le produit de la vente des Rafale d’occasion reviendra au budget du ministère des armées. Nous avons eu toutes les assurances du ministère de l’économie et des finances à ce sujet.

Naturellement, nous nous organisons pour que la vente des avions issus de nos forces à l’armée de l’air grecque n’obère en rien la capacité de nos propres armées à remplir leurs engagements opérationnels et à s’entraîner. Je veux être claire sur ce point : les missions confiées à l’armée de l’air et de l’espace continueront d’être menées, et ses pilotes continueront à s’entraîner.

Il est très important de préciser également que les prélèvements réalisés dans nos escadrons de combat seront compensés par des avions neufs. La loi de programmation militaire fixe une ambition capacitaire pour l’armée de l’air et de l’espace, comme pour les autres armées. Cette ambition sera respectée. Nous avons ensemble prévu que l’armée soit dotée de 129 avions Rafale en 2025. Cet objectif sera tenu.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

Mme Florence Parly, ministre. Si ce contrat avec la Grèce était finalement conclu, il s’agirait d’une triple bonne nouvelle.

Politiquement, d’abord, ce contrat marquerait le développement des exportations d’armement au sein de l’Union européenne, que nous appelons de nos vœux.

Économiquement, ensuite, cette commande de 6 Rafale neufs par la Grèce, complétée par celle de 12 Rafale neufs par l’armée de l’air et de l’espace française pour compenser les prélèvements réalisés au profit de la Grèce, mobiliserait 7 000 emplois et 500 PME pendant dix-huit mois. Dans la période actuelle, personne dans cet hémicycle ne pourrait s’en plaindre !

Enfin, cette vente contribuerait activement à l’interopérabilité de nos forces.

Pour en revenir au budget, le ministère des armées sera en 2021 une véritable fabrique de l’emploi : il sera le premier recruteur de l’État, avec près de 27 000 recrutements, soit 300 de plus que l’année précédente. L’effort en termes d’apprentissage sera poursuivi. Nous recruterons des jeunes venus de tous les territoires de notre pays et de tous les niveaux de formation. Nous poursuivrons également l’effort engagé dans les domaines du renseignement, du cyber et du numérique.

J’en viens au détail du contenu du budget et je vous propose de l’examiner en reprenant les quatre axes de la loi de programmation militaire.

Sur le premier axe, tout d’abord, l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnels, je souligne quatre éléments clés pour illustrer un budget à « hauteur d’homme ».

Premièrement, en 2021, nous consacrerons 237 millions d’euros à l’amélioration des conditions d’hébergement des militaires, dans le cadre du programme Hébergement, qui prévoit un investissement de 1 milliard d’euros d’ici à 2025. Nombre d’entre vous l’ont relevé : en la matière, on peut nettement progresser. Toutefois, comme dans bien d’autres domaines concernant la défense, il nous faut rattraper des décennies non de sous-investissement, mais de non-investissement.

Deuxièmement, nous procédons au renouvellement des petits équipements de nos militaires, avec notamment 12 000 nouveaux fusils HK416 et 126 000 nouveaux treillis ignifugés F3. Ceux qui ont eu la chance de se rendre en opération sur le terrain ont pu constater qu’en 2020, conformément à l’objectif fixé, 100 % de nos soldats déployés en OPEX en sont équipés.

Troisièmement, nous modernisons la solde. Avec 38 millions d’euros dans le budget  021, nous amorçons la nouvelle politique de rémunération des militaires, avec un dispositif renforcé d’indemnisation de la mobilité géographique.

Quatrièmement, nous accroissons les crédits consacrés au service de santé des armées en 2021. Cet élément me semble très important à la lumière de la crise sanitaire que nous traversons. J’ai décidé cette année d’augmenter le budget de ce service de 160 millions d’euros d’ici à la fin de la LPM. Cette décision s’inscrit dans la dynamique de l’effort entamé depuis 2017, lorsque nous avons mis fin – enfin ! – à la déflation des effectifs du service de santé des armées. Nous avons également pris plusieurs mesures de revalorisation salariale au profit des praticiens et du personnel paramédical, à hauteur de 31 millions d’euros entre 2017 et 2020.

Une question a été posée sur les mesures de protection que nous prenons à l’égard de nos militaires lorsque ceux-ci partent en opération ou en mission. Nous avons eu l’occasion d’évoquer ces questions à maintes reprises au printemps dernier, notamment dans le cadre de nos échanges au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les militaires sont isolés puis testés soixante-douze heures avant leur départ. En sens inverse, lorsqu’ils rentrent de mission, ils sont de nouveau testés, et bien sûr isolés si le test se révèle positif. Il me semble que nous avons progressivement trouvé les méthodes qui permettent de préserver la santé de nos militaires et de leurs familles, mais aussi des populations au contact desquelles ils peuvent être amenés à évoluer.

J’en viens au deuxième chapitre de la loi de programmation militaire. Les livraisons et les commandes se poursuivront pour moderniser les matériels et les équipements lourds. Sur les 1,7 milliard d’euros de croissance du budget en 2021, les deux tiers seront consacrés aux programmes d’armement majeurs.

Je procéderai à quelques illustrations de nos commandes et livraisons prévues pour 2021.

L’armée de terre recevra ainsi 150 blindés Griffon et 20 blindés Jaguar dans le cadre du programme Scorpion. Nous consoliderons également les commandes de 21 hélicoptères interarmées légers et 120 véhicules blindés légers.

Pour la marine, 2021 verra notamment la livraison de 3 avions de patrouille Atlantique 2 rénovés et d’une nouvelle frégate multimissions. Nous engagerons les commandes d’une nouvelle frégate de défense et d’intervention ainsi que de 8 hélicoptères légers.

Comme la question du porte-avions de nouvelle génération a été abordée, je tiens à vous rassurer. Nous avons travaillé vite, nous ne sommes absolument pas en retard. Nous avons réalisé au cours des deux dernières années des études et nous sommes donc parfaitement en ligne avec l’objectif de la LPM d’être prêts lorsque le porte-avions Charles-de-Gaulle sera retiré du service en 2038. Nous avons d’ailleurs prévu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, des crédits très substantiels pour ce programme – 330 millions d’euros en autorisations d’engagement et 113 millions d’euros en crédits de paiement –, afin de poursuivre les travaux sur le porte-avions de nouvelle génération.

Enfin, l’armée de l’air et de l’espace réceptionnera en 2021 3 avions ravitailleurs MRTT Phénix, 14 avions de chasse mirage M2000D rénovés et un avion de transport A400M supplémentaire. Les commandes concerneront le lancement du démonstrateur du système de combat aérien du futur.

Le troisième chapitre de la LPM concerne la consolidation de notre autonomie stratégique. Ce budget 2021 y contribuera, notamment avec 5 milliards d’euros pour poursuivre le renouvellement des deux composantes de la dissuasion française. Le ministère des armées poursuivra son effort en faveur de la stratégie spatiale, en lui allouant 624 millions d’euros. J’ai souhaité faire de l’espace une priorité de la loi de programmation militaire et ai donc proposé au Président de la République une stratégie spatiale de défense à la hauteur des défis qui se présentent à nous. Nous y consacrons des moyens considérables : 4,5 milliards d’euros pour la période 2019-2025.

En 2021, le secteur spatial verra notamment la livraison d’un satellite MUSIS/CSO. Je tiens à cette occasion à remercier les sénateurs d’avoir soutenu la mesure introduite par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, qui nous permet d’assurer la sécurité et la souveraineté dans le domaine spatial.

J’en viens enfin au dernier chapitre de la LPM, la préparation du futur : 2021 sera l’année de la commande du démonstrateur du système de combat aérien du futur que nous construisons avec les Allemands et les Espagnols. Celui-ci devrait prendre son envol en 2026, pour être opérationnel à l’horizon 2040.

Là aussi, je remercie le Parlement de son soutien et des contacts réguliers qu’il organise avec les parlementaires allemands. Pour répondre à une question qui a été posée, l’Espagne est un partenaire important, d’ores et déjà intégré aux travaux d’architecture et de recherche et développement, qui avaient été initialement lancés dans un cadre franco-allemand. Pour la phase du démonstrateur, qui devrait être lancé d’ici à la mi-2021, l’Espagne sera un contributeur majeur, aux côtés de la France et de l’Allemagne.

La préparation du futur passe aussi par l’innovation : en 2021, nous consacrerons près de 900 millions d’euros pour concevoir les technologies de demain et nous serons donc en bon chemin vers le milliard d’euros annuel qui sera atteint en 2022. L’année 2021 sera également celle de la mise en œuvre du nouveau Fonds Innovation défense, qui viendra compléter les mécanismes existants de soutien aux PME, tels que le dispositif Rapid.

Ce nouveau fonds sera doté de 200 millions d’euros pour soutenir le développement des technologies duales et transversales, par le financement en fonds propres d’entreprises innovantes.

J’ai également noté l’interrogation concernant la nature des soutiens apportés par les banques privées. J’ai demandé au délégué général pour l’armement d’examiner avec les organisations professionnelles des industries de défense, les services de Bercy et les représentants de la profession bancaire l’existence de clauses ou de pratiques qui pourraient conduire à restreindre l’accès au crédit et au financement des entreprises du secteur de la défense. Nous devons en effet être attentifs à ce point.

Enfin, je me réjouis que le Fonds européen de défense, fortement soutenu par la France, voie le jour. Il sera doté de 7 milliards d’euros constants pour la période 2021-2027. C’est la première fois que des financements européens seront affectés à la recherche et au développement dans le secteur de la défense.

Notre devoir à tous est de mettre en œuvre la loi de programmation militaire, de veiller à son exécution, dans chaque régiment et chaque unité, en métropole comme en outre-mer. J’y veille personnellement, chaque jour.

Je conclus sur la gestion 2020, qui n’est pas encore tout à fait close, et sur laquelle nous reviendrons.

La loi de finances initiale pour 2020 sera intégralement exécutée dans les montants prévus. Les surcoûts OPEX et Missint, d’un montant de 1,46 milliard d’euros, sont couverts en 2020 par les provisions constituées en loi de finances initiale sur la mission « Défense », par des contributions internationales et redéploiements internes, pour un montant total inférieur à 60 millions d’euros et, enfin, par des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, pour 200 millions d’euros.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Dans le contexte de la crise sanitaire, j’ai décidé de ne pas demander le financement par solidarité interministérielle en gestion. (M. Ludovic Haye manifeste son approbation.) Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d’observer que le montant total des annulations n’a jamais été si faible.

Comme je suis invitée à conclure, je m’en remets désormais à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que ce budget 2021 soit adopté. Démonstration de constance, de confiance et de relance, il marque la poursuite de notre mission de protection des Français et de soutien à nos entreprises, nos emplois et nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

Défense
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Sécurités - Compte d'affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Défense

65 223 695 329

47 695 367 396

Environnement et prospective de la politique de défense

3 106 197 485

1 684 806 687

Préparation et emploi des forces

19 020 338 367

10 337 256 723

Soutien de la politique de la défense

22 097 159 477

22 030 298 824

Dont titre 2

20 752 135 200

20 752 135 200

Équipement des forces

21 000 000 000

13 643 005 162

M. le président. L’amendement n° II-1090, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

290 000 000

290 000 000

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

30 000 000

30 000 000

Équipement des forces

320 000 000

320 000 000

TOTAL

320 000 000

320 000 000

320 000 000

320 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Depuis le début de la crise, en vertu de notre dernière revue stratégique, le service de santé des armées est pleinement mobilisé. Nous pouvons le remercier du soutien extrêmement important qu’il a apporté aux services civils de santé.

On pense forcément à l’élément de réanimation installé à Mulhouse, qui a permis d’accueillir une quarantaine de patients, et de soulager ainsi l’hôpital public. Il serait toutefois injuste de ne pas rappeler le triplement des places en réanimation dans les hôpitaux d’instruction des armées, la mise à disposition de matériel et d’unités de réanimation d’urgence, le transfert organisé de malades ou encore la mobilisation des médecins, d’une partie des élèves et des réservistes du service.

On perçoit d’autant mieux les manques qui affligent le service de santé des armées. Comment espérer une pleine mobilisation auprès des malades civils tout en maintenant la protection des militaires en opération extérieure et en anticipant la propagation du virus sur les théâtres d’opérations de la France ?

La contamination à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle le démontre : les services militaires sont pris en étau entre une distanciation sociale incompatible avec la vie en garnison et la décision gouvernementale de maintenir la quasi-totalité des opérations militaires.

Il faut donc un service de santé des armées suffisamment doté pour fonctionner. Or ce n’est clairement pas le cas, malgré l’engagement d’augmenter les effectifs inscrit dans la loi de programmation militaire.

Il manque aujourd’hui 100 médecins dans le service, alors que son déploiement n’a jamais été aussi important. Après avoir perdu près de 10 % de ses effectifs entre 2013 et 2019, le taux de projection des équipes médicales est de 106 %, et de 200 % pour les équipes chirurgicales ; et encore, il faut remercier les réservistes, qui assurent environ 15 % du contrat opérationnel.

En cas de propagation extrêmement violente du virus en Afrique, où sont stationnées les troupes françaises, je crains que le ministère ne doive choisir entre soutien aux services civils en France et aide aux militaires en opération.

Il est donc urgent d’aller plus loin que l’actuelle loi de programmation militaire, qui ne prévoit une remontée des effectifs qu’à partir de 2023.

Madame la ministre, je vous remercie des efforts accomplis pour tester les militaires embarqués et déployés en OPEX. Aujourd’hui, il faut aussi leur accorder la priorité pour les vaccinations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Nous partageons tous votre souci d’améliorer le fonctionnement du service de santé des armées, ma chère collègue. Pour autant, vous comprendrez que l’on ne peut pas, à la faveur de la discussion budgétaire, remettre en cause la politique de dissuasion nucléaire et en affaiblir les moyens.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons exposées à l’instant par M. le rapporteur spécial, mais aussi parce que le projet de loi de finances pour 2021 répond, me semble-t-il, à votre préoccupation d’améliorer les moyens accordés au service de santé des armées (SSA) et de renouveler les petits équipements, madame Gréaume.

Je veux moi aussi rendre hommage à l’engagement sans faille du service de santé des armées, tant au profit de nos militaires que de l’ensemble de la population française en cette période de crise sanitaire.

Conformément aux annonces que j’ai faites à l’école de santé de Bron, le projet de loi de finances pour 2021 voit les moyens accordés au service de santé des armées progresser de 56 % pour les infrastructures de santé et de 18 % pour l’action Fonction santé. Ces efforts ont naturellement vocation à se poursuivre dans le cadre du plan pluriannuel de 160 millions d’euros supplémentaires que j’ai annoncé pour les années 2021 à 2025.

Concernant les praticiens du service de santé des armées, vous avez raison, nous n’arrivons pas à pourvoir l’ensemble des postes. Il s’agit toutefois d’un phénomène général, lié à l’insuffisance du nombre de médecins par rapport aux besoins d’ensemble de la population.

Nous avons mis en place des outils pour essayer de fidéliser au mieux les praticiens engagés auprès du SSA. Outre les primes covid, d’un montant de 8 millions d’euros pour 2020, nous avons prévu de poursuivre en 2021 le plan triennal de rénovation du régime de rémunération pour renforcer l’attractivité du service.

Je rappelle enfin que la mission principale du service de santé des armées est de soutenir les forces armées. Naturellement, le SSA apporte son soutien à la santé publique, surtout en cas de crise, mais il ne représente que 1 % du système de santé publique français. Gardons ce chiffre en tête.

Ce service doit toutefois remonter en puissance, comme les armées elles-mêmes, et j’espère, madame la sénatrice, avoir répondu à votre inquiétude sur notre capacité à relever ce défi.

S’agissant des petits équipements, durant des années, ils n’ont pas seulement été sacrifiés, ils ont été littéralement oubliés.

Mme Florence Parly, ministre. Nous devons y remédier. Le Président de la République a voulu une LPM à « hauteur d’homme » et c’est pourquoi nous faisons des efforts en faveur de l’habillement, des protections, des armements de petit calibre, du matériel de vie en campagne, des rations de combat, bref de tout ce qui détermine les conditions d’exercice du métier des armes de nos soldats. C’est pourquoi le programme 178 voit les dépenses de petit équipement progresser de 95 millions d’euros en 2021.

J’espère avoir répondu à vos préoccupations, madame la sénatrice, et à ce que je perçois comme un amendement d’appel.

M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° II-1090 est-il maintenu ?

Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1090 est retiré.

Avant de mettre aux voix les crédits de la mission, je donne la parole à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Madame la ministre, la commission des finances a conditionné son vote à vos réponses à cinq questions.

Concernant les 2 % du PIB, vous laissez penser que vous retiendrez plutôt le chiffre en valeur absolue. Je m’en réjouis et vous en remercie.

Sur le produit de la vente des Rafale, vous indiquez qu’un accord a été trouvé avec le ministère de l’économie. Nous savons ce que vaut la parole de Bercy, mais nous en prenons acte… (Sourires.)

Si vous avez confirmé qu’il y aurait bien 129 Rafale en 2025, vous n’avez pas répondu à deux sous-questions. Comment maintenons-nous notre condition opérationnelle entre 2021 et 2025 ? Comment finance-t-on les Rafale neufs par rapport à des Rafale d’occasion ?

Sur la propulsion du futur Charles-de-Gaulle, vous n’avez pas répondu.

Ces imprécisions ne seraient pas très graves si nous pouvions en discuter à la faveur de la révision de la LPM. Certes, celle-ci aura bien lieu, vous l’avez confirmé, mais vous ne vous êtes pas engagée à passer devant le Parlement. C’est un problème. Par les temps qui courent, nous nourrissons quelques inquiétudes.

Le Parlement n’est pas simplement un lieu de passage pour la procédure budgétaire. C’est un lieu de débat et de décision. Comme l’a excellemment souligné le président de la commission, nous ne comprendrions pas que le Parlement ne soit pas associé à la révision de la LPM.

Dans ces conditions, je m’abstiendrai à titre personnel sur ces crédits, et j’invite celles et ceux qui partagent mon analyse à en faire autant.

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».

Sécurités

Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Sécurités - État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » (et articles 66 et 67) et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de cette séance budgétaire, il convient, comme les années précédentes, de rappeler tout d’abord que nos forces de l’ordre connaissent depuis quelques années une tension permanente : crise du terrorisme, crise migratoire, drame des suicides, crise sanitaire. Il appartient au Sénat de leur renouveler son soutien.

Nous examinons aujourd’hui la mission « Sécurités ». Le débat pourrait être rapide, puisque les crédits sont structurellement faibles, comme les années précédentes, ce qui laisse peu de marge au budget d’investissement et de fonctionnement de la police et de la gendarmerie. Le titre 2, « Dépenses de personnel », dérape année après année et n’est pas maîtrisé. C’est la raison pour laquelle, ces quatre dernières années, le Sénat a chaque fois rejeté les crédits de cette mission.

En dix ans, les dépenses du titre 2 « Dépenses de personnel » ont augmenté de 23 %, tandis que les effectifs, eux, n’ont augmenté que d’un petit peu moins de 6 %. Quant aux dépenses de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités », elles connaissent une diminution de 0,4 % sur cette même période.

Il nous faut reconnaître que les caractéristiques déplorables de cette mission sont totalement bouleversées par la mission « Plan de relance », qui affecte près de 1,5 milliard d’euros, en deux ans, à l’équipement et à l’investissement des forces de l’ordre. Dans une hypothèse faible, en fonction de ces futures affectations, nous pouvons considérer que ces deux postes, qui sont l’objet de nos préoccupations, progresseront de 20 %.

Le ratio qui préoccupe la majorité sénatoriale connaît donc un rééquilibrage, madame la ministre. Autrefois de 80 % pour les dépenses de personnel versus 20 % pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le ratio s’élève aujourd’hui à 90 % versus 10 %. Le plan de relance permet au minimum une inversion de cette tendance.

Ainsi, des fournitures d’équipements sont prévues pour des dépenses courantes, telles que gilets, armes et caméras-piétons. Surtout, le plan de relance répondra à deux préoccupations qui ont focalisé l’attention du Sénat ces dernières années, à savoir le parc automobile et l’immobilier.

Le plan de relance consacre 133 millions d’euros au parc automobile de la police nationale, auxquels s’ajoutent 36 millions d’euros adoptés dans la troisième loi de finances rectificative. Pour la gendarmerie, le plan de relance porte sur 4 500 véhicules. Le Gouvernement annonce le renouvellement d’un véhicule sur quatre – nous en sommes très satisfaits, car nous mettons ainsi un terme au vieillissement du parc. Il nous faut cependant relativiser ces déclarations : le remplacement d’un véhicule sur quatre en deux ans signifie le remplacement d’un véhicule sur huit par an ! Or nous connaissons tous l’état d’un véhicule de gendarmerie après huit ans.

J’en viens à l’immobilier. Concernant les appels à projets, 740 millions d’euros sont destinés à la police nationale et 440 millions d’euros à la gendarmerie nationale. L’enveloppe varie entre 1,15 milliard d’euros et 1,2 milliard d’euros. Cela répond à nos préoccupations.

La méthode nous laisse cependant un peu perplexes. Des dépenses courantes, comme dans d’autres budgets, sont financées par le plan de relance. Par exemple, aucune acquisition d’armes n’est prévue dans le programme 152, « Gendarmerie nationale » ; toutes sont prévues dans le plan de relance. L’achat de tasers fait-il partie du plan de relance ? Voilà une question pertinente !

Nous serons vigilants quant à l’exécution de ce plan de relance, sur la forme – nous souhaiterions que, l’an prochain, ces crédits soient inclus dans la mission « Sécurités » – et sur le fond. Depuis 2015, j’ai connu cinq budgets d’équipement pour les forces de l’ordre. Chaque fois, nous connaissons le même effet de stop and go : nous répondons à une demande, à une pression, à une insatisfaction des forces de l’ordre, puis, en réalité, rien ne fonctionne.

Pour la mission « Sécurités », les crédits de paiement n’augmentent que de 1,6 %, les autorisations d’engagement diminuent de 0,4 % et, je le répète, le titre 2 continue à déraper. Madame la ministre, il faut bien reconnaître que la mission « Sécurités » a été écrite par vos prédécesseurs et par l’ancien ministre de l’intérieur, avant l’élaboration de la mission « Plan de relance ». Sans doute avez-vous trouvé le moyen de convaincre l’actuel titulaire de Bercy, ce que n’avait pas réussi à faire le précédent ministre de l’intérieur. C’est une bonne chose.

Je souligne la réussite du programme 207, « Sécurité et éducation routières » : avec 3 500 décès en 2019, le nombre de personnes tuées sur les routes a été divisé par deux en dix ans. Dans le contexte pandémique actuel, le chiffre peut paraître faible, mais les efforts de l’État ont été constants. Les équipements ont été modernisés, par exemple avec les nouveaux radars tourelles, solution innovante pour rénover le parc. Des voitures radars à conduite externalisée seront déployées dans les régions françaises. Les recettes sont estimées à 2 milliards d’euros pour les amendes. À ce sujet, il faut reconnaître que le compte d’affectation spéciale devient de plus en plus opaque et qu’il se doit d’être rapidement réformé et révisé. Il constitue un problème de plus en plus prégnant pour l’ensemble des élus.

En conclusion, madame la ministre, la commission est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités », à la condition que l’effort perdure et devienne constant. Il faut que vous puissiez convaincre le chef du Gouvernement et le Président de la République que nos forces de sécurité ne doivent plus faire l’objet du désintérêt des pouvoirs publics, comme c’était le cas dans les années précédentes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, je vous invite maintenant à nous livrer les conclusions de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.

M. Philippe Dominati, en remplacement de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Jean-Pierre Vogel, empêché, vous prie de l’excuser. Je vous présente donc, à sa place, les crédits du programme 161, « Sécurité civile ».

Auparavant, comme Jean-Pierre Vogel en a l’habitude, je rends hommage à l’ensemble des sapeurs-pompiers, des pilotes, des formations militaires de la sécurité civile et des associations agréées, qui s’investissent sans compter dans la lutte contre les crises qui touchent notre pays, en particulier la crise sanitaire actuelle.

Face à ces crises, il pourrait à première vue sembler paradoxal que les crédits du programme 161, « Sécurité civile », soient stables en 2021. Toutefois, cette stabilité n’est qu’apparente. En effet, une part importante des crédits du programme 161, « Sécurité civile » a été transférée vers la mission « Plan de relance », pour un total d’environ 37,5 millions d’euros. Ce procédé, qui a également été appliqué pour la police et la gendarmerie, laisse songeur. Une bonne partie de ces crédits transférés ne recouvrent pas des mesures de relance. Il s’agit en effet de dépenses ordinaires, qui financent par exemple le maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos avions.

Néanmoins, je relève aussi que ce plan de relance financera des projets d’envergure pour la sécurité civile. Je pense notamment aux 50 millions d’euros qui iront au « 112 inversé », pour prendre la suite du volet mobile du système d’alerte et d’information des populations (SAIP). À cet égard, Jean-Pierre Vogel salue le choix de la technologie de Cell broadcast. Il l’avait en effet recommandée dès 2017, dans son rapport d’information sur ce sujet. Néanmoins, madame la ministre, il conviendra de veiller à ce que cette technologie soit bien opérationnelle avant 2022, conformément à nos engagements européens.

Cela étant, ces crédits portés par le plan de relance nuisent à la lisibilité de l’effort financier de l’État en faveur de la sécurité civile, effort qui est déjà très éclaté. Au total, ce sont dix programmes, répartis dans huit missions et pilotés par six ministères différents, qui concourent au financement de notre politique de sécurité civile, à hauteur de 1,2 milliard d’euros pour 2021. Comble de cette dispersion des crédits, la contribution du programme 161, « Sécurité civile », sera minoritaire, puisqu’il représente 43 % de l’effort total, contre la moitié ces dernières années.

Le programme 161 ne recouvre aussi qu’une infime partie des moyens des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Ces derniers totalisent 5 milliards d’euros de dépenses en 2019. La croissance de leurs charges n’est toutefois pas toujours de leur fait, comme l’illustre le cas de la revalorisation de la prime de feu, qui représente un surcoût global de 80 millions d’euros.

Il est satisfaisant que le Gouvernement ait tenu ses engagements sur ce point, avec la suppression de la surcotisation patronale versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Il s’agit toutefois d’une compensation partielle, et non d’une économie nouvelle, comme cela a pu être présenté à tort. Ainsi, malgré cette mesure, le surcoût se situera toujours entre 30 millions d’euros et 40 millions d’euros pour les SDIS.

La contribution du programme 161, « Sécurité civile » aux SDIS restera, quant à elle, marginale en 2021 : 7 millions d’euros sont consacrés à la poursuite du système d’information et de commandement unifié NexSIS 18-112. Ce projet représente une réelle avancée du point de vue opérationnelle et favorise les mutualisations. J’espère donc, madame la ministre, que la récente annulation contentieuse du décret relatif au système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours et de la sécurité civile « NexSIS 18-112 » ne freinera pas son déploiement.

À travers NexSIS, il s’agit aussi de renforcer l’interopérabilité entre les SDIS et le service d’aide médicale urgente (SAMU), laquelle doit progresser, comme nous l’enseignent les premiers bilans de la gestion de la crise sanitaire. Pour cela, la mise en place du 112 comme numéro unique pour les appels d’urgence doit être privilégiée. Il faut aussi encourager la création des plateformes communes de traitement des appels, comme s’y était engagé le Président de la République, il y a trois ans.

Enfin, un intérêt particulier doit être porté à la flotte de la sécurité civile. Son vieillissement a de quoi nous préoccuper, tant elle se révèle cruciale en ces temps de crise. Ce projet de loi de finances devrait certes y remédier en partie, avec la poursuite de la commande des nouveaux avions Dash et la livraison de deux d’entre eux l’an prochain. Jean-Pierre Vogel a maintes fois souligné combien le choix de ce modèle d’avion était pertinent : les récents retours d’expériences tendent à le confirmer.

Il est également satisfaisant que la France puisse bénéficier d’un cofinancement de l’Union européenne pour acquérir deux nouveaux avions Canadair, et peut-être même un hélicoptère bombardier d’eau. Vous en conviendrez, madame la ministre, ces financements extrabudgétaires ne doivent cependant pas nous dispenser de maintenir un niveau suffisant de crédits pour la modernisation et le renouvellement de notre flotte.

Ainsi, mes chers collègues, l’ensemble de ces investissements pour la sécurité civile vont dans le bon sens. C’est pourquoi Jean-Pierre Vogel et moi-même vous proposons d’adopter les crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, le père Noël est passé plusieurs fois pour les gendarmes ! Si nous additionnons la loi de finances rectificative, ce projet de loi de finances et le plan de relance, la gendarmerie va pouvoir acquérir au total près de 6 000 véhicules, dont dix hélicoptères H160.

L’immobilier constitue sans doute une préoccupation plus importante encore pour les gendarmes. Les crédits du projet de loi de finances, qui n’évoluent quasiment pas, devraient toutefois être complétés par ceux du plan de relance, à hauteur de 440 millions d’euros. Environ 500 projets ont ainsi été proposés par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Toutefois, je formulerai trois remarques.

Premièrement, à ce stade, nous ne savons pas combien de projets seront retenus et pour quelle somme. Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des précisions sur ce sujet ? Les projets doivent en principe être livrés dans les deux ans, trois au maximum, ce qui sera un peu court pour certaines opérations complexes. Des dérogations seront-elles possibles ? Surtout, cette opération est ponctuelle. Comme les années précédentes, nous ne disposons d’aucune visibilité à moyen et long termes. Une somme d’environ 300 millions d’euros doit être dégagée chaque année, via une programmation financière pluriannuelle fondée sur un état des lieux de l’ensemble des besoins. Or le futur projet de loi sur la sécurité intérieure, qui pourrait comporter une telle programmation, n’est annoncé que pour 2022.

Deuxièmement, la réserve opérationnelle est devenue essentielle à la gendarmerie nationale, que ce soit durant la période estivale dans les zones d’affluence saisonnière ou lors de certains grands événements nationaux, mais aussi, par exemple, dans la lutte contre l’immigration illégale. Il existe cependant une contradiction entre les priorités affichées et les données budgétaires. D’un côté, l’importance du rôle de la réserve est reconnue par tous, et il est envisagé le passage de 30 000 à 40 000, voire 50 000 réservistes à l’horizon 2024, dans la perspective de l’empilement des missions. De l’autre, les crédits stagnent, ce qui retarde l’emploi des réservistes déjà recrutés. Dès lors, il est impératif d’assurer une remontée en puissance des crédits de la réserve opérationnelle et d’offrir à celle-ci une visibilité à moyen et long termes. Pour cela, sanctuariser son financement au sein de la future loi de programmation est nécessaire.

Sous réserve de ces remarques et compte tenu de l’important effort d’investissement accompli cette année, la commission a donné un avis favorable aux crédits du programme 152, « Gendarmerie nationale ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, certes, l’augmentation des effectifs et des crédits d’investissement de la gendarmerie pour 2021 est une satisfaction, mais nous restons extrêmement inquiets au regard d’une certaine absence de visibilité pour les prochaines années. Nous restons dans une logique de remise à niveau ponctuelle, qui n’est pas soutenable à long terme.

J’évoquerai d’abord la question du maillage territorial. Madame la ministre, le 16 novembre dernier, à l’occasion de la publication du Livre blanc de la sécurité intérieure, vous avez déclaré qu’il était nécessaire de revoir la répartition géographique entre la police et la gendarmerie. Cette déclaration soulève des interrogations, voire suscite une certaine inquiétude. Il est en effet toujours nécessaire d’observer la plus grande prudence sur ce genre de réformes, même si, en l’occurrence, le directeur général de la gendarmerie nationale a assuré qu’il ne s’agissait pas de diminuer le nombre de brigades.

L’implantation territoriale de la gendarmerie a déjà évolué au cours des dernières années, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), avec la fermeture de nombreuses casernes. Or ces évolutions ont parfois remis en cause une adaptation fine aux réalités de la délinquance, qu’un travail de plusieurs années avait permis d’obtenir. C’est notamment le cas lorsque des brigades de gendarmerie ont laissé place à la police dans des zones périurbaines. En tout état de cause, la consultation préalable des élus locaux concernés, évoquée par le Livre blanc, devra être organisée de manière efficace, afin de bénéficier de leur connaissance des besoins de la population.

J’en viens aux problèmes des à-coups budgétaires particulièrement dommageables dans la gendarmerie. C’est notamment le cas pour la réserve opérationnelle, évoquée par le rapporteur pour avis Philippe Paul. Les crédits de la réserve constituent trop souvent une variable d’ajustement. Chaque année, la mise en réserve de 4 % des crédits hors titre 2 et le surgel ministériel de 1 % perturbent gravement l’exécution budgétaire, puisque près des deux tiers des dépenses de la gendarmerie sont obligatoires.

M. le ministre, qui n’est pas présent ce soir, devait rencontrer le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) et s’était engagé à solliciter sur la question le ministre délégué chargé des comptes publics. Savez-vous, madame la ministre, s’il a pu obtenir une réponse favorable ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Dumont, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Henri Leroy, que je tenterai de remplacer au mieux pour présenter ses conclusions.

Une fois n’est pas coutume, la semaine dernière, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » inscrits au projet de loi de finances pour 2021.

Nous devons reconnaître que ce projet de loi rompt avec les orientations budgétaires des dernières années, qui ont consisté à mettre l’accent sur le renforcement des effectifs, au détriment de l’amélioration des conditions de travail de nos forces de sécurité. Pour la première fois, en effet, le budget apporte une réponse à la hauteur des revendications et des besoins de nos policiers et gendarmes.

Cette évolution positive n’est pas liée à la mission « Sécurités » en elle-même, laquelle est, une nouvelle fois, assez décevante. Hors programme « Sécurité civile », les crédits de paiement de la mission connaissent en effet une hausse de seulement 1,2 % par rapport à 2020, bien plus faible que les années précédentes.

Nous avons cependant pris acte de l’abondement important dont les forces de sécurité devraient bénéficier au titre du plan de relance, même si nous regrettons le manque de lisibilité sur le contenu exact de ce plan. Selon les informations dont nous disposons, ces moyens supplémentaires permettront de faire progresser les dépenses de fonctionnement et d’investissement de plus de 11 % dans la police et de 12 % dans la gendarmerie par rapport à l’exercice 2020. Il s’agit d’évolutions sans précédent depuis plusieurs années.

Ces augmentations permettront, nous l’espérons, de combler les retards pris dans l’équipement des forces de sécurité intérieure. Philippe Dominati en a donné le détail. Il s’agira notamment de réaliser un effort important sur les renouvellements de véhicules, sur les équipements individuels et sur la rénovation du parc immobilier.

Comme la commission des finances, la commission des lois s’est félicitée de ces évolutions. Elle a toutefois souhaité mettre en avant deux points qui doivent appeler l’attention.

Le premier point porte sur l’impact du plan de recrutements engagé par le Gouvernement. Nous ne remettons pas en cause le besoin d’effectifs complémentaires, mais nous contestons la méthode. Nous le savons, les recrutements massifs des dernières années ont engorgé les systèmes de formation et se sont traduits par un épuisement des viviers de recrutement, avec des conséquences dommageables sur le niveau de nos jeunes forces de l’ordre. Madame la ministre, d’autres voies doivent être approfondies pour alléger la tâche des forces de l’ordre : nous pensons non seulement à l’approfondissement des réformes structurelles, mais également à une mobilisation plus importante des réserves.

Le second point concerne l’avenir. Le projet de loi de finances pour 2021 constitue, à notre sens, un bon budget pour les forces de sécurité. C’est pourquoi nous avons décidé d’y donner un avis favorable. Cependant, nous devons rester attentifs à ce que cet effort s’inscrive dans la durée. Nos forces de sécurité ont en effet besoin de perspectives pour remettre à niveau leurs équipements et se moderniser. Il s’agit non seulement d’une reconnaissance de leur engagement, mais également d’une condition pour assurer la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Madame la rapporteure pour avis, je vous invite à poursuivre, en votre nom.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois rejoint la position de la commission des finances et constate que les crédits qui bénéficieront aux moyens nationaux de la sécurité civile augmentent. C’est la raison pour laquelle elle a émis un avis favorable à leur adoption.

Au-delà de cet avis favorable, je formulerai trois remarques sur les crédits du programme 161, « Sécurité civile ». En tant que sénatrice récemment élue, je me confronte pour la première fois à l’exercice budgétaire. Force est de constater que ce premier contact est étourdissant ! (Sourires.)

Devant un programme explicitement intitulé « Sécurité civile », nous pourrions naïvement penser qu’il regroupe l’ensemble des crédits destinés aux moyens nationaux de la sécurité civile. Cela est faux, puisque ce programme en représente à peine 40 % ! En effet, il doit être lu à la lueur des huit autres programmes qui alimentent la politique transversale « Sécurité civile », à la lueur de la mission « Plan de relance », ainsi qu’à la lueur des crédits en lien avec la sécurité civile essaimés à l’occasion des différentes lois de finances rectificatives. Madame la ministre, voilà beaucoup de lueurs pour très peu de clarté ! Le résultat cumulé est difficilement lisible et presque incompréhensible.

Par ailleurs et c’est ma deuxième remarque, le budget que l’État consacre à la sécurité civile doit être rapproché du budget global des SDIS, qui s’élevait, en 2019, à plus de 5 milliards d’euros, presque exclusivement à la charge des collectivités, au premier rang desquelles se trouvent nos départements.

La qualité de la politique nationale de sécurité civile est donc largement tributaire des moyens dont disposent nos SDIS et in fine de ceux des collectivités territoriales, les départements en tête. Il se trouve que la santé financière de ces derniers va nécessairement pâtir de l’actuelle crise sanitaire.

Face à ces difficultés à venir, il est primordial de rationaliser les dépenses de nos SDIS. À ce titre, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) indique qu’elle réfléchit à un pacte capacitaire, qui permettrait de mutualiser certaines dépenses entre SDIS. Je salue cette initiative, mais constate que de nombreux efforts de mutualisation ont déjà été mis en œuvre entre nos SDIS. Je crains donc que les économies restant à réaliser soient décevantes.

En revanche, j’appelle la DGSCGC à une très grande vigilance dans l’élaboration des référentiels techniques qu’elle pourrait être amenée à mettre en œuvre dans les mois à venir. Je souhaite que les changements de normes induisant le remplacement du matériel des SDIS soient réduits au strict nécessaire, afin d’éviter les surcoûts de nouvelles acquisitions.

Enfin, ma troisième remarque porte sur la philosophie avec laquelle il faut analyser le coût de la sécurité civile. Devant la raréfaction à venir des deniers publics tant pour l’État que pour les collectivités territoriales, du fait de la crise sanitaire, la tentation de réduire les moyens alloués à la sécurité civile pourrait se manifester. Il est donc primordial de rapprocher enfin le coût de la sécurité civile des économies qu’elle permet de réaliser, à tout niveau, afin de considérer ce coût pour ce qu’il est : un investissement et non une perte sèche.

Une prise de conscience de ce gain réel est nécessaire, pour que tous les acteurs de la sécurité civile bénéficient de moyens adéquats afin d’assurer leurs missions d’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. La France a-t-elle un problème avec la police ? Le sujet des violences policières fait trop souvent l’actualité et la polémique a encore été alimentée ces derniers jours. Nous avons vu des images, qui, comme l’affirme le Président de la République, « nous font honte ». L’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, qui sera bientôt soumise à l’examen de notre assemblée, cristallise une colère qui semble sur le point de se déchaîner. Ceux qui y voient un blanc-seing délivré aux forces de l’ordre profitent des récentes violences policières pour jeter l’opprobre sur l’ensemble de la profession, en accusant le Gouvernement de la soutenir, voire de la couvrir. Disons-le tout net : oui, il y a parmi les forces de l’ordre des fonctionnaires qui commettent des actes répréhensibles, sur lesquels la justice doit se prononcer.

Cependant, il me semble que nous portons tous une partie de la responsabilité de ces images de la honte. Le métier des forces de l’ordre est dangereux. De nombreux agents sont blessés et tués chaque année. En première ligne dans le combat contre le terrorisme, ils continuent d’assumer leurs missions de maintien de l’ordre public et de lutte contre le crime. Ils s’usent à arrêter des délinquants aussi vite relâchés, qui ne se gênent pas pour les narguer. L’immense majorité d’entre eux accomplissent leurs fonctions avec l’exemplarité à laquelle ils sont astreints, risquant leur vie, parfois celle de leur famille.

Reste que leurs conditions de travail sont telles qu’environ 40 policiers et 30 gendarmes se suicident chaque année. Il n’est pas ici question de chercher des excuses à des comportements qui ne sauraient le justifier ; il s’agit de prendre conscience que les conditions de travail de nos forces de l’ordre ne contribuent pas suffisamment à garantir leur sécurité et celle de nos concitoyens. Nous devons remédier à cela si nous voulons aller vers une société plus apaisée.

À cet égard, nous soutenons la poursuite du plan de recrutement. Le maintien de la paix durant les manifestations du mouvement des gilets jaunes a montré les limites d’un effectif insuffisant. La quantité d’heures supplémentaires non payées illustre aussi la nécessité d’un recrutement massif : malgré les mesures prises, il en restait près de 22 millions au mois de juin dernier. Ce chiffre est colossal ; il dit beaucoup de la réalité du terrain et des limites du modèle actuel. La création de près de 1 500 postes pour l’année 2021 est donc la bienvenue. Il faudra veiller à ce que cette augmentation des effectifs serve à soulager les unités les plus exposées.

Pas assez nombreux, nos gendarmes et nos policiers ne sont pas non plus assez équipés. Ce projet de loi de finances prévoit un effort significatif, tant pour renouveler le matériel des fonctionnaires que pour réhabiliter le parc immobilier. Une attention particulière a été portée aux flottes de véhicules de la police et de la gendarmerie. Le vieillissement est un problème qu’il faut rapidement résoudre et nous saluons le fait que le Gouvernement s’y attelle via ce projet de loi de finances.

Concernant l’équipement, nous voulons encourager le Gouvernement à investir davantage dans un matériel essentiel que notre groupe Les Indépendants soutient depuis longtemps, à savoir les caméras mobiles. Voilà plus de deux ans que la loi de Jean-Pierre Decool relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique a été votée et promulguée. Elle concerne les pompiers, les agents pénitentiaires, mais aussi les policiers.

Nous regrettons que ces deux années n’aient pas été mieux employées pour avancer sur cette question. En effet, plusieurs études, dont certaines ont été conduites aux États-Unis, indiquent que le port de ces caméras par les policiers fait chuter significativement le nombre d’incidents liés à l’usage de la force, ainsi que le nombre de plaintes contre les policiers. Nous sommes convaincus que leur utilisation peut grandement contribuer à renforcer la sécurité des fonctionnaires et la confiance de nos concitoyens.

Par ailleurs, le parc immobilier se trouve dans une situation préoccupante. La réponse apportée d’année en année au besoin de rénovation n’est pas suffisante. Le plan de relance remédiera y pour 2021, mais n’apporte pas de solution durable.

Les moyens de la mission « Sécurités » progressent cette année encore. Le contexte sécuritaire et social rend ce renforcement d’autant plus nécessaire. Pour qu’elles puissent remplir leurs missions dans des conditions optimales, pour la sécurité de tous, nos forces de l’ordre ont besoin d’encore plus de moyens. Le budget 2021 participe à cette montée en puissance, mais nous souhaiterions qu’elle soit davantage pérennisée. L’État devra trouver les financements pour ce faire, car, si la qualité a un prix, le manque de moyens finit aussi par se payer tôt ou tard.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Sécurités », qui nous est aujourd’hui présentée, n’est pas exempte de défauts.

Ce budget est en hausse de 1,05 %. C’est une bonne nouvelle, d’autant plus que les efforts de dépenses se concentrent sur les programmes concernant la police et la gendarmerie nationales, qui verront leurs effectifs augmenter respectivement de 1 145 et 317 postes.

Nous accueillons également avec satisfaction les décisions gouvernementales permettant la revalorisation de 150 euros accordée aux 22 000 policiers travaillant de nuit, ou les 26,5 millions d’euros destinés au paiement de leurs heures supplémentaires. Les dépenses croissantes en matière d’équipements sont également positives, notamment dans le cadre du renouvellement des parcs automobiles des policiers et gendarmes.

Enfin, nous notons avec intérêt l’achat de 21 000 caméras-piétons, qui peuvent être des outils favorisant l’exemplarité de nos forces de l’ordre dans l’exercice de leurs prérogatives, à condition, bien sûr, qu’elles fonctionnent.

Tous les éléments visant à améliorer les conditions de travail, sociales et salariales de nos fonctionnaires de la sécurité intérieure doivent être salués. Cela n’est que justice, tant la profession est mise sous pression.

Pourtant, il est à craindre que ces gages ne soient pas de nature à dissiper totalement le malaise qu’expriment régulièrement les gardiens de la paix. Depuis 2003 et la suppression de la police de proximité, les gouvernements successifs ont multiplié les décisions hasardeuses. Celles-ci ont fortement affecté les effectifs de la police nationale, notamment au cours du mandat de Nicolas Sarkozy, mais ont aussi eu pour effet délétère d’abîmer le lien entre la population française et les forces de l’ordre, régulièrement accusées de comportements violents, discriminatoires et arbitraires.

La confiance doit donc être retrouvée entre la Nation française et sa police républicaine. Pour ce faire, une meilleure formation doit être offerte à nos policiers et gendarmes. Des fonctionnaires mieux formés sont des fonctionnaires qui optent pour des méthodes de maintien de l’ordre plus adaptées, qui reçoivent les plaintes de manière adéquate et qui nouent du lien social avec leurs concitoyens. Somme toute, un policier mieux formé est un policier qui protège mieux.

Il est donc vital qu’à l’avenir la hausse des crédits destinés à la formation des forces de l’ordre soit le corollaire de l’ouverture de nouveaux postes dans la police et la gendarmerie. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a lui-même proposé une formation continue pour ces personnels.

Je termine en mentionnant la situation du programme 161, « Sécurité civile ». Certains se satisferont peut-être de la maigre augmentation des crédits alloués, à hauteur de 0,45 %. Il n’en reste pas moins que ce programme ne représente que 7 % des dépenses réalisées en matière de sécurité civile, et que 90 % du financement de celle-ci pèse sur le budget des collectivités territoriales. Face aux changements climatiques et aux risques sanitaires et naturels que ces derniers sont susceptibles d’entraîner, il est vital que le concours de l’État se fasse plus important, afin de soutenir les localités face à ces périls du XXIe siècle.

L’ouverture de nouveaux postes dans la police et la gendarmerie, les renforcements des moyens des renseignements, ainsi que les investissements dans les équipements du ministère de l’intérieur sont de bonnes nouvelles, mais nous nous devons d’attirer l’attention de l’exécutif sur les carences et sous-dotations de ce budget, notamment en matière de formation et de sécurité civile.

Pour ces raisons, les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires s’abstiendront de voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je profite de cette intervention pour rendre hommage à nos forces de l’ordre, qui vivent une année extrêmement éprouvante, avec une mobilisation sans faille sur tous les fronts.

Sans sécurité, aucune liberté n’est pleinement effective. Aujourd’hui, il y a autant d’insécurités qu’il y a de situations pour les Français : ruralité, urbanité, dans le foyer ou en dehors, de la violence conjugale aux violences urbaines. Il y a aussi le crime organisé et la cybercriminalité. Face à ces insécurités, il y a besoin d’autant de sécurités ; c’est bien pourquoi le titre de la mission que nous étudions aujourd’hui est au pluriel. Aucun aspect n’a été oublié dans les programmes de ce budget pour 2021.

Madame la ministre, vous voulez faire évoluer la répartition des tâches entre police et gendarmerie pour aller vers une organisation plus efficace. Vous avez, dans le même temps, insisté sur la nécessité de maintenir ces deux forces complémentaires, tout en ouvrant ce chantier, qui n’avait pas été touché depuis des dizaines d’années.

Or les agglomérations se sont étendues géographiquement. Pour répondre aux nouveaux défis, l’idée est d’apporter des synergies dans les domaines qui exigent une action conjointe. Je pense notamment au maintien de l’ordre, mais aussi aux domaines de forte compétence, comme la police technique et scientifique ou le cyber.

Indépendamment de la façon dont nous envisageons les rapports entre les forces de sécurité intérieure et les citoyens, il est essentiel que celles-ci soient bien recrutées, bien formées et bien équipées. Pour ce faire, un budget important est nécessaire. Pour l’année 2021, les crédits demandés pour la mission atteignent un montant de 21,23 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 20,7 milliards d’euros en crédits de paiement. Cela représente une hausse d’environ 1,05 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Lors de l’examen à l’Assemblée nationale, les crédits de la mission ont été majorés de 33,3 millions d’euros pour les dépenses de personnels, la hausse étant répartie sur les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». De nombreux recrutements sont prévus : environ 1 500 créations de postes pour les forces de sécurité intérieure, soit 317 pour la gendarmerie et 1 145 pour la police. Il est également prévu un effort spécifique pour les services de renseignement et de lutte contre le terrorisme, avec 330 créations d’emplois supplémentaires. Ce budget pour 2021 poursuit ainsi pleinement la mise en œuvre du plan de recrutement ambitieux de 10 000 policiers et gendarmes sur le quinquennat.

Si ces dépenses de personnes peuvent être difficilement pilotables, le plan de relance vient, dans le même temps, renforcer l’effort pour « s’occuper du quotidien du policier et du gendarme » et assurer le plein maintien de leurs capacités opérationnelles. Si l’on inclut ce plan, l’augmentation des crédits de la mission s’élève à 621 millions d’euros en crédits de fonctionnement et à 455 millions d’euros en crédits d’investissement. Cela porte l’augmentation du budget de la mission « Sécurités » à 1,7 milliard d’euros depuis le début du quinquennat.

Je salue la création d’une indemnité de travail de nuit pour la police nationale, le renouvellement du parc automobile de la police et de la gendarmerie, à hauteur de 213 millions d’euros, ainsi que la dotation complémentaire pour la généralisation de l’utilisation des caméras-piétons au mois de juillet 2021.

Le budget est axé autour de trois priorités stratégiques, qui correspondent à trois grandes luttes nationales : contre les stupéfiants, contre les séparatismes et contre les violences conjugales.

La police et la gendarmerie sont traitées équitablement. Le programme 176, « Police nationale » prévoit 11,14 milliards d’euros et le programme 152, « Gendarmerie nationale », 9 milliards d’euros. L’objectif est d’évaluer la prévention et l’activité répressive des forces de sécurité et de renforcer l’activité des services pour mieux combattre la délinquance. Il faut aussi optimiser l’emploi des forces mobiles, renforcer l’efficacité dans la lutte contre l’insécurité routière, ainsi que la transparence du service public de sécurité intérieure.

Un danger majeur concerne l’ensemble de nos concitoyens : la menace terroriste. Nous avons été plusieurs fois durement frappés récemment, jusqu’aux portes de nos écoles, jusqu’aux parvis des lieux de culte. Cette menace, qui est une priorité absolue, est bien prise en compte dans chacun des crédits de la mission.

Il ne faut pas non plus négliger certains dangers du quotidien. Je pense à ceux qui surgissent au détour d’un simple trajet en voiture. Le programme 207, « Sécurité et éducation routières » vise à mobiliser l’ensemble de la sécurité routière pour réduire le nombre d’accidents sur les routes et améliorer le service du permis de conduire ; il est appuyé par 41,2 millions d’euros.

Enfin, il faut prendre en compte la prévention et la prédiction d’autres dangers, en appui sur les moyens des services départementaux d’incendie et de secours. Pour permettre à nos forces de répondre efficacement à ces dangers, le programme 161, « Sécurité civile » augmente de 2,3 millions d’euros, pour atteindre plus de 520 millions d’euros. Madame la ministre, pourrez-vous préciser les dépenses pour la sécurité civile aujourd’hui inscrites dans plusieurs programmes qui n’entrent pas dans cette mission ?

Pour finir, je salue le Livre blanc de la sécurité intérieure, dans lequel se retrouve l’ambition de ce budget pour 2021. Certaines de ses mesures, en matière notamment de sécurité privée et de police municipale, sont déclinées dans la proposition de loi relative à la sécurité globale. La Haute Assemblée en sera prochainement saisie : elle saura exercer pleinement ses prérogatives pour travailler ces dispositions dans un esprit d’équilibre entre sécurités et libertés.

Suivant les avis de l’ensemble des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, le groupe RDPI votera les crédits de la mission, les articles rattachés, ainsi que les crédits du compte d’affectation spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun s’accordera à dire que les questions liées à la sécurité trouvent dans notre pays un écho de plus en plus important, trop souvent pour de mauvaises raisons.

De trop nombreuses lois, décisions gouvernementales ou juridictionnelles intéressant le maintien de l’ordre public sous toutes ses formes amènent leur lot de polémiques, là où nous devrions rechercher le consensus républicain quant aux finalités et le débat démocratique dans les modalités. C’est le rôle d’ailleurs dévolu au Parlement, me semble-t-il, en tant que représentant de la Nation : discuter la loi en toute transparence et améliorer sa rédaction grâce à la navette parlementaire.

La discussion budgétaire en fait pleinement partie, puisqu’il est coutume de dire que, derrière les chiffres, c’est une politique qui est menée. Aussi, à notre sens et c’est notre préoccupation, ce budget devrait traiter du lien de confiance entre les forces de l’ordre et les citoyens, socle fondamental de la légitimité de l’État et, plus largement, de notre démocratie. Cela suppose de mettre en place les conditions du soutien que doivent l’État et la société aux forces de l’ordre.

Depuis des mois, l’actualité, parfois déformée par le prisme des réseaux sociaux, nous rappelle combien ces liens sont fragiles, tant ils subissent des événements toujours tragiques. D’un côté, la terrifiante attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne, mais aussi les agressions devenues régulières de fonctionnaires de police durant les interpellations, comme la semaine dernière en Seine-et-Marne ; de l’autre, l’indignation suscitée par les images de l’évacuation de la place de la République, voilà quinze jours, ou encore par celles du véritable passage à tabac de Michel Zecler, la semaine dernière.

Que révèle cette triste litanie ? Qu’entre violence policière et violence contre les policiers, il y a un va-et-vient quasi schizophrénique, l’expression d’un symptôme préoccupant pour la santé de notre État de droit, voire de la confiance de nos concitoyens envers l’État, à l’heure où le complotisme a pignon sur rue et n’a rien à envier aux superstitions d’antan.

L’heure n’est pas à prendre parti pour un camp ou un autre : il faut trouver la voie de l’apaisement, dans le respect de la loi et de l’ordre public. Notre Nation ne doit pas s’enliser dans ce chemin insupportable qui fait que, chaque semaine, de nouveaux événements alimentent les chaînes d’information, boulimiques de polémiques, et font le lit des populismes qui n’attendent que de prospérer sur cette crise de confiance.

Certes, nous pourrons bien nous rassurer en nous disant que les gendarmes ou les pompiers conservent une bonne image dans la population, mais rien n’est acquis. Nous le constatons tous les jours. Notre réponse doit donc être pensée et structurée pour le long terme.

Face à cela, le budget que nous examinons apporte des premiers éléments de réponse. En particulier, il poursuit en 2021 la mise en œuvre du plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes sur le quinquennat, conformément à la loi de programmation, en prévoyant la création nette de 1 145 emplois dans la police nationale et de 335 emplois dans la gendarmerie nationale. Ces emplois supplémentaires devraient principalement venir renforcer les effectifs de sécurité publique. Nous nous réjouissons de cette évolution.

Néanmoins, cette évolution ne dit pas tout. Les enjeux liés aux missions de sécurité ne tiennent pas qu’à une question d’effectifs. Une fois le nouveau personnel recruté, encore faut-il qu’il puisse effectuer ses tâches dans des conditions à la hauteur de leur importance.

Garantir l’ordre public est d’abord une question de moyens. Les gendarmes et les policiers nous alertent constamment là-dessus : ils doivent disposer des matériels qui leur permettront d’assurer leur mission efficacement.

La formation de nos forces de l’ordre est devenue un enjeu essentiel, en particulier au regard de l’évolution de notre doctrine du maintien de l’ordre et des techniques d’interpellation, sujet sur lequel Catherine Di Folco et moi-même travaillons.

Le budget de la mission « Sécurités » apporte encore des réponses en prévoyant de financer la modernisation des équipements, d’élargir le parc automobile ou encore d’engager des travaux de rénovation immobilière. Là aussi, c’est un motif de satisfaction.

Enfin, s’agissant des questions liées à la sécurité civile, nous soulignerons la légère hausse d’effectifs qui est prévue. Cependant, les crédits de cette mission sont stables. Or cette stagnation peut se révéler inquiétante, lorsque l’on sait qu’une grande partie de la sécurité civile est assumée par les collectivités territoriales, tandis que le réchauffement climatique démultiplie les risques de catastrophes naturelles ou d’incendies de forêt. Comment parvenir à maintenir les moyens des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) dans ces conditions ? Je m’associe à cette préoccupation, qui est assez largement partagée.

Sous réserve de ces observations, mes collègues du groupe RDSE et moi-même voterons en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission a ceci d’étonnant que l’augmentation importante de ses crédits est principalement liée au plan de relance, avec, pour base, des annonces gouvernementales aux données budgétaires non consolidées. Voilà qui, comme l’a relevé le rapporteur spécial, nuit non seulement à la lisibilité, mais aussi et surtout à la sincérité de l’information communiquée au Parlement.

Ainsi, hors plan de relance, les crédits de paiement de cette mission passent de 19,9 milliards d’euros à 20,21 milliards d’euros, marquant une stagnation certaine sans l’abondement important des crédits de relance, à savoir 118 millions d’euros pour la police nationale et 161 millions d’euros pour la gendarmerie.

Cette augmentation « exceptionnelle » satisfait les syndicats. Nous pouvons le comprendre et nous en féliciter, dans le sens où elle apporte des réponses à des questions récurrentes. Il en est ainsi de la revalorisation de 150 euros accordée aux 22 000 nuiteux, de la relance des discussions sur la gratuité des transports pour les policiers ou de la revalorisation des heures supplémentaires. Surtout, cela représente une occasion unique pour le ministère de l’intérieur de donner un coup d’arrêt à la dégradation des conditions de travail et de procéder à la remise à niveau des équipements.

Reste que l’effort est ponctuel et imputable à la crise sanitaire en cours. Or la situation matérielle dégradée de nos forces de l’ordre nécessite une réponse durable et une revalorisation pérenne des crédits de fonctionnement et d’investissement.

Nos convergences avec la majorité sénatoriale sur cette mission s’arrêtent là… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

En matière de sécurité publique, nos principales critiques ont toujours principalement porté sur la politique menée, donc budgétisée, qui pose de nombreuses difficultés. Je pense à la très mauvaise gestion du maintien de l’ordre, qui est notamment porteuse de tensions et de violences policières. Je pense encore au niveau de formation de nos agents, qui est bien insuffisant. Je pense surtout au manque de proximité avec la population, à l’origine de deux maux pour nos forces de l’ordre : d’une part, le relâchement du lien, qui a entraîné la rupture de confiance entre police et population, d’autre part, pour les forces de l’ordre, la perte de sens de leur mission de service public, expliquant en partie le mal-être de nombre d’entre eux qui vont parfois jusqu’à commettre l’irréparable.

Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de stigmatiser nos forces de l’ordre, qui sont confrontées au quotidien à la misère sociale et dont le travail anxiogène donne trop souvent lieu au pire. Selon nous, toutefois, mal-être policier et violences policières, deux tabous de notre société, doivent être abordés avec la même rigueur et sans détour. L’actualité brûlante dans laquelle s’inscrit cette discussion nous y invite plus que jamais.

Si l’attention médiatique s’est focalisée sur l’article 24 de la loi relative à la sécurité globale, il n’en demeure pas moins que nous pointons un autre problème d’envergure : le glissement dangereux de notre sécurité publique vers une privatisation. Il s’agit d’un enjeu phare qui n’aura pas échappé à la lecture de la commission des lois, puisque le rapporteur pour avis souhaite, pour alléger les tâches de procédure pénale, pour renforcer la présence policière dans l’espace public et diminuer leurs missions « périphériques », « la montée en puissance des autres acteurs de la sécurité », comme le suggère précisément ce texte à l’origine de la crise politique en cours et comme le ministre de l’intérieur l’appelle de ses vœux dans le Livre blanc de la sécurité intérieure récemment publié.

Pour notre part, nous persistons à dire que la sécurité publique est du ressort du pouvoir régalien et que les fonctionnaires de police et de gendarmerie sont des acteurs du service public. Glisser vers une privatisation n’améliorera en rien les conditions de travail de nos forces de l’ordre. Vouloir se couper de la police républicaine au profit d’un service de sécurité mercantile et servile, bien éloigné des fonctions régaliennes de l’État, est une grave erreur.

En réalité, cette question de la présence dans l’espace public de nos forces de l’ordre est non pas une question budgétaire, mais une question de doctrine d’emploi des forces de l’ordre. C’est une question éminemment politique !

Le chemin est encore long pour que convergent notre conception de la police républicaine et l’idée que vous vous en faites. C’est pourquoi nous voterons contre ces crédits, qui, d’ailleurs, mais je n’ai pas le temps d’aborder le sujet, sont également loin d’être à la hauteur en matière de sécurité civile. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la ministre, à l’occasion du débat sur les crédits de la mission « Sécurités », permettez-moi, tant en mon nom personnel qu’au nom de mon groupe, de marquer mon soutien aux forces de police et de gendarmerie et à l’ensemble des services de la sécurité civile, notamment les sapeurs-pompiers, qui ne sont pas épargnés, ainsi qu’à nos militaires, qui assurent au quotidien la sécurité des Français.

Jamais le climat social n’a été aussi tendu et jamais la demande d’ordre n’a été aussi multiple. De la sécurité des maires et des élus, en passant par celle des transports, la lutte contre les trafics et celle contre le terrorisme, la cybercriminalité, les débordements et violences des rues, les violences faites aux femmes, la demande de sécurité est polymorphe et urgente. Elle est aussi impérative, pour que notre pays ne glisse pas dans les bras extrêmes, qui encaissent cash les bénéfices des désordres que nous voyons trop souvent sur les chaînes d’information continue.

Le dialogue a disparu de nos sociétés et fait place aux invectives relayées par les médias et les réseaux sociaux. La violence est un signe de mauvaise santé de notre société. Face à ce constat que chacun peut faire, il nous appartient de tenter d’apporter des solutions, mais l’ajustement du curseur n’est pas toujours facile.

L’an dernier, notre débat se déroulait en pleine crise des gilets jaunes. La semaine dernière, des violences inadmissibles ont été commises contre des policiers, mais aussi contre des manifestants.

On le voit bien, le climat de confiance entre les forces de sécurité et les citoyens se détériore. Pour préserver cette indispensable confiance, il faut que notre police républicaine soit irréprochable, madame la ministre. Je ne doute pas qu’elle le soit dans son immense majorité, mais une petite minorité vient salir le travail et l’engagement de dizaines de milliers de fonctionnaires. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) se trouve dès lors au cœur des débats.

L’IGPN a connu des évolutions et des améliorations, notamment avec la plateforme interne « signal-discri ». Si la fonction de renseignement de l’IGPN ne semble pas devoir être critiquée, tel n’est pas le cas de sa mission de contrôle.

Pendant l’année 2019, selon son dernier rapport, 1 460 enquêtes judiciaires ont été menées. Cette hausse est notamment due à la multiplication des mouvements sociaux.

Face aux critiques, madame la ministre, comment envisagez-vous de mener la réforme de l’IGPN qui a été annoncée ? À mon sens, cette réforme ne peut être définie qu’avec la participation du Parlement, tant dans son principe que dans son périmètre. Nous devons être complètement associés à une telle réforme de l’IGPN, dans ces deux composantes.

Il convient de revoir la composition de cette structure afin d’assurer l’indépendance des enquêtes. Actuellement, l’IGPN est composée de 285 agents ; 72 % d’entre eux sont des policiers, 18 % appartiennent au personnel administratif et 1 % au personnel technique ; enfin, 9 % d’entre eux – magistrats, adjoints de sécurité – relèvent d’autres catégories.

Dans d’autres pays européens, les organes de contrôle des services de police sont composés en partie de membres de la société civile ; il arrive même qu’ils soient indépendants du ministère de l’intérieur.

C’est le cas au Royaume-Uni, mais aussi en Belgique, où l’organisme chargé de contrôler l’action de la police, le Comité permanent de contrôle des services de police, ou « Comité P », est dirigé par un magistrat choisi par le Parlement. Ce magistrat est assisté d’un bureau de direction où figurent des représentants de la société civile. Il faut avouer que cette formule est assez séduisante si l’on veut redonner au Parlement son rôle dans cette mission de contrôle.

Au Danemark, l’Autorité indépendante des plaintes concernant la police, chargée de contrôler l’action de cette dernière, est placée sous la tutelle du ministère de la justice.

Dès lors, sans même être rendue indépendante du ministère de l’intérieur, l’IGPN pourrait comprendre un comité citoyen, ou d’autres membres de la société civile, ainsi que des magistrats et, pourquoi pas, des élus.

M. Christian Cambon. Un comité citoyen, vraiment ?

Mme Nathalie Goulet. Non, ce ne serait pas uniquement un comité citoyen, mais des citoyens seraient présents. Comme je l’ai dit, le Parlement doit être complètement associé à la définition du principe de la réforme et de son périmètre. Je prends simplement des exemples et ne prétends nullement que l’IGPN devrait être remplacée par un comité Théodule dont les membres ne seraient pas élus. Je vous remercie d’ailleurs de votre observation, monsieur Cambon : elle me permet d’être plus précise.

Faut-il revoir les critères d’évaluation de la police ? Doit-on, par exemple, modifier le régime de la charge de la preuve ou accroître la transparence ?

Une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, présidée par M. Jean-Michel Fauvergue, a abouti à la publication d’un rapport de M. Christophe Naegelen sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu’il s’agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale. Avec les 332 pages du Livre blanc de la sécurité intérieure, nous tenons là un excellent outil pour répondre à toutes les questions qui sont posées.

Arrivée à ce stade de mon propos, madame la ministre, je veux vous transmettre plusieurs messages personnels.

Le premier de ces messages concerne les locaux d’hébergement des gendarmes de Deauville. Plus d’un tiers de ces logements sont extrêmement mal isolés et totalement inhabitables – M. Naegelen vient d’ailleurs d’y effectuer une mission de contrôle –, alors que les loyers versés par l’État s’élèvent à 400 000 euros, soit à peu près une demi-patte de yearling ! (Sourires.)

Je vous propose donc, madame la ministre, de lancer une mission d’inspection de certains locaux. En effet, dès lors que les loyers sont payés, il faut que les collectivités locales puissent assurer l’hébergement des forces de sécurité et de leurs familles dans des conditions satisfaisantes.

Le deuxième message concerne la gendarmerie de Tourouvre-au-Perche, commune de 3 127 habitants située dans l’Orne. Le maintien d’une brigade de gendarmerie active y est un enjeu essentiel, à la fois pour assurer la sécurité de ceux qui fréquentent ce secteur, pour stimuler son attractivité et pour accompagner son développement.

Le financement du projet pose problème : les subventions ne sont pas suffisantes pour permettre à la toute petite communauté de communes des Hauts du Perche, qui ne compte que 8 257 habitants, de mener à bien ce projet. En effet, ces subventions ne représentent que 16 % du montant nécessaire, estimé à près de 2,2 millions d’euros. Madame la ministre, pensez-vous pouvoir utiliser des crédits du plan de relance pour aider ce type de gendarmeries ?

Avec mon dernier message, qui porte sur l’indemnité d’installation des militaires ultramarins, on passe de l’Orne au Pacifique ! Madame la ministre, vous défendez dans cette mission l’octroi de crédits importants pour le financement de nos forces de sécurité, policiers et gendarmes. Or, comme vous le savez, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie constituent des viviers de recrutement particulièrement dynamiques pour nos forces de maintien de l’ordre. Des jeunes sont prêts à vivre à 20 000 kilomètres de leur famille et de leurs amis pour défendre notre souveraineté et maintenir l’ordre public.

Pourtant, ces agents du Pacifique sont à l’heure actuelle exclus du bénéfice de cette prime spécifique d’installation, que touchent pourtant leurs collègues des autres territoires ultramarins affectés en métropole. Saisie de cette question par Gérard Poadja, Mme la ministre de la défense s’est engagée à traiter cette discrimination. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez également soutenir cette démarche.

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe Union Centriste votera en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les milices d’extrême gauche, relayées par certains parlementaires et éditorialistes, croient bon d’évoquer un « problème systémique » dans la police. S’il y a quelque chose de systémique, c’est bien la haine du flic chez ces gens-là et la violence des anarchistes dans nos rues !

Mme Éliane Assassi. De qui il parle ?

M. Stéphane Ravier. Moi, je vous le dis tout net : je soutiens la police de toutes mes forces.

Je soutiens nos policiers, comme ces hommes de la brigade anticriminalité (BAC) que j’ai accompagnés pendant toute une nuit dans les quartiers nord et le centre de Marseille ; ils faisaient ce qu’ils pouvaient, malgré les consignes non écrites de « ne pas faire de vagues », malgré l’équipement usé, malgré les effectifs réduits, malgré les provocations.

Je veux rappeler ici aux Français que les forces de l’ordre sont prêtes à donner leur vie pour sauver la nôtre, comme les hommes qui ont abattu les terroristes de Nice et de Conflans-Sainte-Honorine, comme ceux qui sont entrés sous les balles dans le Bataclan, comme ceux qui sont morts sous les balles des frères Kouachi ou comme celui qui a neutralisé l’assassin de Laura et Mauranne à Marseille.

On voudrait nous faire croire que les Français ne soutiennent pas leur police ; rien n’est plus faux ! Connaissez-vous un seul Français qui ait déménagé parce qu’un commissariat ouvrait près de chez lui ?

Madame la ministre, je ne ferai pas porter le chapeau à votre seul gouvernement de l’état des équipements et du moral des policiers : ils sont le résultat de décennies d’inaction gouvernementale. Seulement, la situation empire !

Nos forces de sécurité sont sollicitées en permanence et elles n’en peuvent plus. Elles sont pourtant le dernier rempart avant le chaos.

Le rapport pour avis de la commission des lois sur ce sujet est éloquent : les policiers et les gendarmes sont de moins en moins présents sur le terrain, accaparés qu’ils sont par des tâches administratives toujours plus lourdes.

Du point de vue financier, 230 millions d’euros sont nécessaires pour payer les 24 millions d’heures supplémentaires effectuées. Vous affirmez vouloir faire un effort de 63 millions d’euros, soit quatre fois moins que nécessaire.

Ce que demande avant tout la police, c’est de pouvoir travailler dans de bonnes conditions et d’être respectée par ceux qui la dirigent.

Quand l’ancien ministre de l’intérieur a envisagé d’organiser une cérémonie, place Beauvau, où des policiers mettraient un genou à terre, c’était de l’humiliation !

Quand un Président de la République en fonction se met en scène au chevet d’une victime supposée qui accuse des policiers de violences, et ce avant toute enquête, c’est une humiliation !

Quand l’actuel ministre de la justice affirmait, il y a quelques mois, dans l’affaire Théo, que la police devait présenter des excuses, comment voulez-vous que celle-ci ait confiance en lui ?

La police ne croit plus en ses chefs. Elle ne croit plus en son ministre.

Elle ne croit plus en lui, dont l’offensive sécuritaire s’est dégonflée sous le poids de la rue conquise et saccagée par 10 000 manifestants d’extrême gauche !

Elle ne croit plus en lui, qui a demandé la révocation de policiers qui sont déjà derrière les barreaux sans même avoir été entendus, pendant que la racaille multirécidiviste sort libre des commissariats faute de place en prison !

Le ministre de l’intérieur a lâché ses hommes ; ils ne l’oublieront pas !

Mal payées, mal équipées, mal dirigées, mal considérées : voilà le quotidien de nos forces de l’ordre.

Quant à moi, je ne lâche pas ces gendarmes et ces policiers nationaux et municipaux, mais je leur dis : « Merci ! Comme moi, le pays réel vous soutient. Tenez bon ! Bientôt, nous allons remettre la France en ordre ! » (Mme Éliane Assassi sesclaffe.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviens pas sur les excellentes présentations budgétaires qu’ont faites nos collègues rapporteurs. Tout a été dit.

Je souhaite pour ma part, madame la ministre, vous interpeller sur des sujets de sécurité civile que vous connaissez. Ces enjeux sont importants pour le quotidien des 41 000 sapeurs-pompiers professionnels et des 198 000 sapeurs-pompiers volontaires. Comme vous le savez, ces derniers représentent 79 % des sapeurs-pompiers de France. Dans mon département de l’Indre, comme dans de nombreux départements ruraux, ils réalisent la grande majorité des interventions. Sans ces femmes et ces hommes qui donnent de leur temps au péril de leur vie, beaucoup de nos campagnes n’auraient quasiment plus de secours.

Aujourd’hui – et c’est notamment la conséquence des déserts médicaux que nous dénonçons sur toutes ces travées –, les interventions sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus complexes et de plus en plus dangereuses, car les pompiers, comme les forces de l’ordre, font l’objet pendant leurs interventions de violences inadmissibles. Je saisis cette occasion pour les remercier et leur témoigner notre soutien.

Comme vous le savez, madame la ministre, les pompiers se substituent aux transporteurs sanitaires privés pour des interventions non urgentes. Les carences ambulancières démobilisent le volontariat et n’aident évidemment pas au recrutement, car les employeurs hésitent fort à laisser leurs agents ou employés s’absenter pour des opérations non prioritaires.

Un rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des affaires sociales a été rendu sur ce sujet au mois de juin dernier. À ce jour, il n’a connu aucune suite. Il formule dix recommandations pour améliorer les pratiques, trop disparates selon les territoires, pour rationaliser le recours aux services de secours et d’incendie, pour assouplir les contraintes opérationnelles et pour revoir le fameux mode de calcul du tarif de l’indemnisation. Aujourd’hui fixée à 124 euros, cette indemnisation est très inférieure au coût réel supporté par les SDIS, que l’on estime entre 450 euros et 500 euros.

Cette situation ne peut perdurer, madame la ministre : le reste à charge est trop élevé pour les collectivités locales. Pour un département comme le mien, l’Indre, il s’établit au-dessus de 250 000 euros. L’Assemblée des départements de France (ADF) a proposé que ce tarif d’indemnisation soit fixé à 251 euros. Il vous revient donc maintenant de prendre une décision, désormais urgente, en concertation avec le ministre de la santé.

La revalorisation de l’indemnité de feu allouée aux sapeurs-pompiers professionnels, dite prime de feu, est quant à elle unanimement considérée comme légitime. Reste qu’elle résulte d’une décision unilatérale du Gouvernement, alors que son impact budgétaire pour les départements, les communes et les intercommunalités qui financent les SDIS n’est pas négligeable : il s’élève à près de 300 000 euros dans l’Indre.

Les collectivités connaissent un contexte budgétaire très contraint, comme l’a rappelé Mme la rapporteure pour avis Françoise Dumont. Dès lors, c’est pour elles une charge difficilement supportable, alors qu’aucune ressource supplémentaire n’a été prévue ni aucune suppression de charge existante envisagée.

La récente décision du Parlement de supprimer la part employeur de la surcotisation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a permis de dégager 40 millions d’euros, soit la moitié du surcoût que représente la revalorisation de cette indemnité. C’est une avancée considérable, surtout compte tenu des perspectives budgétaires des départements, mais elle ne compense pas totalement cette augmentation.

En revanche, au-delà du parallélisme des formes, nous regrettons, madame la ministre, l’opposition du Gouvernement à la suppression de la part salariale de cette surcotisation.

Un autre sujet d’actualité est européen : la directive européenne relative au temps de travail et la question de son application aux sapeurs-pompiers volontaires. La Commission européenne vient d’apporter une réponse, mais celle-ci n’est pas rassurante. Si elle affirme ne remettre en cause ni le principe du volontariat ni le modèle français de sécurité civile, elle rappelle que c’est au cas par cas qu’elle se prononce, et non sur des organisations générales qui ne sont pas de sa compétence. Selon les critères retenus par l’Union européenne, c’est sur le caractère accessoire des revenus et de l’activité que l’attention doit être portée afin d’exonérer le volontariat du statut de travailleur. Seule une volonté politique forte permettra le maintien de notre modèle de sécurité civile.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Nadine Bellurot. Je termine en vous faisant part d’une idée. Lorsque j’étais maire de Reuilly, j’ai conditionné l’aide apportée aux candidats au permis de conduire à une formation aux premiers secours. Peut-être y aurait-il là une piste à creuser pour donner le goût du volontariat à la population, à l’image des 29 000 jeunes sapeurs-pompiers, qui sont un bel exemple pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il serait mesquin de nier les efforts engagés par le Gouvernement sur la mission « Sécurités », mais on peut regretter un défaut de transparence globale sur les crédits qui rend parfois difficile de bien comprendre la réalité des annonces faites.

Mon collègue Éric Jeansannetas avait dénoncé à cet égard un tour de passe-passe budgétaire. M. le rapporteur spécial a pour sa part indiqué que les crédits pour l’année 2021 étaient structurellement faibles et que la méthode était parfois un peu confuse. De fait, ces crédits peuvent se révéler moins ambitieux qu’annoncés.

J’ai déjà fait remarquer, en commission, qu’entre le plan de relance, le Livre blanc de la sécurité intérieure ou encore la loi de programmation des finances publiques, on ne sait plus ce qui relève des crédits sonnants et trébuchants et ce qui n’est qu’un effet d’annonce. Il est vrai que, sur le terrain, les policiers et les gendarmes sont globalement satisfaits des améliorations apportées à leurs conditions matérielles de travail, notamment en matière de véhicules, de gilets et d’armes. Cependant, des questions restent en suspens, comme le temps de travail ou l’utilisation des effectifs.

Le sujet de la sécurité est particulier et le contexte est des plus confus. Il est donc difficile d’aborder le débat sur cette mission sous le seul angle budgétaire. En traitant de ces crédits, nous aurons aussi à l’esprit les questions d’organisation de nos forces de sécurité, de commandement, d’encadrement, de déontologie et de doctrine d’emploi. Dès lors, madame la ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que notre vote dépendra du sort qui sera fait à nos amendements. Mes collègues, notamment Marie-Pierre de la Gontrie, auront l’occasion de revenir sur ces divers sujets.

Je profite de cette discussion budgétaire pour aborder un point sensible du débat actuel sur les images. Madame la ministre, nous avons déposé un amendement qui vise à vous aider à acheter davantage de caméras-piétons de meilleure qualité. Je sais que le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet et c’est heureux.

J’ai toutefois cru comprendre, lors des échanges que j’ai eus avec des policiers – M. Darmanin et vous-même avez d’ailleurs abordé ce sujet devant notre commission –, que la récupération des images enregistrées via les stations d’accueil posait problème. Pouvez-vous nous donner des indications sur les conséquences du choix d’une transmission dématérialisée, via un cloud que l’on espère souverain, des images enregistrées par les caméras-piétons ?

Par ailleurs, une question se pose quant à l’effectivité du droit des citoyens à avoir accès aux images qui sont enregistrées d’eux. Si je ne me trompe, pour les caméras fixes, l’accès est supposé être direct. Or on a vu, dans l’histoire du jeune homme agressé au bois de Boulogne, que ce droit pouvait se révéler virtuel. Qu’en sera-t-il des images enregistrées par les caméras-piétons, pour lesquelles, me semble-t-il, le droit d’accès est indirect, puisqu’il passe par le filtre des magistrats de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ? Je vous remercie par avance de vos éclairages sur ce sujet sensible.

On a beaucoup parlé de la nécessité d’améliorer la formation initiale et continue des forces de l’ordre pour contribuer à la nécessaire réconciliation de la police avec la population. Nous avons donc déposé des amendements dans ce sens. M. Darmanin a regretté que les amendements déposés par le groupe socialiste sur ce sujet à l’Assemblée nationale n’aient pas été adoptés : voilà donc de quoi vous sortir de cet inconfort, madame la ministre !

Enfin, beaucoup plaident pour que plus d’indépendance soit donnée à l’IGPN. Nous vous proposons de préparer dès aujourd’hui une telle réforme dans le budget.

J’en viens au programme 161, « Sécurité civile » que Hussein Bourgi suit pour notre groupe. Rappelons qu’il ne contient pas l’intégralité du budget de la sécurité civile, dont 90 % est financé par les collectivités locales. Cette année, un élément supplémentaire est venu s’ajouter : le financement de l’État en faveur de la sécurité civile devient de moins en moins lisible, sachant qu’il repose désormais sur dix programmes, pilotés par six ministères différents. Le programme 161 ne représentera plus en 2021 que 43 % de l’effort financier de l’État pour la sécurité civile, contre 50 % ces dernières années.

Notre attention doit aussi se porter sur la situation financière des associations agréées pendant une crise sanitaire qui met à mal leur trésorerie. Le soutien de l’État se révèle nécessaire, faute de quoi elles risquent de ne plus pouvoir poursuivre leurs actions, qui sont unanimement reconnues, aux côtés des sapeurs-pompiers. Acteurs essentiels de la sécurité civile, ces derniers ont, entre le mois de mars et le mois de mai 2020, effectué plus de 122 000 interventions de secours d’urgence afin de porter assistance à des personnes présentant des symptômes de la covid-19, le plus souvent pour les transporter vers un centre hospitalier.

La question des carences ambulancières est rapidement abordée quand on a l’occasion d’échanger avec un officier des SDIS. Ce sujet appelle, sur le terrain, une meilleure collaboration entre les SDIS et les services d’aide médicale urgente (SAMU).

En effet, les sapeurs-pompiers ne sont pas seulement les soldats du feu : ils jouent un rôle de plus en plus important en matière de santé, dans la prise en charge d’urgence et le secours aux personnes.

J’évoque enfin la reconnaissance professionnelle. Une bataille a été remportée au Sénat avec la suppression, dans le cadre des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, de la part salariale de la surcotisation perçue par la CNRACL, alors que l’Assemblée nationale avait décidé de ne supprimer que la part employeur. Une dizaine d’amendements avaient été déposés en ce sens, dont l’un de notre groupe. C’est finalement l’amendement d’Hervé Maurey qui a été adopté, ce qui constitue une bonne nouvelle dans le cadre budgétaire pour 2021.

J’insiste en conclusion sur la nécessité de la réconciliation entre policiers, gendarmes et pompiers, d’une part, et le reste des citoyens, d’autre part. Nous sommes tous ici persuadés que l’immense majorité des Français et des Françaises qui ont choisi ces métiers remplissent leur mission correctement. Dès lors que le Gouvernement a reconnu l’existence de problèmes systémiques, nous devons tous travailler à pacifier les relations entre la police de la République et les citoyens.

Il ne faudrait pas que ces problèmes systémiques et les égarements de quelques-uns nous fassent oublier la vertu du plus grand nombre. Les réformes, les clarifications et les modernisations doivent désormais venir vite, madame la ministre. C’est le sens de nos apports à cette construction budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité est devenue l’une des premières préoccupations des Français. Ces derniers mois ont vu le modèle républicain de sécurité durement mis à l’épreuve. Nouvelles attaques terroristes, persistance des radicalismes de tous bords, augmentation préoccupante des atteintes aux personnes, catastrophes naturelles telles que la tempête Alex : les défis à relever étaient innombrables.

L’examen du budget de la mission « Sécurités » nous permet d’abord d’évaluer l’adéquation des moyens prévus avec l’ampleur de ces défis. À cet égard, nous constatons un effort d’investissement important, grâce au plan de relance. Nous nous en félicitons.

Au-delà de cette réponse ponctuelle, décidée dans le cadre de la crise sanitaire, il est toutefois nécessaire d’anticiper les défis du jour d’après. Le nouveau Livre blanc de la sécurité intérieure permet précisément de se livrer à cet exercice. Il doit également constituer la matrice d’une future loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi). Nous connaissons en effet l’efficacité de ce modèle dans le cas des armées, avec les lois de programmation militaire. À cet égard, une nouvelle Lopsi serait insuffisante si elle ne comportait qu’un volet juridique : une véritable programmation des moyens est absolument indispensable.

Je souhaite d’ailleurs exprimer un regret au sujet du Livre blanc de la sécurité intérieure. S’il aborde les enjeux communs à la police et à la gendarmerie, il n’évoque que très peu le statut militaire des gendarmes. Or cette singularité des gendarmes est pourtant un aspect central du modèle de sécurité intérieure français, que le rattachement des gendarmes au ministère de l’intérieur en 2009 n’a pas remis en cause.

La réactivité de la gendarmerie nationale, sa polyvalence et sa capacité à répondre présent auprès des populations et des élus en toutes circonstances, le tout dans le respect des règles républicaines, découlent en grande partie de ce statut militaire. C’est bien lui qui garantit la résilience et la disponibilité de la gendarmerie nationale. Aussi, nous sommes très attachés à ce modèle. C’est pourquoi il ne faut en aucun cas le laisser se scléroser.

Cela suppose, en premier lieu, de reconnaître les sujétions imposées par l’état militaire et de prendre les mesures de ressources humaines et d’investissement qui en sont la contrepartie nécessaire.

Contrairement aux policiers, les gendarmes ne peuvent pas se syndiquer, même si nous avons approuvé, en 2015, la création des associations professionnelles nationales de militaires (APNM), qui ont ouvert des possibilités limitées de revendication. C’est donc le rôle de la représentation nationale que d’évaluer constamment le respect de l’équilibre entre les sujétions liées à la condition militaire et les mesures dont bénéficient les gendarmes.

Les mutualisations avec la police nationale, qui sont nécessaires et utiles dans le domaine des fonctions de support ou de la police technique et scientifique, ne doivent pas porter atteinte à la spécificité du statut des gendarmes ni aux domaines d’excellence de la gendarmerie. Nous nous étions ainsi émus, l’année dernière, des projets de centralisation ministérielle des fonctions liées au numérique. Par chance, nous avons été entendus et la gendarmerie a pu continuer à innover dans ce domaine.

Par ailleurs, la gendarmerie ne peut rester à l’écart des débats sur l’équilibre nécessaire entre sécurités et libertés. Ainsi, dans le domaine du maintien de l’ordre, la doctrine doit être modernisée en permanence. C’est aussi le cas pour l’utilisation des technologies numériques. Les drones, la généralisation des caméras-piétons ou encore la numérisation intégrale des procédures suscitent des interrogations et des réticences, comme l’a montré le débat autour de l’application GendNotes. Nous avons une totale confiance dans la capacité de la gendarmerie à relever ces défis. En effet, le statut militaire, loin d’être un handicap, constitue selon nous un atout dans cet exercice délicat de conciliation entre éthique républicaine et sécurité.

Comme la commission d’enquête du Sénat sur l’état des forces de sécurité intérieure l’a déjà établi il y a deux ans, la police nationale connaît actuellement une crise multifactorielle. Ne croyons pas que la gendarmerie soit à l’abri de telles vicissitudes ! Au contraire, l’histoire nous invite à la prudence. À nous et à vous, madame la ministre, de faire évoluer ce modèle et de l’améliorer constamment, afin qu’il continue à offrir un service de sécurité de proximité unanimement apprécié ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me faut évoquer en peu de temps la mission « Sécurités », qui regroupe la sécurité intérieure et la sécurité civile. Je m’efforcerai donc d’être synthétique.

Deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances et quatre rapporteurs pour avis de la commission des lois et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se sont penchés sur cette mission particulièrement importante en masse financière. Philippe Dominati nous a donné les chiffres : 9 milliards d’euros sont consacrés à la gendarmerie nationale et 11,13 milliards d’euros à la police nationale, sans oublier le plan de relance, qui libère des crédits pour les équipements, l’immobilier et les véhicules.

Cette mission est surtout importante du point de vue de la valeur humaine et des moyens humains : le budget de l’État rémunère 252 350 policiers et gendarmes qui assurent la sécurité des personnes et des biens, sans oublier nos nombreux sapeurs-pompiers ni les agents qui relèvent d’autres administrations, comme les douanes, ou encore les policiers municipaux, placés sous l’autorité des élus locaux. Il faut y associer les militaires, qui relèvent de la mission « Défense » : ils sont engagés dans nos opérations extérieures, mais aussi dans la lutte contre le terrorisme. En somme, toutes nos forces de sécurité sont de plus en plus sollicitées.

Je veux, comme les orateurs précédents, leur rendre hommage, car elles méritent beaucoup de respect et de reconnaissance. C’est pourquoi, chaque année, dans nos départements respectifs, sous l’autorité du ministre de l’intérieur, sont organisées des journées nationales de la gendarmerie, de la police et des sapeurs-pompiers, sans oublier nos militaires. Malheureusement, chacun de ces corps déplore chaque année cinq à dix décès.

Les forces de sécurité, disais-je, sont de plus en plus sollicitées. Il y a eu les gilets jaunes, des manifestations de plus en plus violentes, auxquelles sont confrontées toutes les forces de sécurité, les compagnies républicaines de sécurité (CRS) comme les gendarmes mobiles, mais aussi la crise sanitaire : beaucoup de personnes étaient en première ligne, mais les forces de sécurité se sont elles aussi largement impliquées en la matière ; les conséquences de la crise sanitaire pour elles sont importantes.

N’oublions pas non plus le rôle social majeur de nos forces de sécurité, madame la ministre. La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Mme Annick Billon, peut en témoigner. Nos forces de sécurité sont impliquées sur des sujets sociaux particulièrement importants, en liaison avec la justice.

Nous restons également très attachés aux sapeurs-pompiers. Comme notre collègue Nadine Bellurot l’a exprimé, nous les soutenons, car les collectivités locales fonctionnent au quotidien avec les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS.

Les sapeurs-pompiers sont en effet très sollicités pour assurer la sécurité des personnes et des biens, par exemple face aux catastrophes naturelles. Le recrutement de volontaires est de plus en plus difficile. Je veux à cet égard saluer l’engagement des jeunes sapeurs-pompiers (JSP) ; il est primordial d’entretenir un lien avec l’éducation nationale. Enfin, je tiens à souligner le rôle de proximité et de maillage territorial de nos brigades et de nos forces de sécurité.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Marc Laménie. Par conséquent, le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi d’être avec vous, aujourd’hui, pour présenter le budget du ministère de l’intérieur.

Avant toute chose, je vous prie d’excuser l’absence de M. Gérald Darmanin, retenu par d’autres obligations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il vous revient d’examiner les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2021 au titre de trois missions budgétaires, relevant du ministère de l’intérieur, en commençant par la mission « Sécurités » et le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Comme le ministre de l’intérieur et moi-même l’avons fait, voilà quelques jours, devant la commission des lois, je veux tout d’abord me réjouir que, conformément à la volonté du Président de la République et du Premier ministre, le budget du ministère de l’intérieur connaisse une augmentation significative de ses crédits, de 1,14 milliard d’euros.

Cette augmentation des crédits est rendue possible tant par l’augmentation du budget dit « ordinaire », à hauteur de 400 millions d’euros, que par un premier renfort du plan de relance, à hauteur de 740 millions d’euros, hors appels à projets. Cela porte donc l’augmentation totale des crédits du ministère de l’intérieur, depuis le début du quinquennat, à 2,7 milliards d’euros, hors retraites.

Des moyens supplémentaires, certes, mais pour quoi faire ? Je vous rappelle les priorités que le ministre de l’intérieur et moi-même nous sommes fixées et auxquelles seront largement dédiés ces moyens nouveaux.

La première de ces priorités est d’imposer les valeurs de la République sur l’ensemble du territoire national. Au cours des dernières années, notre pays a de plus en plus souvent été l’objet d’attaques de la part de groupes organisés, notamment liés à l’islamisme radical. À cet égard, le projet de loi confortant les principes républicains sera déposé dans quelques jours.

Notre deuxième priorité est de mener une lutte intense contre les stupéfiants, qui sont à l’origine de nombreux faits de délinquance, de l’insécurité du quotidien jusqu’aux règlements de compte les plus violents, en passant par le narcobanditisme et le financement du terrorisme.

Notre troisième priorité, enfin, est de lutter contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles. Le Président de la République en a fait la grande cause du quinquennat. Nous devons agir sans relâche en continuant le travail d’accueil des victimes de ces violences et en apportant des réponses immédiates et fortes à ces faits. À cet égard, le ministère de l’intérieur est le premier contributeur, en moyens tant humains que financiers, à la protection des femmes face aux violences. C’est une priorité qu’ont rappelée certains orateurs, notamment Mme Duranton.

Ces priorités s’inscrivent naturellement dans la politique constante du chef de l’État et du Gouvernement, notamment dans la politique de lutte contre les actions terroristes.

Les crédits des quatre programmes de la mission « Sécurités » – « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité et éducation routières » et « Sécurité civile » – sont fortement mobilisés au service de ces priorités du ministère de l’intérieur.

Nous avons souhaité nous concentrer essentiellement, en 2021, sur l’amélioration du quotidien des agents du ministère de l’intérieur, singulièrement des forces de sécurité, afin de donner à nos agents les moyens d’agir et d’exercer leur métier dans des conditions dignes. Ainsi, cette année, les crédits de la mission « Sécurités » sont en forte augmentation : en prenant en considération le plan France Relance, la progression des crédits est de 645 millions d’euros par rapport à l’année dernière, ce qui porte l’augmentation du budget de la mission, depuis le début du quinquennat, à 1,7 milliard d’euros.

La commission des finances a émis un avis favorable sur les crédits de cette mission, du fait de leur augmentation. Je tiens à l’en remercier sincèrement.

L’évolution des dépenses de personnel sera marquée, d’une part, par la tenue de l’engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires dans les forces de sécurité intérieure au cours du quinquennat et, d’autre part, par des mesures catégorielles très ciblées.

En premier lieu, en ce qui concerne les créations de postes, le plan 10 000 créations prévoit une augmentation de 2 000 emplois au sein de la mission « Sécurités », pour 2021 : 1 500 dans la police et 500 dans la gendarmerie.

En second lieu, en 2021, la masse salariale au sein de la mission « Sécurités » progresse de 190 millions d’euros, hors compte d’affectation spéciale « Pensions ». Il s’agit d’une progression maîtrisée, destinée à récompenser le mérite des agents et à nous permettre d’assurer plus efficacement nos missions. Plusieurs de ces efforts méritent d’être cités : le geste inédit pour les nuiteux, la réforme des voies d’avancement des gardiens de la paix, notamment au travers de la priorité donnée à l’investigation, la réforme du statut de la police technique et scientifique, la poursuite de la politique d’indemnisation et de revalorisation – à hauteur de plus de 6 % – des heures supplémentaires et la prise en compte, pour nos gendarmes, de la nouvelle politique de rémunération des militaires.

J’en viens à l’augmentation des crédits de fonctionnement et d’investissement, par laquelle nous avons voulu donner la priorité au quotidien de ceux qui nous protègent. Plusieurs d’entre vous l’ont dit – vous connaissez bien les commissariats et les brigades de nos territoires –, il faut absolument améliorer les conditions dans lesquelles nos forces de l’ordre exercent leurs missions ; cela correspond d’ailleurs à une attente exprimée dans le Livre blanc de la sécurité intérieure. Je l’ai indiqué, les crédits hors dépense de personnel de la mission « Sécurités » augmenteront, compte tenu du plan de relance, de 455 millions d’euros, dont 315 millions d’euros pour la seule année 2021.

Pour nos forces de police et de gendarmerie, cela représente, concrètement, une hausse du budget de matériel et d’équipement de 21 millions d’euros, une augmentation du budget des véhicules de 213 millions d’euros – cela permettra de remplacer un véhicule sur quatre d’ici à la fin du quinquennat –, une progression inédite de 10 millions d’euros, soit de 18 %, de l’action sociale ministérielle, de nouvelles dépenses en matière de numérique, notamment pour assurer la généralisation des caméras-piétons à l’horizon de juillet 2021 et un accroissement du budget immobilier de 31 millions d’euros.

Au sujet de ce dernier poste, je tiens à indiquer à la représentation nationale que, grâce aux crédits adoptés par les parlementaires, nous pourrons engager, d’ici à la fin de l’année, plus de 5 000 opérations, pour 26 millions d’euros, dans nos casernes de gendarmerie et nos commissariats, afin de répondre à des situations d’urgence. Le détail de ce plan dit Poignées de porte est disponible en ligne, sur le site du ministère de l’intérieur.

Quant à la sécurité civile, notre objectif est de renforcer sa capacité de prévention, d’anticipation et d’adaptation. C’est une nécessité pour faire face aux événements et aux catastrophes naturelles, comme nous l’a encore, hélas, démontré la tempête Alex, qui a durement frappé les Alpes-Maritimes le 2 octobre dernier.

Au titre du seul programme 161, les crédits restent stables par rapport à loi de finances initiale pour 2020 ; les crédits de paiement s’établissent à 520 millions d’euros, contre 518 millions d’euros l’année dernière.

La sécurité civile bénéficiera, au titre de la relance, d’un soutien important : 37,5 millions d’euros pour le secteur aérien, avec l’achat d’hélicoptères et 2,2 millions d’euros en faveur du financement du système d’alerte aux populations. Globalement, le budget de la sécurité civile enregistrera, en 2021, d’un effort budgétaire de 40 millions d’euros, soit une augmentation de près de 8 %. Madame Carrère, vous avez cité les risques naturels ; nous y répondrons justement dans le cadre de ce plan de relance.

J’évoque d’un mot l’éducation et la sécurité routières. En matière d’accidentalité, les résultats de l’année 2020 seront, selon toute vraisemblance, les meilleurs que nous aurons jamais enregistrés, mais, nous le savons tous, ce résultat extraordinaire, au sens propre du mot, est en grande partie dû aux effets de la crise sanitaire et du confinement. Néanmoins, notre objectif est bien évidemment de maintenir ce résultat en 2021.

Pour cela, nous poursuivrons la pédagogie déployée auprès des usagers de la route et le déploiement de la conduite externalisée des voitures radars, lancée dans quatre régions, entre 2018 et 2020. Cette pratique se poursuivra dans quatre nouvelles régions – Hauts-de-France, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté –, avant d’être progressivement étendue à de nouvelles régions métropolitaines.

Avant de conclure, je répondrai, en quelques mots, aux propos de M. le sénateur Ravier sur le ministre de l’intérieur. Chacun le sait, Gérald Darmanin a toujours soutenu les forces de l’ordre, tout en défendant les valeurs fondamentales de la République qu’incarnent, précisément, les gardiens de la paix. Il l’a fait y compris en dénonçant les comportements violents, qui sont minoritaires, car c’est aussi cela, soutenir les valeurs de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Son soutien, qui se manifeste tant dans ses mots que dans son budget, n’a jamais manqué, et l’augmentation que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir est d’ailleurs inédite, extraordinaire, comme cela a été noté.

La question de la répartition entre police nationale et gendarmerie nationale ayant été posée, je tiens à vous rassurer sur ce point. Il s’agit non de faire une révolution, mais de mieux tenir compte de l’évolution du tissu urbain, en concertation, bien évidemment, avec les élus concernés et avec le Sénat.

En ce qui concerne la mise en réserve de crédits de la gendarmerie nationale, nous allons en demander un dégel en début de gestion.

Pour le reste, je propose à Mme Goulet, qui a des messages personnels à m’adresser, de m’en parler à la suspension de la séance, afin que l’on examine les choses dans le détail. Nous sommes toujours à la disposition des sénateurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si ces chiffres sont importants – ils doivent bien sûr être confirmés par le vote du Parlement –, ils ne resteront que du sable s’ils ne se traduisent pas par l’amélioration concrète de la situation sur le terrain. C’est ce à quoi Gérald Darmanin et moi-même nous attelons tous les jours, au ministère de l’intérieur.

Permettez-moi de conclure par une note plus personnelle, mesdames, messieurs les sénateurs. Je salue, devant la Haute Assemblée, le travail exceptionnel mené au quotidien par nos forces de l’ordre. Quelques jours après le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, j’insiste sur le fait que, chaque jour, des policiers et des gendarmes entrent dans les domiciles pour sauver des femmes et des enfants des violences intrafamiliales. Je les en remercie sincèrement, car on ne souligne pas assez l’action des forces de l’ordre à cet égard.

Le ministère de l’intérieur compte 290 000 femmes et hommes engagés, tous les jours, pour la protection des plus fragiles, des plus faibles, parfois au péril de leur propre vie. Je tenais à leur exprimer ma reconnaissance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

sécurités

Sécurités - Compte d'affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 66 (nouveau)

Mme le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Sécurités

21 260 114 575

20 733 140 473

Police nationale

11 228 360 172

11 158 895 361

Dont titre 2

10 155 025 784

10 155 025 784

Gendarmerie nationale

9 575 491 872

9 012 652 126

Dont titre 2

7 731 946 546

7 731 946 546

Sécurité et éducation routières

41 184 866

41 184 866

Sécurité civile

415 077 665

520 408 120

Dont titre 2

189 407 173

189 407 173

Mme le président. L’amendement n° II-1111, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

100 000 000

100 000 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

100 000 000

100 000 000

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

100 000 000

100 000 000

100 000 000

100 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Au 31 décembre dernier, 24 millions d’heures supplémentaires non indemnisées étaient accumulées au sein de la police nationale. Au cours de l’exercice précédent, un effort a été fait pour régler 3,5 millions de ces heures, mais le stock reste toujours considérable, en raison du flux annuel.

L’an dernier, l’enveloppe budgétaire dédiée au règlement de cette question s’élevait à 37,2 millions d’euros. Cette année, elle n’est que de 26,5 millions d’euros, ce qui permet de faire face au flux, qui est d’environ 2 millions d’heures supplémentaires chaque année.

Si l’on veut que les forces de l’ordre travaillent dans des conditions normales, il faut régler le problème des heures supplémentaires. Cet amendement vise donc à étaler la résolution du problème sur deux ans, en affectant 100 millions d’euros à cette question pour l’année prochaine.

Aujourd’hui, que se passe-t-il ? Les agents qui ont accumulé des heures supplémentaires les récupèrent en jours de repos à la fin de leur carrière. Ils partent donc à la retraite, si l’on peut dire, plus tôt que leur jour de départ réel ; en réalité, ils ne partent pas en retraite, ils sont en récupération. Par conséquent, on ne peut pas recruter quelqu’un sur leur poste, puisque celui-ci est toujours occupé. Ces départs anticipés créent donc un trou dans les effectifs.

À mon sens, c’est scandaleux. Demander aux forces de l’ordre de travailler comme elles le font, d’être taillables et corvéables à merci, sans les payer en retour n’est pas normal.

L’adoption de cet amendement constituerait donc un signe important en direction des forces de l’ordre.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Les auteurs de l’amendement le soulignent, il s’agit d’un sujet important, abordé l’an dernier par le Gouvernement. La dotation prévue cette année ne traite en effet que le flux, et non le stock.

Toutefois, ce qui me gêne, c’est le gage de cet amendement, ma chère collègue. Vous prélevez des crédits du programme « Gendarmerie nationale ». Le montant du stock d’heures supplémentaires à résorber est tel qu’un seul exercice n’y suffirait pas. Ce doit être une priorité gouvernementale ; c’est le cas pour le flux. Un effort aurait pu être fait pour attaquer le stock, mais je suppose que cela doit faire partie des négociations avec les syndicats.

Ainsi, compte tenu du gage prévu, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le ministère de l’intérieur s’est engagé à apurer le stock des heures supplémentaires qui existe depuis une dizaine d’années dans la police nationale, sur une période pluriannuelle, au travers de campagnes d’indemnisation menées en fonction des crédits ouverts en loi de finances.

En 2019, l’effort total d’indemnisation représentait 75 millions d’euros et a permis de régler 6 millions d’heures supplémentaires. En 2020, 2,17 millions d’heures ont été indemnisées pour un montant de 27,1 millions d’euros. Une partie de cette indemnisation s’est faite sur la base du volontariat, une autre de façon obligatoire en fin d’année, pour les agents ayant un solde d’heures supplémentaires supérieur à 500 heures.

En sus de ces deux campagnes ponctuelles d’indemnisation, 18,8 millions d’euros ont été dépensés en 2020 pour le paiement mensuel des heures supplémentaires des CRS. Ainsi, l’effort d’indemnisation de 2020 représente, au total, 48 millions d’euros et contribue à prendre en charge 3,7 millions d’heures.

La relative diminution observée en 2020 s’explique par les effets de la crise sanitaire – les opérations de maintien de l’ordre furent moins nombreuses –, mais, lors de la première campagne menée fin 2019, 3,5 millions d’heures ont été indemnisées sur un total de 44,2 millions.

Le travail est donc engagé. Les crédits sont prévus pour continuer de régler ce problème, qui traîne depuis une dizaine d’années.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la ministre, vos explications ne sont pas à la hauteur du problème.

Les crédits prévus dans le projet de loi de finances ne permettent que de faire face au flux, c’est-à-dire aux millions d’heures supplémentaires accumulées chaque année.

Nous avons ce soir la possibilité d’abonder sérieusement les crédits budgétaires pour résoudre ce scandale absolu…. (Mme la ministre déléguée indique quelle demande la parole.)

Madame la ministre, vous demandez la parole, mais, si vous intervenez, je ne pourrai pas vous répondre, car je n’ai le droit qu’à une seule explication de vote. Je le précise pour la clarté des débats.

Je vous encourage donc à voter cet amendement, mes chers collègues. Tous nos propos de soutien aux forces de l’ordre ne seraient sinon que des « paroles verbales », et non des actes.

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je peux tout à fait comprendre cet amendement ; nos policiers méritent, comme nos gendarmes, notre respect. Toutefois, je partage l’analyse du rapporteur spécial.

Je représente un département plutôt rural, où la gendarmerie est prépondérante – seules deux villes sont placées sous l’autorité de la police nationale –, et il me semble très gênant de retirer 100 millions d’euros aux crédits qui lui sont affectés. Il faut en effet voir les conditions de travail de nos brigades de gendarmerie et d’autres sénateurs élus de départements similaires pourront en témoigner : les moyens sont insuffisants et les brigades ont des demandes légitimes. On ne peut donc pas retirer à l’un pour donner à l’autre. D’autres solutions budgétaires peuvent être trouvées.

Prélever des crédits à la sécurité routière, qui reste une priorité, me gêne tout autant.

Je reconnais que c’est un dilemme. Je suivrai toutefois l’avis de la commission.

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. J’ai écouté avec attention les propos tenus dans le débat public depuis quelques jours – depuis les événements auxquels on a assisté – et lors de la discussion générale. Si tout est priorité, il n’y a plus de priorité.

Si l’on considère que le sort réservé à nos forces de l’ordre, à nos forces de sécurité publique, à nos gendarmes et à nos policiers ne convient pas, si l’on estime que les moyens matériels qui leur sont affectés ne sont pas suffisants et que les conditions de travail qui leur sont proposées ne sont pas satisfaisantes, alors il faut faire un effort budgétaire, afin que ces heures supplémentaires leur soient payées. À un moment, il faut choisir !

Nous proposons de prélever cette somme sur la sécurité routière, mais le Gouvernement a peut-être d’autres moyens d’agir, puisque j’ai cru comprendre qu’il y avait une forme d’indignité à ne pas soutenir suffisamment nos forces de l’ordre en cette période difficile. Si les heures supplémentaires sont un problème important, et elles le sont – les payer est un témoignage de reconnaissance à l’égard de nos forces de l’ordre –, faites un geste, madame la ministre.

Tous les amendements que nous présentons illustrent notre souci de fournir les moyens matériels et financiers permettant d’améliorer le sort de nos forces de l’ordre. Nous sommes solidaires de nos forces de sécurité publique et il y a un effort à faire en leur direction.

Mme le président. La parole est à Mme le ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je tiens à apporter une précision. Il me semblait pourtant avoir été claire sur les chiffres. Si ce n’est pas le cas, voici rappelées quelques données.

Madame la sénatrice, vous disiez que les crédits que nous engageons n’étaient pas suffisants. Ils sont pourtant supérieurs aux flux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ils sont inférieurs à ceux de l’an dernier !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Cela nous permettra d’apurer un certain nombre d’heures supplémentaires et de revenir au niveau atteint en 2016, puisque, à partir de 2019, nous avons réussi à commencer à le résorber.

L’effort budgétaire est fait…

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … et c’est pour cela que je vous présente des crédits en augmentation : il est fait au travers d’un plan pluriannuel, avec, en outre, la possibilité de récupérer des heures.

Je ne peux donc pas laisser dire que nous ne nous intéresserions pas à la question des heures supplémentaires, puisque, dans ce budget, nous vous proposons des crédits supérieurs aux flux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous ne résorbez rien !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1111.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-748 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Guiol, Requier et Roux et Mmes Guillotin et M. Carrère, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

Gendarmerie nationale

dont titre 2

40 000 000

40 000 000

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

40 000 000

40 000 000

TOTAL

40 000 000

40 000 000

40 000 000

40 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Guylène Pantel.

Mme Guylène Pantel. Cet amendement a pour objet de vous alerter sur le transport sanitaire héliporté.

Depuis l’été dernier, la Lozère se trouve dépourvue d’hélicoptère Dragon permettant d’assurer le transport sanitaire héliporté. J’ai déjà alerté le Gouvernement sur ce sujet au mois de juillet dernier, mais le ministre de l’intérieur de l’époque n’y a pas donné de réponse satisfaisante.

Au mois de novembre dernier, une pétition a été lancée par le conseil départemental de Lozère pour demander une meilleure répartition des moyens de secours héliportés entre les territoires. Cette demande, nous la formulons non par plaisir mais par nécessité, la nécessité de garantir aux habitants des territoires ruraux et hyper-ruraux un accès aux soins urgents en moins de trente minutes.

Vous me répondrez, madame la ministre, que l’absence de Dragon a été compensée à la dernière minute. La réalité est tout autre, puisque les appareils proposés sont plus faibles et moins fiables que les Dragon du point de vue tant de la puissance que de la capacité d’accueil, de treuillage ou de vol en cas de mauvais temps. Ils ne garantissent pas pleinement la sécurité des victimes. Tous ces éléments ouvrent une faille dans la promesse républicaine.

Il s’agit non pas de demander les mêmes moyens et les mêmes infrastructures que dans les métropoles – le prisme de l’égalité n’est ici pas le bon –, mais bien de réclamer l’équité. Les ruraux, quel que soit leur lieu d’habitation, en Lozère ou ailleurs, ne sont pas des sous-citoyens.

Cet amendement, en augmentant de 40 millions d’euros les crédits alloués au programme « Sécurité civile », vise à permettre aux territoires non dotés ou sous-dotés d’avoir un accès juste et équitable aux services de secours, sur l’ensemble du territoire français.

Mes chers collègues, nombre d’entre vous sont issus de territoires qui connaissent les mêmes difficultés de transport sanitaire héliporté que la Lozère. Je vous demande donc de bien vouloir soutenir cet amendement qui ne tend à rien d’autre qu’à assurer l’équité républicaine dans l’accès aux secours.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je remercie notre collègue d’axer nos débats sur ce sujet préoccupant.

Bon nombre de départements ne sont pas équipés d’un tel hélicoptère. Vous en souhaitez un, ma chère collègue, pour la base de Mende.

Les trente-quatre hélicoptères de la sécurité civile ne suffisent pas à couvrir l’ensemble du territoire et leur vieillissement peut provoquer de longues immobilisations pour maintenance, même si leur taux de disponibilité reste très élevé, de l’ordre de 95 %. La répartition des hélicoptères de secours sur notre territoire n’est pas satisfaisante, mais je ne suis pas certain que l’adoption de cet amendement résolve ce problème, pour deux raisons.

D’une part, on ne peut pas traiter ce problème de façon unilatérale, avec un abondement des crédits du ministère de l’intérieur. À côté des hélicoptères rouges de la sécurité civile, il y a aussi les bleus de la gendarmerie et les blancs des hôpitaux, les héli-SMUR.

Je rappelle d’ailleurs que les héli-SMUR sont loués de façon autonome par les services d’aide médicale urgente (SAMU) à des prestataires privés et sans vision d’ensemble. On sait aussi que leur implantation est parfois redondante avec celle des hélicoptères de la sécurité civile. Il faudrait donc que les ministères de l’intérieur et de la santé s’entendent sur une stratégie nationale et arrivent enfin à une flotte bleu-blanc-rouge qui garantisse un meilleur maillage du territoire.

D’autre part, le ministère de l’intérieur a déjà entamé le renouvellement de sa flotte d’hélicoptères. Ainsi, 32 millions d’euros ont déjà été engagés en 2020 pour commander deux nouveaux hélicoptères, avec une livraison programmée pour la fin de l’année 2021. Cette commande prévoit en outre deux appareils supplémentaires en option. Le ministère étudie enfin la possibilité d’acquérir prochainement deux hélicoptères de type lourd, d’un modèle plus performant et multi-rôle.

Pour ces deux raisons, la commission demande le retrait de cet amendement, mais elle aimerait avant entendre l’avis de Mme le ministre sur cette coordination avec le ministère de la santé.

Par ailleurs, le rapporteur spécial Jean Pierre Vogel envisage de mener, l’an prochain, un contrôle budgétaire sur ce sujet, peut-être avec l’appui de la Cour des comptes.

Mme Cécile Cukierman. Un rapport ? Nous sommes sauvés !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur spécial, la coordination est actuellement organisée à l’échelon central, entre les directions des ministères, mais aussi à l’échelon zonal, entre les préfets et les directeurs d’autorité régionale de santé (ARS). Cette coordination existe bien et elle permet de ventiler l’ensemble des moyens, quelle que soit la ressource mobilisée.

Pour le reste, je partage vos propos et confirme vos informations, notamment le fait que la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative a dégagé 32 millions d’euros en autorisations d’engagement et 28,8 millions d’euros en crédits de paiement pour permettre la commande de deux machines. Le marché est déjà signé et la livraison des deux hélicoptères est prévue pour la fin de l’année 2021. Ces acquisitions permettront de contribuer au service de secours vingt-quatre heures sur vingt-quatre, toute l’année, sur le territoire métropolitain comme outre-mer, tout en garantissant le maintien des machines et la formation extrêmement importante des équipages.

Les acquisitions futures auront vocation à s’inscrire dans le cadre du renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile. Elles feront donc l’objet d’une programmation pluriannuelle qui sera présentée au Parlement.

Pour toutes ces raisons, même s’il en partage l’objectif, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Madame Pantel, l’amendement n° II-748 rectifié est-il maintenu ?

Mme Guylène Pantel. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

J’entends bien ce que vous dites, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, mais les départements ruraux ou hyper-ruraux comme la Lozère n’ont ni hélicoptères blancs, ni hélicoptères rouges, ni hélicoptères bleus : ils n’ont absolument rien ! C’est un véritable problème d’équité sur le territoire.

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. La question des hélicoptères est réelle. Guylène Pantel l’a souligné, ce sont eux qui concrétisent l’engagement de la République de faire en sorte que chacun soit à trente minutes du service des urgences, quel que soit l’endroit où il habite, sur le territoire.

On ne peut plus attendre ! Dans un certain nombre de départements ruraux, cet éloignement s’accroît à tel point que, l’été dernier, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de déplacer un hélicoptère de la Savoie vers le Puy-de-Dôme pour assurer un minimum de sécurité, par les services de sécurité civile, hors zone de grande montagne, dans le Puy-de-Dôme, l’Allier et la Lozère voisine. Est-ce ou non son rôle ? C’est un autre débat, que nous aurons certainement ailleurs que dans cet hémicycle. Toujours est-il que cela montre que c’est un véritable problème !

Monsieur le rapporteur spécial, on ne peut pas se contenter d’un rapport ou d’études qui viendront l’année prochaine. Il y a urgence à répondre au besoin de sécurité civile pour toutes les personnes qui habitent, quel que soit leur département ou leur territoire, à plus de trente minutes, hors hélicoptère, des zones de premiers secours et d’hospitalisation. Oui, cela a un coût, mais c’est aussi cela qui garantit l’égalité républicaine partout sur notre territoire.

Mme le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.

M. Bernard Bonne. Je ne voterai pas cet amendement parce qu’il me semble nécessaire que nous disposions de beaucoup plus de moyens héliportés pour les urgences médicales.

Je tiens tout de même à préciser qu’un transport héliporté nécessite la présence d’un médecin et d’une infirmière dans l’hélicoptère. Or ni la gendarmerie ni les pompiers ne sont dotés de médecins ou d’infirmiers urgentistes.

Je suis d’accord quant au fait de doter les hôpitaux et les CHU d’hélicoptères, mais je ne vois pas l’intérêt d’équiper davantage la gendarmerie ou les SDIS. Essayons plutôt de coordonner les CHU et de faire en sorte que des hélicoptères soient disponibles partout, de manière à pouvoir aller rapidement d’un endroit à un autre.

Il serait totalement contre-productif que des hélicoptères de la gendarmerie ou des sapeurs-pompiers doivent aller chercher un médecin ou une infirmière avant de se rendre sur le lieu où se trouve la personne à transporter.

Mme le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.

M. Vincent Segouin. Madame la ministre, je n’ai pas bien compris comment s’organise la coordination dont vous avez parlé. Comme Bernard Bonne, je vois mal comment un hélicoptère de la gendarmerie pourra faire du sauvetage ou du secours.

J’entends parler d’un délai maximal d’une demi-heure. Mais, dans un département comme le mien, c’est bien pire : les hélicoptères doivent intervenir, parce que le CHU le plus proche se trouve à une heure et demie.

J’ai également du mal à comprendre les critiques de la Cour des comptes à l’égard des départements qui financent leurs hélicoptères. J’ai donc besoin d’explications sur le sujet.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-748 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1109, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

21 728 067

21 728 067

Gendarmerie nationale

dont titre 2

21 728 067

21 728 067

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

21 728 067

21 728 067

21 728 067

21 728 067

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Depuis quelques jours, en raison des événements survenus dans le XVIIe arrondissement de Paris dont nous avons tous eu connaissance, a émergé la question de la formation de la police nationale. Cette question est fondamentale.

Le ministre Darmanin, que j’ai attentivement écouté, l’a lui-même mentionnée, à l’Assemblée nationale, comme étant un des sept péchés capitaux de la police. En outre, il a indiqué que « le peu de formation » était une « erreur fondamentale » et que « raccourcir la formation initiale n’était pas une bonne mesure ».

Nous connaissons, depuis quelques années, un accroissement sensible du nombre de personnels dans la police : c’est une bonne chose. Néanmoins, la formation doit suivre. Le problème de la formation constituera, sans aucun doute, l’une des conclusions de cet épisode dramatique, comme des précédents.

Je rappelle que la formation initiale est passée de 12 mois à 8 mois et qu’un grand nombre de policiers n’ont même pas la possibilité de faire leur entraînement de tir annuel : de jeunes policiers se retrouvent ainsi sur le terrain sans avoir reçu une formation minimale.

Cet amendement tend à « mettre le paquet », en doublant les crédits de formation. Nous avons porté, dans cet hémicycle, des regards différents sur les récents événements. Notre responsabilité politique est toutefois de proposer des réponses : la formation en est une.

À ce titre, notre amendement marque une rupture importante : il vise à assurer une formation massive aux jeunes que nous envoyons sur le terrain, notamment pour des opérations de maintien de l’ordre.

Mme le président. L’amendement n° II-979, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

20 000 000

20 000 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

20 000 000

20 000 000

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. En 2021, quelque 1 145 nouveaux fonctionnaires viendront renforcer les effectifs de la police nationale. Le Gouvernement cherche ainsi à atteindre son objectif d’un recrutement quinquennal de 7 500 policiers d’ici à 2022.

Nous saluons, évidemment, cette décision qui revient progressivement sur les milliers de suppressions de postes intervenues au cours du mandat de Nicolas Sarkozy. Il va sans dire qu’une présence accrue des gardiens de la paix sur le terrain devrait avoir un impact positif sur les chiffres de la criminalité et de la délinquance. Elle devrait également faciliter le quotidien des policiers surmenés, car en sous-effectifs.

Cependant, force est de constater que l’emploi de ces nouvelles recrues ne s’est, hélas, pas accompagné d’une hausse des moyens alloués à leur formation. Cette situation est extrêmement problématique, d’autant plus que nous constatons, ces dernières années, une multiplication des faits de violence perpétrés par certains éléments des forces de l’ordre.

Un devoir d’exemplarité doit être de mise pour chacun de nos fonctionnaires de police, une meilleure formation de ceux-ci ne pouvant qu’avoir un effet bénéfique sur leur comportement.

En effet, une police mieux formée est une police sensibilisée qui enregistre les plaintes de manière adéquate, qui applique les consignes de la préfecture avec discernement et qui noue des liens sociaux courtois avec les concitoyens. Somme toute, une police mieux formée est une police qui protège mieux, car elle est à l’écoute des besoins de sa population.

Alors que les tensions sont de plus en plus vives au sein de notre société, il est grand temps que notre police républicaine bénéficie de la formation qu’elle mérite. Il y va de notre sûreté à tous, comme de la sienne.

Le présent amendement vise ainsi à renforcer, à hauteur de 20 millions d’euros, le programme 176, « Police nationale », afin de financer la formation des nouvelles recrues de l’institution policière.

Mme le président. L’amendement n° II-980, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

20 000 000

20 000 000

Sécurité civile

dont titre 2

20 000 000

20 000 000

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Chaque année, en France, plus de 6 milliards d’euros sont dépensés en matière de sécurité civile, 5,1 milliards d’euros étant à la charge des collectivités territoriales.

L’État ne participe qu’à hauteur de 950 millions d’euros, dont 520 millions issus du programme 161, « Sécurité civile ». Cela représente seulement 7 % de l’intégralité des dépenses en la matière.

Pendant la crise du covid-19, les acteurs de la sécurité civile n’ont, pourtant, pas ménagé leurs efforts : les sapeurs-pompiers des SDIS ont ainsi effectué 122 000 interventions, tandis que les associations agréées, comme la Croix-Rouge ou le Secours catholique, sont intervenues 18 000 fois sur le terrain entre mars et juin, ce qui représente 3 millions d’heures de bénévolat. Ils méritent toute notre gratitude, tout notre soutien et certainement pas un tel désinvestissement financier de l’État.

Alors que les catastrophes sanitaires et environnementales pourraient se multiplier dans les années à venir en raison du réchauffement climatique, il est nécessaire que l’effort financier engendré par les dépenses de sécurité civile soit mieux réparti entre les localités et l’échelon national.

Afin d’accroître le concours fragile de l’État, le présent amendement vise à abonder de 20 millions d’euros le programme 161, « Sécurité civile », en particulier son action n° 13, Soutien aux acteurs de la sécurité civile.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Concernant les amendements n° II-1109 et II-979, je partage totalement le point de vue de leurs auteurs : il y a un problème de formation.

Mais d’où vient-il ? Madame Benbassa, vous avez signalé le changement de politique qui date du quinquennat de Nicolas Sarkozy. À l’époque, la formation était de 12 mois, c’est-à-dire que sa durée était de 50 % supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui.

En réalité, le passage à une politique des effectifs s’est traduit par une réduction progressive de la formation de 12 mois à 10 mois, puis de 10 mois à 8 mois. Ce cheminement s’est fait au cours des deux derniers quinquennats.

Ce n’est pas en ajoutant des crédits que l’on va résoudre immédiatement ce problème de formation, parce qu’il faut du temps pour former des instructeurs. Tout comme la formation a été réduite petit à petit, la remontée en puissance ne peut être que progressive.

La commission estime donc que les crédits nécessaires sont, d’ores et déjà, prévus dans le budget et qu’il serait superflu de les augmenter, tant que nous n’avons pas les formateurs et que la décision inverse de celle qui a été prise par le passé n’est pas consacrée. Cela ne devrait pas tarder, car tout le monde s’accorde sur le manque de formation.

Madame de La Gontrie, vos deux amendements visent à transférer des crédits du budget de la gendarmerie vers celui de la police ; madame Benbassa, les crédits que vous mentionnez viennent de l’organisation du permis de conduire. Tout cela me gêne un peu.

En ce qui concerne l’amendement n° II-980, vous avez souligné, madame Benbassa, que l’effort global de l’État était faible. Je vous rappelle pourtant qu’un effort exceptionnel est consenti dans ce budget. Cet amendement qui tend à créditer le budget de la sécurité civile de 20 millions d’euros supplémentaires est d’autant moins justifié qu’un début de fléchage des crédits est engagé par l’État vis-à-vis des collectivités. On aperçoit donc l’ébauche d’un programme. Ce sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à ces trois amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mesdames les sénatrices, je partage votre opinion quant à l’importance de la formation initiale et continue des effectifs de la police nationale. Le ministre de l’intérieur a d’ailleurs eu, à plusieurs reprises, l’occasion de s’exprimer sur le sujet.

Permettez-moi de rappeler que, pendant de nombreuses années, les dépenses de formation opérationnelle ont été constamment maintenues à 18 millions d’euros. Or le PLF pour 2021 prévoit, pour la première fois, un montant de 21,73 millions d’euros, soit une hausse de 16 % par rapport à l’année 2020. En outre, ce montant ne tient pas compte de la subvention de 25,7 millions d’euros versée à l’école nationale supérieure de la police en 2020, qui passera à 27,73 millions d’euros en 2021.

Par ailleurs, la création de l’académie de police annoncée par Gérald Darmanin doit améliorer la formation en termes de transversalité et d’organisation, tandis que son préfigurateur sera désigné par le ministre de l’intérieur dans les jours qui viennent. En outre, vous le savez, une réflexion a été engagée et le ministre de l’intérieur a eu l’occasion de prendre position sur ces sujets. Des orientations et une organisation ont donc été arrêtées et il conviendra de les traduire dans un budget. L’augmentation considérable de cette année permettra d’accompagner cette évolution.

Je voudrais rappeler qu’une formation de gardien de la paix n’est pas une paille, puisqu’elle dure 24 mois : 8 mois en école et 16 mois en stage. Elle est, en outre, constamment améliorée : nous avons encore, l’an dernier, ajouté 120 heures de formation contre les violences sexistes et sexuelles. Ces formations existent donc et les gardiens de la paix qui arrivent sur le terrain sont évidemment déjà formés, même si cette formation est évidemment perfectible. Nous ajoutons d’ailleurs des crédits.

Je partage entièrement les propos de Mme la sénatrice Esther Benbassa à propos des associations agréées de sécurité civile, notamment quant à leur rôle éminemment important.

Votre amendement est toutefois satisfait par les crédits votés, le 1er décembre dernier, dans la quatrième loi de finances rectificative pour 2020. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons droit, ce soir, à un double discours total. Le rapporteur spécial de la commission des finances nous explique qu’il ne faut rien toucher au budget puisque, par définition, l’exercice auquel nous nous livrons nous impose de gager nos amendements. Or je note que le Gouvernement ne lève pas le gage…

Soit nous considérons qu’il ne faut rien changer, et dans ce cas-là, à part le plaisir de partager une séance dans l’hémicycle, je ne sais pas ce que nous faisons là ; soit nous prenons nos responsabilités.

On ne peut pas, à longueur d’interviews, de papiers et de déclarations officielles du ministre de l’intérieur, y compris devant la commission des lois du Sénat, dire que la formation est un problème, qu’il n’y a pas assez d’heures et de mois de formation pour les policiers, et refuser de concrétiser les choses lorsque l’occasion se présente.

J’entends Mme la ministre expliquer la nécessité d’avoir un plan avant les crédits. Je me suis longtemps occupée de finances dans ma collectivité : il fallait aussi des crédits pour pouvoir faire un plan. Dans le cas contraire, cela s’appelle une annonce.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Il y a des augmentations de crédits !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On passe à la télé, on annonce quelque chose, mais on ne le fait pas. Je rappelle que, la loi de finances étant déjà passée à l’Assemblée nationale, il ne se présentera pas d’autre occasion budgétaire pour augmenter les crédits de formation.

Je regrette donc ce qui s’apparente à un double discours. Je vous engage à un peu de cohérence, mes chers collègues, à renoncer à ce double discours et à voter cet amendement. (Mme la ministre déléguée indique quelle demande la parole.) Décidément, madame Schiappa, vous avez toujours besoin de parler après moi pour me priver du droit de réponse !

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J’aimerais que le rapporteur spécial de la commission des finances fasse un travail de contrôle sur ces importantes questions de formation.

En effet, madame la ministre, vous nous annoncez des heures de formation supplémentaires et des financements dans le plan de relance – qui ne peuvent pas encore figurer dans un document transversal. Je crois que quelques vérifications d’usage, ne serait-ce que pour la bonne tenue des débats, sont nécessaires.

Je propose donc, très modestement, au rapporteur spécial de la commission des finances qu’il contrôle cette question de formation.

Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Madame la ministre, avec quels deniers allez-vous payer la formation continue des forces de l’ordre annoncée dans les médias par M. Darmanin ? Il faut de l’argent, mais vous refusez nos amendements ! Quelle est votre solution ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice de La Gontrie, je viens ici, humblement, dans le cadre du respect des institutions. Le règlement du Sénat me permet de répondre quand un sénateur a besoin de précisions, me pose une question ou quand je suis invectivée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Invectivée ou interpellée ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je continuerai donc de répondre ce soir à chaque interpellation à mon égard, aussi tard que nous aurons le plaisir d’être ensemble.

Je vous prie donc de ne pas m’interpeller à la suite de chacune des réponses que je vous fais, puisque c’est l’exercice auquel nous sommes soumis.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je ne vous pose pas de question !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mais c’est ma réponse !

M. Hussein Bourgi. Elle est creuse !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. En ce qui concerne le budget, il est déjà en augmentation. Je ne peux donc pas vous laisser dire qu’il y aurait des annonces sur le renforcement de la formation, sans que ce soit traduit dans ce budget.

Je rappelle que ce budget de formation de la police augmente de plus de 16 % par rapport à l’année dernière et plus encore par rapport aux années précédentes. Nous n’avons pas évoqué l’investissement immobilier en faveur des écoles de police dont le budget a également augmenté. Ces augmentations existent donc et sont en cohérence avec les annonces du ministre de l’intérieur.

Madame la sénatrice Benbassa, le préfigurateur ou la préfiguratrice de l’académie de police sera nommé dans les jours à venir et présentera un certain nombre d’orientations. Conformément à ses prérogatives, le Parlement pourra contrôler la bonne exécution des crédits. Le Gouvernement est donc à votre disposition pour fournir tout document ou toute information utile à l’exercice de cette mission de contrôle.

Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Je souhaite, moi aussi, que les policiers et gendarmes soient de mieux en mieux formés. Toute l’histoire du maintien de l’ordre en France est une histoire de professionnalisation de ces forces de l’ordre.

Madame de La Gontrie a parlé de double discours : j’aimerais pointer celui de Mme Benbassa qui, au lieu des marques de sympathie, de soutien et d’encouragement aux forces de l’ordre auxquelles je m’attendais, a relevé les questions d’effectifs du mandat de Nicolas Sarkozy.

Heureusement que notre rapporteur a rappelé comment les questions de la formation et des effectifs ont évolué pendant le précédent mandat.

J’aurais cependant aimé entendre, de la part Mme Benbassa, des marques de sympathie et de soutien actif (Mme Esther Benbassa proteste.), car elle est de toutes les manifestations contre la police pour dénoncer la violence systémique. On peut donc trouver le double discours sur d’autres travées que les nôtres ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1109.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-979.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-980.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-978, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Généralisation des caméras-piétons et instauration d’un récépissé dans le cadre d’un contrôle d’identité

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

Généralisation des caméras-piétons et instauration d’un récépissé dans le cadre d’un contrôle d’identité

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Depuis plusieurs années maintenant, les conflits sociaux s’enchaînent : « bonnets rouges », loi Travail, « gilets jaunes », réforme des retraites. Les heurts se multiplient et la défiance envers nos institutions atteint son paroxysme. Il en découle, aujourd’hui, des tensions indéniables entre les forces de l’ordre et nos concitoyens.

En effet, la police nationale est mise en cause en raison des violences disproportionnées de certains CRS à l’encontre de manifestants lors des récents mouvements sociaux. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Sébastien Meurant. Ils ne le feront plus !

Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le ministre Darmanin qui l’a reconnu ! (Vives exclamations sur les mêmes travées.) Laissez-moi finir !

Ce dernier aurait également critiqué l’accroissement des contrôles au faciès sur certaines catégories de population, ce qui est une discrimination, selon le Défenseur des droits.

Après les exactions commises, le soir du 23 novembre, par les forces de l’ordre lors de l’évacuation d’un camp de migrants place de la République, il est nécessaire que de nouveaux garde-fous soient mis en place. Il s’agit de limiter les pratiques policières au respect de la stricte légalité et, ainsi, de sanctuariser la sécurité de nos concitoyens.

Il est vital, aujourd’hui, de renouer un dialogue sain entre l’institution policière et notre société. Pour ce faire, de nouvelles pratiques peuvent être expérimentées. Le présent amendement a pour objet de financer, à hauteur de 10 millions d’euros, la généralisation de l’usage des caméras-piétons. À condition, bien entendu, que les difficultés de fonctionnement relevées soient résolues…

M. Stéphane Ravier. Ce n’est pas la police qui les a inventées ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Esther Benbassa. Laissez-moi finir, vous ! J’ai écouté votre discours et beaucoup de choses ne me plaisent pas ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Un peu de calme, mes chers collègues !

Mme Esther Benbassa. Nous proposons la généralisation de l’usage des caméras-piétons par les forces de l’ordre ainsi que l’instauration d’une expérimentation sur le récépissé lors des contrôles d’identité.

Le groupe écologiste, quand il y en avait un, et le groupe CRCE ont, par le passé, déposé des propositions de loi pour lutter contre le contrôle au faciès. Nous sommes convaincus que de tels dispositifs seraient susceptibles de garantir des pratiques plus vertueuses de nos policiers ainsi qu’une plus grande transparence de leurs actions.

Ces outils peuvent être la clé de la confiance retrouvée entre les Français et leur police républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme le président. L’amendement n° II-1112, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

2 000 000

2 000 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

2 000 000

2 000 000

Sécurité et éducation routières

4 000 000

4 000 000

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je souhaite faire une présentation distincte de l’amendement II-1169 rectifié ter. Bien que son objet diffère de celui de l’amendement n° II-1112, il se trouve en discussion commune avec celui-ci, or je trouve cela problématique.

Pour en revenir à mon amendement n° II-1112, j’aimerais citer les propos du syndicaliste David Le Bars, que vous connaissez sans doute. Secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale, il est toujours très mesuré. Il a déclaré récemment : « Le matériel acheté par le ministère est totalement inefficace. Aujourd’hui, la caméra est tellement bas de gamme qu’il faudrait partir avec quatre batteries pour tenir une vacation entière. Il faut un budget conséquent pour acheter du matériel de bon niveau. »

Selon lui, chaque policier pourrait acheter une caméra-piéton efficace qui lui serait, ensuite, remboursée. Le fait qu’un syndicaliste fasse cette proposition originale traduit le degré de carence de l’équipement de nos policiers !

Je souhaite préciser qu’il nous semble nécessaire que le policier active sa caméra en prenant son service et l’arrête au retour de mission. Car, aujourd’hui, il la met en marche seulement lorsqu’il pense que son intervention peut être problématique, l’amenant à devoir, dans l’urgence de l’intervention, la mettre en marche et entrer son numéro d’identification. Il n’est donc pas, régulièrement, en situation de le faire.

Dès lors que nous voulons exclure tout doute quant à chacune des interventions des forces de l’ordre, ces caméras-piétons ont une utilité.

Les crédits actuels sont donc insuffisants et il est urgent de les renforcer, même si je sais qu’un certain nombre d’éléments sont prévus dans le plan de relance.

Le Président de la République ayant, en outre, annoncé que ces caméras devaient être généralisées au 1er juillet prochain, nous proposons d’augmenter les crédits.

Mme le président. Madame de La Gontrie, vos deux amendements sont en discussion commune avec l’amendement n° II-978 de Mme Benbassa, parce que celui-ci porte sur les caméras-piétons et sur le récépissé.

L’amendement n° II-1169 rectifié ter, présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme Lepage, M. Vaugrenard, Mme Van Heghe, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet et Cardon, Mmes Meunier et Jasmin, MM. Jomier, Pla, Temal et Féraud, Mmes Rossignol, Monier et Préville et M. Tissot, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Récépissé de contrôle d’identité

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

500 000

500 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

500 000

500 000

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

Récépissé de contrôle d’identité

1 000 000

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci de ces précisions, madame la présidente.

L’instauration du récépissé de contrôle d’identité est fondée sur les constats faits, il y a maintenant un certain nombre d’années, y compris par le Défenseur des droits, concernant les discriminations que subissent les hommes noirs ou d’apparence arabe.

Ceux-ci sont entre cinq et huit fois plus contrôlés que les hommes blancs. Les femmes sont moins contrôlées, mais subissent, vraisemblablement, le même type de distorsion.

Le récépissé de contrôle d’identité aurait l’utilité de permettre que ces personnes ne soient pas contrôlées de manière répétitive et parfois excessive, voire infondée. Quelle que soit notre approche de la question ou notre analyse des causes, nous savons tous qu’il faut renouer le lien de confiance entre la police et la population.

Nous le savons aussi : une partie de la population considère, souvent à juste titre, qu’elle est discriminée dans la façon dont elle est contrôlée. Je me fie aux chiffres établis par le Défenseur des droits sur le coefficient multiplicateur des contrôles à l’égard d’un certain nombre de populations jeunes et d’apparence étrangère.

Un certain nombre de grandes villes ont indiqué être prêtes à être territoires d’expérimentation. Cet amendement peut être considéré comme un amendement d’appel, la chose n’étant financièrement pas considérable.

Toutefois, il me semble important que ce débat ait lieu dans cet hémicycle pour avancer sur ce sujet. C’est l’objet de cet amendement peu coûteux qui vise à lutter contre les discriminations.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je partage l’avis de Mme de La Gontrie, il y a effectivement un problème de qualité des caméras-piétons. Il faut, manifestement, faire monter en gamme cet équipement qui n’est pas satisfaisant en termes d’autonomie et d’efficacité. Ouvrir et fermer la caméra en fonction de l’intervention n’est pas toujours opportun.

Le marché public qui a été passé impose des délais. Il faut savoir si on peut le contourner pour monter en gamme. Je demande des précisions sur ce point.

Que les crédits destinés aux caméras-piétons se trouvent dans la mission « Plan de relance » n’est pas du tout satisfaisant. J’espère que ce type de dépenses figurera, l’an prochain, dans la mission « Sécurités », parce qu’elles n’ont pas grand-chose à voir avec le plan de relance.

Néanmoins, compte tenu du montant des crédits prévus dans le budget pour l’équipement de nos forces de l’ordre en caméras-piétons – 11 millions d’euros –, la commission est défavorable aux amendements qui visent à relever leur montant – respectivement de 10 millions d’euros et de 2 millions d’euros.

La priorité est de résoudre la question de la montée en qualité et de savoir comment le ministère va s’y prendre juridiquement.

Nous ne pouvons être favorables à la création d’un nouveau programme pour la généralisation des caméras-piétons ou pour l’instauration d’un récépissé de contrôle d’identité. Il existe un programme pour chaque force, la gendarmerie nationale et la police nationale, un programme pour la sécurité civile et un programme pour la sécurité et l’éducation routières. Il ne semble pas souhaitable de créer un programme spécifique pour des sujets thématiques.

L’avis est donc défavorable sur les trois amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mesdames les sénatrices Esther Benbassa et Marie-Pierre de La Gontrie, sur le sujet de la généralisation des caméras-piétons, je partage les constats que vous avez dressés et qui, me semble-t-il, sont unanimes pour qui a déjà échangé avec les forces de l’ordre sur le sujet. La qualité et la réactivité du matériel utilisé actuellement sont insuffisantes. Il y a également des problèmes de batterie. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Le ministère de l’intérieur souscrit à ces constats.

Néanmoins, j’indique que le Président de la République s’est engagé à ce que l’utilisation de caméras-piétons de bonne qualité soit généralisée à compter du 1er juillet 2021 pour atteindre les objectifs que vous avez décrits.

Le cadre juridique de l’emploi de cet équipement va être amené à évoluer, notamment dans le cadre de la proposition de loi relative à la sécurité globale, que le Sénat sera amené à examiner très prochainement.

Vous avez tout à fait raison, monsieur le rapporteur spécial : il nous est nécessaire de préparer un nouveau marché public définissant de nouveaux critères, afin que les matériels soient davantage en adéquation avec les besoins : autonomie, résolution, captation des sons, activation à distance, etc. Nous allons travailler sur les critères très précis – y compris techniques – de ce marché public et faire tester les caméras par les forces de l’ordre pour qu’elles puissent choisir le matériel qui sera le leur et être sûrs qu’elles se l’approprient.

Dans l’attente des retours de cette phase prospective, des crédits sont prévus au bénéfice des forces de l’ordre au sein du programme 363, « Compétitivité » de la mission « Plan de relance », à hauteur de 9,6 millions d’euros, pour doter les policiers et les gendarmes de 30 000 caméras d’ici à 2022 et de 23 000 dès 2021. Pour la police nationale, ce sont déjà 4,2 millions d’euros qui sont prévus dans ce budget pour doter les policiers, en 2021, de 15 000 caméras-piétons. Cette cible tient compte des 11 000 caméras existantes, qui doivent être, pour partie, renouvelées et, pour partie, améliorées techniquement.

Nous considérons donc que les crédits que nous vous proposons ce soir permettent d’accompagner cette montée en puissance et cette mise à jour technique, dans le cadre, bien évidemment, du marché public.

En ce qui concerne l’instauration d’un récépissé en cas de contrôle de l’identité, je vous rappelle que le Président de la République a fait savoir, il y a quelques jours à peine, qu’il avait missionné le Gouvernement pour lui faire des propositions en matière de lutte contre les discriminations. La réflexion est donc engagée. Je ne voudrais pas qu’on la court-circuite en votant, ce soir, un budget sur ce sujet essentiel, qui mérite un débat de fond.

Je veux également rappeler que l’instauration du récépissé a été proposée à l’Assemblée nationale par voie d’amendement en 2016 et que la majorité socialiste de l’époque l’a rejetée.

D’un point de vue opérationnel, la remise d’un récépissé est de nature à allonger substantiellement la durée des contrôles d’identité et donc à leur faire perdre en efficacité. Au reste, il n’est pas certain que l’obligation de délivrer un récépissé limitera les discriminations.

Enfin, je veux rappeler que toute personne qui s’estime victime d’une discrimination de la part des forces de l’ordre peut saisir la plateforme Stop Discri et, ainsi, faire valoir ses droits.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il ne manque plus que le numéro vert !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les trois amendements.

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Je veux réagir aux réactions qu’a suscitées l’intervention de Mme Esther Benbassa.

Je dis avec solennité que défendre les droits et les libertés ou manifester n’est pas incompatible avec une exigence de soutien aux forces de police et de sécurité dans notre pays.

Je sais bien que certains ici ne manifestent ni pour soutenir les policiers ni pour défendre celles et ceux qui revendiquent leurs droits et leurs libertés dans ce pays. Frappés d’amnésie, ils ne se rappellent pas qui a fait le choix de réduire les effectifs des forces de police dans notre pays lors d’un précédent quinquennat… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Éliane Assassi. La situation actuelle est peut-être aussi le résultat de décisions prises voilà quelques années.

Dès lors, mes chers collègues, ne méprisez pas les gens qui manifestent dans la rue pour soutenir les revendications des salariés et du peuple de France sur quelque question que ce soit !

Pour finir, je dois dire, en toute honnêteté, que je suis assez mal à l’aise avec ce débat sur les missions budgétaires, qui nous amène en fait à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Il n’est pas satisfaisant que, par exemple, nous prenions sur les crédits affectés aux gendarmes pour répondre aux exigences des policiers. Au bout du bout, ce sont bien nos forces de sécurité de façon générale qui en paient les conséquences. Je voulais profiter de ce débat pour le dire avec solennité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDSE.)

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je veux réagir à ce qu’a dit notre rapporteur spécial.

Effectivement, il y a des crédits dans le plan de relance et d’autres au sein des missions. Les documents d’autres missions sont beaucoup plus complets. Il faudrait compléter les documents transversaux par un document sur les sécurités pour que nous puissions mieux suivre le budget l’année prochaine.

Pour rebondir sur ce qu’a dit Mme Assassi, je crois que la réforme de la LOLF devient de plus en plus urgente. Ce texte, qui était adapté il y a vingt ans, est complètement périmé. Il ne nous permet absolument pas de travailler dans de bonnes conditions. Nous sommes bloqués dans un système où il faut déshabiller Pierre pour habiller Paul, pour reprendre l’expression de ma collègue.

Nous devons travailler à une réforme de la LOLF. Je crois savoir que nos collègues de l’Assemblée nationale s’y sont attelés. À notre tour de nous y mettre !

Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Je me réjouis qu’un semblant d’accord se dessine pour considérer qu’il y a un vrai problème d’équipement en caméras portatives de nos forces de sécurité et que le Gouvernement, si l’on en croit les déclarations du Président de la République, s’attelle à la tâche pour les équiper au 1er juillet 2021.

Je n’ignore pas les problèmes que peut poser le marché public, madame la ministre. Cependant, je m’inquiète, parce que vous aviez utilisé le même argument à propos du bracelet anti-rapprochement : on sait qu’il a pris du retard… J’espère que la généralisation des caméras portatives ne connaîtra pas le même retard !

Les arguments de Mme Esther Benbassa me paraissent tout à fait étonnants. Elle évoque des pratiques qui seraient plus vertueuses – je n’en doute pas – et qui permettraient de retrouver la confiance. Dans le même temps, on alimente une nouvelle fois la suspicion à l’égard de nos forces de sécurité. Il y a là une logique qui m’échappe un peu… pour ne pas dire une certaine hypocrisie !

Mme de La Gontrie estime que le récépissé serait un instrument de lutte contre les discriminations. Je crois, au contraire, au discernement de nos forces de police. Leurs missions de sécurité et de contrôle sont déjà suffisamment difficiles dans certaines circonstances. N’y ajoutons pas de la lourdeur administrative et du formalisme !

Enfin, par cohérence, je rappelle que cette mesure figurait dans le programme de François Hollande en 2012 et qu’elle a ensuite été abandonnée. Le Premier ministre de l’époque a même annoncé en grande pompe y renoncer totalement.

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Le rappel de M. François Bonhomme ne manque pas de saveur. M. François Hollande était déjà bien occupé à réparer les dégâts qu’avait causés Nicolas Sarkozy en supprimant des postes… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) On ne peut pas tout faire, cher collègue !

Je ferai trois remarques.

Premièrement, les policiers de la République et les gendarmes sont des citoyens parmi les citoyens. Persister à opposer les forces de l’ordre aux citoyens me paraît délétère et contraire à ce que nous souhaitons tous, à savoir une réconciliation entre la police de la République et les citoyens.

J’en débattais encore hier sur Public Sénat avec notre ancien collègue François Grosdidier, qui affirmait que la France avait les meilleures doctrines d’emploi des forces de l’ordre au monde. Pourtant tous les autres pays européens ont mis en place des techniques de désescalade, de discussion, de renseignement avant les manifestations et de sanction après celles-ci… C’est dire l’ampleur du travail de fond que nous devons réaliser !

Deuxièmement, la vision frontale que défendent certains est celle qui fait dire au préfet Lallement : « Nous ne sommes pas dans le même camp, madame. » Pour ma part, je pense que nous sommes dans le même camp.

M. François Bonhomme. Nous sommes contents de l’apprendre !

M. Jérôme Durain. Nous sommes tous citoyens de la République. Nous travaillons les uns avec les autres !

Dans cette perspective, les caméras-piétons sont très utiles parce qu’elles permettent de faire baisser la pression. Elles permettent d’éviter que des policiers soient agressés en toute impunité et les obligent eux-mêmes à respecter une doctrine républicaine.

Ma collègue Marie-Pierre de La Gontrie vous a interrogée sur les aspects budgétaires : la nécessité d’équiper en urgence nos forces de sécurité de caméras-piétons est-elle compatible avec les moyens qui leur sont alloués, madame la ministre ?

Il existe deux opérateurs sur le marché : l’américain Axon et le suédois Axis, filiale de Canon. Les chiffres avancés paraissent importants : à raison de 500 euros par caméra, le budget s’élève, pour 30 000 équipements, à 15 millions d’euros pour avoir l’autonomie et le déclenchement automatique. Si l’on veut, en plus, la transmission en direct, ce qui est souhaitable, la facture sera plus élevée et il faudra, en plus, former les utilisateurs.

Êtes-vous sûre de disposer de suffisamment de crédits pour que les délais annoncés soient respectés ? Ce ne sont pas des propos en l’air : nous souhaiterions vraiment avoir la certitude que nos policiers et nos gendarmes peuvent utiliser ces caméras-piétons dans la rue.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. La République doit traiter de manière égale tous ses enfants – j’espère que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Or, comme l’a rappelé Esther Benbassa, nous savons bien, depuis la publication d’un certain nombre de rapports, en particulier du Défenseur des droits, que la réalité est différente : certains jeunes ne subissent pas le moindre contrôle, quand d’autres, pour des raisons tenant à leur apparence, sont contrôlés systématiquement.

Si nous considérons cette situation comme normale, autant tourner la page de la République ! Madame la ministre, il faut trouver un moyen de répondre à ces discriminations, qui s’entrechoquent avec notre conception de la citoyenneté.

Je sais que des erreurs ont pu être commises et que des promesses n’ont pas été respectées. Toutefois, face à la nécessité de faire vivre la République et d’abolir les discriminations, on ne peut pas renoncer au récépissé. Celui-ci est une nécessité tant que nous n’aurons pas trouvé d’autre solution pour mettre en évidence et lutter contre un certain nombre de discriminations dont une partie de la jeunesse est victime aujourd’hui et qui heurtent notre pacte républicain.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-978.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1112.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1169 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Mes chers collègues, je vous indique que deux autres missions sont inscrites à l’ordre du jour de notre séance de ce soir.

Si nous ne pouvons y procéder dans des délais raisonnables, l’examen de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » sera reporté à samedi matin.

Je vous invite donc à la concision.

L’amendement n° II-1168 rectifié ter, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Assouline et Bourgi, Mme Lepage, M. Vaugrenard, Mme Van Heghe, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet et Cardon, Mmes Meunier et Jasmin, M. Kerrouche, Mme Harribey, MM. Jomier, Pla et Temal, Mme Rossignol, M. Féraud, Mmes Monier et Préville et M. Tissot, est ainsi libellé :

I. Créer le programme :

Autorité indépendante de contrôle des actions de la police

II. En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

Autorité indépendante de contrôle des actions de la police

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Compte tenu du contexte et même en l’absence, assez inexplicable du reste, du ministre de l’intérieur, il est important que nous puissions aborder des aspects plus délicats. Je vais ainsi évoquer la réforme de l’inspection générale de la police nationale (IGPN).

L’IGPN a plusieurs missions.

Elle a une mission d’audit, de conseil, d’inspection administrative, qu’il faut, à mon sens, maintenir au sein du ministère de l’intérieur. Le directeur général de la police nationale nous rappelait il y a quelques jours encore devant la commission des lois la très grande utilité de cette mission.

L’inspection générale de la police nationale a aussi une mission d’enquête, lorsque le parquet ou un juge d’instruction décide de lui confier des investigations dans le cadre d’une enquête en cours. Quoi que l’on en pense, l’IGPN est désormais incontestablement suspectée de manquer d’impartialité, ce que l’on peut comprendre, puisque c’est un service du ministère de l’intérieur.

Le nombre de saisines de l’IGPN a considérablement augmenté depuis un an, très souvent pour des faits de violences volontaires. De mémoire, la moitié des sanctions prononcées contre des fonctionnaires concernent des policiers, alors que ceux-ci représentent 7 % de la fonction publique.

L’IGPN suscite de nombreux débats.

J’ai entendu hier le Premier ministre déclarer à la radio qu’il était ouvert à d’une réforme et, sans s’engager davantage, à l’idée de confier sa présidence à un non-policier, pour tenir compte du problème d’endogamie.

Notre pays a été en pointe sur ces questions. En 1986, Pierre Joxe, avec qui j’avais l’honneur de travailler à l’époque, a créé le code de déontologie. C’est ensuite la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) qui a été instituée. Depuis, notre pays est devenu frileux sur ces sujets.

Je pense que nous devons nous inspirer de nos amis anglais et belges, qui ont eu le courage de confier la responsabilité des enquêtes à des instances qu’il est impossible de soupçonner de partialité. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je suis défavorable à cet amendement, qui n’a pas sa place dans un débat budgétaire. La proposition qui nous est faite suppose une réforme d’ensemble. Elle devrait figurer, par exemple, dans la proposition de loi relative à la sécurité globale.

Je suis déçu qu’un certain nombre de réformes structurelles n’apparaissent pas dans le Livre blanc. Ces réformes devaient être engagées depuis 2015 – depuis que le ministère est en crise. Elles ne l’ont pas été. Elles ne sont pas suffisamment chiffrées dans le Livre blanc, qui aurait dû s’inspirer de l’expérience du ministère des armées.

Je concède que l’on ne fait pas de la politique en regardant en permanence dans le rétroviseur, mais force est de constater qu’il y a une constance : voilà quatre ans que le Sénat vote contre les crédits de la mission « Sécurités » en raison de l’insuffisance des moyens alloués !

Il y a quatre ans, chers collègues, vous avez voté certaines mesures, contrairement à nous…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je n’étais pas parlementaire !

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Aujourd’hui, certains changent de ligne. Ce qui est constant, c’est que nous préférons une police de qualité à la course aux effectifs, la paupérisation des services, l’absence de budget de fonctionnement et d’investissement.

Vous voulez aujourd’hui redresser des erreurs du passé. Certes, mais soyez cohérents et reconnaissez que des erreurs ont été commises lors du précédent quinquennat ! Ces réformes auraient été utiles. Il est dommage qu’elles interviennent si tard.

M. Philippe Mouiller. Bravo, monsieur le rapporteur spécial !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Là, on parle de l’IGPN !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je ne pense pas que l’on puisse, dans le débat sur le budget, en dix minutes, à 23 heures, sans aucune consultation ni aucun travail préalable avec d’autres élus, les experts et l’IGPN elle-même, décider de dissoudre complètement celle-ci et de la refondre sans savoir exactement de quelle manière. Ne serait-ce que par principe, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Sur le fond, je rappelle que l’IGPN, qui a des origines anciennes, a démontré sa capacité d’investigation et sa probité dans la résolution d’affaires qui impliquent des policiers. J’indique que 85 % des enquêtes qu’elle mène sont réalisées dans un cadre judiciaire, donc sous le contrôle d’un magistrat, qui, par définition, exerce ses missions de manière indépendante.

En outre, l’IGPN étant une institution de la République, elle est, à ce titre, placée sous le contrôle du Parlement, qui, vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, peut exercer des pouvoirs d’enquête.

Enfin, elle est soumise, en cas de non-respect des règles de droit, au contrôle du juge administratif et du juge judiciaire.

Par ailleurs, chaque citoyen qui le juge nécessaire peut saisir l’IGPN de manière très simple, via le site internet de celle-ci, en quelques clics.

Enfin, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur se sont tous deux déclarés favorables à une évolution de l’IGPN. Les travaux sont en cours. Il faut une réflexion sérieuse pour trouver des solutions concrètes, et non des totems.

Quoi qu’il en soit, le débat budgétaire n’est pas le cadre approprié pour débattre d’une refonte de l’IGPN, raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1168 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-1110, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

3 000 000

3 000 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

3 000 000

3 000 000

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

3 000 000

3 000 000

3 000 000

3 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement vise à augmenter les crédits afin de renouveler le matériel d’habillement des agents.

Depuis de nombreuses années, les plaintes de certains citoyens alimentent le débat sur les violences policières et l’usage par les forces de l’ordre des contrôles d’identité. Le souci d’identifier les policiers concernés a conduit à l’instauration d’un référentiel des identités et de l’organisation, le « RIO » – et non le « ROI », comme le ministre l’a appelé par erreur il y a quelques jours.

Le problème, que les policiers reconnaissent eux-mêmes, est que leur habillement ne prévoit pas d’emplacement pour ce numéro d’identification, voire le cache. En outre, il est assez petit, donc difficile à discerner.

En me penchant sur les exemples étrangers, j’ai découvert que les policiers allemands et espagnols portaient un blouson avec leur RIO bien visible dans le dos. Tout en préservant l’anonymat des policiers, cela permet une identification en cas de plainte d’un usager : on sait alors très exactement de quel policier on parle.

Cet amendement a pour objet de financer l’achat de ces équipements pour l’ensemble des forces de l’ordre.

Il s’inscrit dans le combat pour rapprocher la police et la population, que nous devons tous mener.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. La commission est défavorable à cet amendement, que l’on peut considérer comme un amendement d’appel.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Même avis : défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1110.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-960 n’est pas soutenu.

L’amendement n° II-206 rectifié bis, présenté par MM. Sol et H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat, M. Burgoa, Mmes Berthet et Gruny, MM. Perrin et Rietmann, Mme Eustache-Brinio, MM. Laménie, Savary, Chatillon et Houpert, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Vogel, Pellevat et Bascher, Mmes Joseph, Lassarade et V. Boyer, M. Brisson, Mme Malet, M. Piednoir, Mme de Cidrac, M. Genet, Mme M. Mercier, MM. Lefèvre, B. Fournier, Bonne, Bonhomme, Mandelli et Calvet, Mme Di Folco et MM. Rapin, Belin, Karoutchi, Charon et Gremillet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

500 000

500 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

500 000

500 000

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

500 000

500 000

500 000

500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Cet amendement tend à augmenter le budget de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, dite « Pharos », laquelle est gérée par l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) du ministère de l’intérieur.

Bien que cette plateforme soit davantage connue du grand public du fait de l’actualité malheureuse de ces derniers jours, très peu d’éléments budgétaires ont été transmis par le Gouvernement dans sa présentation du programme 176, « Police nationale », de la mission « Sécurités » du PLF pour 2021.

Nous proposons néanmoins une augmentation de ses crédits de 500 000 euros. Il est en effet admis, à la suite notamment de l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, que le budget de cette plateforme est largement insuffisant pour traiter les signalements d’appel à la haine – apologie du terrorisme et appels au meurtre notamment – qui prospèrent sur internet et les réseaux sociaux.

Par conséquent, l’amendement vise à prélever des crédits sur l’action n° 02, Démarches interministérielles et communication, du programme 207, « Sécurité et éducation routières », pour abonder l’action n° 02, Sécurité et paix publiques, du programme 176.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je sollicite l’avis du Gouvernement, car nous n’avons pas obtenu les informations nécessaires.

Je prendrai position en fonction de cet avis.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, nous nous tenons évidemment à la disposition du Parlement pour lui apporter davantage d’informations sur le détail des crédits budgétaires alloués à la plateforme Pharos.

Sachez cependant que nous avons pris récemment un certain nombre de décisions afin d’accompagner la montée en puissance de Pharos, désormais ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Je pense notamment à la création de nouveaux équivalents temps plein (ETP), qui ont été redirigés en interne vers les services de la plateforme.

Cela dit, les difficultés dont nous ont fait part les équipes de Pharos, que je suis allée rencontrer avec le directeur général de la police nationale (DGPN) et le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), tiennent moins aux moyens ou même au nombre d’ETP qu’à la fluidité des liens avec les réseaux sociaux notamment.

C’est pourquoi j’ai souhaité relancer et réunir le groupe permanent de contact qui a été créé il y a quelques années, avant d’être laissé en déshérence, afin de réunir les directions des services du ministère de l’intérieur, les équipes de Pharos et les principaux responsables des réseaux sociaux. De fait, ces derniers mettaient trop de temps à répondre aux requêtes que leur adressait la plateforme pour obtenir les éléments d’identification de personnes mises en cause, par exemple pour apologie du terrorisme ou pour propos haineux. Ce sont surtout ces délais qui entravent l’action de Pharos.

Avec la montée en puissance de Pharos et la relance du groupe permanent de contact, nous avons mis un peu d’huile dans les rouages, permettant à Pharos de mieux faire son travail.

Par ailleurs, j’ai installé hier un officier de liaison de la gendarmerie dans les locaux de l’association Point de contact, à Paris. C’est une première dans la coopération entre les associations, les réseaux sociaux, Pharos, les services d’enquête et la gendarmerie nationale. Cet officier de liaison, qui sera en permanence dans les locaux de l’association, nous permettra de démultiplier les signalements réalisés par les particuliers et de garder un lien très étroit avec les services du ministère de l’intérieur.

Monsieur le rapporteur spécial, nous considérons que les crédits prévus, accompagnés, bien sûr, du travail technique que je viens de détailler, suffisent à accompagner cette montée en puissance de Pharos. Je répète que nous sommes à votre disposition si vous désirez davantage d’informations.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement.

Mme le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Madame la ministre, vous me dites que vous allez relancer le groupe permanent de contact.

C’est bien de réunir les responsables de réseaux sociaux, mais cela n’épuise pas le sujet ! Pharos a tout de même enregistré 1,5 million de signalements depuis sa création, et ce chiffre ne cesse de monter.

Au demeurant, vous avez annoncé, il y a quelques jours, que Pharos allait être ouverte 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Il me paraît logique que les moyens soient à la hauteur de cette ambition.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-206 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme le président. J’appelle en discussion les articles 66 et 67, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Sécurités ».

Sécurités

Sécurités - État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 67 (nouveau)

Article 66 (nouveau)

Le chapitre unique du titre Ier du livre III de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 1311-4-1 est abrogé ;

2° La section 4 est complétée par un article L. 1311-19 ainsi rédigé :

« Art. L. 1311-19. – Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent construire, y compris sur les dépendances de leur domaine public, financer, acquérir ou rénover des bâtiments destinés à être mis à la disposition de l’État pour les besoins de la justice, de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité civile ou des services d’incendie et de secours.

« Une convention entre l’État et la collectivité ou l’établissement propriétaire précise notamment les engagements financiers des parties, le lieu d’implantation de la ou des constructions projetées et le programme technique de construction. Elle fixe également la durée et les modalités de la mise à disposition des constructions. Cette mise à disposition peut, le cas échéant, être réalisée à titre gratuit. »

Mme le président. L’amendement n° II-16 rectifié, présenté par M. Vogel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

1° Après le mot :

mis

insérer le mot :

soit

2° Remplacer les mots :

de la sécurité civile ou

par les mots :

ou des moyens nationaux de la sécurité civile, soit à la disposition

II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Au 1° de l’article L. 2122-20 du code général de la propriété des personnes publiques, la référence : « L. 1311-4-1 » est remplacée par la référence : « L. 1311-4 ».

…. – Au 3° de l’article 1048 ter du code général des impôts, les mots : « de l’article L. 1311-4-1 ou » sont supprimés.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Favorable, madame la présidente.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-16 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 66, modifié.

(Larticle 66 est adopté.)

Article 66 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Compte d'affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers - État D

Article 67 (nouveau)

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan de l’impact de la création des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur en matière de gestion des effectifs et des crédits de fonctionnement de la gendarmerie nationale. – (Adopté.)

compte d’affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Article 67 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Immigration, asile et intégration (début)

Mme le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

1 611 437 170

1 611 437 170

Structures et dispositifs de sécurité routière

335 398 208

335 398 208

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

26 200 000

26 200 000

Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

643 314 650

643 314 650

Désendettement de l’État

606 524 312

606 524 312

Mme le président. L’amendement n° II-510 rectifié quater, présenté par MM. Mizzon, Bonnecarrère, Canevet, Henno, Louault et Détraigne, Mmes Gatel et Sollogoub, M. Kern, Mmes de La Provôté et C. Fournier, MM. Moga, Todeschini et Masson, Mmes Herzog, Bonfanti-Dossat et Thomas et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

500 000 000

500 000 000

Désendettement de l’État

500 000 000

500 000 000

TOTAL

500 000 000

500 000 000

500 000 000

500 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement vise à rétablir une certaine équité en matière de compensations financières accordées aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a institué des avances remboursables en faveur des AOM. Le dispositif prévu intègre le versement mobilité dans le panier des recettes fiscales prises en compte pour le calcul de la compensation financière.

Toutefois, pour certains acteurs du transport public, la globalisation des recettes fiscales du budget général et des budgets annexes a pour effet de diluer le problème spécifique aux transports. Elle pénalise notamment les AOM organisées en EPCI à fiscalité propre, alors que les syndicats mixtes de transport, par exemple, verront leurs pertes de recettes fiscales compensées – et tant mieux pour eux.

Cet amendement vise donc à mettre fin à une forme d’inégalité de traitement en prévoyant un abondement de 500 millions d’euros.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je comprends la problématique soulevée par M. Mizzon, mais le programme 754 n’a pas pour objectif de mettre en place un dispositif d’avances remboursables ou de compensation pour les AOM.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Mme le président. Monsieur Mizzon, l’amendement n° II-510 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Mizzon. Oui, madame la présidente.

Je regrette que, pour une simple question de forme ou d’affectation budgétaire, on s’asseye sur une réalité.

Aujourd’hui, les AOM organisées en EPCI ne sont pas compensées de la même manière que celles constituées en syndicats mixtes. Ces deux structures offrent pourtant les mêmes prestations à leurs usagers.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-510 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-794 rectifié quinquies, présenté par Mme V. Boyer, MM. Courtial et Bonneau, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Houpert et Chatillon, Mme Puissat, MM. Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, Panunzi, H. Leroy, Somon, Gremillet, B. Fournier, Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Charon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Piednoir et Longuet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

57 550 000

57 550 000

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

57 550 000

57 550 000

Désendettement de l’État

TOTAL

57 550 000

57 550 000

57 550 000

57 550 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. La stratégie du « tout radar » de ce projet de loi de finances a pour objectif « d’augmenter le nombre de zones sécurisées par des dispositifs de contrôle automatisé, en installant notamment des radars “leurres”, mais également en augmentant le nombre de radars autonomes déplaçables et en augmentant l’utilisation des radars embarqués dans des véhicules banalisés en confiant leur conduite à des prestataires ».

La France dispose d’un réseau routier étendu, longtemps considéré comme exceptionnel, et qui continue de se développer. Ce réseau est un atout formidable pour la mobilité dans nos territoires, à condition d’être bien entretenu. C’est là que les difficultés apparaissent.

En 2011, comme le rappelle l’étude Dégradation des routes en France : il est urgent dagir que vient de publier la Ligue de défense des conducteurs, la qualité des routes françaises figurait en pole position – sur 140 pays – du classement mondial. Elle occupait la septième place en 2015, tombait à la douzième en 2017 et dégringolait à la dix-huitième en 2019.

Dans la situation de crise sanitaire et de crise économique que nous connaissons, la relance passe par la capacité des conducteurs à circuler sur des routes en bon état. Il s’agit de créer un contexte qui favorise les déplacements, notamment professionnels, en réduisant le risque d’accident dû à l’infrastructure. Il importe donc d’affecter une part suffisante des investissements pour 2021 à cette priorité.

C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à réduire les crédits affectés à la modernisation et au développement de nouveaux radars de 57,55 millions d’euros et à les réaffecter à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières, afin de permettre aux collectivités de financer l’aménagement des zones accidentogènes et de mieux entretenir le réseau routier secondaire.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je partage votre souci d’améliorer l’entretien des routes.

Toutefois, le produit des amendes devrait permettre de reverser 640 millions d’euros au programme 754 pour les collectivités territoriales et 278 millions à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).

Si votre amendement était adopté, il n’y aurait plus aucun investissement dans les nouveaux radars appelés à remplacer les anciens et donc aucun investissement pour l’avenir.

Pour ces raisons, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Même avis, madame la présidente.

Mme le président. Madame Boyer, l’amendement n° II-794 rectifié quinquies est-il maintenu ?

Mme Valérie Boyer. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° II-794 rectifié quinquies est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » figurant à l’état D.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Immigration, asile et intégration

Compte d'affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers - État D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Immigration, asile et intégration (interruption de la discussion)

Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (et article 54 quaterdecies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Richelieu disait que « la politique est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ». Sur ces questions d’immigration, d’asile, d’intégration qui remettent en cause notre modèle de citoyenneté à la française, pourrions-nous débattre sérieusement en nous fondant sur les faits, sans dogmatisme ni sentimentalisme ?

Mes chers collègues, nous pouvons avoir des désaccords, mais comment ne pas être choqué à la fois par cette misère, par ces évacuations qui se répètent sans cesse, et par l’agitation politique organisée par des associations qui participent à la chaîne de l’exploitation de cette tragédie humaine ?

Ce malaise sur la question migratoire et le reste, l’asile et l’intégration, prend racine dans l’impuissance de l’État à prendre à bras-le-corps « sans tabou ni angle mort » ces sujets qui relèvent au premier chef de la souveraineté nationale. N’est-il pas urgent, au titre de sa mission de contrôle, que le Parlement s’empare de ces sujets ?

Les crédits de la mission s’élèvent à 1,76 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1,85 milliard d’euros en crédits de paiement. Mais, en réalité, nous ne savons pas combien coûte l’immigration en France. Nous ne le savons pas, car l’État lui-même ignore combien d’étrangers en situation irrégulière se trouvent sur le territoire national.

Le rapport d’information déposé en 2018 par nos collègues députés Kokouendo et Cornut-Gentille fait état de 150 000 à 200 000 clandestins, voire peut-être 400 000 personnes dans le seul département de Seine-Saint-Denis. Patrick Stefanini, dans Immigration : ces réalités quon nous cache, estime, quant à lui, à plus de 900 000 le nombre de clandestins sur le sol français.

Comment faire des budgets crédibles et ensuite loger, soigner, éduquer et intégrer ? Pourquoi s’étonner, après, que le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis plongent littéralement dans la pauvreté et la délinquance ?

Mme Éliane Assassi. Évitons de tomber dans la caricature !

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Selon les dernières études de la direction générale des finances publiques (DGFiP), l’indice de revenu fiscal moyen par habitant entre 1984 et 2018 a baissé de 30 % en Seine-Saint-Denis et de 21 % dans le Val-d’Oise.

Les notions d’immigration, d’asile et d’intégration obligent à se poser les questions essentielles de la souveraineté, de l’intérêt national et de la cohésion de la société.

Contrôlons-nous mieux nos frontières ? Nos procédures d’asile fonctionnent-elles correctement ? Nos systèmes d’intégration permettent-ils d’acquérir un bagage minimum pour connaître et partager nos valeurs et nos mœurs ?

Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), homme d’expérience, ancien préfet de Seine-Saint-Denis, insiste sur la nécessité de changer notre modèle pour le bien commun de tous. Dans son opuscule intitulé Ce grand dérangement. Limmigration en face, il déclare avec bon sens qu’« une hospitalité nationale pour tous est une hospitalité pour personne ». Il décrit des règles juridiques nettement moins strictes et un système d’accueil plus généreux que ceux de la plupart des autres pays de l’Union européenne. Au regard de l’état du monde et des différences de niveau de vie, la France offre une qualité de vie rare – santé gratuite, éducation, logement. Il constate que la France n’aboutit pas à des résultats satisfaisants en matière d’intégration. Nous devons penser une politique globale et une stratégie qui ne soit pas l’apanage d’un seul ministère et recentrer le droit d’asile sur un petit nombre de véritables réfugiés, faute de quoi il mourra.

En matière de regroupement familial, nous sommes loin des critères allemands, hollandais ou autres.

En matière de soins, nous sommes le seul pays, avec la Belgique, à délivrer un titre de séjour pour soins à celui qui arrive jusqu’à nous dès lors que la prise en charge, dans son pays d’origine, n’est pas effectivement accessible. En cette période de covid, les Français doivent savoir que nous prenons en charge la santé des sans-papiers, des clandestins, au-delà de l’urgence. La norme en Europe est de limiter la prise en charge aux soins d’urgence, dès lors que le pronostic vital est engagé.

Nos centres d’accueil sont beaucoup moins sommaires que ceux de la plupart des pays d’Europe. Il est certain que ceux qui sont déboutés de l’asile bénéficient ici de plus de prise en charge que dans la plupart des pays européens. C’est pour cela, du reste, que ceux qui sont déboutés du droit d’asile, les « dublinés », traversent les Alpes, les Pyrénées ou le Rhin.

M. François Bonhomme. Ils choisissent la France !

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Depuis 1980, une trentaine de réformes de la législation relative aux étrangers a rendu d’une complexité extrême un droit qui n’a pas été conçu globalement, mais par sédimentation. Le résultat est un carcan juridique, juridictionnel, conventionnel et constitutionnel. Le pouvoir démocratique a été complètement dépossédé de sa capacité de décision.

Le syndicat de la juridiction administrative (SJA) souligne que le droit de l’immigration souffre d’une illisibilité de la politique d’accueil et de séjour des étrangers. Les magistrats s’interrogent sur le sens de leur travail, dès lors que 90 % des OQTF – obligations de quitter le territoire français – ne sont pas exécutées… Le président du tribunal administratif de Poitiers évoque un sentiment d’inutilité : 40 % du contentieux administratif en première instance et 51 % en appel relèvent du seul droit des étrangers. (Marques dimpatience sur les travées du groupe SER, où lon fait remarquer que le temps de parole dévolu au rapporteur spécial est dépassé.)

Des noyades en Méditerranée aux évacuations des camps d’infortune, en passant par l’exploitation des migrants et l’assassinat de Samuel Paty ou des malheureux chrétiens de Nice, il est vraiment temps que cela change. Madame la ministre, le voulez-vous vraiment ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas digne d’un rapporteur spécial !

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Sébastien Meurant vous a exposé quel était le montant du budget de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Non ! sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Jean-Pierre Sueur. M. Meurant a fait de la propagande !

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. Je dois à la vérité de dire que ce budget a été régulièrement abondé, depuis plusieurs années, par le Gouvernement : pour ce qui concerne l’immigration régulière, c’est l’intégration qui a été favorisée ; pour ce qui est du droit d’asile, dont notre collègue Philippe Bonnecarrère parlera sans doute plus avant, ce sont les hébergements qui ont été favorisés cette année ; et pour ce qui regarde l’immigration irrégulière, ce sont les centres de rétention administrative.

Pour autant, cet abondement donne-t-il des résultats positifs ? Je crois que non. En 2019, dernière année de référence, encore 25 % de ceux qui sont arrivés en France et qui bénéficiaient, dans le cadre d’une immigration régulière, d’une formation linguistique, ne sont pas parvenus à atteindre le niveau de langue minimal requis pour s’intégrer dans un pays.

En ce qui concerne le droit d’asile, seuls 38 % des demandeurs obtiennent la protection, après recours, ce qui montre un dévoiement important du droit d’asile.

Enfin, pour ce qui est de l’immigration irrégulière, de nombreuses décisions d’éloignement sont prononcées, mais seulement 12,2 % de ces décisions – score historiquement bas – sont exécutées.

Ce budget est un tonneau des Danaïdes que l’on remplit toujours, mais qui n’est jamais plein, parce que l’immigration irrégulière est en hausse de plus de 6 %, parce que les demandes de droit d’asile, dont on a compris qu’elles sont dévoyées à plus de 60 %, sont en hausse de 7,5 %, parce que l’aide médicale de l’État, seule façon de mesurer l’immigration irrégulière, est en augmentation de plus de 5 %.

M. François Bonhomme. C’est terrible !

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. La réalité est que nous subirons toujours cette pression migratoire, si nous n’essayons pas de la contrôler. Or nous n’essayons pas véritablement. J’en donnerai deux exemples : en 2018, le regroupement familial a été favorisé et, la semaine dernière encore, la possibilité de contrôler l’aide médicale de l’État en fixant un panier de soins a été refusée – et ce n’est pas la première fois – par le Gouvernement, alors que nous l’avons votée.

Ce budget n’aura de sens que si nous nous efforçons de contrôler l’immigration en amont plutôt que de la subir comme nous le faisons aujourd’hui. Il s’agit bien sûr de prendre en compte les personnes que nous accueillons et à l’égard desquelles nous devons montrer de la solidarité, notamment dans le cadre du droit d’asile, mais il s’agit aussi de prendre en compte le peuple qui accueille, c’est-à-dire les Français, qui ont un mot à dire sur cette immigration.

La commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le nombre de demandeurs d’asile est en hausse constante depuis dix ans, pour atteindre le nombre record d’un peu plus de 132 000 demandes enregistrées en 2019.

Les effets de la pandémie – limitation des transports et problèmes sanitaires – ont indiscutablement entraîné une diminution en 2020. Cependant, dès après le premier confinement, nous avons assisté à une remontée rapide du nombre des demandes d’asile. On peut donc s’attendre à une demande toujours soutenue en 2021.

Le budget de l’asile s’organise autour de deux sujets : la réduction des délais de traitement et les conditions matérielles d’accueil des demandeurs. Notre pays fait preuve de bonne volonté budgétaire depuis plusieurs années, mais les résultats sont inexistants.

En ce qui concerne la gestion des demandes d’asile, les moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont été considérablement augmentés l’année dernière, avec 200 postes supplémentaires. Mais le confinement a empêché les demandeurs de se déplacer et interdit toute possibilité d’accueil au siège de l’Office. L’objectif de réduction des délais n’a donc pas pu être atteint. Au contraire, ils repartent très largement à la hausse. Il ne faut pas imaginer que l’objectif de 60 jours de traitement des demandes soit atteint avant 2023.

Les moyens de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ont également fortement augmenté, mais les délais se sont également allongés à la suite de la grève des avocats, de problèmes techniques et du confinement…

En ce qui concerne les conditions matérielles d’accueil, nous sommes pratiquement dans la même situation : un effort budgétaire a été consenti pour le financement de l’allocation pour les demandeurs d’asile – les sommes sont assez proches des réalités – et pour la création de 6 000 places d’hébergement. Mais ce dernier effort, même s’il est important, représente assez peu par rapport à l’ampleur de la demande, puisqu’un demandeur seulement sur deux pourra être hébergé.

La situation sur ce sujet relève assez peu du volet budgétaire. La commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de cette mission, mais le prochain enjeu, pour nous, est le débat sur la politique migratoire de la France et de l’Europe organisé au Sénat le 17 décembre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’année qui se termine fut pleine de bouleversements.

La pandémie a perturbé le fonctionnement de très nombreux pays, dont la France. La lutte contre le virus a rendu crucial le contrôle des flux transitant entre les pays, mais également en leur sein même. Cette diminution de la circulation des personnes a évidemment eu de grandes conséquences sur la mission « Immigration, asile et intégration » que nous examinons aujourd’hui.

L’immigration reste un sujet sensible pour bon nombre de nos concitoyens. D’après un sondage IFOP de janvier dernier, près de 80 % d’entre eux considèrent qu’il faut passer d’une immigration subie à une immigration choisie. L’immigration est une chance, à condition que la France conserve la maîtrise des flux.

La lutte contre l’immigration irrégulière doit être une priorité, madame la ministre, car elle mine notre politique migratoire.

Comme bien d’autres de nos collègues, les membres du groupe Les Indépendants sont particulièrement préoccupés de voir que les obligations de quitter le territoire ne sont que trop faiblement exécutées. Voilà plus de dix ans que leur taux d’exécution n’a jamais dépassé les 25 %. Comment accepter que la grande majorité des décisions judiciaires en la matière restent dénuées d’effet ? Quel message est ainsi envoyé aux réseaux ?

Il faut absolument remédier à cette situation qui nuit à tous : à l’autorité de l’État, à la force de la loi et à l’intégration des immigrés en situation régulière. In fine, c’est l’ensemble de notre société qui en pâtit. Nous savons que vous y travaillez, madame la ministre. Nous avons suivi avec attention vos démarches pour obtenir de meilleurs résultats sur la délivrance de laissez-passer consulaires, notamment au Maghreb. Il faut poursuivre ces efforts pour parvenir à exécuter les obligations de quitter le territoire et, dans le même temps, concentrer nos efforts au profit de ceux que nous accueillons.

Le droit d’asile est l’une des traductions de l’engagement de la France en faveur de la liberté. Réduire fortement le délai de traitement des demandes est à ce titre un objectif capital. Et nous avons tous à y gagner. Il faudra cependant se donner les moyens de l’atteindre. Les effectifs de l’Ofpra ne stagnent pas, mais se réduisent légèrement. Dans ces conditions, comment réussir à passer d’un délai d’examen de 112 jours, prévu pour 2021, à un délai de 60 jours en 2023 ?

À cet égard, l’augmentation des crédits risque de ne pas être suffisante cette année. Nous notons que le plan de relance prévoit des investissements pour améliorer l’hébergement des demandeurs d’asile, mais le recours au plan n’est pas une solution soutenable. Nous devrons investir davantage dans la politique de l’immigration et de l’intégration si nous voulons parvenir à maîtriser pleinement la situation.

Je veux rappeler aussi que la prise en charge des mineurs isolés coûte environ 2 milliards d’euros aux départements chaque année. Dans la mesure où seul l’État dispose du contrôle des frontières de notre pays, il nous semble que les dépenses engagées par les départements pour cette prise en charge devraient au minimum être compensées par l’État. Rien ne justifie que les départements en supportent le coût.

Pour réussir le défi de l’intégration, notre pays doit assumer pleinement d’exercer un contrôle strict sur sa politique migratoire et se donner les moyens d’y parvenir.

Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST – Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la covid-19 a engendré de graves dysfonctionnements au sein de l’administration française, démontrant au passage la défaillance criante des pouvoirs publics à l’égard des personnes migrantes, notamment dans les centres de rétention administrative (CRA), devenus de véritables clusters. Dans celui de Plaisir, dans les Yvelines, que j’ai visité lundi dernier, ne se trouvent rassemblées que des personnes malades : on surnomme d’ailleurs ce centre le « CRA-covid », ce qui interpelle tout de même !

Face à ce constat, le ministre de l’intérieur propose une hausse de 2 % des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Ce budget n’évite pas certains écueils des années précédentes. Il en est notamment ainsi du traitement de la lutte contre l’immigration irrégulière, dont le budget augmente de 16 % en crédits de paiement, soit une hausse de 68,1 % depuis 2017.

Il est grand temps qu’un virage humaniste soit de mise sur cette thématique. En ce sens, nous approuvons la création de 6 000 places cette année dans les centres d’hébergement d’urgence pour migrants, ainsi que la légère hausse du budget pour les dispositifs d’intégration et d’accueil sur le sol français. Ces signes sont encourageants, quoique timorés. Heureusement que les associations sont là pour nourrir les migrants qui dorment encore dans la rue.

Nous ne pouvons pas nous permettre d’appréhender la question de l’immigration et de l’accueil sous le seul prisme de la comptabilité budgétaire. Ce qui manque au Gouvernement, c’est une vision globale et surtout de long terme.

Globale, tout d’abord, car cela fait des années que nous sommes incapables de réformer, avec les autres pays européens, le règlement de Dublin qui met les personnes migrantes dans des situations de précarité et de détresse indignes des valeurs défendues par l’Union européenne.

Sur le long terme, ensuite, parce que les moyens accordés à l’Ofpra ne sont pas suffisamment ambitieux pour affronter les flux migratoires qu’engendreront les dérèglements climatiques des décennies à venir. Selon certains experts, d’ici à 2050, près de 1,5 milliard de réfugiés environnementaux pourraient tenter de rejoindre l’Europe.

Madame la ministre, nous saluons les timides efforts que comprend ce PLF pour 2021, notamment en matière d’accès au droit d’asile et à l’intégration, mais aussi en termes de création de places d’hébergement pour les exilés. Cependant, une fois encore, le budget de cette mission fait la part belle à la lutte contre l’immigration irrégulière.

Par ailleurs, les faits de violences policières sur des migrants, perpétrés le 23 novembre dernier, démontrent que l’approche gouvernementale en matière d’immigration reste répressive.

Ainsi, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront contre le budget de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour la quatrième année consécutive, le budget global de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation – cette fois-ci, de 2 %.

Il traduit les dispositions de la loi du 10 septembre 2018, s’inscrit dans la dynamique impulsée par le comité interministériel du 5 juin 2018 et vise deux grands objectifs : mieux accueillir les demandeurs d’asile et les étrangers en situation régulière et lutter efficacement contre l’immigration clandestine.

Pour atteindre le premier objectif, le budget prévoit la structuration et la hausse du parc d’hébergement des demandeurs d’asile, qui sera doté de 6 000 places supplémentaires. Les campements indignes de migrants que l’on voit fleurir sur notre territoire nous montrent à quel point il est nécessaire de poursuivre nos efforts pour améliorer notre dispositif d’accueil.

À cet égard, je sais M. le ministre de l’intérieur choqué par les violences inacceptables survenues place de la République lors de l’évacuation du campement qui s’y était installé.

Je ne doute pas qu’il saura faire la lumière sur ce qui s’est passé et prendre les décisions qui s’imposent.

Par ailleurs, il me semble important de rappeler que ces crédits sont examinés dans un contexte sanitaire exceptionnel, qui, compte tenu des restrictions de déplacement depuis mars dernier, a bien évidemment eu un impact sur le nombre de demandes d’asile qui ont été présentées cette année.

C’est la raison pour laquelle je tiens à saluer le fait que le Gouvernement en ait tenu compte, en retenant, pour évaluer la demande d’asile en 2021, les chiffres de 2019. L’augmentation significative de l’allocation pour demandeur d’asile est, à ce titre, à souligner.

Ce budget permettra également de poursuivre l’effort de maîtrise des délais de traitement des demandes d’asile, en consolidant les moyens supplémentaires accordés à l’Ofpra.

Concernant le second objectif que représente la lutte contre l’immigration clandestine, les crédits sont consacrés pour une large part à l’investissement immobilier des CRA et à l’éloignement de ceux qui se maintiendraient illégalement sur le territoire.

Je finirais mon intervention, une fois n’est pas coutume, en évoquant la situation à Mayotte, alors qu’un nouveau drame a eu lieu voilà deux mois, entraînant la mort de dix migrants, dont un enfant, tous venus des Comores.

Vous le savez, sur ce territoire, la pression migratoire est telle qu’elle compromet absolument tout développement. Elle engendre paralysie des services et politiques publiques, crée des conflits entre communautés, et une montée mécanique de la délinquance. Le nombre de mineurs isolés et non accompagnés dépasse les chiffres les plus alarmants rencontrés en métropole.

Comment Mayotte, dont chacun connaît la problématique migratoire spécifique, s’insère-t-elle dans la stratégie de la mission pour l’année 2021 ?

En outre, comment les nouvelles places des dispositifs de préparation au retour (DPAR) et des CRA se déclineront-elles au sein de ce département et, plus globalement, dans les territoires ultramarins ?

Le 26 août dernier, j’avais adressé au Premier ministre un courrier faisant état des difficultés rencontrées à Mayotte en matière d’immigration et des conséquences de cette dernière sur les politiques publiques. J’y avais proposé des mesures concrètes. M. le ministre de l’intérieur en avait également été destinataire, et je lui sais gré de m’en avoir accusé réception.

Pouvez-vous me dire, madame la ministre, si certaines d’entre elles ou même la totalité – j’ose être optimiste ! – ont d’ores et déjà été prises en considération, bien évidemment en lien avec M. le ministre des outre-mer ?

En conclusion, et pour revenir spécifiquement aux crédits de la mission, nous observons que le Gouvernement maintient les efforts engagés depuis le début de cette législature pour répondre à une politique migratoire juste.

C’est la raison pour laquelle le groupe RDPI votera les crédits de cette mission.

Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nos discours sur l’immigration font preuve d’une étonnante inventivité lexicale : étrangers, réfugiés, migrants, exilés, demandeurs d’asile, ou encore clandestins et sans-papiers. Mais, au-delà des mots, nous parlons d’abord de femmes, d’hommes et d’enfants, qui méritent que notre nation leur réponde par une politique claire, digne et à la hauteur des valeurs républicaines et humanistes que nous défendons.

Aussi, le budget dont nous discutons les crédits est une chance pour le débat démocratique : si ses enjeux sont actuels, ils concernent aussi le long terme pour notre pays, compte tenu de l’importance qui s’attache à la définition d’une politique d’intégration acceptable.

À l’heure où l’Union européenne entend donner un nouveau cadre à la politique migratoire, nous voulons saluer l’effort fourni au travers de la hausse des crédits. La stabilité de ceux qui sont dévolus au logement ou à l’emploi des réfugiés ayant besoin d’un accompagnement spécifique reste un signal positif, alors que le contexte budgétaire est, nous le savons, très dégradé par ailleurs.

Toutefois, quelques inquiétudes demeurent. Je pense d’abord aux administrations ayant la charge de l’accueil des ressortissants étrangers qui arrivent sur notre territoire. Alors que le nombre de demandeurs connaît une hausse continue, l’OFII et l’Ofpra doivent pouvoir exercer leur mission efficacement et dans des conditions respectant la dignité de leurs usagers.

Si, s’agissant de l’Ofpra, nous observons avec satisfaction que son financement est en hausse, la situation de l’OFII est plus préoccupante, puisque ses subventions diminuent. Or, outre les difficultés qu’il pouvait connaître jusqu’alors, l’Office souffre de la pandémie et peine à répondre aux sollicitations des demandeurs d’asile et des réfugiés. La baisse de ses moyens dans ce contexte complexe nous étonne autant qu’elle nous inquiète.

S’agissant par ailleurs de la gestion de l’immigration irrégulière, je ne suis pas la première à attirer votre attention, madame la ministre, sur la situation préoccupante des centres de rétention administrative, qui suscitent régulièrement la condamnation de l’État et des injonctions du juge administratif. La crise du covid-19 nous force à traiter le problème de la promiscuité dans ces centres, d’autant que la fermeture des frontières place ceux qui y sont retenus dans un état d’attente préoccupant.

Le Défenseur des droits avait alerté très tôt, dès le mois de mars, sur cette question. S’agissant ensuite de l’immigration régulière, qui est elle aussi en hausse continue, se pose mécaniquement la question de l’intégration des nouveaux arrivants et des moyens qui y sont alloués. Nous le disions déjà lors de nos discussions sur la loi du 10 décembre 2018, aucune intégration sur le territoire de la République ne pourra se faire si l’on ne veille pas à ce que les personnes présentes sur ce territoire parlent français, connaissent la société française et en respectent les règles. Il faut donc que les crédits alloués le permettent. De ce point de vue, je crains que ce budget n’atteigne pas ces objectifs, pourtant fondamentaux pour mon groupe, qui est très attaché à défendre une République unie et apaisée.

Enfin, tous nos efforts resteront vains s’ils ne trouvent pas d’écho au niveau de l’Union européenne. Alors que la présidente de la Commission européenne a mis en œuvre depuis le mois de septembre une réforme profonde de la politique migratoire, celle-ci suscite de nombreux débats, voire l’opposition de certains États membres, au risque de mettre à mal la solidarité européenne. Il est crucial que la France s’engage pour une juste répartition des efforts d’accueil et d’intégration, toujours dans la dignité, mais aussi sans remettre en cause notre conception universaliste de la société autour des valeurs de la République.

Ces remarques faites, mes collègues du groupe du RDSE et moi-même ne nous opposerons pas au budget qui nous est proposé.

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la majorité sénatoriale s’inquiète de « la multiplication des demandes d’asile obéissant à des motifs socio-économiques plutôt qu’à des motifs politiques et du faible nombre d’éloignements auquel il est procédé », nous nous préoccupons, pour notre part, du manquement grave de notre pays à ses obligations en matière d’asile, notamment en matière d’accueil, et de la politique d’enfermement des migrants, opérée également à l’encontre des enfants.

Aussi, je vous le dis d’emblée, si nous nous opposons vertement aux crédits de cette mission « Immigration, asile et intégration », nos motifs sont diamétralement opposés à ceux des rapporteurs et de la commission des lois.

La hausse des crédits de cette mission s’inscrit pleinement dans la poursuite des objectifs dressés par la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie du 10 septembre 2018, dite loi Collomb.

Dans la droite ligne des réformes précédentes, cette loi a accentué la mise sous contrôle des demandeurs d’asile et multiplié les obstacles et les contrôles entravant, de fait, l’accès des étrangers à leurs droits fondamentaux.

Je ne peux aborder l’ensemble de la problématique, mais je voudrais aujourd’hui insister sur la question de l’hébergement des demandeurs d’asile et sur celle de l’enfermement des migrants.

Après 66 évacuations de campements depuis 2015 à Paris, l’évacuation brutale, place de la République, la semaine dernière, a mis en relief les dysfonctionnements de la politique d’asile en France : près de la moitié des demandeurs d’asile ne sont pas pris en charge. Telle est la réalité.

Malgré les créations de places de ces dernières années, le dispositif national d’accueil pour demandeurs d’asile reste marqué par un important sous-dimensionnement.

En octobre, selon l’OFII, 147 400 demandeurs d’asile ont reçu une allocation mensuelle, alors que la capacité d’accueil au sein du dispositif national d’accueil s’élève à 81 119 places. Ainsi, plus de 66 000 demandeurs d’asile seraient privés de prise en charge.

Cela va sans dire, les 4 500 places supplémentaires prévues dans ce budget ne permettront pas de rattraper le retard.

À cela s’ajoute la crise sanitaire en cours, qui, d’une part, fausse les chiffres, les prévisions, et donc le budget pour 2021, et, d’autre part, dégrade davantage les conditions sanitaires des campements de fortune rendus encore plus insalubres.

Il en est de même dans les centres de rétention administrative et dans les zones d’attente : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et l’Observatoire de l’enfermement des étrangers ont demandé dans ce contexte que soient libérés immédiatement les retenus. En vain !

De nombreuses associations, dont Médecins du monde et Amnesty International, dénoncent la banalisation de la privation de liberté des personnes étrangères. Cette politique « punitive » du Gouvernement envers les étrangers détenus dans les centres de rétention administrative entraîne des tensions et des drames : grève de la faim, émeutes, automutilation, tentatives de suicide… Pourtant, le Gouvernement s’entête en augmentant encore avec ce budget le nombre de places prévues dans les 21 CRA du pays. Ainsi 480 places supplémentaires sont-elles budgétisées.

Dans ces CRA, on continuera de compter des enfants, car le Gouvernement et sa majorité persistent également dans leur refus d’interdire l’enfermement des enfants, en dépit des condamnations multiples de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En 2019, 136 familles, dont 279 enfants, ont été enfermées en rétention en métropole, et plus de 3 000 à Mayotte !

Le drame humain qui se joue dans l’échec de notre politique migratoire n’est pas digne de nos grands principes républicains. C’est pourquoi nous nous opposerons aux crédits de cette mission.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en réaction à ce que j’ai entendu de la part de certains de nos rapporteurs, je souhaiterais d’abord rappeler certains chiffres tirés des données d’Eurostat.

Concernant les délivrances des premiers titres de séjour, nous sommes au vingt-troisième rang en Europe, proportionnellement au nombre de nos habitants.

En chiffres bruts, avec 274 000 premiers titres de séjour en France, nous sommes derrière la Pologne, qui en délivre 724 000, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne. Un tiers des titres que nous délivrons sont destinés à des étudiants et un sixième à des familles de Français.

Par ailleurs, lorsque l’Union européenne faisait face à une importante croissance des demandes d’asile en 2015, la situation restait relativement stable en France, avec un peu plus de 60 000 demandeurs annuels.

Contrairement à nos partenaires et singulièrement à l’Allemagne, nous n’avons pas eu d’à-coups brutaux, mais une progression régulière, je dirai même prévisible, pour atteindre le chiffre de 120 000 primo-demandeurs en 2019.

À aucun moment, nous n’avons eu à faire face à une situation difficilement surmontable. Malgré cela, madame la ministre, l’année 2020 aura illustré la négligence de la politique du Gouvernement.

D’abord, la France a été condamnée par deux fois par la CEDH : en juin, pour expulsion d’enfants isolés à Mayotte ; en juillet, pour traitement dégradant de demandeurs d’asile.

Au printemps, tirant prétexte de la crise sanitaire, le Gouvernement tentait, par ordonnance, d’élargir la possibilité de juge unique à la CNDA. Heureusement, le Conseil d’État veillait !

Pendant ce temps, les centres de rétention n’ont pas été correctement adaptés à la crise sanitaire. La nouvelle Contrôleure générale des lieux de privations de liberté l’a signifié à votre ministre de tutelle dans un récent courrier. J’ai vu moi-même des CRA où les personnes retenues devaient boire à l’unique robinet d’eau potable disponible. J’ai vu des personnels de la police aux frontières (PAF) honteux des produits censés tenir lieu d’aliments livrés par le prestataire. Ces risques et ces humiliations, parfois pendant plus de deux mois, pour moins de 40 % d’éloignements, c’est indigne !

Madame la ministre, avant, il y avait des queues devant les préfectures. C’était insupportable, mais il suffisait d’attendre. Aujourd’hui, c’est la justice qu’il faut saisir pour avoir un rendez-vous en préfecture. Or préfecture de nouvelle génération rime avec préfecture virtuelle, tant la prise de rendez-vous en ligne est défectueuse. Comment enregistrer une demande d’asile ? Comment renouveler une carte de séjour ? Comment demander une autorisation exceptionnelle de séjour quand la crise sanitaire vous empêche de rentrer chez vous ? Ces remarques pourraient aussi concerner la plateforme d’appel de l’OFII. Comment, madame la ministre, construire l’image de la République avec ce type de défaillances ?

Après des années à nous être acharnés à réduire les délais d’instruction des demandes d’asiles, n’est-il pas temps de constater qu’il existe un temps minimum incompressible pour l’étude des dossiers et qu’il serait utile qu’il soit consacré à la préparation de l’éventuelle intégration de la personne ? Je pense à l’apprentissage de la langue, à la formation, au droit au travail.

Sans préparation à l’intégration, comment s’étonner que plus de 60 % des places de CADA soient occupées par des personnes ayant le statut de réfugié, qui ne peuvent aller ailleurs, faute d’avoir commencé un parcours d’intégration pour devenir autonomes ? Nous n’avons plus de logements pour répondre à leurs besoins.

Pendant ce temps, les demandeurs dont le dossier est en cours d’instruction sont hébergés dans des conditions de plus en plus indignes. Pour eux, aujourd’hui, la norme est la rue ! C’était vrai l’année dernière et c’est toujours vrai cette année.

Je formulerai quelques remarques liées à l’actualité.

Il est essentiel que l’Ofpra soit présent lors des audiences à la CNDA, lorsque sa décision initiale de refus de protection s’appuie sur une alerte sécuritaire. Cela doit être pris en compte de manière systématique, dans le respect du contradictoire, lorsque la juridiction de la CNDA prend ses décisions.

Plutôt que de mettre en réadmission « Dublin » vers l’Italie des personnes en besoin de protection, il est grand temps que nous marquions notre solidarité totale avec ce pays. C’est une question d’humanité, d’efficacité et de crédibilité dans les négociations actuelles sur le prochain paquet Asile.

Concernant la lutte contre l’immigration irrégulière, un rapport de l’Assemblée nationale rappelle le coût moyen d’une expulsion, à savoir 15 000 euros, soit une année de SMIC net. Dès lors, pourquoi s’acharner à développer les départs forcés, alors que les départs volontaires sont moins coûteux, plus efficaces, et contribuent à faire revenir volontairement des personnes qui, ensuite, peuvent témoigner que l’Europe n’est pas nécessairement la terre promise ?

Attention aussi aux gouvernements qui vous donnent tous les laissez-passer consulaires que vous réclamez, mais ne font rien contre les réseaux de passeurs. Mieux vaut des partenaires rudes et fiers plutôt que ceux qui adaptent ce qu’ils vous disent à ce que vous voulez entendre et jouent sur les deux tableaux.

Il faut enfin en finir avec la politique du chiffre, qui conduit à faire des réadmissions « Dublin », dont on sait parfaitement qu’elles n’éloignent la personne que pour quelques jours, ce qui ne change rien à la situation réelle. Tout cela se fait au mépris de la dignité des personnes concernées !

J’aimerais tant entendre ici le Wir schaffen das d’Angela Merkel en 2015. Regardez la situation cinq ans après : une mobilisation fantastique de la société allemande, qui a parfois douté qu’elle y arriverait. Ils réussissent, et Angela Merkel est plus populaire que jamais. Méditons cela au regard de nos propres peurs.

Nous en débattrons de nouveau dans quelques semaines, mais la réussite de cette politique passe par une plus grande harmonisation européenne, dans le respect total de nos principes et de nos engagements. Pour donner du sens à cette coopération européenne, il conviendrait de changer certaines attitudes. L’Europe ne peut pas être l’excuse de tous les échecs, alors qu’elle progresse chaque année sur la voie d’un système de plus en plus intégré de contrôle des frontières et de systèmes d’information interconnectés.

Ainsi, à Roissy, en juillet dernier, alors que je m’étonnais des contrôles systématiques effectués aux frontières sans respect des règles sanitaire, un policier de la PAF m’a répondu : « Monsieur, Schengen n’existe plus. Ici, c’est la France. » Ce n’est pas acceptable ! La progression de notre politique d’asile se fera en Europe et avec l’Europe.

Madame la ministre, parce que votre politique n’est pas la bonne, le groupe socialiste et républicain refusera de voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 3,6 milliards d’euros, c’est le budget de l’État pour réguler l’asile et lutter contre l’immigration clandestine. Ce n’est pas rien ! Mais le plus intéressant, c’est non pas le montant de l’enveloppe, mais ce que vous en faites.

S’agissant de la répartition, seulement 10 % vont à la lutte contre l’immigration clandestine, alors que la prise en charge des demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur demande nous coûte 1,6 milliard d’euros, soit les deux tiers du budget de la mission.

Si l’on considère que seulement 38 % des demandes d’asile sont acceptées, cela fait 1 milliard d’euros accordé à des personnes qui n’avaient pas le droit de venir en France. Ce milliard gaspillé aurait pu servir à expulser 77 000 clandestins, sachant que, parmi les 900 000 qui se trouvent sur notre territoire, 334 000 se sont manifestés pour pouvoir bénéficier de l’aide médicale d’État, qui leur est réservée, et dont le budget s’élève à 1 milliard d’euros, soit un milliard de plus !

La réponse du Gouvernement ? La création de 6 000 nouvelles places d’hébergement pour les demandeurs d’asile. Les 100 000 Marseillais parqués dans des logements indignes, les 10 millions de Français qui survivent au-dessous du seuil de pauvreté et qui, pour nombre d’entre eux, n’arrivent plus à se soigner, apprécieront.

Depuis des décennies, le nombre d’expulsions ne cesse de diminuer. Sur 65 000 mesures d’éloignement prononcées, à peine 10 % sont effectuées. À quoi sert la justice, mes chers collègues, si les décisions prises ne sont pas appliquées ? En cinq ans, 1,2 million de titres de séjours ont été délivrés, soit les populations de Marseille et de Toulouse réunies.

Vous battez un record en la matière, madame le ministre, avec 275 000 titres en 2019. Si ce n’est pas de la submersion migratoire, cela y ressemble fortement !

De grâce, épargnez-nous la réponse lacrymale sur le devoir d’accueil, ils sont seulement 13 % à venir pour raison humanitaire et seulement 15 % pour travailler.

Les demandes pour motifs universitaires ou familiaux représentent 65 % du total. Or, on le sait, l’immigration étudiante est une filière de l’immigration illégale. Le président Giscard d’Estaing avait d’ailleurs confessé l’erreur grave qui fut la sienne d’instaurer le regroupement familial, regroupement qui n’en finit jamais.

Tant que vous n’inverserez pas les flux de l’immigration, notre pays continuera d’être submergé et sa population remplacée.

Le budget doit être inversé : 90 % pour les expulsions et 10 % pour l’accueil.

Avec cet argent, nous pourrions expulser l’ensemble des clandestins en seulement deux ans ! Elle est là, la chance de la France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Quant aux pays d’origine qui refusent d’accueillir leurs ressortissants, comme le Congo, la Bosnie, le Nigéria ou encore le Mali, la négociation devrait être simple : vous avez besoin de notre argent, nous n’avons pas besoin de vos clandestins. Si vous voulez le premier, il vous faudra accepter les seconds. C’est simple, la politique,…

M. Jean-Pierre Sueur. C’est simplissime !

M. Stéphane Ravier. … y compris la politique migratoire, pour peu que l’on ait de la volonté.

Votre volonté récente, madame la ministre, a été de fermer les frontières, mais pour empêcher les Français d’aller skier chez nos voisins, pendant que ces mêmes frontières restent totalement ouvertes à ce que le Président de la République défunt avait lui-même qualifié d’« invasion ».

Mme Cécile Cukierman. Cessez de faire parler les morts !

M. Stéphane Ravier. Il n’y a décidément que vous, madame la ministre, pour prendre des décisions aussi absurdes, et comme dirait M. Fernand de Montauban, l’équipe d’Emmanuel Macron, « elle ose tout, c’est même à ça qu’on la reconnaît »…

Mme le président. Je vous demande, mes chers collègues, de porter correctement votre masque, jusqu’au nez.

La parole est à M. Arnaud de Belenet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Arnaud de Belenet. Apparemment, il n’y a pas que l’équipe du Président de la République qui ose tout ! Si les choses étaient si faciles, cela se saurait. On peut dire calmement, sans tout mélanger et sans agressivité, qu’avec près de 2 milliards d’euros, la France tient presque toutes ses obligations juridiques, sans parvenir à régler un problème particulièrement complexe.

Si ce constat a conduit les membres du groupe Union Centriste à rejeter les crédits de la mission, il nous faut reconnaître un certain nombre de choses positives.

Je tiens à noter une forte augmentation du budget, que ce soit en autorisations d’engagement ou en crédits de paiement, de l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, qui augmente de 15 % par rapport à 2020, et de l’action n° 11, Actions d’intégration des primo-arrivants, en hausse de 9 % par rapport à 2020. Cela correspond aux objectifs fixés par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Hélas, ce budget ne permet pas de les atteindre.

Les crédits de cette mission reposent sur les programmes 303, « Immigration et asile », et 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».

La mission « Plan de relance » complète les crédits de la mission à hauteur de 37 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 18,5 millions d’euros en crédits de paiement. Le plan de relance prévoit effectivement le financement de 2 000 places complémentaires d’hébergement sous la forme de 500 places en centres d’accueil et d’examen des situations et de 1 500 places dans les dispositifs de préparation au retour favorisant l’éloignement aidé d’étrangers en situation irrégulière.

Les rapporteurs pour avis de la commission des lois, Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, ont indiqué que « les crédits de la mission s’inscrivent dans un contexte de pression migratoire toujours particulièrement intense », citant un nombre « record » de titres de séjours délivrés en 2019 et un nombre « sans précédent » de demandeurs d’asile.

Je formulerai deux remarques. Si, en effet, les demandes d’asiles ont augmenté en 2019 par rapport à 2018, l’Ofpra nuance la situation dans son rapport d’activité de 2019, en précisant que cette hausse se poursuit à un rythme moindre qu’au cours des deux dernières années. Même si ce phénomène n’est pas totalement satisfaisant, il convient de le relever.

Selon un récent rapport de l’ONU, les effets de la pandémie et du changement climatique affectent gravement les systèmes alimentaires du monde entier, ce qui devrait aboutir à des famines. De plus, toujours selon ce rapport, la pandémie pourrait anéantir vingt ans de progrès dans les luttes contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, ce qui pourrait doubler le nombre annuel de décès. Aussi, d’après ce rapport, les flux migratoires devraient-ils s’intensifier. Il conviendra non pas de refuser cette triste et inéluctable réalité, mais bien de l’anticiper.

De manière plus prosaïque, le programme 303, « Immigration et asile », comprend l’essentiel des crédits de la mission. Il vise à assurer le financement des politiques publiques relatives à l’entrée, la circulation, le séjour et le travail des étrangers, l’éloignement des personnes en situation irrégulière, ainsi que l’exercice du droit d’asile. À cet égard, l’action n° 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, constitue très nettement le premier poste budgétaire de la mission et finance les dépenses d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, l’allocation pour demandeurs d’asile et l’Ofpra.

La forte croissance de la dotation accordée à l’Ofpra, notamment en 2020 et, dans une moindre mesure, en 2021 visait l’objectif d’une réduction des délais de traitement des demandes d’asile. Malheureusement, la crise sanitaire n’a pas permis de l’atteindre. Les délais risquent d’être sensiblement plus longs en 2021.

Le programme 104 comprend quatre actions concourant à l’intégration des étrangers séjournant régulièrement en France, notamment ceux qui se sont vu reconnaître le bénéfice du droit d’asile. Après deux années de forte progression – 408,6 millions d’euros ouverts en 2019 et 431 millions d’euros en 2020 –, ces montants se stabilisent à un niveau élevé.

L’ambition du Gouvernement de renforcer sa politique d’intégration est bien réelle, mais les résultats peinent à être perçus, notamment en termes de maîtrise de la langue française, premier facteur d’intégration. Le contrat d’intégration républicaine n’a pas encore porté ses fruits.

La crise sanitaire a eu un impact fort sur ces sujets, que ce soit en termes de flux migratoires, de demandes d’asile ou d’intégration. Les chiffres de 2020 sont par conséquent biaisés et ceux de 2021 doivent être anticipés avec précaution. Ainsi, si nous approuvons les objectifs affichés dans cette mission et constatons les efforts réalisés, nous nous interrogeons, comme pour d’autres missions, sur l’adéquation entre ce budget et l’ampleur de la difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en matière migratoire, il y a urgence. Il est temps de mettre en œuvre une politique d’immigration qui n’a jamais vraiment existé. Une majorité de Français souffre. Elle n’accepte plus les situations qui lui sont imposées. Un nombre toujours plus important de nos compatriotes subissent les conséquences des échecs des politiques mises en œuvre et de leurs renoncements. Ils sont atterrés par certaines situations insoutenables.

Permettez-moi, en tant que Marseillaise, de rappeler l’une d’elles. Mauranne et Laura ont été lâchement assassinées à la gare Saint-Charles par un Tunisien possédant sept alias, qui avait usé et abusé de toutes les procédures d’accueil.

Oui, nous battons des records en matière migratoire, avec 267 576 titres de séjour délivrés en 2019, soit une hausse de 7 % en un an, de 20 % en trois ans et de 49 % par rapport à la moyenne du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ainsi, plus de 400 000 étrangers sont entrés légalement dans notre pays en 2019, et 3,5 millions y vivraient.

Face à ce constat, nous pourrions attendre un budget ambitieux. Rien de tel : ce budget est à l’image de votre politique migratoire. Pour la première fois depuis cinq ans, les crédits de la mission diminuent de 8,82 % en autorisations d’engagement. Votre manque de courage politique en matière migratoire fait plusieurs victimes.

Tout d’abord, les migrants, qui sont les victimes de véritables trafics d’êtres humains. Ils sont également bien trop souvent instrumentalisés par des associations. Nous avons pu voir, récemment, les lamentables images des événements qui se sont déroulés place de la République. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et GEST.)

Ensuite, les Français, qui doivent subir cet abandon de l’État. À Paris, mais aussi à Marseille, où la municipalité cherche à faire de la ville le premier acteur de l’accueil des migrants en France. Cette ville souffre déjà assez.

Pourtant, il existe des mesures simples, qui ont fait leurs preuves à l’étranger et que nous proposons depuis des années. Elles sont balayées d’un revers de main. Il s’agit notamment de la simplification du contentieux de l’éloignement, du durcissement des conditions du regroupement familial, des restrictions à la délivrance de visas aux ressortissants de pays non coopératifs qui ne délivrent pas de laissez-passer consulaires.

Si le social n’a pas de prix, il a un coût. C’est pourquoi nous devons traiter la dimension sociale de l’immigration en France, plus particulièrement sur trois points.

Le premier concerne les mineurs non accompagnés (MNA). Le système de prise en charge des MNA est au bord de l’implosion, faute d’une politique publique à la hauteur, et ce sont les plus vulnérables qui en sont les premières victimes.

Sur le plan statistique, je rappelle que le ministère de la justice évalue à 20 000 le nombre de MNA, alors qu’ils sont en réalité 40 000. Les Bouches-du-Rhône comptent parmi ces départements qu’on appelle « millénaires » : 1 000 MNA sont arrivés à Marseille en deux ans. Nos départements sont en difficulté financière ; le coût de la prise en charge d’un MNA au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) est estimé en moyenne à 50 000 euros par an pour les seuls frais d’hébergement.

Contrôlons plus strictement leur minorité ; généralisons le dispositif d’appui à l’évaluation de la minorité, le fichier AEM, qui a fait ses preuves. Et cessez d’abandonner les départements : il s’agit d’une compétence régalienne ! Permettez-moi d’insister une nouvelle fois sur la situation que nous subissons aujourd’hui dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur : à la frontière de Nice, de soi-disant mineurs arrivent en masse de Tunisie, alors que nous devons déjà assumer d’énormes difficultés.

Second point : la protection universelle maladie (PUMa). Aujourd’hui, toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière peut bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé par la PUMa sans jamais avoir cotisé. C’est le cas pour les demandeurs d’asile, dès le dépôt et pendant toute l’instruction de leur demande. Mettons fin au détournement du droit d’asile !

J’ai interrogé plusieurs fois le Gouvernement, madame la ministre, pour lui demander comment des personnes qui avaient été déboutées du droit d’asile, désormais en situation irrégulière, donc, pouvaient bénéficier ensuite de l’aide médicale de l’État, et combien étaient les personnes dans ce cas. Et je regrette que la proposition que j’ai formulée en la matière ne soit jamais acceptée.

Il faut réformer non seulement la PUMa, mais aussi l’aide médicale de l’État. Vous le savez : en 2021, le montant versé au titre de l’aide médicale de l’État franchira la barre symbolique du milliard d’euros, le nombre d’étrangers en situation irrégulière qui en bénéficient étant en hausse de près de 40 % par rapport à 2012.

La hausse incontrôlée des dépenses d’AME doit impérativement nous conduire à repenser et à resserrer ce dispositif, qui ne peut, en l’état, que renforcer l’« attractivité » de notre pays.

Pour toutes ces raisons, j’estime que le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » n’est pas à la hauteur des enjeux, d’autant que le Gouvernement ne répond pas aux questions que nous lui posons via nos différentes missions d’information ; il doit pourtant ces réponses à la représentation nationale.

Je ne voterai donc pas ce budget et je vous invite, mes chers collègues, à voter contre ces crédits, qui sont très largement insuffisants au regard des enjeux et des souffrances vécues tant par les personnes en situation illégale que par les Français qui subissent toutes les décisions que prend le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Courtial. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il me soit permis de rendre hommage à la mémoire de Valéry Giscard d’Estaing, qui a toujours plaidé pour l’unité des Français.

Or cette dernière est plus que jamais menacée : la France est en guerre, non pas seulement contre un virus, mais bien contre l’islamisme radical, qui veut détruire notre nation et rejette toutes les valeurs qui fondent notre République et notre art de vivre.

Si le Gouvernement a d’ailleurs, et fort heureusement, reconnu cet état de fait, nous continuons à débattre sur des évolutions budgétaires minimes sans nous donner les moyens de mener cette lutte avec efficacité et pragmatisme afin d’obtenir les résultats escomptés. Pourtant, indéniablement, les moyens sont là ; j’en veux pour preuve le déblocage, en quelques jours, de tous ces milliards d’euros pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire, alors qu’on se contente de bricolage contre l’islamisme radical.

Vendredi 25 septembre : attaque au couteau rue Appert. L’auteur : un Pakistanais entré en France en 2018, demandeur d’asile.

Vendredi 16 octobre : décapitation au couteau à Conflans. L’auteur : un Russe d’origine tchétchène, fils de réfugié politique.

Jeudi 29 octobre : meurtres au couteau dans la basilique de Nice. L’auteur : un réfugié tunisien arrivé à Lampedusa le 20 septembre.

Certains crieront à l’acte isolé ou à la stigmatisation, et continueront à pratiquer la politique de l’excuse, préférant fermer les yeux, se boucher les oreilles ou se taire.

Il y a urgence à regarder la réalité en face sur les conséquences de la crise migratoire, sans faux-semblants ni naïveté ; comme membres du Gouvernement ou du Parlement, notre responsabilité collective est engagée à l’égard des Français et au regard de l’histoire.

« Mal nommer les choses, disait Albert Camus, c’est ajouter au malheur du monde ».

Or une politique migratoire laxiste combinée à un droit d’asile inadapté et à une générosité dévoyée crée un appel d’air pour l’immigration illégale, qui est sur le point de nous submerger ; une partie de ces migrants, rejetant nos principes les plus fondamentaux, gangrène nos cités et remet en cause notre modèle républicain d’intégration, aujourd’hui en péril.

Le problème n’est pas nouveau, mais il atteint un niveau de dangerosité inégalé. Les conditions créant ce terreau fertile sont connues et nous avons depuis trop d’années, sans doute, refusé d’en prendre la mesure, reculant jusqu’à atteindre bientôt, si rien n’est fait, le point de non-retour – car ce fléau séparatiste veut aujourd’hui imposer sa loi.

Le temps qui m’est imparti ne me permet pas d’aborder un tel sujet dans son entièreté ; je définirai néanmoins trois objectifs.

Il nous faut, tout d’abord, bloquer efficacement les frontières extérieures de l’Europe, cette Europe dont la fonction principale devrait être de protéger ses ressortissants vis-à-vis de l’extérieur avant de produire des normes qui les entravent à l’intérieur. C’est à cette seule condition que l’Europe ne sera plus considérée comme une technostructure déconnectée des préoccupations réelles, mais, de nouveau, comme un outil utile.

À défaut de bloquer ces frontières, fermons du moins celles de la France. Bienvenue, d’ailleurs, en Absurdie : nous voilà soudain capables d’empêcher les Français de traverser les frontières pour aller skier au nom de la lutte contre le virus, mais il serait tout à fait impossible de les rétablir pour empêcher l’immigration illégale ?

Il nous faut, ensuite, fermer le robinet de l’immigration illégale et ne pas nous interdire de pratiquer une immigration choisie assumée. Une telle pratique n’est absolument pas contradictoire avec le respect du droit d’asile, auquel nous sommes toutes et tous attachés.

Il nous faut, enfin, refondre les règles d’acquisition de la nationalité française. Devenir Français est une chance, un honneur ; cela se mérite et ne peut être un simple droit automatique.

Aujourd’hui prisonniers d’une législation trop permissive et trop tolérante à l’égard de ceux qui nous ont déclaré la guerre, nous devons nous réarmer, juridiquement et moralement. Nous n’avons pas à nous excuser d’être ce que nous sommes : une grande nation, héritière de traditions millénaires aussi bien que de la pensée des Lumières, qui a foi en l’homme et est profondément généreuse à l’égard de ceux qui sont réellement persécutés dans leur pays.

Mais cela n’implique pas de tout accepter sans mot dire et, surtout, de nous priver de nous défendre. Si nos institutions et les gouvernants n’agissent pas, demain ils feront face à la rue. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Immigration, asile et intégration (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Discussion générale

4

Démission et remplacement d’un sénateur

Mme le président. M. Alain Sévêque a fait connaître à la présidence qu’il se démettait de son mandat de sénateur de la Manche à compter du 3 décembre, à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Béatrice Gosselin, dont le mandat de sénatrice commence le 4 décembre, à zéro heure.

En notre nom à tous, je souhaite la plus cordiale bienvenue à notre nouvelle collègue.

5

Immigration, asile et intégration (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Immigration, asile et intégration
Immigration, asile et intégration (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Immigration, asile et intégration

Loi de finances pour 2021

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme le président. Nous reprenons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021, des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Immigration, asile et intégration (suite)

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B

Mme le président. Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui sont, vous le savez, fortement mobilisés pour répondre à une politique migratoire que nous voulons maîtrisée et équilibrée.

Cet équilibre repose, dans la droite ligne de la volonté du Président de la République depuis 2017, sur une politique d’humanité dans l’accueil et dans l’intégration, mais aussi de clarté à l’égard de celles et de ceux qui entrent irrégulièrement sur le territoire national ou qui s’y maintiennent, bien que déboutés de leur demande d’asile.

La France est une terre d’asile ; c’est son honneur que de l’être. Si la République est généreuse, ses décisions doivent être respectées. Parce que les questions d’immigration, d’asile et d’intégration constituent un sujet fondamental pour le ministère de l’intérieur, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation des crédits de 36,8 millions d’euros, soit de 2 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Et je concentrerai mon intervention sur la question budgétaire, qui nous réunit ce soir.

Des crédits de compétitivité de la mission « Plan de relance » viennent compléter les efforts budgétaires de la présente mission à hauteur de 26,6 millions d’euros en crédits de paiement. L’effort budgétaire est donc considérable ; il vise à nous donner les moyens d’agir plus et d’agir mieux par le biais des deux programmes de la mission, le programme 303, « Immigration et asile », et le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».

Le programme 303, tout d’abord, illustre la volonté résolue du Gouvernement de mieux accueillir et de mieux lutter contre l’immigration irrégulière.

Mieux accueillir, tout d’abord : les principales dépenses en matière d’asile, dans ce programme, portent sur l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile. Cela se traduit par une hausse significative du budget consacré à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) ; cette hausse de 11,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 porte le budget à 459,4 millions d’euros.

Je tiens à souligner cet effort budgétaire, parce qu’il montre bien l’engagement de la Nation pour l’accueil des demandeurs d’asile.

Les actions menées en matière d’hébergement auront elles aussi un effet sur la dépense consacrée à l’ADA. À ces actions s’ajoutent des moyens financiers importants. Le point fort du PLF pour 2021 en matière d’hébergement, c’est la création de 6 000 places supplémentaires : 4 000 places au titre de la présente mission et 2 000 dans le cadre de la mission « Plan de relance ». Dans le détail : 3 000 places dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), 1 500 places dans des centres d’accueil et d’examen des situations (CAES), 1 500 places dans les dispositifs de préparation au retour (DPAR).

Pour le financement du parc et des capacités totales en CADA, CAES et HUDA, ou hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, une dotation de 726,5 millions d’euros est prévue. S’y ajoutent 18 millions d’euros au titre de la mission « Plan de relance » pour les 2 000 places créées spécifiquement dans ce cadre.

L’amélioration des délais de traitement de la demande d’asile est une priorité de notre action en la matière, parce qu’elle doit nous permettre d’accueillir dignement celles et ceux qui ont droit à la protection de la France et, a contrario, de répondre rapidement à celles et ceux qui n’ont pas vocation à rester durablement sur le territoire.

Cette amélioration aura un impact sur le montant de l’ADA, mais aussi sur la fluidité de l’hébergement. Elle passe par un effort en termes de moyens, en direction de l’Ofpra notamment ; cet effort a été salué dans certaines interventions, et je vous en remercie.

La subvention accordée à l’Ofpra au titre du PLF pour 2021 est de 92,8 millions d’euros ; elle progresse par rapport à 2020. Concrètement, ce sont 200 équivalents temps plein supplémentaires qui sont financés. J’ai fait la semaine dernière un point d’étape avec le directeur général de l’Ofpra, et ces 200 ETP supplémentaires sont déjà en poste, recrutés, formés, opérationnels.

Mieux lutter contre l’immigration irrégulière, ensuite : le Président de la République, en déplacement le mois dernier dans la zone frontalière du Perthus, dans les Pyrénées-Orientales, a annoncé un doublement des forces de sécurité déployées aux frontières.

L’investissement immobilier concernant les centres de rétention administrative témoigne également de la volonté résolue du Gouvernement. Trop souvent, le manque de places en CRA a fait obstacle à l’éloignement ; 29,4 millions d’euros seront consacrés au financement de la tranche 2021 de ce plan d’extension des CRA. À ces montants s’ajoutent 1,4 million d’euros de crédits de paiement au titre de la mission « Plan de relance » pour la rénovation des CRA déjà existants.

Quant au budget finançant les frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière, il démontre la volonté du Gouvernement de retrouver, en la matière, des niveaux comparables à ceux d’avant la crise sanitaire. Ce poste de dépense – vous le savez – couvre notamment les frais de billetterie centrale et le coût des aéronefs et des affrètements correspondants, à la hauteur de l’effort budgétaire réalisé en 2020, soit 24,5 millions d’euros.

Pour ce qui concerne le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », le Gouvernement a engagé depuis plus de deux ans, à la demande du Président de la République, une refonte de sa politique d’intégration. L’État se donne désormais les moyens de mener une politique ambitieuse via les mesures du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 ; le budget qui leur est alloué se maintient à un haut niveau et continue même de progresser, pour 2021, de 2 millions d’euros.

J’ai ainsi souhaité, par exemple, accélérer la naturalisation des travailleurs étrangers qui ont été en première ligne pendant le confinement. Nous avons d’ores et déjà reçu 1 419 demandes de la part des préfets.

Parmi les autres actions, je tiens à citer celles qui concernent la maîtrise de la langue française, la formation civique pour le partage des valeurs de la République et la participation à la vie de la société, l’accès à l’emploi, la prise en charge de certaines situations particulières comme celle des réfugiés, et singulièrement des réfugiés yézidis, que le Président de la République s’est engagé à accueillir sur le sol français – je pense notamment à ces femmes et enfants yézidis qui ont survécu au génocide perpétré par Daech en Irak.

Ces actions sont essentiellement portées par l’OFII, mais aussi par des porteurs de projets et des opérateurs dans les territoires. Pour ce qui est de l’OFII, les crédits d’intervention prévus pour 2021 s’élèvent à 11 millions d’euros. Ce montant est identique à celui des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2020. Les crédits affectés aux actions d’intégration des primo-arrivants augmentent, eux, de 9 % ; ces crédits sont destinés à financer des actions concrètes sur les territoires, en matière d’accompagnement global vers l’emploi par exemple.

Quant aux crédits consacrés à l’accompagnement des réfugiés, ils restent mobilisés pour le financement des centres provisoires d’hébergement, à hauteur de 8 710 places.

Je conclus cette intervention, que j’ai voulue brève pour répondre à la demande de concision de Mme la présidente, en réaffirmant la volonté du ministre de l’intérieur et de moi-même d’être justes dans notre action en faveur de celles et de ceux qui rejoignent notre pays, mais aussi de faire en sorte que les actions que nous menons soient le plus intelligibles et le mieux comprises possible, et soutenues par le plus grand nombre.

Immigration, asile et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 54 quaterdecies (nouveau)

Mme le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

1 757 802 269

1 848 965 939

Immigration et asile

1 324 534 853

1 415 637 192

Intégration et accès à la nationalité française

433 267 416

433 328 747

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-791 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Panunzi, H. Leroy, Somon, B. Fournier et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam et MM. Piednoir et Longuet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

50 000 000

50 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

50 000 000

50 000 000

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Il est défendu, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° II-421 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mmes L. Darcos, Noël, Bonfanti-Dossat et Puissat, M. Laménie, Mmes Gruny et Deromedi, MM. Burgoa et Sautarel, Mme V. Boyer, MM. Chasseing, H. Leroy et Chatillon, Mmes Eustache-Brinio et Guidez, M. Le Gleut, Mme Joseph, MM. Saury, Panunzi et Bascher, Mme N. Goulet, M. Savary, Mme Belrhiti, M. Reichardt, Mme Lassarade, MM. Sido, Milon, Houpert et Grosperrin, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cambon, Vogel, Savin et Genet, Mmes Gatel et de Cidrac, MM. Pemezec, Dallier, Longeot et Piednoir, Mmes Berthet et Procaccia, MM. Brisson et Grand, Mme M. Mercier, MM. Darnaud, Charon, Wattebled, Paccaud, Decool, Allizard, Bouloux et C. Vial, Mmes Malet et Deseyne, M. Tabarot, Mme Ventalon, M. Longuet, Mme Di Folco, M. Rapin, Mme Borchio Fontimp, MM. Pointereau, Cuypers, Duplomb, Moga et B. Fournier, Mme Dumont, MM. Courtial et Le Rudulier, Mme Schalck et MM. Favreau, Babary et Gremillet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

10 000 000

10 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Il est défendu également, madame la présidente.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances. Je partage complètement la philosophie de ces deux amendements, mais la commission a souhaité que nous refusions de voter les crédits de cette mission.

Je profite de cette intervention pour dire qu’on fait en France, en matière d’éloignement, beaucoup plus mal qu’ailleurs. L’Allemagne éloigne à peu près 55 % de ceux qui sont déboutés du droit d’asile ; la moyenne européenne est de 33 %. Peut-on se satisfaire, en République, que les règles ne soient pas appliquées ? Non !

Sans changement de paradigme, madame la ministre, rien ne changera. Je parlais de « sédimentation : le Ceseda, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est plus épais que le code civil !

Mme Éliane Assassi. Allons bon…

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. À défaut de remédier à ce problème, jamais on ne maîtrisera l’immigration. Or – c’est quand même simple à comprendre –, si l’on ne maîtrise pas l’immigration, on ne maîtrise pas l’intégration ! Madame Assassi, voilà déjà fort longtemps, Georges Marchais – ça doit vous dire quelque chose – demandait que l’on arrête l’immigration irrégulière et l’immigration clandestine. (Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman sexclament.)

Rien n’a changé depuis quarante ans, au contraire : les flux ont beaucoup augmenté.

Par souci de cohérence, mes chers collègues, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le montant des crédits inscrits au PLF pour 2021 nous semble adapté pour répondre aux besoins en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Aucun éloignement n’a échoué ou n’échouera, en tout cas, faute de disponibilités budgétaires.

Le montant des crédits proposés au titre de l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104 correspond, pour l’essentiel, au financement de la subvention pour charges de service public de l’OFII, qui a d’ailleurs fortement augmenté en 2018 et 2019 – 60 millions d’euros supplémentaires – dans le cadre du comité interministériel à l’intégration (C2I) déjà évoqué. Ces crédits sont stabilisés : ils donnent à l’OFII les moyens de réaliser ses missions.

Les entretiens approfondis qui sont menés par les auditeurs de l’OFII au début et à la fin du parcours d’intégration républicaine améliorent d’ailleurs l’orientation, notamment vers le service public de l’emploi. Il ne nous semble donc pas utile de priver de crédits les actions destinées à l’accueil des étrangers primo-arrivants pour les réallouer à la lutte contre l’immigration irrégulière.

Avis défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Ces amendements visent à renforcer notre politique de lutte contre l’immigration irrégulière en lui consacrant un financement de 10 millions d’euros de crédits supplémentaires.

En effet, malgré la volonté affichée par le Gouvernement d’améliorer le taux d’exécution des expulsions prononcées, les crédits de la mission ne traduisent pas une orientation budgétaire en ce sens. Les crédits de l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, sont en quasi-stagnation, la hausse de 4 % étant liée à la poursuite du plan de création de places en centres de rétention administrative – on est donc très loin de l’exécution des OQTF, ou obligations de quitter le territoire français.

Alors que la politique de retours volontaires bénéficie d’un nouveau financement dans le cadre du plan de relance, qui prévoit la création de 1 500 places en DPAR, les crédits destinés aux retours forcés demeurent très largement insuffisants.

Le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français, les fameuses OQTF, est en baisse constante depuis 2012 ; il est inférieur à 13 % depuis 2018 et s’établit à 7,8 % pour les six premiers mois de 2020, en raison de l’épidémie de coronavirus. L’incapacité de la France à expulser les clandestins est particulièrement préoccupante ; elle nuit à l’intégration des immigrés en situation régulière, comme l’a d’ailleurs souligné la commissaire européenne en charge des affaires intérieures devant le Sénat le 5 novembre 2020.

Comme le rappelle la Cour des comptes dans un rapport de mai 2020, l’échec de notre politique d’expulsion s’explique aussi par des raisons juridiques : non-délivrance des laissez-passer consulaires, difficultés d’identification des personnes concernées par les OQTF, souveraineté des États en matière d’autorisation d’atterrissage des avions, etc. – la liste est beaucoup trop longue. Le Gouvernement s’est engagé à travailler sur ces sujets via des négociations avec les pays concernés. Ce thème a notamment été abordé à l’occasion de la tournée au Maghreb entreprise en novembre 2020 par le ministre de l’intérieur.

Si ces négociations venaient à aboutir en 2021, les crédits destinés aux frais d’éloignement prévus dans le PLF pour 2021 seraient largement insuffisants pour financer la hausse des expulsions.

L’amendement n° II-421 rectifié bis vise donc à flécher 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement supplémentaires vers l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, du programme 303, « Immigration et asile ». Compte tenu des exigences de la LOLF, ce fléchage est gagé sur la diminution à due concurrence des crédits de l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française ». Je précise cependant que nous souhaitons maintenir les crédits de ce dernier programme et appelons donc le Gouvernement à lever ce gage.

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis. Le débat que nous avons est un débat budgétaire, mais ces sujets ne sont en rien budgétaires. Notre collègue a tout à fait raison de dire que le taux d’éloignement est aujourd’hui ridicule. L’éloignement est inexistant ! Et le chiffre qui a été donné, de l’ordre de 12 % à 13 %, correspond en réalité quasi exclusivement à des éloignements réalisés à Mayotte.

Cela dit, le problème n’est en rien budgétaire ; cela ne sert à rien, mes chers collègues, de consacrer 10 millions d’euros de plus à l’éloignement. Les problèmes que l’on rencontre sont d’une tout autre nature, et la situation dans laquelle se trouve actuellement le Gouvernement est absolument intenable.

Pourquoi ne peut-on pas éloigner aujourd’hui ? Premièrement, parce que la moitié seulement de nos centres dits de rétention sont en activité, et parce que, de surcroît, ceux qui fonctionnent sont eux-mêmes limités à un taux d’occupation de 50 %. Il n’y a donc quasiment plus personne dans les centres de rétention qui, vous le savez, sont un point de passage plus ou moins obligé dans ce domaine.

Pour pouvoir éloigner, deuxièmement, il faut que soient délivrés les laissez-passer consulaires. Or les États concernés ne délivrent plus ces laissez-passer. Nous n’avons de toute façon plus de liaison, en termes de transports, avec la plupart de ces pays, dont même les plus proches de nous, y compris des pays européens, exigent un certificat covid-19 récent. Or je vous rappelle, autre sujet de préoccupation, que personne ne peut obliger quiconque à passer un test de dépistage du covid-19 ; inutile de vous dire que, dans ces conditions, il n’est pas très compliqué de ne pas être éloigné…

Il y a donc bel et bien un sujet, mais ce sujet n’est pas budgétaire. Nous pourrons en discuter lors du débat prévu le 17 décembre, mais il n’y a pas lieu, par conséquent, d’allouer 10 millions d’euros supplémentaires à des actions qui, en l’état, ne sont pas réalisables – c’est l’une des difficultés de ce sujet, et aussi l’un des éléments de grand décalage, madame la ministre, entre ce que nous avons entendu voilà quelques minutes et la réalité.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Parler du taux d’exécution des OQTF en le comparant à ce qui se passe dans d’autres pays n’a aucun sens, parce qu’il faut regarder les volumes ! Quand on prononce des OQTF en veux-tu en voilà, sans motivation, sans se soucier de faisabilité, la comparaison avec d’autres pays qui procèdent de manière plus intelligente est évidemment accablante…

À regarder les volumes, on constate que nos résultats ne sont pas si mauvais. Et si nous voulons les améliorer, interrogeons-nous sur la manière dont agissent les autres pays, parce qu’ils sont exactement soumis aux mêmes contraintes que nous en matière de laissez-passer consulaires.

Si vous pensez que la seule manière d’exécuter une OQTF est le diptyque CRA-expulsion forcée, vous vous trompez : ça ne marche pas ! Ça coûte cher – 15 000 euros en moyenne –, et ça ne marche pas. Ce sont les incitations et les départs volontaires qui fonctionnent : ça coûte beaucoup moins cher et c’est plus efficace. Regardez ce que fait l’Allemagne : quand elle veut des départs, c’est ainsi qu’elle procède. Elle n’enferme pas, en tout cas pas trop, et elle ne force pas les gens.

Continuez à vous acharner dans l’erreur ! Vous voulez changer la donne, et vous n’avez à proposer que la continuation des mêmes erreurs que l’on fait depuis quinze ans ? C’est incompréhensible ! (Mme Esther Benbassa et MM. Jean-Pierre Sueur et Éric Kerrouche applaudissent.)

Mme Valérie Boyer. Je dirais surtout qu’on ne fait rien depuis quinze ans !

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. Je voudrais abonder dans le sens de mon collègue corapporteur Philippe Bonnecarrère et rappeler que, même hors période de covid-19, nous avons les plus grandes difficultés à éloigner. Le problème s’est aggravé, mais il a toujours existé.

Pour autant, je souhaiterais rappeler aussi que le Sénat a proposé diverses solutions, dont une a d’ailleurs été soumise à M. le ministre de l’intérieur, qui n’a pas répondu, pendant une séance de questions au Gouvernement : elle consisterait, pour certains pays depuis lesquels l’immigration régulière est tout aussi importante que l’immigration irrégulière, en l’occurrence ceux du Maghreb, à conditionner la délivrance de visas au fait qu’ils acceptent de reprendre sur leur territoire leurs émigrés en situation irrégulière.

Une telle disposition nous donnerait vraisemblablement un moyen de discussion et nous permettrait de mettre fin à cette situation totalement anormale. (M. Cédric Vial applaudit.)

Mme Valérie Boyer. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Lorsqu’un ministère chargé de l’immigration a été créé, en 2007, le ministre avait absolument voulu que son périmètre comprenne le codéveloppement,…

Mme Valérie Boyer. Exactement !

M. Jérôme Bascher. … afin de pouvoir faire ce que vient de prôner Mme Jourda.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-791 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-421 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-973, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Sauvetage des naufragés

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

12 000 000

12 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

Sauvetage des naufragés

12 000 000

12 000 000

TOTAL

12 000 000

12 000 000

12 000 000

12 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Selon l’ONU, plus de 20 000 migrants ont péri en Méditerranée depuis 2014. Cet effroyable seuil a été franchi en mars 2020, le naufrage d’un bateau au large des côtes libyennes ayant entraîné la mort de 91 personnes migrantes.

La Méditerranée se transforme en cimetière et, par son inaction, l’État français se fait complice de ces morts.

Il est temps que cela cesse ! Nous nous devons de porter assistance à ces enfants, à ces femmes et à ces hommes naufragés. Arrachés à leur terre natale par les affres de la vie, les guerres ou l’instabilité politique, ils n’aspirent qu’à une chose : trouver la paix en Europe, en attendant de pouvoir rentrer un jour dans leur pays d’origine.

Ainsi est-il proposé de créer un programme intitulé « Sauvetage des naufragés » qui financerait des dispositifs maritimes affrétés par l’État français afin de porter secours aux embarcations de fortune en détresse.

Le financement de cette mesure se ferait par un prélèvement de 12 millions d’euros, soit le double du budget de l’ONG SOS Méditerranée, sur les crédits de l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière. La France, pays des droits de l’homme, se doit d’être à la pointe de la solidarité envers les personnes exilées.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Avis défavorable. Il n’appartient pas à la commission de créer un nouveau programme.

Par ailleurs, pour résoudre cette catastrophe humanitaire des noyades en Méditerranée, il suffirait de casser les trafics et de faire en sorte que chaque bateau retourne là d’où il est parti. Demandez-vous pourquoi il n’y avait pas de noyades voilà quelques décennies !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice Esther Benbassa, je partage le constat que vous faites : la mort d’une personne qui prenait la mer pour aller vers une vie meilleure dans notre pays est évidemment un drame terrible qui nous mobilise tous, et contre lequel nous sommes totalement révoltés.

La France mène une action résolue face à cette question préoccupante des sauvetages en Méditerranée. Vous savez peut-être que notre pays participe de manière volontaire à la relocalisation des demandeurs d’asile qui ont été débarqués à Malte, en Italie ou en Espagne, soit plus de 1 100 relocalisations depuis juin 2018. Le financement de ces opérations est assuré par le fonds asile migration et intégration (FAMI) de l’Union européenne.

Par ailleurs, la France joue un rôle moteur dans les négociations européennes qui permettent de mettre en place un véritable mécanisme concret dit de « répartition » des personnes qui sont débarquées après leur sauvetage en Méditerranée. Par exemple, à La Valette, le 23 septembre 2019, la France a obtenu un accord de l’Italie, de Malte et de l’Allemagne sur un texte visant à préciser les modalités de débarquement et les relocalisations qui s’ensuivent afin de pouvoir sauver autant que possible les personnes qui sont dans ces embarcations.

Nous poursuivons cette action en vue d’une approche solidaire des États de première entrée dans le cadre du dialogue européen. Dès lors, le Gouvernement est défavorable à la réallocation proposée en termes de crédits par les auteurs de cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je soutiens cet amendement de Mme Benbassa. Je voudrais en profiter pour restaurer l’image de Marseille, qui a été un peu dégradée par les interventions de deux de mes collègues. Ils l’ont citée comme étant une ville submergée par l’immigration. Beaucoup de Marseillais, eux-mêmes issus d’une immigration pas toujours très légale à l’époque où leur famille est arrivée à Marseille, adhèrent à la déclaration de Benoît Payan : « Nous ne laisserons pas des naufragés mourir en Méditerranée. C’est notre histoire, c’est notre tradition et ce sont nos valeurs. » C’est cette image-là de Marseille que je voudrais défendre devant cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-973.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-972, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

10 000 000

10 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Par cet amendement, nous souhaitons dénoncer un budget déséquilibré tant la part belle est faite au financement de la lutte contre l’immigration irrégulière, au détriment de l’intégration et de l’accès à la nationalité française.

En effet, depuis 2017, les crédits accordés à la police aux frontières ainsi qu’aux actions de répression des personnes migrantes sont en augmentation constante et disproportionnée, à hauteur de 61,8 %. Obnubilé par sa chasse électorale à droite, le Gouvernement en oublie l’essentiel. Le financement du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », connaît une augmentation extrêmement timorée de 0,4 % dans ce PLF pour 2021.

Ce programme est pourtant essentiel puisqu’il vise à donner un accueil digne aux personnes migrantes et à assurer leur suivi sur notre territoire, notamment en matière d’intégration, d’apprentissage du français et d’insertion sur le marché du travail. Ces actions semblent néanmoins bien secondaires à l’exécutif, qui préfère se concentrer sur une politique visant à décourager les migrants de rejoindre notre sol alors même que ceux-ci fuient les guerres, les famines, l’instabilité politique et, parfois même, les dérèglements climatiques.

Afin de doter la mission « Immigration, asile et intégration » d’un budget plus équilibré et plus humain, il est proposé, par le présent amendement, de prélever 10 millions d’euros alloués à l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, afin qu’ils viennent abonder le programme « Intégration et accès à la nationalité française », notamment l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, dont le budget est en recul de 1,6 % par rapport au PLF voté pour 2020.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Je suis défavorable à cet amendement. La générosité française s’exerce en faveur des migrants et de l’asile. En 2006, le budget consacré à l’accueil s’élevait à environ 500 millions d’euros. Il est de plus de 3 milliards d’euros aujourd’hui. Les sommes destinées à l’hébergement ont été multipliées par six, ce qui n’est pas assez, car nous ne maîtrisons pas l’immigration.

Madame Benbassa, la philosophie de vos amendements va toujours dans le même sens : on n’en fait jamais assez et on n’en fera jamais assez à vos yeux. Un collègue a évoqué Mayotte, mais on aurait pu aussi citer la Guyane, un département comme la Seine-Saint-Denis ou Marseille. Effectivement, ces territoires sont d’une certaine façon submergés. Mayotte en est un exemple criant, puisque près de 50 % de sa population est clandestine et que 75 % des naissances à la maternité sont issues de familles de clandestins.

On peut donc bien parler de submersion dans certains cas.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Défavorable.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je ne conteste pas le droit d’expression de notre collègue Meurant, mais je suis assez étonné qu’un rapporteur spécial tienne de tels propos. Il y a quand même des chiffres ! Il parle de submersion. Dois-je rappeler que la France est actuellement le vingt-septième ou le vingt-cinquième pays d’Europe en termes de délivrance d’un premier titre de séjour ? On en accorde deux fois moins que la Hongrie ! Et nous serions submergés ? Regardons les chiffres ! Un rapporteur de la commission des finances devrait savoir faire la différence entre 1 et 2… (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-972.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-971, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

5 000 000

5 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

Fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile

5 000 000

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Depuis 2015, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides souffre d’une sous-budgétisation chronique des moyens qui lui sont accordés.

Face à cette situation, le Gouvernement avait décidé dans son PLF pour 2020 d’augmenter de 20 millions d’euros le budget de fonctionnement de l’Office. Nous avions noté avec intérêt cette amélioration, certes insuffisante, mais qui constituait un progrès au regard des moyens alloués les années précédentes.

Cet effort ne s’est malheureusement pas inscrit dans la durée, puisque, dans ce PLF pour 2021, l’augmentation des crédits accordés à l’action n° 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, a considérablement diminué. Madame la ministre, pourquoi ce ralentissement ?

Au sein de l’Ofpra, certains dysfonctionnements sont encore à déplorer. Les services de l’Office sont engorgés et ne peuvent examiner correctement les dossiers des demandeurs d’asile dans des délais convenables. Cette réalité s’est d’ailleurs encore accentuée pendant la pandémie, puisque le temps de traitement moyen d’un dossier a été, cette année, de 241 jours, contre 161 jours en 2019.

Cette situation est regrettable et requiert que davantage de moyens soient injectés dans le fonctionnement de l’Ofpra, afin que l’effort budgétaire enclenché l’année dernière se poursuive durablement.

Le présent amendement vise à créer un fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile à hauteur de 5 millions d’euros. Ces moyens viendraient appuyer le recrutement de personnels qualifiés, mais aussi la formation des agents déjà en fonction afin qu’un traitement plus fluide des dossiers soit effectif au sein de l’Office.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice Esther Benbassa, le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.

D’abord, parce qu’on ne peut pas créer comme cela, à l’occasion de débats budgétaires, un fonds dont les contours et la mission n’auraient été discutés avec aucun expert, aucune partie prenante et aucun élu local.

Ensuite, parce que la mission que vous envisageriez de donner à ce fonds existe déjà et est financée par les crédits dont nous débattons ce soir.

En l’occurrence, en ce qui concerne l’Ofpra, je ne peux pas laisser sous-entendre que le traitement des dossiers serait long en raison d’un défaut de formation ou de professionnalisme de ses agents. Les agents de l’Ofpra sont tous des professionnels engagés, qui font le choix d’aller travailler à l’Ofpra et d’exercer un métier difficile. Cela les amène à réaliser parfois des entretiens avec des personnes ayant vécu des faits de guerre atroces, des violences sexuelles, des mutilations, et qui racontent leur histoire lorsqu’elles remplissent leur dossier. Les agents de l’Ofpra les prennent en charge toute la journée et tout au long de l’année.

Le directeur général de l’Ofpra, que j’ai reçu la semaine dernière, m’a parlé des 200 recrutements effectués ainsi que des formations afférentes. Ces 200 ETP supplémentaires sont déjà budgétés dans les crédits que nous avons proposés pour réduire les délais, car nous partageons en effet le constat qu’ils sont trop longs.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-971.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-165, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

1 000 000

1 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

1 000 000

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est un amendement de justice. Il concerne les interprètes afghans de l’armée française. On en parle régulièrement, mais je n’avais pas déposé d’amendement l’année dernière. Je ne suis pas sûre que celui d’aujourd’hui connaîtra un sort positif, mais il me donne néanmoins l’occasion de rappeler, madame la ministre, que l’armée française a engagé des interprètes, des ouvriers polyvalents, des cuisiniers, des physionomistes, soit environ 800 personnes sans lesquelles l’armée française aurait été sourde et muette en Afghanistan.

Ces gens ont été absolument abandonnés à leur sort quand la France a quitté l’Afghanistan. Très peu d’entre eux ont pu avoir la possibilité de venir en France. En revanche, ils ont été, comme les harkis jadis, poursuivis par leurs concitoyens comme étant des traîtres, car ils avaient travaillé pour l’armée française.

Le journaliste Quentin Müller a mené une enquête, pour ne pas dire une croisade. Aujourd’hui, certains interprètes de l’armée française et leur famille ont fini par arriver en France. Ils sont soutenus par des bénévoles qui font ce qu’ils peuvent pour les amener à l’Ofpra et les aider à trouver un logement. La dernière famille a été logée dans le Calvados, à Colombelles, grâce au maire de cette ville qui a bien voulu faire un effort et aider ces gens à obtenir des papiers. Cet amendement vise à dégager un financement pour régler le problème de cette centaine d’interprètes de l’armée française.

Madame la ministre, cette affaire est la honte de la France. On ne peut pas avoir utilisé des gens en Afghanistan dans des conditions pareilles et les abandonner absolument à leur triste sort, car ces personnes sont aujourd’hui victimes d’attentats. Beaucoup d’entre elles sont déjà mortes. Il faut absolument que la France puisse accueillir celles qui restent.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Je comprends tout à fait à l’indignation de Mme Goulet. J’appelle néanmoins à rejeter cet amendement, par souci de cohérence.

M. Jean-Pierre Sueur. Aucun argument !

Mme Esther Benbassa. Quelle cohérence ?

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je voudrais apporter quelques éléments pour éclairer à nos débats.

Lors des opérations militaires qui ont été menées par la France en Afghanistan, près de 800 personnels civils de recrutement local, les PCRL, dont une majorité d’interprètes, vous avez raison, ont œuvré au profit des forces françaises déployées en Afghanistan entre 2001 et 2014.

Après le retrait effectif de nos troupes d’Afghanistan, le gouvernement français a mis en place un dispositif en faveur de ces personnels. Il prévoit une indemnisation forfaitaire pour leur permettre la relocalisation dans une autre région d’Afghanistan, dans un pays tiers, au choix, ou pour ceux faisant l’objet de menaces graves, une procédure de relocalisation en France ou dans un autre pays.

La France a mis en place ce dispositif pour eux, pour leur famille élargie et comprenant les parents jusqu’aux deuxième et troisième degrés. La relocalisation s’est bien déroulée, et elle s’est faite en trois phases entre 2012 et 2019.

Au terme de ces trois phases d’examen, je vous annonce que 768 personnes se sont vu délivrer des visas d’installation en France. À leur arrivée, 408 cartes de résident leur ont été délivrées, ainsi qu’aux membres adultes de leur famille.

Lors des deux dernières phases, ces personnes ont bénéficié d’une prime d’aide à l’installation, d’un accompagnement social, de la mise à disposition de logements. Lors de la dernière phase, la délégation interministérielle pour l’accueil et l’intégration des réfugiés a été chargée de leur prise en charge et a mandaté un opérateur particulier, France Horizon.

L’ensemble de ce dispositif a permis à la France d’exprimer sa reconnaissance, mais aussi de respecter ses engagements humanitaires à l’égard de ces personnels.

Ce dispositif ne relève pas de la protection au titre de l’asile. Il a été mis en place avec des supports budgétaires extérieurs à ceux de la mission « Immigration, asile et intégration ». Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-165.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

Mme le président. J’appelle en discussion l’article 54 quaterdecies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Immigration, asile et intégration

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Administration générale et territoriale de l'État

Article 54 quaterdecies (nouveau)

L’article L. 713-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorité judiciaire communique ces mêmes éléments, sur demande ou d’office, au directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration lorsqu’ils sont de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d’une demande d’asile. »

Mme le président. Je mets aux voix l’article 54 quaterdecies.

(L’article 54 quaterdecies est adopté.)

Mme le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Administration générale et territoriale de l’État

Article 54 quaterdecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B (début)

Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à périmètre constant, le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » augmente d’un peu plus de 200 millions d’euros pour financer les élections départementales et régionales.

Vous le savez, un projet de loi relatif à leur organisation sera bientôt déposé au Parlement. Les élections devront vraisemblablement se dérouler en juin prochain, suivant en cela les recommandations du rapport de Jean-Louis Debré, remis au Premier ministre le 13 novembre dernier.

À périmètre constant, le budget de la mission doit se stabiliser en 2021 : l’effort se réduit pour les administrations de la mission, tout particulièrement pour l’administration territoriale.

Ce point me paraît essentiel : après plusieurs années de baisse des crédits et des emplois de l’administration d’État dans les territoires, l’année 2021 pourrait marquer, et il était temps, un coup d’arrêt.

En 2021, la mission sera principalement marquée par la poursuite de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE). Celle-ci a été enclenchée par la circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019, mais son déploiement a dû être ralenti en 2020 du fait de la crise sanitaire et économique.

Au-delà des questions qu’elle peut susciter, cette réforme semble interrompre une logique gestionnaire, de rabot sur les moyens des services de l’État, entamée il y a une douzaine d’années par la révision générale des politiques publiques.

La création des secrétariats généraux communs aux préfectures et aux directions départementales interministérielles, prévue initialement pour le premier semestre 2020, devrait être effective le 1er janvier prochain, de même que le transfert au ministère de l’éducation nationale des missions sport et jeunesse exercées par les directions départementales et régionales de la cohésion sociale.

Si je conçois l’objectif d’optimisation du fonctionnement de l’administration territoriale de l’État, je considère qu’il y a lieu de s’interroger sur le calendrier retenu par le Gouvernement. En effet, la deuxième vague de l’épidémie de covid-19 mobilise fortement les services, qui doivent pouvoir parer au plus urgent et rester focalisés sur la gestion de crise.

Maintenir un objectif de transformation à très court terme n’est pas pertinent, tant du point de vue de la bonne mise en œuvre de la réforme que de celui de son acceptation par les services. Il est vrai que la création des secrétariats généraux communs (SGC) a déjà dû être repoussée au-delà du premier semestre 2020, mais, la crise étant toujours aussi prégnante, la date du 1er janvier prochain ne me paraît pas en phase avec la situation actuelle.

En effet, je considère que le calendrier doit être adapté à l’ambition affichée par le Gouvernement : si la réforme de l’OTE est véritablement structurante, comment expliquer qu’elle ne puisse être différée de quelques mois et doive impérativement se dérouler dans le contexte de crise sanitaire majeure que nous traversons ? À titre de comparaison, la réforme des services économiques de l’État en région a, quant à elle, été ajournée !

Par ailleurs, au-delà de la limitation de la pression sur le budget et les emplois de la mission, des interrogations demeurent sur l’évolution du rôle de l’État dans les territoires.

Les thématiques portées par la mission sont nombreuses et je n’ai malheureusement pas le temps de les évoquer toutes ici.

Le principal sujet concerne l’accessibilité des services publics et, de ce point de vue, je tiens à rappeler que, même plus accessible, le « tout numérique » n’est pas une solution : il est indispensable de maintenir un accompagnement physique des personnes. Je pense, en particulier, à la dématérialisation des demandes de titres, qui a laissé de côté les publics les plus fragiles, ou encore aux « maisons France Services », pour lesquelles l’État ne s’applique pas à lui-même l’exigence de deux ETP qu’il a fixée pour tous, en particulier pour les collectivités territoriales. Seulement onze maisons de services au public (MSAP) financées par l’État ont été labellisées France Services.

Je souhaite enfin évoquer le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui couvre également des actions relatives à la radicalisation. Alors que le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation devrait voir son rôle renforcé via l’intégration de nouvelles missions liées à la prévention des dérives sectaires et au « contre discours républicain », je tiens à relever que les crédits du FIPD devraient baisser.

En effet, pour 2021, l’action consacrée au FIPD affiche une baisse de plus de 3,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3,9 millions d’euros en crédits de paiement. Je propose donc un amendement de crédits sur le FIPD de 3,84 millions d’euros afin de porter ces montants au niveau que vous avez annoncé, madame la ministre, sur votre compte Twitter.

La prévention de la délinquance et de la radicalisation ne peut en aucun cas constituer une variable d’ajustement budgétaire.

Mme le président. Il faut conclure.

Mme Isabelle Briquet, rapporteur spécial. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, j’émets certaines réserves à l’égard du budget qui nous est proposé. Cependant, alors que la logique de rabot semble être remise en cause…

Mme le président. Merci, chère collègue !

Mme Isabelle Briquet, rapporteur spécial. … et que les crédits et les emplois…

Mme le président. Vous avez épuisé votre temps de parole.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » n’appelle pas d’observations particulières en ce qui concerne le programme 232 – la forte augmentation des crédits étant nécessaire au regard de l’actualité électorale de l’année 2021 – et le programme 216, dont le budget s’inscrit dans la continuité de l’année passée.

En revanche, nous ne saurions nous satisfaire de la stagnation des moyens humains et financiers consacrés au programme 354, « Administration territoriale de l’État », dont les crédits reculent de 3,7 % en autorisations d’engagement et augmentent très légèrement, de l’ordre de 1,7 % en crédits de paiement.

Contrairement à ce qui avait été annoncé par le Gouvernement en juillet dernier, la présence de l’État dans les territoires n’est pas renforcée par ce projet de loi de finances pour 2021.

Pour la première fois depuis 2008, les effectifs du programme ne subissent pas de réduction, ce que nous saluons. Pour autant, cette stabilisation n’est pas suffisante pour répondre aux attentes des citoyens et des élus locaux, qui dénoncent depuis des années des réformes administratives incessantes et des réductions budgétaires drastiques. Ces dernières ont abouti à la suppression de 5 000 postes, soit 25 % des effectifs en douze ans, et ont fait de certaines sous-préfectures des « vaisseaux fantômes » de la République.

Cette stagnation est d’autant plus regrettable que les objectifs fixés par le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG), qui s’est achevé l’année dernière, ne sont toujours pas atteints en ce qui concerne le renforcement des effectifs des missions prioritaires : 231 équivalents temps plein supplémentaires sont nécessaires pour remplir les engagements du PPNG, mais le projet de loi de finances pour 2021 ne prévoit aucune création de poste pour le programme 354, « Administration territoriale de l’État ».

Nous ne pouvons donc nous satisfaire d’une telle situation à l’heure où nous traversons une crise sanitaire, économique et sociale majeure, qui nécessite un véritable renforcement de l’administration territoriale de l’État.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » inscrits au projet de loi de finances pour 2021.

Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous attelons aujourd’hui à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Outre l’organisation et le fonctionnement d’une partie des services déconcentrés du ministère de l’intérieur, cette mission inclut la budgétisation de l’acte fondateur de notre démocratie : le financement des élections.

Commençons par le programme 354. Au risque de me répéter, on apprend tout autant des priorités du Gouvernement en analysant les montants des crédits, leur évolution et leur ventilation qu’en étudiant les indicateurs de performance qu’il choisit.

J’ai été étonné, par exemple, de voir le taux retenu pour l’indicateur sur le respect des visites de sécurité des immeubles de grande hauteur accueillant du public, révisé à la baisse, les moyens n’étant pas au rendez-vous pour combler et lisser la part des visites programmées en 2020 n’ayant pas eu lieu à cause de la crise sanitaire. De là à dire que l’État cherche à faire des économies sur la sécurité…

Ce programme couvre également la délivrance de titres et prévoit d’ores et déjà, faute d’y mettre les moyens, un allongement d’un tiers des délais pour l’instruction des passeports biométriques et de plus de 50 % pour les cartes nationales d’identité électroniques, ces augmentations étant justifiées par l’anticipation de demandes accrues. Là encore, il n’y a pas d’anticipation financière.

Toujours au sujet de la gestion des titres, mon groupe proposera un amendement visant à permettre le recrutement au sein des centres d’expertise et de ressources des titres (CERT) d’agents titulaires au lieu des contractuels qui enchaînent aujourd’hui des contrats de courte durée.

En ce qui concerne les attentes des collectivités envers l’État, le rôle des préfectures en matière de contrôle de la légalité, mais aussi de conseil, apparaît comme en légère diminution, ce qui peut sembler contradictoire à l’heure où devrait se développer le rôle de conseil de la représentation de l’État et où le couple préfet-maire serait le bon niveau de réflexion.

Si la numérisation doit permettre une rationalisation des coûts, je profite de l’étude de ces crédits pour faire de nouveau part des inquiétudes émanant des élus de nos circonscriptions et du Défenseur des droits, qui voient les accueils physiques des services publics fermer les uns après les autres.

La « start-up nation » est une belle ambition, mais les difficultés liées au numérique sont nombreuses. Le fossé n’est pas qu’entre les générations. La présence d’un interlocuteur permet souvent de sortir de situations kafkaïennes que l’administration a parfois le don de créer, mais aussi de résoudre : autant qu’elle soit joignable et accessible physiquement.

Le programme 232 permet à chaque citoyen d’exercer pleinement son rôle, qu’il soit en position d’électeur ou de personne éligible. C’est aussi ce programme qui distribue le financement public aux partis politiques.

L’année prochaine verra se dérouler un grand nombre d’élections, ce qui justifie l’augmentation du budget consacré à leur organisation. En la matière, à quelques mois des échéances, beaucoup de questions restent encore non résolues.

Je soulignerai, outre les écarts des coûts et la part variable de la propagande selon les élections, l’utilité environnementale limitée de l’impression de millions de professions de foi quand une part non négligeable des électeurs a accès à des informations via d’autres moyens.

Enfin, le programme 216 concerne la conduite et le pilotage des politiques du ministère de l’intérieur. Je relèverai l’annonce des nominations de « sous-préfets à la relance », créant une inquiétude quant à la multiplication des interlocuteurs.

Le fonds interministériel de prévention de la délinquance est de nouveau en baisse sensible. Les actions de prévention sont remarquablement concernées par cette diminution : prévention de la radicalisation, prévention des violences faites aux femmes et aux familles, et prévention de la délinquance.

La prévention et le financement d’actions de prévention en association avec les collectivités territoriales et le milieu associatif sont vraiment les parents pauvres de l’action du ministère de l’intérieur. Les crédits sont en baisse : la différence entre les besoins et les moyens serait risible si ce n’était pas si triste.

Cela ne surprendra personne si, au vu des maigres montants inscrits sur la ligne budgétaire qui englobe l’aide aux victimes, l’aide en faveur des jeunes délinquants, mais aussi la sécurisation des sites sensibles aux risques terroristes, notre groupe propose une évolution importante de ces crédits.

Mme le président. Il faut conclure.

M. Guy Benarroche. C’est pourquoi le groupe GEST ne votera pas ces crédits.

Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous débutons l’examen de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » dans un contexte où l’ordre républicain est menacé et où un engagement fort de l’État est attendu.

Au sein de cette mission, pilotée par le ministère de l’intérieur, trois responsabilités fondamentales sont mises en œuvre : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés publiques ; assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République ; mettre en œuvre au plan local les politiques publiques nationales.

Pour mettre en œuvre ces responsabilités, les crédits de la mission sont en augmentation de 6 % par rapport à 2020, s’élevant ainsi à 4,2 milliards d’euros. Nous saluons cette augmentation, face à l’étendue de la tâche. Au travers du ministère de l’intérieur, c’est l’État dans sa proximité et son adaptation aux territoires qui s’exprime, et l’exercice des libertés individuelles et fondamentales des citoyens qui se manifeste.

La mission se décline en trois programmes.

Je m’attarderai quelques minutes sur le nouveau programme 354, « Administration territoriale de l’État ».

Il porte les moyens du réseau préfectoral, mais également ceux des services placés sous l’autorité des préfets de région et des directions départementales interministérielles (DDI). Pour 2021, le programme bénéficie de 2,37 milliards d’euros, soit 56,4 % des crédits de la mission. Il vise plusieurs objectifs.

Il s’agit, tout d’abord, du déploiement de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, notamment par la mise en place des secrétariats généraux communs aux préfectures et aux directions départementales interministérielles, et par une nouvelle étape de la modernisation du réseau des agents affectés au sein des services des préfectures et des sous-préfectures, en regroupant l’ensemble des ressources de préfectures, des DDI, voire des secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR).

Le programme stabilise les effectifs des préfectures et sous-préfectures au niveau atteint en 2020. La transformation et la rénovation du réseau préfectoral entreprises par cette réforme sont à saluer. Les préfets et sous-préfets seront au cœur de l’action de l’État dans le cadre de la relance, et le couple maire-préfet démontre encore aujourd’hui toute sa pertinence.

Le programme 354 mobilise également l’administration territoriale de l’État en faveur du développement du réseau France Services et assure, à l’horizon 2021, le déploiement d’une carte nationale d’identité électronique conforme aux standards européens.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Thani Mohamed Soilihi. Ensuite, l’augmentation des crédits de la mission se justifie également par le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », en forte hausse du fait de l’organisation des futures élections, à hauteur de 437 millions d’euros en 2021, et du financement de la vie politique, contrôlé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Enfin, le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », qui finance des projets structurants du ministère de l’intérieur, bénéficiera de 33 % des crédits de la mission, soit 1,3 milliard d’euros pour 2021.

Il faut noter la mise en route de la carte d’identité numérique pour laquelle l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a obtenu des ressources supplémentaires de 42,8 millions d’euros au titre du plan de relance.

Je soulignerai également la situation du fonds interministériel de prévention de la délinquance, crédité de 65 millions d’euros pour 2021 répartis entre des programmes d’actions de prévention des violences faites aux femmes et aux familles, de prévention de la délinquance, de sécurisation des sites sensibles au risque terroriste et de prévention de la radicalisation.

Afin de mettre en œuvre toutes ces actions, le groupe RDPI votera en faveur des crédits de la mission.

Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je le regrette, mais chaque année l’examen de cette mission nous conduit exactement au même constat, celui du recul de l’État dans nos territoires, notamment les plus ruraux.

Ce recul, c’est l’effacement progressif des services publics de proximité au profit de la dématérialisation et du tout-numérique. Non pas que nous soyons opposés à ces progrès, mais ils se heurtent à plusieurs réalités pratiques.

Tout d’abord, l’ensemble de nos concitoyens n’a tout simplement pas accès à une connexion internet haut débit suffisante.

Ensuite, cette volonté du tout-numérique méconnaît totalement la réalité qu’est l’illectronisme, qui touche près de 17 % de la population. À ce titre, j’espère que la mission d’information lancée l’année dernière par notre ancien collègue Raymond Vall apportera des solutions pour lutter contre ce phénomène.

On peut néanmoins noter que le Gouvernement est cohérent dans son objectif, puisque l’on constate une montée en puissance des crédits de la mission numérique au sein du programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ».

L’essentiel des 4,2 milliards d’euros des crédits de la mission sont concentrés sur le programme 354, « Administration territoriale de l’État ». Comme l’année dernière, l’augmentation des crédits de ce programme vient simplement acter l’augmentation du périmètre de la mission.

Pour ce qui concerne l’administration déconcentrée, on pourrait se réjouir que, pour la première fois depuis 2008, il n’y ait pas de baisses des effectifs. Hélas, la crise de la covid nous a ramenés à la réalité que je décrivais en préambule : celle d’une administration territoriale sous-dimensionnée.

Je regrette, une fois de plus, qu’à cette réalité on réponde par moins d’État et moins de services publics. Nous pouvons également le constater au travers de la poursuite, malgré le contexte, de la restructuration du service des impôts sur nos territoires ruraux.

Mme Maryse Carrère. Vous me direz que vous n’êtes pas responsables, et vous aurez raison : c’est le fruit des politiques menées depuis de nombreuses années. Qu’elles s’appellent « révision générale des politiques publiques » ou « modernisation de l’action publique », l’objectif est toujours le même : réaliser des économies, sans s’interroger sur les incidences en termes de service rendu au public. C’est la principale raison de la défiance de nos concitoyens envers les politiques.

Cette défiance est également ressentie par certains élus, face au faible accompagnement de l’État.

Prenons l’exemple de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, chère au RDSE : force est de constater que les 30 équivalents temps plein prévus sont insuffisants par rapport à la demande en ingénierie dans nos territoires.

Un autre exemple est celui des maisons de services au public, dites aussi France Services. Là encore, l’État prend trop peu sa part et les deux tiers des maisons créées sont financées par les collectivités.

J’en viens au programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative ». Comme l’année dernière, il connaîtra une hausse de ses crédits du fait de la tenue des élections régionales et départementales. À ce titre, et à la suite des recommandations de Jean-Louis Debré, il nous faudra voter pour le report en juin de ces élections, mais également prévoir les surcoûts que cela occasionnera.

Enfin, la disparition de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), couplée à la baisse du fonds interministériel de prévention de la délinquance, dans lequel elle a été fondue, nous inquiète quant à la priorité que le Gouvernement accorde à la lutte contre les dérives sectaires.

Malgré ces réserves, la majorité des membres du groupe du RDSE votera les crédits de cette mission.

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par un mot sur la gestion de la prévention de la radicalisation.

Comme chaque année, je souhaite vous faire part de mes doutes sur le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), qui ne fait pas l’objet d’une évaluation suffisante et dont la stratégie est compliquée. Si l’on y ajoute sa fusion avec la Miviludes et la baisse des crédits, on est en droit de s’inquiéter.

La lutte contre la radicalisation est extrêmement importante. Or, lorsque l’on regarde le « jaune » budgétaire des comités Théodule qui sont associés aux ministères, on constate que le conseil scientifique sur les processus de radicalisation, institué par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, et qui compte 31 membres, s’est réuni zéro fois en 2017, trois fois en 2018, six fois en 2019… Il s’agit, certes, d’une croissance exponentielle, mais cela ne va pas nous aider à beaucoup réfléchir sur la radicalisation !

Je focaliserai mon intervention sur la fraude documentaire, qui fait partie aussi des missions de ce conseil scientifique. Il y aurait beaucoup à dire, madame la ministre, sur ce sujet.

Pour ceux qui, par pudeur ou par dogmatisme, s’évertuent à minimiser la gravité de la fraude documentaire et de ses effets, je souhaite vous raconter une petite histoire. Un individu fiché S, chef d’un réseau sophistiqué de faussaires – faux papiers d’identité, comptes bancaires usurpés, escroquerie aux prêts automobiles – a détourné, au moyen de 73 fausses identités, 193 véhicules alors qu’il était mis en examen depuis 2010 dans le cadre d’une procédure de financement du terrorisme. Les faux documents, cela existe !

Toujours au sujet de la fraude documentaire, je me permets de vous lire un courriel du 25 février 2020, donc assez récent, adressé par le responsable d’un commissariat de l’Orne à l’association des maires de ce département : « Par le biais de ce mail, je souhaite vous sensibiliser sur le point suivant : lors de la demande de carte nationale d’identité en mairie, les usagers présentent un certificat de naissance. Ce certificat de naissance peut être vérifié par les agents de la mairie via le logiciel Comedec, qui est facultatif pour les mairies, car très onéreux. »

Ne croyez-vous pas, madame la ministre, que les mairies pourraient accéder à ce logiciel gratuitement ? Cela permettrait d’éviter un certain nombre de délires…

Le responsable du commissariat poursuit : « Les voyous profitent de cette faille pour se présenter dans les mairies de ces communes avec un faux certificat de naissance et une demande de carte nationale d’identité. Si l’agent de la mairie ne s’assure pas de l’authenticité du certificat de naissance, le demandeur se retrouve avec une vraie carte d’identité, mais avec une identité frauduleuse. » Sécuriser les actes d’état civil, cela relève de cette mission, et c’est absolument déterminant !

Il existe un lien avec la mission précédemment examinée : la majorité des pays d’Afrique subsaharienne accusent un retard absolument gigantesque pour ce qui est de la sécurisation des actes d’état civil. Des personnes n’ayant pas d’état civil sécurisé vont donc voyager, ou éventuellement émigrer, et l’on ne parviendra jamais à garantir leur identité. L’Unicef avait fait part de ses grandes inquiétudes à cet égard l’année dernière et celle qui précédait.

Madame la ministre, allez-vous suivre les préconisations des différents rapports et commissions d’enquête sur la fraude documentaire ? Travaillerez-vous avec les pays étrangers qui sont nos partenaires pour sécuriser les actes d’état civil ?

Il suffirait de compléter l’article 47 du code civil par l’alinéa suivant : « Un décret en Conseil d’État établit une liste de pays pour lesquels la présomption de l’alinéa précédent ne s’applique pas. Ce décret détermine les pays concernés et les modalités d’admission des documents destinés à prouver l’identité de leurs ressortissants. »

C’est un véritable sujet ! Il faut établir – c’est très important – un plan de sécurisation de l’identité auprès des organismes sociaux via le développement des outils de biométrie.

Je souhaite vous demander, madame la ministre, de bien vouloir consulter vos homologues étrangers pour mettre en place une coopération massive de sécurisation des identités et des états civils.

Un programme du Fonds européen pour la sécurité intérieure (FSI), doté de 3,8 millions d’euros pour la période 2014-2020, va être reconduit. Peut-être est-ce le moment d’utiliser ces fonds européens pour mener des opérations de sécurisation des titres, qu’il s’agisse de titres français ou de titres étrangers de personnes qui viennent en France.

Par ailleurs, il n’existe toujours pas de formulaire Cerfa pour les actes de naissance en France. Si le contenu de l’acte de naissance est partout le même, ce n’est pas le cas pour le document qui le porte : chaque mairie émet les documents sur son propre papier à lettres.

Tous ces éléments sont des causes absolument évidentes de fraude documentaire, que nous retrouvons ensuite tout au long d’un processus.

Je conclurai mon propos en vous remerciant, ainsi que vos services, pour la qualité du document de politique transversale (DPT) Prévention de la délinquance et de la radicalisation.

Je le redis, je demeure très interrogative et perplexe sur le CIPDR, dont j’espère que la nouvelle gouvernance permettra de faire avancer les choses. En effet, nous sommes appelés à parler encore de terrorisme et de sécurité, et à débattre d’un texte sur le séparatisme. Mais il faut d’abord que les dossiers de la fraude documentaire et de la prévention de la radicalisation soient bouclés. Aucune mesure de politique pénale ne vaudra une bonne prévention ! (Mme Dominique Vérien applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Courtial. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, si le budget général de la mission, s’établissant à 4,2 milliards d’euros, est en légère augmentation par rapport à l’année précédente, soit +3,6 % en autorisations d’engagement et +6 % en crédits de paiement, il révèle, en réalité, une hausse en trompe-l’œil en fonction des programmes budgétaire concernés.

Cette mission appelle donc trois remarques.

Tout d’abord, sur la présence de l’État dans nos territoires, avec le programme 354 : s’il est vrai que, pour la première fois depuis 2008, l’administration territoriale de l’État ne subit pas de diminution de ses effectifs en 2021, la stabilisation des moyens humains et financiers va à l’encontre de la déclaration de politique générale du Premier ministre du 16 juillet dernier.

Or les préfectures, notamment de département, ont été progressivement dépouillées de leurs leviers d’action par les réformes menées depuis des décennies. Ainsi, dans de nombreux territoires, les moyens humains et matériels de l’État déconcentré sont aujourd’hui minimes, donc insuffisants, notamment – nous l’avons vu – pour faire face à la crise sanitaire, et ce malgré l’engagement des agents, que je tiens à saluer.

Pour y répondre, le Gouvernement annonce la création d’une nouvelle catégorie de représentants de l’État, les sous-préfets à la relance. L’occasion est donc donnée de doter les services départementaux de l’État qui en ont le plus besoin de ces moyens exceptionnels. Or il n’y a rien de précis sur ce point dans le PLF, pas plus que dans les axes de déploiement de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.

Pourtant, la territorialisation du plan de relance est la condition de sa réussite. Et seules les préfectures de département peuvent être l’échelle garante de l’efficacité escomptée.

En outre, la nouvelle rationalisation proposée dans ce budget, associée à la montée en puissance de la direction numérique du programme 216, ne doit pas être synonyme, comme c’est trop souvent le cas, de baisse de la qualité de service, comme nous avons pu le constater avec la fermeture de trop nombreuses trésoreries locales.

Ma deuxième remarque concerne les prochaines échéances électorales, dont le financement relève du programme 232. L’augmentation des crédits de ce programme explique, presque à elle seule, la hausse du budget de la mission.

En effet, le calendrier de 2021 sera chargé, avec les élections départementales et régionales en mars prochain. Il faut donc anticiper certaines dépenses, notamment celles permettant de garantir la sécurité sanitaire. Mais il est regrettable que, malgré les leçons budgétaires que nous aurions pu tirer des élections municipales passées, l’éventuel report des élections au mois de juin et la majoration du plafond des dépenses de campagne, proposés par Jean-Louis Debré, ne soient pas budgétés dans le cadre de cet exercice budgétaire.

Par ailleurs, madame la ministre, au nom des principes qui fondent notre démocratie, il y a urgence à lever le flou qui entoure la date des scrutins. L’absence de décision prend aujourd’hui en otages élus et collectivités. Ces rendez-vous sont des moments importants pour nos territoires et leurs habitants, qui ont besoin de lisibilité.

Enfin, je souhaite faire part de mon incompréhension face à la baisse continue, depuis 2018, du budget alloué au fonds interministériel de prévention de la délinquance, alors que notre pays est confronté à une menace terroriste élevée, à une montée de la violence et à une radicalisation dont nous avons pu mesurer encore récemment les conséquences tragiques.

Ainsi, et contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre, cette mission a une incidence directe et très concrète pour nos compatriotes dans les territoires, surtout les plus ruraux. Le maillage territorial de l’État et sa capacité d’action dans nos territoires doivent être renforcés, à plus forte raison dans le contexte actuel, marqué par une crise sanitaire sans précédent, un ordre républicain abîmé et une société plus que jamais fracturée.

L’État doit prendre ses responsabilités et ne peut constamment se reposer sur les collectivités territoriales, pour lesquelles faire mieux avec moins n’est pas seulement un slogan, mais une réalité – fortement accentuée par le contexte financier de baisse attendue des recettes et d’explosion actuelle, mais aussi à venir, des dépenses. Je pense à cet égard aux conseils départementaux, et notamment à celui de l’Oise, que je connais bien pour avoir eu l’honneur de le présider, et qui va sûrement voir la charge du revenu de solidarité active (RSA) bondir, sans parler de celle relative aux mineurs étrangers isolés.

Vous le savez, les collectivités agissent au cœur de la crise sanitaire pour préserver les services rendus à leurs administrés et pour limiter l’impact économique de ladite crise. En retour, elles doivent pouvoir compter sur l’État.

Madame la ministre, constance et cohérence ont guidé mon intervention, par rapport à celle de l’année précédente. Je vous invite à faire de même afin de renforcer la parole de l’État vis-à-vis de nos élus, de nos territoires et de leurs habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2020 est marquée par de nombreuses situations particulièrement difficiles auxquelles l’État doit fait face aux niveaux sanitaire, social, économique ou sécuritaire.

Si ce contexte redéfinit nos priorités, il ne doit pas nous faire renoncer à maintenir et à renforcer l’organisation de l’État, bien au contraire ! Les épreuves que notre pays traverse actuellement nous montrent l’absolue nécessité d’assurer la continuité de l’action publique.

Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » que nous examinons ce soir soutiennent ce qui est au cœur de nos institutions républicaines.

Cette mission revêt donc une importance primordiale, en visant trois objectifs : garantir aux citoyens l’exercice de leurs droits dans le domaine des libertés publiques ; assurer la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire ; mettre en œuvre au niveau local les politiques publiques nationales.

Les crédits de la mission prévus par la loi de finances pour 2021 s’élèvent à 4,2 milliards d’euros, en légère hausse par rapport à l’année précédente. Toutefois cette augmentation cache une évolution très disparate selon les programmes qui composent la mission.

Ainsi, le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », dont les crédits financent l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse, enregistre une hausse particulièrement forte de ses crédits. Cette augmentation tient principalement à l’organisation des élections départementales et régionales, ainsi que des élections territoriales en Corse, en Martinique et en Guyane, prévues en 2021.

Quant au programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », auquel sont rattachés les moyens du pilotage des fonctions support, et de la gestion des affaires juridiques et contentieuses du ministère, il voit son budget croître très légèrement afin de permettre la poursuite des réformes engagées en 2020.

Enfin, le programme 354, « Administration territoriale de l’État », qui supporte la majorité des crédits de la mission, comprend les moyens des préfectures, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles.

Ce programme est fondamental pour les liens entre l’État, les collectivités et les citoyens. Après plusieurs années de coupes budgétaires drastiques, il voit ses crédits stagner, alors que le Premier ministre avait annoncé dans sa déclaration de politique générale, le 16 juillet dernier, que « les moyens de l’État [seraient] confortés dans leur action quotidienne ».

Cette stagnation est particulièrement problématique à l’heure où, pour faire face à l’épidémie de covid-19, la présence de l’État dans les territoires aux côtés des citoyens et des élus locaux est plus que jamais nécessaire. Or, depuis quelque temps déjà, dans nos territoires ruraux, nous assistons à un recul des services publics, surtout des services de proximité.

La dématérialisation et la mutualisation ont conduit à la suppression de nombreux points de contact qui permettaient à une population souvent âgée ou n’ayant pas accès à internet de disposer d’un interlocuteur dans ses démarches administratives.

Si ce processus de dématérialisation est certainement nécessaire au vu des évolutions technologiques, il ne doit pas accroître la fracture numérique, territoriale et sociale. L’État doit entendre le sentiment d’abandon de nombreux habitants des territoires ruraux, entretenu par les suppressions successives des relais physiques de l’État dans leur commune au profit de services en ligne ou trop éloignés.

Madame la ministre, mes chers collègues, ce budget ne semble pas à la hauteur des enjeux. Pour cette raison, le groupe Les Indépendants s’abstiendra.

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » est problématique cette année, à deux égards.

D’une part, nous ne pouvons nous satisfaire que les crédits du programme « Administration territoriale de l’État » stagnent après plusieurs années de coupes budgétaires. Depuis 2008, ce sont 25 % des effectifs qui ont été supprimés. L’État accuse ainsi un retrait au niveau local, retrait justifié par la rationalisation de la dépense publique, mais qui n’a abouti qu’à l’amoindrissement des services publics.

Ce sont les moyens des préfectures et des directions départementales qui sont en jeu, ainsi que leur capacité à remplir des missions qui prennent d’autant plus d’ampleur depuis la crise. Le Gouvernement ne peut se contenter de parler du couple « préfet-maire », sans permettre à celui-ci de se développer, j’oserais même dire de « s’épanouir », sans risque de divorce… (Sourires.)

Les élus locaux ont manifesté leur ras-le-bol depuis le début de l’examen de ce budget, face au manque de soutien financier et humain de l’État. Mais, depuis le début de la crise sanitaire, ils demandent aussi une amélioration de leurs relations avec l’État. Un soutien massif des services déconcentrés est impératif.

À ce titre, la verticalité n’est pas une bonne méthode sans un minimum d’horizontalité, d’anticipation, d’échanges et d’accompagnement.

Ce programme devrait être abondé en crédits pour améliorer le fonctionnement des services déconcentrés, d’autant plus que nous attendons pour 2021 la loi « 3D » ou « 4D », avec dans son titre au moins un « D » pour « déconcentration ». Mais on ne peut réformer l’organisation territoriale de l’État à moyens constants, alors que les collectivités ont besoin de renforcements concrets, constatables par les citoyennes et les citoyens.

L’administration territoriale de l’État n’est pas en situation de faire face à la crise et aux sollicitations que rencontrent les élus quotidiennement. Pourtant, l’État s’appuie constamment sur les collectivités. Nous pensons par exemple aux maisons France Services, pour lesquelles l’État ne respecte pas aujourd’hui ses obligations d’affectation de deux emplois par maison.

D’autre part, cette mission est importante cette année dans la mesure où son programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », sera particulièrement mobilisé avec la tenue des élections départementales et régionales, d’où l’augmentation de 80 % des crédits. Mais il nous paraît compliqué d’évaluer les besoins, puisque nous sommes dans l’incertitude quant au calendrier électoral et aux conditions d’organisation de ces scrutins.

Cette incertitude contribue notamment à maintenir une situation d’instabilité pour les élus locaux, qui ne peuvent assurer la relance des investissements publics dans ces conditions.

Si le Parlement confirme le report des élections départementales et régionales au mois de juin 2021, le coût des mesures sanitaires qu’implique la mise en place de protocoles stricts conduira à une augmentation des crédits de cette mission.

Nous devons nous assurer que tout sera fait pour que les conditions d’information des électeurs et d’égalité des candidats soient les meilleures possible. Le rapport remis par Jean-Louis Debré préconise en outre une majoration de 20 % du plafond des dépenses de campagne, qui n’est pas budgétée ici.

Ce sont des enjeux démocratiques sur lesquels le Parlement doit avoir l’œil, et la main. La tenue de ces élections ne peut reproduire le schéma du second tour des municipales. Le Parlement doit avoir la compétence exclusive pour décider d’un éventuel report.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE votera contre les crédits de cette mission.

Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit sur cette mission, que nous pouvons considérer de deux façons.

Tout d’abord, elle doit être examinée à l’aune de la réforme de l’organisation territoriale de l’État et du cycle électoral.

Le programme 354, « Administration territoriale de l’État », montre une stabilisation des crédits en trompe-l’œil, cela a été dit. Les mesures de mutualisation consécutive à la réforme de l’organisation territoriale de l’État, annoncée par la circulaire de juin 2019, expliquent les mouvements des crédits et des effectifs du programme.

Je souligne, comme d’autres avant moi, le maintien – et non le renforcement – des moyens des préfectures, après plusieurs années d’érosion et donc de retrait de la présence de l’État dans les territoires, dans une logique de rationalisation de la dépense publique.

La création des secrétariats généraux communs et la mutualisation des fonctions supports des directions départementales visent à créer de la transversalité dans l’action publique, ce qui est une bonne perspective. Mais nous ne pourrons apprécier l’efficacité de cette réforme que dans les années à venir. Nous sommes donc dubitatifs quant à l’ensemble de la mission.

Par ailleurs, on a pu observer une administration sous tension, même si elle a su être réactive, dans le contexte de la crise sanitaire. Cela doit nous amener à nous interroger sur le calendrier et le rythme de la poursuite de la réforme.

Les crédits du programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », sont en augmentation en raison du cycle électoral de 2021, et ce à juste titre.

Je tiens à rappeler que l’impact de la crise sanitaire sur les élections municipales de 2020 a entraîné un surcoût de 29,3 millions d’euros.

Le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », finance des projets numériques à forts enjeux. Le programme reste stable, mais le financement est exogène, lié à la mission « Plan de relance » pour soutenir des projets numériques dont les enjeux sont très lourds. Je salue néanmoins la création, par la direction interministérielle du numérique (Dinum), d’un observatoire de la qualité des services publics numériques pour renforcer l’accessibilité numérique, point essentiel à la réussite de la modernisation de notre administration.

Nous partageons les préoccupations de Mme la rapporteure spéciale sur les moyens du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Ce programme doit garantir la continuité du service public et de la démocratie. La continuité du service public impose une action de proximité renforcée. Les réformes organisationnelles ne doivent pas se faire aux dépens de l’exercice de missions prioritaires, telles que le contrôle de légalité ou le soutien juridique aux collectivités. En 2020, on relève que 53 % des préfectures ont pourtant réduit les effectifs affectés à ce contrôle.

Par ailleurs, si la dématérialisation est une nécessité, et bien que les apports des évolutions technologiques soient positifs, elle ne doit pas cependant exclure, en retour, les plus fragiles ou ceux qui s’estiment oubliés. Le Défenseur des droits et la mission d’information du Sénat sur l’illectronisme ont d’ailleurs souligné ces points à plusieurs reprises. Il faudrait en réalité mobiliser le produit des économies réalisées pour renforcer l’accessibilité des services publics aux citoyens les plus fragiles et les plus éloignés du numérique.

Cela suppose néanmoins de définir une véritable doctrine territoriale de l’État. Or il n’y en a toujours pas ! Nous nous concentrons sur la dématérialisation – c’est une bonne chose –, mais elle continue d’être vécue sur certains territoires comme un abandon.

Les réformes administratives et comptables continuent de se succéder, pour autant nous recherchons toujours quel est le sens de la politique territoriale de l’État. Ce dernier s’appuie de plus en plus sur les collectivités, comme nous l’observons dans le cadre du recours aux maisons France Services : en effet, sur les 856 maisons de ce réseau, 543 sont financées, non pas par l’État, mais par les collectivités. Nous espérons que le projet de loi « 3D », « 4D, voire « 5D » – peu importe la puissance ! –, apportera des éclaircissements sur la conception de l’État territorial, telle que l’envisage l’exécutif.

S’agissant de la continuité démocratique, il est évident que parler d’une adaptation du calendrier électoral, en tant que telle, ne peut suffire. Il faut déterminer à la fois les conditions de la participation et celles de l’amélioration de la légitimité des élus.

Beaucoup de discours portent aujourd’hui sur le vote à distance, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, dont la commission des lois a créé une mission d’information consacrée à ce sujet. Ce qui est certain, c’est que le report des élections ne pourra se faire dans les mêmes conditions, sans que des modalités complémentaires aient été définies. Le report seul n’a pas de sens : certes, la démocratie ne se réduit pas qu’au vote, mais sans vote il n’y a pas de démocratie ; encore conviendra-t-il d’en aménager les modalités d’organisation.

Vous comprendrez forcément l’attitude particulièrement dubitative de notre groupe !

Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Présenté lors du conseil des ministres du 16 décembre 2015, le plan Préfectures nouvelle génération avait pour objectif de renforcer les quatre missions prioritaires des préfectures et sous-préfectures, à savoir la gestion des crises, la lutte contre la fraude documentaire, l’expertise juridique et le contrôle de légalité, ainsi que la coordination territoriale des politiques publiques. La dématérialisation intégrale des opérations de délivrance de titres réglementaires, lancée à la fin de l’année 2017, constitue une mesure phare du plan.

Dans son rapport annuel de 2020, la Cour des comptes a dressé un bilan de la réforme– au vu de l’heure tardive à laquelle nous discutons, je vais vous faire grâce des lacunes qu’elle a relevées… Cependant, la Cour des comptes et notre rapporteure spéciale ont rappelé que cette nouvelle organisation devait permettre la suppression de 1 300 ETP sur les 4 000 affectés en 2016 aux tâches de délivrance des titres. Cet objectif ne semble pas avoir été atteint.

Par ailleurs, le recours particulièrement important à l’emploi d’agents contractuels, s’il pouvait se justifier au moment de la transition vers ce nouveau régime, n’a plus raison d’être aujourd’hui. Notre rapporteure exprime également des inquiétudes s’agissant de la capacité des centres d’expertise de ressources et des titres (CERT) à délivrer correctement la carte d’identité électronique à compter du deuxième semestre de l’année 2021.

Le redéploiement de 1000 ETP vers les quatre missions prioritaires évoquées précédemment n’a pas été plus facile, en raison de l’absence de mobilité géographique, allant parfois à l’encontre de la rationalisation. Ainsi, dans certaines sous-préfectures ont été constitués des pôles départementaux, spécialisés dans le traitement de certaines tâches de police administrative, de manière à maintenir les agents sur place.

Force est de constater que le contrôle de légalité demeure encore perfectible, alors même que cette mission est garante d’une application uniforme de la règle de droit sur le territoire. Le nombre d’acte soumis au contrôle de légalité a considérablement baissé en dix ans – il avoisine les 20 % depuis 2016 –, faute d’effectifs suffisants.

L’année dernière, notre collègue Jacques Genest constatait la forte diminution du budget accordé à cette mission, de l’ordre de 20 %, autant dire qu’il se réduit à peau de chagrin.

Heureusement, le dialogue en amont entre les élus et les préfets sur les sujets difficiles ou qui sortent de l’ordinaire permet d’aboutir à un faible taux de recours gracieux ou contentieux. Cependant, le conseil donné par les préfectures aux communes les plus petites s’est réduit. À ce titre, la possibilité de recourir au rescrit, introduite par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dont le décret d’application a été publié en mai dernier, doit permettre d’accroître la sécurité juridique des actes des collectivités en amont de leur adoption. Cependant, comme j’avais eu l’occasion de le soulever lors des débats en séance publique, le rescrit ne saurait mettre les communes à l’abri d’un recours exercé par un particulier, un syndicat ou une association, et donc d’une éventuelle condamnation. Il serait intéressant de faire un bilan de cette mesure.

Je terminerai en interrogeant Mme la ministre sur le sort réservé aux préconisations du rapport remis par le comité Action publique 2022. En réponse au constat d’une gestion en silo et d’une adaptation difficile des ressources aux enjeux prioritaires au niveau des préfectures, le comité préconisait de déconcentrer la gestion des ressources humaines et d’envisager la création d’une filière administrative territoriale interministérielle, en remplacement des corps administratifs actuels qui, gérés ministère par ministère, brident la mobilité.

La création du programme 354, l’année dernière, répond à cette demande de mutualisation des moyens de l’État. La création, en 2021, de secrétariats généraux communs départementaux (SGCD), permise par la réforme de l’organisation territoriale de l’État en date de juin 2019, en constitue une mise en œuvre pratique. Pensez-vous aller plus loin, madame la ministre, en créant cette filière interministérielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons la dernière mission examinée aujourd’hui au titre du budget du ministère de l’intérieur. Elle est pour nous particulièrement importante, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord parce qu’elle comprend les crédits de l’administration centrale du ministère, indispensables pour venir au soutien de l’activité opérationnelle de nos forces. De plus, elle abrite les crédits destinés au financement de la vie politique et à l’organisation des élections, qui sont si importantes pour la vitalité de notre démocratie. Enfin, elle inclut le budget du réseau des préfectures et des sous-préfectures qui accomplissent un travail remarquable, particulièrement en cette période particulière de crise sanitaire. Permettez-moi de saluer la grande réactivité des agents du ministère de l’intérieur, notamment ceux des préfectures, qui ont été fortement mobilisés autour du couple maire-préfet.

Au-delà de la crise sanitaire, je veux souligner quelques éléments qui viennent conforter le rôle du ministère de l’intérieur en tant que pilote de l’action territoriale de l’État, à laquelle ce budget contribue. Premièrement, les directions départementales interministérielles, qui relevaient auparavant de l’autorité du Premier ministre, ont été rattachées l’été dernier au ministère de l’intérieur. On peut également noter le déploiement de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE), avec la création de SGCD auxquels nous consacrons cette année 6,7 millions d’euros. Enfin, le développement du réseau France Services doit être l’occasion de redynamiser nos sous-préfectures.

S’agissant de l’évolution des crédits par nature de dépense, je tiens à préciser que l’évolution des dépenses de personnels de la mission est marquée par l’absence de suppression d’emplois dans les préfectures et sous-préfectures. À la demande du Président de la République et du Premier ministre, il a été décidé de ne réaliser aucune réduction d’effectifs au sein de ces services ; quelque 463 suppressions étaient pourtant initialement prévues en 2021. C’est donc une décision historique : cela faisait dix ans que ce réseau perdait des effectifs, enregistrant ainsi une baisse de 25 %. Ce geste fort constitue une réponse à l’attente collective d’une plus grande proximité, laquelle s’est notamment exprimée dans le cadre du grand débat national. Des réductions d’effectifs seront néanmoins réalisées sur les administrations centrales du ministère de l’intérieur…

Les crédits de masse salariale de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » progressent quant à eux de 21 millions d’euros, hors du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Concernant les crédits de fonctionnement et d’investissement, la mission enregistre une progression de plus de 200 millions d’euros, en excluant le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative ».

Nous avons souhaité que l’ensemble des personnels du ministère bénéficie d’un effort important en termes de conditions de travail, ce qui implique évidemment les effectifs relevant du secrétariat général et de l’administration territoriale. Ainsi, dans le périmètre de la mission, le parc automobile sera renouvelé par un effort supplémentaire d’environ 20 millions d’euros au titre de France Relance. Nous proposons également d’équiper les agents en doubles écrans et en informatique nomade pour favoriser le télétravail. L’augmentation du budget de l’action sociale représentait aussi une demande forte des personnels : avec le déploiement de 10 millions d’euros supplémentaires – soit une hausse de 18 % –, elle constituera l’augmentation la plus forte enregistrée sur ce budget.

Je souhaite également dire un mot des grands projets numériques que nous menons et qui, nous semble-t-il, sont porteurs d’avenir. Il s’agit non pas de tout remplacer par le numérique, mais simplement de s’engager dans cette transition lorsqu’elle peut faciliter un certain nombre de dispositifs. À ce titre, le déploiement d’une carte nationale d’identité électronique, dont la généralisation est prévue en août 2021, interviendra cette année ; quelque 30 millions y sont consacrés dans le budget. En outre, le programme Réseau radio du futur permettra de se doter l’État d’un nouveau système de transmission mobile plus efficace.

En 2021, le financement des élections départementales et régionales a justifié un relèvement du plafond du programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », à hauteur de plus de 200 millions d’euros. J’ai bien entendu les interpellations s’agissant du calendrier : je suis néanmoins présente devant vous pour répondre à vos interrogations sur le budget seulement. Je peux toutefois vous faire observer que nous menons déjà un travail sur la question des procurations : avec le programme e-procuration, nous nous sommes ainsi engagés à alléger significativement le temps consacré par les agents du ministère à cette mission.

Pour répondre à quelques-unes de vos interpellations, je tiens à rappeler que les sous-préfets à la relance sont bien des sous-préfets à part entière, il ne s’agit pas de créer un nouveau corps. Ils se consacreront à la relance, comme d’autres sous-préfets s’occupent spécifiquement d’autres missions.

La Miviludes n’a pas vocation à disparaître ; elle est au contraire renforcée. J’ai annoncé récemment que nous étions en cours de recrutement d’une magistrate pour prendre la direction de cette autorité. J’ai aussi présenté notre plan de lutte contre les dérives sectaires. À cet égard, nous attendons, d’ici la fin du mois, que nous soit remis un rapport du directeur général de la police nationale (DGPN) et du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) : j’en partagerai avec vous les conclusions.

Le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) n’enregistre aucune baisse de crédit. Au contraire, il bénéficie d’un redéploiement de crédits à hauteur de 10 millions d’euros. Le secrétariat général de ce comité, à la tête duquel le Président de la République a récemment nommé le préfet Gravel, est chargé de la création d’une unité de contre-discours républicain, utile à la prévention et à la lutte contre l’islamisme et le cyber-islamisme, qui sera dotée, en redéploiement de crédits, de 5 millions d’euros. J’y reviendrai, bien évidemment, si vous m’interrogez sur ce sujet.

Administration générale et territoriale de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B (interruption de la discussion)

Mme le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Administration générale et territoriale de l’État

4 193 348 011

4 211 560 356

Administration territoriale de l’État

2 366 508 687

2 365 079 518

Dont titre 2

1 825 070 410

1 825 070 410

Vie politique, cultuelle et associative

438 928 516

437 874 516

Dont titre 2

41 270 750

41 270 750

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

1 387 910 808

1 408 606 322

Dont titre 2

753 133 098

753 133 098

Mme le président. L’amendement n° II-1108 rectifié bis, présenté par M. Kerrouche, Mme de La Gontrie et MM. Durain, Marie, Bourgi, Kanner, Leconte et Sueur, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territoriale de l’État

dont titre 2

80 000 000

80 000 000

Vie politique, cultuelle et associative

dont titre 2

80 000 000

80 000 000

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

dont titre 2

TOTAL

80 000 000

80 000 000

80 000 000

80 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. J’ai bien compris que l’on ne nous fera pas connaître ce soir la date de la tenue des prochaines élections régionales et départementales. Ce qui est certain, c’est qu’il n’est pas possible d’envisager la tenue de ces élections dans une période toujours concernée par le covid-19, sans que des mesures complémentaires soient prises au préalable.

À cet égard, le rapport Debré, avec des précautions, préconisait d’envisager le vote par correspondance ; il faut, dans cette perspective, s’en donner les moyens financiers. Le rapport estime le coût d’une telle opération à 272 millions d’euros, mais cela correspond en réalité à l’organisation d’un vote qui se ferait intégralement par correspondance. Cela n’est pas acceptable, car le vote à l’urne doit être privilégié, le vote par correspondance n’intervenant qu’à titre complémentaire.

Je propose de financer cette modalité de vote à hauteur de 80 millions d’euros. Cette solution n’est pas très élégante, car elle revient à prélever les crédits dans un programme pour les redéployer dans un autre. Si le Gouvernement consentait à lever le gage, ce serait beaucoup plus simple…

Je le dis une fois de plus : pour conforter la légitimité des élus, et pour organiser efficacement les élections, il faut prévoir des modalités de vote complémentaires si la date du scrutin venait à être reportée. Le report seul n’est pas suffisant !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. Le présent amendement vise à consacrer une dotation spécifique à la mise en œuvre du vote par correspondance. Je considère, à titre personnel, qu’il s’agit là d’une solution intéressante à explorer.

Cependant, à ce stade, cette modalité d’expression des suffrages n’est pas envisagée par le Gouvernement, principalement en raison du fait qu’elle ne permet pas de garantir le caractère personnel du vote, au même titre que l’isoloir ou le déplacement des intéressés dans le cas de procurations.

La proposition de loi déposée le 14 novembre dernier par l’auteur de cet amendement, notre collègue Éric Kerrouche, n’a pas encore été discutée par le Sénat ; il me semble qu’il ne faut pas anticiper le débat de fond sur cette question.

La commission sollicite donc le retrait de l’amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Même avis !

Mme le président. Monsieur Kerrouche, l’amendement n° II-1108 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Éric Kerrouche. Je le maintiens, madame la présidente.

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Une mission d’information travaille actuellement sur la question de l’organisation de ce vote. Cela dit, je me permets d’apporter un élément de réponse à la comparaison avec les procurations à laquelle s’est livrée Mme la rapporteure : lorsque l’on étudie réellement ces deux possibilités de vote, on s’aperçoit que la fiabilité et la sincérité du vote par procuration ne sont pas supérieures à celles du vote par correspondance.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1108 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1105 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territoriale de l’État

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Vie politique, cultuelle et associative

dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose de renforcer le budget du fonds interministériel de prévention de la délinquance à hauteur de 10 millions d’euros.

Son budget a connu des baisses successives au fil des ans : en 2018, le fonds avait été très sérieusement amputé de ses moyens, enregistrant alors une baisse de près de 40 %. Au titre du PLF pour l’année 2020, nous avons constaté une diminution de 1,56 %, laquelle est encore aggravée de 5,5 % dans le PLF pour l’année 2021. Pourtant, ce fonds joue un rôle crucial pour la politique de prévention et les actions menées en faveur de la réinsertion de jeunes délinquants, ainsi que pour la prévention de la radicalisation et les actions de lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales. Il permet enfin la sécurisation de sites sensibles au risque terroriste, tels que les lieux de cultes et les établissements scolaires.

Nous sommes très surpris par la baisse de ce budget, qui nous semble en totale contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement sur ces sujets. Cet amendement a donc pour objet de compenser ce manque de financement par un transfert de crédits à hauteur de 10 millions d’euros, du programme 354, « Administration territoriale de l’État », vers le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » et de son action n° 10, Fonds interministériel de prévention de la délinquance.

Mme le président. L’amendement n° II-1, présenté par Mme Briquet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territoriale de l’État

dont titre 2

3 840 000

3 840 000

Vie politique, cultuelle et associative

dont titre 2

Conduites et pilotage des politiques de l’intérieur

dont titre 2

3 840 000

3 840 000

TOTAL

3 840 000

3 840 000

3 840 000

3 840 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à confirmer la hausse des crédits alloués à la prévention de la délinquance et de la radicalisation, annoncée par Mme la ministre à l’issue du conseil des ministres du 27 septembre dernier. En effet, elle a rendu public sur Twitter un budget spécifique de 69,5 millions d’euros. Il y a, entre ce montant et celui inscrit dans la mission, une différence que nous proposons de compléter à hauteur de 3,84 millions d’euros.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission, sur l’amendement n° II-1105 rectifié ?

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. Cet amendement souligne, à juste titre, une baisse des crédits du FIPD depuis plusieurs années. Le montant proposé diffère de celui envisagé par la commission des finances. Notre amendement vise à permettre a minima une stabilisation des crédits du FPID, en reprenant les montants annoncés par Mme la ministre.

La commission demande donc le retrait de l’amendement n° II-1105 rectifié au profit de celui qu’elle a déposé.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je partage évidemment ce qui a été dit sur l’utilité du FIPD, je vous remercie de le souligner. Des politiques publiques ont déjà été présentées par le Gouvernement : je pense en particulier au plan de lutte contre les dérives sectaires, présenté à la rentrée, à la stratégie nationale de prévention de la délinquance et à la signature d’une convention destinée à financer l’affectation de deux intervenants sociaux par département en brigade de gendarmerie et en commissariat sur la base de ces fonds. Les actions politiques et les budgets sont donc bien présents.

Pour être précise sur le modus operandi, je n’ai pas annoncé de budget sur Twitter : j’ai, sur cette plateforme, relayé les débats tenus à l’Assemblée nationale le 27 octobre dernier, qui nous ont conduits à prendre l’engagement de sanctuariser les crédits du FIPD au niveau des moyens alloués au PLF pour l’année 2020, soit 69,4 millions d’euros. C’est ce dont Gérald Darmanin et moi-même étions convenus.

J’ai d’ores et déjà donné les instructions nécessaires aux responsables du programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », pour que les crédits de fin de gestion inutilisés, risquant à ce titre d’être annulés, soient redéployés à hauteur de 10 millions d’euros vers le FIPD. Ces crédits ont donc été intégralement débloqués et délégués aux préfets : instruction leur a été donnée de les consommer dans ces actions qui relèvent du FIPD, d’ici à la fin de l’année.

Sur le fond, je partage en totalité la proposition et l’analyse qui ont été présentées, et pour cause, c’est ce que nous avons fait ! Cette action étant donc déjà engagée, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° II-1105 rectifié est-il maintenu ?

M. Guy Benarroche. Oui, madame la présidente. Je remercie Mme la rapporteure et Mme la ministre d’être d’accord avec le fond de ma proposition ; les 10 millions d’euros proposés permettent bien un petit rattrapage de ce qui était dû.

Je suis ravi d’apprendre que 10 millions d’euros sont affectés cette année : il conviendrait donc que le budget pour l’année 2021 prévoie le même montant.

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Sur ces sujets-là, madame la ministre, on demande au Gouvernement, année après année, des évaluations. On ne peut pas continuer à entendre des prises de position aussi floues sur toutes les politiques de prévention de la délinquance et de lutte contre la radicalisation, et assister, ensuite, au déploiement de politiques répressives de cette ampleur.

Vous venez de dire que certains fonds n’ont pas été utilisés : vu les besoins qu’ont nos territoires en matière de prévention et de lutte contre la délinquance et la radicalisation, il est inconcevable qu’ils ne l’aient pas été ! Heureusement, vous avez fait en sorte qu’il n’y ait pas de dégagement d’office, mais il y a tout de même un problème d’évaluation. À la même place que vous, une autre année, quasiment à la même heure, le ministre Bernard Cazeneuve s’était engagé à nous donner des évaluations que nous n’avons jamais obtenues.

Certes, il y a un document de politique transversale, mais il nous faut des évaluations, madame la ministre.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1105 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-1106 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territoriale de l’État

dont titre 2

3 000 000

3 000 000

Vie politique, cultuelle et associative

dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

dont titre 2

3 000 000

3 000 000

TOTAL

3 000 000

3 000 000

3 000 000

3 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. La principale faiblesse en matière de ressources humaines de cette mission apparaît au sein des CERT, ainsi que des services d’accueil des étrangers des préfectures : ainsi, de nombreux contractuels occupent certains postes de ces services.

En effet, le renforcement des CERT par des contractuels s’est élevé à 4,5 millions d’euros et 173 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au titre de l’exercice 2019. Les contrats sont souvent de durée très courte – deux ou trois mois tout au plus – et s’enchaînent. Les contractuels sont gérés par les préfets qui peuvent être tentés de faire appel à cette ressource, même dans des cas où le recours à des agents titulaires serait justifié. Il est difficile d’admettre que des situations précaires puissent perdurer au sein du service public. Les effectifs des CERT doivent être renforcés, et il serait nécessaire que le ministère de l’intérieur favorise leur attractivité.

Nous proposons, pour l’ensemble de ces raisons, de renforcer les moyens du programme 354, « Administration territoriale de l’État », et son action n° 02, Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. Si nous partageons les deux constats évoqués dans l’objet de l’amendement – à savoir les difficultés opérationnelles des CERT et les risques de précarisation des emplois via le recours à des contractuels, dénoncés à plusieurs reprises lors de la discussion générale –, nous considérons néanmoins que les efforts mis en œuvre par le Gouvernement pour réarmer les CERT ont en partie permis de répondre à ces problématiques.

Nous sommes en profond désaccord avec la logique de recours à des contractuels, qui va à l’encontre des principes mêmes de la fonction publique. Il faut donc rester attentif à ce sujet…

La majoration des crédits proposée par l’amendement ne semble pas de nature à provoquer la modification de la structure des emplois. Plus encore, l’amendement abonde non pas les dépenses de personnel, mais les autres titres du programme, ce qui ne permettra pas d’employer les crédits proposés pour des dépenses de personnel.

Dans la mesure où l’adoption de cet amendement ne permettrait pas d’atteindre l’objectif fixé, la commission sollicite son retrait.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. L’avis est défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1106 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

État B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Discussion générale

6

Ordre du jour

Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 4 décembre 2020 :

À onze heures, quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (texte n° 137, 2020-2021) ;

Mission « Travail et emploi » ;

Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et article 54 ;

Mission « Sport, jeunesse et vie associative » et articles 70 à 73 ;

Mission « Justice » et articles 55 bis à 55 quinquies ;

Mission « Gestion des finances publiques » et articles 54 undecies à 54 terdecies ;

Mission « Crédits non répartis » ;

Mission « Transformation et fonction publiques » ;

Compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ;

Mission « Régimes sociaux et de retraite » et article 56 nonies ;

Compte spécial « Pensions » et article 74 ;

Éventuellement, missions et articles rattachés reportés ;

Articles de la seconde partie non rattachés aux crédits.

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 4 décembre 2020, à deux heures.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER