Sommaire

Présidence de Mme Laurence Rossignol

Secrétaires :

Mmes Corinne Imbert, Victoire Jasmin.

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2021. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Seconde partie (suite)

Travail et emploi

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale de la commission des finances

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Martin Lévrier

Mme Nathalie Delattre

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Olivier Henno

Mme Corinne Féret

Mme Pascale Gruny

M. Jean-Louis Lagourgue

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Philippe Mouiller

M. Jérôme Bascher

Suspension et reprise de la séance

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

État B

Amendement n° II-1354 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.

Amendement n° II-1351 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.

Amendement n° II-1353 de Mme Corinne Féret. – Rejet.

Amendement n° II-1420 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° II-1352 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.

Amendement n° II-1355 de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Amendement n° II-185 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Amendement n° II-1419 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° II-1417 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° II-1171 rectifié de M. François Bonhomme

Amendement n° II-1477 de la commission. – Rectification.

Amendements identiques nos II-1171 rectifié de M. François Bonhomme (suite) et II-1477 rectifié de la commission. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° II-1418 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° II-631 rectifié ter de Mme Pascale Gruny. – Adoption.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption des crédits modifiés de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

Articles additionnels après l’article 73

Amendement n° II-1082 rectifié ter de Mme Colette Mélot. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° II-1305 rectifié de M. Martin Lévrier. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° II-1304 rectifié de M. Martin Lévrier. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

Organisation des travaux

M. Jean-Claude Requier ; M. le président.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

M. Jean-Claude Requier

Mme Cécile Cukierman

Mme Victoire Jasmin

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Guillaume Gontard

Mme Nicole Duranton

Mme Nadia Sollogoub

Mme Pascale Gruny

Mme Brigitte Lherbier

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants

État B

Amendement n° II-699 rectifié ter de M. Philippe Mouiller. – Adoption.

Amendement n° II-850 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.

Amendement n° II-851 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.

Amendement n° II-38 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Retrait.

Vote sur les crédits de la mission

Adoption des crédits modifiés de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.

Article 54

M. Marc Laménie, rapporteur spécial

Adoption de l’article.

Organisation des travaux

Sport, jeunesse et vie associative

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication

M. Jean-Jacques Lozach, en remplacement de M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis de la commission de la culture

Mme Céline Brulin

M. Claude Kern

M. Michel Savin

M. Dany Wattebled

M. Thomas Dossus

M. Didier Rambaud

M. Stéphane Artano

Mme Sabine Van Heghe

Mme Elsa Schalck

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement

État B

Amendement n° II-916 du Gouvernement. – Rejet.

Demande de priorité

Demande de vote par priorité de l’amendement n° II-700 par la commission. – M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial ; Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. – La priorité est ordonnée.

Amendement n° II-700 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.

Amendement n° II-1247 rectifié de Mme Céline Brulin. – Rectification.

Amendement n° II-1247 rectifié bis de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° II-1315 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° II-779 rectifié ter de M. Patrice Joly. – Rejet.

Amendements identiques nos II-1100 de M. Maurice Antiste et II-1295 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° II-409 de M. Jean-Jacques Michau. – Non soutenu.

Amendement n° II-431 rectifié bis de Mme Jocelyne Guidez. – Rejet.

Amendement n° II-701 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.

Amendement n° II-404 rectifié bis de M. Max Brisson. – Adoption.

Amendement n° II-443 de M. Michel Savin. – Retrait.

Amendement n° II-445 rectifié de M. Michel Savin. – Adoption.

Amendement n° II-1292 rectifié bis de M. Jean-Pierre Corbisez. – Devenu sans objet.

Amendement n° II-1314 rectifié bis de Mme Elsa Schalck. – Adoption.

Amendement n° II-1080 de M. Xavier Iacovelli. – Non soutenu.

Amendement n° II-703 de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.

Amendement n° II-1291 rectifié bis de M. Éric Gold. – Rejet.

Amendement n° II-569 rectifié bis de Mme Sabine Drexler. – Retrait.

Amendement n° II-211 de M. François Bonhomme. – Non soutenu.

Amendements identiques nos II-429 rectifié bis de Mme Jocelyne Guidez et II-1293 rectifié bis de M. Éric Gold. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° II-702 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.

Amendement n° II-1294 rectifié bis de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.

Vote sur les crédits de la mission

Rejet des crédits modifiés de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », figurant à l’état B.

Article 70 (nouveau)

M. Olivier Paccaud

Rejet de l’article.

Article 71 (nouveau)

M. Olivier Paccaud

Amendement n° II-27 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Article 72 (nouveau)

Amendement n° II-26 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article 73 (nouveau)

Amendement n° II-446 rectifié de M. Michel Savin. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article additionnel après l’article 73

Amendement n° II-1091 rectifié bis de Mme Elsa Schalck. – Rectification.

Amendement n° II-1091 rectifié ter de Mme Elsa Schalck. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

3. Candidature à une commission

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

4. Loi de finances pour 2021. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Justice

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la commission des lois

Mme Maryse Carrère, rapporteure pour avis de la commission des lois

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Esther Benbassa

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Cécile Cukierman

M. Philippe Bonnecarrère

Mme Valérie Boyer

M. Dany Wattebled

M. Jean-Claude Requier

Mme Brigitte Lherbier

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

État B

Amendements identiques nos II-975 de Mme Esther Benbassa, II-1021 rectifié de Mme Maryse Carrère et II-1021 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° II-1378 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendements identiques nos II-205 rectifié bis de M. Jean Sol, II-473 rectifié bis de M. Daniel Chasseing, II-1020 rectifié bis de M. Jean-Yves Roux et II-1382 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet des quatre amendements.

Amendements identiques nos II-312 rectifié bis de Mme Annick Billon et II-430 rectifié ter de Mme Jocelyne Guidez. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° II-977 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° II-976 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° II-1379 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° II-795 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Adoption.

Amendement n° II-793 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Retrait.

Amendement n° II-920 de Mme Victoire Jasmin. – Non soutenu.

Amendement n° II-827 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Adoption.

Amendement n° II-799 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.

Amendement n° II-802 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.

Amendement n° II-1380 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.

Vote sur les crédits de la mission

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Adoption des crédits modifiés de la mission « Justice », figurant à l’état B.

Article 55 bis (nouveau)

Amendement n° II-1422 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Amendement n° II-1022 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.

Amendement n° II-1385 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 55 bis

Amendement n° II-1411 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.

Articles 55 ter à 55 quinquies (nouveaux) – Adoption.

5. Ordre du jour

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

Nomination d’un membre d’une commission

compte rendu intégral

Présidence de Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

Mme Victoire Jasmin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

État B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Seconde partie

Loi de finances pour 2021

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 137, rapport n° 138, avis nos 139 à 144).

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2021 ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Travail et emploi

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Travail et emploi

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Mes chers collègues, nous pouvons essayer de terminer la discussion de cette mission ce matin, quitte à prolonger nos travaux au-delà de treize heures ; je formule cette proposition en accord avec la commission des finances, ainsi qu’avec Mme la ministre. (Mme la ministre du travail, de lemploi et de linsertion le confirme.)

Si chacun veut bien tenir compte de cette donnée dans ses interventions, nous y parviendrons tout en respectant la qualité des débats et le droit des parlementaires à s’exprimer autant que de besoin.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme à l’accoutumée, ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même allons présenter, à deux voix, les crédits demandés par le Gouvernement pour la mission « Travail et emploi ». Malgré des divergences, nous pouvons, dans certains cas, dresser des constats communs.

En premier lieu, nous ne pouvons que nous féliciter de la hausse substantielle des crédits de la mission, qui s’élèveraient l’année prochaine à 14,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 13,4 milliards d’euros en crédits de paiement. Cette hausse, de 3 % environ, rompt avec la tendance observée les années précédentes, de baisse importante puis de stabilité.

Cette augmentation est d’autant plus nécessaire que la situation sur le marché du travail s’est brutalement dégradée. Pour ne donner qu’un chiffre, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A a déjà progressé de près de 10 %. De l’augmentation des plans de sauvegarde à celle des personnes en sous-emploi, tous les indicateurs sont au rouge !

La situation est toutefois trop instable pour que je vous livre, à ce stade, des estimations précises des conséquences de la crise sur l’emploi. Les prévisions, déjà pessimistes, que nous présentons dans notre rapport ont elles-mêmes été établies avant la décision du second confinement…

Une certitude, cependant : les ajustements à ces chocs sur le marché du travail touchent en premier lieu les jeunes et les salariés les plus précaires. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) relève ainsi que, dans l’intérim, où ces publics sont surreprésentés, seulement 76 % de l’emploi détruit à la fin du mois d’avril avait été recréé à la fin du mois d’août.

Pour faire face à la crise, la mission « Plan de relance » alloue près de 10 milliards d’euros supplémentaires à la politique de l’emploi. Ces crédits renforceront des dispositifs existants et d’ores et déjà financés par la présente mission, comme les parcours emploi compétences et la garantie jeunes. Ce choix est certainement le bon, car l’heure n’était pas à l’improvisation de mesures nouvelles dans la précipitation : le principal enjeu est d’être en mesure de déployer les actions le plus rapidement et le plus puissamment possible.

J’observe toutefois que, sur le strict plan de la lisibilité budgétaire, la situation n’est pas vraiment optimale.

Prenons l’exemple de l’activité partielle : alors que le dispositif de droit commun relevait de la mission « Travail et emploi », les 21 milliards d’euros débloqués au titre des lois de finances rectificatives pour 2020 ont été retracés sur un programme ad hoc de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » ; pour 2021, aucun euro n’est inscrit sur ce programme, puisque le dispositif sera financé sur une troisième mission – « Plan de relance »…

Cette architecture ne permet pas aux parlementaires de connaître aisément et avec précision l’effort budgétaire que le Gouvernement entend consacrer à la politique de l’emploi, politique cruciale s’il en est pour l’année qui vient.

En gestion, les modalités précises du pilotage du plan de relance, qui fait intervenir la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la direction du budget, ne sont pas encore parfaitement clarifiées.

Sur le fond des politiques menées, la stratégie, sensiblement la même qu’au cours des années précédentes, me paraît aller dans le bon sens : concentrer les moyens sur les publics les plus fragiles grâce à des dispositifs ciblés et, dans le même temps, réaliser des efforts structurels, notamment en matière d’effectifs.

Ainsi constate-t-on, pour la deuxième année consécutive, que les crédits alloués au secteur de l’insertion par l’activité économique, qui emploie des personnes rencontrant des difficultés particulièrement fortes d’accès au marché du travail, dépassent le milliard d’euros. Les crédits mobilisés en faveur des travailleurs en situation de handicap au titre des aides au poste dans les entreprises adaptées progressent également. On relève aussi une augmentation des moyens alloués au dispositif des emplois francs, destiné à favoriser l’emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) – même si la complète évaluation de ce dispositif et de ses effets d’aubaine potentiels reste à mener.

En tout état de cause, les publics concernés par ces dispositifs sont frappés de plein fouet par la crise. Plus préoccupant encore, l’expérience des crises passées suggère que ces catégories ne bénéficieront pas spontanément des effets de la reprise, lorsqu’elle aura lieu : il faudra les accompagner dans la durée – comme rapporteurs spéciaux, nous y veillerons.

Madame la ministre, le budget que vous nous présentez, renforcé par les crédits du plan de relance, est, dans l’ensemble, un budget sérieux et nécessaire. C’est pourquoi la commission des finances recommande au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon analyse du budget qui nous est proposé pour la mission « Travail et emploi » diffère de celle que mon collègue vient de présenter.

Si l’augmentation de 3 % des crédits demandés pour 2021 va naturellement dans le bon sens, il ne faut pas en exagérer la portée : elle est simplement conforme à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques votée en 2018, qui inscrit le ministère du travail et le nombre de ses fonctionnaires dans une trajectoire de diminution – c’est bien là ce qui pose problème.

Je partage les observations de mon collègue en ce qui concerne le manque de lisibilité budgétaire. Néanmoins, la présentation des crédits en deux missions a une vertu : elle met en évidence, derrière le renfort ponctuel de crédits issus du plan de relance, la relative stabilité des moyens que le Gouvernement entend structurellement consacrer aux politiques de l’emploi et du travail. Force est de constater que ces moyens sont insuffisants – ils restent nettement inférieurs à leur niveau de 2017, près de 17 milliards d’euros.

Le financement global des politiques de l’emploi devrait être assuré par une mission « Travail et emploi » durablement en hausse, afin de répondre à la crise sociale majeure que nous traversons et qui, malheureusement, semble devoir perdurer.

Pôle emploi illustre bien la situation : l’État lui donne d’une main, via le plan de relance, des crédits supplémentaires qu’il lui reprend partiellement de l’autre, en abaissant sa subvention pour charges de service public, financée par la mission examinée ce matin…

On peut déplorer aussi que la contribution de l’Unédic au financement de Pôle emploi reste fixée à 11 %, dans la continuité de la hausse observée en 2020. On ne soulignera jamais assez que cette mesure revient, in fine, à faire supporter par les chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l’emploi. Ainsi, la nécessité d’améliorer les comptes de l’assurance chômage, déjà lourdement affectés par la crise et la prise en charge du chômage partiel, risque, demain, de justifier une nouvelle restriction de leurs droits. Au demeurant, Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer sur ses souhaits en ce qui concerne la réforme de l’assurance chômage.

C’est toutefois la poursuite obstinée de l’effort de réduction des effectifs du ministère du travail qui m’a le plus étonnée. Pour l’exercice 2021, le schéma d’emplois proposé est de nouveau fortement négatif, en baisse de 221 équivalents temps plein (ETP). À périmètre constant, le plafond d’emplois serait ainsi inférieur de plus de 1 100 ETP à son niveau de 2017 !

Certes, il nous a été expliqué que, pour faire face aux besoins urgents liés à la crise sanitaire, le ministère pourrait, l’année prochaine comme cette année, recourir au recrutement d’agents vacataires pour colmater les brèches, notamment dans les services déconcentrés et pour lutter contre la fraude au chômage partiel. Ces renforts sont bienvenus, mais la méthode retenue envoie un signal paradoxal : le ministère chargé de l’amélioration de la qualité de l’emploi est créateur de précarité pour ses propres agents…

La forte dégradation attendue de la situation sur le marché du travail et ses conséquences sociales de long terme appelleraient, à l’inverse, une augmentation pérenne et structurelle des effectifs.

De même, on peut s’interroger sur l’urgence qu’il y a à poursuivre, un peu à marche forcée, la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE), qui concerne tout particulièrement les ministères sociaux. Pour ma part, je crains que cette réforme n’entraîne une certaine désorganisation, à l’heure où les services devraient être totalement tournés vers la gestion des conséquences de la crise.

Il y a, certes, des aspects positifs dans ce budget, comme les moyens conséquents prévus en faveur de l’inclusion dans l’emploi des publics les plus fragiles, notamment dans le secteur de l’insertion par l’activité économique.

Mais certaines questions se posent, s’agissant, par exemple, de l’absence de la nouvelle augmentation du nombre de garanties jeunes : si la mesure figurera certainement dans le projet de loi de finances rectificative, cette situation interroge sur la capacité des missions locales à gérer ces 50 000 nouveaux contrats.

De même, en ce qui concerne l’insertion par l’activité économique, la question se pose de la capacité des entreprises du secteur à trouver des solutions de long terme pour leurs bénéficiaires et à créer l’activité pour les accueillir, surtout dans les petites structures, fragilisées par la crise.

Nous nous félicitons en revanche, sur toutes les travées, de la montée en puissance de l’expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », que nous défendons de longue date ; sa prolongation, son élargissement à cinquante nouveaux territoires et l’augmentation corrélative du financement sont autant d’éléments positifs.

Au total, en dépit de certaines avancées, la trajectoire de baisse des effectifs du ministère montre que l’esprit de rétractation des politiques de l’emploi est toujours à l’œuvre. Cette logique, en quelque sorte austéritaire, semble encore dominer, alors même que la situation sociale de notre pays et l’aggravation du chômage, notamment des jeunes et des plus âgés, seront de plus en plus préoccupantes dans les mois et les années à venir.

Pour ces raisons, j’ai appelé la commission des finances à rejeter les crédits de cette mission. Mon collègue a su la convaincre d’émettre un avis favorable, mais nous aurons des débats intéressants, notamment sur la manière de conforter les acteurs de cette politique.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en trois minutes, je serai obligée d’être encore plus concise que les rapporteurs spéciaux…

Le budget de la mission « Travail et emploi » pour 2021 s’inscrit dans la continuité des années précédentes, tout en étant complété par le plan de relance.

Pour ne pas laisser place à un suspense insoutenable et surtout parce que cette mission concentre des financements à destination des publics les plus fragiles sur une logique d’insertion par l’activité, je vous indique que la commission des affaires sociales a émis sur les crédits un avis favorable.

Pour autant, je ne cache pas avoir ressenti un certain étonnement en découvrant ce budget. En effet, si les crédits demandés augmentent légèrement par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, ils restent inférieurs aux crédits consommés cette année, compte tenu des quatre lois de finances rectificatives intervenues jusqu’à présent.

Surtout, la mission que nous examinons ce matin ne comporte aucune mesure nouvelle et s’inscrit dans la droite ligne des budgets des années précédentes – s’agissant de ce que nous avons approuvé, mais aussi de ce que nous avons critiqué. On pourrait presque croire que la situation de l’emploi dans notre pays n’a guère changé en un an, et que la dynamique de baisse du chômage que nous observions à la fin de 2019 s’est poursuivie… Or, chacun le sait, la crise sanitaire a entraîné une remontée spectaculaire du taux de chômage, qui ne devrait pas retrouver son niveau du premier trimestre 2020 avant plusieurs années.

Certes, il faut ajouter aux 13 milliards d’euros de la mission « Travail et emploi » les près de 10 milliards d’euros relevant du plan de relance. Comme les rapporteurs spéciaux, je regrette, madame la ministre, cette fragmentation des crédits, qui nuit à la bonne information du Parlement. Elle ne paraît pas toujours justifiée et tend à donner une image quelque peu inexacte de la politique menée. Ainsi, le plan de relance finance en partie l’extension de dispositifs financés à titre principal par la mission « Travail et emploi ».

Dans le même ordre d’idées, il est difficile de concevoir en quoi l’accompagnement de 100 000 jeunes par la garantie jeunes relèverait de la politique normale de l’emploi, mais que 50 000 jeunes supplémentaires seraient, par ailleurs, accompagnés dans le cadre du plan de relance…

Le projet de loi de finances prévoit la poursuite du plan d’investissement dans les compétences (PIC), correspondant en fait au financement de dispositifs déjà pérennisés, comme la garantie jeunes, ainsi qu’à une enveloppe attribuée au Gouvernement sans que le Parlement et les partenaires sociaux en connaissent l’utilisation exacte. La Cour des comptes a critiqué ce manque de clarté, alors que les crédits que nous votons à ce titre sont chaque année sous-consommés.

Comme les années précédentes, l’État bénéficierait d’un fonds de concours de France compétences. La Cour des comptes a eu l’occasion d’émettre des doutes sur la régularité de ce fonds de concours dont l’État fixe lui-même le montant. Ce prélèvement de 1,6 milliard d’euros sur les ressources de France compétences s’accompagne, en sens inverse, d’une subvention exceptionnelle de 750 millions d’euros. Ainsi, le Gouvernement parvient à gonfler à la fois le PIC et le plan de relance, au détriment de la lisibilité pour le Parlement.

Je remarque en outre que le Gouvernement tire les conséquences du déséquilibre créé par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Tous, dans cet hémicycle, nous craignions qu’il ne conduise à faire du financement de l’apprentissage une variable d’ajustement du budget de France compétences. Une étude d’impact plus solide aurait sans doute été utile à l’époque…

Enfin, je n’ai trouvé aucune traduction budgétaire des dernières annonces du Gouvernement sur la garantie jeunes et l’aide aux travailleurs permittents ; peut-être Mme la ministre nous éclairera-t-elle à cet égard.

Pour conclure, je tiens à saluer les acteurs de l’insertion, qui tous méritent notre attention. Dans certaines circonstances, notamment en période de crise et en période budgétaire, un merci n’a pas de prix ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

Mme la présidente. Bravo pour cette conclusion, madame Puissat !

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le taux de chômage baissait de manière continue depuis 2018, la crise sanitaire l’a fait brutalement remonter de près de deux points.

Dans cette période difficile, le ministère du travail joue un rôle fondamental. Je salue l’engagement des agents du ministère et de ses opérateurs, très mobilisés sur le terrain.

Pour répondre à cette crise, il fallait un budget ambitieux et protecteur. Tel est bien le cas.

Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail se répartissent en deux volets.

D’une part, les crédits de la mission « Travail et emploi » constituent le budget socle du ministère, en augmentation de 400 millions d’euros conformément aux trajectoires prévues avant la crise.

D’autre part, les crédits exceptionnels de la mission « Plan de relance » s’ajoutent à cet effort : sur les 22 milliards d’euros de France Relance, 10 milliards d’euros sont fléchés vers le ministère du travail pour renforcer son budget socle et l’efficacité de son action en faveur de la formation et de l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Au travers de ces crédits, on peut distinguer quatre priorités.

Premièrement, protéger l’emploi. À cette fin, 7,6 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros financés par l’Unédic, permettent de créer un bouclier anti-licenciements, articulé autour de deux objectifs principaux : prendre en charge l’activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé et réarmer les entreprises pour qu’elles sortent de la crise plus compétitives, grâce à des salariés plus compétents.

Dans ce cadre, 500 millions d’euros seront attribués au dispositif Transitions collectives, qui favorise les transitions professionnelles interbranches. Un appel à manifestation d’intérêt sera d’ailleurs lancé prochainement pour déployer ce dispositif auprès de bassins d’emplois pilotes.

Deuxièmement, donner aux jeunes des solutions d’insertion. Pour ce faire, le ministère du travail pilote la plus grande partie des 6,7 milliards d’euros du plan « 1 jeune 1 solution » : 5,7 milliards d’euros, dont 3,6 milliards d’euros l’année prochaine. Ce plan comporte deux axes : le soutien à l’embauche, grâce aux primes exceptionnelles pour encourager les embauches de jeunes et les signatures de contrat en alternance ; le renforcement des dispositifs d’accompagnement et d’inclusion des jeunes.

Au total, près de 300 000 places supplémentaires en accompagnement et inclusion sont prévues à destination des jeunes en garantie jeunes, en parcours contractualisé d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) – en plus des places déjà prévues dans le budget socle – et en accompagnement intensif jeunes par Pôle emploi.

Parce que les jeunes doivent être le cœur de notre attention durant cette crise, nous saluons l’importance des 100 millions d’euros supplémentaires qui renforceront le budget des missions locales. Mais il nous a paru important de déposer à cet égard deux amendements.

L’adoption du premier permettrait aux opérateurs de compétences (OPCO) de disposer plus librement des contributions obligatoires et supplémentaires des entreprises. Ils pourraient ainsi financer toutes les actions de formation professionnelle, sans distinction. Cette mesure serait favorable à l’alternance, certaines branches voulant s’investir dans cette dynamique.

Le second vise à étendre, sur arrêté ministériel, le bénéfice de la protection sociale et de la rémunération attachées au statut de stagiaire de la formation professionnelle aux jeunes bénéficiaires des dispositifs d’accompagnement, d’insertion professionnelle, de stage d’initiation et de formation, notamment. Le tout dans le cadre d’un programme national destiné à répondre à un besoin additionnel de qualification au profit de personnes en recherche d’emploi.

Troisièmement, développer les dispositifs d’insertion sur mesure, destinés aux publics les plus fragiles et les plus éloignés de l’emploi. Parmi ces dispositifs figurent en particulier les emplois francs, dotés de 93 millions d’euros supplémentaires pour 2021, et la stratégie pauvreté, qui renforce le dispositif en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des zones de revitalisation rurale en créant 12 000 places supplémentaires.

Alors que 20 000 parcours emploi compétences supplémentaires étaient prévus dans le budget socle, il a été décidé d’en ajouter 60 000 à destination des jeunes.

Par ailleurs, 204 millions d’euros sont alloués aux dispositifs d’insertion par l’activité économique, dont 62 millions d’euros issus du plan de relance.

Le budget alloué aux entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap augmente de 23 millions d’euros et favorise les passerelles vers les entreprises de droit commun.

L’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » bénéficie, quant à elle, de 11 millions d’euros supplémentaires pour le financement de sa deuxième phase.

Le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) devrait être déployé à titre expérimental dans trente territoires l’année prochaine, puis dans trente-cinq autres en 2022. L’expérimentation du SPIE sera mise en œuvre en pleine association avec les conseils départementaux.

Tous ces leviers sont actionnés pour prévenir les risques de basculement de nos concitoyens dans la pauvreté. Mais ils ne peuvent s’envisager qu’avec le déploiement d’un effort substantiel de formation, tout au long de la vie professionnelle. Telle est la quatrième priorité de la politique de l’emploi.

À cet égard, le plan d’investissement dans les compétences bénéficie d’un nouvel engagement de 3,3 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent, dans le cadre du plan de relance, près de 1,7 milliard d’euros destinés au financement des formations aux métiers d’avenir ou en tension.

Comme de nombreux services, l’offre de formation continue se digitalise. Aussi l’État engage-t-il 500 millions d’euros pour aider à sa numérisation.

Mes chers collègues, l’État est pleinement mobilisé ! Bien que très attentif à la maîtrise des dépenses publiques, il donne, au travers de ces budgets, de solides garanties et des moyens sans précédent pour que chacun puisse accéder à l’emploi ou s’y maintenir et que chaque entreprise ait les compétences nécessaires aux métiers de demain.

C’est donc bien naturellement que le groupe RDPI votera les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire, donc sociale et économique, que nous traversons est inédite et, à bien des égards, historique. Alors que plus de 400 000 emplois ont été créés en 2019, cette dynamique a été stoppée net par la covid-19.

Les chiffres sont sans appel : avec 5,7 millions de personnes en recherche d’emploi en France métropolitaine, le taux de chômage s’est envolé à 9 % au troisième trimestre ; il pourrait atteindre 10 % à la fin de l’année, sous l’effet des dernières restrictions sanitaires décidées pour contenir la propagation du virus.

Le deuxième confinement aura, je le crains, une répercussion plus importante que le premier sur la dégradation du marché du travail, les entreprises étant déjà fragilisées. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle engendre des destructions durables d’emploi.

Dans ce contexte particulièrement difficile, je salue l’augmentation des crédits de la mission « Travail et emploi », qui s’élèveront l’année prochaine à 13,4 milliards d’euros – abondés, par ailleurs, par la mission « Plan de relance », qui alloue 10 milliards d’euros supplémentaires à la politique de l’emploi.

Pour autant, je partage le constat de nos rapporteurs, dont je tiens à souligner la qualité et la pertinence des avis, sur le manque de lisibilité budgétaire. La fragmentation des crédits nous prive d’une vision d’ensemble des moyens déployés au service de la politique de l’emploi. Comme notre rapporteur pour avis l’a fait observer, cette situation est d’autant plus regrettable qu’une partie du plan de relance servira à compléter des dispositifs pérennes, habituellement financés au titre de la mission « Travail et emploi ».

Si la pandémie frappe toutes les catégories d’âge, les jeunes paient un tribut particulièrement lourd : le taux de chômage des 15-24 ans atteint 21,8 % ! Malheureusement, les jeunes ont parfois servi de variable d’ajustement pour permettre aux entreprises de réduire leur masse salariale. Sur ce marché du travail sinistré, 750 000 jeunes diplômés sont récemment arrivés…

Je note donc avec satisfaction les efforts accomplis en faveur des jeunes : primes exceptionnelles pour encourager les signatures de contrat en alternance ; financement de 80 000 places supplémentaires en Pacea et de 50 000 places supplémentaires en garantie jeunes ; création du dispositif Emplois francs plus.

Jeudi dernier, madame la ministre, vous avez annoncé le renforcement de ce plan, avec l’élargissement de l’allocation Pacea à des jeunes qui n’en bénéficiaient pas jusqu’à présent, comme les jeunes engagés dans les dispositifs d’accompagnement intensif de Pôle emploi et de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), ou comme les jeunes diplômés ex-boursiers en recherche d’emploi. Vous prévoyez également de doubler le nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes, ce qui porterait leur nombre à 200 000 en 2021.

Dans ce climat singulièrement délétère pour l’emploi, il est impératif de prêter une attention toute particulière aux jeunes, mais également aux plus fragiles et aux plus précaires.

Aussi accueillons-nous très favorablement le renforcement du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Doté initialement de 22,61 millions d’euros, il bénéficiera finalement d’une enveloppe supplémentaire de 6 millions d’euros votée par l’Assemblée nationale. Cet effort permettra d’accompagner la montée en charge de l’expérimentation, étendue à cinquante nouveaux territoires au moins, dont Bordeaux et Castillon-la-Bataille, en Gironde.

Je terminerai en évoquant les maisons de l’emploi, véritables tremplins locaux d’accès à l’emploi. Vous connaissez en effet mon attachement à l’Alliance Villes Emploi, un réseau regroupant plus de 14 000 communes. Dans le projet de loi de finances initial, l’État prévoyait, pour la troisième année consécutive, de se désengager totalement du budget de fonctionnement de ces maisons, qui pourtant garantissent un socle de services universels de proximité et remédient aux angles morts des politiques publiques.

Simples et souples, ces structures peuvent être mobilisées rapidement et efficacement pour lutter contre les freins à l’emploi. Elles interviennent d’ailleurs dans des domaines qui ne sont pas toujours couverts par les services publics de l’emploi. L’État peut s’appuyer sur elles pour déployer des politiques prioritaires, comme la clause d’insertion sociale, qui présente un taux d’insertion que peu de structures peuvent aujourd’hui revendiquer.

Au surplus, les actions des maisons de l’emploi rencontrent pleinement les priorités du plan de relance, s’agissant notamment de l’accompagnement des personnes les plus en difficulté et des entreprises dans leur transition écologique et numérique.

La pertinence des maisons de l’emploi n’est plus à démontrer. Au reste, le dernier rapport parlementaire sur le sujet, établi par nos collègues Sophie Taillé-Polian et Emmanuel Capus, est un appel en leur faveur. Je me réjouis donc que l’Assemblée nationale ait accordé à ces structures une enveloppe de 5 millions d’euros et j’espère que le Sénat la confirmera.

Le groupe RDSE votera les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 3 décembre, le journal Le Monde consacrait sa une à « La France des licenciements ». La vague de la pandémie semble se transformer en une vague de licenciements.

Depuis le 2 mars, 67 000 emplois ont été supprimés ; malheureusement, nous savons que ce n’est pas terminé. Nous pensons à tous ces petits commerçants qui ne se remettront pas de ce deuxième confinement, et qui emploient parfois une ou deux personnes, ou encore aux 1 300 salariés d’IBM qui seront licenciés.

Cette catastrophe économique a des conséquences sociales qui nécessitent une intervention forte de l’État. En effet, aux suppressions d’emploi que je viens d’évoquer s’ajoutent évidemment celles de milliers d’emplois dans l’industrie, le bâtiment ou dans d’autres secteurs, non pas toujours à cause de la crise sanitaire – qui a parfois bon dos –, comme chez Verallia ou pour l’usine Renault de Choisy-le-Roi.

Chez moi, dans le Pas-de-Calais, après Bridgestone à Béthune, c’est au tour de Maxam à Mazingarbe d’être rayée de la carte. Ainsi, 863 et 73 salariés sont jetés dehors, et près de 3 000 emplois induits détruits. Notre seul espoir est que l’on trouve un repreneur potentiel pour ces deux industries importantes pour la France.

Malheureusement, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2021 augmentent seulement de 400 millions d’euros, le budget total de la mission s’élevant à 13 milliards d’euros. Au vu de la situation, nous jugeons que ce n’est pas suffisant.

Alors qu’il faudrait renforcer le service public pour amortir la crise, le Gouvernement diminue les crédits destinés à l’amélioration de l’efficacité de Pôle emploi.

Il diminue les crédits pour la santé et la sécurité au travail.

Il diminue les crédits pour le dialogue social et la démocratie sociale de 18 %, alors qu’il aurait fallu les privilégier, surtout en cette période.

Alors qu’il faudrait anticiper les plans de licenciements, le Gouvernement diminue les crédits pour l’anticipation et l’accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l’emploi de 34 % par rapport à 2020.

Enfin, alors qu’il faudrait renforcer les services d’accompagnement des privés d’emploi, le Gouvernement diminue les crédits pour les personnels mettant en œuvre les politiques d’accompagnement des mutations économiques et de développement de l’emploi.

La politique à contresens du Gouvernement nous dirige droit dans le mur.

S’agissant de la réforme de l’assurance chômage, le Conseil d’État a retoqué la réforme Pénicaud, qui prévoyait de durcir les critères d’accès et l’annulation des droits rechargeables. Cette décision est une victoire pour les précaires. C’est maintenant la réforme de l’assurance chômage qui doit être supprimée dans son intégralité, comme le demande l’ensemble des organisations syndicales.

J’en viens au financement de la formation professionnelle. Dans le cadre d’une mission conjointe, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des finances (IGF) ont conclu, en avril dernier, que l’équilibre financier du système de formation professionnelle et d’apprentissage résultant de la loi Avenir professionnel (loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel) « n’est pas garanti à moyen terme et demeure incertain à long terme ». Je rappelle que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste avait voté contre cette loi.

Enfin, concernant les dotations des moyens de fonctionnement de l’administration du travail, 210 postes sont supprimés dans le ministère et les Direccte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), soit 944 postes en quatre ans. Année après année, ces coupes dans les effectifs fragilisent les missions assurées notamment par l’inspection du travail et les maisons de l’emploi.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, c’est donc dans un contexte très particulier que nous entamons l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».

Je m’en souviens, voilà maintenant trois ans – c’est à la fois proche et déjà lointain –, nous imaginions que le chômage diminuerait de 9 % à 7 % dans les années suivantes. C’est peu de dire que nos prévisions se révèlent erronées, cette crise sanitaire sans précédent nous empêchant d’atteindre ces objectifs.

Le Gouvernement agit dans l’urgence et tente de colmater les brèches. Il annonce régulièrement de nouvelles dépenses, parfois en milliards d’euros, sans malheureusement toujours s’inquiéter de leur approbation préalable par le Parlement.

Le groupe Union Centriste note à son tour la hausse de 3 % des crédits de la mission « Travail et emploi ». Cette hausse est la bienvenue dans un contexte économique et social particulièrement difficile. Cet effort fait suite à plusieurs années de diminution, puis de stabilité de ces crédits. S’y ajoutent les 10 milliards d’euros de crédits issus de la mission « Plan de relance », crédits que nous estimons particulièrement indispensables. Pour autant, cette répartition des crédits sur deux missions s’opère souvent au détriment d’une certaine lisibilité budgétaire. Nous espérons sincèrement que ce découpage ne remettra pas en cause l’ambition des politiques menées.

Sur le fond, la stratégie est finalement la même que les années précédentes, les objectifs étant de concentrer les moyens sur les publics les plus fragiles grâce à des dispositifs ciblés tout en conduisant des efforts structurels, notamment en matière d’effectifs.

Le groupe Union Centriste note l’effort budgétaire important consenti pour l’insertion des jeunes – cela est nécessaire – et en faveur de l’accès à l’emploi, notamment par l’augmentation des moyens consacrés au secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) et au renforcement du plan d’investissement dans les compétences (PIC).

L’IAE contribue au développement économique des territoires par la création d’activités économiques ancrées localement. Elle constitue une réponse structurelle à l’objectif d’insertion professionnelle des personnes très éloignées du marché du travail, qui ne bénéficient pas spontanément de la reprise économique et pour lesquelles la seule formation professionnelle ne constitue pas une réponse adaptée.

Nous notons aussi l’instauration de dispositifs de prime à l’embauche et la mobilisation accrue des dispositifs de contrats aidés.

La prime à l’embauche facilite l’embauche immédiate pour un grand nombre de publics – apprentis, jeunes et travailleurs handicapés.

Quant à la mobilisation accrue des dispositifs de contrats aidés, nous n’avons cessé d’en défendre la pertinence. Certains de nos concitoyens sont plus fragiles du fait d’une expérience de vie malheureuse ou d’un accident ; ils ont besoin d’un coup de pouce, d’une main tendue pour retrouver un lien avec le monde du travail : tel est le rôle des contrats aidés, surtout en période de crise sociale. Ils permettent d’inclure dans l’emploi des publics qui en sont éloignés et renforcent notre tissu associatif et nos collectivités.

Par ailleurs, nous regrettons l’absence dans le texte initial de crédits alloués aux maisons de l’emploi, alors que leur utilité est selon nous démontrée – Nathalie Delattre fait le même constat. Si le vote – que nous saluons – d’une enveloppe de 5 millions d’euros en leur faveur par l’Assemblée nationale va dans le bon sens, nous estimons que ce montant peut encore être accru.

Le Gouvernement a annoncé qu’il donnait la priorité à la jeunesse : c’est indispensable, car les jeunes payent un lourd tribut à cette crise sociale. Mais les crédits destinés aux maisons de l’emploi et aux missions locales sont encore insuffisants. Ces structures sont la première porte d’entrée pour un jeune qui ne sait pas où aller.

Certains affirment qu’il faudrait imposer des objectifs quantitatifs aux missions locales et aux maisons de l’emploi. Selon eux, la logique est simple : elle consisterait à subventionner une mission locale en fonction du nombre de jeunes qu’elle a réussi à orienter vers un emploi ou une formation.

Je tiens à indiquer que je suis fermement opposé à cette politique du chiffre : tous les jeunes doivent trouver une porte ouverte dans le service public, à plus forte raison quand toutes les autres leur sont fermées. Le service public s’adresse à tous, plus particulièrement à ceux qui en ont le plus besoin.

La mission « Travail et emploi » est marquée par la montée en puissance des dispositifs d’insertion, dont la formation professionnelle est un volet majeur. En tant qu’orateur de mon groupe lors de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, j’avais salué certains des objectifs tout en m’inquiétant de leur mise en œuvre. Aujourd’hui, à l’heure du bilan, le doute n’est plus de mise. Ainsi, un rapport remis en février dernier relatif aux finances de France compétences met en lumière que cette institution souffre d’un déséquilibre structurel et d’un déficit de gouvernance.

À l’époque, je regrettais que l’apprentissage soit insuffisamment développé et souhaitais un engagement massif des branches. Je plaidais, enfin, pour que les régions deviennent des acteurs prépondérants de la formation professionnelle. Leur engagement sur ces sujets est exemplaire ; nous regrettons que le plan de relance ne les laisse trop à l’écart, car elles sont l’échelon le plus pertinent pour jouer un rôle de pilotage de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi.

Je souhaiterais terminer mon intervention sur un sujet cher au cœur du groupe Union Centriste : l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Son extension à cinquante nouveaux territoires est une perspective encourageante ; elle récompense le travail de nombreux acteurs engagés de longue date.

L’inclusion dans l’emploi des chômeurs de longue durée par des CDI crée une dynamique très positive pour eux-mêmes et pour leur territoire. Ce projet est issu de l’expérience d’acteurs de terrain et du tissu associatif. Il est la preuve que nous devons permettre à nos collectivités locales et aux corps intermédiaires d’être forces de proposition : ils savent être inventifs, faire preuve d’initiative et apportent des solutions pertinentes. Il est important, voire indispensable de coconstruire avec eux.

Mes chers collègues, la période actuelle est instable. Nous risquons d’entrer dans les prochains mois dans une crise économique et sociale très forte. Le vent va souffler, car à la crise sanitaire risque de succéder une crise sociale – sans doute est-elle déjà là.

Les publics concernés par les dispositifs que nous finançons aujourd’hui sont les premiers frappés par la crise. Or ils ne bénéficieront pas spontanément des effets de la reprise lorsqu’elle interviendra. Il faudra donc les accompagner dans la durée.

Cette mission budgétaire est particulièrement importante, car ses crédits permettent d’accompagner en premier lieu les jeunes et les salariés les plus précaires. Bien que nous jugions cette mission trop éclatée, le groupe Union Centriste votera pour l’adoption de ses crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le monde est confronté à une crise sanitaire et économique sans précédent dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Il est d’autant plus difficile de faire des projections que la situation sanitaire reste incertaine. Selon les prévisions de l’Insee, le PIB de la France pourrait baisser de 9 % en 2020, et le rebond serait, non plus de 8 %, mais de 6 % en 2021.

Le recours massif au dispositif exceptionnel d’activité partielle a certes permis de contenir les licenciements, mais il ne suffira pas à empêcher une forte hausse du chômage dans la période qui s’ouvre. Plus de 35 000 suppressions de postes ont été annoncées depuis septembre, et les experts alertent sur une probable explosion des plans sociaux et des faillites l’an prochain.

Au troisième trimestre 2020, le taux de chômage a déjà bondi de 1,9 point, touchant plus de 2,7 millions de Français. Alors que des dispositifs comme le chômage partiel ou la prime d’activité permettent de limiter la perte de pouvoir d’achat des salariés modestes, il y a à l’évidence une urgence sociale : il faut venir en aide aux Français qui, avant la crise, évoluaient dans une zone grise, cumulant des petits boulots, et qui se retrouvent aujourd’hui sans emploi, fragilisés de surcroît par la réforme de l’assurance chômage.

Le 25 novembre dernier, le Conseil d’État rendait une décision faisant suite à l’examen de différents décrets relatifs à la réforme de l’assurance chômage promue jusqu’à l’entêtement par le Gouvernement. Une des dispositions devant entrer en vigueur en janvier 2021 modifiait la détermination du salaire journalier de référence, celui-ci pouvant dès lors varier du simple au quadruple pour un même nombre d’heures travaillées. Cette disposition retenue unilatéralement par le Gouvernement vient d’être censurée par le Conseil d’État au motif d’une atteinte au principe d’égalité.

Depuis plus d’un an, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’a cessé de dénoncer les effets dévastateurs de cette réforme profondément injuste, dont l’objectif inavoué est de réduire le nombre de demandeurs d’emploi éligibles à une inscription tout en diminuant l’indemnisation de nombreux autres chômeurs, et ce alors que les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire aggravent encore les effets attendus de cette réforme, selon la dernière étude d’impact de l’Unédic.

Le Conseil d’État vous ayant infligé un nouveau camouflet, nous vous invitons encore et toujours à reprendre le chemin de la démocratie sociale et de la négociation.

La première suspension de la réforme était bienvenue, mais il aurait fallu qu’elle soit totale, qu’elle prévoie le rechargement des droits et qu’elle concerne également les personnes ayant perdu leur emploi entre novembre 2019 et août 2020.

Un deuxième report a certes été décidé jusqu’au 1er avril 2021, mais les crises sociale, sanitaire et économique vont durer. Madame la ministre, pourquoi ne pas abandonner définitivement cette réforme ?

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, tout particulièrement ma collègue Monique Lubin, a fait des propositions en faveur des saisonniers, des « extras » et des bénéficiaires de CDD d’usage. Avec la crise de la covid-19, plus de 1 million d’entre eux ont perdu leur source de revenus.

M. Jérôme Bascher. Très juste !

Mme Corinne Féret. Ils sont de surcroît victimes des premiers effets de la réforme de l’assurance chômage.

Le Président de la République paraissait avoir pris en compte la situation de ces travailleurs, mais si, de prime abord, les annonces de son Premier ministre ont semblé répondre aux attentes, elles se sont révélées décevantes. Une prime exceptionnelle de 900 euros pendant quatre mois, qui ne devrait bénéficier qu’à 300 000 personnes : cela demeure insuffisant au regard des difficultés qui s’accentuent pour ces travailleurs dans des secteurs, notamment l’hôtellerie et la restauration, qui resteront fragilisés pendant de nombreux mois.

C’est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à améliorer le quotidien de ces hommes et de ces femmes qui doivent davantage bénéficier de la solidarité nationale.

J’en viens plus précisément aux crédits de la mission « Travail et emploi ».

Nous prenons acte de leur augmentation, qui porte leur total à plus de 13 milliards d’euros. À la hausse de 3 % des crédits s’ajoutent près de 10 milliards d’euros issus de la mission « Plan de relance », ce qui constitue un effort notable dans le contexte actuel. À l’image de mes collègues, je regrette cependant que l’éclatement du financement de la politique de l’emploi en 2021 entre les deux missions se fasse au détriment de la lisibilité budgétaire pour le Parlement.

Comme l’an dernier, la principale hausse concerne le plan d’investissement dans les compétences. Nous vous retrouvons dans le soutien à la formation et dans le plan de relance en faveur de l’apprentissage.

Si nous notons ces efforts, nous constatons que la crise sanitaire a affecté ce dispositif. Par exemple, l’accueil physique de stagiaires dans les organismes de formation et dans les centres de formation d’apprentis (CFA) a été suspendu pendant le premier confinement. Nous nous inquiétons encore davantage, du fait du deuxième confinement, des offres faites aux personnes en stage et en formation, ainsi que des conditions d’accueil de ces dernières.

De plus, une incertitude demeure quant à la réforme de la formation professionnelle engagée par votre prédécesseur, madame la ministre. L’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances estiment en effet dans le rapport publié en septembre qu’il manquerait 4,9 milliards d’euros pour la période 2020-2023. Il faut donc trouver des financements afin d’assurer la pérennité de cette réforme ; pourtant, votre projet de budget ne prévoit pas d’octroyer une subvention suffisante à France compétences.

Autre source d’inquiétude : année après année, les coupes dans les effectifs fragilisent les missions assurées par le ministère du travail et les services déconcentrés, notamment l’inspection du travail, dont le rôle est pourtant essentiel pour garantir le respect des droits des salariés.

L’État poursuit également son désengagement dans le financement de Pôle emploi, dont les subventions diminuent au moment même où les ressources de l’opérateur provenant d’une fraction des cotisations d’assurance chômage s’effondrent. Si Pôle emploi bénéficie, pour faire face à la forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi, d’une enveloppe exceptionnelle dans le cadre du plan de relance, celle-ci est bien loin de compenser la baisse cumulée de ses subventions de fonctionnement depuis le PLF 2018. Au final, l’opérateur manque de visibilité, alors que la crise durable que nous traversons devrait plutôt inciter à proposer des accompagnements pérennes et renforcés.

Pour finir, je souhaite à mon tour évoquer l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », que je connais bien. À Colombelles, dans mon département du Calvados, l’expérience menée depuis 2016 est très positive et concluante, de sorte que j’ai toujours été favorable à son extension.

Bien qu’éloignée de la philosophie initiale de la démarche, et même si toutes les garanties que nous demandions n’ont pas été apportées, je suis satisfaite que le Parlement ait adopté il y a quelques jours la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Je le rappelle, ce dispositif fut promu à l’origine par des acteurs associatifs de terrain et engagé grâce à l’adoption d’une proposition de loi présentée par des parlementaires socialistes. C’est aujourd’hui une réussite puisque plus de 70 % des quelque 2 000 personnes ayant bénéficié de ce dispositif dans les dix premiers territoires retenus ont retrouvé un emploi.

Menée depuis cinq ans, cette expérimentation souligne toute l’utilité d’adopter une approche partenariale et territoriale dans la lutte contre le chômage. Elle met également en exergue la volonté des bénéficiaires de travailler, car, contrairement à certaines idées reçues, les personnes privées d’emploi ne se complaisent pas dans les allocations. Du reste, beaucoup ne sont plus indemnisées.

Ce dispositif aura surtout permis de rendre visibles des personnes qui avaient totalement disparu des indicateurs du chômage. Dans les territoires zéro chômeur de longue durée, une amélioration des parcours de vie est à noter. L’essentiel des personnes que j’ai rencontrées considère ce dispositif comme une véritable chance : elles peuvent ainsi sortir de leur isolement social et se sentir de nouveau reconnues. L’entrée dans l’entreprise à but d’emploi en CDI leur permet de vivre leur quotidien plus sereinement et de se projeter dans l’avenir. Je souhaite donc insister sur l’intérêt de ce dispositif.

Madame la ministre, depuis plusieurs mois, en responsabilité, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont voté les mesures prises par le Gouvernement en faveur de l’emploi et de l’activité partielle. Toutefois, pour toutes les raisons évoquées, et surtout parce que la réforme de l’assurance chômage n’est toujours pas abrogée, ils prendront de nouveau leurs responsabilités en s’abstenant lors du vote des crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. –M. Olivier Henno applaudit également.)

Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la mission « Travail et emploi » s’inscrit cette année dans un contexte exceptionnel lié à la crise sanitaire.

La deuxième vague de l’épidémie de covid-19 et les mesures sanitaires qui y sont liées ont déjà et auront encore des conséquences sur l’emploi qu’il nous faut anticiper pour en éviter les pires effets. Alors que les prévisions du taux de chômage à court terme se situent entre 9,8 % et 11 %, la France ne saurait se résigner à un chômage de masse et de longue durée. Il nous faut lutter contre cette fracture sociale qui s’aggrave chaque semaine. Or le budget 2021 ne semble pas suffisamment tourné vers cet objectif.

Le chômage partiel en est le premier exemple.

Si la prise en charge de l’activité partielle pendant le premier confinement a pu être absorbée grâce au pragmatisme des chefs d’entreprise, la deuxième vague de l’épidémie a changé la donne. Beaucoup redoutent désormais une onde de choc, qui requerra un accompagnement financier massif des entreprises, et des crédits pour former les nouveaux demandeurs d’emploi, notamment aux nouveaux métiers liés au numérique et à l’intelligence artificielle.

Or on ne trouve les crédits permettant de financer cet accompagnement ni dans cette mission ni dans la mission « Plan de relance », les crédits de cette dernière visant seulement à assurer le maintien d’une partie des salaires.

À ce propos, la dégradation spectaculaire des comptes de l’Unédic, dont la dette devrait dépasser 65 milliards d’euros en 2020, est très largement due aux décisions de l’État en matière d’activité partielle. La question de la gestion de cette dette devra donc se poser ; il semblerait logique que l’État en prenne sa part.

Notons également que les ressources de Pôle emploi sont fortement liées à celle de l’Unédic, avec un effet retard de deux ans. La dégradation des comptes de l’assurance chômage créera donc d’importantes difficultés de fonctionnement pour Pôle emploi dès 2022 et elle aura une répercussion sur les formations, pourtant si nécessaires pour l’avenir des emplois.

La récession actuelle entraînera un afflux de demandeurs d’emploi vers les structures chargées de l’accompagnement et de la réinsertion professionnelle. Or le financement de la formation professionnelle a été mis à mal par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Les OPCO, les branches professionnelles, les régions ne retrouvent pas les crédits utiles à l’accompagnement.

Au déséquilibre financier qui en résulte s’ajoute désormais une baisse des recettes assises sur la masse salariale. Le scénario semble joué d’avance : les gros CFA et autres centres de formation vont bien s’en sortir, mais les plus petits auront besoin d’être refinancés. Encore une fois, ce sont les jeunes du monde rural qui seront pénalisés.

Autre interrogation : le Gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs de prime à l’embauche pour un grand nombre de publics : apprentis, jeunes, travailleurs handicapés. Ces primes facilitent l’embauche immédiate, mais, ces dispositifs prenant fin en mars 2021, on peut légitimement s’interroger sur la rentrée 2021 : ces mêmes publics risquent alors de rencontrer des difficultés pour trouver un employeur.

Les entreprises participent déjà à la formation via la taxe d’apprentissage, l’alternance et la formation continue. Doivent-elles prendre toute la formation à leur charge ?

Faire face au défi du chômage, c’est aussi veiller à ce que les travailleurs seniors ne soient pas exclus du marché de l’emploi. L’enjeu est moins d’allouer des exonérations incitatives qui ne fonctionnent pas que de faire de la psychologie pour que les chefs d’entreprise changent de regard et cessent de se séparer de cette main-d’œuvre précieuse par des licenciements ou des ruptures conventionnelles lors des dernières années de carrière.

La crise risque en effet d’avoir des conséquences lourdes pour les seniors. Au cours des trois dernières années, la progression des inscriptions de seniors à Pôle emploi a été de 12 % par an, soit deux fois supérieure à celle des jeunes. De plus, les seniors restent inscrits au chômage trois fois plus longtemps.

Je rappelle qu’en juillet 2019, dans un rapport, la Cour des comptes avait constaté l’absence de stratégie nationale en matière d’emploi des seniors. Or rien n’a changé depuis.

Enfin, la crise sanitaire a bouleversé nos méthodes de travail, entraînant un recours massif au télétravail sans pour autant faire disparaître les risques professionnels. Aussi, je regrette la diminution des crédits de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), alors que les besoins en prévention sont très importants, que ce soit pour la prise en charge des troubles musculo-squelettiques, qui ne figurent pas dans le projet annuel de performance, pour celle des risques psychosociaux, qui augmentent, ou encore pour l’accompagnement des très petites entreprises dans l’élaboration du document unique d’évaluation des risques professionnels.

Malgré toutes ces réserves, nous voterons les crédits de la mission « Travail et emploi », même si celle-ci ne reflète pas les dépenses publiques massives prévues par le plan de relance, dépenses qu’il faudra bien un jour financer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme toutes les missions que nous avons examinées cette année, la mission « Travail et emploi » est placée sous le signe de la covid. La crise, qui a d’abord mis à mal notre système de santé, a ensuite frappé notre économie de plein fouet.

Pourtant, de nombreux indicateurs laissent penser que nous n’avons pas encore constaté toute l’ampleur des dégâts ; cela vaut tout particulièrement pour le marché du travail, qui a bénéficié d’amortisseurs très puissants, notamment grâce au dispositif du chômage partiel.

Une vague de faillites et de licenciements pourrait ainsi frapper le pays de façon décalée, mais non moins violente. Alors que le taux de chômage atteint déjà 9 %, il est à craindre que la situation continue de se dégrader.

C’est dans ce contexte très difficile que nous examinons les crédits consacrés à cette mission. Ses programmes s’inscrivent dans une logique contracyclique : les crédits alloués sont appelés à augmenter quand la situation se détériore et à diminuer lorsqu’elle s’améliore.

C’est pour cela que le groupe Les Indépendants a soutenu au cours des dernières années la baisse courageuse des crédits de la mission. C’est aussi pour cela que le groupe Les Indépendants soutient cette année la hausse des crédits.

À cette hausse de 3 % des crédits s’ajoutent près de 10 milliards d’euros issus de la mission « Plan de relance », que le Sénat a déjà examinée.

Il ne s’agit pas d’inverser la tendance, mais de suivre la même logique : agir de façon contracyclique. La hausse des crédits correspond pour l’essentiel à des mesures plus conjoncturelles que structurelles, en visant en priorité le retour à l’emploi et en articulant solidarité et efficacité. En temps de crise comme en temps normal, la meilleure politique sociale consiste à permettre à chacun de trouver l’emploi qui lui convient.

Plusieurs des mesures proposées me paraissent ainsi aller dans le bon sens.

Je pense tout d’abord au rétablissement des contrats aidés dans le secteur marchand. Comme l’a rappelé le rapporteur spécial, subventionner l’emploi ne saurait constituer l’alpha et l’oméga d’une politique économique, dont l’objectif doit être de dynamiser le marché du travail. C’est pourquoi notre groupe avait approuvé la suppression de ce dispositif.

Cependant, l’urgence de la situation justifie un rétablissement temporaire du dispositif. Il s’inscrira dans la logique d’ensemble de ce budget, celle d’un électrochoc pour relancer l’économie.

À cet égard, le cas des outre-mer s’avère intéressant. En effet, les emplois aidés devenus parcours emploi compétences ont toujours été plus dotés dans les territoires ultramarins qu’en métropole, compte tenu de la situation plus dégradée du marché du travail. Or ces dispositifs y ont fait leurs preuves, si bien que les outre-mer pourront désormais servir d’exemple.

Les dispositifs d’insertion par l’activité économique contribuent également à ramener vers l’emploi les publics qui en sont le plus éloignés, notamment dans les territoires les plus précaires, qui sont déjà très durement touchés par la crise, et qui le seront, demain, encore davantage.

La crise actuelle nous a, à bien des égards, redonné le goût du terrain. Nous reprenons conscience que c’est en nous appuyant sur les acteurs locaux et les structures de proximité que nous parvenons globalement aux meilleurs résultats.

C’est pourquoi je partage l’analyse des deux rapporteurs spéciaux sur la nécessité de renforcer les moyens alloués aux maisons de l’emploi. Le Gouvernement devrait sur ce point écouter les propositions de la commission des finances, car elles relaient les demandes du terrain.

De même, je partage les regrets formulés sur la qualité d’exécution du plan d’investissement dans les compétences, dont les crédits avoisineront les 3,4 milliards d’euros en 2021.

À l’heure où nous déployons des moyens faramineux pour déclencher un électrochoc sur notre économie, il n’est pas acceptable de constater des pertes en ligne ou du retard au démarrage. Il y va de l’efficacité de la relance.

Plus fondamentalement, il y va aussi de la confiance que les Français accorderont à la parole politique. En effet, l’on peut bien annoncer et voter tous les plans de relance que l’on veut ; si nos concitoyens n’en voient pas la couleur sur le terrain, alors c’est la parole politique qui perd en crédit.

La défiance ne doit pas entamer les efforts que nous allons consentir collectivement. Il est important que nous ne laissions pas s’installer le sentiment, selon lequel certains profitent indûment du système. C’est pourquoi nous vous soumettrons un amendement visant à renforcer les pouvoirs de contrôle de Pôle Emploi pour lutter contre la fraude.

Pour conclure, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et territoires votera les crédits de la mission et l’amendement proposé par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la crise sanitaire démultiplie les crises économique et sociale, nous avions besoin de politiques du travail et de l’emploi renouvelées et justes.

Or dans l’ensemble, hormis l’impact du plan de relance, qui brouille d’ailleurs la lisibilité de la politique budgétaire, les mêmes politiques se poursuivent. Cette mission n’enregistre guère de mesures nouvelles et ses crédits évoluent sous l’effet des décisions antérieures, la trajectoire retenue depuis 2017 étant maintenue. Plus qu’une continuité de trajectoire, la situation exige une rupture pour faire face à la dégradation profonde et brutale du marché de l’emploi et à la crise sociale.

Le chômage explose, alors que le choc est encore à venir dans les secteurs touchés de plein fouet par la crise. Au niveau national, il dépasse 9 % de la population active. Rien que dans le Rhône, il progresse de plus de 10 % au troisième trimestre de cette année 2020 par rapport à celui de 2019. Dans la seule métropole lyonnaise, près de 2 000 emplois sont désormais menacés, notamment chez Renault Trucks.

Ces destructions d’emplois ne sont pas toutes dues à la crise sanitaire. De grands groupes profitent du contexte pour délocaliser et monter des plans sociaux.

Si les crédits du plan de relance apportent des moyens supplémentaires pour lutter contre le chômage conjoncturel, ils masquent de nouvelles baisses de subventions – c’est par exemple le cas de celle dont bénéficie Pôle emploi pour charges de service public. Cette baisse a été patiemment reconduite depuis le début du quinquennat, mais elle est encore plus injustifiable, alors que la situation s’est dégradée bien au-delà de l’impact mécanique de la crise.

À l’issue du plan de relance, entre destructions et créations d’emplois, les données indiquent une augmentation de 200 000 chômeurs par rapport à l’avant-crise et de nombreux chômeurs basculeront dans le chômage de longue durée.

Félicitons-nous, dès lors, de retrouver au moins les crédits de l’extension du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » adopté récemment et soutenu par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Le service public de l’emploi sera durablement mobilisé et les crédits, hors plan de relance, ne doivent pas diminuer davantage. Tel sera l’objet d’un de nos amendements.

De même, la dégradation de l’offre d’emploi et la gestion des dispositifs pour contenir l’impact de la crise justifient de ne pas poursuivre la baisse des effectifs du ministère du travail, là encore masquée par l’appel en renfort d’agents vacataires dans des services déconcentrés saturés.

L’idéologie doit céder devant le principe de réalité. Il faut renforcer les politiques d’insertion et de soutien au travail, car la crise ne se réduit pas à un accident conjoncturel. L’explosion du télétravail, entre autres bouleversements, oblige à contester la baisse des budgets de la santé au travail comme des moyens de contrôle du ministère. Nous présenterons également des amendements sur ce sujet.

Le ministère du travail devrait s’obliger à l’exemplarité, en créant des emplois qualifiés, pérennes et sous statut.

Si la mission consacre à juste titre un soutien accru au secteur de l’insertion par l’activité économique, il conviendra de veiller au maillage territorial.

Nous approuvons le retour des emplois aidés, hélas pointé comme exceptionnel. Le Gouvernement maintient en effet son analyse, selon laquelle il s’agit seulement d’un traitement statistique du chômage qu’il stoppera dès la reprise.

Nous contestons le diagnostic de leur inefficience ou de leur inutilité. Les travaux menés par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) montrent à l’inverse que les emplois aidés ont eu des effets positifs non seulement sur l’emploi, y compris six mois après leur terme, mais aussi sur les compétences acquises et la confiance retrouvée, quand la conjoncture était défavorable. Ils ont été nettement plus efficaces que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et pour un coût bien moindre !

L’effet de levier des emplois aidés a été encore plus sensible en période de reprise. Dans la mesure où ils sont à la fois contracycliques et procycliques, il est injustifié d’en faire le procès, et nous soutiendrons ce dispositif dans l’un de nos amendements.

Enfin, nous souhaitons que le coût de la politique gouvernementale de recours massif à l’activité partielle, politique bienvenue, soit isolé et pris en charge en partie par l’État, pour ne pas justifier à l’avenir des mesures de réductions des droits, comme dans la réforme de l’assurance chômage dont nous continuons de demander le retrait.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur le banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – M. Olivier Henno applaudit également.)

M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le fort recul de l’activité économique mondiale en raison de la crise sanitaire se traduit par la fermeture de nombreuses entreprises et par une forte augmentation du chômage.

Ainsi, selon la Dares, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, plus de 650 plans de sauvegarde de l’emploi ont été lancés en France. Dans les entreprises plus petites, de moins de dix salariés, on compte plus de 4 000 licenciements collectifs cumulés depuis mars.

Les conséquences des plans sociaux annoncés ne sont pas encore visibles sur la courbe du chômage. Les entrées en formation et les dispositifs d’aides publiques permettent d’amortir l’impact de la crise sanitaire.

Malgré cela, le nombre de chômeurs demeure à un niveau élevé, si l’on considère la catégorie A, et il explose, lorsque l’on comptabilise les catégories B et C qui correspondent à ceux qui ont exercé une activité réduite.

Les différents instituts de prévision retiennent, avec les précautions nécessaires dans un contexte inédit, l’hypothèse d’un taux de chômage compris entre 9,8 % et 11 % dans les prochains mois.

Certes, la crise est conjoncturelle, mais elle est aggravée par l’absence de réformes structurelles. Les décisions prises actuellement sont des solutions d’urgence et de court terme.

Dans ce contexte, l’augmentation de 400 millions d’euros des crédits de la mission « Travail et emploi », soit une hausse de 3 %, peut sembler insuffisante. La politique de l’emploi est surtout soutenue par la mission « Plan de relance », avec près de 10 milliards d’euros qui viendront en grande partie abonder des dispositifs déjà prévus par la mission.

L’éclatement du financement de la politique de l’emploi sur ces deux missions pose un réel problème de lisibilité budgétaire. Des questions surgissent également sur la pérennité des ressources pour les budgets à venir.

En ce qui concerne l’apprentissage, nous ne pouvons que nous réjouir de l’augmentation du nombre de contrats d’apprentissage, qui jusqu’à la crise sanitaire a connu une forte dynamique, puisque la progression a été de 16 % par rapport à l’année précédente.

Dans le cadre du plan de relance, une aide exceptionnelle est prévue au titre des embauches d’apprentis effectuées entre juillet 2020 et la fin du mois de février 2021, ce dont je me félicite.

Toutefois, nous nourrissons des inquiétudes quant au financement de l’apprentissage, dont le système a été réformé par la loi du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel. Depuis lors, ce financement est assuré par les opérateurs de compétences (OPCO), dont les fonds sont fournis par France compétences.

À la suite d’une mission conjointe de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale des finances (IGF), il est apparu que le système mis en place en 2018 était structurellement déséquilibré.

Aussi, l’article 56 du projet de loi de finances ne peut être qu’inquiétant, car il fait du financement de l’apprentissage une variable d’ajustement de l’équilibre budgétaire de France compétences.

Par ailleurs, les centres de formation d’apprentis (CFA) qui dépendent de secteurs fortement atteints par la crise sanitaire pourraient rencontrer de sérieuses difficultés financières. Dans ce contexte, la stabilité des crédits reversés aux régions pour le financement de l’investissement et du fonctionnement des CFA questionne.

Nous sommes également étonnés de la position du Gouvernement concernant les maisons de l’emploi. Alors qu’aucun crédit n’était initialement prévu, des amendements visant à dégager une enveloppe de 5 millions d’euros ont été adoptés à l’Assemblée nationale avec l’accord du Gouvernement, ce que nous saluons. Cependant, vous n’avez donné aucune précision quant aux programmes sur lesquels ces crédits seront prélevés.

Madame la ministre, le groupe Les Républicains se réjouit de la traduction budgétaire de la poursuite de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », à la suite de l’adoption définitive de la proposition de loi. Le dispositif pourra ainsi se maintenir dans les dix territoires initiaux et être étendu à au moins cinquante autres territoires.

Enfin, j’en viens à l’emploi des personnes handicapées, secteur dont le budget est globalement satisfaisant, puisqu’on constate une augmentation des crédits, hors expérimentations.

Toutefois, les entreprises adaptées ont été durement touchées par les conséquences de la crise sanitaire, avec une baisse de chiffre d’affaires estimée à 25 %. Il convient donc de les soutenir dans cette période difficile.

Malgré nos inquiétudes, nous approuvons la mission « Travail et emploi » et les actions engagées par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance.

Néanmoins, nous restons inquiets du manque de réformes structurelles dans le domaine de l’emploi et, surtout, de l’application de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Quoi qu’il en soit, compte tenu du contexte, nous voterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la ministre d’être venue, car nous n’avons pas vu beaucoup de ministres au banc du Gouvernement depuis le début de l’examen du projet de loi de finances…

Les interventions de mes collègues pourraient laisser penser que tout a été dit sur la lisibilité de ce budget. Or il manque l’essentiel, à savoir qu’il repose entièrement sur les exonérations de cotisations sociales qui sont au cœur de la politique de l’emploi en France depuis les années 1990. Cette mission n’est donc destinée qu’à « boucher les trous dans la raquette » d’une politique structurelle de l’emploi. Il n’y a là rien d’illégitime ; encore faut-il le reconnaître.

De manière étrange, le Gouvernement nous a présenté une nouvelle prévision macroéconomique qui change absolument tout, sauf la prévision de chômage et les crédits. « Étonnant, non ? » comme aurait dit Pierre Desproges dans la Minute nécessaire de M. Cyclopède.

Madame la ministre, ce budget n’est absolument pas sincère. En effet, il faudra complètement le revoir dans un PLFR 1 qui ne manquera pas d’arriver dès le premier trimestre de l’année 2021. Nous examinons donc un budget fictif. Certes, vous nous dites que tous les crédits sont inscrits dans la mission « Plan de relance », mais j’ai montré, lors de la discussion générale, combien cette mission était « anti-lolfique ».

Par conséquent, nous débattons de manière un peu fantomatique d’un budget qui ne sera pas réalisé. Cela ne nous empêchera pas de voter les crédits, car nous savons que les besoins existent. Cependant, vous le savez bien, ils sont totalement faux, car ils ne sont pas congruents avec votre prévision macroéconomique. Ce manque de sincérité est un problème majeur, madame la ministre.

Certains de mes collègues ont évoqué la dette de l’Unédic. En tant que rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », j’aimerais que vous nous disiez, si elle sera prise en compte dans la dette covid ou bien si vous la cantonnerez. Comment allez-vous la financer ?

Même si les sujets que je viens d’évoquer excèdent le champ de la mission, ils restent au cœur de la stratégie de l’après-crise.

J’en viens maintenant à un point satisfaisant. J’ai dit au cours de nos débats que le Gouvernement ne faisait rien pour le capital humain et la croissance potentielle. Ce n’est pas tout à fait vrai dans cette mission : il y a des aspects positifs en ce qui concerne l’apprentissage, même si Philippe Mouiller a bien expliqué en quoi la mission de France compétences était un échec.

Le compte personnel de formation est plutôt une réussite, mais dans les missions locales pour lesquelles vous augmentez les crédits – et je vous en remercie –,…

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. C’est bien aussi, alors ?

M. Jérôme Bascher. … les jeunes n’y ont pas droit. Vous le découvrez peut-être, madame la ministre,…

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je crois que je connais mon ministère, monsieur le sénateur !

M. Jérôme Bascher. … mais les jeunes n’ont pas de droits ouverts au titre du compte personnel de formation dans les missions locales, alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin.

Enfin, les travailleurs non salariés et ceux qui sont en CDD d’usage ont des besoins avérés, auxquels il faut que vous répondiez de manière plus complète, même si vous avez déjà pris des mesures en leur faveur. Ces travailleurs souffrent encore plus de la précarité en cette période de crise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à douze heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais pour commencer m’associer pleinement aux hommages qui ont été rendus par les parlementaires, à la suite de la disparition du président Giscard d’Estaing.

J’échangeais, hier, avec mes homologues européens lors du conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs » pour coordonner nos actions communes face à la crise. Je pense que l’héritage du président Giscard d’Estaing est évidemment européen et que notre réponse à la crise doit plus que jamais s’inscrire dans ce cadre. La présidence française de l’Union européenne en 2022 sera notamment l’occasion d’approfondir le socle européen des droits sociaux. La relance de l’économie européenne – j’ai eu l’occasion de le dire – démarre par le social et une partie substantielle du plan de relance est abondée par des fonds européens.

Pour faire face à la crise économique et sociale que nous traversons, nous avons dès le début déployé un dispositif d’aide parmi les plus complets et les plus performants d’Europe. Alors que la crise dure, le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion fait le choix, pour préserver les secteurs les plus durement percutés, d’accentuer son arsenal de mesures.

Chaque semaine, j’organise une visioconférence avec les services déconcentrés de mon ministère et je sais quelle est l’intensité de la tâche, dans cette période exceptionnelle, pour tous les agents mobilisés sur le terrain.

Je rappelle également que le service public de l’emploi est resté ouvert et réactif pendant toute la durée du confinement.

La réouverture de nos commerces depuis une semaine, assortie de règles sanitaires renforcées, était attendue par les Françaises et les Français. Avec le ministère de l’économie, des finances et de la relance, nous sommes attentifs à la situation de nos commerçants qui bénéficient d’une activité partielle sans aucun reste à charge pour l’employeur.

Notre objectif est de maintenir des conditions très protectrices pour les entreprises et les salariés, dont l’activité reste partiellement ou totalement arrêtée. C’est tout le sens des annonces récentes en faveur des saisonniers des stations de sports d’hiver ou de la mesure de prise en charge des congés payés accumulés par les salariés en période d’activité partielle, au bénéfice des secteurs les plus lourdement touchés par la crise – cette mesure était très attendue par les professionnels de l’hôtellerie-restauration.

L’équilibre trouvé est emblématique de l’action que je souhaite porter entre, d’une part, la protection des salariés qui pourront exercer leur droit aux congés payés et, d’autre part, celle des entreprises qui pourront solder ces congés sans en supporter la charge.

La situation sanitaire, loin de remettre en cause les dispositifs du plan de relance, en montre au contraire toute la pertinence. Comme l’a rappelé le Premier ministre à de nombreuses reprises, la territorialisation du plan de relance est un gage d’efficacité et de cohésion. C’est pourquoi nous avons veillé à ce que les élus locaux soient associés à son déploiement, afin de renforcer l’efficacité de l’action de mon ministère, au plus près des bassins d’emploi dans chaque territoire.

Après l’Assemblée nationale, il revient désormais au Sénat de se prononcer sur le budget de relance porté par le projet de loi de finances pour 2021. Je constate avec satisfaction que les deux commissions saisies, celle des finances et celle des affaires sociales, ont adopté les crédits de la mission.

Il s’agit d’un budget ambitieux qui mobilise des moyens sans précédent, non seulement pour donner à chacun la capacité d’accéder à l’emploi et de s’y maintenir durablement, mais aussi pour offrir à nos entreprises les compétences nécessaires aux métiers de demain, de manière à ce qu’elles soient plus résilientes et plus compétitives.

Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion se décomposent en deux volets.

D’une part, les crédits de la mission « Travail et emploi » constituent le « budget socle » de mon ministère. Hors plan de relance, ce budget est en augmentation de plus de 400 millions d’euros et s’élève à 13,2 milliards pour 2021, conformément aux trajectoires prévues avant la crise pour intensifier l’inclusion de tous dans l’emploi.

En complément, à la suite du renforcement de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté annoncé par le Président de la République et le Premier ministre, nous avons proposé de nouvelles mesures dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative.

D’autre part, les crédits exceptionnels de la nouvelle mission « Plan de relance » viennent s’ajouter à l’effort précédent. Quelque 10 milliards d’euros de crédits de paiement sont alloués à mon ministère sur les 22 milliards d’euros du plan France Relance pour 2021, soit près de la moitié des crédits de relance prévus. Le budget socle du ministère en sort considérablement renforcé, ce qui contribue à l’efficacité de notre action d’insertion et de maintien de tous dans l’emploi.

Je reconnais que ces deux volets peuvent compliquer la lecture de ce budget. L’essentiel reste cependant que les moyens sont là.

L’action de mon ministère se développe autour de quatre priorités.

Premièrement, face à la crise, nous déployons une réponse massive, un véritable bouclier anti-licenciements pour sauvegarder et développer les emplois.

Dans le cadre de la relance, nous mobilisons un effort substantiel de 7,6 milliards d’euros, dont 2,2 milliards sont financés par l’Unédic, pour prendre en charge l’activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé.

À cet égard, je voudrais préciser à Mme la sénatrice Gruny qu’il est parfaitement inexact de dire que nous ne nous occupons pas de la formation des salariés en activité partielle. En effet, nous mobilisons un milliard d’euros pour cela. Dès cette année, 300 000 salariés en activité partielle sont partis en formation.

L’objectif est de réarmer nos entreprises pour qu’elles sortent de la crise plus compétitives, grâce à des salariés qui seront montés en compétences. En même temps, nous souhaitons que les salariés aient la maîtrise de leur parcours professionnel, grâce à des perspectives crédibles d’évolution.

En outre, nous avons élaboré avec les partenaires sociaux le dispositif innovant « transition collective », qui favorisera les parcours des branches les plus affectées par la crise vers celles qui restent toujours en tension sur le recrutement. Ce dispositif permet de prendre en charge jusqu’à 100 % de la rémunération et de la formation des salariés dont l’emploi est menacé, pour qu’ils puissent se reconvertir dans des métiers porteurs, présents sur le même territoire.

L’objectif est le même que pour l’activité partielle : tout faire pour former les salariés plutôt que de licencier et de se priver de leurs compétences.

Deuxième priorité, nous veillons à donner à tous les jeunes, quelle que soit leur situation, des solutions d’insertion dans l’emploi.

Sur les 6,7 milliards d’euros de crédits dont bénéficie le plan « un jeune, une solution », le ministère du travail en pilote la plus grande partie, soit 5,7 milliards, dont 3,6 milliards en 2021.

D’une part, nous faisons le pari du soutien à l’embauche pour permettre l’insertion des jeunes sur le marché du travail. Depuis l’été, nous avons mis en place des primes exceptionnelles pour encourager les embauches de jeunes et la signature de contrats en alternance ou en apprentissage, ainsi que de contrats de professionnalisation.

D’autre part, tous les dispositifs existants d’accompagnement et d’inclusion des jeunes dans l’emploi sont considérablement renforcés.

Grâce aux crédits du plan de relance, nous ouvrons 300 000 places supplémentaires en accompagnement et inclusion à destination des jeunes : 50 000 au titre de la garantie jeunes, 80 000 en parcours contractualisé d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (Pacea), pour 22 millions d’euros, en plus des places déjà prévues dans le budget socle. Nous accompagnerons ainsi 420 000 jeunes en 2021.

Il faut ajouter à cela l’ouverture par Pôle emploi de 140 000 places supplémentaires en accompagnement intensif des jeunes.

Enfin, nous renforçons le budget des missions locales – elles jouent un rôle essentiel dans la période que nous traversons –, en leur attribuant 100 millions d’euros supplémentaires, ce qui porte l’enveloppe à 472 millions d’euros au total.

À la suite des annonces de la semaine dernière, nous avons amplifié cet effort grâce à de nouvelles mesures en faveur des jeunes.

Ainsi, nous prévoyons l’équivalent de 50 000 nouvelles entrées dans le dispositif de la garantie jeunes, ce qui permettra de passer de 100 000 places en 2020 à 200 000 places en 2021. Je précise que les crédits correspondants seront inscrits dans le projet de loi de finances lors de l’examen du texte en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

M. Jérôme Bascher. Ben voyons !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons également rénové le dispositif Pacea : d’abord, en étendant son plafond de trois à six mois ; ensuite, en étendant le périmètre des bénéficiaires aux jeunes qui sont en accompagnement intensif par Pôle emploi et à ceux qui sont suivis par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) ; enfin, en l’étendant aux jeunes étudiants diplômés et aux anciens boursiers à la recherche d’un premier emploi.

Nous serons très favorables à l’amendement déposé par M. le sénateur Lévrier, au nom du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants,…

Mme Nathalie Goulet. Ça alors ! (Sourires.)

Mme Élisabeth Borne, ministre. … pour étendre la rémunération et la protection sociale des stagiaires de la formation professionnelle à de nouveaux jeunes.

Cette proposition s’inscrit dans la dynamique engagée dans le présent projet de loi de finances en vue d’harmoniser, de revaloriser et d’étendre la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, afin de garantir des parcours « sans coutures » aux jeunes.

Troisième priorité, nous renforçons tous les dispositifs d’insertion sur mesure destinés aux publics les plus fragiles et les plus éloignés de l’emploi.

Nous attribuons aux emplois francs 93 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement pour 2021, ce qui correspond à plus de 33 000 nouvelles entrées dans le dispositif. Nous mettons également en place 60 000 nouveaux parcours emplois compétences (PEC) pour les jeunes en 2021, qui s’ajoutent aux 20 000 parcours supplémentaires déjà prévus dans le budget socle.

En plus de cet effort en faveur des jeunes, la stratégie de lutte contre la pauvreté renforce le dispositif en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des zones de revitalisation rurale, en doublant le nombre de places, soit 12 000 places supplémentaires, et en augmentant à 80 % le taux de prise en charge de ces parcours emplois compétences. Dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative, nous avons proposé, à ce titre, d’augmenter les crédits de 120 millions d’euros, conformément aux annonces du Premier ministre.

Ensuite, nous augmentons de plus de 204 millions d’euros au total les crédits alloués aux dispositifs d’insertion par l’activité économique, dont 62 millions d’euros issus du plan de relance. Ces crédits permettront notamment la priorisation de 35 000 places au bénéfice des jeunes dans les dispositifs d’insertion par l’activité économique et la création de 25 000 places dans les dispositifs d’insertion par la création d’entreprise.

En outre, conformément aux récentes annonces du Premier ministre, nous avons ouvert 30 000 places supplémentaires et augmenté les crédits de 150 millions d’euros dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative. Tout doit en effet être fait pour prévenir les risques de basculement de nos concitoyens dans la pauvreté.

Nous augmentons également de 23 millions d’euros le budget alloué aux entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap, en favorisant les passerelles vers les entreprises de droit commun. Je pense, monsieur le sénateur Philippe Mouiller, que cela répond bien à vos attentes.

Nous dotons l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » de 11 millions d’euros supplémentaires par rapport au budget exécuté en 2020, afin d’en financer la deuxième phase. Je remercie d’ailleurs Mme la rapporteure pour avis Frédérique Puissat, ainsi que les sénateurs de tous les groupes qui se sont investis sur la proposition de loi, désormais définitivement adoptée.

En outre, le service public de l’insertion et de l’emploi devrait se déployer dans trente territoires en 2021, puis dans trente-cinq autres en 2022. Nous avons proposé d’y consacrer 30 millions d’euros dès 2021 dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative. La mise en œuvre de cette expérimentation repose sur la pleine association des conseils départementaux.

Nous consentons, enfin, un effort substantiel de formation à tous les moments de la vie professionnelle.

Dans le cadre du budget socle, le plan d’investissement dans les compétences bénéficie d’un nouvel engagement de 3,3 milliards d’euros en 2021. Dans le cadre du plan de relance, nous investissons plus de 1,7 milliard d’euros, dont un milliard dès 2021, dans les formations aux métiers porteurs ou en tension, notamment 500 millions d’euros dès 2021 pour ouvrir 100 000 formations qualifiantes aux métiers d’avenir s’adressant aux jeunes.

En déplacement la semaine dernière à Lille, j’ai pu constater le vivier de compétences et de parcours possibles des métiers du soin, dont la crise sanitaire a rappelé l’importance.

Dans les prochaines semaines, cet effort supplémentaire dans la formation se matérialisera par la signature d’avenants aux pactes régionaux pluriannuels d’investissement dans les compétences, les conseils régionaux étant naturellement totalement parties prenantes de ce dispositif.

M. Jérôme Bascher. Absolument !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous engageons également près de 500 millions d’euros pour financer un vaste plan de digitalisation de l’offre de formation continue.

À ce stade de mon intervention, je voudrais répondre aux interrogations concernant l’équilibre des finances de France compétences.

D’abord, j’indique aux sénatrices Apourceau-Poly et Féret que, si nous avons des difficultés budgétaires au niveau de France compétences, c’est parce que notre politique de formation continue fonctionne bien. Ainsi, le nombre de contrats d’apprentissage a considérablement augmenté : la hausse a été de 16 % en 2019. Plus de 400 000 contrats d’apprentissage devraient ainsi être signés en 2020. C’est aussi parce que les Français sont en train de se saisir du compte personnel de formation et que la demande augmente.

Par ailleurs, nous ne renonçons évidemment pas à former les demandeurs d’emploi davantage que ce que nous faisions jusqu’ici.

Les tensions sur le budget de France compétences sont d’abord le signe que notre politique de formation professionnelle fonctionne bien. Évidemment, nous allons devoir apporter des réponses pour maîtriser la situation financière de France compétences et nous aurons l’occasion d’en débattre avec les partenaires sociaux qui sont, avec les régions, associés au conseil d’administration de l’agence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de cette mission pour 2021 présente de solides garanties d’efficacité.

Tout d’abord, les services déconcentrés du ministère du travail sont pleinement mobilisés pour faire connaître les outils de la relance aux entreprises. Désormais, la nouvelle plateforme « un jeune, une solution » permet de renforcer l’appropriation des aides par tous. Les entreprises peuvent y valoriser leurs engagements en faveur de l’emploi des jeunes ; quant aux jeunes, ils peuvent identifier et localiser les offres d’emploi disponibles près de chez eux.

Ensuite, les conditions d’exécution de ce budget seront souples.

Certes, le ministère contribue à l’effort de maîtrise des finances publiques, mais compte tenu de la hausse de la charge de travail liée à la crise, j’ai veillé à ce que des recrutements soient possibles en contrat à durée déterminée dans les services déconcentrés du ministère et à Pôle emploi.

Les conditions d’exécution seront également ajustées à la maille des territoires. Un comité régional de pilotage et de suivi du plan de relance est institué dans chacune des régions, sous la coprésidence du préfet de région et du président du conseil régional. Il comprend notamment des représentants des collectivités locales.

Les travaux de ces comités permettront d’apprécier les éventuels redéploiements à effectuer, au fur et à mesure de la réalisation des projets locaux, pour obtenir l’utilisation la plus efficace des crédits. À cette fin, les préfets de départements seront également consultés dans le cadre d’un comité départemental du plan de relance, comprenant notamment les présidents des établissements publics de coopération intercommunale. Évidemment, les parlementaires doivent être associés à ces instances de pilotage.

Comme vous le voyez, tous les niveaux de collectivités sont associés à l’exécution du plan de relance.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de multiplier les rencontres avec les présidents de région et l’association Régions de France. Ainsi, j’ai installé le comité emploi-formation État-régions le mois dernier aux côtés de Renaud Muselier, président de Régions de France : c’était une réunion très riche en propositions, notamment sur les modalités de mise en œuvre du plan « un jeune, une solution ».

Très prochainement, nous nous appuierons également sur les nombreuses initiatives portées par le bloc communal, afin d’illustrer de manière concrète les dispositifs du plan « un jeune, une solution » grâce à des territoires pilotes. Je suis à la disposition de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales pour venir présenter, dans quelques mois, les résultats concrets de ce plan et les synergies trouvées avec les collectivités.

Déjà, des signaux positifs de mobilisation nous remontent du terrain. Sur les trois mois de fonctionnement de l’aide à l’embauche des jeunes, les recrutements sont stables : on comptabilise près d’un million de jeunes embauchés en CDD de plus de trois mois ou en CDI.

Les primes à l’embauche des jeunes montent également en charge, avec plus de 150 000 demandes. Il est important de signaler que près de 70 % d’entre elles concernent des CDI.

Les perspectives en matière d’apprentissage sont très positives, puisque 172 000 demandes de primes avaient été enregistrées le 20 novembre dernier. Je le redis, nous allons dépasser en 2020 le nombre, historiquement élevé, de contrats signés en 2019. Je voudrais rassurer Mme le rapporteur pour avis à ce sujet : l’apprentissage ne sera en aucun cas la variable d’ajustement du budget de France compétences. Le Gouvernement est déterminé à mettre les moyens nécessaires sur la table.

Pour amplifier ces résultats, je m’assurerai que les secteurs bénéficiaires du plan France Relance s’engagent pour l’emploi, notamment à travers la mise en place de clauses dans les marchés publics en faveur de l’apprentissage et de l’insertion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la crise a rendu ce budget plus que jamais nécessaire.

Face aux défis qui sont devant nous, nous devons être collectivement au rendez-vous de l’augmentation des moyens consacrés à la formation et à l’inclusion de tous dans l’emploi, qui constituent la priorité absolue du Gouvernement.

Il nous faut tous porter un message d’optimisme et de confiance. Je pense que nous pouvons avoir confiance dans la capacité de rebond de notre économie. Je rappelle que celle-ci a rebondi de plus de 18 % – 18,7 % précisément – au troisième trimestre, au cours duquel nous avons enregistré 340 000 créations nettes d’emplois.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons tous les outils nécessaires pour défendre nos emplois et accompagner la reconversion des salariés. Vous pouvez compter sur ma mobilisation, celle de mes équipes et de mes services, pour relever avec détermination les défis qui sont devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

Travail et emploi
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 73 - Amendement n° II-1082 rectifié ter

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Travail et emploi

14 140 439 255

13 380 932 703

Accès et retour à l’emploi

6 647 200 000

6 562 800 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

6 709 856 148

6 100 728 074

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

149 152 815

88 710 549

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

634 230 292

628 694 080

Dont titre 2

558 636 812

558 636 812

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1354 rectifié, présenté par Mmes Féret et Lubin, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

621 270 000

621 270 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

621 270 000

621 270 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

TOTAL

621 270 000

621 270 000

621 270 000

621 270 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à relever à deux ans la durée du bénéfice de la garantie jeunes.

Pour rappel, la garantie jeunes est une spécificité du parcours contractualisé d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (Pacea), base de l’accompagnement des jeunes par les missions locales. Elle repose sur des objectifs et une évaluation et peut comporter des périodes de formation, des mises en situation en milieu professionnel et un accompagnement social et professionnel.

Elle peut enfin aboutir à un contrat d’engagements. Ce contrat est conclu pour une durée d’un an et peut être prolongé de six mois au maximum.

Pour tenir compte des effets durables de la crise sur le marché du travail et l’emploi des jeunes, notre groupe propose de fixer la durée maximale de ce contrat à deux ans, ce qui permettrait aux jeunes d’être mieux accompagnés dans le retour à l’emploi.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1351 rectifié, présenté par Mmes Féret et Lubin, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

357 500 000

357 500 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

357 500 000

357 500 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

TOTAL

357 500 000

357 500 000

357 500 000

357 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à augmenter de 357,5 millions d’euros les crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public, afin que le montant de cette subvention en 2021 compense les baisses subies depuis 2018.

Nous demandons un effort et un engagement de la part du Gouvernement, même si nous avons bien conscience qu’une dotation exceptionnelle de 250 millions d’euros sera versée à Pôle emploi au titre du plan de relance en 2021. Cette dotation, comme son nom l’indique, est en effet exceptionnelle et ne sera pas reconduite en 2022.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1353, présenté par Mmes Féret et Lubin, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

86 000 000

86 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

86 000 000

86 000 000

TOTAL

86 000 000

86 000 000

86 000 000

86 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent. Nous demandons au Gouvernement d’accroître de 86 millions d’euros les crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public. Ainsi, le montant de cette subvention atteindrait en 2021 le montant versé en 2020.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1420, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Salmon, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

86 000 000

86 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

86 000 000

86 000 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

TOTAL

86 000 000

86 000 000

86 000 000

86 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous faisons face à une crise économique et sociale d’ampleur, qui s’inscrira dans la durée. Selon la Banque de France, en effet, 800 000 emplois devraient être détruits cette année et le chômage devrait atteindre 11 % de la population active au premier semestre de l’année prochaine.

Mais la crise sociale ne se réduit pas à cet aspect quantitatif. Pôle emploi va faire face à une situation détériorée de l’emploi, qui allie augmentation des inscriptions en catégorie A et baisse des créations d’emploi, selon un effet ciseaux durable.

Certes, le plan de relance apporte des moyens supplémentaires, mais la logique ne peut pas être uniquement quantitative : l’accompagnement doit être renforcé pour tenir compte aussi de l’altération de la santé et de la dégradation des conditions de vie et de la cohésion sociale, qui vont complexifier le retour à l’emploi.

Le plan de relance prévoit certes d’allouer une dotation exceptionnelle de 250 millions d’euros à Pôle emploi en 2021, mais celle-ci ne sera pas reconduite en 2022. Depuis le début du quinquennat, les moyens accordés à l’établissement public chargé de l’emploi en France ne cessent de baisser : 357 millions d’euros en moins depuis trois ans, si l’on ne compte que la subvention pour charges de service public. C’est cette trajectoire qui ne peut être maintenue, comme si la crise se résumait à un nombre !

La démarche du Gouvernement consiste à soutenir ponctuellement la politique de l’emploi via le plan de relance et – en même temps – à baisser les crédits du ministère chargé du travail. Autrement dit, il s’agit d’un aveu d’abandon de Pôle emploi à l’horizon 2022.

C’est pourquoi nous proposons de relever – très modestement – de 86 millions d’euros les crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public, afin que le montant de cette subvention en 2021 atteigne celui de 2020.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1352 rectifié, présenté par Mmes Féret et Lubin, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

70 000 000

70 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

70 000 000

70 000 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

TOTAL

70 000 000

70 000 000

70 000 000

70 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à financer la création de 10 000 emplois de relance « boost », qui seraient une variante des parcours emplois compétences (PEC) : également réservés aux jeunes, ils auraient une dimension sociale et écologique.

Les 60 000 PEC supplémentaires prévus dans le plan de relance et destinés aux jeunes peu ou pas qualifiés sont une bonne mesure. Pour autant, ils ne suffiront pas à répondre au nécessaire développement des activités et des emplois dans les secteurs à forte utilité sociale ou environnementale.

C’est pourquoi nous proposons d’aller plus loin : les emplois « boost » seraient concentrés sur des activités renforçant le lien social. L’État financerait ainsi un fonds d’amorçage dégressif sur trois ans ; les emplois proposés seraient prioritairement ciblés sur les entreprises à but non lucratif ou dont le but lucratif est limité, en échange d’un engagement de leur part en termes de localisation de l’emploi et de développement d’activités ayant un impact social et écologique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. L’amendement n° II-1354 rectifié vise à prolonger la garantie jeunes jusqu’à deux ans pour un coût de 621 millions d’euros.

Je le rappelle, la garantie jeunes est un dispositif du Pacea, qui présente un double intérêt : une indemnité mensuelle et surtout un accompagnement par les missions locales. Ce dispositif fonctionne bien : 150 000 entrées sont prévues cette année pour un coût de plus de 500 millions d’euros.

Vous venez de nous annoncer, madame la ministre, qu’il y en aurait 50 000 supplémentaires, si j’ai bien compris. (Mme la ministre acquiesce.) C’est l’occasion pour moi de vous demander combien coûtera cette mesure et via quel véhicule législatif vous envisagez de l’introduire. À ce stade, notre commission n’a en effet aucune information à ce propos. J’en déduis que cette disposition sera vraisemblablement inscrite dans le texte par voie d’amendement en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. (Mme la ministre acquiesce de nouveau.)

M. Jérôme Bascher. C’est insincère !

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Évidemment, pour nous, cette façon de faire n’est pas très agréable et nous aurions préféré pouvoir en discuter au Sénat.

Toujours est-il que, si l’on ajoute ces 50 000 places aux 150 000 places supplémentaires déjà prévues, on obtient 200 000 garanties jeunes au total.

Il me semble que cet effort est suffisant, d’autant que le coût de la mesure tel que prévu dans l’amendement serait, je le répète, de 621 millions d’euros et que l’on a déjà la possibilité aujourd’hui d’étendre le dispositif d’un an à dix-huit mois : les 621 millions d’euros n’auraient donc d’autre objet que de financer la prolongation de la garantie jeunes de six mois éventuels.

J’ajoute que la garantie jeunes n’est pas un revenu minimum et ne s’inscrit pas dans une logique de minimum social – il ne faut pas confondre.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Les amendements nos II–1351 rectifié et II-1353 visent, quant à eux, à augmenter la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi en 2021, respectivement de 357,5 millions d’euros et de 86 millions – il s’agit donc d’un amendement de repli.

La commission est défavorable à ces amendements, pour la raison très simple qu’ils me semblent satisfaits. En effet, 320 millions d’euros sont déjà alloués à Pôle emploi dans le plan de relance, montant qui couvre presque intégralement les 357,5 millions d’euros prévus dans l’amendement n° II-1351 rectifié et largement les 87 millions d’euros de l’amendement n° II-1353.

J’oppose à l’amendement n° II-1420 le même argumentaire : avis défavorable.

Enfin, la commission des finances est également défavorable à l’amendement n° II-1352 rectifié, qui vise à créer 10 000 emplois « boost », autrement dit 10 000 nouveaux contrats aidés.

Tout d’abord, je rappelle que 2 milliards d’euros sont déjà consacrés aux contrats aidés au titre de la mission « Travail et emploi » et du plan de relance. Ensuite, ces emplois « boost » viseraient exclusivement un secteur, celui des entreprises solidaires. Or il ne nous semble pas que la vocation des contrats aidés soit d’aider un secteur en particulier, mais plutôt des publics ciblés, particulièrement les jeunes et les publics prioritaires ayant perdu leur emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces cinq amendements.

S’agissant de l’amendement n° II-1354 rectifié, je comprends la préoccupation de vouloir accompagner au mieux les jeunes, mais comme vient de le dire le rapporteur spécial, je crois que nous mettons déjà les moyens. (M. Jérôme Bascher sexclame.)

En 2021, nous prévoyons l’équivalent de 200 000 garanties jeunes. Je dis « équivalent », parce que nous estimons qu’il faut gérer la durée de l’engagement avec souplesse : certains jeunes ont peut-être besoin de moins d’un an, quand d’autres ont besoin de dix-huit mois, voire davantage.

Il est important d’avoir en tête que l’objectif n’est pas de maintenir les jeunes dans le dispositif : la garantie jeunes doit déboucher sur un emploi, en passant le cas échéant par un parcours de formation ou l’apprentissage.

Si votre assemblée adopte l’amendement n° II–1304 rectifié que nous examinerons tout à l’heure, le jeune pourra aussi bénéficier d’une rémunération, quand il est en prépa apprentissage. Je le répète, l’objectif n’est pas de laisser les jeunes rester deux ans dans le dispositif : ils pourront y rester le temps qu’il faut, le temps dont ils ont besoin, mais il faut les orienter vers des parcours débouchant sur un emploi.

Nous mobilisons largement ce dispositif et je vous confirme, monsieur le rapporteur spécial, que l’amendement visant à créer l’équivalent de 50 000 entrées en garantie jeunes sera déposé en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Nous sommes encore en train de chiffrer précisément les crédits à engager, qui devraient s’élever à environ 280 millions d’euros. Compte tenu de la souplesse que je viens de mentionner, il convient de les évaluer avec le plus de justesse possible.

S’agissant des amendements nos II-1351 rectifié, II-1353 et II-1420, je voudrais vous rassurer : les moyens de Pôle emploi, tels qu’ils sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2021, résultent des échanges que nous avons eus avec les responsables de l’établissement sur les besoins qu’ils estiment nécessaires pour accompagner les demandeurs d’emploi et mettre en œuvre l’accompagnement intensif des jeunes, qui est évidemment un enjeu très important.

C’est la raison pour laquelle nous avons prévu 250 millions d’euros pour financer le recrutement de 1 500 équivalents temps plein dès le mois de septembre, et 69 millions d’euros pour recruter 1 300 équivalents temps plein chargés de l’accompagnement intensif des jeunes.

Nous sommes convenus avec Pôle emploi qu’il y aurait des clauses de revoyure au cours de l’année 2021 en fonction de l’évolution de la situation de l’emploi. On pourra, le cas échéant, compléter les effectifs en gestion, si cela se révélait nécessaire.

En ce qui concerne l’amendement n° II-1352 rectifié, nous avons voulu nous appuyer sur des dispositifs qui ont fait leurs preuves. Nous avons par exemple mis en place les parcours emplois compétences – ce que vous proposez, madame la sénatrice, en est une variante –, et ce de manière significative, puisque 130 000 PEC sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2021. Il faut aussi mentionner le dispositif du service civique.

Pour le coup, je suis vraiment convaincue que ces emplois aidés doivent être au service de l’insertion des jeunes. Il ne s’agit pas de moyens destinés à soutenir un secteur ou des associations, mais des outils au service de l’insertion des jeunes dans l’emploi.

C’est aussi pourquoi nous ne souhaitons pas augmenter exagérément le nombre d’emplois aidés : nous voulons nous assurer que les jeunes recrutés dans le cadre de ces emplois seront bien accompagnés vers un emploi durable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je ne peux pas voter ces amendements, parce que, comme je l’ai déjà dit, tout ce débat est fictif.

En revanche, je me suis trompé, madame la ministre, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser (Exclamations amusées sur diverses travées, ainsi quau banc des commissions.) Je vous ai dit que ce budget serait modifié dans un prochain projet de loi de finances rectificative. Excusez-moi ! En fait, ce sera la semaine prochaine lors de l’examen du texte en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale…

C’est pire que tout en termes de méthode ! Vous venez de faire une annonce, en parlant de 280 millions d’euros de crédits supplémentaires. Il aurait fallu déposer un amendement ici et maintenant, madame la ministre, pour qu’on puisse en discuter pendant que nous examinons cette mission.

Si votre budget n’était modifié que de 280 millions d’euros, madame la ministre, cela irait, mais vous le savez comme moi : il le sera de plusieurs milliards ! Toutes les discussions que nous avons pour gager nos amendements et tous nos efforts pour trouver 10, 20 ou 30 millions seront balayés dès la semaine prochaine : c’est se moquer un peu du Parlement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est favorable aux amendements présentés par nos collègues. Mais il y a un problème fondamental : même s’ils vont dans le bon sens, en fait, ils déshabillent Pierre pour habiller Paul, pour parler familièrement.

En réalité, le véritable problème concerne la première partie du projet de loi de finances : les recettes sont nettement insuffisantes ! Notre groupe n’a pas souhaité jouer à ce « chamboule-tout » et nous allons nous abstenir sur ces amendements.

Nous attirons de nouveau l’attention de Mme la ministre, et du Gouvernement d’une manière générale, sur le fait que ces enveloppes contraintes ne laissent aucune latitude aux parlementaires que nous sommes pour proposer la politique qu’il serait nécessaire de mener, notamment dans cette situation de crise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.

Mme Agnès Canayer. Je ne voterai pas ces amendements, mais je voudrais revenir sur la question de la garantie jeunes. Il s’agit d’un bon dispositif, puisqu’il allie une allocation et un accompagnement renforcé par les missions locales, dans une forme de donnant-donnant.

De mon point de vue, l’enjeu n’est pas l’allongement de la durée de ce dispositif, mais la qualité de l’accompagnement. Madame la ministre, vous avez annoncé la création de 50 000 entrées en garanties jeunes, sauf que les missions locales sont aujourd’hui très inquiètes quant au financement d’ensemble.

Dans le cadre du plan de relance, le financement de la garantie jeunes prévoit 940 euros pour chaque jeune accompagné par une mission locale, alors que ce coût s’élève à 1 600 euros par jeune dans le programme 103. C’est la raison pour laquelle le président de la commission des finances Claude Raynal et moi-même avons fait adopter un amendement tendant à augmenter les fonds alloués à ce dispositif dans le plan de relance.

J’espère bien que cette disposition sera votée par l’Assemblée nationale et que les missions locales auront véritablement les moyens d’assurer un accompagnement correct. Il faut éviter que la hausse du nombre d’entrées dans le dispositif se fasse au détriment de la qualité de l’accompagnement.

Vous allez me répondre qu’il s’agit d’un budget global, mais le dispositif implique tout de même que l’on prévoit une enveloppe budgétaire par jeune. Or, l’augmentation du nombre de jeunes ne réduit pas les coûts de l’accompagnement.

Aujourd’hui, le vrai sujet est avant tout celui des critères d’éligibilité à la garantie jeunes, dans la mesure où un certain nombre de jeunes n’y ont pas droit, notamment ceux qui sont rattachés administrativement au foyer fiscal de leurs parents ou ceux qui ont une faible activité et qui ne sont plus considérés comme NEET – Neither in Employment nor in Education or Training –, alors que leur emploi très précaire ne leur permet pas de sortir de cette précarité.

L’autre sujet est celui des sorties positives : aujourd’hui, pour les jeunes, l’accès à certaines formations qualifiantes n’est pas considéré comme une sortie positive selon les critères de la garantie jeunes. Cette décision n’est pas pertinente, si on veut valoriser ces jeunes et les inscrire dans un parcours de longue haleine.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1354 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1351 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1353.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1420.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1352 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-1355, présenté par Mmes Lubin et Féret, MM. Kanner et Jeansannetas, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Création d’urgence d’un revenu de remplacement pour les bénéficiaires de CDD d’usage

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

500 000 000

500 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Dont titre 2

Création d’urgence d’un revenu de remplacement pour les bénéficiaires de CDD d’usage

500 000 000

500 000 000

TOTAL

500 000 000

500 000 000

500 000 000

500 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Au travers de cet amendement, déposé sur l’initiative de notre collègue Monique Lubin, et qui bénéficie du soutien de l’ensemble de notre groupe, je souhaite revenir sur la situation des saisonniers, des extras et des bénéficiaires de CCD d’usage.

Je rappelle que, en 2014, près de 1,2 million de salariés étaient en CDD d’usage, soit 126 000 équivalents temps plein.

En temps normal, 17 % des salariés en contrats courts vivent sous le seuil de pauvreté. Avec la crise sanitaire et économique, ce pourcentage est bien plus élevé : en effet, ces personnes sont appelées en renfort pour des événements sportifs, des salons professionnels, des mariages, des réceptions de toutes sortes, autant d’activités qui ont fortement diminué, voire totalement cessé, depuis plusieurs mois.

Parmi eux, on trouve de nombreux jeunes, qui sont également très concernés par les CDD d’usage. Ces jeunes sont les premières victimes collatérales de la crise.

Alors que le Président de la République semblait avoir pris en compte la situation de ces travailleurs, nous considérons, comme je l’ai indiqué précédemment, que les mesures mises en place sont nettement insuffisantes face à l’accentuation de leurs difficultés, sachant que ces secteurs demeureront encore fragilisés pendant de nombreux mois, bien au-delà du mois de février.

Ces salariés aux statuts particuliers n’ont pas été pris en considération depuis le début de la crise, voilà neuf mois, et sont, pour une large partie d’entre eux, je dois le dire, choqués de devoir répondre à des conditions telles que la nécessité d’avoir travaillé au moins 60 % du temps au cours de l’année 2019 pour pouvoir bénéficier de la prime annoncée.

Le montant et la durée de cette aide sont également tout à fait insuffisants. Ces travailleurs ont besoin d’un soutien sur le long terme.

Afin de jeter les bases d’une solution durable pour eux, le présent amendement a pour objet de prévoir, par le biais d’un nouveau programme, la création d’un revenu de remplacement au profit des bénéficiaires de CDD d’usage, qui serait financé par l’État à hauteur de 500 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. La commission demande le retrait de cet amendement.

Nous sommes nombreux à être préoccupés de la situation des salariés en contrat à durée déterminée d’usage, qui n’ont pas pu bénéficier de l’activité partielle ni, pour bon nombre d’entre eux, de la prolongation des droits au titre de l’assurance chômage.

Néanmoins, le Gouvernement a annoncé – Mme la ministre nous en dira certainement davantage – le versement d’un revenu minimum de 900 euros durant quatre mois pour 400 000 personnes, et pour une enveloppe globale de 1,3 milliard d’euros. Il sera peut-être nécessaire, en fonction de la situation, de prolonger le dispositif.

L’examen de cet amendement offre l’occasion au Gouvernement de nous apporter des précisions quant à la mise en œuvre et au financement de cette aide.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. J’entends moi aussi ces préoccupations. Certaines personnes travaillent en temps normal sous contrats saisonniers ou enchaînent des CDD courts : or, du fait de la crise, la saison a été raccourcie, voire carrément annulée, si bien qu’elles ont souvent été dans l’incapacité de recharger leurs droits.

C’est pour répondre à ces situations que le dispositif annoncé la semaine dernière a été proposé.

J’entends les objections de certains, qui considèrent que le montant de 900 euros est très insuffisant. Chacun doit avoir en tête que l’allocation médiane versée par Pôle Emploi est de 1 000 euros – c’est ce que perçoivent certains anciens salariés qui ont travaillé et cotisé très longtemps et en continu. Se poserait donc un problème d’équité, si l’on devait attribuer aux travailleurs dont nous parlons une allocation, une garantie de revenus, qui finirait par être égale, éventuellement supérieure, à celle que touchent des demandeurs d’emploi ayant travaillé et cotisé longtemps et en continu.

D’autres considèrent que le seuil de 60 % est trop exigeant. De ce point de vue, je m’interroge sur le modèle qui permettrait à des personnes d’atteindre un niveau de vie satisfaisant, en travaillant moins de la moitié du temps ! Pardonnez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, mais quelque chose doit m’échapper… Si je suis prête à regarder les situations individuelles, il m’a semblé qu’il fallait accompagner les personnes qui sont habituellement dans un rythme d’alternance entre chômage et travail à un niveau qui permet de vivre, d’où ce seuil de 60 %.

Évidemment, nous serons attentifs à l’évolution de la situation économique, afin d’envisager, le cas échéant, le maintien de ce revenu minimum. Cela étant, les conditions d’attribution ainsi que son niveau me semblent appropriés.

Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement n° II-1355.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. Sur cet amendement concernant les CDD d’usage, extras et saisonniers, j’irai dans le sens de la commission des finances.

Mais, madame la ministre, c’est une occasion trop belle, pour l’élu de l’Isère que je suis, de vous rappeler que la solution pour résoudre ce problème, c’est de faire confiance aux professionnels, notamment à ceux de la montagne. Voilà un certain temps que les maires travaillent sur les conditions sanitaires et la vraie solution, c’est l’ouverture des stations !

J’en profite donc pour vous faire passer le message : une clause de revoyure a été fixée au 15 décembre ; nous comptons vraiment sur vous. La mobilisation est totale dans les stations, et ailleurs, pour que les saisonniers puissent travailler cet hiver ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

Mme Laure Darcos. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Effectivement, la meilleure des solutions reste de proposer du travail à ces jeunes…

Je voudrais pour ma part faire une observation : c’est bien de verser une prime de 900 euros, mais cela pose tout de même quelques problèmes. Non seulement les personnes qui la percevront ne rechargeront pas nécessairement leurs droits au chômage, mais, en plus, elles ne cotiseront pas à l’assurance maladie, ce qui pose évidemment la question du déficit de la sécurité sociale.

En outre, elles n’auront pas cotisé pour leur retraite, puisque les trimestres ne seront sans doute pas comptabilisés – je vous rappelle que nous restons dans un système en annuités et que nous ne sommes pas près de passer à un système par points, si j’ai bien compris les propos du Président de la République. De ce fait, ces personnes n’auront pas suffisamment cotisé au moment de leur départ en retraite pour pouvoir bénéficier du taux plein.

C’est donc la double peine ! C’est pourquoi il faut bien réfléchir, quand on octroie une prime : elles ont des répercussions indirectes, à la fois pour les bénéficiaires et pour notre modèle social.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Je suis élu, non pas de la montagne, mais du plat pays… Pour autant, cet amendement me semble avoir le mérite de poser une vraie question.

Nous évoquions précédemment les variables d’ajustement, les publics durement touchés par la crise sanitaire. Les intermittents de la restauration, comme on les appelle, les saisonniers, les extras – ils vivent bien parfois, d’ailleurs, en cumulant les contrats –, sont particulièrement impactés par cette crise, certes de manière diverse. À l’instar de certains de mes collègues, je trouve donc que cette aide de 900 euros, si elle a le mérite d’exister, représente une forme de nivellement par le bas.

Sur la question des stations de ski et des remontées mécaniques, permettez-moi de le dire franchement, madame la ministre, la décision qui a été prise est totalement incompréhensible ! On peut quand même faire confiance aux Français pour respecter les gestes barrières, et je ne vois pas bien la différence entre le métro et les remontées mécaniques. J’ai surtout l’impression que le Président de la République et le Premier ministre ont voulu faire un effet d’annonce, ce qui a abouti à cette décision assez brutale, et que le Gouvernement peine désormais à trouver la marche arrière… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je voudrais revenir sur vos propos relatifs à l’allocation médiane de 1 000 euros versée par Pôle emploi : selon vous, il ne faut pas attribuer une prime de même niveau aux travailleurs dont nous parlons ici. Je voudrais quand même vous faire remarquer que 1 000 euros, c’est le seuil de pauvreté. Il y a donc plutôt un problème de niveau pour le revenu de remplacement contributif !

J’en parle, parce que certaines remarques ont été faites sur les primes – et je suis assez d’accord avec ce qui a été dit. Ainsi, la prime d’activité pour les bas salaires, qui est venue compenser, comme on a déjà eu l’occasion de le souligner, une politique de déflation salariale en France, n’entre pas dans le calcul des droits pour les salariés qui en bénéficiaient et qui se retrouvent au chômage. Les 1 000 euros médians de revenu de remplacement contributif risquent donc de baisser encore !

Il faut vraiment cesser de combler les trous par des primes qui, ensuite, ne sont pas prises en compte dans le calcul des prestations de sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Je partage la position exprimée par Mme le rapporteur pour avis, mais je ne vais pas relancer le débat sur la montagne, car cela nous ferait largement dépasser le temps imparti à cette discussion…

Je ne reviens pas non plus sur l’avis de la commission des finances, exposé par Sophie Taillé-Polian. Simplement, madame la ministre, vous n’avez pas répondu à la question de savoir quel sera le coût de cette prime de 900 euros et combien de personnes sont visées.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Près de 400 000 personnes devraient bénéficier de cette mesure, dont le coût devrait avoisiner 440 millions d’euros. Mais nous sommes en train d’affiner le chiffrage.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1355.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-185, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Contrôle de l’activité partielle

II. En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

 

 

 

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

 

 

 

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

20 000 000

 

20 000 000

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

Contrôle de l’activité partielle

20 000 000

 

20 000 000

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile d’avoir raison trop tôt !

À l’occasion de l’examen du PLFR 3, j’avais déposé plusieurs amendements visant à contrôler l’indemnisation du chômage partiel. Il me semblait en effet que les modalités retenues pour établir une demande et bénéficier de cette indemnisation allaient laisser la porte béante aux entreprises voyous, celles qui s’empresseraient de tricher.

Depuis ce matin, nous constatons à quel point les besoins sont importants pour les travailleurs, les salariés, les jeunes en apprentissage, etc. Or c’est ce budget, madame la ministre, cet argent, qui part dans la poche des fraudeurs !

Au moment de l’examen de mon amendement n° 535 rectifié à l’article 17 decies du PLFR 3, amendement visant à ce que les demandes de versement d’indemnisation au titre de la mise en activité partielle de salariés s’accompagnent de la liste nominative de ces salariés, votre collègue Agnès Pannier-Runacher m’avait expliqué que pas un centime ne serait versé sans justificatif.

En tout cas, la gérante d’un institut de beauté de Seine-Saint-Denis a détourné 210 000 euros, en déclarant cinquante employés, alors qu’elle n’en avait qu’un ! (Exclamations sur différentes travées.) L’information a été publiée dans Capital. Elle s’est fait refaire les seins – tant mieux pour elle ! – (Rires.) et elle s’est acheté une voiture, grâce à l’argent du chômage partiel.

Je vous le dis, madame la ministre, parce que vous allez m’expliquer que tout est sous contrôle… Mais ce n’est peut-être pas complètement le cas finalement ! Personnellement, je n’ai rien contre la chirurgie esthétique, mais pas aux frais du contribuable ! (Nouveaux rires.) Et pas dans une période de crise, où les gens ont besoin de cet argent.

Il faut tout de même prendre en compte, à un moment donné, le fait qu’il existe des entreprises voyous et qu’un fraudeur satisfait est un fraudeur qui recommence ! Les équipes qui étaient déjà à l’œuvre dans l’affaire des quotas de carbone ont immédiatement vu cette brèche dans le dispositif du chômage partiel, dont les vannes étaient largement ouvertes.

On comprend qu’il ait fallu faire vite dans les trois premiers mois, madame la ministre, mais ce dispositif étant appelé à perdurer, le présent amendement vise à augmenter les crédits destinés à contrôler la fraude au chômage partiel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. La commission sollicite l’avis du Gouvernement. Partageant la préoccupation exprimée par Mme Goulet, nous souhaiterions profiter de l’examen de cet amendement pour savoir quelles sont les actions engagées en matière de lutte contre la fraude. Du début de la crise – période où l’attribution du chômage partiel était quasiment automatique – jusqu’à maintenant, il semblerait tout de même que certaines entreprises aient profité de la situation et aient largement fraudé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons effectivement fait le choix, au début de la crise, d’instruire très rapidement les demandes d’activité partielle. En la matière, il faut trouver le bon équilibre : on pouvait s’attendre à ce que certains cherchent à frauder, mais, dans le même temps, les entreprises avaient un besoin de trésorerie immédiat.

À cette période, les demandes étaient instruites en 48 heures, ce qui laisse peu de temps pour effectuer des contrôles a priori. Mais vous aurez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous sommes passés, désormais, à un délai d’instruction de 15 jours. Cela présente l’avantage de laisser plus de temps aux services pour réaliser des contrôles, mais également l’inconvénient d’un versement plus tardif de l’aide aux entreprises ayant fait une demande d’indemnisation au titre de l’activité partielle.

Je veux également vous rassurer quant au nombre très important de contrôles effectués. Nous en sommes à près de 400 000 contrôles a priori et de l’ordre de 60 000 contrôles a posteriori, pour plus de 10 000 suspicions de fraude ou d’escroquerie.

Je suis intéressée par le cas que vous avez mentionné, madame Goulet. La plupart des fraudes qui sont décelées concernent, non pas des entreprises, mais des fraudeurs professionnels. Ce sont les mêmes qui, à d’autres époques, ont pu faire des fraudes aux certificats d’économie d’énergie, C2E, ou aux panneaux photovoltaïques. Nous sommes aujourd’hui bien organisés pour bloquer les demandes formulées par ces fraudeurs.

Nous avons beaucoup travaillé avec Olivier Dussopt et les services du ministère des finances, notamment Tracfin qui est très mobilisé en amont. Par ailleurs, dans le cadre du présent PLF, il est prévu de permettre à l’Agence de services et de paiement, l’ASP, d’accéder au fichier national des comptes bancaires et assimilés, le Ficoba, là encore pour mieux contrôler le dispositif.

Je vous redonne les chiffres : 400 000 contrôles a priori, plus de 10 000 suspicions de fraude ayant conduit à bloquer le versement des sommes, de l’ordre de 60 000 contrôles a posteriori et 700 procédures pénales engagées.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Merci de vos explications, madame la ministre. Néanmoins, nous sommes dans une situation inédite, avec des dossiers à traiter d’une nature nouvelle, et je ne comprends pas comment les services pourraient faire face, à moyens constants, à ce surcroît de travail – qui plus est, ce n’est pas une mince affaire ! L’amendement de ma collègue Nathalie Goulet est donc d’une parfaite logique.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Il me semble que nous avons reçu des explications de la part du Gouvernement. Il me semble également que l’amendement n’est pas très efficient d’un point de vue technique, les crédits n’étant pas véritablement fléchés vers le contrôle de la fraude. Par conséquent, si je partage l’objectif, je ne suis pas convaincu de l’efficience du mécanisme. Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Les crédits sont parfaitement fléchés : on les prélève sur le programme 11, à l’action n° 03, Dialogue social et démocratie sociale – une action qui est par ailleurs intéressante –, et on alimente un nouveau programme intitulé « Contrôle de l’activité partielle ». Je maintiens donc l’amendement ; le Sénat prendra ses responsabilités et nous ferons les comptes à la fin de cette crise, qui, je l’espère, arrivera rapidement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. Il aurait été préférable, à mes yeux, que ces crédits soient fléchés sur les moyens en personnel du ministère du travail, car ce sont ses agents qui interviennent, que ce soit pour des contrôles a priori ou pour mener des enquêtes – ce sont alors les inspecteurs du travail qui sont mobilisés.

Je voterai cet amendement à titre personnel – ce n’est pas la position de la commission –, mais, j’y insiste, on aurait pu opter pour une rédaction différente.

Plusieurs amendements que nous examinerons ultérieurement tendent à renforcer les ressources humaines, dont les crédits baissent, on l’a dit, même si des vacataires sont recrutés. Je peux vous proposer, madame Goulet, de réfléchir à ces amendements, sur lesquels, par ailleurs, je ne m’exprimerai pas.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-185.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-1419, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et M. Salmon, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

20 000 000

 

20 000 000

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

20 000 000

 

20 000 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Sans revenir sur la nécessité de mobiliser tous les outils de la politique de l’emploi dans le contexte actuel, je voudrais insister, plus particulièrement, sur le parcours emploi compétences (PEC).

La crise et la dégradation économique affectent la trésorerie de nombreuses associations, alors que leur activité, pour celles qui œuvrent dans le champ de la solidarité et de l’accompagnement des personnes fragiles, est démultipliée. L’état de leur trésorerie ne leur permettra peut-être pas de s’approprier rapidement l’outil du parcours emploi compétences, d’où notre proposition d’améliorer le taux de prise en charge durant cette période critique, en le portant de 50 % à 80 %.

Je rejoins Mme la ministre, le soutien exceptionnel qui doit être apporté à ces acteurs ressort d’autres missions, mais ce n’est pas l’objet du présent amendement. Nous cherchons ici à leur permettre de mobiliser l’outil du PEC, afin que celui-ci soit opérationnel, et de procéder très vite, malgré leur trésorerie dégradée, à des recrutements.

D’ailleurs, ces contrats pourront s’avérer utiles sur le moyen terme, et pas seulement à très court terme, ce qui permettra très certainement de trouver la voie de leur pérennisation.

L’effet attendu est le même que celui que le Gouvernement escompte, en retenant un taux de prise en charge à 80 % pour les jeunes, les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou des zones de revitalisation rurale. Il sera par ailleurs nécessaire de renforcer d’autres mesures systémiques, afin de lever l’ensemble des freins au retour dans l’emploi de ces derniers publics.

Nous cherchons aussi à ne pas aggraver la mise en concurrence des chômeurs et des précaires par une distinction de prise en charge sur la base de l’âge au moment de l’embauche. Nous sommes convaincus qu’un taux de prise en charge accru bénéficiera à l’emploi de l’ensemble des profils, aussi divers soient-ils.

Nous proposons donc de porter le taux de prise en charge des personnes en PEC à 80 % pour l’ensemble des publics, dans une logique d’inclusion dans l’emploi et de soutien au secteur non marchand.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, et ce pour trois raisons. Premièrement, une enveloppe de 2 milliards d’euros est déjà mobilisée en faveur des contrats aidés. Deuxièmement, le relèvement à 80 % du taux de prise en charge pour tous les publics priverait le dispositif de son caractère incitatif à l’emploi des jeunes, le public ciblé. Troisièmement – et là, c’est une question de constance –, la commission des finances s’est déjà prononcée contre le même amendement en PLFR 4.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je ne partage pas votre approche, madame Poncet Monge : les parcours emploi compétences ne sont pas un dispositif de soutien à la trésorerie des associations.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il ne s’agit pas de cela !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Certes, le soutien aux associations est essentiel, et je rappelle que nous avons ajouté 100 millions d’euros au budget pour soutenir les associations qui accompagnent les personnes en difficulté. Mais le parcours emploi compétences vise l’accompagnement vers l’emploi de ces publics, notamment les jeunes, mais pas uniquement.

Il est parfaitement légitime, et même nécessaire, que le taux de subvention soit adapté aux difficultés des personnes accompagnées et des territoires. C’est pourquoi nous avons retenu un taux de 60 % en outre-mer, de 65 % pour les jeunes et de 80 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones de revitalisation rurale.

Je suis opposée au principe d’un taux unique sur les contrats, qui ignorerait les difficultés des territoires ou celles des personnes accompagnées.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1419.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-1417, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

 

 

 

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

10 837 103

 

10 837 103

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

10 837 103

 

10 837 103

 

TOTAL

10 837 103

10 837 103

10 837 103

10 837 103

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. La crise sanitaire s’est accompagnée, en entreprise, de changements rapides et massifs dans l’organisation et les conditions de travail : déploiement accéléré du télétravail, recours très important à l’activité partielle et mise en place de protocoles sanitaires contraignants. Ces évolutions sont contraintes par des règles, qu’il s’agit de faire connaître et respecter.

Pour le télétravail, d’abord, les règles actuelles sont pour l’essentiel régies par l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2005. Mais vous avez récemment annoncé, madame la ministre, l’ouverture à la signature d’un texte visant à compléter et clarifier les règles applicables au télétravail, en temps de crise comme en situation normale. Ce texte devra faire l’objet d’un accord interprofessionnel se substituant au précédent – c’est le cadre normatif qui s’applique à toutes les entreprises, en vertu du respect de notre hiérarchie des normes. Il appartiendra alors à l’État d’en garantir le respect par ses missions de conseil et de contrôle.

Parallèlement, l’État a fortement contribué au soutien de la vie économique du pays via des aides diverses, nous venons d’en parler, et le recours massif à l’activité partielle. Là aussi, il doit se donner les moyens de contrôler, a priori, mais aussi a posteriori, le respect des dispositifs afin de sanctionner les déclarations abusives.

Enfin, tous les secteurs de l’économie ont dû mettre en place des protocoles sanitaires pour assurer leur obligation de résultat quant à la sécurité et la santé des salariés. Conseiller, mais aussi contrôler l’application de ces procédures revient à vos services, d’autant que, si une majorité des entreprises les applique, dans certaines, les représentants du personnel ont souffert de la disparition des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui se tenaient au plus près des situations de travail.

Compte tenu des échanges que nous avons eus précédemment, je ne doute pas que cet amendement recevra un fort soutien, puisqu’il vise, madame la ministre, à conforter votre mission de contrôle.

Dans un tel contexte, une nouvelle baisse des moyens de l’inspection du travail en 2021 serait particulièrement inopportune. Nous proposons donc, d’ailleurs très modestement – il faut effectivement prendre sur une autre action et l’exercice est compliqué –, de rétablir les crédits alloués à cette action à leur niveau de 2020.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Mes chers collègues, gardons à l’esprit que l’on injecte 10 milliards d’euros supplémentaires dans la politique de l’emploi. En contrepartie, la commission des finances, comme toujours, est favorable à ce que l’on mette en œuvre des économies structurelles sur le fonctionnement. Pour cette raison, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il est également défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1417.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1171 rectifié, présenté par MM. Bonhomme et Rapin, Mme Di Folco, MM. Chatillon et Gremillet, Mme Gruny, M. Moga, Mme Imbert, MM. Grosperrin, Belin, Panunzi et Longuet, Mme Canayer, M. Genet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Mandelli et Lefèvre, Mmes Joseph et Drexler, MM. Vogel, Mouiller et Somon, Mmes Dumont et F. Gerbaud, M. Daubresse, Mmes Noël et Belrhiti, MM. Perrin, D. Laurent et Laménie, Mmes Deromedi et Chauvin, MM. Rietmann et Louault, Mme L. Darcos et MM. Houpert et Sol, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

5 000 000

 

5 000 000

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

5 000 000

 

5 000 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Les maisons de l’emploi constituent à l’évidence des acteurs essentiels du développement de l’emploi à l’échelle des territoires.

J’en veux pour preuve, notamment, le succès remporté par ces dernières dans les appels à projets nationaux lancés dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences. L’État s’appuie en outre sur les maisons de l’emploi pour déployer des politiques publiques prioritaires, comme la clause sociale pour les marchés publics ou les démarches de gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences, dites GPTEC.

Pour rappel, en 2017, les maisons de l’emploi bénéficiaient encore d’une enveloppe de 21 millions d’euros. Dans son projet de budget présenté en 2018, le Gouvernement avait fait le choix d’abandonner sa subvention au réseau, mais les maisons de l’emploi avaient finalement obtenu 12 millions d’euros grâce à l’intervention du Parlement. Dans le même sens, en 2019 et 2020, celui-ci avait réussi à ramener à 5 millions d’euros la subvention de l’État au réseau.

L’histoire se répète, puisqu’une nouvelle fois le Gouvernement n’a inscrit aucune ligne budgétaire au profit des maisons de l’emploi dans son projet de loi de finances pour 2021.

L’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale a néanmoins permis qu’une dotation de 5 millions d’euros y soit consacrée. Ce financement prend la forme d’un transfert de crédits du même montant de l’action n° 03, Développement de l’emploi, du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », vers l’action n° 01, Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi, du programme 102, « Accès et retour à l’emploi ».

L’État a tout intérêt à soutenir et développer les actions des maisons de l’emploi, qui, je le rappelle, sont territorialisées. C’est pourquoi le présent amendement tend à porter le financement accordé au réseau à 10 millions d’euros, montant qui paraît répondre davantage aux enjeux auxquels ces structures sont confrontées en termes de politique territoriale d’insertion. Une telle hausse de leur financement leur offrirait un espoir, à défaut d’une reconnaissance de leur efficacité et de leur contribution dans la mise en œuvre des politiques de l’emploi au niveau local.

Mme la présidente. L’amendement n° II-1477, présenté par M. Capus et Mme Taillé-Polian, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

5 000 000

 

5 000 000

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

5 000 000

 

5 000 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. Je ne m’étendrai pas sur les raisons qui nous poussent à proposer, nous aussi, 5 millions d’euros supplémentaires pour porter cette enveloppe à 10 millions d’euros.

Avec M. Capus, nous avons consacré une mission de contrôle budgétaire à cette question en 2018 : notre rapport insistait sur la richesse des maisons de l’emploi, qui ont toute leur importance dans les territoires, du moins là où elles ont perduré. Il serait très regrettable que le Gouvernement refuse ces financements.

Enfin, je précise que, pour que nous puissions voter cet amendement conjointement à celui de M. Bonhomme, M. Capus et moi-même souhaitons modifier le gage : ainsi, ces deux amendements seront identiques.

Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° II-1477 rectifié, dont le libellé est désormais identique à celui de l’amendement n° II-1171 rectifié.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Les auteurs de ces amendements ont tout à fait raison de souligner l’intérêt des maisons de l’emploi pour certaines politiques de l’emploi au niveau territorial.

D’ailleurs, l’Assemblée nationale a déjà reconduit pour 2021 les 5 millions d’euros votés pour 2020 en faveur des maisons de l’emploi : ces structures pourront continuer d’agir pour anticiper et accompagner les mutations économiques – il s’agit évidemment d’un enjeu important dans la période actuelle.

De plus, il est essentiel d’accroître la complémentarité entre les maisons de l’emploi et Pôle emploi : c’est tout le sens de la convention-cadre de partenariat signée en juillet dernier. Les crédits votés par l’Assemblée nationale permettront de poursuivre la restructuration de ce réseau, en lien étroit avec le réseau Alliance Villes Emploi.

En cette fin d’année 2020, on dénombre soixante-cinq maisons de l’emploi, dont quinze sont en restructuration. Ces maisons peuvent candidater à des appels à projet, par exemple pour la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences ou pour des clauses sociales. À ce titre, elles peuvent bénéficier de financements via le Fonds social européen (FSE). Les pactes régionaux, conclus avec les conseils régionaux, permettent également de développer le diagnostic des besoins en compétences des bassins d’emploi.

À mon sens, la préoccupation exprimée est satisfaite par l’amendement voté à l’Assemblée nationale : je le répète, les crédits alloués aux maisons de l’emploi ont été reconduits au même niveau que cette année. Je propose donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Mme Nathalie Delattre. Madame la ministre, il se trouve que je suis présidente d’Alliance Villes Emploi, réseau national des maisons de l’emploi et des plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE.) Nous travaillons aussi sur la question des clauses sociales dans les marchés publics, clauses dites d’insertion.

Je vous confirme que nous sommes extrêmement sollicités et actifs, dans le cadre de nombreux dispositifs – je pense entre autres au plan de relance, aux stages de préparation à l’installation (SPI), au plan d’investissement dans les compétences (PIC), au FSE ou encore aux programmes relevant de la politique de la ville.

Le fonctionnement de notre association exige, en conséquence, un minimum de subventions.

Nous en avons besoin pour animer ce réseau qui compte plus de 90 maisons de l’emploi, 14 000 communes adhérentes et plus de 146 PLIE et dont le public représente plusieurs millions de personnes.

Nous en avons également besoin pour former le réseau des clauses d’insertion : en 2019, nous avons totalisé 19 millions d’heures d’insertion pour 45 000 participants et le taux d’insertion à douze mois s’est établi à 60 %. En d’autres termes, 60 % des stagiaires ont été embauchés dans l’entreprise, où ils se trouvaient. C’est l’un des rares dispositifs à connaître un tel taux d’insertion.

François Bonhomme l’a rappelé : avant l’arrivée de votre prédécesseur, ces structures disposaient d’un budget de 21 millions d’euros. Mais Mme Pénicaud, qui ne croyait pas aux maisons de l’emploi, a réduit ces crédits à zéro ! Aujourd’hui, vous vous efforcez de nous rassurer. J’espère que le Gouvernement ne va pas profiter du vote du Sénat pour revenir en arrière. Les crédits adoptés par l’Assemblée nationale sont un minimum : nous voulons avoir, au moins, l’assurance qu’ils seront préservés !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Les maisons de l’emploi sont actives dans un certain nombre de territoires et elles ont fait leurs preuves ; mais, année après année, elles restent les parents pauvres du projet de loi de finances initiale. Je ne comprends pas l’obstination du Gouvernement. Naturellement, je voterai ces excellents amendements, qui sont attendus dans les territoires !

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. Madame la ministre, j’ai bien entendu votre position et je vous en remercie sincèrement. Je vous donne donc rendez-vous en 2022, pour une inscription de ces crédits dans la version du projet de loi de finances adoptée en Conseil des ministres !

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Gardons en tête l’historique : en 2005, la loi Borloo a créé 300 maisons de l’emploi, dotées d’un budget de 150 millions d’euros. Mais, depuis sept ou huit ans, ces crédits ont subi une véritable dégringolade, au point de tomber à zéro.

Madame la ministre, nous débattons d’un budget de 5 millions d’euros, voire, comme je l’espère, de 10 millions : il s’agit quand même de montants assez mineurs ! Cette mission augmente de 400 millions d’euros et l’on ergote pour 5 millions, alors que ce réseau a trouvé sa place. En effet, il demeure actif, malgré la diète à laquelle il a été soumis. Les maisons de l’emploi n’étaient plus que 116 il y a trois ans ; aujourd’hui, il en reste 80. Il faudrait peut-être tenir compte de leur résilience, madame la ministre !

Nous ne demandons qu’un soutien minimal de l’État et une certaine continuité. Les maisons de l’emploi sont des partenaires très actifs des politiques de l’emploi. De surcroît, elles sont un important acteur territorialisé, ce qui n’est pas le cas de tous les réseaux dans ce domaine.

Voilà les enjeux. Ce que nous voulons, c’est de la visibilité, alors que chaque année nous devons rouvrir le débat pour tenter de sauver l’essentiel : nous n’en pouvons plus ! (Mme Nathalie Delattre et M. René-Paul Savary applaudissent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1171 rectifié et II-1477 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-1418, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et M. Salmon, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

730 000

 

730 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

730 000

 

730 000

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

730 000

730 000

730 000

730 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. La pandémie de covid a entraîné des changements brutaux dans l’organisation et les conditions de travail. En résultent des risques accrus relatifs à la santé et à la sécurité au travail – risque de contracter le virus, stress, isolement, etc.

En 2021, nous continuerons de vivre avec le virus. Les entreprises seront toujours tenues d’appliquer des protocoles sanitaires stricts pour éviter les contaminations et protéger les travailleurs. Il faudra également répondre aux conséquences psychosociales de cette crise sanitaire, qui dure et qui use, et prévenir les risques psychosociaux ; faute de temps, je ne reviens pas sur la progression de ces derniers.

La santé est mise à l’épreuve : il faudra en faire un sujet majeur d’attention et d’action. Avant tout, les services chargés de la prévention devront obtenir les moyens de bien faire leur travail. Or le projet de loi de finances pour 2021 réduit de 2,97 % les crédits accordés à la santé et à la sécurité au travail par rapport à 2020.

Alors que ces budgets devraient être confirmés, voire augmentés, cette énième économie est indéfendable : non seulement un tel choix ignore la souffrance des salariés, mais il peut entraîner une augmentation des arrêts de travail, qui affecterait l’assurance maladie et désorganiserait un peu plus les entreprises.

Dans le même esprit que précédemment, nous proposons donc, a minima, de rétablir les crédits alloués à la santé et à la sécurité au travail à leur niveau de 2020.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1418.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-631 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, M. Sol, Mmes Berthet et Garriaud-Maylam, MM. Pointereau et Charon, Mme Malet, MM. Klinger et Cuypers, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Lefèvre, Belin et Savary, Mme Puissat, MM. Mouiller et D. Laurent, Mme Joseph, MM. Milon et Rapin, Mme Di Folco, MM. Paccaud et Karoutchi et Mmes Bonfanti-Dossat et Deseyne, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

70 000

70 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

70 000

70 000

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

TOTAL

70 000

70 000

70 000

70 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, avec cet amendement d’appel, nous attirons votre attention sur la prévention dans les entreprises.

Certes, la baisse des crédits de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) est assez faible, mais il s’agit là d’un mauvais signal sur un sujet vraiment essentiel, car la santé au travail passe par la prévention. Telle est la principale conclusion du rapport que mon collègue Stéphane Artano et moi-même avons dédié à cette question.

Je l’ai dit précédemment, les troubles musculo-squelettiques se multiplient ; quant aux risques psychosociaux, ils progressaient déjà avant la crise sanitaire et vont augmenter davantage encore – le télétravail n’est pas la panacée – et ce ne sont là que des exemples.

Enfin, l’Anact doit pouvoir accompagner les très petites entreprises pour les aider à remplir le document unique d’évaluation des risques professionnels.

J’y insiste, la réduction de ce type de budget n’est vraiment pas un bon signal. La prévention, c’est la santé au travail et c’est surtout la préservation de l’emploi. Quand, au terme d’un arrêt de travail, un salarié ne peut pas revenir dans son entreprise, la solution, en général, c’est Pôle emploi et bien souvent c’est pour la vie !

Il s’agit donc bel et bien d’un sujet essentiel et, avec cet amendement, nous vous demandons d’examiner ce dossier avec la plus grande attention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. Rapport après rapport, nous suivons l’évolution du budget du ministère du travail. À ce titre, nous avons exprimé à plusieurs reprises l’inquiétude que nous inspire la diminution régulière des crédits de l’Anact. Il nous semble vraiment important de se pencher sur cette question : c’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Madame la sénatrice, la prévention est évidemment une priorité de la politique de santé au travail : elle est au cœur de la négociation en cours entre les partenaires sociaux, que j’espère bien voir aboutir à un accord.

Pour ne rien vous cacher, je devrais prendre part, depuis treize heures, à une visioconférence avec les psychologues qui répondent au numéro vert pour l’écoute, le soutien et le conseil des télétravailleurs. Ces professionnels se consacrent précisément à la prévention des risques psychosociaux.

Je note que l’amendement n° II-1418 avait pour objet des crédits d’étude, qui ont un caractère cyclique : le Gouvernement prend simplement acte du rythme d’utilisation de ces fonds. Quant à l’Anact, il ne s’agit bien sûr pas de réduire ses moyens. Au contraire, nous voulons les préserver. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons élaboré un schéma d’amélioration de son efficacité, en vertu duquel ses crédits ne reculent que de 0,7 % en 2021, alors que la norme est de 2,5 % pour le budget de mon ministère.

Je peux vous l’assurer : je suis très attachée à l’action de l’Anact. À preuve, nous préservons ses crédits des évolutions générales que connaît le ministère du travail. J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-631 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les amendements portant articles additionnels après l’article 73, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».

Travail et emploi

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 73 - Amendement n° II-1305 rectifié

Articles additionnels après l’article 73

Mme la présidente. L’amendement n° II-1082 rectifié ter, présenté par Mme Mélot, MM. Lagourgue, Malhuret, Menonville, Chasseing, Wattebled, Guerriau, Decool, Verzelen et A. Marc et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 73

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 5312-13-1 du code du travail, il est inséré un article L. 5312-13-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 5312-13-2. – Les agents chargés de la prévention des fraudes agréés et assermentés mentionnés à l’article L. 5312-13-1 bénéficient d’un droit de communication qui permet d’obtenir, sans que s’y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires au contrôle de la sincérité et de l’exactitude des déclarations souscrites ainsi que de l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement des allocations, aides ainsi que de toute autre prestation servies par Pôle emploi.

« Le droit prévu au premier alinéa peut porter sur des informations relatives à des personnes non identifiées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« Le droit prévu au premier alinéa s’exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents et peut s’accompagner de la prise immédiate d’extraits et de copies.

« Les documents et informations sont communiqués à titre gratuit dans les trente jours qui suivent la réception de la demande.

« La communication des documents et informations est effectuée par voie numérique.

« Le silence gardé ou le refus de déférer à une demande relevant du premier alinéa du présent article est puni d’une amende de 1 500 € par cotisant ou allocataire concerné, sans que le total de l’amende puisse être supérieur à 10 000 €.

« Le silence gardé ou le refus de déférer à une demande relevant du deuxième alinéa du présent article est puni d’une amende de 5 000 €. Cette amende s’applique pour chaque demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités n’est pas communiqué.

« Ces montants sont doublés en cas de récidive de refus ou de silence gardé du tiers dans le délai de cinq ans à compter de l’expiration du délai de trente jours octroyé au tiers pour faire droit à la première demande de Pôle emploi.

« Sans préjudice des autres dispositions législatives applicables en matière d’échanges d’informations, le droit de communication défini au présent article est exercé dans les conditions prévues et auprès des personnes mentionnées à la section 1 du chapitre II du titre II de la 1ère partie du livre des procédures fiscales, à l’exception des personnes mentionnées aux articles L. 82 C, L. 83 A à L. 83 E, L. 84 à L. 84 E, L. 89 à L. 91, L. 95, L. 96, L. 96 B à L. 96 CA, L. 96 F à L. 96 H et L. 96 J du même livre.

« Lorsqu’une procédure de recouvrement ou de suppression totale ou partielle d’une allocation, aide ou toute autre prestation est engagée à l’encontre d’une personne physique ou morale, suite à l’usage du droit mentionné au premier alinéa du présent article, Pôle emploi est tenu d’informer cette personne de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels est fondée cette décision. Il communique une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Travail et emploi

La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Les auditeurs chargés de la fraude à Pôle emploi, agents agréés et assermentés, ne bénéficient pas du droit de communication, dont disposent leurs homologues des organismes de sécurité sociale.

Ce droit de communication leur permettrait pourtant d’obtenir auprès d’un certain nombre d’organismes ou d’entreprises, comme les établissements de crédit, les fournisseurs d’énergie ou les opérateurs de téléphonie, sans que s’y oppose le secret professionnel, notamment bancaire, les informations nécessaires pour contrôler l’authenticité des documents fournis et l’exactitude des déclarations faites en vue de l’attribution des allocations, prestations et aides de toute nature servies par Pôle emploi.

Ce droit de communication serait exclusivement exercé par les agents assermentés de Pôle emploi chargés de prévenir la fraude et de lutter contre elle.

L’accès à ces informations est de nature à améliorer la détection des situations frauduleuses, à favoriser le recouvrement des sommes détournées et à optimiser les moyens mis en œuvre pour rechercher les éléments de preuve, tout en contribuant à renforcer la coopération des acteurs concernés par la lutte contre la fraude.

Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à introduire dans le code du travail un article L.5312-13-2 pour reconnaître à Pôle emploi un droit de communication analogue à celui dont bénéficient les organismes de sécurité sociale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1082 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 73 - Amendement n° II-1082 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 73 - Amendement n° II-1304 rectifié

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 73.

L’amendement n° II-1305 rectifié, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Rambaud, Patient, Rohfritsch, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand et Mohamed Soilihi, Mme Phinera-Horth, M. Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 73

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 6332-1-2 du code du travail, le mot : « continue » est supprimé.

II. – En conséquence, faire précéder cet article par une division et son intitulé ainsi rédigés :

Travail et emploi

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Renforcer et faciliter le recours à l’apprentissage est l’une des priorités du Gouvernement et le soutien à l’apprentissage est d’autant plus important dans la période que nous traversons, car – nous le savons tous – il pourra être une solution efficace pour de nombreux jeunes aujourd’hui inquiets pour leur avenir.

Les opérateurs de compétences (OPCO) chargés de financer l’apprentissage peuvent recevoir, en plus des contributions obligatoires imposées par la loi, des contributions supplémentaires des entreprises de leur champ professionnel.

Ces contributions supplémentaires peuvent être, soit de nature conventionnelle, soit de nature volontaire. Or, actuellement, l’article L. 6332-1-2 du code du travail limite à la formation professionnelle continue les domaines où peuvent être utilisées les contributions conventionnelles et volontaires reçues par les OPCO. L’apprentissage en est donc exclu, alors même qu’il ne cesse de se développer – le nombre d’apprentis a bondi de 16 % en 2019.

Avec cet amendement, nous proposons que ces contributions puissent financer toutes les actions de formation professionnelle sans distinction.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Favorable également ! Il s’agit d’un très bon signal pour rappeler que tout le monde se mobilise en faveur de l’apprentissage.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1305 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 73 - Amendement n° II-1305 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Organisation des travaux

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 73.

L’amendement n° II-1304 rectifié, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Rambaud, Patient, Rohfritsch, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand et Mohamed Soilihi, Mme Phinera-Horth, M. Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 73

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les jeunes qui effectuent, dans un organisme public ou privé, un stage d’accompagnement, d’insertion professionnelle, d’orientation ou d’appui à la définition d’un projet professionnel, un stage d’initiation, de formation ou de complément de formation professionnelle dans le cadre d’un programme national organisé et financé par l’État destiné à répondre à un besoin additionnel de qualification au profit de jeunes sortis du système scolaire sans qualification ou à la recherche d’emploi disposant d’un niveau de qualification inférieur ou égal au baccalauréat, sont affiliés à un régime de sécurité sociale dans les conditions prévues à l’article L. 6342-1 du code du travail et peuvent bénéficier d’une rémunération en application de l’article L. 6341-1 du même code.

La liste des stages ouvrant le bénéfice de l’affiliation à un régime de sécurité sociale et, le cas échéant, à une rémunération, ainsi que la période durant laquelle ces jeunes bénéficient de la rémunération et de l’affiliation susmentionnées sont définies par arrêté conjoint du ministre chargé de l’emploi et du ministre chargé des comptes publics.

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2021.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Travail et emploi

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. La crise sanitaire frappe de plein fouet de nombreux jeunes, tout juste diplômés ou encore en études, qui voient l’incertitude poindre.

Face à cette situation, le plan d’investissement dans les compétences (PIC) améliore les repérages, la mobilisation et l’accès à la formation de publics très éloignés de l’emploi, particulièrement chez les jeunes. Néanmoins, le statut de personne accompagnée dans un dispositif de remobilisation et d’orientation en amont de la formation professionnelle n’existe pas.

Les porteurs de projet et les opérateurs chargés de ces dispositifs nationaux ont unanimement souligné la nécessité, dans la période actuelle, de pouvoir octroyer une couverture sociale et un soutien financier aux bénéficiaires de ces programmes : tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Très favorable ! Il est essentiel de pouvoir assurer des parcours « sans coutures » à ces jeunes. Ils pourront bénéficier de la garantie jeunes ou passer par une prépa apprentissage, sans que leur accompagnement subisse de rupture.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1304 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 73.

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Organisation des travaux

Article additionnel après l'article 73 - Amendement n° II-1304 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, je souhaite savoir comment vont s’organiser nos travaux. Nous devons encore examiner, cet après-midi et ce soir, les crédits de trois missions et d’un bloc de missions ; nous risquons de ne pas avoir le temps d’aborder ce bloc de missions.

Si tel est le cas, quand ces crédits seront-ils inscrits à l’ordre du jour ?

M. le président. Je suis moi-même obsédé par le temps, mon cher collègue, et je veillerai à ce que chacun respecte son temps de parole. Si tel est le cas, nous pourrons peut-être aborder ce soir ce bloc de missions.

En revanche, il me semble peu probable que nous parvenions à entamer dès ce soir l’examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits, comme l’envisage l’ordre du jour.

Nous ferons un point dans l’après-midi.

Nous reprenons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021, des différentes missions.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Organisation des travaux
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 54).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue notre collègue Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

J’ai l’honneur d’être rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » depuis la loi de finances pour 2015. J’ai ainsi pu mesurer, au fil du temps, son évolution. Madame la ministre, je reconnais avoir trouvé une écoute dans votre ministère et avoir pu établir un dialogue avec vos services dans l’intérêt du monde combattant.

Nous tenons, en outre, à assurer de notre reconnaissance tous les bénévoles qui œuvrent avec passion et dévouement au sein des associations patriotiques et de mémoire, ainsi que les fidèles porte-drapeaux.

Le devoir de mémoire doit rester une priorité, dans un souci de reconnaissance et de respect qui s’applique aussi à nos militaires en opérations extérieures (OPEX) ou participant à l’opération Sentinelle comme à nos forces de sécurité qui travaillent pour assurer la sécurité de tous au péril de leur vie.

S’agissant des éléments financiers, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » enregistre malheureusement une diminution régulière de ses crédits, liée à la démographie. Ainsi, entre 2012 et 2019, les dépenses ont reculé de presque 900 millions d’euros ; pour 2021, les crédits demandés baissent de 70 millions environ.

Au total, les crédits des trois programmes de cette mission s’élèvent à 2,089 milliards d’euros ; ils sont concentrés dans le programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui finance notamment les pensions militaires d’invalidité (PMI), les retraites du combattant, les actions de solidarité, ainsi que le soutien aux deux opérateurs de l’État que sont l’Institution nationale des Invalides (INI) et l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), auquel nous sommes également particulièrement attachés et qui joue un rôle social et d’écoute sur l’ensemble de nos territoires.

Les crédits du programme 167 atteignent 38,8 millions d’euros, en augmentation de 32 %.

Dans ce programme, l’action n° 01, Liens armées-jeunesse, recouvre les relations avec l’éducation nationale, la Journée défense et citoyenneté (JDC) et le service militaire volontaire (SMV), créé en 2015 et qui accueille environ 1 000 jeunes par an. Nous recommandons d’ailleurs que ce dernier dispositif fasse l’objet d’une évaluation. S’agissant de la JDC qui vise à diffuser l’esprit de défense auprès des jeunes, son déroulement a été affecté par la crise sanitaire.

L’action n° 02, Politique de mémoire, finance chaque année onze journées ou cérémonies nationales, ainsi que des cérémonies locales et l’entretien des sépultures de guerre et de lieux de mémoire, qui mobilise également l’ONAC-VG. Cette année a été marquée par les commémorations de l’année Charles de Gaulle, le cent-cinquantième anniversaire de la guerre de 1870 et bien d’autres manifestations.

Le programme 158, qui est stable à hauteur de 93,1 millions d’euros, contient notamment l’action n° 02, Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le financement de la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) qui est placée sous l’autorité du Premier ministre et sur laquelle nous avons réalisé un rapport d’information il y a quelques années. Je me permets d’insister, madame la ministre, pour que ces spoliations soient activement identifiées et réparées.

Au total, les crédits de cette mission concernent principalement la reconnaissance en faveur du monde combattant et de ses ayants droit. À cet égard, les crédits sont relativement stables, avec un peu moins de 2 milliards d’euros.

Pour conclure, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales s’est, comme chaque année, saisie pour avis des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », qui correspondent essentiellement à des prestations sociales de reconnaissance ou de réparation.

Comme chaque année, la baisse du nombre de bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité ou de la retraite du combattant, qui sont, pour leur grande majorité, des anciens de la guerre d’Algérie ou des conflits antérieurs, entraîne une réduction des dépenses correspondantes. En effet, le nombre de cartes du combattant attribuées au titre des opérations extérieures est chaque année dix fois moins important que le nombre d’anciens combattants qui décèdent.

Cette baisse régulière des dépenses de guichet en faveur des anciens combattants permet au Gouvernement de donner satisfaction à certaines des demandes, parfois anciennes et récurrentes, du monde combattant. Ainsi, en 2021, le niveau d’invalidité ouvrant droit à une majoration de la pension de réversion sera abaissé. Cette mesure devrait bénéficier à moins de deux cents personnes et coûter 1 million d’euros.

Il me semble qu’un chantier plus structurel mérite d’être ouvert, s’agissant des modalités d’indexation du point de PMI, qui détermine le montant de l’ensemble des prestations servies aux anciens combattants. Je sais, madame la ministre, que vous avez annoncé la création d’un groupe de travail associant des parlementaires et qui devrait se réunir prochainement.

D’autres demandes existent en matière de politique de mémoire et de reconnaissance. Alors que certaines d’entre elles seront abordées à l’occasion de la discussion des amendements, des avancées sont également attendues par ceux qui sont déployés en opération intérieure – Sentinelle ou Harpie, par exemple –, comme les réservistes, afin que le titre de reconnaissance de la Nation leur soit attribué.

S’agissant de la politique de mémoire, je note que ces dépenses, qui avaient été financées en 2020 par un prélèvement sur la trésorerie de l’ONAC-VG, sont réintégrées dans le budget de l’État. Nous n’en doutions pas, mais je salue, madame la ministre, le respect de l’engagement pris par le Gouvernement sur ce point.

Par ailleurs, la population des anciens combattants sera, dans les années à venir, plus jeune et composée d’anciens soldats de métier, dont les attentes ne seront pas les mêmes que celles des anciens appelés de la guerre d’Algérie. La politique en leur faveur devra évoluer et pourrait nous conduire à nous interroger sur la notion même d’ancien combattant, à laquelle il faudrait peut-être préférer celle, plus large, de « monde combattant », voire de « combattant ».

Les crédits dédiés aux liens armées-jeunesse tiennent compte du report sur 2021 d’une partie des Journées défense et citoyenneté qui n’ont pu être organisées en 2020 en raison de la situation sanitaire ; ils tiennent également compte de l’augmentation de la cible des engagements en service militaire volontaire.

J’en profite pour attirer l’attention du Gouvernement sur ces dispositifs, qui doivent permettre de mieux déceler les situations de fragilité chez les jeunes et, en particulier, d’identifier les jeunes aidants et de leur apporter le soutien nécessaire.

Pour conclure, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, ainsi que de l’article 54. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le mois de mars, notre pays traverse une épreuve, durant laquelle il a été beaucoup question de première ligne, de privation de liberté et – hélas ! – de deuil.

Mieux que quiconque, les anciens combattants savent ce qu’est le sacrifice. Ils savent aussi que, au bout du tunnel, il y a l’espoir du retour à une vie normale et que, par-delà les drames, restera le souvenir des moments de fraternité.

Je pense en particulier aux élans de solidarité exprimés par des applaudissements, au plus fort de la crise, en direction de nos personnels soignants partis au combat contre un ennemi invisible, un virus ; certains d’entre eux avaient peur d’être infectés, mais ont néanmoins servi leur noble vocation.

Les hommages, quelle que soit leur forme, sont fondamentaux, car ils nous rappellent combien l’addition des courages individuels peut déterminer le destin de tout un pays.

Daniel Cordier l’avait bien compris, en risquant son propre destin au service de la liberté de tous les Français. Ce résistant de la première heure vient de nous quitter, à tout juste cent ans, en digne représentant du « peuple de la nuit », aurait dit André Malraux.

L’hommage qui lui a été rendu le 26 novembre dernier succède à l’entrée au Panthéon de « ceux de 14 » et de Maurice Genevoix. La multiplication de ces cérémonies participe de la politique de mémoire, dont je salue la progression des crédits de 6 millions d’euros pour 2021.

Comme l’ont souligné nos collègues rapporteurs, le devoir de mémoire est plus que jamais nécessaire face à la disparition des grands témoins des conflits du XXe siècle. Je partage aussi leur idée d’associer davantage à cette politique l’engagement des militaires en OPEX, qui est de plus en plus difficile, en particulier au Sahel.

S’agissant du budget global de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », il s’élèvera à un peu plus de 2 milliards d’euros en 2021, en baisse par rapport à 2020. Nous savons bien que cette diminution est mécanique sous l’effet de la démographie – elle ne réduira donc pas les capacités d’action de la mission.

Je souhaite saluer la mesure nouvelle intéressant le droit à réparation : l’article 54 du projet de loi de finances prévoit une majoration de la pension du conjoint survivant d’un titulaire d’une pension militaire d’invalidité, dont l’indice était au moins égal à 6 000 points.

En revanche, nous sommes nombreux à attendre avec impatience la réunion de la commission tripartite, rassemblant l’État, le Parlement et les associations, sur l’évolution du point de PMI. Il serait en effet souhaitable de trouver un mode d’indexation qui préserve les droits des anciens combattants. Nous le leur devons, car, comme le Président de la République l’a rappelé le 11 novembre dernier, « leur sacrifice dit notre dette et nos devoirs ».

En attendant, le groupe RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la différence des années précédentes, je vais commencer mon intervention par une note positive : alors que je déplorais depuis des années qu’une secrétaire d’État soit en charge de ce budget, nous avons enfin devant nous une ministre déléguée. Si cela peut apparaître comme un détail pour certains, le monde combattant en est très satisfait.

Un ministère en tant que tel demeurera utile tant que les contentieux ne seront pas totalement réglés. Il convient d’ailleurs qu’il en soit ainsi, s’agissant de l’administration chargée des réparations pour services rendus à la République.

Depuis des années, nous œuvrons pour que le monde combattant obtienne réparation ; je veux rappeler que cette année verra la mise en œuvre de la mesure tant attendue de l’extension de la demi-part fiscale en faveur des conjoints survivants âgés de 74 ans et plus, dont le conjoint percevait la retraite du combattant.

La principale mesure annoncée concerne l’extension du nombre de veuves de grands invalides de guerre qui pourront bénéficier d’une augmentation de leur pension. C’est une bonne chose. Cette mesure, qui touchera 197 bénéficiaires et représente 0,05 % du budget de la mission, est éminemment sociale et amplement méritée, mais son incidence budgétaire n’est pas significative.

Il demeure toujours des inégalités et je déplore une nouvelle fois l’attitude du Gouvernement qui semble jouer la montre en ce qui concerne la troisième génération du feu – ce sont les derniers à avoir servi dans le cadre de la conscription qui était alors en usage. Or tout l’esprit de la loi du 31 mars 1919 qui a institué le principe du droit à réparation doit s’appliquer. L’avancée en âge des personnes concernées exige le règlement de ces contentieux. Nous ne devons plus attendre.

Madame la ministre, le coût des améliorations à apporter dans le cadre de l’égalité des droits entre acteurs d’un même conflit ou entre générations du feu ne bouleverserait pas sensiblement l’équilibre du budget de notre pays. Faire des économies de bouts de chandelle n’est pas tolérable envers des militaires qui ont servi leur patrie au péril de leur vie, de leur santé, de leur vie de famille, de leur vie professionnelle et qui n’avaient pas d’autre choix que de servir, en répondant à l’appel pour combattre sous les drapeaux.

Avec un taux de mortalité qui ne peut que s’accroître et qui est certainement voisin de 6 % pour la troisième génération du feu, une baisse du budget total de 3,4 % pourrait être considérée comme acceptable. Hélas, tout en relevant les points positifs de la réparation, nous ne pouvons pas nous en satisfaire. En effet, des mesures en trompe-l’œil, comme des transferts de budget, correspondant certes à des investissements nécessaires, masquent la réalité.

Dans les faits, rien n’est prévu pour la demi-part en faveur des veuves d’anciens combattants, dont le décès est antérieur à l’âge de 65 ans. Il s’agit d’une discrimination par l’âge contraire à nos principes constitutionnels, alors que le coût de cette mesure serait extrêmement faible. L’inscrire dans ce PLF réglerait totalement ce point de contentieux.

Nous sommes toujours dans l’attente de la constitution d’une commission tripartite chargée de trouver une solution au dérapage entre l’évolution des prix à la consommation, hors tabac, et celle de la valeur du point de PMI. Il s’agit d’une urgence absolue, tant cette différence porte atteinte, notamment, aux titulaires de PMI dont le handicap n’est pas compensé à sa juste valeur.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Cécile Cukierman. Pour le bénéfice de la campagne double, une inégalité de traitement persiste entre les générations du feu, la troisième étant la seule à en être exclue. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec un immense respect pour tous ceux et toutes celles qui se sont battus pour la France à l’étranger et qui interviennent en opérations extérieures que j’interviens à propos de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Les anciens combattants et les victimes de guerre sont à l’ordre du jour de notre Haute Assemblée.

En effet, l’ensemble des politiques publiques qui contribuent à pérenniser les liens entre la Nation et le monde combattant est décliné au sein de cette mission, à travers trois programmes budgétaires, dont les principales orientations ont été évoquées par mes collègues.

Pour 2021, les crédits de la mission s’élèvent à 2,09 milliards d’euros, soit une baisse de 3,25 % par rapport à l’an dernier. La trajectoire des crédits de paiement prévus pour 2021 confirme la baisse structurelle et naturelle de la population concernée par les pensions militaires d’invalidité et par la retraite du combattant, qui sont les deux dispositifs budgétaires les plus importants de la mission. Ainsi, les crédits de paiement de la mission avaient déjà diminué de 6,29 % entre 2018 et 2019.

Par ailleurs, les marges de manœuvre libérées par la baisse naturelle du nombre d’anciens combattants et de leurs ayants droit sont estimées à 100 millions d’euros par an, mais elles ne sont pas affectées à des mesures de revalorisation. Année après année, les crédits consentis aux anciens combattants ne cessent ainsi de s’amoindrir.

Certes, certaines avancées doivent être saluées, s’agissant notamment des liens entre les armées et la jeunesse. Ces liens sont fondamentaux et passent par l’organisation de la Journée défense et citoyenneté, qui est obligatoire pour tous les jeunes de 16 à 18 ans, ainsi que par le service militaire volontaire.

En 2021, les crédits de la JDC sont en augmentation. Ils tiennent compte de l’augmentation naturelle du nombre de jeunes convoqués, de la revalorisation de l’indemnité de transport décidée l’an dernier, mais aussi du report d’une partie des Journées qui n’ont pas pu être organisées en 2020 en raison de la crise sanitaire.

Concernant les anciens combattants, nous déplorons que les crédits alloués ne soient pas mis au profit de ceux qui vivent toujours.

L’extension de la demi-part fiscale aux veuves âgées de plus de 74 ans d’un bénéficiaire de la retraite du combattant, prévue par la loi de finances pour 2020, entrera en vigueur le 1er janvier 2021. C’est une bonne nouvelle, qui devrait cependant être prolongée pour les veuves, dont le mari titulaire de la carte du combattant est décédé avant l’âge de 65 ans.

Enfin, les crédits de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre augmentent également, après une année 2020 difficile. L’ONAC-VG doit se réorganiser pour s’adapter à la baisse du nombre de ses ressortissants, mais il doit conserver un maillage territorial satisfaisant et assurer une présence suffisante dans ses antennes départementales. Ses missions sont toujours aussi essentielles, à l’image de l’accompagnement des pupilles de la Nation, dont le nombre est malheureusement en augmentation du fait des attentats terroristes qui frappent la République.

Il est également fondamental que l’ONAC-VG renforce ses missions afin de valoriser davantage les combattants de la quatrième génération du feu et de toutes les opérations extérieures ; il doit aussi mettre en place une action particulière pour les dissidents ultramarins.

Les économies réalisées devraient servir, même partiellement, à renforcer les actions en faveur du monde combattant. Je déplore que cela ne soit pas le cas. La déception est d’autant plus forte que le monde combattant a été durement éprouvé par la crise sanitaire, socialement et en raison de l’isolement dont ses membres ont souffert.

En 2021, plus encore qu’auparavant, les attentes des anciens combattants et de leurs familles sont légitimes. Alors que la dernière revalorisation de leur retraite remonte à 2017, il n’est pas compréhensible que la faible somme perçue chaque année par un ancien combattant reste plafonnée.

Madame la ministre, vous avez souhaité rencontrer des parlementaires pour étudier la revalorisation du point de PMI. Je souhaite vivement que cette réunion ait lieu rapidement.

Certains anciens combattants, particulièrement en outre-mer, bénéficiaient jusqu’à la fin de l’année 2020 d’une retraite du combattant à soixante ans. Cette dérogation sera supprimée au 1er janvier 2021, alors que ces personnes ne jouissent pas des mêmes avantages que leurs camarades de métropole.

Pour toutes ces raisons et malgré l’avis favorable de la commission, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain émet des réserves à l’adoption de ce budget qui maintient un certain nombre d’injustices. Le monde combattant attend mieux et espère un meilleur traitement de la part du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » constitue toujours un moment particulier, car derrière les chiffres et les colonnes, les programmes et les lignes de ce budget, se concentrent les vies de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui consentent pour notre pays au sacrifice suprême.

Cette mission finance les actions de reconnaissance en faveur du monde combattant, les politiques de renforcement du lien entre l’armée et la Nation et l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Cette année encore, les crédits de la mission sont en diminution d’environ 3 % et sont désormais inférieurs à 2,1 milliards d’euros. Toutefois, cette chute est pour partie la conséquence de la diminution du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant et de la pension militaire d’invalidité.

Pour 2021, plus encore qu’auparavant, les attentes des anciens combattants et de leurs familles sont fortes et légitimes : la mesure de revalorisation prévue cette année consiste en l’abaissement du seuil d’invalidité nécessaire à l’obtention de la majoration de la pension de réversion du conjoint survivant d’un grand invalide de guerre. Cette mesure était attendue. Ainsi, une veuve de grand invalide de guerre pourra bénéficier d’un supplément de pension militaire d’invalidité : si son conjoint décédé avait bénéficié, sur cette pension, de 6 000 points, ce nombre passera à 10 000.

Je tiens aussi à saluer d’autres avancées en ce qui concerne la jeunesse, notamment la hausse satisfaisante de la cible d’incorporation du service militaire volontaire. Ce dispositif d’insertion très performant accueillera 1 200 jeunes en 2021, soit 200 de plus qu’en 2020, grâce à une évolution de son organisation. Pour l’année 2022, l’objectif est d’accueillir 1 500 jeunes.

Par ailleurs, les crédits dévolus à la politique de mémoire augmentent nettement. Cette hausse bénéficie principalement à l’aménagement et à la rénovation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale en France, en Algérie et au Maroc. Je ne peux que me féliciter de cet effort important qui permettra de conserver ces lieux de transmission dans un état décent.

Avant de conclure, je voudrais exprimer toute ma gratitude aux anciens combattants qui ont été très durement éprouvés en 2020 par la crise sanitaire. Ceux qui font vivre le monde combattant sont souvent des personnes d’un certain âge et l’annulation prolongée des cérémonies et des manifestations commémoratives a mis un coup d’arrêt brutal à leur travail de transmission, les privant également de rencontres particulièrement essentielles pour leur vie sociale.

Madame la ministre, mes chers collègues, si ce budget diminue de 70 millions d’euros, il demeure néanmoins satisfaisant. Les droits en faveur des anciens combattants et de leurs ayants droit sont maintenus, voire étendus dans certains cas – je m’en réjouis.

Il nous faudra toutefois demeurer particulièrement vigilants quant aux travaux de la commission tripartite – État, Parlement, associations – prévue au dernier trimestre 2020 qui doit examiner l’évolution du point de pension militaire d’invalidité que nous appelons de nos vœux.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de cette mission. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits baisser, comme chaque année. Cela s’explique par la diminution du nombre de bénéficiaires, mais pas uniquement.

En tout cas, certaines personnes attendent toujours de bénéficier de ces crédits. Je pense notamment à la reconnaissance de certains harkis : vingt-cinq supplétifs de statut civil de droit commun attendent toujours une aide de seulement 4 150 euros.

Cette problématique se pose chaque année. À l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont déposé des amendements pour corriger cette injustice ; on leur a opposé tout un tas d’arguments contestables : la mesure ne serait pas applicable, car dénuée de base juridique ; elle serait rétroactive, donc impossible ; le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) auraient émis à son endroit des avis défavorables.

Pourtant, ces amendements visaient précisément à fournir une base juridique à cette extension, la jurisprudence du Conseil d’État relative à la désignation explicite ou implicite des bénéficiaires d’une mesure adoptée par le Parlement est en leur faveur et ni le Conseil d’État ni la CEDH n’a rendu de tels jugements.

Nous parlons ici de quelques milliers d’euros seulement, ce n’est rien. Ces hommes souhaitent seulement être reconnus et j’invite l’État français à faire le nécessaire rapidement ; à défaut, ils disparaîtront inexorablement, sans jamais avoir été reconnus par la République.

Ce n’est pas la seule injustice, sur laquelle je souhaite revenir. L’an dernier, le Parlement a adopté une disposition, qui prendra effet au 1er janvier prochain, élargissant aux veuves de 74 ans et plus le bénéfice d’une demi-part fiscale supplémentaire, à la condition que leur mari, titulaire de la carte du combattant ou d’une retraite du combattant, soit décédé à partir de 65 ans. Mais quid des femmes, dont le mari est parti avant 65 ans ? Cet effet de seuil crée une rupture d’égalité déplacée ; une telle situation requiert non pas des mesures ciblées, comme vous le répétez, mais une mesure globale d’équité.

Après les anciens combattants, je souhaite aborder le lien entre le monde combattant et la Nation. Chaque jeune doit participer à une Journée défense et citoyenneté (JDC) ou plutôt, devrais-je dire, à trois heures trente de défense et citoyenneté… Tel sera, en effet, le format de la JDC en 2021 ; les jeunes Français doivent, en trois heures trente seulement, découvrir les enjeux qui mènent la France à développer un appareil de défense et les caractéristiques de celui-ci, passer des tests de langue française pour repérer les jeunes qui auraient besoin d’être accompagnés, apprendre les gestes de premiers secours et suivre une formation élémentaire de sécurité routière…

Certes, la crise sanitaire y est pour beaucoup, mais je m’interroge sur la pertinence de cette demi-journée de citoyenneté. Sa mission historique est, en premier lieu, de maintenir de lien entre, d’une part, la jeunesse et, par extension, la Nation et, d’autre part, le monde combattant.

Alors que les derniers poilus se sont éteints, que Daniel Cordier vient de nous quitter et qu’il ne reste plus qu’un Compagnon de la Libération, la question de la transmission de la mémoire des guerres mondiales et, plus largement, de la mémoire du XXe siècle devient de plus en plus prégnante. À ce titre, je salue la mission confiée à Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie.

Suivant cet exemple, je crois qu’il est temps d’engager le pays dans une réflexion beaucoup plus large sur sa politique mémorielle. L’État ne remplacera jamais la transmission qui pouvait s’opérer, dans les familles, par les témoins directs du siècle passé ; néanmoins, il faut imaginer des moyens pour améliorer la transmission mémorielle auprès des jeunes générations.

J’en profite pour saluer le travail important des associations de souvenir.

Je conclus en vous indiquant, madame la ministre, que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », parce que ce budget en baisse – je reconnais que c’était prévisible – ne reconnaît toujours pas l’engagement de certains pour la France.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « en fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun. Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore », disait Ernest Renan en 1882. Le devoir de mémoire est donc au centre de ce qui nous permet de faire Nation.

Le projet de budget des trois programmes de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’élève à 2 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2021, soit une diminution de 3,35 % par rapport à 2020. Néanmoins, cette année encore, cette baisse est essentiellement le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant.

Cela dit, cette mission ne concerne pas que les anciens combattants ; elle intègre aussi les victimes indirectes des grands drames nationaux. Le programme 158, « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale », aide à la résilience des victimes de spoliations antisémites et soutient les orphelins. Notre objectif est désormais d’améliorer le délai de paiement des dossiers validés. Les crédits de ce programme s’établissent à 93 millions d’euros, dont un peu moins de 2 millions d’euros de dépenses de fonctionnement.

La crise sanitaire a bien sûr eu un impact énorme sur le déroulement des programmes de la mission.

Tout d’abord, cette pandémie a différé à 2021 et 2022 les chantiers sur les sépultures de guerre, partout sur le territoire national. De plus, alors que des cérémonies majeures ont été affectées en 2020, le même schéma risque de se produire en 2021. Ainsi, les crédits dédiés aux commémorations s’élèvent, comme en 2020, à 4 millions d’euros.

Ensuite, cette année, 336 000 jeunes Français n’ont pas été convoqués à la Journée défense et citoyenneté. Je salue la réponse que vous avez apportée à cette situation, madame la ministre, en adaptant exceptionnellement la durée et le format de la JDC. La session en présentiel sera réduite à trois heures trente au lieu de huit heures et le programme se concentrera sur les modules de défense, tout en conservant les missions traditionnelles d’accompagnement, puisque l’évaluation de la langue française et les entretiens individuels d’orientation sont maintenus – nous nous en félicitons. En effet, cette journée assure la diffusion de l’esprit de défense auprès des jeunes Français ; elle est essentielle à la cohésion nationale.

Le PLF pour 2021 renforce également les crédits du programme 167, avec la réalisation d’une JDC en ligne et d’une journée Défense et mémoire nationales dans le cadre du service national universel. Expérimentée en 2019 et en 2020, cette journée permettra, en 2021, à un plus grand nombre de volontaires d’appréhender les menaces auxquelles nous sommes confrontés et le rôle des armées pour y faire face.

Le PLF pour 2021 conforte également les crédits du programme 169, en consolidant les droits accordés aux combattants, anciens combattants et victimes de guerre. Ce programme retrace la majoration de 360 points de la pension de réversion aux conjoints survivants, dont les bénéficiaires seront plus nombreux. Ce programme intègre également l’extension de l’attribution de la carte du combattant aux forces françaises présentes en Algérie entre 1962 et 1964, dite carte « 62-64 ». Enfin, il s’attache à la modernisation de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) et de l’Institution nationale des Invalides, avec la dématérialisation de l’ensemble des démarches spécifiques au monde combattant.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ces crédits.

Par ailleurs, plusieurs associations attendent la création d’une agrafe pour la médaille de la défense nationale. Cette agrafe serait accessible au personnel civil ou militaire ayant participé aux essais nucléaires entre 1960 et 1996 sur les sites du Sahara et de la Polynésie française. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que la réalisation de ce projet est toujours d’actualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quel honneur pour moi d’être orateur, au nom du groupe Union Centriste, pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » !

C’est un honneur, parce que tous les maires ont le cœur qui bat un peu fort, lorsqu’ils se tiennent devant le monument aux morts de leur commune. Les anciens combattants, la mémoire, les liens avec la Nation font partie de leur ADN.

C’est également un honneur que de porter les intérêts des combattants d’hier et des anciens combattants de demain. « Je hais la guerre, mais j’aime ceux qui l’ont faite », écrivit Dorgelès.

Dans le cadre des réunions préparatoires, j’ai participé à plusieurs auditions qui m’ont permis de mesurer l’importance et le poids des associations. Il y eut des temps forts. J’ai noté cette phrase, qui m’a vivement atteinte : « C’est dégradant de toujours réclamer la justice pour nos camarades. » Madame la ministre, je ne souhaite pas que vous preniez cette flèche pour vous, car je sais votre dévouement, votre sincérité et votre disponibilité au service du monde combattant. Ces qualités sont perceptibles pour qui vous a côtoyée dans vos prises de parole, où chaque mot compte ; ces mots, vous savez d’ailleurs très bien les trouver et les dire.

Vous avez obtenu pour cette mission des moyens dignes d’être salués ; je pense tout particulièrement à la sanctuarisation du budget de l’ONAC-VG qui ne sera pas « ponctionné », cette année, au profit d’autres dispositifs.

Les crédits dédiés à la mémoire progresseront de plus de 6 millions d’euros, retrouvant ainsi un niveau proche de celui des années antérieures.

Je suis très sensible également à la progression de 3,5 millions d’euros des crédits destinés à l’entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire nationale. La restauration des sépultures, y compris dans nos cimetières ruraux, représente un travail colossal. Le recensement, le conventionnement avec les maires et la mise en œuvre, puis la réalisation des travaux, voilà une entreprise jamais achevée, qui demande une énergie folle, mais qui est hautement symbolique.

J’attire votre attention, madame la ministre, sur le fait que, si le monde associatif est dans les territoires le bras armé de la mémoire, il doit être fortement soutenu.

Quant aux crédits du programme 167, « Liens entre la Nation et son armée », ma collègue, rapporteure pour avis, Jocelyne Guidez les a parfaitement analysés ; je n’y reviens pas.

Je vous remercie, madame la ministre, de ces avancées, que le groupe Union Centriste valide et votera sans aucune hésitation.

Toutefois, la « pièce maîtresse » de la mission, le programme 169, présente une trajectoire budgétaire probablement unique, que je trouve personnellement assez troublante. Tablant sur ce que le comptable appelle pudiquement une « baisse naturelle », on accorde au monde combattant, au fil de l’eau et des décès, une enveloppe qui va diminuant. Il arrive que des demandes, parfois très anciennes, mais toujours légitimes – des « marronniers » –, finissent par être satisfaites au détour de cette évolution arithmétique favorable au budget de l’État.

La reconnaissance nationale ne consisterait-elle pas plutôt en l’analyse de ce que l’on doit objectivement à ces hommes et à ces femmes ? Inverser la réflexion, partir du chiffrage des droits, au lieu de donner des ristournes sur les sommes qui se libèrent, voilà qui éviterait cette négociation annuelle effectivement dégradante – il faut le reconnaître –, qui ramène les associations devant le législateur pour une forme de marchandage ; ce ne sont pourtant pas des négociations syndicales !

Les hécatombes humaines de la Grande Guerre ont fait prendre conscience à l’État du besoin de reconnaissance de la population vis-à-vis des victimes. Le droit à reconnaissance et à réparation est devenu la règle pour tous les soldats meurtris dans leur chair au cours de leurs missions au service de la Nation, pour les civils, victimes collatérales de la guerre ou du terrorisme, mais aussi pour les orphelins et les veuves. C’est une règle imprescriptible.

Alors, par respect pour ce principe, le budget du monde combattant pourrait avoir une forme de stabilité, qui serait cohérente. Au lieu d’être une variable d’ajustement, il pourrait intégrer, par exemple, l’ajustement automatique du point de pension, qui accuse toujours un retard chronique ; c’est une grave injustice. On ne peut pas faire aux anciens combattants de vibrants discours d’hommage, sans corriger ces distorsions. Comme le demandent les associations, il faut étendre le droit à reconnaissance aux ascendants, au même titre qu’aux descendants.

Alors que des avancées significatives ont déjà eu lieu grâce à vous, il subsiste des incohérences, que l’évolution budgétaire de cette mission aurait dû permettre de compenser. À ce jour, les veuves de titulaire d’une carte d’ancien combattant sont toujours exclues du bénéfice de la demi-part fiscale supplémentaire, si leur époux est décédé avant de percevoir la retraite d’ancien combattant. Sont également exclues, quel que soit l’âge de décès de leur époux, celles qui ont moins de 74 ans. Pourquoi ?

Madame la ministre, ne nous arrêtons pas au milieu du gué ! Le monde combattant évolue. On ne peut gérer ce dossier comme étant en voie d’extinction. Les opérations extérieures amèneront des besoins nouveaux, des situations nouvelles ; il faut sanctuariser ce budget, arrêter son érosion, qui n’est pas une fatalité.

Quel est l’avenir du droit à reconnaissance et à réparation ? Il se traduit, actuellement, par un certain nombre modalités fiscales, qui doivent simplement être justes, compréhensibles, cohérentes, sans effet de seuil et pérennes. La reconnaissance, c’est aussi une pension ajustée, stable, non négociable.

Quel est l’avenir du budget des anciens combattants ? Devenir, au fil du temps et des décès, un « ancien budget », éteint ou presque, en même temps que les anciens d’Algérie ? Changeons son intitulé : qu’il cesse d’être le budget des anciens quelque chose et devienne simplement le budget de la reconnaissance nationale, si cela permet d’enrayer cette morbide décrue.

« L’homme est une machine à oublier », a écrit Maurice Genevoix ; alors soit, que l’homme oublie les horreurs de la guerre, mais la Nation, elle, n’a pas le droit d’oublier. Vous pouvez compter, madame la ministre, sur le groupe Union Centriste pour être présent à vos côtés dans cette perspective. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant de commencer, je tiens à rendre un hommage appuyé à tous les anciens combattants et aux membres des associations patriotiques, dont nous connaissons le travail, l’engagement et les valeurs, d’autant que, cette année, l’organisation des commémorations a été totalement bouleversée.

D’ailleurs, la façon de commémorer en temps de pandémie est une réflexion qui doit être menée. Une Nation qui rencontre de graves crises a besoin de se retrouver et de souder sa jeunesse au travers d’une mémoire qui puisse être source d’espoir et de courage.

Madame la ministre, nous saluons les efforts réalisés pour moderniser et adapter les outils de communication et les supports permettant une meilleure transmission et une plus grande accessibilité de notre patrimoine mémoriel. Le volet numérique est un levier très utile pour développer le lien armées-Nation ; il représente une vaste ressource pour le monde enseignant et éducatif, pour qui la tâche est difficile face aux communautaristes qui refusent toute appartenance à la Nation et face à ceux pour qui mémoire rime avec repentance et, finalement, avec ignorance.

Toutefois, le numérique ne doit être qu’un outil, un complément ; il ne peut se substituer à la force de la réunion et de la rencontre des citoyens, lors des commémorations et des formations censées forger l’esprit de défense et développer la citoyenneté.

Cela m’amène naturellement à l’organisation de la Journée défense et citoyenneté. Le déploiement d’un dispositif en ligne pose question : va-t-il se substituer définitivement à l’organisation d’une journée en présentiel ? C’est une question importante, car le brassage entre jeunes issus de différents milieux sociaux et culturels fait partie de la citoyenneté. Nous observons bel et bien un rétrécissement des ambitions de cette journée, dont la pertinence tend à disparaître dans le format à venir.

Que penser de cette numérisation, alors que nous entrons dans la deuxième année d’expérimentation du service national universel (SNU), sans que le Parlement ait procédé à une véritable évaluation de l’existant ni même ait été consulté via un véritable travail législatif ? Si le SNU était une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, en 2017, un tel dispositif, s’accompagnant d’un doublement des crédits en 2021, ne peut s’affranchir d’un véritable débat ni d’un vote de la représentation nationale. Le SNU est financé par le programme 163, « Jeunesse et vie associative », de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », mais il est difficilement compréhensible que son périmètre et son pilotage soient autant dissociés de votre ministère.

J’en viens maintenant aux crédits en eux-mêmes. Nous assistons, cette année encore, à la baisse de la dotation, de 3,2 %, attribuable dans sa quasi-totalité au programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». La baisse démographique explique cette évolution, mais ne saurait justifier cette tendance qui est baissière depuis 2012. Elle devrait au contraire servir à aider davantage les anciens combattants et à renforcer les actions de sensibilisation auprès des jeunes, dont le lien avec la mémoire tend à s’estomper lorsqu’ils quittent l’école.

Au nom du groupe Les Républicains, je regrette que les anciens combattants n’aient pas été reconnus à leur juste valeur. Je pense bien sûr à la revalorisation de la retraite du combattant et à l’augmentation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI). C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de notre collègue Philippe Mouiller tendant à augmenter de deux points l’indice de la retraite du combattant.

Nicolas Sarkozy avait décidé d’augmenter cet indice de deux points chaque année ; il l’a fait pendant tout son quinquennat. Il est vraiment dommage que l’on en ait décidé autrement par la suite ; on pourrait presque parler d’aumône ! Ce soutien est d’autant plus nécessaire que la paupérisation des anciens combattants retraités s’est accrue en 2020 avec la crise sanitaire, alors que leurs sources de revenus sont déjà très limitées.

Avant de conclure, je veux revenir sur l’ONAC-VG et sur le contrat d’objectifs et de performance 2020-2025. Cet office doit pouvoir poursuivre sa mission avec les moyens adaptés et au plus près de ses bénéficiaires. Son ancrage territorial et départemental ne saurait être remis en cause. De même, le service et l’accompagnement des anciens combattants doivent rester des points majeurs de son action. Nous resterons donc vigilants sur la rénovation annoncée de sa gouvernance.

À la lumière de toutes ces observations, nous voterons les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens sur cette mission budgétaire, parce qu’elle est essentielle à mes yeux. Fille et petite-fille d’instituteurs, j’ai toujours participé aux commémorations, avec les enfants de ma classe. C’était l’usage, à l’époque, et c’était bien, parce que nous étions très émus au son de La Marseillaise. J’ai ainsi pris conscience, dès le plus jeune âge, de l’immense sacrifice de nos combattants, qui ont aimé la France au point de lui sacrifier leur vie.

Originaire des collines de l’Artois, dans le Pas-de-Calais, j’habitais à quelques mètres de la gigantesque nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette. Je voyais quotidiennement les stigmates laissés par la Première Guerre mondiale. Ces souvenirs sont ceux d’un enfant qui a trouvé l’ancrage de ses valeurs républicaines au contact des anciens, qui se sont battus pour que nous puissions vivre libres. Aussi, je suis particulièrement soucieuse, en pleine crise sanitaire, de protéger nos libertés fondamentales personnelles.

Mes chers collègues, les années précédentes, je vous avais fait part de mes profondes inquiétudes sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Certes, je constate, cette année, une légère amélioration, mais le sentiment patriotique se dégrade dans une partie de notre jeunesse, la connaissance de l’histoire régresse et la tentation populiste grandit.

À vrai dire, ces symptômes, nous les connaissons tous. Personnellement, ils m’inquiètent au plus haut point, car je les ai constatés sur les bancs de l’université, auprès de mes étudiants. C’est une évidence encore plus grande dans les classes de collège et de lycée. L’amour de la France, ça ne se décrète pas – vous en conviendrez, mes chers collègues –, il faut le susciter. (Marques dassentiment sur des travées du groupe Les Républicains.) Si ces valeurs indispensables à la vitalité de la Nation déclinent, c’est en raison d’une transmission qui ne s’opère plus correctement.

Les incivilités constatées dans les classes, lors des cérémonies consacrées au professeur Samuel Paty, ont été dénombrées par le ministère de l’éducation nationale et elles ont été révélées ce matin sur les antennes. Il faut assurer la transmission des valeurs républicaines aux jeunes générations et souligner le sens de la loi égale pour tous. La connaissance du sacrifice consenti par nos anciens combattants doit permettre de comprendre le monde actuel.

Je tiens à rendre hommage aux nombreux bénévoles des associations d’anciens combattants, notamment à ceux du Souvenir français. Chaque année, de façon totalement désintéressée, ils vont dans les classes des écoles, des collèges et des lycées, partout où l’éducation nationale veut bien les accueillir. Leur témoignage est précieux pour nos enfants, souvent émus par ces rencontres. Ces bénévoles sont des passeurs de mémoire.

M. Loïc Hervé. Absolument !

Mme Brigitte Lherbier. Les crédits dédiés au programme « Liens entre la Nation et son armée » sont assurément un excellent moyen de faire face à la crise de la citoyenneté.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’amendement de ma collègue Brigitte Micouleau ; nous sommes plusieurs à l’avoir cosigné. Il s’agit d’un amendement de bon sens, visant à réparer une injustice faite aux supplétifs civils de droit commun pendant les conflits d’Afrique du Nord. Ils ne sont plus que vingt-cinq à ce jour ; c’est bien peu… Les supplétifs civils, les harkis, et tous ceux qui ont souffert à un moment de leur vie au nom de la France et pour la France doivent être respectés et reconnus.

Il n’y a pas de fatalité en politique. Notre volonté commune est de résoudre cette crise de la citoyenneté qui traverse notre pays. Nous devons nous donner tous les moyens pour réussir. Sur ces travées, nous voulons tous que les jeunes Français aiment leur pays comme nous l’aimons. Pour cela, la France doit avant tout se réconcilier avec son histoire et être fière de tous ses anciens combattants, en leur donnant la reconnaissance qu’ils méritent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avant toute chose, je souhaite rendre hommage, en tant que ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, au Président Giscard d’Estaing, non seulement au Président de la République, auquel nous devons des évolutions sociétales majeures, une modernisation du pays et un engagement européen remarquable, mais encore au jeune homme de 18 ans qui s’engagea de façon déterminée, à l’été 1944, dans la Première armée française du général de Lattre de Tassigny. Il participa aux combats de la libération du sud-est de la France et poursuivit les combats jusqu’en Autriche. Après huit mois de campagne, il fut décoré de la Croix de guerre 1939-1945.

Nous ne pouvons que saluer sa mémoire et cet engagement fort pour la France, dès ses jeunes années. (M. Yves Bouloux applaudit.)

Aujourd’hui, j’ai l’honneur de vous présenter ce budget, celui du lien armée-Nation, du lien armée-jeunesse, du monde combattant et de la mémoire. Je sais que vous y êtes attachés et je vous remercie de la qualité des interventions que je viens d’entendre. Avec raison, vous développez ce lien, sur tout le territoire, avec le monde combattant et ses associations.

Comme chaque année depuis ma nomination, ce budget a été précédé d’une discussion et d’un travail fin avec les associations du monde combattant.

Ce budget, en diminution de 3 %, en raison de l’attrition naturelle du nombre de ressortissants, est doté de 2 milliards d’euros. Néanmoins, il maintient l’ensemble des dispositifs de reconnaissance, tous les droits et dispositifs fiscaux des anciens combattants et de leurs ayants droit, des victimes civiles de guerre et des victimes du terrorisme. Nous y ajoutons des mesures d’amélioration et d’équité, souhaitées par nombre d’associations.

Pour nos anciens combattants, notre projet de budget applique d’abord toutes les évolutions que nous avons décidées ensemble depuis 2017. Je rappelle à ceux qui trouvent que cela ne va pas assez vite, voire ne va pas du tout, que nous avons décidé l’octroi de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie de 1962 à 1964, octroi demandé par les associations du monde combattant depuis de si nombreuses années.

M. Antoine Lefèvre. C’est vrai !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Ce mécanisme poursuit sa montée en puissance, puisque près de 40 000 cartes ont été délivrées, ce qui est remarquable.

Autre exemple : le fonds de solidarité dédié aux enfants d’anciens harkis, doté de 7 millions d’euros, continue de monter en puissance. Nous avons élargi ses conditions d’accès et nous avons pu constater, sur le terrain, l’utilité de ce dispositif et les projets très concrets qu’il finance. En 2020, la consommation budgétaire devrait atteindre 6 millions d’euros, en forte progression.

Ce budget comprend la mesure nouvelle, que vous avez soulignée, pour les conjoints survivants de très grands invalides de guerre, souvent des veuves, qui sont en réalité des aidants. Nous abaissons le seuil permettant d’améliorer la pension de réversion.

Autre domaine important : les moyens d’action de nos opérateurs, notamment l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ; vous y tenez tous, de même que les anciens combattants. Pour ma part, je tiens particulièrement à son budget d’action sociale, qui atteindra un niveau important – 25 millions d’euros –, malgré l’attrition du nombre de bénéficiaires. Cette somme correspond à la consommation de 2020.

Je profite de ma présence à cette tribune pour remercier les agents de l’ONAC-VG pour leur travail au cours de la crise sanitaire et durant cette année difficile. Avec sept mille appels passés, chaque semaine, aux ressortissants et la poursuite active de l’instruction des dossiers d’action sociale, cette mobilisation a vraiment permis de soutenir les plus fragiles dans cette période pénible.

Un nouveau contrat d’objectifs et de performance a été signé avec l’ONAC-VG pour la période 2020-2025. Les moyens de cette institution ont été planifiés et assurés. Le présent PLF traduit les engagements de ce contrat, avec une subvention de fonctionnement de 56 millions d’euros. Un certain nombre de chantiers de modernisation et de simplification se poursuivront, comme je m’y étais engagée auprès des parlementaires et des associations. Le maillage départemental est totalement préservé ; c’est pour moi un enjeu de proximité et d’efficacité.

L’Institution nationale des Invalides – une belle institution – bénéficiera d’une subvention de fonctionnement de 12 millions d’euros et d’une dotation d’investissement de 3,7 millions d’euros, afin de pouvoir démarrer, avant la fin de l’année, la construction des infrastructures qui contribueront à la création du nouveau projet médical, indispensable à nos blessés.

Enfin, je veux revenir sur la subvention à l’Ordre de la Libération, maintenue en 2020 à 1,7 million d’euros. Au cours des dernières semaines, trois Compagnons de la Libération nous ont quittés – Edgard Tupët-Thomé, Pierre Simonet et, voilà quelques jours, Daniel Cordier –, laissant le flambeau à Hubert Germain.

Plus que jamais, nous devons maintenir cette mémoire vive, portée par l’Ordre de la Libération et être attentifs à ce que les crédits affectés à cet organisme soient à la hauteur de nos ambitions mémorielles.

Alors que, demain, nous rendrons hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord, je suis heureuse de vous proposer un budget très dynamique pour l’action n° 02, Politique de mémoire. Les crédits permettant la réalisation d’actions mémorielles augmentent de 60 % en 2021, passant de 11 à 18 millions d’euros. C’est un signe fort, à l’heure où nous avons devant nous les défis liés à la transmission de la mémoire combattante, pilier de nos valeurs républicaines, de l’identité et de la cohésion nationale.

Ces crédits permettront de faire face aux besoins d’entretien et de rénovation des nécropoles et de nos dix hauts lieux de mémoire et de financer des cérémonies et des actions éducatives.

Nous poursuivrons également notre soutien à la structuration du tourisme de mémoire, enjeu de vitalité sur nos territoires – je sais que vous y êtes sensibles.

L’année 2021 sera, en grande partie, consacrée à la mémoire des premiers résistants, notamment ceux de nos outre-mer, et à celle des opérations extérieures, par exemple les trente ans de l’opération Daguet au Koweït.

J’ai également souhaité que soit lancée une réflexion sur l’évolution de nos modes de transmission, car, si nous avons dû nous adapter à la crise sanitaire et développer et déployer des outils différents, il nous faudra continuer d’y réfléchir.

Les crédits de l’action n° 01, Liens armées-jeunesse, sont en augmentation de 15 %. Je veux réaffirmer l’enjeu de société, de citoyenneté et de cohésion que constitue la relation entre l’armée et la jeunesse. Mais elle est aussi un enjeu d’attractivité pour le maintien de notre modèle d’armée.

La Journée défense et citoyenneté a dû être adaptée aux conditions sanitaires : des séances entièrement numériques ont été mises en œuvre ces dernières semaines. Permettez-moi d’indiquer à ceux qui s’en sont inquiétés que les JDC en présentiel reprendront en février.

L’évolution vers les JDC en numérique a également été mise en œuvre afin de pouvoir les dispenser aux jeunes Français à l’étranger.

Le service militaire volontaire (SMV) a fait la démonstration de son efficacité avec d’excellents résultats d’insertion. Il a été évalué – le taux d’insertions positives est de 75 % – et il accueillera 1 200 jeunes en 2021, soit 200 de plus qu’en 2020. Florence Parly et moi-même avons pour objectif d’arriver à 1 500 jeunes en 2022.

Nous avons engagé une réflexion globale sur les nombreux dispositifs qui existent au sein du ministère en faveur de la jeunesse, afin d’en mesurer l’impact avec pour objectif de les structurer et de les développer.

Enfin, je voudrais répondre à deux sujets qui ont été évoqués.

Premièrement, la demi-part fiscale est liée à la perception de la retraite du combattant. J’ai toujours voulu accentuer mes efforts vers les plus faibles, mais il est vrai que ceux-ci ne paient pas d’impôt sur le revenu.

Deuxièmement, je voudrais répondre à la question précise de Mme Duranton pour vous annoncer qu’une agrafe « essai nucléaire » pour la médaille de la défense nationale sera créée. Cette décoration honorifique, cette reconnaissance, sera accessible à tous les militaires et personnels civils qui ont participé aux essais nucléaires de notre pays entre 1960 et 1996.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget porte sur des sujets éminemment d’actualité : il est celui de la transmission pour l’unité nationale dans les épreuves et de la résilience dans les crises. Je vous remercie de le voter avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 54

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

2 086 206 637

2 089 785 667

Liens entre la Nation et son armée

38 917 512

38 796 542

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

1 954 150 913

1 957 850 913

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

93 138 212

93 138 212

Dont titre 2

1 478 567

1 478 567

M. le président. L’amendement n° II-699 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller, Savary, Boré et Favreau, Mme Deroche, M. D. Laurent, Mmes Borchio Fontimp, Berthet, Puissat, Richer, Deromedi et F. Gerbaud, MM. Courtial, Tabarot et Houpert, Mme Chauvin, MM. Sol, Daubresse et Belin, Mme Thomas, MM. Frassa et Rietmann, Mme Demas, MM. Gremillet et Lefèvre, Mme Imbert, MM. Cuypers, Bonnus et Reichardt, Mme Raimond-Pavero, MM. Bacci, Piednoir, Sido et Bas, Mme M. Mercier, M. Klinger, Mmes Malet et V. Boyer, M. C. Vial, Mme L. Darcos, MM. Genet, Pellevat, Chatillon et Mandelli, Mme Noël, M. Charon, Mme Garriaud-Maylam, M. Allizard, Mme Dumas, MM. Bonne, Longuet, Rapin, B. Fournier, Perrin, Grosperrin et Savin, Mme Pluchet, M. Brisson, Mme Gruny, M. Cambon, Mme Joseph, M. Paccaud, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Babary et Karoutchi et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la Nation et son armée

7 000 000

7 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

7 000 000

7 000 000

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

TOTAL

7 000 000

7 000 000

7 000 000

7 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Cet amendement, dont Pascale Gruny a parlé lors de son intervention liminaire, vise à augmenter l’indice de la retraite du combattant de deux points.

Compte tenu de l’engagement envers la Nation, de l’âge et de la fragilité des personnes bénéficiaires de la retraite du combattant, il importe de procéder à une revalorisation régulière de l’indice, comme cela avait été fait entre 2007 et 2012.

Cela est d’autant plus nécessaire que l’année 2020 a vu l’accroissement de la paupérisation de la population, en particulier des retraités anciens combattants, pour lesquels les sources de revenus sont déjà très limitées.

La revalorisation aurait lieu au 1er juillet 2021, pour un coût de 7 millions d’euros, le coût en année pleine s’établissant à 18 millions d’euros.

En application des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, les signataires proposent une diminution des crédits de l’action n° 01, Liens armées-jeunesse, du programme 167. Nous n’avons pas le choix, il nous faut compenser.

Rappelons, néanmoins, que cette diminution se fait en parallèle d’une réflexion menée par le Gouvernement sur l’expérimentation, pour la deuxième année, du service national universel (SNU). Les crédits dédiés au financement du SNU sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2021, sont doublés, sans réforme du dispositif de la Journée défense et citoyenneté. Nous pensons qu’il peut y avoir un lien entre les deux missions, de manière à compenser la diminution que nous sommes contraints de prévoir.

Par ailleurs, madame la ministre, vous avez fait part de votre satisfaction quant à l’effort consenti par le Gouvernement concernant la carte du combattant pour les soldats engagés entre juillet 1962 et juillet 1964. Le Sénat était à l’initiative de cette démarche et je me rappelle que, lors des deux premières années, vous y étiez défavorable, en invoquant la mise en place d’un comité de réflexion…

Enfin, au bout de deux ans, vous avez accepté d’intégrer cette évolution dans votre budget. Je vous invite à faire la même chose pour cette revalorisation et à écouter la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Claude Kern et Laurent Lafon applaudissent également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. À l’initiative de Philippe Mouiller et de nombreux cosignataires, cet amendement, qui revient à chaque loi de finances depuis quelques années, vise à dégager 7 millions d’euros afin de financer l’augmentation de la retraite du combattant de deux points d’indice à compter du 1er juillet 2021.

Il est possible qu’il faille un peu plus de 7 millions d’euros pour appliquer cette mesure, mais le calibrage n’est pas incohérent avec les données de l’exécution budgétaire qu’on peut anticiper.

L’essentiel est bien que, année après année, la retraite du combattant a perdu de sa valeur réelle.

On cite souvent l’expression de « déshabiller Paul pour habiller Pierre », mais il n’y a pas moyen de faire autrement.

En année pleine, le coût de la mesure peut être estimé entre 18 et 25 millions d’euros et elle représente près de 4 % d’augmentation, mais elle permettrait de combler une partie du retard pris ces dernières années.

L’avis de la commission est donc favorable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je ne vois pas comment il serait possible de diminuer le budget de l’action n° 01, Liens armées-jeunesse, de 30 %. Je veux rappeler que les JDC sont mises en place pour un peu moins de 800 000 jeunes Français – et ce sera bien le cas en 2021. En outre, il s’agit d’une obligation légale, décidée à la suite de la disparition du service militaire en 1996. Compte tenu des équilibres budgétaires, il me semble tout à fait impossible que ce budget perde 30 % !

En outre, le point des pensions militaires d’invalidité (PMI) est actuellement de 14,68 euros et la retraite du combattant de 763,36 euros. Cette dernière augmente chaque année du fait de la hausse du point PMI, qui est indexé sur les salaires de la fonction publique. Il s’agit, bien sûr, d’une reconnaissance de la Nation.

La mesure que vous préconisez aurait effectivement un coût d’environ 20 millions d’euros en année pleine.

Plutôt que des mesures générales, le Gouvernement a fait le choix de mesures ciblées visant à combler des iniquités.

La première était d’augmenter le nombre de ressortissants pouvant bénéficier de la carte et de la retraite du combattant : je pense bien sûr à la carte du combattant « 62-64 » que nous avons mise en œuvre ensemble et qui représente un budget de 38 millions d’euros par an.

Autres mesures, le soutien aux veuves qui laissait place à d’importantes iniquités et qui a été harmonisé pour y remédier, ainsi que le soutien aux plus fragiles qui me semble particulièrement important – nous le devons à nos anciens combattants et à leurs ayants droit.

L’installation de la commission tripartite, retardée par la crise du covid aura lieu lundi – je ne pouvais pas faire plus vite en raison de l’épidémie. La commission débattra de l’évolution du point de PMI et nous déciderons ensuite, avec les députés et les sénateurs, des mesures à mettre en œuvre.

Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, je dois avouer que je m’attendais à votre réponse, à votre argumentaire et à cette décision.

Rappelons-nous d’abord que le budget de la JDC, touché par notre amendement, n’a été exécuté que pour moitié cette année. Il existe donc des marges de manœuvre. En outre, contrairement à nous, vous avez, en tant que ministre, la capacité de lever le gage et de financer cette mesure par un autre biais.

Par ailleurs, lorsque nous avions débattu de la carte « 62-64 », vous aviez donné exactement la même réponse : vous vouliez déjà attendre la réunion d’une commission tripartite…

Nous sommes dans la même logique. Je ne peux donc que vous proposer d’accélérer le processus de prise de décision, en nous accompagnant dans notre effort de fixer une valeur juste pour la retraite du combattant. Je tiens également à vous dire que, dans cette période extrêmement compliquée pour nos anciens combattants, ils écoutent aujourd’hui nos débats pour connaître la décision du Gouvernement.

Vous auriez tout honneur à soutenir notre position !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, si vous arrivez à la commission tripartite, non pas les mains vides, mais avec des propositions concrètes telles que celle que nous faisons, je pense que les négociations se passeront bien… Plus vous attendez, plus l’affaire sera difficile pour un certain nombre d’anciens combattants.

Vous avez mis en avant le fait que le prélèvement proposé sur l’action n° 01, Liens armées-jeunesse, n’était pas pertinent. Eh bien, je vous invite à lever le gage – c’est très simple !

En tant que rapporteur du compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions », je peux vous dire que celui-ci va générer un excédent de 1,2 milliard d’euros en 2020 et de 759 millions en 2021. Le CAS « Pensions » ne peut pas en principe être en déficit, mais nous savons, compte tenu des estimations pour les années à venir, que nous n’aurons pas besoin de ses excédents avant au minimum 2024.

Par conséquent, il est tout à fait possible de faire peser sur lui le surcoût créé par cet amendement pour l’année 2021, qui est estimé à 7 millions d’euros – 18 millions en année pleine. La balle est dans votre camp ! Je crois que ce serait vraiment une reconnaissance pour le monde combattant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Je comprends très bien le sens de cet amendement, mais j’entends aussi ce que vient de dire Mme la ministre : son budget respecte une cohérence. Compte tenu de ce cadre, et même si cela m’aurait fait plaisir, je ne voterai pas cet amendement.

De surcroît, supprimer des crédits de l’action n° 01, Liens armées-jeunesse, n’est pas un bon signal, surtout dans le contexte que nous vivons en ce moment. Nous devons être particulièrement prudents, au regard des éléments d’affichage qui peuvent être les nôtres dans ce contexte.

Ensuite, plusieurs propos, notamment ceux de nos collègues Nadia Sollogoub et Brigitte Lherbier, ont mis en avant un certain nombre d’actions menées par les associations. Je pense au Souvenir français, qui mène des actions tout à fait remarquables sur l’ensemble de nos territoires. Ces associations perpétuent le nécessaire effort de mémoire en direction de la jeunesse et les crédits du ministère sont des éléments importants d’accompagnement de ce travail de mémoire des associations.

Madame la ministre, permettez-moi de vous dire combien j’ai été sensible à votre décision de maintenir les crédits pour l’Ordre de la Libération. C’est quelque chose de fondamental ! Comme vous l’avez dit, les derniers Compagnons de la Libération nous quittent – il n’en reste plus qu’un – et nous avons le devoir de continuer, là aussi, cet effort de mémoire pour les générations futures.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, je crois qu’il n’est pas du tout incompatible d’organiser les Journées défense et citoyenneté, tout en valorisant la retraite des combattants. Les anciens combattants ont tout fait pour que nous soyons libres ; ils se sont battus pour cela. Nous allons voter l’amendement de M. Mouiller, parce qu’il n’y a pas d’incompatibilité.

Madame la ministre, le nombre des anciens combattants diminue chaque année – nous l’avons dit. De ce fait, si vous avez la volonté réelle de faire quelque chose pour le monde combattant, vous pouvez le faire !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, vous avez raison : il n’est pas acceptable d’enlever 7 millions d’euros au programme 167, « Liens entre la Nation et son armée ». Mais les parlementaires que nous sommes n’ont pas d’autre choix, pour faire significativement évoluer le budget, que de proposer ce type d’amendement. Et il est trop facile – je vous le dis, comme je l’ai déjà dit à d’autres membres du Gouvernement –, de nous reprocher de « mal gager ». À trop user de cet argument, l’obligation de rester dans un périmètre constant nous obligera demain à ne plus rien proposer !

En revanche, madame la ministre, vous avez, vous, le pouvoir de lever le gage. Ce faisant, vous auriez une parole politique forte, en disant l’urgence qu’il y a à augmenter la retraite du combattant de deux points et en dégageant des moyens pour cela – dans cette période, nous ne sommes plus à quelques millions d’euros près (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.), quand il s’agit de répondre à de tels besoins. Vous pourriez alors maintenir les crédits du programme 167, alors même qu’il est indispensable de maintenir des liens forts entre la Nation et son armée.

J’ai également entendu ce que vous disiez à propos de la commission tripartite : vous la mettez, enfin, en place. Je vous le dis sans ironie : très bien ! Mais, comme vous l’ont fait remarquer mes collègues, imaginez la force que vous auriez, si vous arriviez à cette réunion avec, dans votre besace, une telle décision et le soutien des parlementaires.

En tout cas, nous voterons cet amendement. En ce qui me concerne, il s’agit de mon dixième budget des anciens combattants – j’en ai donc vu passer des gouvernements et des Présidents de la République ! Eh bien, chaque année, les discussions sont toujours plus compliquées.

Je crois vraiment qu’il est urgent de répondre aux besoins du monde combattant. La raison en est simple : malheureusement, dans quelques années, cette question ne se posera plus du fait de l’évolution démographique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-699 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-850 rectifié, présenté par Mmes Jasmin et Lubin, MM. Cozic et Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

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(En euros)

Programmes

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+

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Liens entre la Nation et son armée

 

1 000 000

 

1 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

1 000 000

 

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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

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La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Je serai rapide. Cet amendement concerne les anciens combattants des outre-mer, qui ne pourront prendre leur retraite, à partir du 1er janvier prochain, qu’à 65 ans au lieu de 60 ans. Je propose de maintenir la retraite à 60 ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Cet amendement, présenté par Mme Jasmin, vise à dégager un million d’euros pour maintenir l’ouverture du droit à percevoir une retraite du combattant à 60 ans pour les titulaires de la carte du combattant domiciliés en outre-mer.

À l’instar des nombreux sujets relatifs à l’outre-mer que nous avons abordés hier dans cet hémicycle, cette revendication est légitime. Néanmoins, je vais peut-être vous décevoir quelque peu.

La carte du combattant donne droit à la perception d’une retraite du combattant à 65 ans, sauf dans certains cas très particuliers, tenant compte de la situation sociale ou d’invalidité des titulaires de cette carte. Un décret de 1952 avait ainsi ouvert ce droit à 60 ans aux titulaires domiciliés en outre-mer.

Sauf erreur de ma part, cette suppression n’est pas rétroactive. Cela signifie que les personnes, par exemple âgées de 62 ans, percevant une retraite du combattant et domiciliées outre-mer continueraient à la percevoir.

En l’état, le vote de l’amendement n’aurait pas d’effet concret, puisque la base légale permettant d’accéder à la retraite du combattant à partir de 60 ans pour les domiciliés en outre-mer n’existe plus – un amendement qui irait dans ce sens serait d’ailleurs déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

Je prends donc l’amendement n° II–850 rectifié comme un appel visant à porter une revendication, dont nous pouvons par ailleurs partager la légitimité. Nous sollicitons donc l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous demandez le retour d’un dispositif qui créait une différence entre les anciens combattants selon leur lieu de résidence. Ce dispositif a été annulé en 2015 par une ordonnance de codification, car il constituait une inégalité de traitement sans justification. Pour autant, une période de transition de cinq ans avait été ménagée.

De ce fait, à partir du 1er janvier 2021, un ancien combattant, qu’il habite dans la Marne, en Martinique ou en Guadeloupe, bénéficiera de la retraite du combattant à 65 ans, ce qui constitue une mesure d’équité.

Pour autant, j’entends l’argument, madame la sénatrice, selon lequel certains anciens combattants ont des difficultés de vie plus importantes en outre-mer qu’en métropole, notamment du fait de la cherté de la vie. Les réponses à de telles situations relèvent de l’action sociale de l’ONAC-VG ; c’est par son intermédiaire que nous pourrons aider, individuellement, ceux qui sont en difficulté outre-mer.

Je vous demande donc de retirer cet amendement.

Quelque chose d’inéquitable a été supprimé en 2015 et on ne peut pas le rétablir. En revanche, je vous propose de demander à l’ONAC-VG de faire une étude précise et je m’engage à dégager, si nécessaire, des fonds supplémentaires d’action sociale pour les départements d’outre-mer. Il me semble que cette solution réglera mieux les problèmes.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse. J’ai déjà interpellé la directrice de l’ONAC-VG qui m’a répondu que de plus en plus de personnes rencontraient effectivement de grandes difficultés. Il me semble donc très important de flécher les aides sociales de l’ONAC-VG vers ces personnes, même si cela ne retirera rien aux disparités qui existent aujourd’hui entre les territoires.

Au bénéfice de votre engagement, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° II-850 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-851 rectifié, présenté par Mmes Jasmin et Lubin, MM. Cozic et Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

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Liens entre la Nation et son armée

700 000

700 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

700 000

700 000

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

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700 000

700 000

700 000

700 000

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La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Cet amendement se fait l’écho d’une demande de plus en plus pressante des proches des personnes mortes pour la France. Elles demandent que des plaques portant l’inscription « Mort au service de la Nation » soient placées sur leur sépulture. Madame la ministre, êtes-vous prête à faire cet effort, lorsque les familles le demandent ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Nous pouvons partager et respecter cette demande, mais elle ne relève pas vraiment d’un projet de loi de finances. La commission des finances en demande donc le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Selon l’article L. 515-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, « lorsque la mention “Mort pour la France” a été portée sur l’acte de décès […], l’inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou du dernier domicile ou sur une stèle placée dans l’environnement immédiat de ce monument est obligatoire », dès lors que « la demande d’inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l’intermédiaire de ses services territoriaux ou des associations ayant intérêt à agir ».

De plus, vous le savez, un monument aux morts pour la France en opérations extérieures a été inauguré le 11 novembre 2019.

Vous pouvez le constater : la mémoire des combattants est, d’ores et déjà, honorée par la Nation. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Je vous remercie, madame la ministre. Peut-être faudrait-il mieux communiquer sur ce sujet auprès des différentes associations et des familles, parce que je connais des personnes, y compris dans l’Hexagone, qui ne sont pas au courant de ces informations. Je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° II-851 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-38 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Chatillon, Allizard, Bascher et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Cambon et Cuypers, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes de Cidrac, Deromedi, Deseyne, Di Folco, Drexler et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genet, Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et Levi, Mme Lherbier, M. Longuet, Mmes Malet et M. Mercier, M. Mouiller, Mme Noël, MM. Pellevat, Piednoir et Pointereau, Mme Puissat et MM. Rietmann, Saury et Sol, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la Nation et son armée

103 750

103 750

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

103 750

103 750

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

TOTAL

103 750

103 750

103 750

103 750

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La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Je défends cet amendement au nom de ma collègue Brigitte Micouleau. Il s’agit de traiter la situation des membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun.

Il serait juste qu’ils puissent bénéficier d’une aide d’un montant de 4 150 euros pour solde de tout compte, afin de réparer, autant que faire se peut, le comportement injuste de l’administration à leur égard au cours de la période allant du 5 février 2011 au 19 décembre 2013.

Le présent amendement a pour objet de financer une compensation à ces vingt-cinq personnes pour solde de tout compte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. La commission des finances a émis un avis favorable sur ce dispositif sollicité depuis de nombreuses années.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Il est vrai que nous avons évoqué un certain nombre de fois le sujet de la distinction entre supplétifs de droit commun et supplétifs de droit local.

Cette question a donné lieu à de nombreuses péripéties, mais les questions juridiques ont été réglées, tant sur le plan des principes qu’en ce qui concerne les demandes individuelles.

Vous évoquez la situation des vingt-cinq supplétifs de droit commun. L’Assemblée nationale et le Sénat avaient voté des crédits pour leur apporter une réparation. Néanmoins, nous ne pouvions pas, pour des raisons juridiques, verser ces fonds ; le trésorier n’aurait pas pu autoriser les paiements.

Pour prendre soin de ces personnes malgré cette difficulté, j’ai demandé à l’ONAC-VG d’utiliser ses aides d’action sociale.

L’ONAC-VG a donc contacté ces personnes. Parmi elles, trois étaient décédées, six n’ont pas souhaité donner suite, six n’ont pas exprimé de besoins particuliers – il faut monter un dossier pour solliciter une action sociale –, six sont déjà accompagnées par l’ONAC-VG et continueront de l’être – ce soutien a été très renforcé – et quatre ont reçu une aide d’un montant allant de 800 à 3 000 euros.

J’ai transmis tous ces éléments aux présidents de commission, afin qu’ils soient informés de cette évolution. Je vous invite, si vous avez des doutes, à consulter la directrice générale de l’ONAC-VG.

Je peux vous assurer que nous sommes très attentifs à ces dossiers. Nous ne pouvons pas mettre en œuvre le dispositif que vous appelez de vos vœux, du fait d’une impossibilité juridique, mais nous le faisons par d’autres moyens.

M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° II-38 rectifié est-il maintenu ?

Mme Laure Darcos. Vous n’êtes évidemment pas en cause, madame la ministre, mais il est tout de même triste que des personnes soient décédées avant d’avoir pu accéder à ces aides.

Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-38 rectifié est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 54, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Sport, jeunesse et vie associative

Article 54

I. – Le paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :

1° Au 4° de l’article L. 141-18, le nombre : « 10 000 » est remplacé par le nombre : « 6 000 » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 141-21, le nombre : « 10 000 » est remplacé par le nombre : « 6 000 ».

II. – Le I du présent article est applicable aux pensions en paiement au 1er janvier 2021, à compter de la demande des intéressés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. L’article 54 améliore la situation des conjoints survivants, mariés ou pacsés, d’un titulaire d’une pension militaire d’invalidité. Cette mesure concerne au plus 197 personnes, pour un montant maximal de 1 million d’euros. L’article 40 nous empêche de l’étendre. Envisageons ce nouveau dispositif comme un premier pas. Il en appelle d’autres, notamment pour répondre à l’enjeu des sacrifices. (M. Claude Kern applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 54.

(Larticle 54 est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents a inscrit à l’ordre du jour d’aujourd’hui, à la suite de la mission « Justice », l’examen du bloc de missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis », « Transformation et fonction publiques » et « Régimes sociaux et de retraite ».

Au regard du temps restant et dans la mesure où il serait difficile d’entamer ce bloc de missions avant minuit, nous pourrions d’ores et déjà décider, en accord avec la commission des finances, les commissions concernées et le Gouvernement, d’en reporter l’examen à demain, samedi 5 décembre matin.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Sport, jeunesse et vie associative

Article 54
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (et articles 70 à 73).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons commencé l’examen du projet de loi de finances voilà deux semaines. Depuis, nous avons eu l’occasion d’insister sur les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.

La mission que nous examinons aujourd’hui est emblématique tant des difficultés traversées que de la nécessité d’une réponse à la hauteur.

En effet, pour le sport, la jeunesse et la vie associative, le coup est rude et ses effets se poursuivent. Les pratiques sportives demeurent interrompues sur l’ensemble du territoire. La jeunesse subit de plein fouet des restrictions nécessaires, mais douloureuses, tandis que la vie associative doit se réinventer à l’heure de la « distanciation sociale ».

Pour autant, ces trois axes sont plus que jamais indispensables pour réaffirmer une cohésion nationale ébranlée.

Je retiendrai deux points généraux de présentation.

Pour 2021, les crédits proposés pour la mission connaissent une hausse de 12,5 % par rapport à l’année précédente.

Il s’agit non pas d’une réponse à la situation actuelle, mais bien d’une tendance de fond, qui s’explique essentiellement par le service national universel (SNU) et la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

La croissance de ces deux postes de dépenses était prévue, mais à défaut de trajectoire budgétaire actualisée, rien n’indique comment la soutenabilité de la mission, dont les crédits ont été multipliés par 2,7 depuis 2015, sera assurée. Cette progression s’accompagne d’une concentration exceptionnelle des dépenses portées par la mission, qui en affecte la capacité de pilotage.

Trois dispositifs représentent les trois quarts de ses crédits : la subvention à l’Agence nationale du sport (ANS), les politiques de l’engagement de la jeunesse – service civique et service national universel – et les Olympiades de 2024.

L’analyse des crédits est toutefois altérée cette année, en raison de la multiplication des vecteurs budgétaires : les collectifs budgétaires, le projet de loi de finances, mais aussi la mission dédiée au plan de relance.

La mise en œuvre de celui-ci, dont les crédits sont concentrés sur une mission spécifiquement créée, viendra compléter le soutien aux politiques de la mission, à hauteur de 437 millions d’euros en crédits de paiement. Cependant, plus de 80 % de ce montant résulte de la comptabilisation des dépenses tendant à augmenter de 100 000 le nombre de jeunes en service civique en 2021, dont la labellisation « relance » me surprend quelque peu.

Madame la secrétaire d’État, ne faut-il pas s’interroger sur les capacités d’absorber un tel contingent supplémentaire sans que la qualité des missions proposées soit rognée ?

Par ailleurs, la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a prévu d’importants crédits pour la mission, qu’il nous faut prendre en compte. Le soutien à la vie associative a été abondé de 35 millions d’euros. Pour le sport, plus de 100 millions d’euros ont été alloués aux clubs pour compenser les pertes de billetterie et, sur l’initiative du Sénat, la réserve des crédits a finalement été dégelée.

Je souhaite désormais évoquer trois points.

Le premier concerne le soutien au mouvement sportif.

L’attrition des crédits dédiés au sport constatée ces dernières années – hors jeux Olympiques – devrait s’inverser en 2021 sous l’effet des crédits liés au plan de relance, avec 67 millions d’euros de décaissements, et du relèvement du plafond de la fiscalité affectée à l’Agence nationale du sport. Je m’en réjouis, car cet effort est indispensable pour soutenir le secteur du sport.

Pour autant, je reste prudent, car le relèvement du plafond de la fiscalité affectée à l’ANS prend acte du dynamisme marqué du produit de la taxe Buffet.

Or celui-ci s’explique essentiellement par le nouveau contrat de diffusion du championnat de football professionnel, dont chacun ici aura suivi la chronique juridique qui s’est engagée depuis la rentrée. En cas de nouvel appel d’offres, lequel est loin d’être exclu, rien ne garantit que le montant du contrat soit équivalent, ce qui pourrait porter les recettes fiscales sous le plafond prévu en 2021.

En privilégiant le relèvement du plafond à une majoration de la subvention versée à l’Agence nationale du sport, le Gouvernement transfère donc le risque vers le mouvement sportif. Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer et nous garantir que, si le rendement de la taxe Buffet est moindre qu’escompté, des crédits budgétaires seront débloqués pour compenser ?

Le deuxième point concerne le service national universel.

En 2020, 30 millions d’euros étaient prévus, pour un objectif de 20 000 jeunes, soit un coût moyen par jeune de 1 500 euros. La crise sanitaire aura toutefois marqué un coup d’arrêt.

L’année 2021 doit permettre de reprendre la mise en œuvre de ce dispositif, pour un objectif de 25 000 jeunes. Mais, entretemps, les prévisions ont été quelque peu revues à la hausse, puisque ce sont plus de 62 millions d’euros qui sont demandés, soit 2 200 euros par jeune hors coûts fixes.

Dans ces conditions, faut-il réellement poursuivre l’objectif d’une généralisation du dispositif à l’ensemble d’une classe d’âge, soit 800 000 jeunes ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Mon troisième et dernier point porte sur le soutien à la vie associative, deuxième volet de la mission.

Je souhaite vous faire part d’une nouveauté qui interviendra en 2021 et qui nous tient particulièrement à cœur. L’an dernier, nous avions adopté un mécanisme de fléchage d’une partie des avoirs des comptes inactifs revenant à l’État vers le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). En 2021, ce sont 17,5 millions d’euros qui pourraient ainsi lui être versés.

Dans ces conditions, la commission des finances a proposé l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en juin dernier, notre commission avait affirmé que « la crise que connaît le secteur du sport était profonde et durable » et regretté qu’à cette date « aucun plan de relance digne de ce nom n’ait été présenté et mis en œuvre ».

Il aura fallu attendre huit mois pour que le Gouvernement prenne la pleine mesure du choc, auquel le mouvement sportif est confronté depuis mars dernier, et réagisse, au travers d’annonces successives, à mesure que la situation du secteur se détériorait.

Une première étape, trop modeste, avait consisté en la mise en place, en juin 2020, d’un fonds de solidarité de 15 millions d’euros, afin de soutenir les petites associations sportives. Ce fonds est reconduit en 2021.

La présentation du PLF 2021 a constitué une deuxième étape plus significative, avec, d’une part, une hausse des moyens de l’Agence nationale du sport et, d’autre part, la mise en place d’un plan de soutien au secteur du sport.

L’ANS bénéficiera de la totalité du produit de la taxe Buffet, soit 74,1 millions d’euros, ce qui représente une hausse globale de 34,1 millions. Nous nous réjouissons du déplafonnement de cette taxe, lequel constituait une revendication ancienne de la commission de la culture.

L’annonce d’une enveloppe de 122 millions d’euros sur deux années, portée à 132 millions à l’issue de l’examen du budget à l’Assemblée nationale, a constitué une autre annonce importante.

Nous avons été nombreux à partager le sentiment exprimé par le mouvement sportif en octobre dernier que le plan de relance n’était pas équilibré, puisque seulement 21 millions d’euros étaient destinés aux clubs.

Afin de répondre aux conséquences du huis clos dans les enceintes sportives, le Gouvernement a annoncé la création d’un fonds de compensation des pertes de billetterie, doté de 110 millions d’euros. Outre que cette somme ne représentera qu’une petite partie des pertes des quelque 150 structures qui peuvent y prétendre, nous aurions souhaité que le fonds perdure au moins jusqu’à juin 2021, puisqu’il est peu probable qu’un fonctionnement normal soit rétabli d’ici là.

La troisième étape a été marquée par plusieurs annonces faites par le Président de la République le 17 novembre dernier, dont la création du Pass’Sport. Ce dispositif, doté de 100 millions d’euros, devrait voir le jour en 2021 afin d’aider les publics les plus fragilisés à accéder à la pratique sportive.

Je propose depuis deux ans la création d’un dispositif similaire. Je rappelle qu’il doit être articulé avec les initiatives des collectivités territoriales afin d’atteindre un montant d’environ 300 euros, permettant de financer le coût de la licence, la cotisation aux clubs ou divers équipements. Un ciblage large sur les jeunes âgés de 14 à 20 ans et une pérennisation de la mesure me paraissent souhaitables.

Par ailleurs, il est vital d’abonder le fonds d’urgence pour les fédérations d’environ 10 millions d’euros. Une dizaine ou plutôt une douzaine d’entre elles se trouve dans une situation hautement préoccupante.

En conclusion, ce budget présente de vraies avancées, notamment sur la préparation des jeux Olympiques, le laboratoire de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et le maintien des conseillers techniques sportifs (CTS) dans le giron de l’État. Toutefois, les mesures de soutien au secteur du sport auront été trop tardives, ce qui n’a pas permis d’en assurer le financement complet dans le PLF pour 2021.

Notre commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits, non sans insister sur la nécessité de clarifier au plus vite le financement des annonces du Président de la République et de prolonger les dispositifs au moins jusqu’au printemps 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, en remplacement de M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Lozach, en remplacement de M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits du programme 163, « Jeunesse et vie associative », connaissent une augmentation de 39,52 millions d’euros. Ils atteignent désormais 699,72 millions.

Toutefois, le doublement du budget consacré au service national universel (SNU) explique en grande partie cette augmentation. Or la commission a exprimé de nombreuses réserves sur ce dispositif. Le coût en est élevé : 2 300 euros par jeune, contre 1 000 à 1 500 euros évoqués lors de sa création. Des questions se posent aussi sur les objectifs du séjour de cohésion. Par ailleurs, la concertation avec les associations est trop faible sur la phase 2, qui consiste en une mission d’intérêt général. Enfin, des doutes persistent sur la possibilité de déployer le dispositif en 2021, en raison des conditions sanitaires.

Ainsi, ce sont 60 millions d’euros, soit 10 % des crédits du programme, qui sont consacrés à un dispositif aux contours flous, déployé sans concertation et dont la réalisation en 2021 est incertaine.

Dans le même temps, les moyens alloués aux associations fortement touchées par la crise sont trop modestes. Pour rappel, 66 % des associations ont complètement suspendu leurs activités, 55 000 déclarent ne pas pouvoir maintenir les salaires et les déclarations d’embauche sont en chute de 45 %.

Lors de la campagne du FDVA de 2020, le nombre de demandes de subvention était deux fois plus nombreux que celui des dossiers retenus, et les montants alloués deux à trois fois inférieurs aux demandes. Entretemps, la crise sanitaire et économique est arrivée et, avec elle, les difficultés financières pour les associations.

Je souhaite également évoquer la situation des acteurs du tourisme social. Ces derniers ont également été très fortement touchés par la crise. La totalité des classes vertes a été annulée entre mars et juin 2020. Les colonies de vacances, malgré le dispositif Vacances apprenantes, ont connu un taux de remplissage faible pendant les vacances d’été.

Dans le cadre du PLFR 4, 15 millions d’euros venant des crédits non utilisés du SNU ont permis de soutenir les acteurs des colonies de vacances et des séjours pour enfants. Est-ce suffisant ? Je crains que non. Actuellement, le taux de réservation est de 80 % inférieur à celui de l’année dernière à la même date.

Le Gouvernement souhaite promouvoir la cohésion nationale et la citoyenneté, notamment à travers le SNU. Or la citoyenneté se construit avant 16 ans, via l’école, le temps périscolaire et les colonies de vacances, qu’il est urgent d’accompagner et de renforcer.

Je conclurai mon propos, en évoquant la mission « Plan de relance ». La commission a salué les 609 millions d’euros en faveur de la jeunesse et des associations qui sont inscrits dans cette mission – je tenais à le préciser.

Certaines mesures sont ambitieuses. Je pense aux 100 000 nouvelles missions de service civique qui devront être créées. Cela nécessite la mobilisation de tous, mais aussi une vigilance accrue dans le contrôle de la qualité des missions. Je souhaite également que les jeunes des territoires ruraux ne soient pas oubliés dans ce dispositif.

Cependant, je regrette l’inscription d’un certain nombre de mesures dans cette mission qui augurent d’un caractère conjoncturel du surcroît d’attention du Gouvernement en faveur de la jeunesse et la vie associative. Or la promotion d’une société de l’engagement et une action forte en faveur de la jeunesse…

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. … nécessite un investissement continu et de long terme.

La commission de la culture a ainsi émis un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 163.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Céline Brulin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il a fallu beaucoup de temps pour que le Gouvernement prenne en compte le choc provoqué par la crise sanitaire sur le mouvement sportif. Il l’a fait avec retard, par des mesures très sectorielles et pour un effet bien modeste sur les clubs qui perdent, en moyenne, 25 % de leurs licenciés.

Les mesures dont on pourrait se réjouir ne sont pas toutes budgétées dans ce PLF, y compris celles que vous venez de détailler voilà quelques heures, madame la ministre.

Ainsi, si je salue bien évidemment le déplafonnement de la taxe Buffet affectée à l’Agence nationale du sport, qui a été missionnée pour mettre en œuvre le Pass’Sport et devrait, à ce titre, bénéficier de 100 millions d’euros, l’Agence a indiqué que rien ne se concrétiserait avant le printemps prochain.

Au-delà de la crise sanitaire, nos inquiétudes s’accroissent sur le modèle sportif qui se dessine, mesure après mesure. C’est désormais un groupement d’intérêt public (GIP) qui définit la politique sportive de la France. La mobilisation a empêché le transfert des CTS vers les fédérations, mais leurs effectifs continuent de fondre. L’Agence française de lutte contre le dopage doit faire toujours plus sans moyens supplémentaires et notre parc d’équipements vieillit inexorablement.

Les crédits affectés à la préparation des jeux Olympiques de Paris ne sauraient masquer cette situation. Pourtant, la pratique sportive est préconisée. Elle est même indispensable pour lutter contre les comorbidités, facteur aggravant du covid.

Les clubs ont et auront aussi un rôle décisif à jouer pour retricoter le lien social, tellement distendu ces temps-ci, mais à condition de pouvoir rebondir. Ce budget ne le permettra pas.

Les crédits affectés à la jeunesse et à la vie associative paraissent eux aussi bien dérisoires dans le contexte actuel.

Nous avons conscience que la mission examinée aujourd’hui ne résume pas à elle seule l’ensemble de la politique en faveur de la jeunesse, mais nous ne trouvons trace à aucun autre endroit du PLF de l’ambition nécessaire pour que la jeune génération ne soit pas la génération sacrifiée du covid.

Les crédits augmentent de 40 millions d’euros par rapport à 2020, mais cette hausse s’explique, à hauteur de 32 millions d’euros, par le doublement du budget du service national universel.

Quoi que l’on pense du SNU, il ne saurait être la priorité du moment. Le séjour de cohésion, qui constitue la première phase du dispositif, n’a pas eu lieu au printemps dernier. Et pour cause ! Au reste, nul ne sait, si les missions d’intérêt général qui en composent la deuxième phase verront le jour, d’autant que les partenaires pressentis pour accueillir les jeunes doivent se débattre dans des missions qui demandent déjà toute leur mobilisation.

Pour cette raison, nous proposons de redéployer ces crédits, via le fonds pour le développement de la vie associative, vers le tissu associatif qui souffre. Celui-ci bénéficiera d’environ 15 millions d’euros issus des comptes bancaires inactifs – enfin ! Toutefois, chacun sait déjà que ce sera insuffisant.

La création de nouveaux contrats de service civique peut répondre en partie à la situation d’urgence, mais il faudra veiller aux abus en termes d’emplois déguisés, inhérents au dispositif même et dont les risques peuvent se trouver renforcés par la situation de fragilité que connaissent les différents acteurs qui recrutent ces services civiques.

D’autres dispositifs, comme les postes Fonjep – Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire –, sont en augmentation, mais ils risquent eux aussi de ne pas produire leur plein effet, car la situation financière des associations menace de leur interdire de compléter les financements pour qu’ils se traduisent véritablement en nouveaux postes créés.

Quant aux parcours emploi compétences, les deux cents maires mobilisés pour alerter sur le risque de décrochage des quartiers populaires les jugent notoirement insuffisants.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ces budgets. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Esther Benbassa et M. Patrick Kanner applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’écriture d’un budget est avant tout la traduction d’une volonté politique permettant de rendre opérationnelles, sur tout le territoire, des ambitions empreintes d’une véritable grandeur, la crise sanitaire et sociale sans précédent que nous traversons aurait dû être l’amorce d’une véritable approche pragmatique et pérenne pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Or que constatons-nous ? À la fois beaucoup de temps perdu et la mise en exergue de certaines actions au détriment d’autres, comme en témoignent la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques et le SNU, qui accaparent pratiquement tout, le reste étant renvoyé au plan de relance.

Le budget consacré au sport est ainsi marqué, pour 2021, par le tropisme du Gouvernement à valoriser les performances de haut niveau. À cet égard, l’effort marqué en faveur du programme 350, « Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 » est éloquent, puisque les crédits passent de 129 à 234 millions d’euros.

Certes, la perspective de cet événement extraordinaire doit être portée par un programme budgétaire digne de ce nom, et nous saluons bien évidemment cette ligne du Gouvernement. Cependant, n’oublions pas les territoires, qui pâtissent une fois encore du manque d’épaisseur de l’exercice budgétaire, alors même que les champions de demain s’entraînent aujourd’hui dans les territoires, d’où ils doivent émerger.

Le financement du sport pour tous reste particulièrement sous-doté dans nos territoires – c’est un vrai regret. Les collectivités ont de réelles difficultés budgétaires et nul besoin d’être devin pour se rendre compte que le soutien au monde du sport sera loin d’être une priorité pour elles, sans parler de la situation des bénévoles, dont le renouvellement va poser problème.

Le sport français a besoin de ressources supplémentaires pour assurer sa présence sur la durée dans tous les territoires. Les clubs en ont besoin pour anticiper, développer et répondre aux attentes des Français et pour renforcer l’emploi et la formation des éducateurs et des entraîneurs. Ils en ont besoin pour investir, aux côtés des collectivités locales, dans des équipements sportifs qu’elles détiennent à près de 85 %, mais qui, aujourd’hui, vieillissent et sont insuffisants et inadaptés.

Le sport professionnel est lui aussi en souffrance. C’est toute une économie qui est en danger, avec l’arrêt des compétitions ou les rencontres à huis clos, qui font chuter les recettes de billetterie et révèlent de grandes disparités entre les disciplines.

Or le monde sportif a un rôle crucial à jouer en faveur de l’éducation, de la cohésion sociale et de l’insertion, mais aussi de la santé et du développement durable. À ce titre, nous devons pleinement soutenir ce secteur, fortement touché par la crise.

Les 34 millions d’euros de taxes affectées supplémentaires suffiront-ils ? Les 120 millions d’euros sur deux ans du plan de relance, dont une grosse part sera dédiée à la rénovation énergétique des équipements sportifs, suffiront-ils à aller chercher les trois millions de pratiquants ?

D’ailleurs, le plan de relance, qui apparaît plus comme un plan de rattrapage, montre bien les insuffisances du projet originel, puisqu’il contient de nécessaires rallonges financières, en particulier à destination du monde associatif sportif local.

Au final, si le budget du ministère chargé des sports semble en hausse en 2021, la période actuelle, que nous pouvons qualifier d’extraordinaire, aurait dû pousser le Gouvernement à s’engager davantage.

S’agissant du programme « Jeunesse et vie associative », l’augmentation des crédits, qui passent de 620 millions d’euros en 2020 à 699 millions d’euros, s’explique en quasi-totalité par la montée en charge du SNU.

Les crédits du fonds pour le développement de la vie associative comme ceux du service civique stagnent. Le budget prévu pour le FDVA qui, soit dit en passant, n’a jamais retrouvé son niveau du temps de la réserve parlementaire (M. Antoine Lefèvre marque son approbation.) – environ 50 millions d’euros – permettra-t-il de relever les défis ?

Les associations, dont le dévouement sans faille doit être souligné, sont en péril. Certes, les associations employeuses ont pu bénéficier des mesures développées pour les entreprises, mais toutes les autres petites associations, dont la plupart ne peuvent compter que sur le bénévolat, doivent plus que jamais être accompagnées.

Leurs pertes financières sont importantes, voire abyssales, du fait notamment de l’annulation de la quasi-totalité des événements, mais aussi en raison d’une reprise plus que chaotique des activités.

C’est la raison pour laquelle, comme nombre de mes collègues, je ne peux qu’émettre des réserves sur le SNU : que représentent concrètement quinze jours en internat et quinze autres jours dans un organisme extérieur ? Soyons sérieux, pragmatiques et audacieux.

Compte tenu du contexte et de la faible portée du dispositif à l’heure actuelle, n’est-il pas disproportionné de doubler les crédits du SNU, pour les porter à plus de 60 millions d’euros, quand ils ne répondent pas aux attentes de la jeunesse ? L’enjeu d’aujourd’hui est de répondre à la précarité. Voilà l’urgence !

Pour conclure, même si elles sont différées, je veux saluer l’ensemble des mesures pour le sport annoncées tout récemment par le Gouvernement : enveloppe de quelque 100 millions d’euros pour le Pass’Sport, compensation des pertes de recettes et de billetterie, mesures d’urgence via l’ANS pour soutenir les clubs, etc.

Ainsi, si nous avions la possibilité de dissocier, au sein de cette mission, le programme « Sport » du programme « Jeunesse et vie associative », notre groupe voterait pour le premier et s’abstiendrait sur le second.

Puisque ce n’est pas le cas et compte tenu du manque de pragmatisme et du décalage dans le temps de certains financements, le groupe UC s’abstiendra, en l’état, sur le budget de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « nous sommes […] désemparés par le peu de considération dont nous faisons l’objet alors que nous avons un rôle important à jouer au sein de la Nation. Le plus difficile est d’accepter que le Gouvernement ne s’adresse à nous qu’en cas de problème ».

Tout est dit dans cette phrase, prononcée devant notre commission, voilà quelques jours, par le président du CNOSF. Nous sommes nombreux, madame la ministre, à partager ce constat.

Le monde sportif, amateur et professionnel, traverse une crise sans précédent avec un arrêt total ou partiel des activités, une chute du nombre de licenciés, un risque de voir les partenaires publics et privés revoir leur soutien à la baisse, un recul du nombre de bénévoles ; bref, une situation qui inquiète l’ensemble de l’écosystème du sport.

Face à cette crise, les crédits inscrits dans le budget pour 2021 sont-ils à la hauteur des besoins ? Pour notre part, nous pensons que non. L’impact de cette crise sanitaire sur le monde sportif est largement sous-estimé par le Gouvernement. Si nous étions dans une année « normale », nous aurions pu dire que le budget que vous nous proposez pour 2021 va dans le bon sens avec une augmentation de 8 millions d’euros, à laquelle il faut ajouter les 34 millions d’euros liés au déplafonnement de la taxe Buffet que nous appelions de nos vœux. Mais, voilà, nous ne sommes pas dans une période normale.

Si nous pouvons souligner la hausse du programme 350 consacré aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, cette évolution est normale et attendue. Elle concerne la construction des villages des athlètes et des médias, qui seront transformés en logements.

Par ailleurs, je tiens à souligner que l’État n’a toujours pas honoré sa contribution de 80 millions d’euros au comité d’organisation Paris 2024 au titre des jeux Paralympiques

Le programme 219, comme l’a souligné notre rapporteur, suscite plusieurs inquiétudes.

Tout d’abord, nous regrettons la suppression des trente-huit postes de CTS alors que nous n’avons toujours pas de lisibilité sur le devenir de ces professionnels et que se profilent les JO de Tokyo, Pékin et Paris. De plus, il existe un réel besoin de porter des actions de sensibilisation et d’information sur le terrain auprès des éducateurs et des licenciés sur des enjeux majeurs comme la lutte contre le racisme, les violences sexuelles, le dopage, l’homophobie, les dérives religieuses et autres problèmes qui gangrènent le sport dans notre pays.

Ensuite, notre inquiétude porte sur les difficultés financières de l’Insep, qui a considérablement entamé sa trésorerie et fait une croix sur des opérations d’entretien et d’investissement pour compenser sa perte de recettes.

Enfin, comme l’a rappelé notre rapporteur, nous constatons la situation financière tendue de l’Agence française de lutte contre le dopage face à l’accroissement de ses missions.

Je tiens cependant à saluer la mesure nouvelle de 3,5 millions d’euros visant au financement des maisons sport-santé, même si des interrogations demeurent sur la formation des encadrants et, surtout, sur le remboursement des séances de pratiques.

Sur les autres missions, vos propositions ne sont pas satisfaisantes. Vous allez nous rappeler, madame la ministre, les annonces faites par le Président de la République, mais force est de constater que ces annonces n’ont quasiment aucune répercussion sur le budget pour 2021.

Le Président de la République a annoncé 400 millions d’euros, mais nous savons que ces chiffres ne reflètent pas la réalité : une partie de cette somme consiste à recycler les dispositifs adoptés dans le PLFR 4 et le PLFSS à hauteur de 212 millions d’euros, le reste n’étant toujours pas budgété. Ce n’est pas très sérieux.

M. Patrick Kanner. Tout à fait !

M. Michel Savin. C’est la raison pour laquelle nous présenterons des amendements visant à apporter un réel soutien au sport, aussi bien amateur que professionnel.

Je me permets de rappeler le vote de 4,7 millions d’euros sur le budget sport pour 2020, que le Gouvernement souhaitait supprimer, et le vote d’un dispositif d’exonération de charges sociales, dès septembre 2020, pour les clubs professionnels.

Nous avons aussi pris nos responsabilités sur le budget pour 2021 avec des crédits complémentaires à hauteur de 145 millions d’euros.

Nous avons ainsi prévu un premier financement de 30 millions d’euros pour le lancement du Pass’Sport.

Nous avons décidé un soutien au sport amateur via les fédérations et les clubs à hauteur de 50 millions d’euros. À ce jour, on estime que les fédérations ont besoin de 9,8 millions d’euros rien que pour survivre et que la perte de licenciés équivaut à plus de 300 millions d’euros.

Nous avons voté une aide aux sports professionnels à hauteur de 50 millions d’euros, notamment pour anticiper les pertes de billetterie, et un soutien à l’apprentissage de la natation durant le parcours scolaire de 5 millions d’euros.

Nous avons créé un fonds de soutien doté de 10 millions d’euros pour les associations sportives agissant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où, là encore, les acteurs se sentent abandonnés et oubliés par l’État. Nous avons également adopté un nouveau dispositif sur le droit à l’image.

Nous avons donc pleinement joué notre rôle pour soutenir le sport. Désormais, madame la ministre, nous avons besoin de savoir si, oui ou non, vous soutiendrez ces nouveaux financements devant les députés.

Pour 2021, ce n’est pas d’un budget « normal » dont a besoin le sport, mais d’un véritable plan d’urgence. Or tel n’est pas le cas, raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre jeunesse, la vie de nos associations et la pratique du sport ont été très impactées par la crise sanitaire.

Le sport amateur et professionnel, les petits comme les grands clubs, tous font face à cette crise. Permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour les bénévoles, qui font vivre en grande partie la pratique du sport et nos associations dans notre pays. Sans eux, sans leur dévotion rien ne serait possible. La chute du nombre d’adhérents, et certainement des bénévoles, aura des conséquences. Nous devrons les soutenir.

La crise frappe de plein fouet le secteur associatif. De nombreuses transformations sont à l’œuvre dans les structures traditionnelles. Les moyens alloués aux différents programmes sont donc cruciaux, au même titre que le plan de relance et les annonces du Président de la République du 17 novembre dernier, sur lesquelles je terminerai mon propos.

La mission enregistre une croissance de ses crédits. Concernant ces hausses, je tiens à saluer deux points.

Le premier porte bien évidemment sur notre préparation aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Je pense aussi la Coupe du monde de rugby de 2023, véritable répétition avant l’heure.

Depuis trois ans, nous constatons que le budget du programme « Sport » se renforce grâce à l’objectif des JO 2024. Rendez-vous incontournable du sport de haut niveau mondial, ces jeux constitueront un atout et une vitrine pour notre pays. Ils doivent aussi l’être pour le sport et sa pratique sur notre territoire. C’est la raison pour laquelle, comme notre groupe l’an dernier, je plaide pour des financements importants dans les domaines hors jeux Olympiques. La hausse de plus de 20 % des crédits dans le programme « Sport » est encourageante, mais les enjeux restent fort nombreux.

Mon second point concerne l’Agence nationale du sport. Nous avions l’an dernier souligné l’importance de sa création et de ses missions pour nos territoires et nos concitoyens. Son financement, notamment grâce au plan de relance, enregistre une hausse importante ; cela va dans le bon sens.

La vie associative dans notre pays est un élément essentiel de cohésion nationale, de lien social et de vie en commun. L’an dernier, nous avions signalé que le Fonds pour le développement de la vie associative était trop peu doté. Cette année encore, malgré des améliorations, la dotation semble toujours insuffisante.

Le sport était le grand oublié du plan de relance. Son enveloppe de 122 millions d’euros est bien loin des 2 milliards d’euros consacrés à la culture. Loin d’opposer les deux, je veux simplement rappeler l’importance du sport pour la vie des Français, ses missions d’éducation et de santé publique.

En réponse aux appels à l’aide lancés par le milieu du sport, le Président de la République a annoncé 400 millions d’euros d’aides supplémentaires. C’est une bonne nouvelle, malgré un manque de lisibilité et des moyens éclatés dans plusieurs mécanismes : plan de relance, exonérations de cotisations sociales patronales prévues dans le PLFSS, fonds de solidarité pour les clubs les plus touchés par la crise ou encore fonds de compensation pour la billetterie…

Déjà des craintes s’expriment sur de possibles dépôts de bilan. Les aides sont pour beaucoup en deçà des espoirs créés lors de ces annonces. La réaction doit être rapide. Nous devons trouver des aménagements, notamment pour les jauges. Dès janvier prochain, elles doivent être calibrées en fonction des infrastructures. Nous regrettons que cela n’ait pas déjà été fait.

L’année qui arrive nécessitera de nouveaux ajustements, et nous devrons être au rendez-vous. La jeunesse, la vie associative, le sport font la cohésion de notre pays et la France de demain. Nous avons le devoir de réussir. (MM. Patrick Kanner et Claude Kern applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme tous les crédits que nous avons eu à examiner dans la deuxième partie de ce projet de loi de finances, ceux de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » s’inscrivent dans le contexte de la pandémie globale, qui met à l’épreuve notre système dans son ensemble.

L’activité sportive, qu’elle soit pratiquée en amateur ou en professionnel, subit toujours les effets des différents confinements, et les perspectives restent très sombres. Entre les stades vides et le conflit entre la ligue et Mediapro, le football professionnel est dans une situation extrêmement alarmante. Cependant, la situation de l’ensemble des fédérations sportives est tout aussi préoccupante. De nouvelles annonces ont été faites par le Gouvernement, mais des amendements que nous examinerons dans quelques instants proposeront des pistes un peu plus ambitieuses pour leur venir en aide.

Les associations, notamment celles œuvrant pour la solidarité, se sont révélées être des acteurs de première ligne pour amortir les effets de la crise. Celles engagées dans la lutte contre la précarité ont effectué un indispensable travail de soutien envers les plus fragiles, alors que nous étions tous confinés au printemps. Ce travail a continué jusqu’à maintenant, tant les besoins sociaux ont explosé.

Il faut le reconnaître, le Gouvernement s’est mobilisé pour les soutenir à travers le plan de relance. Ce sont ainsi plus de 609 millions d’euros qui ont été mobilisés pour soutenir le service civique, avec 100 000 missions supplémentaires, pour accompagner la création d’emplois dans le sport, pour favoriser la transition numérique des acteurs, sans compter les diverses mesures de soutien aux associations via le Fonds pour le développement de la vie associative ou la rénovation des équipements. Cependant, ce soutien est par nature exceptionnel et limité dans le temps. Quand on regarde les crédits budgétés, on constate une stabilité des montants alloués à la plupart des dispositifs. En effet, la hausse de 12,5 % des crédits de paiement de la mission s’explique principalement par l’augmentation des fonds pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et pour le service national universel.

Des engagements ont été pris pour faire des jeux Olympiques et Paralympiques un événement planétaire exemplaire en matière environnementale. Il conviendra d’y être extrêmement vigilant. Les enjeux climatiques nécessitent la mobilisation de toutes et tous, y compris et surtout durant les grands événements.

Aujourd’hui, le budget augmente très fortement, mais reste toutefois dans les clous des engagements pris. Nous devons rester très attentifs à cette question, tant les coûts ont explosé à des niveaux pharaoniques par le passé pour tous les pays organisateurs, sans exception.

En ce qui concerne le service national universel, nous nous opposons à ce budget aussi bien dans son aspect financier que son principe même.

Sur l’aspect financier, le doublement de son budget en 2021, pour atteindre 62 millions d’euros – un simple prélude au milliard et demi d’ores et déjà annoncé –, et ce alors même que l’expérimentation initiée l’année dernière a été mise à l’arrêt en raison de la pandémie, nous apparaît totalement injustifié au regard de la conjoncture.

Sur le fond, nous nous opposons à l’existence même du service national universel. Il existe déjà un service civique qui vient de fêter ses dix ans et qui reçoit l’adhésion quasi unanime de tous ses acteurs et de ses volontaires. Il incarne bien mieux l’esprit de mobilisation de la jeunesse que ce service national dont les uniformes et oripeaux d’autorité républicaine cachent bien mal l’absence de sens profond. Il est donc d’autant plus désolant de constater que le service civique – hormis dans le plan de relance – ne voit pas ses crédits augmenter sur le long terme.

Nous nous félicitons naturellement des mesures exceptionnelles en direction du sport et de la jeunesse, mais nous regrettons la construction de ce budget, qui privilégie un soutien ponctuel plutôt qu’une dynamique de long terme sur les dispositifs qui fonctionnent. Nous voterons contre les crédits de cette mission. (Mme Esther Benbassa et M. Patrick Kanner applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis le début de cette session budgétaire, je n’entends qu’une seule phrase sur toutes les missions : « on pourrait faire mieux. » Sûrement, mais permettez-moi de souligner que le montant des crédits dédiés à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » dans le budget pour 2021 est inédit. En effet, il représente près de 1,4 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 12,5 % par rapport au PLF pour 2020.

Oui, ce montant est inédit, puisque les crédits alloués à la mission ont presque été multipliés par trois depuis 2015 ! En somme, le budget pour 2021 accélère cette montée en charge pour l’ériger au rang de priorité, et il convient de le saluer.

Il faut par ailleurs ajouter à ces crédits ceux du plan de relance, qui comprend pas moins de 437 millions d’euros en crédits de paiement, dont 67 millions d’euros pour le sport et 370 millions d’euros pour la jeunesse et la vie associative.

Au bout du compte, mes chers collègues, le budget pour 2021 pour le sport, la jeunesse et la vie associative est sans précédent.

Pour le sport, le budget pour 2021 confirme une montée en puissance importante du programme 350 dédié au financement des JO de Paris 2024 : 234 millions d’euros lui sont alloués, soit deux fois plus qu’en 2020.

Le plan de relance, quant à lui, ouvre une enveloppe de 122 millions d’euros sur deux ans qui viendra abonder les moyens de l’Agence nationale du sport, dont les crédits augmentent en 2021 de près de 30 % pour s’établir à 365 millions d’euros.

Ces moyens supplémentaires vont d’abord soutenir les clubs et les fédérations, qui ont été très affectés par l’arrêt de leurs activités au printemps dernier et dont la reprise est difficile depuis le mois de septembre. Une partie des crédits de l’Agence nationale du sport issus du plan de relance sera d’ailleurs consacrée à la création d’un fonds de compensation pour amortir les pertes des fédérations sportives en termes de licences. Je salue, madame la ministre, les mesures de soutien que vous avez annoncées avec le Président de la République, notamment la création du Pass’Sport.

Par ailleurs, permettez-moi de rappeler qu’en deuxième lecture du PLFSS à l’Assemblée nationale un amendement du Gouvernement a permis aux clubs sportifs professionnels de moins de 250 salariés de bénéficier du dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales hors retraite complémentaire et d’aide au paiement des cotisations dues en octobre, novembre et décembre. Ce dispositif représente un effort de 105 millions d’euros destiné aux clubs sportifs professionnels, qui n’ont quasiment plus de recettes du fait des restrictions de jauge, puis du huis clos.

De la même manière, le budget pour 2021 confirme son soutien au sport de haut niveau et accroît les crédits consacrés à la protection des sportifs et à la promotion des métiers du sport.

Le PLF pour 2021 prévoit également d’accompagner les associations, dont les activités ont été très touchées par la crise sanitaire et qui constituent un pilier de la solidarité dans notre pays. Ainsi, le Fonds pour le développement de la vie associative bénéficiera, à partir de 2021, d’un abondement annuel venant des comptes inactifs des associations tombées en déshérence – il faut saluer cette hausse de moyens.

Les crédits du Fonjep sont également en augmentation et connaissent même une double hausse, notamment avec 4,5 millions d’euros dans le programme 163.

C’est indiscutablement la jeunesse qui bénéficie des plus fortes hausses des crédits de la mission. Il est vrai qu’une part importante de l’augmentation des moyens alloués au programme 163 est destinée au service national universel, qui voit ses crédits multipliés par deux.

J’entends dire que le SNU est trop coûteux et qu’il ne faudrait donc pas le généraliser. J’entends dire qu’une politique de jeunesse ne peut se fonder sur un tel dispositif… Je suis très surpris, car, lors de l’examen de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » en début d’après-midi, beaucoup d’entre vous rappelaient la nécessité du lien entre jeunesse et Nation. La mise à mal, de plus en plus fréquente, des valeurs républicaines fait du service national universel un instrument plus que jamais pertinent. Mes chers collègues, le SNU représente un formidable dispositif pour réaffirmer nos valeurs communes.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera bien évidemment les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » revêt cette année une importance particulière tant ces secteurs ont souffert de la crise sanitaire, à un moment où nous avions le plus besoin des valeurs de fraternité et de solidarité qu’ils véhiculent. Dans ce contexte, on ne peut que se réjouir de l’augmentation de 12,5 % de ses crédits de paiement et de 5,5 % de ses autorisations d’engagement pour 2021.

Ainsi, les moyens alloués au sport sont renforcés, notamment pour répondre à l’accélération des chantiers en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En outre, si l’on y agrège le plan de relance, hors olympiades, c’est une hausse de 21 %, soit un effort sans précédent pour le sport, ce qui était plus que nécessaire compte tenu de l’ampleur de l’impact de la pandémie. En effet, si les compétitions et matchs ont pu reprendre, la situation est très critique pour le sport professionnel. La jauge a oscillé entre restriction partielle et interdiction totale : un coup de massue pour les clubs les plus dépendants des « recettes stade ». La quasi-disparition des recettes de billetterie et le maintien de règles sanitaires extrêmement strictes ont rendu l’équation compliquée pour les organisateurs d’événements sportifs et les clubs.

Je me permets d’ouvrir une parenthèse pour évoquer le football : la facture sera très lourde, et la banqueroute, comme cela a déjà été souligné, n’est pas exclue pour de nombreux clubs. Le football est un sport très populaire, très fédérateur au moment des grands événements. Il serait difficile de laisser le secteur s’effondrer. Mais de quelle marge disposent les pouvoirs publics pour encourager, dans les conditions actuelles, la réforme d’un modèle économique déjà fragilisé bien avant la crise sanitaire ? L’affaire Mediapro en est, hélas, une illustration, et souligne la prépondérance des droits TV dans les revenus des clubs.

Au-delà des événements sportifs, la pratique sportive amateur se retrouve également très affectée. On observe un véritable décrochage sportif. Vous connaissez les chiffres, madame la ministre : selon le Comité national olympique et sportif français, un licencié sur quatre ne s’est pas réinscrit en club pour l’année 2020.

Constat tout aussi alarmant : des structures moins médiatisées se retrouvent dans la difficulté. Je pense à l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique ou encore à la Fédération du sport adapté, qui intéresse les personnes en situation de handicap mental. Ces cas risquent d’affaiblir l’une des politiques prioritaires du Gouvernement, à savoir la promotion de l’accès au sport pour tous.

Un véritable plan d’urgence est réclamé par les professionnels, qui souhaitent pouvoir passer le cap de la crise. Il faut absolument soutenir tous ceux qui œuvrent pour un sport plus inclusif et contribuent ainsi aux fondements de notre pacte républicain.

En ce qui concerne la jeune Agence nationale du sport, pourriez-vous nous apporter des garanties, madame la ministre, quant à sa volonté de rétablir les égalités territoriales en matière d’équipements sportifs publics. L’atténuation des inégalités sociales dans le sport passe aussi par le développement des équipements publics. Il faut donc davantage les encourager, en particulier en milieu rural.

S’agissant de l’autre grand volet de la mission, la jeunesse et la vie associative, on observe que la hausse de 6 % des crédits financera en grande partie la montée en charge du service national universel.

Beaucoup de nos jeunes concitoyens vont souffrir de la crise économique. Cette situation oblige à la protection des entités qui donnent corps à la cohésion sociale et leur offrent une solution d’attente.

Dans cet esprit, je note que le budget tient compte des conséquences de la crise sanitaire en prévoyant de majorer les crédits du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, ainsi que ceux des deux fonds de développement de la vie associative. Mon groupe y est sensible, de même qu’au renforcement du service national universel, doté de 32,5 millions d’euros supplémentaires. Le RDSE est en effet attentif à tout ce qui touche à l’engagement citoyen. Je rappelle que notre ancien collègue et président du groupe, Yvon Collin, avait porté la création du service civique, qui attire de plus en plus de jeunes.

Mes chers collègues, à l’heure où l’on parle d’une génération « covid » avec un sous-entendu sacrificiel, tout doit être mis en œuvre pour faire plutôt de cette jeunesse une génération résiliente. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me fais la porte-parole des sénatrices et sénateurs Socialistes, Écologistes et Républicains pour vous faire part de notre analyse sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2021.

Vous nous avez vanté, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, votre volontarisme politique. Mais il s’agit, comme trop souvent avec votre gouvernement, d’un volontarisme de façade ! À travers l’examen de ces crédits, on ne peut que regretter l’absence de réelle inflexion de la politique gouvernementale. Rappelons qu’entre 2012 et 2017 les moyens globaux de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » avaient progressé de 31 %.

Il y a donc peu de ressources nouvelles en 2021 pour cette mission et un renforcement des financements de projets qui ne correspondent pas aux aspirations de la jeunesse, l’exemple le plus frappant étant celui du service national universel, comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises.

Le programme 163, c’est 699 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Sur les 39 millions d’euros supplémentaires inscrits, le SNU en accapare 32 millions, la dotation totale du SNU atteignant ainsi 62 millions d’euros. Le service national universel n’a pourtant pas fait la preuve de son utilité avec une redondance des formations et des modalités d’engagement par rapport à d’autres dispositifs.

Le service civique, lui, connaît un véritable engouement de la part des jeunes. Ainsi, en cinq ans, le nombre de volontaires a quadruplé : passant de 35 000 en 2014 à 145 000 en 2019. Or on observe une stagnation de ses crédits budgétaires. Certes, ce dispositif bénéficie du financement du plan de relance, mais on entend bien qu’il ne s’agit pas de financements pérennes.

Je veux maintenant évoquer les associations, dont nul ne peut contester le rôle essentiel de cohésion en ces périodes très difficiles.

Les associations subissent de plein fouet les effets de l’épidémie avec des suspensions d’activités pour certaines et un afflux de demandes, bien souvent liées à la désespérance sociale, pour d’autres. Pour venir en aide aux associations, qui traversent une crise considérable, aux implications non encore mesurées, il aurait fallu augmenter fortement les moyens du Fonds pour le développement de la vie associative. Mais tel n’est pas le cas. Pour augmenter les crédits du FDVA, on ne peut se contenter des 15 millions d’euros issus des comptes inactifs, mécanisme voté dans la loi de finances pour 2020, même si cette initiative, portée notamment par notre collègue Jacques-Bernard Magner, a permis de dégager des fonds supplémentaires bienvenus.

Je voudrais également souligner l’augmentation de 4,5 millions d’euros des crédits du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire pour un budget total de 39 millions d’euros en 2021. Le Fonjep permet le développement de l’emploi au sein des associations, démarche extrêmement utile en ces périodes. Nous notons un changement d’orientation politique par rapport au début du quinquennat, qui avait vu la réduction drastique des contrats aidés, erreur politique grave dénoncée sans relâche par notre groupe. Nous regrettons tout ce temps perdu au détriment des plus fragiles.

Pour ce qui concerne le sport, le budget est quasi constant par rapport à celui de 2020, hors plan de relance. Je regrette que la réduction des effectifs des conseillers techniques sportifs se poursuive en 2021 avec un plafond d’emploi ramené de 1 529 à 1 481 équivalents temps plein.

La hausse des crédits du sport se concentre en très grande majorité sur le programme 350 dédié aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024, en particulier pour la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).

Avant même la crise exceptionnelle à laquelle nous sommes confrontés, le sport n’était malheureusement pas accessible à tous, y compris dans le cadre scolaire. Nous sommes très attentifs aux inégalités d’accès à la pratique du sport, en particulier dans les territoires ruraux.

La crise sanitaire liée à la covid-19 agit bien évidemment comme un tsunami sur le sport amateur comme sur le sport professionnel. La déstabilisation est générale : le nombre de licenciés sportifs va baisser, parfois même de 20 % à 30 %.

La demande de soutien au sport amateur et professionnel est massive face aux conséquences déstabilisatrices de la crise sanitaire. Ainsi, plus de 4 000 clubs de foot ont cessé leur activité, en particulier en milieu rural. Le besoin de financement est donc urgent. Il est urgent aussi de dédier davantage de moyens à la pratique sportive féminine, notamment au foot.

Les acteurs du sport professionnel et amateur ont l’impression d’être exclus des priorités de la Nation, comme l’a constaté le président du Comité national olympique et sportif français lors d’une récente audition devant notre commission. Il a chiffré les pertes à près de 1 milliard d’euros. Le Président de la République a récemment annoncé une enveloppe de 400 millions d’euros pour le sport amateur et professionnel, qui s’avère, hélas, trop faible et sous-dimensionnée.

Il est urgent de mettre en place la mesure très attendue du Pass’Sport, projet porté depuis de nombreuses années par notre rapporteur pour avis Jean-Jacques Lozach. Ce dispositif permettra d’aider les familles à payer les inscriptions en clubs et l’achat d’équipements sportifs. Une enveloppe de 100 millions d’euros par an est annoncée, mais le flou demeure puisque le Gouvernement ne précise ni la cible ni le nombre de jeunes concernés. Les sénateurs Socialistes, Écologistes et Républicains présenteront tout à l’heure un amendement visant à concrétiser la création de ce Pass’Sport. J’espère que la Haute Assemblée validera ce dispositif.

Le budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », au-delà du volontarisme gouvernemental affiché, est en trompe-l’œil. Il n’est malheureusement pas à la hauteur des énormes difficultés que traverse notre pays. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs Socialistes, Écologistes et Républicains voteront contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Thomas Dossus applaudit également.)

M. le président. La parole est à la toute jeune Elsa Schalck, dont c’est aujourd’hui l’anniversaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la jeunesse et la vie associative, qui font l’objet du programme 163, sont deux secteurs touchés de plein fouet par la crise de la covid-19.

Je souhaite débuter mon intervention en saluant le travail remarquable mené par les structures associatives : sans elles, de très nombreux concitoyens se seraient retrouvés totalement démunis face à la crise et au confinement. Il me tient également à cœur de rendre hommage aux bénévoles de notre pays, qui n’ont pas compté leur temps pour apporter aide et soutien. Enfin, je tiens à saluer les jeunes, qui se sont fortement mobilisés pendant cette période, malgré les difficultés qui les touchent. Le ministre de l’éducation nationale indiquait samedi dernier, dans cet hémicycle, que la jeunesse devait être la « première de toutes les priorités ». Force est de constater qu’il est difficile d’en retrouver la traduction budgétaire dans ce programme 163.

Bien évidemment, les crédits du plan de relance sont à saluer. Mais, à y regarder de plus près, plus de 80 % de l’effort pour la vie associative et la jeunesse est consacré au seul service civique et aux 100 000 missions supplémentaires annoncées.

Le service civique est un très beau dispositif qui a fait ses preuves depuis sa création, en 2010. Toutefois, est-il réellement envisageable d’atteindre un objectif de 250 000 missions en une année, soit la moitié de ce qui a été réalisé en dix ans ? Le service civique ne saurait être, en ces temps de crise, une substitution à l’emploi. Il ne faudrait pas que le quantitatif prime sur la qualité des missions et de l’accompagnement.

Par ailleurs, ces crédits ne sont que conjoncturels et n’ont pas vocation à aider durablement la jeunesse et le tissu associatif, qui en auraient pourtant fort besoin. Près de 30 000 associations seraient menacées de disparition en 2020.

Concernant les crédits spécifiques du programme 163, la hausse de 6 % par rapport au budget pour 2020 s’explique quasi exclusivement par la montée en puissance du service national universel, le fameux SNU. C’est donc une augmentation des crédits en trompe-l’œil, alors même que de fortes interrogations demeurent sur la mise en œuvre, le déploiement et le fonctionnement du SNU. Son expérimentation n’a pas pu être menée à bien, la phase de cohésion n’a pu se tenir et le nombre de jeunes concernés reste particulièrement limité.

À cela s’ajoutent une mauvaise estimation du coût du SNU et une difficulté à percevoir sa coordination avec les autres politiques en faveur de l’engagement des jeunes. C’est pourtant un élément clé, au même titre que la formation des encadrants et l’implication du secteur associatif et des collectivités territoriales, peu associées jusqu’à présent.

Pourtant, face à ce constat, à l’heure où notre pays traverse une crise majeure, alors même qu’il y a eu une sous-exécution des crédits de l’ordre de 20 millions d’euros cette année pour le SNU, le choix a été fait de doubler les crédits de cette action, avec l’inscription de 62,3 millions d’euros en 2021, soit 32,5 millions d’euros supplémentaires. Était-ce bien la priorité du moment ? Ces crédits auraient pu être affectés à des actions prioritaires au regard des urgences du secteur associatif, confronté à l’annulation de ses événements, à la baisse du nombre de cotisations, aux urgences du tourisme social, avec une activité quasi nulle des colonies de vacances, ou encore à l’urgence que représente la détresse de notre jeunesse.

Voilà quelques jours, des présidents d’université évoquaient une « bombe à retardement sociale et humaine », en parlant de la situation des étudiants, confrontés à l’isolement, aux difficultés financières, à la perte de leur emploi et à une réelle détresse psychologique.

En tant que sénatrice du Bas-Rhin, j’ai été marquée par ces files d’attente de jeunes, toujours plus nombreux, à Strasbourg, pour obtenir des produits de première nécessité. Je tiens à ce titre à saluer ici l’élan de solidarité et les actions engagées par les associations étudiantes, les artisans, les restaurateurs, les représentants professionnels, les collectivités territoriales et toutes les structures associatives qui se mobilisent en Alsace, comme partout en France, depuis des mois, pour leur venir en aide.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements visant à rediriger des crédits du SNU vers le tourisme social ou un fonds de soutien à la lutte contre la précarité des jeunes. Là est la priorité du moment, car nos jeunes ont besoin de retrouver des perspectives et des marques de confiance. La priorité, c’est aussi nos associations, dont nous savons à quel point elles contribuent à la solidarité, à la cohésion nationale et au lien social, si importants en ces temps compliqués. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, cher Éric Jeansannetas, monsieur le rapporteur pour avis, cher Jean-Jacques Lozach, mesdames, messieurs les sénateurs, nous vivons une crise sanitaire sans précédent, qui met à rude épreuve nos hôpitaux et notre personnel hospitalier, dont je tiens à saluer devant vous la remarquable implication. Cette crise sanitaire inédite nous affecte tous, altère notre capacité à vivre ensemble et à nous réunir. C’est pourquoi le rôle du sport, fondamental pour la santé et la cohésion sociale, résonne plus que jamais.

J’ai entendu le cri des 360 000 associations sportives, qui ne peuvent pas jouer leur rôle dans cette période de confinement et craignent de devoir rembourser les adhésions qui leur ont été versées en septembre par des Français passionnés de sport. Les 36 millions de citoyennes et de citoyens pratiquants sont des passionnés qui doivent aujourd’hui restreindre leurs pratiques. Les 3 millions de bénévoles ne comprennent pas, parfois dans une forme de déni, qu’on limite leur engagement. Les 16 millions de licenciés voient leurs compétitions reportées, voire annulées.

Je sais que vous représentez ici, dans cet hémicycle, ces associations et vos territoires. Je compte sur vous pour porter les messages d’espoir que, avec Sarah El Haïry, nous venons vous adresser.

Depuis samedi dernier, tous les adultes peuvent pratiquer de nouveau une activité sportive individuelle, dans la limite de trois heures et de vingt kilomètres autour de leur domicile. Ils peuvent accéder aux équipements de plein air. Les enfants sont aussi autorisés à reprendre toutes les activités en club, d’abord en plein air, puis, à compter du 15 décembre, dans les équipements couverts.

Nous le savons, cette crise est aussi une crise économique majeure, à laquelle nous devons faire face. Tous les acteurs du sport étaient réunis la semaine dernière autour du Président de la République, qui a annoncé des mesures fortes pour le secteur sportif, au-delà des 3 milliards d’aides de droit commun débloqués depuis le début de la crise pour le sport amateur, le sport professionnel, le sport associatif et le secteur marchand.

Nous avons mesuré l’urgence, pour le monde associatif et le monde du sport, et les difficultés qu’ils ont rencontrées depuis le mois de mars. Nous avons fait le nécessaire. Aujourd’hui, 212 millions d’euros ont été débloqués, afin de financer des mesures nouvelles – je dis bien « nouvelles », monsieur Savin.

M. Michel Savin. On a annoncé 400 millions !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Pour le sport professionnel, les exonérations de cotisations pour les mois d’octobre, novembre et décembre s’élèveront à 105 millions d’euros. En outre, 107 millions d’euros permettront de compenser les pertes de billetterie. J’ai également annoncé ce matin de grosses enveloppes : 50 millions d’euros pour le football, 40 millions d’euros pour le rugby, 4 millions d’euros pour les sports ayant moins de spectateurs et pas de droits télé, comme le basket, le handball et le volleyball, et 16 millions d’euros pour soutenir les organisateurs de grands événements.

M. Patrick Kanner. Mais où sont vos amendements ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Bien sûr, ce que nous souhaitons tous, c’est le retour du public dans les stades. C’est pourquoi le Gouvernement étudie des jauges relatives, afin que nous arrivions progressivement à remplir des enceintes plus importantes dès que la situation sanitaire le permettra.

Nous n’avons pas oublié les petites associations gérées par les bénévoles et encadrées par des éducateurs qui ne sont pas salariés. En 2020, 15 millions d’euros ont été distribués sur les territoires, pour près de 3 000 actions, afin de recapter les adhérents qui avaient disparu, en septembre, des associations. Nous renouvellerons cette mesure d’aide dans le cadre du budget du sport en 2021.

Le budget pour le sport bénéficiera, en 2021, d’une augmentation de 20 % de ses crédits, pour atteindre 802 millions d’euros. Vous avez évoqué, monsieur Jeansannetas, un rendement incertain de la taxe Buffet, dont le plafond a été relevé dans le projet de loi de finances, puis au cours du débat parlementaire. Je veux vous rassurer : si le rendement était moindre qu’escompté, nous compenserions, pour que l’ANS dispose bien du budget prévu.

Cette progression globale du budget, on le sait, s’inscrit dans un élan vers les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui représentent une véritable opportunité que nous devons saisir. Les 105 millions d’euros supplémentaires du programme 305 sont majoritairement alloués à la Solideo, pour construire un héritage matériel de Paris 2024. Il ne s’agit pas uniquement d’équipements sportifs, mais aussi d’aménagements urbains et de logements, qui seront ensuite légués aux Françaises et aux Français sur les territoires. Je pense également aux très nombreux sites labellisés « centres de préparation aux Jeux », qui accueilleront les délégations avant les jeux Olympiques.

Il s’agit aussi d’un héritage immatériel et durable pour notre pays et nos concitoyens.

M. le président. Il serait temps de conclure, madame la ministre !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je vais donc m’arrêter là. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la jeunesse est la priorité du Gouvernement. Le plan « 1 jeune, 1 solution », dans le cadre du plan de relance, en est d’ailleurs une illustration et, même, une démonstration.

C’est dans cet esprit que je présenterai ce budget, que j’évoquerai plus en détail au cours de la discussion des amendements. Les politiques publiques en faveur de la jeunesse vont bien au-delà du champ de mon propre secrétariat d’État. Elles représentent en réalité un investissement de 94,8 milliards d’euros.

Deuxième pilier de mon périmètre : la vie associative, qui est indispensable à nos territoires, à l’innovation sociale et au maintien des solidarités de proximité. L’effort de l’État en la matière s’élève, outre les dépenses fiscales, à plus de 7 milliards d’euros. Le programme « Jeunesse et vie associative » ne retrace donc qu’une fraction de l’effort de la Nation, une fraction de tous les domaines dans lesquels l’État joue un rôle essentiel d’impulsion, d’innovation, de professionnalisation, de coordination et d’expertise.

Avec un total s’élevant à 699,73 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, le programme 163 bénéficie, en dehors du plan de relance, d’une progression de ses ressources de près de 6 % par rapport à l’année dernière. Je souhaite vous présenter ce programme en trois points bien distincts, mais représentatifs de mon action en faveur de la jeunesse, de l’engagement et de la vie associative.

Concernant la jeunesse, trois mesures méritent d’être mises en avant : l’accès des jeunes à l’information, qui bénéficie de 6 millions d’euros, la promotion des mobilités internationales, avec 17 millions d’euros pour l’OFAJ et l’OFQJ, et le développement des loisirs éducatifs de qualité pour la jeunesse, le soutien à l’éducation populaire, ou encore le tourisme social.

S’agissant de l’engagement, je souhaite évoquer le service civique et le service national universel, qui fait l’objet d’un certain nombre de débats.

Je ne peux pas parler d’engagement sans saluer ici, en préambule, la grande mobilisation de notre jeunesse, qui a été saluée par un certain nombre de sénateurs et de sénatrices. Cette mobilisation a été à la hauteur de la crise. Notre jeunesse a été au rendez-vous, elle s’est mobilisée très largement par plusieurs biais : un engagement au sein du service civique dans des missions d’intérêt général, ainsi que dans le cadre de missions du SNU. Un certain nombre de jeunes en SNU se sont engagés dans des Ehpad ou des associations. Je pense également à la grande collecte de la Banque alimentaire du week-end dernier. Partout sur nos territoires, il y a eu un appui à nos associations, qu’il s’agisse d’aide alimentaire, d’urgence sociale, d’aide aux plus fragiles ou aux plus isolés.

Pour 2021, le budget consacré au service civique atteint 505 millions d’euros, pour près de 145 000 jeunes, qui pourront vivre une mission d’intérêt général. Par ailleurs, vous l’avez souligné, le Président de la République a annoncé le 14 juillet dernier une augmentation exceptionnelle des missions de service civique, avec 100 000 missions complémentaires, grâce à un concours budgétaire de 363 millions d’euros.

Ce sont donc 245 000 jeunes qui seront accueillis l’année prochaine dans le cadre du service civique et agiront au service de l’intérêt général partout sur nos territoires. J’aurai l’occasion, dans le cadre de la discussion des amendements, de rappeler tout ce qui est fait et tout ce que va être fait pour que ces missions de service civique s’inscrivent dans une démarche de qualité et d’accompagnement. Il ne s’agit en aucun cas de les substituer à l’emploi. Nous poursuivrons leur mise en œuvre en 2021.

Quant au service national universel, il bénéficie d’un budget en hausse de 61 millions d’euros, soit 31 millions d’euros de plus par rapport à la LFI pour 2020.

Le SNU est un projet de société. Sa finalité est d’affirmer et de faire vivre les valeurs de la République, en permettant à toute une génération de « faire Nation ». Ce sera une étape de découverte de l’engagement, qui n’a pas vocation à entrer en concurrence avec le service civique. Certes, la crise sanitaire a bousculé son déploiement en 2020, tout comme elle a bousculé nos vies et notre société. Toutefois, le dispositif n’a pas été arrêté, et j’espère que nous continuerons à accompagner 25 000 jeunes en 2021. Je reviendrai plus en détail sur le dispositif dans le cadre de la discussion des amendements.

Enfin, j’évoquerai les associations, qui occupent plus que jamais une place essentielle dans la vie de notre nation et le fonctionnement même de notre modèle de société. Elles représentent 21 millions d’adhérents, 12,5 millions de bénévoles et 10 % de nos emplois.

M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État. !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Je reviendrai plus en détail sur ce point lors de l’examen des amendements.

Sport, jeunesse et vie associative
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 70 (nouveau)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Sport, jeunesse et vie associative

1 490 930 055

1 369 424 616

Sport

436 500 715

435 605 276

Dont titre 2

121 052 305

121 052 305

Jeunesse et vie associative

699 729 340

699 729 340

Dont titre 2

12 623 876

12 623 876

Jeux Olympiques et Paralympiques 2024

354 700 000

234 090 000

M. le président. L’amendement n° II-916, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

413 883

413 883

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

Jeux olympiques et paralympiques 2024

TOTAL

413 883

413 883

SOLDE

- 413 883

- 413 883

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Cet amendement technique vise à procéder à la minoration des crédits du programme 219, « Sport », au titre de la compensation aux régions des dépenses de personnel et d’investissement transférées dans le cadre de la décentralisation des Creps. Au titre de 2021, il convient donc d’effectuer une mesure de transfert portant sur un montant de 413 883 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Cet amendement de nature technique se traduit concrètement par une diminution des crédits du programme 219, « Sport ». Si, d’un strict point de vue budgétaire, j’en comprends la justification, je ne suis pas certain qu’il constitue un message opportun au regard des difficultés que rencontre le mouvement sportif.

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. Le groupe Les Républicains votera contre cet amendement, car il est opposé à toute baisse du budget des sports.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. Nous ne voyons pas d’un bon œil l’amputation des crédits du programme « Sport », qui est déjà, en termes d’enveloppe budgétaire, l’un des plus faibles que nous ayons examiné ici, avec 670 millions d’euros en crédits de paiement. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le Gouvernement nous a déjà fait le coup l’année dernière.

M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. En fin de séance, et non pas au début comme ici, il a amputé le budget de 1,99 million d’euros. Un certain nombre d’entre nous avaient fait preuve d’indulgence et de compréhension. Cette année, nous serons moins indulgents.

Chaque fois, le constat est désagréable et, chaque fois, ce prélèvement par amendement gouvernemental intervient au cours des débats au Sénat, mais jamais en première lecture à l’Assemblée nationale, au prétexte qu’il s’agit d’un simple ajustement technique. C’est tout de même très décevant concernant notre politique sportive.

Jusqu’à présent, nous tenions des propos favorables et élogieux sur le transfert des Creps. Nous avons toujours pensé qu’il s’agissait d’une décentralisation réussie de l’État vers les régions.

Nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

M. Claude Kern. Je rejoins complètement mes deux collègues : ce n’est pas sérieux ! C’est la deuxième année que vous nous « faites le coup », madame la ministre. Si on peut comprendre la mesure d’un point de vue technique, on constate que c’est toujours le budget du sport qui en pâtit. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je veux faire part, au nom du groupe CRCE, de notre extrême inquiétude s’agissant de la manière dont le Gouvernement se comporte à l’égard de la représentation nationale.

Madame la ministre, vous venez de nous annoncer des sommes mirobolantes pour le sport, notamment pour aider le football et le rugby, mais votre budget n’en porte pas trace. Quand j’ai découvert que le Gouvernement déposait un amendement sur les crédits de la mission, j’ai pensé qu’il nous proposerait de voter sur les engagements forts pris par le Président de la République. Et qu’avons-nous là ? Vous nous demandez de gérer la masse salariale du Creps ! Relisez l’amendement, mes chers collègues : il est demandé au Parlement de faire face à l’incapacité du ministère des sports de gérer les jours de CET des agents !

Le Président de la République fait des annonces, mais nous n’avons pas le droit de nous prononcer dessus. En revanche, nous pouvons discuter de la gestion des jours de CET des agents… Un peu de sérieux, madame la ministre ! Cette attitude n’est pas honnête, elle est même indigne à l’égard de la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et UC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. J’ai eu l’honneur de porter le transfert des Creps aux régions, mais avec les moyens adaptés. Cette mesure avait été adoptée par l’ensemble de la représentation nationale.

J’ai le sentiment que M. Claude Évin n’aimerait pas ce budget, madame la ministre des sports : c’est de l’enfumage ! Et cela continue d’année en année ! Vous devez ressentir ici, sinon l’agacement de la Haute Assemblée, du moins son souhait de défendre les 17 millions de licenciés du domaine sportif et les 16 millions d’adhérents des associations.

Manifestement, vous avez découvert l’amendement en séance, ce qui n’est pas dramatique, au demeurant.

Je vous le dis très simplement : cela ne peut pas durer ! Pour le monde sportif, l’affichage est désastreux.

Votre budget est inadapté, complété de crédits temporaires, ici du plan de relance, là de financements externes aléatoires. Les annonces qui ont été faites par le Président de la République, cela a été dit par notre collègue Pierre Ouzoulias, ne trouvent aucune traduction.

Vous venez devant la Haute Assemblée en prétendant que vous allez débloquer les fonds. Mais où sont vos amendements, madame la ministre ? Je vous l’assure, tout cela n’est respectueux ni de la Haute Assemblée, ni du Parlement en général, ni des citoyens français que nous représentons.

Il est possible que vous sentiez ici, non pas de la colère,…

M. Patrick Kanner. … mais une forme de désespoir concernant ces budgets, qui, d’année en année, sont sacrifiés, alors que nous sommes à trois ou quatre ans des jeux Olympiques et d’autres événements sportifs qui, il est vrai, n’ont pas été obtenus par votre gouvernement…

Dans ce cadre, nous voterons contre votre amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Kanner – c’est vous qui avez fait, vous venez de le dire, le transfert des Creps aux régions –, sachez que je ne découvre pas cet amendement en séance.

C’est plutôt vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui, chaque année, me « faites le coup ». Chaque fois, vous faites semblant de ne pas comprendre cet amendement. Il vise à transférer près de 414 000 euros aux régions, que vous représentez, via un article relatif à la TICPE, que vous avez vous-mêmes voté la semaine dernière.

Si vous ne voulez pas qu’on règle leur dû aux régions, dites-le-moi ! Les Creps dépendent du ministère des sports. Il est normal de payer les journées des agents aux régions, je ne vois pas où est le problème. Cela ne diminue pas du tout le budget du ministère des sports. Je le répète, il est en hausse de 20 %, à hauteur de 212 millions d’euros de mesures nouvelles par le biais d’une exonération de charges sur les salaires et de 107 millions d’euros pour compenser les pertes de billetterie.

Après tout, si vous ne voulez pas voter cet amendement, ne le votez pas !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-916.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Mes chers collègues, la plupart de ces amendements sont gagés sur le programme 163. Si l’un d’entre eux était adopté, il ferait tomber tous les autres.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Tous les gages portent sur le SNU. Je demande donc le vote par priorité de l’amendement n° II-700 de M. Lozach, sur lequel j’émets un avis favorable.

M. Patrick Kanner. C’est le meilleur !

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. C’est le meilleur, parce qu’il privilégie une réponse structurelle et immédiate et ne fixe pas de cadre rigide.

Si les crédits de la mission sont finalement rejetés, peut-être n’est-il pas nécessaire, monsieur le président, de perdre trop de temps à examiner des amendements symboliques.

M. le président. Je suis désolé de vous dire, monsieur le rapporteur spécial, que l’examen de ces dix-sept amendements doit avoir lieu, même si je demande à chacun d’être aussi concis que possible.

Au terme de la discussion, au moment du vote, je demanderai au Gouvernement s’il accepte le vote par priorité de l’amendement n° II-700.

L’amendement n° II-1247 rectifié, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds complémentaire de soutien aux associations et aux structures en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

62 255 360

 

62 255 360

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

Fonds complémentaire de soutien aux associations et aux structures en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire

62 255 360

 

62 255 360

 

TOTAL

62 255 360

62 255 360

62 255 360

62 255 360

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à abonder les crédits en direction du tissu associatif. Pour répondre à votre sollicitation, monsieur le président, je ne m’étendrai pas sur les difficultés énormes rencontrées par les associations. Je donnerai simplement un chiffre émanant d’un groupe de travail mis en œuvre au sein de la commission de la culture au printemps dernier : entre le 15 mars et le 15 avril, les associations ont perdu 1,5 milliard d’euros. Elles ont donc un énorme besoin de soutien.

Nous proposons de flécher les crédits du service national universel vers les associations. Ce n’est pas un hasard si tous ces amendements visent à ponctionner les crédits destinés au SNU, qui ont doublé dans ce projet de budget. Nous l’avons dit, l’élargissement de l’expérimentation qui a été mise en place dans treize départements ne peut pas être réalisé, pour les raisons liées à la crise sanitaire. Par conséquent, quoi qu’on pense du SNU – là n’est pas la question –, nous pouvons tous nous retrouver sur l’idée que ce dispositif doit faire l’objet d’une pause. Il convient donc de redistribuer ses crédits vers des acteurs qui en ont besoin pour faire face à la crise.

À mon avis, c’est une mesure de bon sens, attendue dans nos départements, non seulement par les associations qui souffrent, mais aussi par ceux qui seront chargés de mettre en œuvre ce SNU. On leur retirerait une épine du pied, je vous le dis comme je le pense ! En effet, dans mon département, les préfets et les associations qui doivent mettre en œuvre le dispositif dans le contexte actuel ont, pour parler franchement, autre chose à faire en ce moment. Ainsi, on contenterait tout le monde en adoptant cet amendement.

M. le président. L’amendement n° II-1315, présenté par MM. Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds pour l’apprentissage de la mobilité à vélo

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

62 255 360 

 

 62 255 360

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

Fonds pour l’apprentissage de la mobilité à vélo (ligne nouvelle)

62 255 360 

 

62 255 360 

 

TOTAL

62 255 360

62 255 360

62 255 360

62 255 360

SOLDE

0

0

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Si tous ces amendements sont gagés sur le SNU, c’est parce que tout le monde s’interroge sur l’utilité de ce dispositif.

Par cet amendement, il s’agit non seulement de nous interroger sur l’utilité du service national universel, mais aussi de financer un dispositif qui a été voté dans la LOM. Celui-ci a été évoqué dans le cadre du budget de l’enseignement scolaire et concerne l’apprentissage de la mobilité à vélo. Nous proposons de créer un fonds permettant de doter chaque école d’un budget d’un peu plus de 1 200 euros destiné à acheter les vélos et à former les personnels. Savoir se déplacer à vélo en ville et sur la route est un moyen d’émancipation.

Mais permettez-moi de revenir sur le SNU, dont nous voulons supprimer jusqu’au dernier euro. En effet, nous sommes opposés par principe à ce service national universel. À nos yeux, celui-ci est en décalage complet avec les aspirations réelles de la jeunesse. Pourquoi inventer un nouveau dispositif, alors que le service civique, qui doit être amplifié, satisfait tous les acteurs qui le font vivre ?

La jeunesse ne rêve pas d’être caporalisée. La fin du service militaire obligatoire a été un soulagement immense pour toute une génération, dont la mienne. Le retour obligatoire aux casernes, pendant un mois, n’est pas satisfaisant. Les jeunes ne veulent pas apprendre à saluer d’une matière militaire ou rester au garde-à-vous. Ce qu’ils veulent, c’est se sentir utile, utile aux autres, à leur collectivité, à la Nation et à la planète. Le service civique remplit parfaitement ce rôle et doit être renforcé.

Nous préférons que l’argent public serve à apprendre à nos enfants à faire du vélo en toute sécurité dans l’espace public plutôt qu’à financer ce dispositif vide de sens.

M. le président. L’amendement n° II-779 rectifié ter, présenté par MM. P. Joly, Lozach, Delcros, Bourgi, Antiste, Gillé et Montaugé, Mmes Vérien et Conway-Mouret, MM. Cozic et Chasseing, Mme F. Gerbaud, MM. Roux, Michau, Louault et Redon-Sarrazy, Mmes Artigalas et Sollogoub, MM. Buis, Fichet et Pla, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Gold, Vaugrenard, Tissot et Devinaz, Mmes Poumirol, Monier et Jasmin, MM. Cardon et Guiol et Mmes S. Robert et Perrot, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Erasmus rural

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

60 000 000

 

30 000 000

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

Erasmus rural

 60 000 000

 

30 000 000 

 

TOTAL

60 000 000

60 000 000

30 000 000

30 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Patrice Joly.

M. Patrice Joly. « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage », chantait Brassens.

Mme Laure Darcos. Oh ! Oh !

M. Patrice Joly. La sagesse populaire ne s’y trompe pas : les voyages forment la jeunesse. Ils favorisent l’échange, la rencontre de l’autre et, ainsi, la découverte de son altérité et de son humanité.

C’est précisément pour cette raison que la mission Ruralité, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer et qui avait vocation à formuler un certain nombre de propositions qui devaient être reprises dans l’agenda rural du Gouvernement, avait recommandé la création d’un Erasmus rural. Dans les territoires ruraux plus qu’ailleurs, les choix d’orientation des jeunes sont surdéterminés non seulement par des raisons financières, mais aussi par l’offre de formation locale, qui les conduit souvent à restreindre leurs ambitions.

La création d’un Erasmus rural permettrait à des jeunes ruraux sans emploi ni formation de partir à l’étranger pour étudier, se former en entreprise, se confronter aux langues étrangères, rencontrer d’autres citoyens européens et échanger avec eux. Découvrir l’autre, c’est lui donner le goût des autres, le goût de la rencontre et la soif de la découverte.

En permettant à nos jeunes ruraux de goûter à cette expérience, nous misons sur notre avenir, avec un retour sur investissement garanti dans les années à venir. Leur donner les moyens de tenter l’aventure, c’est améliorer leur confiance en eux en leur offrant la possibilité de mener à bien de bout en bout leur premier projet ; c’est aussi leur permettre de découvrir le monde.

Les jeunes qui voyagent sont des jeunes qui s’adaptent et seront les relais de notre développement futur. N’oublions pas, que partir, c’est aussi savoir revenir, comme l’écrivait Joachim du Bellay, le poète des Regrets :

« Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,

« Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,

« Et plus que l’air marin la douceur angevine. »

(Exclamations admiratives et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Nous touchons là au rayonnement de la France, qui, avec la jeunesse pour ambassadrice, participe à diffuser nos valeurs, des valeurs philosophiques, qui sont, à la différence des biens matériels, les seules richesses que les civilisations produisent pour l’humanité tout entière. Tel est le sens de cet amendement gagé sur les crédits du SNU.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-1100 est présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Bourgi et Montaugé, Mmes Lepage et Féret, MM. Stanzione, Pla et Cardon, Mme G. Jourda et M. Bouad.

L’amendement n° II-1295 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Artano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

50 000 000

 

50 000 000

 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

50 000 000

 

50 000 000

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° II-1100.

M. Maurice Antiste. Selon une étude du Mouvement associatif, 30 000 associations sont menacées de disparaître.

Partout en France, nous avons vu plusieurs associations s’organiser, s’adapter, pour protéger leurs salariés et leurs bénévoles et poursuivre leurs activités lorsque cela était indispensable. Elles interviennent en relais de l’action de l’État sur nos territoires et méritent, à ce titre, son entier soutien.

L’objet de cet amendement est d’augmenter l’enveloppe du FDVA afin de venir en aide aux entités les plus en difficulté du fait de la crise sanitaire. L’augmentation de ce budget serait aussi un rattrapage des moyens perdus en matière de soutien aux associations à la suite de la suppression de la réserve parlementaire.

Il s’agit donc d’augmenter de 50 millions d’euros les crédits consacrés au Fonds pour le développement de la vie associative afin d’aider les associations à faire face aux conséquences de la crise. Sans associations, la cohésion sociale disparaît ; sans associations, la cohésion territoriale disparaît. Mon amendement mérite donc d’être pris en compte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-1295 rectifié bis.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° II-409 n’est pas soutenu.

L’amendement n° II-431 rectifié bis, présenté par Mmes Guidez et Di Folco, MM. Rapin et Delcros, Mme Billon, MM. Bonhomme et Savin, Mme Paoli-Gagin, MM. Meurant, Moga et Vanlerenberghe, Mme Saint-Pé, MM. Pellevat, Le Nay, Chauvet, P. Martin, Chasseing et Laménie, Mme Garriaud-Maylam, M. Canevet, Mme Doineau, MM. A. Marc, Détraigne, Henno et Decool, Mmes Sollogoub et Gatel, MM. S. Demilly et Chatillon, Mmes Dindar, V. Boyer et F. Gerbaud, MM. Bonnecarrère, Guerriau et Kern, Mme Thomas et MM. Gremillet et Paccaud, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

50 000 000

 

50 000 000

 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

50 000 000

 

50 000 000

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Ma collègue Jocelyne Guidez souhaite appeler l’attention sur le dispositif « Vacances apprenantes », qui a été mis en place à l’été et à l’automne 2020 pour répondre à la déscolarisation d’un certain nombre d’enfants et qui s’est avéré très intéressant, permettant des avancées significatives – 125 000 enfants et jeunes ont été concernés.

Valorisant notamment la découverte du patrimoine et l’éducation à l’environnement, les centres de loisirs et les colos apprenantes ont été sources de dynamisme pour leurs territoires d’implantation. Grâce à ce dispositif, des centres d’accueil à caractère éducatif ont pu rouvrir cet été et limiter la dégradation de la situation précaire dans laquelle se trouvaient des milliers d’enfants et de jeunes.

Alors que 4 millions d’enfants sont privés chaque année de vacances et que la crise économique et sociale que nous traversons s’aggrave, la pérennisation des actions en faveur des vacances et des loisirs éducatifs relève de l’utilité publique. Nous proposons donc le maintien de cette opération pour l’année à venir.

M. le président. L’amendement n° II-700, présenté par M. Lozach, Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

30 000 000

 

30 000 000

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

30 000 000

 

30 000 000

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

TOTAL

30 000 000

30 000 000

30 000 000

30 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Sabine Van Heghe

Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement vise à augmenter les moyens destinés au financement des clubs sportifs et des équipements dans les territoires qui sont fortement impactés par la crise sanitaire, via une majoration de la subvention versée à l’Agence nationale du sport.

Cette mesure est d’autant plus nécessaire qu’elle interviendrait après des mois de confinement. Dans ce contexte sanitaire particulier, le retour au sport est un enjeu majeur pour la santé des jeunes et de tous les Français.

M. le président. L’amendement n° II-701, présenté par M. Lozach, Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

25 000 000 

 

25 000 000 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

 25 000 000

 

25 000 000 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

TOTAL

25 000 000 

25 000 000

25 000 000

25 000 000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Le présent amendement vise à abonder les crédits du programme « Sport » à hauteur de 25 millions d’euros, afin de financer l’expérimentation d’un Pass’Sport. Cette expérimentation concernerait 50 000 jeunes volontaires.

À la sortie de plusieurs mois de confinement et dans un contexte de crise sanitaire durable, la sédentarité chez les jeunes constitue un enjeu majeur de santé publique. En 2017, déjà, la Fédération française de cardiologie indiquait que, en quarante ans, les 9-16 ans avaient perdu en moyenne 25 % de leurs capacités physiques : il leur faut presque une minute de plus qu’aux collégiens de 1971 pour courir 600 mètres.

Le Pass’Sport aurait pour objectifs de lutter contre le décrochage sportif et la sédentarité des jeunes, ainsi que de démocratiser la pratique sportive. Il serait accessible via une application et ouvert aux 14-20 ans, soit la tranche d’âge couvrant les trois principales périodes de décrochage de la pratique sportive observées chez les jeunes, en particulier les jeunes filles : l’entrée en classe de quatrième, le passage du collège au lycée et le passage dans l’enseignement supérieur.

Nous souhaitons que le Pass’Sport devienne un levier essentiel, structurel, durable de la politique sportive de notre pays, afin de lever les obstacles qui entravent l’accès à cette pratique.

J’ajoute que limiter ce Pass’Sport à une aide à la prise de licence serait une erreur ; il serait bon qu’il couvre également tout ce qui concerne les cotisations, l’équipement, voire l’accès à des enceintes payantes comme les patinoires ou les piscines. L’accompagnement des collectivités serait sollicité, mais trente-trois départements et sept régions ont déjà mis en place ce type de dispositif.

Il faut aller vite, faire simple et bien communiquer, en tirant notamment les enseignements des difficultés rencontrées par le pass culture. En tout cas, si l’on attend un hypothétique PLFR, au mois de mai ou de juin 2021, pour financer le Pass’Sport, l’effet de levier risque de ne pas être au rendez-vous pour la reprise des licences en septembre.

M. le président. L’amendement n° II-404 rectifié bis, présenté par M. Brisson, Mme Schalck, M. Pellevat, Mme Noël, M. Daubresse, Mmes Bonfanti-Dossat, Estrosi Sassone et Belrhiti, MM. Panunzi, Sautarel, Laménie et Savary, Mme Deromedi, M. Gremillet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre, Mouiller, Darnaud et Savin, Mme Imbert, M. Genet, Mmes Berthet et L. Darcos, MM. Courtial, Bonne, Mandelli et Longuet, Mme Ventalon, MM. Belin et C. Vial, Mme Malet, M. Paccaud et Mme Dumas, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Vacances apprenantes

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

Vacances apprenantes

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Cet amendement, comme celui de Mme Guidez, a pour objet de prolonger le dispositif « Vacances apprenantes », mais il est plus modeste : il n’est proposé de ponctionner que 10 millions d’euros sur le programme 163 – c’est M. Brisson qui m’a demandé de le présenter.

M. le président. L’amendement n° II-443, présenté par M. Savin, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de solidarité Soutien à la pratique sportive dans les QPV

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

Fonds de solidarité Soutien à la pratique sportive dans les QPV

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Il s’agit de créer un fonds de solidarité spécifiquement destiné aux QPV, trop souvent oubliés. Les dispositifs de droit commun bénéficient certes aux quartiers de la politique de la ville, mais une action spécifique en leur direction est aujourd’hui nécessaire.

Le programme ainsi créé, « Fonds de solidarité Soutien à la pratique sportive dans les QPV », vise également à répondre à l’appel de plus de quatre-vingts responsables sportifs publié le 22 novembre dernier dans LÉquipe. Ce programme serait doté de 10 millions d’euros pris sur l’action n° 06, Service national universel, du programme 163.

M. le président. L’amendement n° II-445 rectifié, présenté par MM. Savin et Pointereau, Mmes Guidez, Gruny et Schalck, M. Wattebled, Mme Malet, MM. Karoutchi, Piednoir, Kern, H. Leroy, Mouiller, Burgoa, Pellevat, Sol, Savary et Laménie, Mmes V. Boyer, L. Darcos et Berthet, MM. Cambon et D. Laurent, Mmes Ventalon et M. Mercier, MM. Vogel, Lefèvre et Dallier, Mmes Eustache-Brinio, Demas et Garriaud-Maylam, M. Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. B. Fournier, Mmes Boulay-Espéronnier et Chauvin, MM. Sido, Chasseing, Charon, Bouchet, Chauvet, P. Martin et Bonhomme, Mmes Billon, Gatel, Deromedi, Paoli-Gagin et de La Provôté, MM. Genet, Brisson, E. Blanc et Longuet, Mme Puissat, MM. Cuypers, Détraigne, Decool, Belin, Longeot, Moga et Chatillon et Mmes Joseph et Bourrat, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien aux colonies de vacances et classes de découvertes

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Jeux olympiques et paralympiques 2024

Fonds de soutien aux colonies de vacances et classes de découvertes

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Cet amendement vise à créer un fonds de soutien aux colonies de vacances et aux classes de découverte, destiné tant aux organisateurs qu’aux familles. Ce fonds permettra notamment d’apporter un soutien financier aux organisateurs connaissant des difficultés de trésorerie, d’accompagner la formation d’animateurs et de directeurs pour éviter un manque à l’occasion des prochains départs, de lancer une campagne de communication massive en faveur des colonies de vacances et de financer une aide spécifique au départ en vacances des mineurs adressée aux familles en difficulté, sous conditions de ressources.

Le programme ainsi créé, « Fonds de soutien aux colonies de vacances et classes de découvertes », serait doté de 10 millions d’euros, là aussi pris sur les crédits de l’action n° 06, Service national universel.

M. le président. L’amendement n° II-1292 rectifié bis, présenté par M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Requier, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Roux et Artano, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

10 000 000

 

10 000 000

 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

10 000 000

 

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. L’amendement est défendu.

M. le président. L’amendement n° II-1314 rectifié bis, présenté par Mme Schalck, MM. C. Vial, Brisson et Kern, Mmes Gruny et Canayer, M. Mouiller, Mmes Deseyne, Joseph et Belrhiti, MM. D. Laurent, Paccaud et Savary, Mme Chauvin, MM. Bouloux, Houpert, Tabarot, J.B. Blanc et Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Vogel, Bonne, Charon et Milon, Mmes V. Boyer, Malet et Berthet, M. Babary, Mmes Imbert, Deromedi et Procaccia, M. Reichardt, Mmes Muller-Bronn et Bourrat, M. Gremillet et Mme Lassarade, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien à la précarité des jeunes

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

Fonds de soutien à la précarité des jeunes

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Elsa Schalck.

Mme Elsa Schalck. Cet amendement vise à créer un programme intitulé « Fonds de soutien à la précarité des jeunes » destiné à soutenir à la fois les associations et les jeunes.

Nous le savons, la situation des jeunes est particulièrement préoccupante. Ils sont touchés de plein fouet par la crise sans précédent que traverse notre pays et sont confrontés à l’isolement, à la perte de repères, à la perte de perspectives et aussi à la précarité financière. L’impact psychologique du confinement doit également être pris en compte, tant les signaux d’alerte se multiplient concernant leur détresse psychologique.

De nombreux jeunes se retrouvent privés de leur emploi, de leur job étudiant, pourtant essentiel pour la continuation de leur formation ou de leurs études ou pour le paiement de leur loyer. Ils sont de plus en plus nombreux à se rendre au Secours populaire ou aux Restos du cœur, à frapper à la porte de structures associatives, pour y chercher de l’aide alimentaire, vestimentaire ou informatique. L’engagement des associations et des collectivités territoriales, ainsi que les initiatives qui ont émergé localement ont permis de pallier l’urgence, mais cela ne saurait suffire à faire face à cette situation particulièrement dramatique.

Si les annonces du Premier ministre sur les aides du Crous et sur les jobs étudiants constituent un premier pas, elles sont insuffisantes ; surtout, elles ne couvrent pas l’intégralité des réalités et des besoins et ne permettent pas d’aider tous les jeunes – j’insiste : tous les jeunes ! – en situation de précarité.

Au moment où des jeunes ont besoin d’aide pour manger, pour s’habiller, pour suivre des cours à distance, le doublement des crédits consacrés au service national universel, qui atteindraient 62 millions d’euros, est difficilement compréhensible. Le programme ainsi créé serait doté de 10 millions d’euros pris sur les crédits de l’action n° 06, Service national universel, du programme 163.

M. le président. L’amendement n° II-1080 n’est pas soutenu.

L’amendement n° II-703, présenté par M. Lozach, Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

3 000 000 

 

3 000 000 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

3 000 000 

 

3 000 000 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

TOTAL

3 000 000 

3 000 000 

3 000 000 

3 000 000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Le présent amendement vise à augmenter les crédits dévolus à la politique de sport-santé. Dans un contexte sanitaire très particulier, qui accroît notamment la sédentarité, cette politique révèle évidemment toute son importance.

Les moyens alloués à la mise en œuvre de la stratégie nationale sport-santé 2019-2024 ne semblent pas à la hauteur des enjeux ; d’autres financements pourraient certes être mobilisés par le biais de l’Agence nationale du sport, mais cela dépendra des choix que celle-ci arrêtera pour l’année 2021. Il serait notamment nécessaire de prévoir des financements pour accompagner le déploiement des maisons sport-santé : 100 maisons devraient être labellisées d’ici à la fin de l’année, 500 d’ici à 2022. Il s’agit d’un objectif très ambitieux, qu’il semble difficile d’atteindre dans les délais prévus sans financements dédiés.

Notre pays est en retard, plus largement, en matière de sport-santé-bien-être par rapport aux pays comparables. Un espoir était né, il y a quelques années, avec l’introduction du sport sur ordonnance dans la loi de modernisation de notre système de santé, à destination des personnes atteintes d’affections de longue durée notamment. Malgré des expérimentations très intéressantes ici ou là, il faut bien constater, quelques années plus tard, que l’on n’avance pas véritablement dans le sens d’une telle promotion du sport-santé, notamment par manque de moyens financiers.

M. le président. L’amendement n° II-1291 rectifié bis, présenté par MM. Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Fialaire, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Artano, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

1 000 000

 

1 000 000

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

 

 

 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

1 000 000

 

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Nous invitons le Gouvernement à préciser et à renforcer les moyens qu’il entend allouer au dispositif « Savoir rouler à vélo ». Nous en avons déjà discuté dans le cadre de l’examen de la mission « Enseignement scolaire », sans obtenir de précisions suffisantes.

Ce dispositif est le fruit de la loi d’orientation des mobilités de 2019 ; celle-ci prévoit en effet, à l’article 57, de favoriser l’apprentissage chez les jeunes du déplacement à vélo en toute sécurité. L’objectif, précisé dans la loi, est de permettre aux élèves de maîtriser la pratique du vélo à leur entrée au collège. La loi dispose également que cet apprentissage est organisé dans un cadre scolaire, périscolaire ou extrascolaire.

On observe un véritable essor de l’usage du vélo ; cette évolution est très bénéfique du point de vue du développement durable. Je rappelle toutefois que les cyclistes sont particulièrement vulnérables au sein du trafic routier. Aussi le financement de cette action doit-il être à la hauteur des enjeux.

M. le président. Je suis saisi, par la commission, d’une demande de vote par priorité de l’amendement n° II-700.

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Le gage sur le SNU pose problème : si nous votons tous ces amendements, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, vous n’aurez plus de service national universel en sortant du Sénat. L’Assemblée nationale le rétablira, et nous n’aurons fait, en définitive, que de la gesticulation sénatoriale. Cet exercice peut être utile, mais il a ses limites…

L’amendement n° II-700 a des qualités : il vise à abonder de 30 millions d’euros les crédits destinés au soutien au mouvement sportif : clubs, mais aussi équipements dans nos territoires. J’y suis favorable pour trois raisons.

Premièrement, il importe de renforcer les financements en faveur du sport pour tous, dans un contexte où le mouvement sportif est durement affecté – tout le monde l’a dit, sur toutes les travées.

Deuxièmement, cet amendement est certes gagé sur les crédits du SNU, mais à concurrence des seuls crédits supplémentaires demandés pour 2021, correspondant à la dérive des coûts constatés pour ce dispositif. Son adoption n’empêcherait donc pas de poursuivre l’expérimentation telle qu’elle a été menée en 2020, sachant qu’avant de poursuivre la généralisation du SNU il me semble primordial de mieux l’évaluer et de maîtriser ses coûts.

Troisièmement, cet abondement de crédits budgétaires correspond à une réserve de précaution pour le soutien au mouvement sportif dans l’hypothèse – déjà évoquée – où les recettes perçues au titre de la taxe Buffet seraient moins élevées qu’attendu. En cas de non-versement ou de moindre versement des droits télévisés du championnat de France de football professionnel, c’est l’Agence nationale du sport qui en supportera toutes les conséquences. Il convient donc d’anticiper ce risque.

Pour ce qui concerne tous les amendements qui visent à créer des fonds de soutien dédiés, je constate que le PLFR 4 contient des éléments importants en matière de soutien à la vie associative. Sollicitons donc les dispositifs dont le PLFR 4 prévoit la mise en œuvre au lieu d’amputer le SNU de tous ses crédits jusqu’à le faire disparaître sous les gages.

De nouveaux dispositifs proposés ont beaucoup d’intérêt ; en particulier, je suis assez favorable à un Erasmus rural. Mais l’exercice auquel doit se livrer la commission des finances l’oblige à constater qu’il n’est pas possible de les financer sans faire disparaître le SNU.

Je demande donc, au nom de la commission, le retrait des amendements nos II-1247 rectifié et II-779 rectifié ter, des amendements identiques nos II-1100 et II-1295 rectifié bis, ainsi que de l’amendement n° II-701.

J’émets un avis défavorable sur les amendements nos II-1315, II-431 rectifié bis, II-404 rectifié bis, II-443, II-445 rectifié…

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. … – ce n’est pas du tout un jugement sur le fond –, II-1292 rectifié bis, II-1314 rectifié bis

M. le président. Malgré l’anniversaire ? (Sourires.)

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. … et II-703.

Sur l’amendement n° II-1291 rectifié bis concernant le dispositif « Savoir rouler à vélo », je voudrais connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement, en commençant par l’amendement n° II-700, s’il vous plaît ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je me permettrai de donner un avis général sur l’ensemble de ces amendements, monsieur le président.

Nous sommes, au ministère des sports, extrêmement favorables au SNU, qui a valeur, selon nous, d’éducation à l’engagement. À titre personnel, je serais même pour que cette éducation à l’engagement démarre encore plus tôt, dès l’école primaire, et qu’elle se poursuive jusqu’au SNU, en passant par le collège et le lycée. Le monde associatif sortira gagnant de la réforme du service national universel : les jeunes seront plus nombreux, à l’issue du SNU, à s’y engager. Il est donc hors de question d’amputer ce programme pour donner davantage au sport, sachant que le budget du sport est en hausse de 20 %.

M. Patrick Kanner. C’est dû aux jeux Olympiques !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. C’est vrai, mais cet événement nous donne l’opportunité de léguer au sport français un héritage matériel et immatériel. Cet engagement immatériel, cet héritage, se travaille dès l’école primaire, ce premier degré dont Jean-Michel Blanquer a la charge.

Les fondamentaux ont été cités : l’aisance aquatique, l’éducation au savoir nager, mais surtout l’éducation au savoir rouler à vélo, très importante. Un plan Vélo national a été adopté ; nous y travaillons activement avec la ministre de la transition écologique et le ministre délégué chargé des transports. Dans ce cadre, 10 millions d’euros ont été mobilisés en faveur du savoir rouler à vélo, ce qui contribuera ainsi au financement de toutes les actions qui sont mises en place par nos fédérations.

Ces fédérations sont aidées à hauteur de 200 millions d’euros pour le développement des pratiques. Ce n’est pas rien ! Cette ligne budgétaire bénéficie à des projets qui leur sont propres ; depuis la création de l’Agence nationale du sport, ce sont en effet les fédérations qui subventionnent les associations au titre de leurs propres projets de développement. C’est beaucoup mieux ainsi, parce qu’elles sont plus au fait de ce que les associations font dans les territoires.

Un travail est également effectué autour du Pass’Sport, que beaucoup d’entre vous ont porté. Le Gouvernement va adopter cette mesure en la finançant à hauteur de 100 millions d’euros. Une aide à la demande de sport sera ainsi distribuée aux familles, aux Françaises et aux Français, pour qu’ils retrouvent le chemin des clubs dès que la situation sanitaire permettra de refaire du sport normalement. Sachant que certaines personnes en difficulté ne pourront pas retourner dans des clubs, cette mesure et ces 100 millions d’euros auront toute leur importance. Une fois le dispositif acté, il restera à dessiner précisément ses modalités.

La cible visée est les jeunes entre 6 et 16 ans. Mais nous avons aussi en projet – sachez-le – une aide à la reprise de la pratique sportive liée aux problématiques de santé. Nous voudrions lier plus fortement le Pass’Sport au financement des maisons sport-santé et donner ainsi un débouché au monde associatif : les associations pourraient aller chercher de nouveaux licenciés, de nouveaux adhérents, sur le champ de la santé.

Le développement des pratiques va donc être facilité par les actions que nous menons avec l’école et avec les acteurs de la santé, mais aussi avec le ministère du travail – nous souhaitons que les associations interviennent beaucoup plus qu’elles ne le font aujourd’hui dans le monde de l’entreprise afin de promouvoir le sport en milieu professionnel. L’enjeu, pour les associations sportives, est donc bien d’aller chercher de nouveaux adhérents à l’école, dans l’entreprise ou parmi les patients qui ont été traités pour des maladies, quelles qu’elles soient – les guéris du covid-19, notamment, seront bien inspirés de faire plus de sport désormais.

Je réitère notre attachement au SNU, qui incarne par excellence la notion d’engagement que nous entendons défendre. Nous travaillons main dans la main avec Sarah El Haïry pour venir en aide aussi aux petites associations gérées par des bénévoles. Un fonds d’aide de 15 millions d’euros leur est consacré, ce qui est une autre façon de mettre à l’honneur l’engagement. J’ajoute que le FDVA va aussi dans ce sens.

M. le président. Pardonnez-moi, madame la ministre déléguée, cela signifie-t-il que vous êtes défavorable à tous les amendements ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Nous sommes défavorables à tous les amendements dont les auteurs modifient la répartition des crédits entre les programmes.

Mme Sophie Primas. C’est le principe même d’un amendement budgétaire !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Cette répartition a été bien pensée.

M. le président. J’en déduis que le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Je répondrai par grande famille d’amendements.

Certains objectifs étant fixés, les auteurs de ces amendements demandent qu’il y soit répondu et piochent notamment, pour cela, dans le budget du SNU.

L’objectif fondamental, c’est le soutien aux associations. Or des choses sont déjà mises en œuvre dans ce domaine.

Tout d’abord, dans le cadre de la réponse à la crise, les structures associatives ont accès au droit commun, au chômage partiel, aux prêts garantis par l’État.

Ensuite, des actions sont prévues dans le cadre du plan de relance, dans le PLFR 4 en particulier : 6,7 milliards d’euros pour la jeunesse et 100 millions d’euros pour renforcer la trésorerie et les fonds propres des associations – 45 millions d’euros par le biais de France Active et 40 millions d’euros via la Banque des territoires, notamment.

En outre, il y a les moyens concrètement mobilisés au titre du PLF : au maintien strict du budget du FDVA, 25 millions d’euros, s’ajoutent 5 millions d’euros dans le cadre du plan de relance et 15 millions d’euros qui abonderont ce budget l’année prochaine par la volonté du Parlement. Le budget du FDVA est donc abondé de 20 millions d’euros supplémentaires, auxquels il faut additionner les 8 millions d’euros consacrés à la formation. Résultat : le budget du Fonds pour le développement de la vie associative s’élèvera, pour 2021, à 53 millions d’euros.

Des réponses très structurelles sont par ailleurs apportées. Elles n’apparaissent pas dans le programme 163, c’est vrai, parce qu’elles sont transversales.

Le tourisme social – plusieurs sénateurs l’ont dit – a besoin d’un soutien spécifique et extrêmement fort. C’est pourquoi les structures associatives qui accompagnent les colonies de vacances ou les classes de découverte bénéficient d’un fonds de 15 millions d’euros porté en particulier par le Fonjep.

Un troisième objectif a été défendu par les auteurs de ces amendements : le soutien à la jeunesse, via la promotion de Vacances apprenantes, objet de deux amendements, ou la lutte contre la précarité.

Où en est-on de Vacances apprenantes ? L’opération n’est pas terminée. Des classes de découverte et des colonies devaient se tenir pendant les vacances de Noël ; il se trouve que la situation sanitaire ne le permet pas. Elles sont donc décalées au mois de février. Dès le moment où l’opération Vacances apprenantes sera totalement finie, une évaluation sera menée, évidemment, avant – nous l’espérons, et je plaide pour – son maintien dans le cadre du budget de gestion, comme nous avons procédé cette année. Mais nous ne pouvons pas décider de continuer avant de disposer d’une évaluation globale.

Comme je l’ai dit, je suis pour le maintien : oui, l’opération Vacances apprenantes a permis à un certain nombre de nos enfants de vivre un temps d’oxygénation et de coéducation, de bénéficier d’un moment extrêmement important – une bouffée d’air ! Cette bouffée d’air était nécessaire, au lendemain du premier confinement.

La question de la précarité de la jeunesse a également été soulevée. Notre jeunesse est en réalité extrêmement diverse ; les dispositions qui la concernent et le soutien qui lui est apporté sont donc extrêmement divers.

La jeunesse qui est déjà au travail bénéficie évidemment des soutiens de droit commun. L’accès au chômage partiel permet de continuer à percevoir un salaire, mais certaines particularités du marché du travail sont également prises en compte : la ministre Élisabeth Borne vient d’annoncer que 70 000 jeunes bénéficieront d’une aide de 900 euros par mois – ils sont ciblés notamment en tant que saisonniers travaillant habituellement pendant les vacances universitaires.

Il existe aussi une jeunesse extrêmement précaire qui a accès à la garantie jeunes. En l’espèce, le soutien se fait dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ». Ce plan s’inscrivant lui-même dans le plan de relance, il n’est donc pas visible dans le programme 163 : c’est une réponse d’urgence.

J’ai commencé par dire que la politique en faveur de la jeunesse était transversale, ce que je pourrais montrer en entrant dans le détail des différents dispositifs. En tout cas, chaque jeunesse a besoin d’une réponse spécifique, à commencer par la jeunesse la plus précaire.

La jeunesse étudiante aura accès à un fonds d’aide de 56 millions d’euros géré par les Crous. Ce fonds va permettre de soutenir y compris des jeunes qui ne bénéficient ni d’une bourse ni de l’APL et qui, jusqu’à maintenant, n’avaient peut-être pas besoin d’aide, mais demain en auront besoin parce que la situation sociale est ce qu’elle est, difficile. Ce fonds de traitement individualisé sera porté par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Tout ça pour vous dire que l’on a fondamentalement besoin du SNU, car c’est la première étape de l’engagement dans une période où notre pays est bousculé et a besoin de faire revivre les valeurs républicaines. Il a besoin de mixité sociale et de mixité territoriale. Monsieur le sénateur Joly, vous avez parlé de mobilité et de l’importance du voyage, en vous référant à celui d’Ulysse. Eh bien, oui, nos jeunes ont besoin de ce temps-là ! Un amendement soulevait d’ailleurs la question du non-départ en vacances pour certains de nos jeunes.

Le service national universel est une chance. Certes, il n’est qu’au début de sa mise en œuvre, et il ne constitue pour l’instant qu’une préfiguration. Il a été bousculé, comme l’ensemble de notre pays, mais il peut fondamentalement faire office de « matrice », pour permettre à toute une jeunesse de partir, de vivre un temps de mixité sociale.

M. Patrick Kanner. Donnez votre avis sur les amendements au lieu de dérouler vos éléments de langage !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Ce ne sont pas des éléments de langage. J’explique en quoi le SNU est important, en réponse à l’ensemble des amendements, puisque la question des mobilités a été soulevée.

M. Patrick Kanner. Quel est votre avis ?

M. le président. Monsieur Kanner, laissez Mme la secrétaire d’État conclure !

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Le SNU est une chance pour notre jeunesse. Voilà pourquoi je défends son budget. Le service national universel apporte de la mixité sociale, de la mixité territoriale et constitue un temps pour vivre pleinement et entièrement les valeurs républicaines. Il ne s’oppose pas au service civique : le service civique est l’étape 3 du service national universel. C’est en donnant la chance à notre jeunesse de connaître les engagements qui peuvent être les siens – je pense à la lutte contre le non-accès aux droits – que nous permettrons une émancipation beaucoup plus large.

L’avis est défavorable.

M. le président. Je vais donner la parole à ceux qui souhaitent intervenir pour explication de vote, mais je demande à chacun de respecter l’ordre : l’amendement n° II-700 a été appelé en priorité, c’est lui que nous allons voter d’abord.

La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote sur l’amendement n° II-700.

M. Patrick Kanner. Je mesure votre magnanimité, monsieur le président : sept minutes de parole et aucune réponse du Gouvernement sur nos amendements. Nous espérions davantage !

Nous voterons l’amendement n° II-700 de M. Lozach. Il nous semble être, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, le plus pertinent au regard des préoccupations qui ont été évoquées. Je m’étonne néanmoins, madame la secrétaire d’État, du fait que vous soyez satisfaite que 25 millions sur 100 milliards d’euros aillent au monde associatif : chacun ses valeurs en la matière !

Madame la ministre des sports, je voudrais vous poser une question très calmement : vous annoncez dans votre réponse devant le Sénat les mesures prises à la suite de l’annonce du Président de la République le 17 novembre dernier. Nous sommes le 4 décembre. Pourquoi la Haute Assemblée n’a-t-elle pas les amendements du Gouvernement visant à traduire opérationnellement les engagements du Président de la République ?

M. Patrick Kanner. J’aimerais obtenir une réponse. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Nous voterons l’amendement n° II-700, car il paraît absolument pertinent d’abonder les crédits en faveur du sport pour tous.

J’en profite – je ferai ainsi d’une pierre deux coups, monsieur le président – pour dire que nous avons rectifié notre amendement qui visait à abonder les crédits de la vie associative, de sorte que nous puissions en même temps apporter des crédits au mouvement sportif.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° II-1247 rectifié bis, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds complémentaire de soutien aux associations et aux structures en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

30 000 000

 

30 000 000

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

Fonds complémentaire de soutien aux associations et aux structures en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire

30 000 000

 

30 000 000

 

TOTAL

30 000 000

30 000 000

30 000 000

30 000 000

SOLDE

0

0

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. Je ne crois pas, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, que l’on puisse dire que cela « amputera » les crédits du SNU. Si le SNU était un dispositif vivant sa belle vie et parfaitement implanté dans tous les territoires, nous aurions eu quelques scrupules, malgré ce que nous pensons de ce dispositif, à le stopper dans son élan. Mais ce n’est pas ça la réalité du SNU. C’est un dispositif qui a été expérimenté dans quelques départements, mais sa généralisation n’a pas eu lieu en raison de la crise sanitaire. C’est pourquoi j’ai proposé de faire une pause.

Vous avez le droit de défendre le SNU, chacun en pense ce qu’il veut, mais soyons honnêtes : le Président de la République lui-même, il y a deux jours, lorsqu’il a reçu le président du Sénat et les présidents de groupe, a dit qu’une troisième vague de covid-19 était en train de voir le jour en Asie. Ce n’est pas ce que je souhaite, et loin de moi l’idée de jouer les oiseaux de mauvais augure, mais nous sommes en droit de penser que tout n’est pas fini sur le front épidémiologique et que le SNU ne sera pas généralisé de sitôt.

Profitons de cette situation et de la conjonction des événements pour que les crédits que vous avez mis sur la table puissent profiter à des causes que nous soutenons ici unanimement. Nous sommes en effet ni plus ni moins dans une situation d’extrême urgence.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote sur l’amendement n° II-700.

M. Michel Savin. Cela surprendra peut-être nos collègues, mais nous ne voterons pas cet amendement. Lors de l’examen de la première partie du budget, le Sénat a voté, et de façon très large, une enveloppe de 100 millions d’euros pour l’Agence nationale du sport. J’ai demandé à Mme la ministre si elle allait soutenir ces crédits que nous avions votés collectivement, auxquels s’ajoutent 30 millions d’euros pour le Pass’Sport. Je vous le demande de nouveau, madame la ministre, soutiendrez-vous les crédits votés au Sénat, qui n’impactent pas les autres budgets, pour renforcer le budget du sport ?

Les amendements que certains de mes collègues et moi-même proposons visent trois programmes qui ciblent la jeunesse et la vie associative, qu’il s’agisse de la précarité des jeunes, des vacances apprenantes ou des colonies de vacances.

Si nous n’avions pas voté ces 100 millions d’euros de crédits en première partie, nous voterions l’amendement de Jean-Jacques Lozach. Or nous avons voté ces crédits, sans impacter les autres budgets. Notre seul souci est que Mme la ministre n’a pas répondu à notre question. Je rejoins la remarque de Patrick Kanner : nous posons des questions, mais nous n’obtenons pas de réponse ! Si Mme la ministre s’engage à soutenir devant l’Assemblée nationale les 145 millions d’euros votés au Sénat en faveur du sport, cela pourrait changer notre vision sur l’ensemble de la mission.

En tout état de cause, nous préférons cibler les 30 millions d’euros du SNU sur des missions en direction de la jeunesse, des vacances apprenantes et des colonies de vacances. Nous espérons que les 100 millions d’euros que nous avons votés en première partie resteront bien affectés à l’Agence nationale du sport pour financer toutes les missions que vous avez citées, aussi bien au niveau des clubs qu’au niveau des fédérations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je vais vous apporter les éléments de réponse que vous me demandez sur un certain nombre de crédits figurant déjà dans le PLFR 4 et dans le PLF.

Dans le PLF, 122 millions d’euros ont été inscrits au titre de la mission « Plan de relance », auxquels viennent s’adjoindre 10 millions d’euros votés par amendement à l’Assemblée nationale. À ces sommes s’ajoutent 107 millions d’euros de compensation de billetterie. Nous avons publié ce matin un décret prévoyant les modalités de distribution, comme je l’ai expliqué dans mon propos introductif. Vous pouvez les retrouver dans l’exposé des motifs de la ligne relative aux dépenses accidentelles imprévisibles, les DAI. C’est là aussi qu’ont été pris les 100 millions d’euros de la culture. Tout cela figure déjà dans le PLFR 4. Les 110 millions d’euros relatifs aux exonérations de charges ne figurent pas dans le PLF, puisqu’il s’agit d’exonérations de charges.

Quant aux 100 millions d’euros du Pass’Sport, j’ai déjà expliqué que nous étions en train de travailler sur les dispositifs avec l’ANS, les collectivités et le mouvement sportif pour définir la cible et déterminer comment cet argent s’inscrira en complément des sommes débloquées, et depuis pas mal de temps, par les collectivités pour soutenir la demande de sport.

Vous le voyez, ces crédits existent déjà. Je vous remercie d’avoir voté 4,7 millions d’euros, en complément du fonds de 15 millions d’euros afin qu’il soit reconduit l’année prochaine. Nous compléterons ces crédits avec de l’argent issu des annonces récemment faites.

Les 20 millions d’euros pour compenser les pertes de licences des fédérations proviennent du redéploiement de l’argent qui se trouve aujourd’hui encore dans les caisses de l’Agence nationale du sport. Vous imaginez bien que, en cette période où beaucoup d’événements ont été reportés, voire annulés, et où des opérations n’ont pas pu être financées à cause de la crise sanitaire, il reste de l’argent dans les caisses de l’Agence. Ces montants seront redéployés, en soutien des fédérations.

Vous n’avez donc pas à vous faire de souci et à vous demander où nous prendrons l’argent pour financer les mesures annoncées. L’argent est bien là. Si vous voulez voter 100 millions d’euros supplémentaires, faites-le. Mais sachez que nous disposons aujourd’hui de suffisamment de crédits et que nous avons également bien réparti l’argent. Nous disposerons bien des 100 millions d’euros requis pour le Pass’Sport.

M. le président. Est-ce que cette réponse change quelque chose pour vous, monsieur Savin ?

M. Michel Savin. Non, rien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. J’ignorais que le débat allait tourner autour de l’amendement n° II-700. Si l’on veut augmenter le nombre de pratiquants dans ce pays – c’est présenté comme l’un des héritages essentiels des JO 2024 –, il faut augmenter le nombre d’équipements et le nombre d’encadrants. Il n’y a pas de secret : ce sont deux passages absolument obligés.

En ce qui concerne les équipements, un rapport de la Cour des comptes souligne qu’il faudrait 21 milliards d’euros pour rénover le parc d’équipements sportifs. Cela donne une idée de la différence qui existe entre ce que nous proposons au travers de nos amendements et les besoins du moment.

Ce qui vous est présenté, madame la ministre, c’est un outil parmi d’autres pour faire face à cette grande souffrance que traverse aujourd’hui le mouvement sportif dans notre pays. Tous les secteurs de l’écosystème sportif sont aujourd’hui concernés, qu’il s’agisse du sport de très haut niveau, du sport professionnel, du sport amateur, des salles de sports, des loisirs sportifs marchands et, bien évidemment, du sport associatif fédéré, c’est-à-dire du sport de nos territoires, auquel nous sommes particulièrement attachés.

N’oublions pas non plus que l’environnement de cet écosystème est profondément touché. Je ne donnerai qu’un seul exemple, celui de l’UCPA, qui est le numéro un des loisirs sportifs en France et qui connaîtra une perte de 110 millions d’euros cette année. À sa manière, il contribue également à faciliter l’accès à la pratique sportive.

Sur le fond, il me semble que cet amendement est justifié.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-700.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-1247 rectifié bis ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Défavorable.

M. le président. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Je mets aux voix l’amendement n° II-1247 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1315.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote sur l’amendement n° II-779 rectifié ter.

M. Patrice Joly. Vous l’aurez compris au travers de ma précédente intervention, il s’agit d’un enjeu de développement personnel des jeunes, mais c’est aussi un élément de fierté pour la construction de l’identité des territoires ruraux. Nous souhaitons œuvrer à l’estime des territoires par la fierté retrouvée et ainsi contribuer à l’estime de soi, qui est le moteur de l’émancipation individuelle et collective.

C’est un amendement auquel je tiens. Je pense que l’on pourrait faire une expérimentation au moins au cours de l’année 2021. Je suis prêt à le modifier pour abaisser les crédits de 60 millions à 6 millions d’euros, ce qui permettrait à 2 000 jeunes de tenter cette expérience.

M. le président. En l’état actuel des choses, je suis obligé de mettre aux voix l’amendement tel qu’il est rédigé.

Madame la secrétaire d’État, je vois que vous souhaitez intervenir, mais si, après avoir pris la parole pour une explication générale, vous répondez sur chaque amendement, nous n’allons pas nous en sortir…

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Je veux juste dire un mot sur l’Erasmus rural, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, madame la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Monsieur Joly, l’objectif que vous souhaitez atteindre est l’une des priorités de l’Agence du service civique. Nous pouvons donc très facilement prioriser en gestion l’accès aux jeunes ruraux aujourd’hui vers Erasmus+. Votre amendement est ainsi satisfait. Je suis prête à vous transmettre les informations nécessaires.

M. le président. Monsieur Joly, l’amendement n° II-779 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Patrice Joly. Oui, je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-779 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1100 et II-1295 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-431 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-701.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-404 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. Michel Savin. Je retire l’amendement n° II-443, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° II-443 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° II-445 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° II-1292 rectifié bis n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° II-1314 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-703.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission sur l’amendement n° II-1291 rectifié bis ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1291 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-569 rectifié bis, présenté par Mme Drexler, MM. Bonneau et Bonne, Mmes Micouleau, Berthet, Garriaud-Maylam, Gruny, de La Provôté et Deromedi, MM. Genet, P. Martin, Charon, Belin, Moga, Mouiller, Chatillon, Pellevat et Klinger et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

50 000 000

 

50 000 000

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

50 000 000

 

50 000 000

 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

 

 

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Sabine Drexler.

Mme Sabine Drexler. Cet amendement vise à créer un fonds de 50 millions d’euros par an, sur une période de trois ans, pour soutenir les associations sportives de quartier et ainsi poser la première pierre de la mise en place d’une réelle politique publique d’insertion par le sport.

Malheureusement fragilisées par la suppression des emplois aidés, les associations sportives œuvrent au quotidien sur l’ensemble du territoire national en accompagnant les jeunes en difficulté. Elles participent à la mixité sociale et créent du lien dans des territoires difficiles. Elles apportent des réponses concrètes aux attentes des jeunes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Je partage l’objectif : il faut soutenir les associations sportives. Néanmoins, l’adoption de cet amendement réduirait d’autant les soutiens destinés au mouvement sportif : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Défavorable.

Le Fonds pour le développement de la vie associative est porté à 53 millions d’euros. Par ailleurs, 20 % du FDVA va aux associations sportives, notamment aux plus petites d’entre elles. Cet amendement est donc satisfait.

M. le président. Madame Drexler, l’amendement n° II-569 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Sabine Drexler. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-569 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-211 n’est pas soutenu.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-429 rectifié bis est présenté par Mmes Guidez, N. Delattre et Di Folco, M. Rapin, Mme Billon, M. Folliot, Mme de Cidrac, MM. Savin et Moga, Mme Saint-Pé, MM. Pellevat, Klinger, Le Nay, Chauvet, P. Martin et Laménie, Mme Garriaud-Maylam, M. Canevet, Mme Doineau, MM. A. Marc, Détraigne, Henno et Decool, Mme Sollogoub, MM. S. Demilly et Chatillon, Mmes Dindar, V. Boyer et F. Gerbaud, MM. Bonnecarrère, Guerriau et Kern, Mme Thomas et M. Paccaud.

L’amendement n° II-1293 rectifié bis est présenté par MM. Gold, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Artano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

7 500 000

 

7 500 000

 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

7 500 000

 

7 500 000

TOTAL

7 500 000

7 500 000

7 500 000

7 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l’amendement n° II-429 rectifié bis.

Mme Nadia Sollogoub. Il s’agit de nouveau d’un amendement de ma collègue Jocelyne Guidez.

Cet amendement vise à créer un volet additionnel au SNU portant sur l’agriculture durable. Ce serait une solution pertinente pour sensibiliser la jeunesse à la culture et aux traditions françaises, en répondant aux enjeux de résilience et de sécurité alimentaire actuels, à la dégradation de la biodiversité et aux besoins d’adaptation aux dérèglements climatiques.

L’objet de cet amendement est de revaloriser le secteur agricole, de promouvoir l’agroécologie, de sensibiliser les Français dès leur plus jeune âge à l’alimentation durable, ainsi qu’aux enjeux liés à la préservation de l’environnement, de la diversité biologique et aux changements climatiques. Il s’agit de rendre le secteur agricole français plus résilient en ajoutant une dimension agricole et environnementale au SNU.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-1293 rectifié bis.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Ces amendements visent à créer un volet agriculture durable au sein du SNU, en ponctionnant 7,5 millions d’euros de crédits destinés au mouvement sportif.

Pour l’instant, nous en sommes à l’expérimentation, avant la généralisation. Certes, sur toutes les travées, nous nous posons des questions quant à cette généralisation progressive du SNU, tant en raison de son coût que de son articulation complexe. Laissons-nous néanmoins le temps d’évaluer le dispositif.

Par cohérence avec la position qui a été la sienne depuis le début, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. L’avis est défavorable, car ces amendements sont satisfaits.

Aujourd’hui, dans le module de formation du service universel, dans la première partie qui concerne la cohésion, figure déjà la sensibilisation à l’environnement, à la transition environnementale, à la protection de la planète et à la biodiversité. En raison du fait que le SNU permet la mixité territoriale, il offre une vraie sensibilisation à l’agriculture et à la particularité de nos territoires.

Tout cela se retrouve donc à l’intérieur des modules. L’idée du SNU est de constituer un socle commun pour faire Nation. À l’intérieur de ce socle commun, on peut mettre l’accent sur certaines choses, mais l’idée est vraiment de partir d’un dénominateur commun pour faire Nation.

Il n’y a qu’un seul SNU, mais plusieurs déclinaisons en sont possibles, ce qui répond à l’ensemble de vos préoccupations.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-429 rectifié bis et II-1293 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° II-702, présenté par M. Lozach, Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Magner, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

3 340 000

 

3 340 000

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

 

 

 

 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

3 340 000

 

3 340 000

TOTAL

3 340 000

3 340 000

3 340 000

3 340 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Sabine Van Heghe.

Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement vise à redéployer des moyens en les fléchant en direction du soutien à la vie associative sportive dans les QPV et dans les zones de revitalisation rurale. Il s’agit ainsi de promouvoir un certain nombre d’actions en faveur de l’éducation et de l’insertion par le sport. Nous proposons de concentrer nos moyens dans les territoires où l’offre de pratique sportive est limitée.

Par ailleurs, les populations les plus éloignées du sport – les publics socialement défavorisés, les jeunes, les publics féminins, les personnes en situation de handicap – représentent aussi un fort potentiel de développement du sport.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Cet amendement vise à abonder de plus de 3 millions d’euros les crédits consacrés aux associations sportives dans les ZRR et les quartiers de la politique de la ville en ponctionnant à cet effet les dépenses destinées à la rénovation du Stade de France.

J’ai souligné les fragilités de la relation contractuelle entre l’État et le consortium du Stade de France dans un rapport publié en 2019. Pour autant, nous sommes tenus par nos obligations contractuelles. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Défavorable : il serait inconcevable de ne pas honorer nos engagements par rapport aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Par ailleurs, nous sommes le premier ministère à un niveau national à soutenir les associations des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des zones de revitalisation rurale. Un fonds spécifique existe pour ces associations. Il est doté de 15 millions d’euros de soutien en urgence. Nous avons également lancé l’année dernière un appel à projets à hauteur de 3,5 millions d’euros. Le COJO l’abonde également de 2 millions d’euros pour pouvoir répondre directement aux associations.

La plupart des associations que vous évoquez, monsieur le sénateur, ne sont pas affiliées à des fédérations. C’est la première fois que le ministère des sports soutient leurs actions sur les territoires sans passer par des fédérations, mais en ayant recours directement à un appel à projets.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. Lors du débat sur la politique de la ville, nous avons déposé un amendement, qui a été adopté par notre assemblée, afin de renforcer les crédits des associations intervenant dans les QPV. J’espère qu’il sera, lui aussi, défendu à l’Assemblée nationale.

Le ministre alors au banc nous avait rappelé que les crédits fléchés s’élevaient à 10 millions d’euros sur trois ans. Il s’agit d’un montant bien trop faible à nos yeux par rapport aux enjeux des quartiers de la politique de la ville. C’est pourquoi nous avons voté des moyens supplémentaires.

En tout état de cause, nous ne voterons pas cet amendement, car il est satisfait par les 10 millions d’euros précédemment adoptés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement, pour une fois, n’est pas gagé sur le service national universel. Si la sollicitation financière est à hauteur de 3,3 millions d’euros, ce n’est pas par hasard. Ce montant correspond – cela figure dans le budget – à un transfert de la Solideo vers l’Agence nationale du sport. Ce transfert, à ma connaissance, ne s’opère pas par contractualisation : c’est tout simplement pour couvrir une perte d’exploitation de 3,3 millions d’euros subie par le consortium Vinci-Bouygues, qui gère le Stade de France, en raison des travaux qui sont envisagés.

En examinant le chiffre d’affaires du consortium, voire celui de ses deux composantes prises individuellement – Vinci et Bouygues –, on s’aperçoit que les équipements sportifs prennent de plus en plus d’importance dans les travaux réalisés par ces deux majors du bâtiment et des travaux publics. C’est ce qui s’était également produit au moment de la construction et de la modernisation des stades pour l’Euro 2016, le tout financé avec de l’argent public. Il nous a donc semblé tout à fait raisonnable de solliciter à hauteur de 3,3 millions d’euros – seulement – ces deux majors du secteur du bâtiment et des travaux publics qui gèrent aujourd’hui le Stade de France à travers un consortium.

M. Patrick Kanner. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-702.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1294 rectifié bis, présenté par MM. Roux, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Artano, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Sport

dont titre 2

 

 

 

 

Jeunesse et vie associative

dont titre 2

560 000

 

560 000

 

Jeux olympiques et paralympiques 2024

 

560 000

 

560 000

TOTAL

560 000

560 000

560 000

560 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Le secrétaire d’État chargé de la ruralité a annoncé la création de 800 postes de « volontaires territoriaux » pour soutenir les communes rurales dans leurs besoins en ingénierie.

Afin de donner une impulsion aux projets mis en œuvre dans le monde rural, il serait intéressant d’affecter des volontaires du service civique auprès de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Il s’agirait ainsi d’accompagner rapidement la mise en place de projets structurants permettant de conforter des économies locales, qui, comme on le sait, ont été très affectées par les conséquences de la pandémie.

En outre, le développement d’un engagement citoyen auprès du monde rural pourrait susciter des vocations au sein de la jeunesse.

Tel est l’objet de cet amendement, déposé par mon collègue Jean-Yves Roux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Cet amendement vise à abonder de 560 000 euros les crédits dédiés au service civique pour financer 800 postes de volontaires territoriaux.

Les crédits dédiés au service civique sont suffisants pour soutenir ce genre de dispositif. Le problème risque davantage de résider dans leur consommation effective, en particulier s’agissant des crédits ouverts au titre du plan de relance. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Un programme existe déjà pour soutenir les projets sur nos territoires ruraux. Le programme « Jeunes engagés dans la ruralité », qui débutera en 2021, a vocation à être soutenu par 750 000 euros de l’Agence du service civique. Ce sont des crédits en gestion. Ce programme sera expérimenté sur vingt-cinq départements.

C’est à la suite du dernier comité interministériel pour la ruralité, en présence évidemment du secrétaire d’État chargé de la ruralité, qu’a été défendue cette volonté d’accompagner plus fortement les territoires ruraux, via, par exemple, l’agrément de l’ANCT ou le soutien aux intercommunalités en permettant un portage plus fort.

L’esprit de cet amendement étant totalement satisfait, puisque nous prévoyons même un budget supérieur, j’en demande le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Artano, l’amendement n° II-1294 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Stéphane Artano. Non, je le retire.

M. le président. L’amendement n° II-1294 rectifié bis est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 70 à 73 et l’amendement tendant à insérer un article additionnel, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Sport, jeunesse et vie associative

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 71 (nouveau)

Article 70 (nouveau)

I. – À titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2021, un dispositif d’accompagnement des associations appelé « groupements de compétences locaux » est institué. Il est mis en œuvre au bénéfice des associations sur le territoire national pour les petites et moyennes structures dans le but de faciliter les démarches des associations dans leur structuration, leur fonctionnement, leur développement et leur pérennisation. Les conditions de mise en œuvre de ce dispositif sont définies par décret.

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2021.

III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation au plus tard le 15 septembre 2021.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. Tous nos collègues ont insisté sur le rôle indispensable, et même irremplaçable, du monde associatif pour notre cohésion sociale et territoriale. Les associations forment un univers où règnent la solidarité, la fraternité et la générosité. C’est aussi l’un des derniers havres de mixité sociale. Or ce monde est en danger, cela a été dit à de multiples reprises.

Plusieurs dizaines de milliers d’associations voient aujourd’hui leur pronostic vital engagé. Et que propose cet article 70 ? Permettez-moi d’en citer les termes : « À titre expérimental […], un dispositif d’accompagnement des associations appelé “groupements de compétences locaux” est institué. Il est mis en œuvre au bénéfice des associations sur le territoire national pour les petites et moyennes structures dans le but de faciliter les démarches des associations dans leur structuration, leur fonctionnement, leur développement et leur pérennisation. » Quant à la forme que prendront ces groupements de compétences locaux, elle sera définie par décret…

Honnêtement, mes chers collègues, vous qui croisez quotidiennement des responsables d’association, pensez-vous que celles-ci aient besoin de groupements de compétences locaux ? Je n’ai jamais rencontré un président d’association qui m’ait demandé la création d’un tel groupement ! Quand ces responsables ont besoin de renseignements, ils savent où aller : ils se rendent à la mairie, ou bien ils vont voir leur conseiller départemental ou leurs parlementaires.

Ce dont ils ont besoin, on l’a dit, ce sont des moyens humains et financiers. Or force est de constater que les moyens financiers ont baissé du fait de la disparition de la réserve parlementaire. On espère que l’abondement du FDVA, qui a été promis au travers du fléchage de comptes bancaires inactifs et de l’assurance vie en déshérence, ira bien là où il doit aller. Mais, franchement, à quoi serviront ces groupements de compétences locaux ?

Je ne sais pas ce que donnera le décret. Quoi qu’il en soit, cet article 70 est totalement superflu et superfétatoire. Il est vrai que la mode est aux commissions indépendantes et aux comités Théodule… Encore une fois, un groupement de compétences local ne servira strictement à rien !

M. le président. Je mets aux voix l’article 70.

(Larticle 70 nest pas adopté.)

Article 70 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 72 (nouveau)

Article 71 (nouveau)

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport analysant les effets du fonds pour le développement de la vie associative.

Ce rapport vient préciser le financement des associations et l’impact de l’extension du champ du fonds précité sur ce financement, en précisant la répartition :

1° Par catégorie d’associations ;

2° Par zone géographique.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. L’article 71 traite du FDVA et, plus précisément, d’un rapport censé évaluer la pertinence et le fonctionnement de ce fonds. Ce rapport pourrait être très utile, car, selon les départements, le FDVA ne fonctionne pas du tout de la même façon.

Selon moi, le FDVA peut être décrit de trois façons.

Tout d’abord, il se caractérise par la baisse des dotations. On nous dit depuis 2017 que ce gouvernement ne les a pas diminuées. C’est à peu près vrai pour les dotations de fonctionnement des collectivités. En revanche, pour les dotations aux associations, c’est totalement faux. La suppression de la réserve parlementaire est ni plus ni moins qu’une baisse des dotations. On en a transféré une partie vers le FDVA, mais une partie seulement : 33 millions d’euros sur 52 millions.

Ensuite, le FDVA est synonyme de recentralisation. En effet, au lieu que cette manne soit distribuée par les parlementaires, elle est versée selon le bon vouloir des services préfectoraux. Il est vrai que, dans certains départements, le préfet associe plus ou moins à ses décisions des parlementaires et des élus locaux. Malheureusement, il n’y a pas de règles précises, et c’est profondément regrettable.

Enfin, le FDVA se caractérise par l’opacité. Ce rapport permettra peut-être d’y voir un peu plus clair sur la façon dont est distribué ce fonds. Malheureusement, de très nombreuses petites ou moyennes associations n’y ont pas accès. Ce sont le plus souvent celles qui bénéficient de nombreux soutiens de mécènes et de sponsors qui reçoivent ces aides.

Une meilleure orientation du FDVA serait une bonne réponse à apporter, et ce rapport pourrait nous y aider.

M. le président. L’amendement n° II-27, présenté par M. Jeansannetas, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 16° du I de l’article 179 de la loi n° 2019-1479 du 29 décembre 2019 de finances pour 2020 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« f) Détaille le financement des associations par le fonds pour le développement de la vie associative, en indiquant la répartition par catégorie d’associations et par zone géographique. »

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à rédiger l’article 71, qui prévoit la remise d’un rapport relatif aux effets du Fonds pour le développement de la vie associative sur le tissu associatif local.

Cette demande de rapport s’inscrit dans la continuité de deux demandes précédentes, faites à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, puis du projet de loi de finances pour 2020. Les informations souhaitées sont essentielles pour apprécier et évaluer l’efficacité du dispositif mis en place dans la durée, et pas uniquement de façon ponctuelle. C’est pourquoi, pour ne pas avoir à adopter chaque année un rapport dédié, le présent amendement vise à compléter le contenu de l’annexe budgétaire relative à l’effort financier de l’État en faveur des associations, remise avec le projet de loi de finances de chaque année.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est favorable à l’intégration du jaune budgétaire, pour la raison qui vient d’être énoncée.

Par ailleurs, je souhaite répondre à M. Paccaud que je suis favorable à la présence des parlementaires lors de la prise de décisions. Nous aurons l’opportunité de le prévoir grâce à la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, qui va être examinée en deuxième lecture par le Sénat et qui tend à uniformiser la présence des parlementaires dans les instances. Car, oui, il faut davantage de transparence et une lecture plus large !

Les premiers écueils du FDVA étaient dus aux seuils prévus, qui excluaient les plus petites associations. Sur ce point, une instruction très claire a été envoyée.

La présence des parlementaires demeure nécessaire au sein des comités, à l’instar de ce qui existe pour la DETR. Ce serait une avancée, et j’ai hâte de voir la proposition de loi que je viens de citer examinée en deuxième lecture au Sénat, car nous aurons enfin une lecture nationale.

L’avis est donc favorable sur l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. La suppression de la réserve parlementaire a été évoquée par de nombreux collègues à l’occasion de la présentation de leurs amendements et par Olivier Paccaud dans sa prise de parole sur l’article 71.

En Aveyron, département qui compte cinq parlementaires, cette réserve s’élevait à cinq fois 150 000 euros. Les députés consacraient 100 % de ce montant aux associations. Les sénateurs, quant à eux, en faisaient bénéficier les petites communes et les associations. Cela signifie que, sur ces 750 000 euros, à peu près 500 000 euros étaient dévolus aux associations aveyronnaises.

Aujourd’hui, le fonds départemental pour le développement de la vie associative représente 160 000 euros. L’État a donc récupéré de l’argent, et l’on se plaint que la vie associative n’ait pas suffisamment de moyens…

Lors de la campagne électorale qui vient de s’achever – j’ai été réélu, et j’en suis très content –, on m’a fait part de ce problème de suppression de la réserve parlementaire, qui affecte certes les communes, mais aussi, et surtout, les petites associations.

Je serai très satisfait que l’on associe les parlementaires à la prise de décisions pour l’affectation des faibles crédits consacrés aux départements, mais c’est tout de même un peu ridicule par rapport à ce dont nous disposions précédemment. Nous le regrettons tous, notamment dans les territoires ruraux, où nous aidions de toutes petites associations. Nous aidions aussi les classes de collège – je le dis en tant qu’ancien enseignant – à se déplacer. Les enfants, notamment ceux des milieux défavorisés, qui pouvaient voyager avec leur classe grâce à ces fonds, ne partent plus ; j’en suis désolé.

Je voterai l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-27.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 71 est ainsi rédigé.

Article 71 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 73 (nouveau)

Article 72 (nouveau)

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’emploi associatif, les conséquences de la réduction du nombre d’emplois aidés sur le développement des associations et l’accessibilité des Parcours Emploi Compétences pour les associations.

M. le président. L’amendement n° II-26, présenté par M. Jeansannetas, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à supprimer l’article 72, lequel prévoit la remise d’un rapport relatif aux conséquences de la réduction du nombre d’emplois aidés sur le développement des associations et sur l’accessibilité de celles-ci aux parcours emploi compétences.

En dépit de l’intérêt des questions soulevées, le rapport demandé aborde les conditions de mise en œuvre de la politique publique en matière d’emploi associatif. En cela, il ne saurait être rattaché à « l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques », seul fondement prévu par l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 pour une demande de rapport introduite en loi de finances. C’est pourquoi il est proposé de supprimer ce cavalier budgétaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. En cette période particulière, le fait d’étudier et d’approfondir le sujet de la mise en œuvre des parcours emploi compétences présente un intérêt. C’est la raison pour laquelle j’avais émis un avis favorable, lors des débats à l’Assemblée nationale, sur l’amendement tendant à demander ce rapport, dans le cadre très spécifique de cette crise sanitaire.

Sur le présent amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-26.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 72 est supprimé.

Article 72 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 73 - Amendements n° II-1091 rectifié bis et ter (début)

Article 73 (nouveau)

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er décembre 2021, un rapport sur les moyens affectés à la lutte contre la radicalisation dans les associations sportives.

Le rapport dresse le bilan des dispositifs développés par le ministère chargé des sports et le ministère de l’intérieur en matière de formation de ses personnels et de détection des licenciés, sportifs, éducateurs, dirigeants et bénévoles radicalisés. Il évalue la possibilité de renforcer les dispositifs existants et l’opportunité de créer de nouvelles mesures.

M. le président. L’amendement n° II-446 rectifié, présenté par MM. Savin, Piednoir, Lafon, Kern, H. Leroy, Mouiller, Burgoa, Pellevat, Sol, Savary et Laménie, Mmes V. Boyer, L. Darcos et Berthet, MM. Cambon et D. Laurent, Mmes Ventalon et M. Mercier, MM. Vogel, Lefèvre et Dallier, Mmes Eustache-Brinio, Demas et Garriaud-Maylam, M. Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. B. Fournier, Mmes Boulay-Espéronnier et Chauvin, MM. Sido, Chasseing, Charon, Bouchet, Chauvet, P. Martin et Bonhomme, Mmes Billon, Gatel, Deromedi, Paoli-Gagin et de La Provôté, MM. Genet, Brisson, E. Blanc et Longuet, Mme Puissat, MM. Cuypers, Détraigne, Decool, Belin, Longeot, Moga et Chatillon, Mmes Joseph et Bourrat, M. Bonne, Mmes Gruny et Saint-Pé, M. Hugonet et Mme Schalck, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. De nombreux travaux, notamment ceux de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio sur la radicalisation islamique, ou encore ceux du député Éric Diard sur les services publics face à la radicalisation, ont d’ores et déjà décrit les faits de radicalisation. Plus récemment, dans leur ouvrage Le Livre noir du sport, Patrick Karam et Magali Lacroze ont souligné les problèmes de radicalisation qui peuvent exister dans le milieu sportif.

Tous ces travaux comportent des propositions ambitieuses visant à lutter contre la radicalisation dans le milieu sportif.

Il n’est plus temps d’évaluer « la possibilité de renforcer les dispositifs existants et l’opportunité de créer de nouvelles mesures ». Il est temps d’agir ! Ce sera notamment l’objet du projet de loi confortant les principes républicains.

Attendre encore un an est aujourd’hui inconcevable. C’est dans le cadre de ce texte à venir que de nouvelles mesures doivent être prises. Si le Gouvernement veut présenter sa politique et ses possibles évolutions, il est nécessaire que cela soit fait en amont de l’examen du projet de loi qui sera présenté le 9 décembre prochain, et non en décembre 2021. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’article 73.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. La remise du rapport prévue dans cet article résulte d’un amendement déposé par vos collègues députés, sur lequel j’avais émis un avis de sagesse.

Tout comme vous, je suis persuadée que nous disposons de nombreuses données qui nous incitent à l’action. Cela tombe bien, parce que nous allons agir : j’annoncerai dès lundi prochain ma feuille de route ainsi que les beaux articles du projet de loi qui sera présenté le 9 décembre en conseil des ministres, puis au Sénat prochainement. Néanmoins, je ne vois aucun inconvénient à faire évaluer notre politique.

Vous savez que je suis très fortement engagée sur les questions d’éthique et d’intégrité de nos pratiquants sportifs, qu’ils soient jeunes ou adultes. Je suis intimement persuadée que le sport œuvre en faveur des valeurs républicaines, et je ferai tout ce qu’il faudra pour faire valoir cela encore davantage, au travers du projet de loi que je vous présenterai et d’autres actions portées par notre ministère. Je serai donc tout à fait favorable à une évaluation en la matière en fin d’année.

Ayant donné à l’Assemblée nationale un avis de sagesse sur l’amendement tendant à demander ce rapport, un document dans lequel je rendrai des comptes, j’émets un avis défavorable sur le présent amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-446 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 73 est supprimé.

Article additionnel après l’article 73

Article 73 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 73 - Amendements n° II-1091 rectifié bis et ter (interruption de la discussion)

M. le président. L’amendement n° II-1091 rectifié bis, présenté par Mme Schalck, MM. C. Vial, Brisson et Savin, Mme Gruny, MM. Mouiller et Kern, Mmes Joseph, Lopez et Borchio Fontimp, MM. Laménie, H. Leroy, Regnard et Paccaud, Mmes Muller-Bronn, Drexler et Belrhiti, M. Piednoir, Mmes Garriaud-Maylam et Garnier, MM. Cuypers, Klinger, Saury et Houpert, Mme V. Boyer, MM. Genet, Chatillon, Courtial et Vogel, Mme Deromedi, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat et MM. D. Laurent, Bonne, Charon et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 73

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 1er juin 2021, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le service national universel. Ce rapport présente en particulier l’évaluation de l’expérimentation du dispositif, son pilotage, son coût, sa coordination avec les autres dispositifs existants en faveur de l’engagement et détaille son apport pour les jeunes en termes d’apprentissage à la citoyenneté.

La parole est à Mme Elsa Schalck.

Mme Elsa Schalck. Cet amendement vise à solliciter un rapport sur le service national universel.

On l’a vu, le fonctionnement et le déploiement du SNU posent question. L’expérimentation n’a pas pu avoir lieu, mais les crédits ont été augmentés. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui ont été longuement évoqués au cours du débat. Précisons simplement que le quasi-doublement des crédits s’explique par une mauvaise estimation initiale du coût du dispositif.

C’est surtout la volonté d’étendre progressivement le SNU à l’ensemble d’une classe d’âge de 800 000 jeunes qui interroge, car cette politique correspondrait à une dépense annuelle de presque 2 milliards d’euros.

Le présent amendement vise à demander au Gouvernement de présenter un rapport précis sur le SNU, qui décrive tant son coût que son déploiement. Il s’agit d’examiner quel est son apport pour les jeunes en termes d’apprentissage de la citoyenneté et d’évaluer la coordination avec les autres actions en faveur de l’engagement des jeunes.

La remise de ce rapport, qui contiendra des données concrètes, permettrait la tenue d’un débat sur le SNU au sein du Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Je le dis à notre collègue Elsa Schalck, nouvellement élue au Sénat, les demandes de rapport sont ici toujours compliquées. Le réflexe est plutôt d’y être défavorable. Si nous avions su que nous examinions cet amendement le jour de votre anniversaire, ma chère collègue, nous aurions émis un avis de sagesse… (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, vous mettez le doigt sur un projet sur lequel nous fondons énormément d’espoirs. Vous avez raison, puisque nous en sommes au début de la réflexion, il faut des préfigurations et des évaluations.

Jusqu’à présent, les évaluations étaient portées de manière qualitative et quantitative par un institut statistique qui est rattaché à mon administration chargée de la jeunesse et la vie associative. Il s’agit de l’Injep, qui a produit des études sur la première et la deuxième étape du projet et sur son évolution.

Aujourd’hui, le service national universel suscite beaucoup d’envie et d’enthousiasme, mais il doit encore convaincre.

J’émettrai donc un avis de sagesse, en demandant à Mme Schalck de bien vouloir corriger la date prévue et de prévoir le 31 octobre. Tous les documents susceptibles d’illustrer l’intérêt du SNU seront bénéfiques au débat et à l’unité autour de ce projet.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote. Soyez bref, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. Je serai Altoséquanais, monsieur le président… Trente-six communes, cela incite à la modestie ! (Nouveaux sourires.)

Je suis très favorable à cet amendement, comme nous l’avons été à la demande de rapport relative au pass culture, et ce pour les mêmes raisons.

Sur ces deux projets du Président Macron que vous soutenez avec conviction, madame la secrétaire d’État – et je comprends votre intérêt –, le Parlement n’a jamais été consulté.

Vous avez mis en place ces projets à la suite d’un excès d’orgueil du Président de la République – permettez-moi de le présenter comme cela –, dans le cadre d’une programmation extrêmement efficace de communication. Puis on a demandé au Parlement de ratifier les budgets correspondants.

Vous nous dites depuis plusieurs années, s’agissant du pass culture et du SNU, que vous êtes en phase d’expérimentation. Le Parlement aimerait bien connaître les données de cette expérimentation ! Les chiffres du pass culture, que nous demandons depuis trois ans, nous les avons obtenus en séance…

Si vous considérez vraiment que ces deux dispositifs, que je relie entre eux, sont deux éléments structurants, l’un pour la culture, l’autre pour le sport et les associations, alors nous devons avoir un véritable débat sur ces sujets dans l’hémicycle.

M. le président. Madame Schalck, acceptez-vous de corriger votre amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement ?

Mme Elsa Schalck. Oui, j’accepte de prévoir une date de remise du rapport au plus tard le 31 octobre 2021.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-1091 rectifié ter, présenté par Mme Schalck, MM. C. Vial, Brisson et Savin, Mme Gruny, MM. Mouiller et Kern, Mmes Joseph, Lopez et Borchio Fontimp, MM. Laménie, H. Leroy, Regnard et Paccaud, Mmes Muller-Bronn, Drexler et Belrhiti, M. Piednoir, Mmes Garriaud-Maylam et Garnier, MM. Cuypers, Klinger, Saury et Houpert, Mme V. Boyer, MM. Genet, Chatillon, Courtial et Vogel, Mme Deromedi, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat et MM. D. Laurent, Bonne, Charon et Gremillet, et ainsi libellé :

Après l’article 73

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 31 octobre 2021, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le service national universel. Ce rapport présente en particulier l’évaluation de l’expérimentation du dispositif, son pilotage, son coût, sa coordination avec les autres dispositifs existants en faveur de l’engagement et détaille son apport pour les jeunes en termes d’apprentissage à la citoyenneté.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 73.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Article additionnel après l'article 73 - Amendements n° II-1091 rectifié bis et ter (début)
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Discussion générale

3

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Article additionnel après l'article 73 - Amendements n° II-1091 rectifié bis et ter (interruption de la discussion)
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Seconde partie

Loi de finances pour 2021

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
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Justice

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Justice

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice » (et articles 55 bis à 55 quinquies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la mission « Justice » regroupe les crédits budgétaires destinés à la justice judiciaire, à l’administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse.

Doté de 10,06 milliards d’euros l’année prochaine, le ministère de la justice bénéficierait de 657 millions d’euros supplémentaires par rapport à cette année, soit une hausse de 7 % à périmètre constant. Hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions », les crédits pour 2021 augmentent même de 8 %, soit 607 millions d’euros.

Cette hausse est supérieure de 200 millions d’euros à la trajectoire prévue par l’article 1er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Toutefois, hors les mesures de périmètre et de transfert intervenues depuis le vote de cette loi, l’écart avec celle-ci n’est que de 100 millions d’euros.

Cet effort budgétaire représente ni plus ni moins qu’une hausse nécessaire des moyens consacrés à l’exercice de cette mission régalienne. Une hausse d’autant plus nécessaire que, l’an passé, le budget proposé n’était pas conforme à la trajectoire de la loi de programmation : l’augmentation était deux fois inférieure à l’annuité adoptée par le Parlement, pourtant quelques mois plus tôt seulement.

Le budget qui nous est proposé constitue donc un rattrapage indispensable, car la situation demeure fragile, comme en témoigne la dégradation des principaux indicateurs de performance de la mission, notamment les délais moyens de traitement des procédures pénales ou civiles. Bien sûr, la crise sanitaire a eu des répercussions sur le fonctionnement de la justice, mais elles se sont ajoutées aux difficultés structurelles que connaît le ministère.

La création de 1 500 emplois supplémentaires est prévue pour l’année prochaine, dont 1 092 pour l’administration pénitentiaire. Les créations d’emploi sont marquées par la priorité stratégique fixée pour le budget pour 2021 du ministère : le renforcement de la justice de proximité, destiné à lutter plus efficacement contre la petite délinquance du quotidien. Ainsi, sur les 318 postes créés pour la justice judiciaire, 150 seront affectés au renforcement de l’équipe autour du magistrat.

Tous les programmes de la mission sont concernés par cette priorité, mais la justice judiciaire figure en première ligne. En effet, les crédits alloués aux frais de justice augmentent de 127 millions d’euros, dont une partie renforcera les moyens d’enquête et d’expertise de la justice. Cette hausse répond à la technicisation croissante des enquêtes, mais constitue surtout une mesure de sincérité budgétaire, car ce poste à fait l’objet d’une sous-budgétisation récurrente ces dernières années. Par ailleurs, 15 millions d’euros supplémentaires sont alloués aux délégués du procureur, qui apportent une réponse pénale rapide dans les faits de délinquance du quotidien.

Un effort particulier est consacré aux dépenses d’investissement : 164 millions d’euros de crédits supplémentaires sont accordés à l’administration pénitentiaire au titre du programme immobilier pénitentiaire, 270 millions d’euros sont consacrés au financement des 7 000 places qui seront créées d’ici à la fin du quinquennat et 25 millions d’euros aux études des opérations de la seconde phase de construction de 8 000 places supplémentaires, qui seront lancées d’ici à 2022.

Par ailleurs, la transformation numérique du ministère se poursuit et prend tout son sens dans le contexte de la crise sanitaire. Dans cette perspective, 207 millions d’euros sont consacrés au plan de transformation numérique du ministère, qui s’accélère, s’agissant tant de l’équipement des juridictions en matériels que du développement de projets applicatifs. Ces investissements coûteux nécessitent toutefois un suivi attentif, afin que les délais soient respectés, mais surtout qu’ils soient utiles aux professionnels.

Je terminerai par deux remarques à propos de la hausse de 28 millions d’euros des moyens consacrés à l’aide juridictionnelle, un effort qui intègre une enveloppe de 25 millions d’euros destinée à financer les mesures retenues par le Gouvernement à la suite de la mission confiée au printemps dernier à Dominique Perben au sujet de l’avenir de la profession d’avocat.

D’une part, cette hausse de 50 millions d’euros en année pleine reste inférieure aux 100 millions d’euros préconisés par Dominique Perben pour améliorer la rétribution des avocats.

D’autre part, cette réforme, notamment la revalorisation de l’unité de valeur, est traduite dans l’article 55 bis, rattaché à la mission « Justice », adopté à l’Assemblée nationale par la voie d’un amendement du Gouvernement. Nous ne disposons d’aucune évaluation préalable de l’article, puisque cette réforme ne figurait pas dans le projet de loi de finances initial. Comme l’année dernière, le Gouvernement réforme donc l’aide juridictionnelle par un amendement de dernière minute… Cela n’est pas acceptable !

Telles sont les observations que je souhaitais présenter sur ce projet de budget du ministère de la justice. La commission des finances recommande au Sénat l’adoption des crédits, compte tenu de l’effort budgétaire consenti pour la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà plusieurs années que la commission des lois plaide en faveur d’un renforcement substantiel des moyens de la justice, notamment de son administration pénitentiaire, afin d’améliorer les conditions de détention des personnes condamnées et de favoriser leur réinsertion.

Les crédits alloués à l’administration pénitentiaire dans le projet de budget pour 2021 progressent de 9 %, hors crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions ». Cette augmentation importante ne nous paraît pas excessive au regard de l’ampleur des besoins en matière de personnel, d’entretien des locaux et de construction de nouvelles places de prison.

Ces moyens supplémentaires doivent permettre de financer les deux priorités de l’administration pénitentiaire : l’augmentation des effectifs – plus d’un millier d’emplois sont créés – et la poursuite du programme 15 000 places, visant à livrer 7 000 nouvelles places de prison d’ici à la fin de 2022 et 8 000 autres à l’horizon de 2027.

Les emplois créés serviront, d’abord, à combler les vacances de poste constatées chez les surveillants pénitentiaires. Ensuite, 300 créations d’emploi renforceront les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Enfin, plus de 400 créations de postes sont prévues pour constituer les équipes ayant vocation à travailler dans les futurs établissements pénitentiaires.

Quant au programme immobilier, il a pour ambition de réduire la surpopulation carcérale en construisant de nouvelles maisons d’arrêt et de favoriser la réinsertion en créant des structures d’accompagnement vers la sortie, les SAS, et en expérimentant des établissements tournés vers le travail.

Actuellement, 654 places sont en cours de réalisation, et un marché a été notifié aux entreprises pour 3 450 places supplémentaires. L’an prochain, deux établissements devraient être livrés, à Lutterbach, près de Mulhouse, et à Koné, en Nouvelle-Calédonie. L’ouverture de ce dernier établissement améliorera la qualité d’un parc pénitentiaire souvent fort dégradé dans nos départements et collectivités d’outre-mer.

L’année 2020 a été marquée par une forte baisse de la population carcérale, consécutive à la crise sanitaire, qui pourrait nous conduire à nous interroger sur la pertinence de maintenir ce programme immobilier inchangé. Toutefois, il est vraisemblable que le nombre de détenus va rapidement retrouver son niveau habituel, maintenant que les juridictions ont repris leur activité.

De plus, la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de cassation, puis du Conseil constitutionnel, sur la notion de conditions indignes de détention constitue une incitation supplémentaire à investir dans nos prisons. Nous devons faire disparaître ces situations choquantes, où trois personnes partagent une cellule de neuf mètres carrés avec un matelas au sol, si nous voulons éviter que des juridictions décident de libérations inopportunes du point de vue de la politique pénale ou de la sécurité publique.

Compte tenu de l’effort budgétaire engagé, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2021. Toutefois, elle souligne que cet effort devra être maintenu dans la durée, si nous voulons véritablement remettre à niveau notre service public pénitentiaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en hausse de 7 % à périmètre constant, le budget de la mission « Justice » fera un vrai bond l’année prochaine. Nous nous en réjouissons, d’autant que cette augmentation est supérieure de 200 millions d’euros à l’annuité 2021 prévue par la loi de programmation du 23 mars 2019 et même conforme à la trajectoire votée par le Sénat. La commission des lois a donc émis un avis favorable sur ces crédits.

Reste, monsieur le garde des sceaux, que ce budget, alléchant de prime abord, est loin du budget historique que vous revendiquez. En effet, à la lumière de la réalité de la vie des tribunaux et des justiciables, les moyens accordés sont à relativiser, compte tenu des retards accumulés dans les investissements en matériel, les recrutements et le paiement de charges antérieures.

Ainsi, en matière d’emplois, près de 1 082 recrutements sont prévus, en tenant compte du quatrième projet de loi de finances rectificative : ces moyens supplémentaires sont évidemment bienvenus, mais, lorsqu’on décortique l’annonce, certaines craintes se font jour… En effet, sur ces 1 082 emplois, seuls 168 sont pérennes – 50 magistrats, le reste pour les greffes –, soit moins que les 513 emplois pérennes créés en 2020. Si le taux de vacance des magistrats est aujourd’hui de moins de 1 %, celui des greffiers avoisine les 7 %, avec 670 emplois vacants. La promesse de résorber la vacance d’ici à la fin de 2021 est donc loin d’être tenue.

Par ailleurs, les 914 recrutements contractuels – juristes assistants et aides-greffiers, qualifiés de « sucres rapides » – sont destinés à résorber les difficultés des juridictions pénales de proximité. Favoriser la justice de proximité est louable, mais la vraie justice de proximité, celle du quotidien, celle qui concerne tous les citoyens, est la justice civile ; la justice pénale, elle, ne concerne que les délinquants – d’ailleurs, elle traite trois fois moins d’affaires que les juridictions civiles.

La courbe des stocks des tribunaux judiciaires est alarmante. L’intégration des juridictions de la sécurité sociale a importé plus de 200 000 affaires en attente, et la crise sanitaire et la grève des avocats ont alourdi ce stock de plus de 18 000 affaires, alors même que le nombre de nouvelles affaires a baissé de 39 %. Pas sûr que les sucres rapides réussiront à éviter la crise…

Par ailleurs, la revalorisation de l’aide juridictionnelle, très attendue par les avocats, doit se réaliser de deux manières : par l’augmentation de l’unité de valeur de 32 à 34 euros et par la revalorisation ciblée du barème de certaines missions, comme l’audition libre et la médiation.

Selon nous, le budget ne va pas assez loin dans cette direction. Prévues à hauteur de 27,5 millions d’euros en 2021, les augmentations coûteront 50 millions d’euros en année pleine, soit bien moins que les 100 millions d’euros recommandés par la mission Perben afin de relever l’unité de valeur à 40 euros, comme les professions le demandent.

Ce budget est un bon début : espérons que l’effort financier en faveur de la mission sera poursuivi, voire accentué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, trois minutes pour vous parler des finances de la justice, c’est un peu court… Je ferai donc part à M. le garde des sceaux de ma principale réflexion sur le sujet : l’argent, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant !

L’argent, c’est bien, évidemment : il est utile lorsqu’il paie magistrats, greffiers et autres personnels ; utile aussi lorsqu’il accompagne les associations d’aide aux victimes – monsieur le garde des sceaux, je salue l’investissement en la matière du gouvernement auquel vous appartenez ; utile encore lorsqu’il permet au tribunal de Bobigny d’être hors d’eau et à d’autres d’être câblés ou bien aménagés pour accueillir les justiciables.

Utile, l’argent l’est également, ou du moins devrait l’être, pour mettre à niveau l’informatique – le matériel, mais aussi les logiciels.

Du côté du matériel, si en ce mois de décembre vous atteignez presque votre but pour les magistrats – équiper 90 % d’entre eux d’un ordinateur portable –, reconnaissez que le taux d’équipement de 50 % envisagé pour les greffiers est encore loin : si 10 % sont équipés, c’est bien le bout du monde…

Du côté des logiciels, en revanche, vous investissez fortement, mais, semble-t-il, pas assez concrètement. Heureusement que, dans cet hémicycle, nous avons majoritairement dépassé les cinquante ans… Sinon, nous ne comprendrions même pas ce que je vais vous dire. Figurez-vous, mes chers collègues, que certains applicatifs de la justice tournent encore sous Windows 3 et avec WordPerfect ! Lorsque j’ai commencé à travailler, en mai 1990, voilà trente ans, Windows 3 sortait et WordPerfect touchait à sa fin…

Certes, un grand plan de rénovation numérique a été mis en place, d’un montant de 530 millions d’euros, dont 350 millions d’euros, soit près de 67 %, ont déjà été dépensés. Mais voilà : les agents bidouillent – c’est le terme qu’ils emploient –…

M. François Bonhomme. C’est l’esprit français !

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis. … sur des applicatifs non mis à jour. Songez que les juges d’instruction doivent retaper tout ce que la police ou la gendarmerie a déjà saisi, et que les juges des tribunaux de commerce travaillent avec leur adresse électronique personnelle ! Sur plusieurs centaines de greffiers à Paris, deux seulement ont une connexion à distance sur l’applicatif Winci…

Dans ce domaine les réformes reculent, comme l’expliquera notre collègue Iacovelli en présentant son amendement. Bref, la justice n’est pas, techniquement, entrée dans le XXIe siècle !

Monsieur le garde des sceaux, si l’on veut penser la justice et lui donner la force qu’elle mérite, elle ne doit pas être empêtrée dans des problèmes techniques. Nous avons émis un avis favorable sur les crédits de cette mission, mais resterons vigilants sur ce sujet. (Mme Nadia Sollogoub et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Maryse Carrère, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il m’appartient de vous présenter les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », sur lesquels la commission des lois a émis un avis favorable.

La protection judiciaire de la jeunesse représente 9,4 % des crédits de l’ensemble de la mission « Justice », moins d’un quart des crédits du programme « Administration pénitentiaire » et un peu plus d’un quart de ceux du programme « Justice judiciaire ». Les missions dévolues à la PJJ, qui assure le suivi de près de 150 000 jeunes chaque année, justifient qu’un examen spécifique de ses crédits et de ses missions soit réalisé chaque année par la commission des lois.

Le projet de loi de finances pour 2021 dote la protection judiciaire de la jeunesse d’un budget de 789,8 millions d’euros hors pensions, en augmentation de 53,2 millions d’euros, soit 7,2 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Cette augmentation particulièrement importante est supérieure à celles des années antérieures ; elle est en rapport avec la hausse de l’ensemble de la mission, mais doit être soulignée et saluée.

Toutefois, cette augmentation doit être analysée au regard de l’effet de rattrapage nécessaire à la concrétisation des engagements des années antérieures en matière de créations de postes et des enjeux d’adaptation importants auxquels fait face la PJJ, principalement – mais pas uniquement – en lien avec la réforme de l’ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs, dont l’entrée en vigueur est désormais reportée au 31 mars prochain.

Si le projet de budget pour 2021 prévoit de nouvelles créations de postes, la PJJ a souffert, au cours des dernières années, d’un écart croissant entre le nombre de postes théoriquement ouverts par le budget et une dotation en crédits insuffisante pour recruter effectivement des personnels au sein des différents cadres. Le nombre de postes au sein de la PJJ a augmenté chaque année entre 2015 et 2019, mais moins que les plafonds d’emplois autorisés pouvaient le laisser supposer.

Ces difficultés en matière de créations de postes sont à mettre en regard de l’important volant de personnels contractuels auquel la PJJ doit avoir recours ; ceux-ci constituent près de 19,7 % de ses effectifs.

En l’état, le budget de la PJJ prévoit la création nette de 40 postes, dont 19 postes liés à l’ouverture de nouveaux centres éducatifs fermés et 20 postes pour la participation aux cellules de recueil d’informations préoccupantes. Un emploi sera créé pour le suivi des mineurs en milieu ouvert, vers lequel 83 emplois seront redéployés par ailleurs.

Le renforcement et la formation des équipes d’éducateurs sont essentiels pour mettre en œuvre le nouveau code de la justice pénale des mineurs. En l’état des stocks d’affaires et de l’organisation des services, la mise en œuvre de la réforme au 31 mars prochain sera donc difficile.

Un autre axe essentiel du budget la PJJ depuis deux ans est la création des centres éducatifs fermés.

Déjà importante au regard du nombre de jeunes placés en leur sein, la part de ces structures dans les dépenses de la PJJ est amenée à croître, avec la création de vingt nouveaux CEF dans les prochaines années. Les CEF ont une utilité pour éviter la prison, mais certains posent aussi des difficultés de gouvernance et de lien avec les parcours d’insertion. Je salue donc la volonté de la PJJ de diversifier les modes d’hébergement.

Alors que la protection judiciaire de la jeunesse fait face à des défis majeurs, je me réjouis, monsieur le garde des sceaux, que le Parlement puisse enfin discuter du nouveau code de la justice pénale des mineurs. J’espère que son examen au Sénat, prévu à la fin de janvier, donnera lieu à un débat d’ampleur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Votre budget, monsieur le garde des sceaux, augmente de 8 %. C’est positif, et il faut le dire, parce que c’est vrai. Une fois qu’on l’a dit, il faut ajouter que ce rattrapage devra être suivi de nombreux autres rattrapages. Certes, il y en a déjà eu précédemment, mais d’une ampleur moindre. Les statistiques, que nous connaissons tous, montrent que, par rapport aux autres pays d’Europe ou de l’OCDE, nous sommes toujours dans le bas de la liste.

Je vous sais trop avisé, monsieur le garde des sceaux, pour ne pas être sur vos gardes : car c’est bien d’annoncer le budget, mais c’est encore mieux quand on voit l’exécution… Combien de fois n’avons-nous pas adopté dans cette enceinte des budgets qui, de mesures de régulation budgétaire en mesures de régulation budgétaire, ont fondu de mois en mois ? Nous espérons que vous serez vigilants à cet égard, y compris pour les postes, dont nos rapporteurs soulignent à juste titre qu’un certain nombre étaient déjà prévus l’année dernière. Comme ils ne sont pas arrivés, vous les reprenez dans votre lot : l’essentiel est qu’ils arrivent…

Au-delà de cette mise en garde sur l’exécution, je présenterai trois remarques.

Premièrement, s’agissant de l’aide juridictionnelle, dont les orateurs précédents ont déjà bien parlé, le montant prévu dans ce budget est la moitié de ce que la mission Perben a jugé nécessaire. Nous allons connaître, à la suite de la crise sanitaire et sociale que notre pays vit, une multiplication des gens en grande pauvreté. La question du recours effectif à la justice se pose et se posera donc. Sur ce sujet aussi, nous pensons qu’il faudra aller plus loin.

Deuxièmement, pour ce qui est de la justice des mineurs, nous aurions aimé, vous le savez, qu’il y eût un projet de loi plutôt qu’une ordonnance. Il y a une ordonnance, mais vous vous êtes engagé à ce qu’il y ait un vrai débat. J’espère qu’il sera suffisamment long, en commission comme en séance publique, pour que l’on aborde, au fond, cette question essentielle entre toutes.

Monsieur le garde des sceaux, il ne vous a pas échappé qu’un certain nombre de magistrats, de professeurs de droit et d’éducateurs ont trouvé que la version de l’ordonnance ressemblait trop à la justice des majeurs. Il y a 850 mineurs incarcérés en France. Dans son rapport fait au nom de la commission des lois, Jean-René Lecerf montrait combien une prise en charge éducative des mineurs délinquants était bénéfique pour la suite.

Nous resterons pour notre part totalement fidèles à l’esprit de l’ordonnance de 1945 : le jeune doit d’abord être éduqué. Il faut s’en donner les moyens, parce que c’est un être en devenir et que l’on ne doit jamais désespérer, même si – c’est un fait que nous constatons – la délinquance des mineurs est devenue plus violente.

Troisièmement, je souhaite évoquer les prisons. Il se trouve que, du fait de cette crise sanitaire, un certain nombre de prévenus ont quitté les prisons. Je ne crois pas que la baisse du nombre de personnes en prison ait eu des effets négatifs.

Dans le droit fil des propos que vous avez tenus, nous estimons que la condition pénitentiaire est très importante et qu’il est préférable de disposer de mesures alternatives en plus grand nombre de manière à ce qu’il y ait moins de détenus et que l’on s’occupe davantage de leur travail, de leur santé, notamment psychiatrique, et de leur insertion à la sortie pour éviter les sorties sèches, qui sont tout à fait négatives. À cet égard, il nous paraît très important que l’on privilégie, non pas la construction de nouvelles prisons, mais la restauration des établissements existants, qui sont encore indignes.

Monsieur le garde des sceaux, le Conseil constitutionnel vous a enjoint de déposer un texte de loi d’ici au mois de mars. Nous savons que vous y travaillez en préparant un amendement au projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée. Si j’ai bien compris, votre stratégie consiste donc à inscrire ce qui pourrait être un projet de loi dans un autre projet de loi. Le Conseil constitutionnel pointerait peut-être que tel n’est pas l’objet de son injonction.

Quoi qu’il en soit, nous serons très vigilants à ce que les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel soient scrupuleusement respectées.

M. le président. Merci de conclure, cher collègue !

M. Jean-Pierre Sueur. Je conclus, monsieur le président.

Nous voterons les crédits de la mission, mais, comme le disait une personne qui nous a quittés très récemment, « Oui, mais… »

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la pandémie liée au covid-19 a mis en lumière nombre de dysfonctionnements au sein de notre appareil judiciaire. Durant le premier confinement, l’essentiel du contentieux civil a en effet été abandonné. Le contentieux pénal, lui, a été maintenu, mais dans des conditions dégradées en raison du recours à des dispositifs défavorables aux prévenus. Il va sans dire que les garanties accordées aux justiciables s’en sont trouvées détériorées.

Face à cette situation, notre nouveau garde des sceaux avait promis un « effet Dupond-Moretti » sur le budget de la justice. Nous constatons effectivement une augmentation de 32 % des moyens accordés à cette mission, à hauteur de 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Nous accueillons favorablement cette nouvelle. Dans les faits, cependant, il convient de rappeler que cette hausse importante est principalement due à un rattrapage lié au retard pris par le PLF pour 2020 par rapport aux objectifs fixés par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice votée en 2019.

Par ailleurs, malgré ces chiffres encourageants, la France reste l’un des mauvais élèves de l’Union européenne en matière de budget accordé à son système judiciaire. Notre pays compte trois procureurs pour 100 000 habitants, contre douze dans les États membres de l’Union européenne. De même, avec un budget de 5,6 euros par habitant consacré à l’aide juridictionnelle, la France se situe au-dessous de la moyenne européenne, qui est de 6,5 euros. Les exemples sont multiples et démontrent les carences de notre système de justice. Il est évident que les crédits accordés à cette mission ne sauraient combler le retard pris sur nos partenaires européens pendant des décennies.

Pour autant, nous notons les éléments positifs de la mission « Justice » de ce PLF. Outre l’augmentation des moyens alloués à cette mission, les 2 450 emplois ouverts pour le fonctionnement de notre système judiciaire sont les bienvenus. De même, la hausse des crédits du programme « Justice judiciaire » devrait permettre de désengorger les tribunaux, tendant ainsi à garantir une justice de proximité effective pour nos concitoyens.

En revanche, nous nous montrons plus réservés quant aux sommes attribuées à l’ouverture de 15 000 nouvelles places en milieu carcéral. Nous sommes évidemment favorables à l’encellulement individuel des prisonniers. Nous saluons donc les décisions prises par votre prédécesseure Nicole Belloubet visant à remettre en liberté des détenus en fin de peine. Cependant, il est constaté que la tendance est davantage au « tout carcéral ». Ainsi encourageons-nous le Gouvernement à favoriser le recours accru aux peines alternatives pour les petites peines. Nous sommes convaincus que le garde des sceaux, avocat pénaliste, sera sensible à cette thématique.

Je souhaite conclure cette intervention en mentionnant les crédits alloués au programme « Protection judiciaire de la jeunesse ». Ce budget prévoit notamment l’ouverture de cinq nouveaux centres éducatifs fermés. Nous tenons à rappeler que nous sommes défavorables à l’enfermement de mineurs sans encadrement adapté.

Mes chers collègues, un adolescent délinquant est un mineur en danger. C’est pourquoi, lorsqu’il prend en charge des mineurs, le système pénal doit s’inscrire dans la continuité de la protection de l’enfance. La justice des jeunes devrait favoriser leur éducation et leur réhabilitation plutôt que leur répression.

Monsieur le garde des sceaux, nous notons avec intérêt les progrès notables réalisés dans ce budget.

Mme Esther Benbassa. Cet effort doit être soutenu, et il est nécessaire que la dynamique enclenchée s’amplifie dans les années à venir. Réservé quant à l’utilisation de certains moyens compris dans cette mission, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra toutefois lors du vote de ces crédits.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il convient de reconnaître les efforts déployés pour la quatrième année consécutive en faveur du budget de la mission « Justice », au sein de laquelle tous les programmes voient leurs moyens budgétaires et humains progresser.

Le budget de la mission est en hausse de 8 %, soit de 607 millions d’euros. Il s’agit de la plus forte augmentation du budget de la justice observée depuis vingt-cinq ans. Ces crédits permettront de rattraper et même de dépasser les prévisions de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en deçà desquelles nous étions l’année dernière. Ils aideront aussi et surtout à mettre en œuvre les priorités du Gouvernement pour la justice de notre pays, priorités, monsieur le garde des sceaux, que vous avez souhaité accorder à la justice de proximité et à l’accès au droit ainsi qu’à l’administration pénitentiaire.

Dans le bleu budgétaire, la justice de proximité est définie comme « celle du quotidien des justiciables, dont l’ambition est, d’une part, de lutter plus efficacement contre la petite délinquance du quotidien, au plus près des victimes et, d’autre part, de renforcer l’action judiciaire de proximité par un rapprochement, au plus près des territoires, de la réponse pénale ».

Cela passe donc par un renforcement important des moyens humains. Ce budget permettra de procéder à 1 500 recrutements nets au cours de l’année qui arrive, soit 240 de plus que ce que la loi de programmation prévoyait. À ces recrutements s’ajouteront 950 emplois supplémentaires inscrits en fin de gestion pour l’année 2020.

Cela passe aussi par la mise en œuvre du plan de transformation numérique. La crise sanitaire que nous traversons nous a montré combien celui-ci était un enjeu majeur pour la justice de notre pays. Je sais que des investissements considérables ont d’ores et déjà été engagés. Cependant, lors d’un déplacement au tribunal de Paris le 19 novembre dernier, une délégation de la commission des lois à laquelle j’ai participé a pu constater qu’il fallait continuer de mettre l’accent sur l’équipement numérique et investir dans des logiciels plus modernes.

L’accès aux droits des citoyens les plus en difficulté contribue également à cette justice de proximité. Aussi, je voudrais saluer l’effort budgétaire de 55 millions d’euros consacré à l’aide juridictionnelle, prévoyant une revalorisation de la rétribution des avocats, qui font un travail remarquable au profit de cette catégorie de citoyens. Il s’agit – vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux – d’une première avancée pour atteindre l’objectif de 96 millions d’euros fixé par la mission Perben et recommandé par nos collègues députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin.

Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi d’appeler votre attention sur la situation de mon département. Le 22 juillet dernier, lors de votre audition par la commission des lois, je vous ai interrogé sur le problème que constitue, en matière de proximité de la justice, l’éloignement du justiciable mahorais de son juge d’appel, situé à La Réunion. Je concède qu’il s’agissait peut-être d’une manière un peu rude de vous accueillir, alors que vous veniez d’être nommé au Gouvernement, et j’en suis désolé. (Sourires.) Mais, têtu comme je suis, je reviens à la charge et souhaiterais qu’on puisse trouver ensemble une solution acceptable à cette situation unique dans toute la République.

L’histoire, la culture, l’état de développement des deux départements de l’océan Indien ne sont pas les mêmes. Le procureur général, pour ne prendre que cet exemple, officie à 2 000 kilomètres de Mamoudzou, dont la chambre détachée fonctionne comme un satellite de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion. Comment peut-il décider efficacement de la politique pénale de ce territoire s’il n’en connaît pas empiriquement la réalité ?

Enfin, ce budget consacre un effort important en matière d’investissements immobiliers, en particulier en faveur de l’administration pénitentiaire. Certains voient dans la construction de nouvelles places de prison une contradiction avec la volonté du Gouvernement de réduire la population carcérale. En réalité, cette mesure, combinée au recours à l’aménagement des peines, chaque fois que cela est possible et utile – je tiens à le préciser –, permettra de répondre au principe de l’encellulement individuel inscrit dans notre code pénal.

Vous le savez, cette surpopulation est particulièrement préoccupante dans certains établissements ultramarins. C’est le cas au sein de mon territoire. Dans le contexte sanitaire actuel lié à l’épidémie de covid-19, la surpopulation carcérale est propice à la diffusion du virus. En juin dernier, 55 % de la population carcérale de la maison d’arrêt de Majicavo était testée positive.

Ce budget ne permettra pas de régler toutes les défaillances de notre appareil judiciaire – c’est un fait –, mais il démontre la volonté du Gouvernement d’opérer un véritable changement. Il est important de souligner qu’il répond enfin aux attentes des citoyens et des acteurs de la justice, auxquels il apportera une véritable bouffée d’oxygène. Notre groupe est convaincu que ces crédits s’inscriront dans la durée. C’est la raison pour laquelle, vous l’aurez compris, il ne se privera pas de les voter avec enthousiasme.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Avec 8,2 milliards d’euros pour la justice cette année, c’est un budget « exceptionnel » et « historique », avez-vous affirmé, monsieur le garde des sceaux, lors de sa présentation à la presse le 29 septembre dernier. En soi, nous ne pourrions que nous en réjouir, mais qu’en est-il vraiment d’un point de vue purement comptable et du point de vue de la répartition de ces crédits, autrement dit de ce qu’ils financent ?

Certes, le budget augmente pour la justice – comme depuis 2012, d’ailleurs –, et cette année de 8 % hors charges de pensions, mais, comme d’autres orateurs l’ont indiqué avant moi, il s’agit avant tout d’un rattrapage. Il n’est donc qu’à moitié réjouissant, et ce d’autant que l’augmentation continue des moyens depuis 2012 est insuffisante pour sortir la justice de la pénurie à laquelle elle est confrontée.

La comparaison avec nos voisins européens est à ce titre assez douloureuse : la France consacre moins de 70 euros par an et par habitant à son système judiciaire, quand l’Allemagne y consacre 122 euros, l’Autriche 107 euros et l’Espagne 79 euros. En parallèle, la France compte toujours deux fois moins de juges que la moyenne européenne pour 100 000 habitants.

En outre, la période de confinement a mis en relief l’indigence du ministère de la justice, en particulier son sous-équipement structurel en matière numérique. Pis encore, la majorité du contentieux civil a été abandonnée pendant cette période et le contentieux pénal qui a été maintenu a subi un profond affaiblissement et une dégradation des garanties accordées aux justiciables : juge unique, audience en visioconférence, voire par téléphone, procédure sans audience et jugement en l’absence des prévenus ou retenus faute d’extraction, publicité restreinte, voire parfois supprimée.

En outre, que signifient les chiffres si ce n’est ce qu’ils servent ? En l’occurrence, le premier poste budgétaire de la mission « Justice » demeure l’administration pénitentiaire, dont les crédits représentent plus de la moitié de l’enveloppe. Pourtant, l’Observatoire international des prisons souligne régulièrement l’inefficacité de l’augmentation du parc carcéral pour répondre à la surpopulation carcérale à laquelle nous sommes confrontés.

Le deuxième poste budgétaire de la mission, la justice judiciaire, n’est pas sans poser problème non plus, puisque la mise en œuvre de la réforme de l’organisation judiciaire se poursuivra en 2021. Rappelons que, par cette réforme, la carte judiciaire et les principes qui la gouvernent sont complètement bouleversés, ce qui marque un véritable tournant dans l’histoire de nos institutions judiciaires. La dualité tribunal de grande instance-tribunal d’instance disparaît au profit d’un tribunal judiciaire qui, par le biais d’une spécialisation accrue, instaure une hiérarchisation entre les juridictions d’un même département.

Nous défendons au contraire une véritable justice de proximité, qui implique le maintien des tribunaux d’instance comme juridictions autonomes. Bien ancrés sur le territoire français, les tribunaux d’instance étaient vecteurs d’une justice de proximité. Ils traitaient la plupart du temps des contentieux concernant les plus faibles : mesures de protection, surendettement, crédit à la consommation, baux, litiges du quotidien… Comment cette proximité avec les justiciables les plus précaires sera-t-elle maintenue ?

Enfin, j’aborderai rapidement la protection judiciaire de la jeunesse, puisque nous aurons l’occasion d’en débattre de nouveau au Sénat à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février 2021. Comme les 500 personnalités et professionnels de l’enfance qui se sont exprimés sur le sujet, nous demandons l’abandon du code de justice pénale des mineurs. En effet, la forme – établi sans consultation préalable des professionnels, ce texte procède par voie d’ordonnance –, autant que le fond – l’accélération de la répression pénale, au détriment du temps éducatif de l’enfant – sont contestables.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission, qui sont bien en deçà des moyens que nécessite le bon fonctionnement de ce grand service public qu’est la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’indique dès à présent que le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission, ce qui va me permettre de concentrer mon propos sur nos sujets de préoccupation. Au nombre de deux, ils ont trait au fonctionnement de la « machinerie justice » au quotidien, non pas que nous nous désintéressions de tous les grands principes ni des sujets d’actualité, mais, dans le droit fil de l’avis budgétaire de ma collègue Dominique Vérien, je souhaite évoquer ces deux sujets propres au fonctionnement de la justice.

Premièrement, comment la justice peut-elle acquérir une culture numérique ? Telle est, selon nous, la principale difficulté de fonctionnement de la justice à l’heure actuelle.

Deuxièmement, la profession d’avocat est indiscutablement en difficulté. Chacun a en mémoire les mouvements de contestation de cette profession. Ces derniers n’étaient pas liés uniquement à la question des retraites : ils étaient l’expression d’une difficulté plus générale. Ma question est donc la suivante : comment donner aux avocats les outils leur permettant de réformer leur profession, étant entendu que celle-ci ne pourra être réformée de l’extérieur ?

Comment donc la justice peut-elle acquérir une culture du numérique ? L’enjeu de la modernisation de la justice ne se limite pas à la seule question des infrastructures et du matériel, ni au nombre de milliers de portables qui seraient mis à sa disposition. Ce serait même à notre sens rater l’essentiel. Sur ce terrain, il y a trois défis à relever.

Le premier est celui des applicatifs. Le monde judiciaire a un évident problème en la matière. Le logiciel de la chaîne pénale Cassiopée fonctionne très mal : il n’est pas collaboratif, et les transmissions aux parquets et aux avocats se font avec difficulté. Les cours d’appel n’utilisent pas les mêmes logiciels et, surtout, il n’existe pas d’applicatif du quotidien, si bien que les juges d’instruction continuent de surveiller leurs délais grâce à des petites fiches qu’ils rangent dans un tableau accroché derrière leur bureau. Les trames d’actes sont rares et, me dit-on, peu mises à jour. Quant au logiciel civil, il n’est disponible à distance que pour un nombre limité d’utilisateurs.

Au-delà de ce problème d’applicatifs, la traduction procédurale du numérique pose des difficultés. Par exemple, les procès-verbaux numériques ne sont toujours pas les originaux, si bien qu’il faut continuer à transporter les éléments papier. Le problème de la signature électronique n’est toujours pas correctement réglé. Quant aux convocations, notifications et communications pour ce qui concerne les avocats, il y a encore d’énormes progrès à faire.

Monsieur le garde des sceaux, je n’ai pas fait d’enquête, mais je suis convaincu qu’au regard du nombre étonnant de courriers recommandés qui sont adressés votre ministère doit être le premier client de La Poste. Peut-être s’agit-il d’un soutien à la présence postale… (Sourires.) Plus sérieusement, il y a probablement des moyens d’utiliser le budget de manière plus pertinente.

Autrement dit – c’est le deuxième défi –, il conviendrait, non pas seulement de poursuivre le travail de transposition des procédures vers le numérique, mais de penser le numérique comme premier, et non comme une conversion des modalités papier.

Je dirai un mot des compétences : trop peu de greffiers et de magistrats ont cette culture numérique, et celle-ci ne fait pas l’objet de développements internes.

Enfin, le troisième défi a trait à l’amélioration de la politique d’achats de matériel informatique. L’État est un mauvais acheteur : nous l’avons constaté au sujet de l’achat de Louvois par le ministère de la défense ou des problèmes statutaires rencontrés par les enseignants. Les applicatifs développés par la profession notariale sont bien plus performants ; ils ont notamment permis de régler les difficultés relatives à la signature électronique. Il conviendrait de combler ce fossé.

J’en viens au deuxième point de mon propos : la profession d’avocat, ô combien importante pour le bon fonctionnement de la justice. Comment donner aux avocats les outils leur permettant de réformer leur profession ? J’évoquerai trois points.

Tout d’abord, il conviendrait, pour analyser la situation de cette profession, d’en connaître les chiffres. Nous avons été stupéfaits, dans le cadre de la mission confiée par votre prédécesseur à Dominique Perben, de ne pas disposer de chiffres actualisés sur la situation de la profession d’avocat. On dispose certes de quelques éléments anciens et d’un revenu moyen, mais celui-ci masque des différences extrêmement importantes.

Il faudrait être en mesure de déterminer si les difficultés concernent les barreaux de province ou le barreau de Paris, les collaborateurs du barreau du juridique ou ceux du barreau du judiciaire. Il faudrait connaître l’évolution du chiffre d’affaires des différentes parties du barreau dans la durée. On ne peut pas soutenir que tout irait pour le mieux au motif que le chiffre d’affaires augmente : cette augmentation pourrait ne bénéficier qu’au barreau du juridique, alors que le barreau du judiciaire serait en grande difficulté. C’est pourquoi nous vous demandons de veiller à ce que nous disposions de chiffres transparents nous permettant d’avoir une bonne appréhension de la situation de la profession.

Ensuite, il convient de veiller à la situation sociale de cette profession : 25 % des avocats veulent changer d’orientation. Cela doit nous conduire à poser de nouveau la question de l’expérimentation de l’avocat en entreprise. La profession n’a toujours pas trouvé sa position de cohérence en la matière. Le sujet passionne certes les bâtonniers et les patrons des cabinets, mais ce sont leurs collaborateurs qui sont en difficulté. Or toute une partie de la profession est prête à lâcher. Nous estimons que la Chancellerie serait dans son rôle si elle pilotait une évolution de la profession dans ce sens.

Enfin, sans être obsédé par une comparaison avec le notariat – on dit parfois que les avocats sont les tribus gauloises et les notaires les légions romaines, et je ne voudrais pas avoir plus de difficultés avec mes confrères avocats (Sourires.) –, je tiens à souligner que le notariat vient de passer avec votre ministère une convention portant sur les moyens et les objectifs. Je rêverais que la profession d’avocat soit également en mesure de passer un jour avec votre ministère une convention globale. Cela permettrait certes de demander des augmentations de budget en matière d’aide juridictionnelle, mais aussi d’établir comment cette profession, en tant qu’auxiliaire de justice, peut contribuer dans les meilleures conditions à l’optimisation du système. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous pourrions nous féliciter de l’augmentation du budget en matière de justice et nous contenter de commenter les chiffres, mais nous devons aller plus loin qu’une considération arithmétique. Étudier le budget d’une mission, ce n’est pas seulement aligner des chiffres ; c’est aussi les analyser et les mettre en perspective.

À la lecture du budget de la justice pour 2021, nous constatons, certes, une augmentation des crédits de près de 8 %. Nous notons aussi que leur montant, de 8,2 milliards d’euros, est effectivement supérieur de 200 millions d’euros au budget voté dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Néanmoins, il est important de remettre ce budget en perspective.

Sur 1 000 euros de dépenses publiques, 60 euros sont consacrés aux domaines régaliens, à raison de 31 euros pour la défense, de 25 euros pour la sécurité et de 4 euros pour la justice, qui est vraiment le parent pauvre de nos budgets. À titre de comparaison, sur les mêmes 1 000 euros de dépenses publiques, 575 euros sont consacrés aux dépenses sociales et 37 euros à la charge de la dette.

Malgré l’augmentation que je viens d’indiquer, avec seulement 4 euros, la situation de la justice reste très compliquée. De plus, il convient de replacer ces chiffres dans le contexte global de sous-budgétisation chronique du service public de la justice. Si la loi de programmation prévoyait 8 milliards d’euros pour 2021, un retard de 115 millions d’euros a été enregistré en 2020. Je ne parlerai donc pas d’augmentation, mais de rattrapage budgétaire.

Je pourrais aussi évoquer longuement les 15 000 places de prison qui devaient voir le jour pendant le quinquennat. Nous recensons 2 000 places construites. Pour obtenir les 7 000 places promises par le Gouvernement, il faudra attendre 2023. Ainsi, l’objectif des 15 000 places supplémentaires promises en 2017 ne sera pas atteint, loin de là.

Au-delà du catalogue des promesses non tenues, c’est la dignité de l’accueil dans les prisons et la sécurité globale des Français qui me préoccupent aujourd’hui. En effet, comment lutter contre la récidive et le radicalisme si l’on ne construit pas de places de prison et si les agents pénitentiaires ne travaillent pas dans des conditions correctes ?

Le monde carcéral souffre : les conditions de travail des personnels pénitentiaires sont dégradées, l’application des peines pose des difficultés, notamment dans les petites structures, et les détenus subissent des mauvaises conditions de détention et la surpopulation carcérale. Force est de constater que nos prisons sont bien souvent indignes de notre pays. La construction de places de prison est essentielle dans notre dispositif de sécurité, mais aussi pour des raisons de dignité. C’est pourquoi il serait souhaitable de disposer d’un calendrier précis des constructions et des rénovations.

Par ailleurs, les quelques évolutions que l’on constate cette année apparaissent minimes au regard de ce qu’il reste encore à accomplir afin que la justice soit plus efficace, plus compréhensible et plus lisible pour nos concitoyens.

Je crois, mes chers collègues, qu’il est impératif de continuer à renforcer davantage ce budget.

La réforme de la justice des mineurs générera dans sa phase transitoire un surcroît de travail, de sorte que les besoins en personnels ne seront pas négligeables.

L’extension, à moyens constants, de l’expérimentation de la nouvelle juridiction que sont les cours criminelles accaparera elle aussi des magistrats, des greffiers et des salles, au détriment d’autres activités, dont celles des cours d’assises qu’elles sont pourtant censées désengorger.

Je rappelle d’ailleurs que près de 80 % des affaires de viol seraient requalifiées en « agressions sexuelles » – c’était l’esprit d’un texte ancien – pour rendre la justice plus rapide et désengorger les tribunaux. Dans son avis sur le viol et les agressions sexuelles publié en 2016, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes constate : « Le viol est un crime qui constitue la plus grave des violences sexuelles. Or il fait trop souvent l’objet de disqualification en agression sexuelle constitutive d’un délit. […] Si la disqualification n’a pas pour but de nuire aux intérêts des victimes, qui peuvent d’ailleurs s’opposer au renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel, elle minimise la gravité du viol et remet en cause le principe d’égalité devant la justice. »

Le désengorgement des tribunaux, notamment des cours d’assises, ne doit pas se faire au détriment des victimes. Le viol est un crime, il doit être jugé comme tel.

Enfin, la lutte contre les violences intrafamiliales, que vous avez déclarée priorité nationale, ne peut pas se contenter d’effets d’annonce. Vous savez tous que 146 femmes ont été tuées au sein de leur couple en 2019, soit vingt-cinq de plus qu’en 2018 ; vingt-sept hommes ont également été tués au sein de leur couple ; vingt-cinq enfants mineurs sont décédés, tués par un de leurs parents, dans un contexte de violences au sein du couple. Environ 143 000 enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré subir des formes de violence physique ou sexuelle, et des milliers d’autres ont été témoins de scènes de violence et en resteront sans doute marqués à vie.

Derrière ces chiffres, il y a une réalité, celle d’une souffrance insupportable et inacceptable. C’est pourquoi, plus que jamais, nous avons besoin de l’implication de tous. Je présenterai différents amendements sur ce sujet.

Nous devons renforcer la formation des policiers, des gendarmes et des magistrats. Interrogeons-nous encore sur l’accueil des victimes à tout moment de leur prise en charge.

Renforçons les outils judiciaires de protection, tels que l’éviction du domicile des partenaires violents, l’ordonnance de protection et le téléphone grave danger. Les comparutions immédiates existent, mais restent insuffisamment utilisées.

Améliorons le recueil des données par la justice en matière de violences conjugales : il reste beaucoup à faire dans ce domaine.

Améliorons les soins des victimes et développons les centres régionaux de psychotraumatisme. Prévoyons aussi davantage d’hébergements d’urgence et, surtout, sécurisons-les !

Enfin, donnons plus de moyens aux associations, que je veux remercier et saluer. Ces hommes et ces femmes font un travail remarquable pour les victimes.

Mes chers collègues, nous pourrons éternellement faire voter des textes sur ces travées, mais ils resteront inapplicables si les finances ne suivent pas. Le combat contre les violences conjugales et pour la protection des enfants nous commande d’agir partout où la dignité, la morale et la loi l’exigent ! Nous devons le faire sans attendre un nouveau budget.

Le temps presse, et nous connaissons une grande partie des mesures qu’il faut prendre pour lutter contre ce fléau. Nous n’avons plus le temps d’attendre. II y a urgence pour les familles et pour les enfants que ces violences détruisent.

Nous ne pouvons pas laisser plus longtemps les associations, les forces de l’ordre, les avocats et les magistrats pallier seuls les carences de notre législation. Le travail et le dévouement de ces hommes et de ces femmes forcent l’admiration et le respect. Pourtant, ils se sentent souvent livrés à eux-mêmes par manque de moyens, de temps ou de formation. Notre rôle de législateur est de les soutenir, le plus rapidement possible, avant qu’ils ne se retrouvent dépassés par l’urgence.

Au-delà des considérations budgétaires, je me permets de m’adresser à vous avec force, détermination et conviction, car être engagé dans la vie politique c’est avant tout défendre des convictions dans le cadre de l’intérêt général.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, portons ce message : ensemble, unissons nos efforts pour les familles, pour les enfants, qui espèrent de nous et nous obligent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons le plaisir de saluer une hausse de 8 % du budget consacré à la justice pour l’année à venir. Cette mission en avait terriblement besoin, car les crédits qui lui sont consacrés n’avaient pas connu pareille augmentation depuis au moins vingt-cinq ans.

La hausse prévue pour 2021 atteint les objectifs fixés par la loi de programmation ; elle les dépasse même de 100 millions d’euros. Cette trajectoire est la bienvenue au regard tant du rôle central de la justice dans notre pays que du manque chronique de moyens dont elle souffre depuis de trop nombreuses années.

Ni le Président de la République ni ce gouvernement ne peuvent être tenus responsables de l’état actuel de la justice. Il vous appartient cependant d’y remédier, monsieur le garde des sceaux, et nous saluons l’effort que vous avez amorcé. Il doit absolument se poursuivre dans la durée, car notre pays a besoin de justice, et d’une justice efficace.

Selon un sondage publié hier, l’opinion de nos concitoyens sur la justice se dégrade. Près de 60 % d’entre eux n’ont pas confiance en elle. Il faut que cela change ! L’augmentation du budget de la mission, cette année, est un signal encourageant. Nous espérons qu’il contribuera à recréer la confiance perdue.

Aujourd’hui encore, la justice est trop lente, et pour cause… En 2018, d’après la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, le nombre de juges professionnels par habitant, en France, était inférieur de moitié à celui de l’Allemagne. Il était même inférieur à celui de la Russie, de l’Ukraine ou encore du Kazakhstan. Un tel sous-effectif allonge nécessairement les délais de jugement et nuit à l’efficacité de l’institution.

La surpopulation carcérale est une autre conséquence de cette insuffisance de moyens. À cet égard, il a fallu une pandémie pour que le taux d’occupation des prisons passe sous le seuil des 100 %. Il est depuis peu repassé au-dessus. Il faut absolument en finir avec ce phénomène, car il est inacceptable qu’au pays des droits de l’homme des centaines de détenus dorment sur des matelas posés par terre. Nous avons besoin de plus de places dans nos prisons !

Même si la peine d’emprisonnement ne constitue pas la seule réponse efficace à la délinquance, nous considérons qu’elle doit pouvoir être exécutée dans des conditions convenables, non seulement pour respecter nos engagements en matière de protection des droits humains, mais aussi afin de mieux lutter contre la récidive.

Nous saluons l’effort consenti pour la construction des 7 000 premières places de prison supplémentaires dont l’achèvement est prévu pour 2023. II est essentiel de ne pas prendre de retard en la matière. Parallèlement, le développement des alternatives à la privation de liberté nous paraît judicieux. En les exacerbant, la pandémie a mis l’accent sur bien d’autres difficultés auxquelles l’institution judiciaire est confrontée en temps normal.

Lors du premier confinement, nous avions appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que certaines juridictions peinaient à continuer de travailler à distance, en raison notamment du manque de flexibilité des outils numériques. À ce titre, nous nous félicitons que le plan de transformation numérique soit poursuivi. Lorsque les circonstances l’imposent, il est indispensable que le travail de la justice puisse être effectué à distance, en toute sécurité. Nous remarquons cependant que de nombreuses solutions logicielles restent à finaliser.

Par ailleurs, si certaines professions disposent du matériel nécessaire au travail à distance, d’autres, comme les greffiers, demeurent très majoritairement sans équipement.

En plus d’être rapide, la justice doit être accessible. À cet égard, nous soutenons l’augmentation des crédits consacrés à l’aide juridictionnelle. Nous regrettons cependant qu’elle soit inférieure à celle qui est préconisée dans le rapport Perben.

La hausse des crédits alloués à la justice, portée par ce projet de loi de finances, est un effort nécessaire. Les Français ont besoin de justice. Nous souhaitons que le budget pour 2021 soit l’amorce d’une nouvelle dynamique.

Au-delà de ces quelques remarques, le groupe Les Indépendants soutiendra le vote des crédits de la mission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les qualificatifs utilisés pour ce budget ne semblent pas manquer : on le dit « exceptionnel », « historique », doté de moyens jusqu’alors « inégalés ». Nous avons souvent entendu de telles congratulations, mais il est vrai que les crédits de la mission « Justice » pour l’année 2021 connaissent une hausse notable. Ce signal était attendu par des institutions trop longtemps mal considérées budgétairement, malgré les multiples interventions du Sénat.

Comme certains de mes collègues l’ont déjà souligné, l’effort budgétaire global est important, à l’image des crédits du programme « Justice judiciaire ». Nous nous réjouissons tout autant des efforts en matière d’aide juridictionnelle que d’aide aux victimes. Il faut également apprécier la poursuite des créations de postes dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse et les juridictions pour mineurs.

Cependant, la réalité est aussi que ces hausses sont d’abord des efforts de rattrapage, après des années de sous-budgétisation catastrophique pour un service public aussi sollicité et fondamental pour notre pacte social. Il y a urgence, par exemple, sur la question des mineurs non accompagnés.

Selon notre collègue Nathalie Delattre, on recense environ 3 000 MNA en Gironde, qui pâtissent de faibles mesures d’accompagnement et sont victimes de réseaux bien structurés. Or une explosion du nombre d’agressions et de manifestations de violences a depuis été observée localement, tandis que la question de la réponse pénale apportée pour assurer une certaine tranquillité publique se pose encore.

Nous constatons donc ces efforts de rattrapage avec une certaine amertume, car le Sénat en débat depuis longtemps. Nous les regardons aussi avec modestie et en regrettant que notre nation ait tellement tardé à se remettre au niveau des exigences européennes : je ne vous citerai pas le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, la CEPEJ, car vous le connaissez tous.

Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais appeler votre attention sur une question spécifique, qui, loin d’être anecdotique, cristallise une forme d’insuffisance persistante des crédits alloués à la justice pour nos établissements pénitentiaires. Je parle des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, ces services déconcentrés de l’administration pénitentiaire départementale qui assurent le contrôle et le suivi des personnes condamnées dans leur parcours d’exécution des peines.

La réinsertion des personnes condamnées et la prévention de la récidive n’ont rien de nouveau, mais cette question trouve un écho particulier dans le contexte actuel. En effet, la crise complexifie encore davantage les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire. De plus, une grande partie de la tâche des SPIP concerne désormais le suivi socio-judiciaire de délinquants sexuels, d’auteurs de violences conjugales ou de profils radicalisés. La commission d’enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre a démontré que le suivi post-carcéral était fondamental pour prévenir la récidive comme pour protéger la société de profils particulièrement dangereux.

Or le travail des SPIP est rendu plus difficile, non seulement en raison des contraintes liées à la pandémie, le virus imposant de limiter les contacts physiques, mais aussi à cause du désengorgement des prisons, décidé par votre prédécesseur, afin d’éviter une trop forte contamination en milieu carcéral. Le nombre des personnes à suivre a considérablement augmenté, de sorte que les services peinent à tenir le rythme imposé.

De telles circonstances auraient dû conduire à une augmentation significative des moyens et des effectifs. Or, sur ce point, le compte n’y est pas : les dépenses sont stables pour l’année 2021 à 42,5 millions d’euros, alors qu’elles auraient manifestement dû augmenter. Cette stagnation nous préoccupe d’autant plus qu’elle paraît éloignée de certaines de nos préoccupations : je pense, en particulier, à la lutte contre le développement de la radicalisation islamiste, dont on sait qu’il trouve un environnement propice en milieu carcéral.

Le cas des SPIP est symptomatique d’une tendance : il ne suffit pas d’instituer de nouveaux mécanismes juridiques, il faut aussi donner les moyens aux juridictions et aux administrations d’agir efficacement.

Quant aux centres éducatifs fermés, ils occupent depuis deux ans une part essentielle de l’activité du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », cher à notre ancienne collègue Josiane Costes. Comme l’a très justement souligné Maryse Carrère, rapporteure pour avis de la commission des lois, le financement de ces centres, bien qu’essentiel, ne doit pas obérer le développement des autres types d’accueil et du secteur ouvert.

Vous l’aurez compris, monsieur le garde des sceaux, les promesses de chiffres, certes encourageants, appellent désormais une mise en œuvre rapide et efficace pour la société. Sous ces réserves, le groupe du RDSE votera ces crédits.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la justice consiste à organiser la vie en société : cette institution doit protéger les plus faibles et sanctionner ceux qui ne respectent pas le contrat social.

La fonction de la sanction me semble essentielle. Elle permet d’intimider, de freiner les intentions néfastes, d’écouter les victimes et de donner une peine en adéquation avec la faute commise. Or la part du budget prévue pour organiser cette sanction pose problème.

Souvent décriée, la prison reste la solution préconisée dans de nombreux cas. Même si les magistrats souhaitent trouver d’autres alternatives, elle reste pour l’instant incontournable, faute de mieux.

J’aimerais m’attarder sur les multiples difficultés rencontrées par notre institution pénitentiaire et les agents qui la composent, aggravées encore depuis la crise sanitaire.

La surpopulation carcérale atteint des sommets. Si le principe de l’encellulement individuel avait été proclamé dès 1875, puis réaffirmé en 2009, il n’a dans les faits jamais été appliqué.

Le taux d’occupation des établissements pénitentiaires s’élevait à 116 %, au 1er janvier 2020, d’après la section française de l’Observatoire international des prisons. Cela signifie que la France compte plus de 70 000 prisonniers pour 61 000 places. Or cette surpopulation se concentre principalement dans les maisons d’arrêt destinées à accueillir les individus condamnés à de courtes peines de prison ou se trouvant encore en attente de leur jugement.

Dans ces établissements, qui représentent environ les deux tiers de la population carcérale, le taux d’occupation moyen grimpe jusqu’à 138 %. Deux à trois individus sont donc contraints de partager la même cellule et dorment, très souvent, sur des matelas installés par terre.

De telles conditions de détention rendent la surveillance des détenus plus ardue, voire inapplicable dans certains cas. Elles favorisent l’émergence de mutineries, permettent la prolifération de certaines maladies contagieuses et facilitent la constitution de réseaux criminels au sein même des établissements pénitentiaires.

Nous avions reçu les syndicats représentant les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, à l’occasion des travaux de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure. Tous nous ont fait part de leur détresse face à leur incapacité à mener les missions qu’ils jugeaient nécessaires pour rétablir l’ordre dans les prisons et en assurer une gestion saine, tant pour eux que pour les individus incarcérés.

Face à ce constat, le Gouvernement a annoncé la construction de 15 000 nouvelles places de prison pour lutter contre le fléau de la surpopulation carcérale et répondre à la vétusté des bâtiments. Ne nous voilons pas la face : une telle mesure ne sera efficace, sous réserve que les places promises soient bel et bien construites, que dans quinze ans, soit le temps que les infrastructures sortent de terre. Or le besoin de lutter contre la surpopulation dans les prisons est immédiat. Plus nous retarderons l’échéance, plus la situation sera dégradée, alors qu’elle est déjà au bord de l’implosion.

Le Gouvernement, qui semble avoir pris la mesure de l’urgence, a décidé de privilégier les peines alternatives à l’enfermement. Dont acte ! Il faut désormais que l’exécutif se donne les moyens de ses ambitions.

Adjointe à la sécurité de Tourcoing, avant mon élection au Sénat, j’avais mis en place des chantiers de travaux d’intérêt général, en relation avec les juges de l’application des peines du tribunal judiciaire de Lille. J’étais particulièrement satisfaite de proposer la remise en peinture de préaux d’écoles ou de salles de sport à des jeunes qui n’avaient jamais eu l’occasion jusqu’alors de montrer leur savoir-faire, même limité.

Ces chantiers coûtent cher aux municipalités, car il faut prévoir du personnel d’encadrement. Il faut aussi convaincre les partenaires, très frileux à l’idée de recevoir des délinquants dans leurs structures. Monsieur le garde des sceaux, que prévoyez-vous pour développer ces prises en charge très difficiles à dénombrer ?

Parmi les peines alternatives à l’enfermement, l’usage des bracelets électroniques peut-être envisagé pour surveiller les personnes condamnées hors des murs d’enceinte. Au-delà des stocks, a-t-on la certitude que les détenus libérés et placés sous le régime des bracelets électroniques seront bel et bien suivis par les services qui en ont la charge ? Ces services en ont-ils les moyens humains et matériels ? Encore une fois, rien n’est moins sûr…

Nos concitoyens sont inquiets en voyant le profil de certains détenus qui sortent de prison. Les services de renseignement ne seront-ils pas débordés compte tenu du nombre de ceux qui nécessiteront une surveillance accrue lorsqu’ils auront été relâchés dans la nature, notamment les détenus radicalisés ?

En ce qui concerne la sécurité, une autre question me paraît essentielle : a-t-on les moyens d’assurer aux victimes de violences conjugales, par exemple, que les obligations de soins seront bel et bien suivies par ceux qu’elles concernent ? Qu’en est-il d’ailleurs des détenus dont on sait pertinemment que leur place se trouve davantage en hôpital psychiatrique qu’en prison ?

Notre administration pénitentiaire est en fin de chaîne pénale, mais elle est essentielle pour assurer une réelle sanction et pour organiser la réinsertion des condamnés. Nous en attendons tous beaucoup.

Monsieur le garde des sceaux, nous savons que vous êtes particulièrement sensible à toutes ces questions. Nous voterons en faveur des crédits de la mission, car nous voulons que la situation change, et nous serons à vos côtés pour cela. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le budget de mon ministère pour l’année 2021. Je tiens tout d’abord à vous remercier pour la qualité des travaux et les échanges constructifs que nous avons eus lors de mon audition devant la commission des lois, le 17 novembre dernier.

Comme vous l’avez noté, ce budget permet à la fois le rattrapage de la loi de programmation pour la justice et le financement des priorités que j’ai affirmées au moment de ma prise de fonction, au premier rang desquelles la justice de proximité. C’est la première fois, en plus d’un quart de siècle, que le budget de la justice augmente autant, à hauteur de 8 % hors compte d’affectation spéciale. Cette hausse inédite depuis vingt-cinq ans me permet de qualifier ce budget d’« historique », même si je sais que certains le contestent.

Avec 607 millions d’euros supplémentaires, c’est-à-dire plus du double de l’augmentation votée en 2019 pour l’année en cours, ce budget est exceptionnel par son ampleur, puisqu’il atteint 8,2 milliards d’euros de crédits. Il est également exceptionnel par le renforcement inégalé des moyens humains de l’ensemble des métiers de justice. En effet, 2 450 emplois nets font ou feront l’objet d’un recrutement en quinze mois.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial Lefèvre, 1 500 recrutements nets seront opérés au cours de l’année 2021, soit 240 de plus que ce qui était prévu en loi de programmation pour la justice, pour 2021. Il faut ajouter à cela les 950 emplois supplémentaires que j’ai obtenus en 2020 et qui ont pour la plupart déjà fait l’objet d’un recrutement. Ils viennent renforcer sans attendre les tribunaux, les établissements pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission des lois, il ne s’agit pas de privilégier le contrat par rapport au statut, mais d’opter pour une réponse rapide – les « sucres rapides » – compte tenu de l’urgence qu’il y a à apporter un soutien immédiat au service public de la justice. Ces recrutements par contrat sont plus souples et plus rapides à mettre en place. Ainsi, pour renforcer les greffes, ils ne prévoient pas l’obligation du temps de formation de dix-huit mois à l’École nationale des greffes. Ils sont donc particulièrement bienvenus, car ils permettent de renforcer dès à présent les juridictions.

À vous lire et à vous écouter, je sens pourtant poindre encore parfois quelques doutes sur ce renfort en moyens humains.

Madame le rapporteur pour avis Canayer, madame la sénatrice Benbassa, je vous le confirme, tous les métiers de la justice bénéficieront de ce plan de recrutement.

Dans le détail, ce sont 1 100 emplois nets pour les tribunaux : 50 magistrats, 130 directeurs de greffe, 596 greffiers et renforts de greffe, qui viendront soulager sans attendre les juridictions en pourvoyant une partie des 700 vacances de postes de greffiers. Ce sont aussi 1 200 renforts pour l’administration pénitentiaire, dont 719 créations d’emplois de surveillants qui permettront de poursuivre la réduction du niveau de vacance des postes de surveillants, 335 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, 126 personnels supplémentaires pour la protection judiciaire de la jeunesse, dont 107 éducateurs.

Ce plan de recrutement est au cœur de la justice de proximité que j’appelle de mes vœux, une justice proche, humaine, qui a le souci des plus faibles ; une justice qui garantit le respect du droit dans la vie quotidienne, car elle sera plus rapide et de qualité ; une justice accessible pour tous les justiciables ; une justice de proximité non seulement pénale, mais également civile. Tels sont les objectifs profonds de la justice de proximité. Pour la mettre en œuvre, le projet de budget nous permet de disposer de moyens inédits, soit 200 millions d’euros, auxquels s’ajoute le fléchage de 1 100 emplois sur les 2 450 que je viens de vous présenter.

Très concrètement, nous consacrerons 13 millions d’euros pour favoriser le recours à des magistrats honoraires et des magistrats à titre temporaire ; 28 millions d’euros pour la mobilisation accrue des délégués du procureur ; 20 millions d’euros pour la création de nouvelles unités médico-légales d’assistance de proximité aux victimes ; 79 millions d’euros d’augmentation des autres frais de justice pour renforcer les moyens d’investigation et donc l’efficacité de la justice. Nous attribuerons aussi 20 millions d’euros au milieu associatif de la protection judiciaire de la jeunesse, pour renforcer la prise en charge rapide des délits du quotidien. Enfin, madame la sénatrice Boyer, nous prévoyons 10 millions d’euros pour le développement des bracelets électroniques et anti-rapprochement, le développement des travaux d’intérêt général et du travail non rémunéré, et pour le fonctionnement courant.

Ces crédits et renforts supplémentaires sont particulièrement bienvenus dans le contexte actuel. Ce sont des moyens en plus pour le renseignement pénitentiaire, pour la réalisation de places dédiées aux détenus radicalisés, pour le recrutement et la formation d’agents spécialisés.

Ce budget permet donc de répondre aux inquiétudes ou aux alertes exprimées par M. le rapporteur pour avis Marc, ou encore M. le sénateur Sueur. En effet, la lutte contre la radicalisation est également au cœur de mon action.

Au sein de l’administration pénitentiaire, plus de 43 millions d’euros seront mobilisés à cette fin. En 2021, 495 places seront dédiées aux détenus radicalisés dans les quartiers d’évaluation de la radicalisation, les quartiers de prise en charge de la radicalisation ou encore dans les quartiers d’isolement.

Par ailleurs, 63 millions d’euros, soit une hausse des moyens de 10 %, seront consacrés à l’amélioration de la sécurité pénitentiaire pour accompagner le renforcement de la vidéosurveillance, lutter contre les drones malveillants ou encore déployer des systèmes de brouillage des communications.

La surpopulation carcérale est une préoccupation majeure. Elle pose des défis en termes de dignité pour les détenus, de capacité à la réinsertion et de sécurité au sein des établissements pénitentiaires. L’enjeu reste important, car le nombre de détenus poursuit sa progression depuis la fin du confinement : il s’établissait, au 26 novembre dernier, à 62 897 détenus.

Pour faire face à cette situation, mon action au sein du Gouvernement est double : développer les aménagements de peine via les travaux d’intérêt général ou le développement de la surveillance électronique, d’une part, et poursuivre le programme de construction de 15 000 places de prison, d’autre part. Nous y consacrerons 556 millions d’euros en 2021, soit une hausse de 42 % des crédits.

Mes services travaillent avec obstination pour trouver le foncier nécessaire au lancement des 8 000 futures places d’ici la fin du quinquennat, mais, pour ce programme, j’ai besoin du soutien de tous les élus, et de vous particulièrement, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, pour convaincre les élus qui ont parfois quelques réticences à vouloir construire des établissements pénitentiaires sur leur territoire.

Madame la rapporteure pour avis Vérien, monsieur le sénateur Bonnecarrère, vous avez appelé mon attention sur la rénovation numérique : c’est un enjeu de modernisation tout à fait essentiel, qui est pris en compte dans le cadre du plan de transformation numérique. Sa mise en œuvre se poursuit et s’accélérera dans le cadre du plan de relance.

Pour réussir cette transformation, il faut tout d’abord des crédits. Au programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », nous proposons 235 millions d’euros de crédits en fonctionnement et en investissement, soit 30 millions d’euros de plus et une hausse de 13 % en un an. Ensuite, il faut des hommes. Sur ce même programme, nous proposons la création de cinquante emplois supplémentaires. Enfin, il faut une bonne organisation et un bon management pour travailler en mode projet. Les services du ministère s’y emploient.

À titre d’illustration, je peux vous citer trois grandes réalisations en 2021 : le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ), le portail des agents et des détenus pour lequel une expérimentation est prévue à partir de mars 2021 en vue d’une généralisation dès la fin de l’année et, enfin, le portail des juridictions, qui remplacera progressivement les huit systèmes d’information du domaine civil utilisés dans les tribunaux judiciaires pour une procédure civile enfin dématérialisée.

Le projet de budget prévoit également la réforme de l’aide juridictionnelle. J’ai écouté les interventions et pris connaissance des amendements de M. le rapporteur spécial Lefèvre, de Mmes les rapporteures pour avis Canayer et Carrère, ainsi que ceux des sénateurs Benbassa et Mohamed Soilihi. Cet intérêt fait clairement écho à l’attente forte des justiciables, des avocats et de l’ensemble des métiers du droit en la matière.

C’est la raison pour laquelle, le Gouvernement a mis en œuvre sans attendre le fruit du travail de deux rapports, celui des députés Moutchou et Gosselin, puis celui de Dominique Perben, après concertation dans le cadre du Conseil national de l’aide juridique. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner devant la commission des lois du Sénat, c’est bien pour laisser du temps à la concertation en septembre et en octobre que nous avons été contraints d’introduire cette réforme par amendement au projet de loi de finances.

Au total, ce sont donc 50 millions d’euros qui sont d’ores et déjà mis sur la table dès le 1er janvier 2021 avec deux objectifs complémentaires : d’un côté, la hausse substantielle de la rémunération de l’heure travaillée par chaque avocat au titre de l’aide juridictionnelle et ce, je le redis, dès le 1er janvier 2021, soit une hausse de 2 euros de l’unité de valeur ; de l’autre, une révision du barème, notamment pour mieux rémunérer les médiations ou l’assistance éducative.

Il faut également pouvoir utiliser cet effort budgétaire comme moyen de levier pour développer les modes alternatifs de règlement des différends.

Il s’agit bien d’une première marche de 50 millions d’euros. C’est un réel gage de crédibilité donné à la profession pour enclencher le nécessaire travail de fond sur l’avenir du métier d’avocat.

Avec 50 millions d’euros supplémentaires, soit une augmentation de 7 % en crédits de paiement, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) n’est pas oubliée, notamment dans la perspective de l’entrée en vigueur le 31 mars prochain du code de justice pénale des mineurs, sur lequel l’Assemblée nationale a justement commencé à débattre ces jours derniers.

Nous mettons les moyens pour permettre la mise en œuvre de cette réforme : 72 magistrats, 100 greffiers spécialement dédiés sont mobilisés avec, en outre, la création de 252 emplois nouveaux à la protection judiciaire de la jeunesse entre 2018 et 2022.

Plus globalement, les crédits supplémentaires alloués à la PJJ permettront de développer les alternatives aux poursuites dans le secteur associatif habilité et apporter une réponse plus rapide et plus efficace à tous les actes de délinquance.

Ils permettront également, madame la rapporteure pour avis Carrère, de poursuivre la politique de construction de vingt centres éducatifs fermés.

Enfin, pour les personnels du ministère, j’ai décidé de mettre en œuvre une politique de ressources humaines ambitieuse.

Nous devons améliorer le fonctionnement de notre justice, en général. C’est le sens de ce projet de budget, qui s’en donne les moyens pour la première fois en plus d’un quart de siècle. Tous les maillons de la chaîne judiciaire seront renforcés avec le même objectif : mieux accueillir le justiciable, juger plus vite et mieux faire exécuter les décisions de justice, en particulier les peines. C’est ce que les Français attendent de leur justice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Justice
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Vote sur les crédits de la mission

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Justice

12 074 115 411

10 058 186 288

Justice judiciaire

3 798 322 431

3 720 779 907

Dont titre 2

2 451 671 771

2 451 671 771

Administration pénitentiaire

6 267 084 585

4 267 605 779

Dont titre 2

2 750 457 641

2 750 457 641

Protection judiciaire de la jeunesse

955 776 747

944 542 870

Dont titre 2

554 611 772

554 611 772

Accès au droit et à la justice

585 174 477

585 174 477

Conduite et pilotage de la politique de la justice

463 329 179

534 816 263

Dont titre 2

188 234 850

188 234 850

Conseil supérieur de la magistrature

4 427 992

5 266 992

Dont titre 2

3 142 215

3 142 215

M. le président. Mes chers collègues, les amendements que nous nous apprêtons à examiner portent sur des sujets très variés. Je précise qu’ils sont en discussion commune, parce qu’ils tendent tous à prélever des crédits sur l’action n° 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », et que, s’ils étaient tous adoptés, le cumul des crédits ponctionnés excéderait largement le budget du programme.

Je suis donc saisi de seize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° II-975 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

L’amendement n° II-1021 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano et Bilhac, Mme N. Delattre, MM. Corbisez et Gold, Mme Guillotin et MM. Requier, Roux et Cabanel.

L’amendement n° II-1383 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Bourgi, Durain et Kerrouche, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

53 000 000

53 000 000

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

53 000 000

53 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

53 000 000

53 000 000

53 000 000

53 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° II-975.

Mme Esther Benbassa. La crise sanitaire a d’ores et déjà lourdement affecté les couches populaires de notre pays. Ce sont hélas ! les derniers de cordée qui pâtiront le plus du chômage de masse, ainsi que de la paupérisation. En effet, selon l’Insee, plus d’un million de personnes supplémentaires vivant en France seraient passées sous le seuil de pauvreté à cause de l’épidémie.

Face à l’accroissement des inégalités, le recours à l’aide juridictionnelle se fait chaque année plus massif. Malheureusement, les crédits qui lui sont alloués souffrent d’un sous-financement chronique. Ce phénomène a d’ailleurs été dénoncé par le rapport Perben de 2020, qui a dévoilé que, en moyenne, le montant accordé à l’aide juridictionnelle est de 6,5 euros par personne en Europe lorsque nous n’investissons que 5,06 euros par habitant.

Cette situation est inacceptable : la justice n’est pas un luxe et devrait être accessible à chacun de nos concitoyens, pas seulement à ceux qui ont les moyens de payer leurs frais judiciaires.

Nous notons que le Gouvernement semble avoir compris la nécessité d’agir en la matière. En atteste l’augmentation de 49,7 millions d’euros dont a pu bénéficier l’aide juridictionnelle dans ce projet de loi de finances pour 2021.

Cet effort est cependant jugé insuffisant par le Conseil national des barreaux, qui estime qu’une rallonge de 53 millions d’euros est nécessaire, afin que la France puisse atteindre des standards similaires à ceux de ses partenaires européens.

Tel est l’objet du présent amendement, qui vise à augmenter de 10 %, soit de 53 millions d’euros, les moyens de l’action n° 01, Aide juridictionnelle, du programme 101, « Accès au droit et à la justice ».

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° II-1021 rectifié.

Mme Maryse Carrère. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet pour présenter l’amendement n° II-1383.

Mme Isabelle Briquet. L’aide juridictionnelle est un instrument vraiment essentiel pour garantir l’égalité de tous devant la justice.

Bien que le seuil de ressources pour en bénéficier soit extrêmement bas, nous le savons, le nombre de bénéficiaires ne cesse d’augmenter sans que, dans le même temps, l’indemnisation des avocats ait été revalorisée.

Le rapport Perben, remis au Gouvernement en août dernier, a d’ailleurs dénoncé un dispositif d’aide juridictionnelle souffrant d’un sous-financement chronique. Or, dans le contexte de crise sanitaire, sociale et économique que nous connaissons et d’une hausse très importante de la précarité, il est indispensable que chacun puisse avoir accès à la justice et défendre ses droits.

Cet amendement vise donc également à augmenter de 10 % les crédits consacrés à l’aide juridictionnelle, comme l’a suggéré le Conseil national des barreaux.

M. le président. L’amendement n° II-1378, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

50 000 000

50 000 000

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

50 000 000

50 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le garde des sceaux, vous avez à juste titre fait valoir que votre budget connaissait une hausse significative. C’est bien naturel et justifié, mais, concernant les créations de postes, nous restons au-dessous du niveau nécessaire.

Vous avez vous-même indiqué vouloir renforcer la justice de proximité mais, ce que vous n’avez pas précisé dans votre propos, c’est que vous parliez d’une justice pénale de proximité. Or la justice du quotidien n’est pas la justice pénale, mais la justice civile, la justice sociale. En fait, il n’y a pas suffisamment de postes et pas non plus suffisamment de postes de greffiers dans ce domaine.

Vous avez déclaré que vous vouliez doter les greffes et l’ensemble du système judiciaire de « sucres rapides ». Mais, pour avoir rencontré les syndicats des greffiers au tribunal de Paris lors d’un déplacement de la commission des lois, je crains que nous ne nous trouvions rapidement devant une difficulté et devant un mouvement social d’ampleur, car, aujourd’hui, les greffiers voient arriver des assistants et des renforts, dont ils disent qu’ils n’ont pas eu la même formation, mais qu’ils seraient mieux payés qu’eux. Ils considèrent que la situation est extrêmement difficile à supporter.

Évidemment, c’est un peu la quadrature du cercle : comment faire pour que la justice soit mieux et plus rapidement rendue et que, dans le même temps, des postes soient créés, alors même que – nous le savons – l’école nationale des greffes nécessite de longs mois d’apprentissage.

Cet amendement a pour objet de vous permettre de créer davantage de postes de magistrats et de greffiers titulaires et, ainsi, d’améliorer la justice de proximité, notamment la justice civile de proximité.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-205 rectifié bis est présenté par MM. Sol, Bas, H. Leroy, Klinger, Gremillet et Charon, Mme Bonfanti-Dossat, M. Burgoa, Mmes Berthet, Gruny et Eustache-Brinio, MM. Laménie, Savary et Houpert, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Vogel, Pellevat et Bascher, Mmes Joseph, Lassarade et V. Boyer, M. Brisson, Mme Malet, MM. Piednoir et Genet, Mme M. Mercier et MM. B. Fournier, Bonne, Bonhomme, Mandelli, Calvet et Belin.

L’amendement n° II-473 rectifié bis est présenté par MM. Chasseing et Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Decool, A. Marc, Wattebled et Capus, Mmes Guillotin et Billon et MM. Bouchet, Moga, Chatillon, Paccaud et Longeot.

L’amendement n° II-1020 rectifié bis est présenté par MM. Roux, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Gold, Requier et Cabanel.

L’amendement n° II-1382 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

48 400 000

48 400 000

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

48 400 000

48 400 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

48 400 000

48 400 000

48 400 000

48 400 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° II-205 rectifié bis.

M. François Bonhomme. Cet amendement, que je présente au nom de notre collègue Jean Sol, vise à réévaluer la tarification des enquêtes sociales rapides (ESR) qui, je le rappelle, sont définies par le code de procédure pénale comme des investigations visant à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d’une personne, et à informer le magistrat des mesures propres à favoriser ou à maintenir son insertion sociale.

En raison de l’augmentation du nombre d’enquêtes qui, selon certaines estimations de la direction des affaires criminelles et des grâces, devrait passer de 80 000 en 2019 à 300 000 en 2021, d’un changement de nature de ces enquêtes, qui implique de nouvelles investigations ou explications, ainsi que d’une tarification qui pourrait être relevée à 180 euros, le présent amendement vise à abonder de 48,4 millions d’euros les crédits de l’action n° 02, Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales, du programme 166, « Justice judiciaire ».

Cette hausse serait compensée par une diminution des crédits de l’action n° 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », au regard des règles de dépôt des amendements en loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour présenter l’amendement n° II-473 rectifié bis.

M. Alain Marc. Le présent amendement vise à réévaluer la tarification des enquêtes sociales rapides, également appelées enquêtes de personnalité présentencielles. Les ESR sont définies par le code de procédure pénale comme des investigations visant à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d’une personne et à informer le magistrat des mesures propres à favoriser ou à maintenir son insertion sociale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-1020 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° II-1382.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre amendement a pour objet de réévaluer la tarification des enquêtes sociales rapides, également appelées enquêtes de personnalité présentencielles, qui sont définies par le code de procédure pénale comme des investigations visant à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d’une personne et à informer le magistrat des mesures propres à favoriser ou à maintenir son insertion sociale.

Je rappelle que le tarif de ces enquêtes a été fixé à 70 euros par enquête en 2004. Or ce coût avait été sous-estimé. L’Insee a indiqué que, entre 2004 et 2019, l’inflation avait de plus de 21 % : il serait donc incompréhensible de ne pas augmenter ce tarif. Les associations ne le comprendraient pas, et ce d’autant plus, monsieur le ministre, que la direction des affaires criminelles et des grâces a estimé que le nombre d’enquêtes de ce type devrait passer de 80 000 en 2019 à 300 000 en 2021.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-312 rectifié bis est présenté par Mme Billon, M. Levi, Mmes Vermeillet, Loisier, Vérien et de La Provôté, MM. Laugier et Delcros, Mme Sollogoub, MM. Janssens, Le Nay, Détraigne, P. Martin et Canevet, Mme Morin-Desailly, M. Kern, Mmes Doineau et Gatel, M. Longeot, Mmes Saint-Pé et C. Fournier et MM. L. Hervé et Duffourg.

L’amendement n° II-430 rectifié ter est présenté par Mme Guidez, M. Guiol, Mme Di Folco, MM. Rapin et Bonhomme, Mme Paoli-Gagin, MM. Meurant, Moga, Vanlerenberghe, B. Fournier, Pellevat, Chauvet, Chasseing et Laménie, Mme Garriaud-Maylam, MM. A. Marc, Henno, Decool, S. Demilly et Chatillon, Mmes Dindar et F. Gerbaud, M. Guerriau, Mme Thomas, MM. Gremillet, Paccaud et Karoutchi et Mme V. Boyer.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

20 526 369

20 526 369

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

20 526 369

20 526 369

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

20 526 369

20 526 369

20 526 369

20 526 369

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° II-312 rectifié bis.

Mme Dominique Vérien. Dans son rapport du 7 juillet 2020 intitulé Violences envers les femmes et les enfants : un confinement sans fin, la délégation aux droits des femmes du Sénat pointait les dysfonctionnements de la chaîne pénale.

Parmi les solutions envisagées pour les pallier, les rapporteurs plaidaient pour la mise en place de permanences des juges aux affaires familiales le week-end, comme c’est le cas pour les procureurs, d’autant que la récente loi visant à agir contre les violences faites aux femmes prévoit désormais un délai maximum de six jours pour délivrer une ordonnance de protection.

De telles propositions, pour être mises en application, nécessitent cependant une hausse préalable des effectifs des juges aux affaires familiales, ce que vise cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° II-430 rectifié ter.

M. François Bonhomme. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° II-977, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

16 400 000

16 400 000

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

16 400 000

16 400 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

16 400 000

16 400 000

16 400 000

16 400 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. De nombreuses carences ont été mises en lumière au sein de notre appareil judiciaire dans le contexte de la crise sanitaire liée à la covid-19. Les manques sont multiples : financier, matériel, en termes d’infrastructures et de personnels, etc.

Cette situation dramatique entraîne non seulement une moindre capacité d’action de nos tribunaux judiciaires, mais surtout un service de qualité toujours déclinante, tant pour les usagers que pour les professionnels du droit.

Alors que la grande majorité du contentieux civil a été mise à l’arrêt entre mars et juin, il est à craindre que l’engorgement massif des tribunaux ne soit de mise en 2021, et ce d’autant plus qu’un ralentissement du traitement des affaires judiciaires se produira immanquablement à la suite de ce deuxième confinement.

En l’état, et sans un concours supplémentaire des pouvoirs publics, nos tribunaux judiciaires n’ont tout simplement pas les moyens financiers de fonctionner efficacement.

Or il est de notre devoir de garantir une justice de proximité de qualité à chacun de nos concitoyens. Pour ce faire et afin de remédier à cette situation inédite, nous proposons que les 164 tribunaux judiciaires que compte le territoire national puissent bénéficier d’une dotation exceptionnelle de 100 000 euros. Le montant d’une telle mesure équivaudrait à 16,4 millions d’euros au total, ce qui est – vous en conviendrez, mes chers collègues – peu cher payé, lorsqu’il s’agit d’assurer l’effectivité d’une justice du quotidien pour tous les Français.

M. le président. L’amendement n° II-976, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. On ne peut pas nier que ce projet de loi de finances pour 2021 marque une augmentation des crédits accordés au programme 182, « Protection judiciaire de la jeunesse ».

Malheureusement, dans le cadre de ce budget, il n’est prévu de créer que 40 nouveaux emplois pour l’encadrement et l’accompagnement des jeunes délinquants. Il va sans dire que cet effort est bien insuffisant dans la mesure où, dans le même temps, vous prévoyez l’ouverture de 105 nouveaux centres éducatifs fermés.

Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne sont, par principe, pas favorables à l’enfermement des mineurs délinquants, qui doivent être éduqués, réhabilités plutôt que punis et réprimés. Ainsi proposons-nous que 10 millions d’euros soient alloués à la création d’une centaine de postes visant à accompagner, à encadrer et à réhabiliter les jeunes placés au sein des lieux de privation de liberté pour mineurs délinquants.

M. le président. L’amendement n° II-1379, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pendant toute la durée du premier confinement, la justice a été en panne, parce que les tribunaux, sauf pour certaines audiences, étaient évidemment fermés, mais aussi parce que les greffiers ne sont pas équipés pour télétravailler. Or les greffiers – j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même lors des premiers débats sur ce sujet – sont des personnels indispensables pour que les jugements soient rendus et soient ensuite exécutés.

Ils ne sont pas bien équipés, parce que l’informatique date de Mathusalem, si je puis dire – notre collègue Dominique Vérien l’a évoqué avec un certain humour –, et parce que les applicatifs de travail ne fonctionnent pas ou ne leur sont pas accessibles.

Les efforts budgétaires existent, mais nous voulons vous aider, monsieur le garde des sceaux, à améliorer les équipements mis à la disposition des personnels de justice. Les magistrats sont en voie d’être dotés correctement, puisque certains ont des ultraportables.

Les choses progressent, mais pas pour les greffiers. C’est pourquoi nous proposons une hausse des crédits vous permettant de faire face à cette nécessité absolue si nous voulons que la justice fonctionne bien et d’assurer une bonne reconnaissance des droits des justiciables.

M. le président. L’amendement n° II-795 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Joseph, MM. Boré, Le Rudulier et Karoutchi, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Savin, Mme Gruny, MM. Pellevat, Panunzi, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

2 700 000

2 700 000

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

2 700 000

2 700 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

2 700 000

2 700 000

2 700 000

2 700 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Pour mémoire, la loi du 28 décembre 2019, qui vise à agir contre les violences au sein de la famille, a acté la généralisation du bracelet anti-rapprochement, le BAR.

Ce bracelet constitue un outil de protection des victimes de violences conjugales, qui a fait ses preuves dans plusieurs pays européens. D’ailleurs, nous nous sommes calqués sur le dispositif espagnol, sachant que l’Espagne a consacré 6 millions d’euros par an à la mise en place de ce dispositif.

Tout à l’heure, certains chiffres ont été annoncés. Je rappelle simplement que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, c’est-à-dire l’année dernière, le Gouvernement s’était engagé à ce que les crédits dédiés aux bracelets électroniques atteignent 5 millions d’euros dès leur déploiement en année pleine.

La lutte contre les violences conjugales ne peut pas relever d’un simple affichage politique. Je crois que nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle sur ce point, et nous devons cesser de voter des mesures qui seront inapplicables demain, faute de moyens.

Le présent projet de loi de finances prévoit de consacrer 4,7 millions d’euros au financement du bracelet anti-rapprochement : ce montant est très éloigné des 6 millions d’euros nécessaires et promis par l’ancienne garde des sceaux.

Vous allez me répondre, monsieur le ministre, qu’une contribution de 2,7 millions d’euros du fonds pour la transformation de l’action publique est prévue, mais je crois profondément que cette hausse des crédits doit figurer dans la loi dès aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle je propose d’abonder dès maintenant de 7 millions d’euros les crédits consacrés au BAR. Cette augmentation serait gagée par une diminution des crédits de l’action n° 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », ce qui permettrait de favoriser le recours effectif à ces bracelets anti-rapprochement.

M. le président. L’amendement n° II-793 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré, Le Rudulier et Karoutchi, Mmes Lassarade, Belrhiti et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet, Daubresse et Savin, Mme Gruny, MM. Pellevat, Panunzi, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

2 000 000

2 000 000

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

2 000 000

2 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à renforcer les moyens des fouilles dans les prisons.

Le projet de loi de finances pour 2021 consacre 62,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 63,7 millions d’euros en crédits de paiement à la sécurisation des établissements pénitentiaires.

Je rappelle que, en 2018, un rapport de la mission d’information relative au régime juridique des fouilles en détention a montré que la problématique des fouilles posait la question plus générale de la sécurité en détention et des moyens dont disposent les chefs d’établissement et les surveillants pour lutter contre l’entrée d’objets dangereux et illicites.

La mission d’information proposait notamment de renforcer les moyens de contrôle des détenus en développant un contrôle renforcé via l’aide d’unités cynotechniques.

Si une amélioration de la sécurisation des établissements est mentionnée dans le bleu budgétaire, il n’y a cependant aucune trace de montants permettant d’en savoir davantage sur le budget attribué au développement des unités cynotechniques et sur l’augmentation des crédits consacrés à cette politique par rapport au précédent projet de loi de finances.

C’est pourquoi nous proposons d’augmenter les crédits alloués à la sécurisation des établissements pénitentiaires, notamment par le biais du développement de ces unités cynotechniques. L’amendement tend à augmenter de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement les crédits de l’action n° 01, Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice, du programme 107, « Administration pénitentiaire », et à réduire concomitamment de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement les crédits de l’action n° 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

M. le président. L’amendement n° II-920 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Le budget de l’aide juridictionnelle ayant augmenté grâce à une réévaluation de l’unité de valeur, j’estime que les amendements identiques nos II-975, II-1021 rectifié et II-1383 sont satisfaits. Je demande par conséquent à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.

L’amendement n° II-1378 vise à augmenter de 50 millions d’euros les crédits destinés à la justice judiciaire, afin de renforcer les effectifs de magistrats et de greffiers.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit déjà la création de 1 500 emplois, soit 240 emplois au-delà de ce que prévoyait la loi de programmation pour la justice, dont 150 emplois pour renforcer l’équipe autour du magistrat. En outre, 50 postes de magistrats sont créés en 2021.

Par ailleurs, le quatrième projet de loi de finances rectificative devrait aboutir au recrutement de 950 emplois supplémentaires dès 2020 pour renforcer les équipes de proximité, dont 764 juristes assistants et contractuels auprès des greffes.

Une hausse des effectifs est certes nécessaire, mais l’effort consenti pour 2021 me semble suffisant et une nouvelle augmentation des crédits ne me semble pas nécessaire pour le moment.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements identiques nos II-205 rectifié bis, II-473 rectifié bis, II-1020 rectifié bis et II-1382, qui concernent les ESR, sont satisfaits par l’augmentation des crédits consacrés aux frais de justice.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.

Les amendements identiques nos II-312 rectifié bis et II-430 rectifié ter ont pour objet de rehausser les effectifs des juges aux affaires familiales, notamment pour répondre aux violences faites aux femmes.

Or, je le répète, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit la création de 1 500 emplois, soit 240 emplois au-delà de ce que prévoyait la loi de programmation pour la justice, dont 150 postes pour renforcer l’équipe autour du magistrat. Le quatrième projet de loi de finances rectificative, adopté par le Sénat le 24 novembre dernier, devrait permettre le recrutement de 950 emplois supplémentaires pour consolider les équipes de proximité dès 2020.

Dans ce contexte, des crédits supplémentaires ne me paraissent pas nécessaires. Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, faute de quoi j’y serai défavorable.

L’amendement n° II-977 tend à augmenter de 16,4 millions d’euros les crédits alloués aux tribunaux judiciaires, soit 100 000 euros supplémentaires par tribunal judiciaire afin, notamment, de remédier à la carence en matériels.

Les crédits de paiement du programme 166, « Justice judiciaire », s’élèvent à 3,7 milliards d’euros pour 2021, soit une augmentation de 208 millions d’euros par rapport à 2020. Les moyens de fonctionnement augmenteraient ainsi de 10 millions d’euros, afin d’adapter les modes d’organisation judiciaires aux enjeux numériques, tels que la téléconférence et les outils informatiques, et d’accompagner l’augmentation des effectifs.

La hausse de crédits que vous proposez, madame Benbassa, ne me semble donc pas nécessaire pour le moment. Je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission est également défavorable à l’amendement n° II-976.

En effet, 40 emplois seront créés pour la protection judiciaire de la jeunesse en 2021 : 19 emplois pour les centres éducatifs fermés, 84 emplois pour le renforcement du milieu ouvert, et 20 emplois pour que la PJJ puisse participer aux cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) en lien avec les départements, contre une économie de 83 emplois liée à la restructuration des dispositifs de prise en charge.

Ainsi, ce sont 84 emplois qui sont d’ores et déjà prévus au titre de la prise en charge éducative en milieu ouvert. Ce volontarisme affiché en termes de recrutement est toutefois confronté à l’enjeu de l’attractivité des métiers. L’amendement n° II-976 vise à créer 100 emplois supplémentaires, mais encore faudrait-il qu’ils soient pourvus, la PJJ nous ayant indiqué que le nombre d’inscrits aux concours était en baisse.

L’amendement n° II-1379 vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits alloués à la justice judiciaire afin, notamment, de remédier à la carence en matériels.

Les crédits de paiement du programme 166, « Justice judiciaire », s’élèvent à 3,7 milliards d’euros pour 2021, soit une augmentation de 208 millions d’euros par rapport à 2020. Les moyens de fonctionnement augmenteraient ainsi de 10 millions d’euros, afin d’adapter les modes d’organisation judiciaires aux enjeux numériques.

La hausse de crédits que vous proposez, madame de La Gontrie, ne me semble pas nécessaire pour le moment. Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut j’y serai défavorable.

L’amendement n° II-795 rectifié a pour objet d’augmenter de 2,7 millions d’euros les crédits alloués aux bracelets anti-rapprochement. La mise en place du BAR permettra de déterminer en temps réel la position du porteur du bracelet par rapport à celle de la personne protégée, grâce aux dispositifs de géolocalisation remis à chacun. Une projection de 1 000 BAR est prévue à l’issue de la première année de fonctionnement.

La dotation prévue pour assurer le financement de la mesure s’élève à 4,7 millions d’euros en 2021. Elle sera complétée par une contribution du fonds pour la transformation de l’action publique à hauteur de 2,7 millions d’euros. L’augmentation des crédits proposée étant satisfaite, la commission est défavorable à l’amendement.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° II-793 rectifié, les crédits concernant la sécurisation des sites sont en hausse de 10 % par rapport à 2020 : ils atteignent 63,7 millions d’euros en 2021, contre 58 millions d’euros en 2020. Cette hausse de 5,6 millions d’euros semble suffisante. Je vous demande donc, madame Boyer, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. S’agissant des amendements identiques nos II-975, II-1021 rectifié et II-1383, j’ai indiqué en propos liminaire que le budget de 2021 porte une dynamique en matière d’aide juridictionnelle, avec une progression des crédits de 10 %. Ce sont 50 millions d’euros de plus qui lui sont consacrés.

Cet effort permettra de financer les effets progressifs d’une nouvelle revalorisation des rétributions versées aux avocats, à hauteur de 50 millions d’euros par an en régime permanent. La moitié de cet effort est affectée à une revalorisation du montant de l’unité de valeur, qui passe de 32 à 34 euros, et l’autre moitié à une revalorisation ciblée du barème de rétribution, afin, notamment, de mieux indemniser le recours à la médiation.

Puisque les 100 millions d’euros recommandés dans le rapport Perben ont été évoqués, je signale que celui-ci ne précise pas s’ils doivent être versés en une fois. Comme je l’ai dit, la hausse budgétaire de 50 millions d’euros est une première marche.

L’amendement déposé par le Gouvernement pour revaloriser le montant de l’unité de valeur a en outre introduit une réforme de la commission d’office, afin de sécuriser la rétribution des avocats commis d’office lorsqu’ils interviennent en urgence, sans garantie de pouvoir être rétribués par le client.

Il s’agit, j’y insiste, d’une première étape solide, tangible, crédible, qui doit permettre d’enclencher un processus essentiel de réflexion sur la modernisation de la profession d’avocat, avec tous les acteurs concernés.

Dans un tel contexte, ces trois amendements perdent de leur pertinence, d’où un avis défavorable du Gouvernement.

À travers votre amendement n° II-1378, madame la sénatrice de La Gontrie, vous proposez d’augmenter les recrutements de magistrats et de fonctionnaires en 2021.

Des recrutements sont déjà prévus au PLF pour 2021 au titre de la loi de programmation pour la justice : 50 magistrats, 30 directeurs de service de greffe, 50 juristes assistants, 100 greffiers.

Les effectifs de magistrats et de fonctionnaires recrutés en 2021, ayant à suivre une scolarité de 31 mois pour les magistrats, de 18 mois pour les fonctionnaires de greffe, ne seront pas affectés en juridiction immédiatement.

Ce que j’ai décidé, après m’être rendu en juridiction à la suite de ma nomination, c’est qu’il fallait au plus vite combler les vacances de postes parmi les agents de greffe. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la justice de proximité, j’ai proposé un recrutement exceptionnel de personnels contractuels qualifiés, très rapidement mobilisables, à hauteur de 914 emplois.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce recrutement est sur le point de s’achever et l’ensemble de ces personnels sera en activité en juridiction d’ici à la fin de l’année.

Comme je l’ai indiqué dans mes propos liminaires, je ne préfère pas le contrat au statut. Ma préférence va à une réponse rapide, compte tenu de l’urgence actuelle, que vous avez soulignée, madame la sénatrice. Il faut apporter, sans attendre, un soutien au service public de la justice !

Enfin, au-delà du remplacement de tous les départs à la retraite, les créations nettes d’emplois dans les services judiciaires s’établiront sur le quinquennat à 1846.

En conséquence, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-1378.

J’en viens aux amendements identiques nos II-205 rectifié bis, II-473 rectifié bis, II–1020 rectifié bis et II-1382.

La généralisation des enquêtes sociales rapides prévue dans le « bloc peine » entraîne pour 2021 une augmentation de l’ordre de 37 000 enquêtes du volume qu’auront à traiter les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et les associations habilitées. Pour absorber cet accroissement, il a été décidé un renfort de 51 effectifs au profit des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, les CPIP.

Pour les services judiciaires, l’impact de la généralisation des ESR avoisine 1,55 million d’euros et pourrait être absorbé par l’augmentation significative des moyens alloués à l’action n° 02, Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales, du programme 166, « Justice judiciaire ».

La mobilisation nécessairement accrue des associations qui mènent ces enquêtes sociales rapides m’a conduit à engager des discussions avec elles, notamment avec la principale d’entre elles, l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale. Nous pouvons donc débattre de la revalorisation des tarifs des ESR, dont la dernière remonte à 2008, mais je souhaite que nous laissions la concertation se tenir au préalable.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements identiques.

Son avis est également défavorable sur les amendements identiques nos II-312 rectifié bis et II-430 rectifié ter.

S’agissant de l’amendement n° II-977, la justice de proximité, déclinée au civil et au pénal – et je n’oublie pas le civil –, est une priorité de mon ministère et des moyens massifs ont été obtenus. Je les rappelle : 914 emplois de contractuels, 13,1 millions d’euros pour favoriser le recours à des magistrats honoraires, à des magistrats à titre temporaire, et ainsi atteindre la limite maximale de 300 vacations ; 28 millions d’euros au titre de la mobilisation accrue des délégués du procureur, qui sont payés sur frais de justice ; 4 millions d’euros pour le fonctionnement courant correspondant aux créations d’emplois.

Les moyens déployés pour renforcer la justice de proximité sont donc extrêmement importants et ambitieux.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° II-977, étant précisé que l’attribution d’une enveloppe fixe de crédits à chaque tribunal judiciaire, indépendamment de sa taille, ne me paraît évidemment pas de nature à permettre une bonne allocation des ressources. À l’opposé, c’est juridiction par juridiction que nous avons soupesé les moyens nécessaires, et qui seront alloués dès le 1er janvier prochain.

Par ailleurs, le budget de la justice des mineurs et, plus particulièrement, celui de la protection judiciaire de la jeunesse sont une de mes préoccupations prioritaires. Les crédits de personnel, fixés à 555 millions d’euros pour 2021, sont en augmentation de 18,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020.

Dans ces conditions, je partage l’avis de la commission et émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-976.

Madame de La Gontrie, sur l’amendement n° II-1379, je vais apporter une réponse détaillée. On a dit à la tribune que le ministère de la justice était un grand usager de La Poste et des lettres recommandées… Permettez-moi tout de même, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous apporter quelques précisions utiles, valant peut-être mieux que les approximations que j’ai pu entendre tout à l’heure.

La dotation en équipements informatiques a été adaptée aux besoins des utilisateurs au sein des juridictions, notamment des personnels de greffe. Durant la crise, madame la sénatrice, 1 500 ultraportables ont été déployés dans les juridictions afin de rendre possible le travail à distance pour les activités prévues dans le plan de continuité d’activité, le fameux PCA. Depuis la reprise, 3 500 nouveaux postes ont été commandés ; leur distribution a commencé au mois d’octobre 2020.

M. Philippe Bonnecarrère. Ce n’est pas une question de postes !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je vous invite à la chancellerie, monsieur le sénateur. Vous aurez les chiffres précis. Plutôt que de plaisanter et de faire rire certains de vos collègues – pourquoi pas, un peu d’humour à cette heure, ça n’est jamais désagréable ! –, vous verrez les progrès que nous sommes en train d’accomplir. Ce n’est pas une promesse en l’air ! Venez à la Chancellerie, nous en reparlerons ensemble et les services vous diront exactement ce que nous avons fait.

Mais permettez-moi pour l’instant de poursuivre…

Ces 3 500 nouveaux postes, commandés depuis la reprise et distribués depuis octobre, seront tous déployés dans le courant du mois de décembre.

Au total, les services judiciaires seront équipés de 18 120 portables. Ce n’est pas rien ! Le taux d’équipement est en progression permanente et nous y accordons une très grande attention. Sur un effectif de 29 530 magistrats et fonctionnaires, il atteindra 61 % à l’issue de cette nouvelle dotation.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Rien n’est jamais rien pour certains, madame la sénatrice ! De véritables efforts ont été consentis, et certains magistrats et greffiers – avec qui je communique presque quotidiennement – se félicitent de l’évolution de la situation. Bien sûr, on ne peut pas contenter tout le monde… Je ne pense pas que quelque pouvoir que ce soit y soit un jour parvenu !

Ce budget est tout de même exceptionnel et nous faisons, avec ce budget exceptionnel, tout ce que nous pouvons pour soulager la justice de notre pays.

Ce taux d’équipement tient aussi compte du fait que certaines activités des greffes ne peuvent donner lieu à du télétravail, comme le service d’accueil physique du justiciable, par exemple.

Les services numériques de la Chancellerie travaillent par ailleurs sur une évolution des nouvelles unités portables, qui permettra d’en mutualiser l’usage entre plusieurs agents, tout en maintenant le niveau de sécurité.

C’est la fierté de la Chancellerie, et ma fierté, d’avoir demandé à la justice de poursuivre son œuvre dans ces temps difficiles. Deux raisons à cela, madame la sénatrice : d’abord, il fallait dire à quel point la justice est essentielle – un terme parfois galvaudé – ; ensuite, ce qui n’est pas fait reste à faire et les justiciables étaient, plus que jamais, peut-être, en attente de justice.

Pour ces raisons, je suis évidemment défavorable à l’amendement n° II-1379.

S’agissant de l’amendement n° II-795 rectifié, les dépenses liées au développement et au déploiement du bracelet anti-rapprochement s’établissent à 3 millions d’euros en 2020. Le choix d’intégrer ce dispositif au sein de la plateforme technique de la surveillance électronique a permis à l’État de bénéficier d’une mutualisation des moyens et de sécuriser son calendrier prévisionnel de déploiement à la fin du mois de septembre 2020.

À partir de 2021, la dépense récurrente devrait s’établir à 7,4 millions d’euros par an pour 1 000 mesures actives, en moyenne, sur l’année : 4,2 millions d’euros pour la téléassistance et la location des équipements et 3,2 millions d’euros pour le système d’information.

Le PLF pour 2021 prévoit donc 4,7 millions d’euros au titre du financement du dispositif, financement complété par une contribution de 2,7 millions d’euros, cela a été rappelé, du fonds pour la transformation de l’action publique. Cette contribution a été obtenue jusqu’en 2022, soit pour les deux prochains exercices budgétaires. Sur la base d’une évaluation du dispositif, la ressource sera ajustée aux besoins pour les années suivantes.

La demande étant déjà satisfaite, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement n° II-795 rectifié ou, à défaut, émettra un avis défavorable.

Enfin, la sécurité des établissements pénitentiaires et de leurs personnels constitue évidemment une priorité, à laquelle le ministère de la justice consacre d’importants moyens, en constante progression. Alors qu’ils représentaient 40,6 millions d’euros en 2017, ces moyens s’élèvent à 63,7 millions d’euros en 2021, soit, comme je l’ai rappelé dans mes propos liminaires, une hausse de 60 % en quatre ans et de 9,6 % entre 2020 et 2021.

Les crédits permettent de financer, notamment, la poursuite de la rénovation de la vidéosurveillance, avec la sécurisation périmétrique des établissements, la lutte contre les drones malveillants ou encore le déploiement de systèmes de brouillage des communications illicites.

Si l’on ajoute les crédits en faveur du renseignement pénitentiaire – 5,9 millions d’euros –, l’enveloppe globale atteint près de 70 millions d’euros.

S’agissant plus particulièrement du développement des unités cynotechniques, la première d’entre elles au sein de l’administration pénitentiaire a été créée en 2006 dans le ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, permettant de disposer de moyens efficaces de recherche de produits stupéfiants, de monnaie fiduciaire, d’armes, de munitions ou de substances explosives. Deux nouvelles bases ont ensuite été mises en place : l’une à Toulouse en 2011 et l’autre à Lyon en 2015.

Une quatrième base est en cours de création à Rennes. Le choix du terrain a été arrêté voilà quelques mois et les études de programmation sont en voie de finalisation, pour un lancement du concours dans les jours à venir. Le financement de ce projet, très attendu de l’administration pénitentiaire, est assuré sans besoin d’un abondement supplémentaire.

Au vu des efforts réalisés et des investissements engagés, qui rejoignent vos préoccupations, au demeurant légitimes, madame la sénatrice Valérie Boyer, le Gouvernement demande le retrait de votre amendement n° II-793 rectifié. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mon explication de vote vaudra pour l’ensemble des quinze amendements, ce qui nous fera gagner du temps.

Monsieur le ministre, vous avez défendu votre texte pied à pied, amendement après amendement, et vous avez fait, en cela, le travail d’un ministre. Mon propos s’adresse donc à notre excellent rapporteur spécial, M. Antoine Lefèvre, que j’ai connu, en certaines périodes, un peu plus nuancé.

J’observe en effet que le rapporteur spécial de la commission des finances se trouve devant quinze amendements émanant de différents groupes, sur toutes les travées de cet hémicycle, et qu’aucun de ces quinze amendements ne lui semble présenter un intérêt.

Ce n’est pas le fait du Gouvernement, il est là pour défendre son texte. Mais pourquoi la commission des finances – je me permets de poser la question publiquement – a-t-elle cette idée que tout est si bien dans le dispositif proposé que pas le moindre petit amendement ne trouve grâce à ses yeux ?

Cela me fait penser à ce livre célèbre de Voltaire, Candide, dans lequel le personnage de Pangloss ne cesse de dire que tout est bien. Comme tout est bien,… tout est bien et, donc, il n’y a plus rien à dire !

Je ne comprends pas, monsieur le rapporteur spécial, ou alors, peut-être, et je prends un risque en disant cela – mais tant pis, la vie est courte –, la commission des finances a-t-elle pu intégrer que tout était parfait dans cette partie du texte…

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Je me permettrai également, monsieur le président, de faire un commentaire sur l’ensemble des amendements présentés.

À travers plusieurs d’entre eux, on appelle en fait à ajouter un peu de sucres lents aux sucres rapides ! Ces derniers sont une bonne chose, mais l’important, me semble-t-il, est de prévoir l’avenir.

Je peux comprendre qu’on le fasse, non pas sur ce budget-ci, mais sur celui de l’année prochaine. Néanmoins, a-t-on prévu de former un nombre légèrement plus élevé de magistrats pour tenter de rattraper ne serait-ce que la moyenne européenne en termes d’effectif de magistrats ? S’agissant du taux de 7 % de vacances de postes parmi les greffiers, ne croyez-vous pas, monsieur le garde des sceaux, que le niveau de revenus, comparé au niveau d’études exigé, est une des causes de la désaffection pour ce métier ?

Par ailleurs, je salue clairement le déploiement d’équipements informatiques – d’ailleurs, le mot « ultraportables » me fait sourire : il n’y a que dans votre ministère qu’on l’emploie ; chez nous, ont dit simplement « portables » !

En revanche, vous n’avez pas répondu sur la question des applicatifs. Il y a, je crois, une maladie française à vouloir toujours créer des usines à gaz en matière informatique, pour faire mieux que les autres. Ce qu’il faudrait, c’est un changement de philosophie, une orientation vers plus de légèreté, de mobilité et de fluidité.

Il faudrait déjà faire en sorte que les uns puissent travailler avec les autres, car c’est ce qui bloque. Quand les juges des tribunaux de commerce ne peuvent pas obtenir une adresse mail « justice.fr », mais sont obligés de créer leur propre adresse mail pour pouvoir fonctionner, on se dit tout de même que quelque chose ne va pas !

Il faut donc trouver une certaine légèreté au niveau de l’informatique, ce qui, probablement, permettrait d’aller plus vite.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-975, II-1021 rectifié et II-1383.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1378.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Excellent amendement !

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-205 rectifié bis, II-473 rectifié bis, II-1020 rectifié bis et II-1382.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-312 rectifié et II-430 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-977.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-976.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1379.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Je souhaite brièvement intervenir sur l’amendement n° II-795 rectifié de ma collègue Valérie Boyer, que j’ai cosigné.

Je commencerai par rappeler des souvenirs à toutes mes collègues qui sont présentes sur ces travées, en évoquant nos discussions autour de la proposition de loi d’Aurélien Pradié.

Voilà quelques semaines, monsieur le ministre, je vous ai interpellé dans un couloir sur la question : certes, on a mis les moyens sur les bracelets anti-rapprochement, mais il a fallu beaucoup de temps pour que ces bracelets soient déployés dans les juridictions.

Le rêve de la délégation aux droits des femmes, ce serait d’avoir, comme en Espagne, des juridictions spécialisées sur les violences faites aux femmes. Je sais que ce n’est pas simple, mais voyons aussi combien il a été compliqué de réduire le délai de délivrance des ordonnances de protection ou d’améliorer la procédure de dépôt de plainte et, ensuite, la protection des femmes sur le plan judiciaire.

Au-delà des moyens, donc, il faudra que tout suive sur le terrain !

M. François Bonhomme. Et rapidement !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. J’ai bien compris vos explications, monsieur le ministre. Néanmoins, cette question du bracelet anti-rapprochement, qui nous vient d’Espagne, m’évoque un proverbe espagnol : « Par le chemin “Plus tard”, on arrive toujours à la place “Jamais”. »

Nous n’en sommes pas à la place « Jamais » s’agissant de ce bracelet anti-rapprochement. Mais, comme vient de le rappeler ma collègue Laure Darcos, il a fallu beaucoup de temps pour que l’on voie arriver dans les juridictions ce dispositif, qui existait de façon expérimentale depuis la loi de Guy Geoffroy, mais qui n’était malheureusement pas entré en vigueur. Et c’est du modèle espagnol, bien évidemment, que nous nous sommes inspirés.

J’avoue que je ne comprends pas pourquoi, aujourd’hui, il faudrait attendre la contribution de 2,7 millions d’euros du fonds pour la transformation de l’action publique et ne pas inscrire dans le PLF, dès à présent, les 6 millions d’euros de crédits en faveur du bracelet anti-rapprochement.

Cela me rappelle les débats que j’avais eus avec votre prédécesseure, Mme Nicole Belloubet, au sujet de l’autorité parentale. Elle me répétait toujours que les amendements étaient satisfaits, que l’on verrait plus tard, voire que c’était inconstitutionnel… Il a fallu attendre la commission mixte paritaire et l’intervention du Sénat, parce que ce débat nous avait été refusé à l’Assemblée nationale, pour que l’autorité parentale d’un conjoint violent puisse être suspendue, pour résumer grossièrement la situation.

Vraiment, je ne vois pas pourquoi les crédits pour le bracelet anti-rapprochement ne sont pas d’ores et déjà inscrits dans la loi budgétaire. Vous dites que l’amendement est satisfait ; moi, je comprends votre explication, mais elle ne me satisfait pas ! C’est pourquoi je maintiens l’amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Notre collègue Laure Darcos a parfaitement raison de rappeler les débats ayant eu lieu dans cet hémicycle, au moment de l’adoption de la proposition de loi d’Aurélien Pradié, texte qui, au travers d’une réflexion transpartisane, avait permis de trouver un accord sur la question du bracelet anti-rapprochement ou encore sur celle de l’ordonnance de protection.

Pour notre part, nous montrerons notre absence de sectarisme en votant l’amendement présenté par Valérie Boyer et Laure Darcos, car les chiffres avancés à l’époque, et qui annonçaient bien évidemment le déploiement en année pleine, n’ont pas été respectés. Pendant ce temps, des femmes meurent !

Mme Valérie Boyer. Exactement !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est donc important de voter ces crédits aujourd’hui.

Je trouve d’ailleurs assez étonnant, mes chers collègues de la majorité, qu’un grand nombre d’entre vous s’opposent à des amendements allant pourtant pleinement dans le sens des rapports élaborés par des membres de votre propre majorité à l’occasion de l’examen de cette mission budgétaire. Mais j’aurai toute la nuit pour réfléchir à cette situation étrange…

Toujours est-il que nous voterons l’amendement n° II-795 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-795 rectifié.

(Lamendement est adopté.) – (Mmes Valérie Boyer et Marie-Pierre de La Gontrie applaudissent.)

M. le président. Madame Boyer, l’amendement n° II-793 rectifié est-il maintenu ?

Mme Valérie Boyer. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-793 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-827 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Administration pénitentiaire

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je remercie mes collègues pour les arguments développés à l’occasion de l’examen de l’amendement précédent. Effectivement, cette cause est transpartisane.

Le présent amendement traite aussi des violences conjugales.

Lorsque les femmes qui en sont victimes dénoncent les violences qu’elles subissent, elles ont besoin d’être crues et prises au sérieux. Créer un cadre bienveillant et protecteur est indispensable pour permettre aux victimes de signaler les faits. Il s’agit de mettre fin à la culture du doute, qui prévaut souvent, et de lui substituer une « présomption de crédibilité », comme le rappelle le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes – c’est à lui que nous devons cette belle expression.

Il doit en être de même pour le parcours des victimes. Les unités médico-judiciaires, ou UMJ, assurent, sur demande de la justice, les examens médico-légaux des personnes majeures ou mineures victimes de violences. La finalité de l’examen est la rédaction d’un certificat médical descriptif des lésions physiques ou du retentissement psychologique, avec la détermination d’une incapacité totale de travail, ou ITT, au sens pénal.

Pourtant le Grevio, le Groupe d’experts sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, nous alerte sur les freins rencontrés par les femmes, du fait, à la fois, de la nécessité d’un dépôt de plainte préalable pour pouvoir accéder à une UMJ et de l’absence de couverture complète du territoire par ces unités, certains départements en étant encore dépourvus. On se retrouve un peu dans la même situation que pour le bracelet anti-rapprochement, avec, à ma connaissance, une quarantaine d’UMJ pour 101 départements.

Cet amendement s’inscrit donc dans la lignée des recommandations de renforcement des moyens budgétaires dédiés. Cela permettrait de garantir la présence d’au moins une UMJ, avec des médecins légistes et d’autres professionnels de santé, tels que des infirmières spécialisées, par département et la conservation d’éléments de preuve, même si la victime ne souhaite pas porter plainte, en tout cas dans un premier temps.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Prudence…

Je me contenterai simplement de rappeler que les crédits du programme « Justice judiciaire » s’élèvent à 3,7 milliards d’euros, soit une augmentation de 208 millions d’euros par rapport à 2020. Avec une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros, cette demande est satisfaite et j’exprimerai un avis défavorable sur l’amendement.

J’en profite tout de même pour répondre à M. Jean-Pierre Sueur, qui m’a gentiment interpellé – et j’ai apprécié le compliment.

Vous fûtes effectivement mon président de la commission des lois, monsieur Sueur, mais j’ai depuis rejoint la commission des finances. Le regard que je peux avoir, aujourd’hui, sur ce PLF est donc quelque peu différent.

Depuis que je suis rapporteur spécial de la mission « Justice », voilà plus de quatre ans maintenant, nous réclamons sur les nombreuses travées de cette assemblée des augmentations significatives des crédits budgétaires. C’est ce que nous offre ce budget !

Certes, tout n’est pas parfait et vous avez pu les uns et les autres, mes chers collègues, exprimer des regrets. Néanmoins la situation évolue dans le bon sens, dans le contexte actuel des finances publiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, il ne faut pas tout confondre. Après l’acquittement de Georges Tron, Mme Méadel, membre du Gouvernement sous François Hollande, avait souhaité que l’on inversât la charge de la preuve : une telle décision serait une hérésie juridique ; en tout cas, elle serait âprement discutée sur le terrain constitutionnel.

Au demeurant, ce n’est pas un sujet d’ordre budgétaire et ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici, même si c’est ce que j’ai entendu à travers vos propos. La question est celle des moyens.

Le Gouvernement s’est totalement investi dans la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences sexistes. Il a mis en place et multiplié les bracelets anti-rapprochement. Il a étendu le téléphone grave danger. Il a développé les ordonnances permettant d’éloigner les maris violents du domicile conjugal, tant en matière civile qu’en matière pénale.

En outre, le ministère s’attache à établir des partenariats entre les préfets, le monde hospitalier, le monde judiciaire et les enquêteurs : les victimes doivent d’abord être soignées, entendues par un psychologue et un membre des services sociaux. Parfois, elles renoncent à déposer une plainte, car elles ne savent pas à qui confier leurs enfants en partant, le soir.

Les policiers ou, en milieu rural – comme au Cateau-Cambrésis, où je me suis rendu –, les gendarmes interviennent ensuite, puis le procureur : le processus judiciaire s’enclenche, qui entraîne l’intervention d’un avocat. C’est l’ensemble de ce cheminement que nous nous efforçons de développer.

Quand nous connaîtrons les chiffres, ils feront bien sûr frémir, car beaucoup de femmes tombent encore sous les coups de leurs compagnons. Mais je suis déjà en mesure de vous le dire : grâce aux efforts de tout le monde, ce ne seront pas, tant s’en faut, ceux que vous avez évoqués. Au demeurant, pour paraphraser le Président Giscard d’Estaing, comme l’a fait M. Sueur, personne n’a le monopole du cœur !

En présentant votre amendement, vous avez évoqué plus précisément la présomption de crédibilité. Dans le cadre de l’augmentation des crédits dédiés aux frais de justice, le programme 166, « Justice judiciaire », obtient déjà, au titre du projet de loi de finances pour 2021, des moyens supplémentaires très significatifs, à hauteur de 20 millions d’euros. Ces crédits seront consacrés à la médecine légale, au développement et à l’amélioration de l’accueil des victimes au sein des unités médico-judiciaires, dont – je le répète – le maillage territorial sera renforcé.

L’objet de votre amendement me paraît donc satisfait, au-delà même de votre demande, et le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le garde des sceaux, je comprends tout à fait vos remarques et je vous remercie de votre réponse au sujet des unités médico-judiciaires.

Tout le monde ici a salué les efforts dont bénéficie le budget de la justice. Nous nous en réjouissons tous : c’est de l’argent public bien employé, même si la justice reste le parent pauvre des budgets régaliens et du projet de loi de finances tout entier. Je le répète, elle reçoit 4 euros pour 1 000 euros d’argent public dépensé ; même si l’on passe à 4,5 euros ou 5 euros, cette part reste extrêmement faible.

En l’occurrence, le Gouvernement revendique cette priorité. Bien sûr, je me réjouis des efforts accomplis. Mais, à ma connaissance, on ne dénombre aujourd’hui qu’une quarantaine d’UMJ pour 101 départements. Comment peut-on se satisfaire de ce chiffre ? Une telle carence ne peut qu’entraver les nombreux efforts consentis !

C’est tout le sens de mon amendement, que je me dois de maintenir. On ne peut pas accepter une telle inégalité territoriale, d’autant qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible. Mme de La Gontrie l’a rappelé il y a un instant : des femmes meurent sous les coups de leur conjoint. Cette année, on déplore déjà 145 victimes. Il y a aussi des hommes et des enfants qui meurent. Les unités médico-judiciaires sont absolument indispensables !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le garde des sceaux, je vous le dis solennellement : vous venez de déraper.

Vous avez fait référence à l’affaire Georges Tron. Sauf que, dans cette affaire, vous étiez l’avocat de Georges Tron.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Et alors ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et alors ? Il semble que le Premier ministre a dû vous rappeler qu’il ne fallait pas mélanger votre passé d’avocat et votre présent de ministre de la justice.

Lors de ce procès, vous avez tenu des propos qui éclairent peut-être votre position d’aujourd’hui. Vous disiez ainsi : « Il y a des hommes qui aiment le pouvoir, il y a des femmes qui aiment le pouvoir : c’est comme ça. » Vous traitiez les parties civiles de « manipulatrices » et d’« incohérentes ».

Je le rappelle une fois de plus : ici, nous défendons la cause des femmes de manière transpartisane. Votre passé d’avocat vous appartient, mais, aujourd’hui, vous êtes garde des sceaux. Vous n’avez pas à faire référence à ce passé, qui plus est dans une affaire qui a été jugée, pour éclairer votre refus d’aujourd’hui ! (M. le garde des sceaux manifeste son exaspération.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Nous voterons l’amendement de notre collègue Valérie Boyer. Certes, des mesures ont été mises en place, des efforts ont été accomplis, mais nous sommes très loin de ce qu’il faudrait faire pour résoudre cet immense problème.

Bien sûr, nous commençons seulement à nous y attaquer. Mais, pour avancer efficacement, nous devons avant tout faire les bons diagnostics. Il s’agit de reconnaître les préjudices et les blessures subis par ces victimes, qui, la plupart du temps, sont des femmes. Leur témoignage ne doit pas être sujet à caution : il faut donc avant tout assurer la reconnaissance des faits et il est essentiel d’agir avec la plus grande précision !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Je tiens à relayer la demande de Valérie Boyer. Notre collègue a cité le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) ; au-delà des femmes, il y a les enfants et, pour ma part, je pourrais citer Stop aux violences sexuelles ou La Voix de l’enfant. Ces structures ont beaucoup œuvré pour que l’on puisse accueillir les enfants et recueillir leur parole ailleurs que dans un commissariat ou une gendarmerie. Depuis très longtemps, l’ensemble des associations demandent un lieu dédié par département : il est tout à fait légitime d’exiger 101 unités médico-judiciaires !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai entendu des propos déplacés au sujet de mon passé d’avocat : c’est trente-six ans de ma vie et, n’en déplaise à certains, j’ai une certaine autorité pour parler de questions judiciaires.

Où est le rapport entre ce que je viens de dire et le décret pris lorsque je suis arrivé place Vendôme ? Je n’en vois aucun et je n’entends pas entrer dans cette polémique, que je ne trouve pas d’une grande hauteur de vue.

Madame Boyer, 31 structures hospitalières dédiées existent au niveau régional, auxquelles s’ajoutent les 41 unités médico-judiciaires départementales. Évidemment, il faut poursuivre l’effort dans le cadre de partenariats dans l’ensemble des territoires. Cela étant, je tenais à vous communiquer les chiffres exacts.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-827.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-799 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat et H. Leroy, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

5 000 000

 

5 000 000

 

Administration pénitentiaire

dont titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

 

 

 

 

Accès au droit et à la justice

 

 

 

 

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

 

 

 

 

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, il s’agit encore des violences faites aux femmes ; mais, face à ce fléau, il y a tant à faire !

La société doit exercer un contrôle sur l’agresseur en recourant aux différents outils judiciaires de protection des femmes victimes de violences conjugales.

Aucune violence révélée, et ce dès les premiers faits de violence, ne doit rester sans réponse pénale. Les outils judiciaires de protection existent, comme l’éviction du domicile du partenaire – ou de l’ex – violent, l’ordonnance de protection, le téléphone grave danger ou encore la comparution immédiate, mais ils sont encore insuffisamment utilisés. Nous tous ici espérons que l’augmentation des moyens budgétaires permettra de mettre en œuvre tous ces dispositifs.

À ce titre, je soutiens pleinement la délégation aux droits des femmes, que préside Annick Billon et dont plusieurs membres sont présents ce soir, dont Laure Darcos : un effort est nécessaire pour garantir la cohérence des réponses pénales face aux violences conjugales.

La sensibilisation des magistrats est à l’œuvre, comme le suivi de l’activité des parquets. La spécialisation des magistrats en matière de violences est amorcée : à cet égard, je salue le travail mené par l’École nationale de la magistrature (ENM) pour la formation des magistrats. Aujourd’hui, de véritables actions de formation sont engagées : leur but est de toucher le plus grand nombre de magistrats pour mieux lutter contre les violences au sein des familles et, en particulier, au sein du couple.

Personnalité très engagée dans ce combat, l’ancien procureur de Douai a été auditionné par l’Assemblée nationale et par le Sénat. S’il se félicite des lois votées par le Parlement, il déplore le manque de moyens permettant de vérifier que ces nouvelles dispositions sont correctement appliquées. Il considère par exemple que « beaucoup de magistrats n’ont pas encore pris en compte l’importance de ce sujet, malgré les formations ».

C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à attribuer davantage de moyens à la formation des magistrats, notamment pour créer des modules de formation continue relatifs aux violences conjugales.

Dans le rapport qu’il a consacré à cette question, le HCEfh pointe la nécessité d’une telle formation. Je le répète, aujourd’hui, l’ENM fait déjà beaucoup efforts en ce sens à destination des élèves magistrats. Néanmoins, la formation continue des magistrats est absolument nécessaire. Surtout, la formation dédiée aux violences au sein des couples doit faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation précis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Cet amendement vise à allouer 5 millions d’euros supplémentaires à la formation des magistrats.

Cette formation initiale et continue est assurée par l’ENM, qui bénéficie déjà d’une subvention de 33,2 millions d’euros : une augmentation de crédits ne me paraît pas nécessaire. La formation suggérée existe bien et elle est financée par cette dotation. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, depuis plus d’un an, un partenariat s’est noué entre l’ENM et la haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes, Mme Isabelle Rome. Il a pour ambition de renforcer les formations dédiées à la lutte contre les violences faites aux femmes et, en particulier, contre les violences commises au sein du couple.

Peut-être le savez-vous déjà : ces sessions sont ouvertes, non seulement aux magistrats, mais aussi aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), aux officiers de police judiciaire, aux avocats et aux représentants des associations. Le but est de diffuser largement ces enseignements et de créer, ou de renforcer, les synergies locales.

Dès lors, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Depuis quelques années, je suis membre de la délégation aux droits des femmes et je comprends tout à fait la démarche de notre collègue Valérie Boyer. Il s’agit d’une grande cause et d’un combat permanent. Toutefois, même si l’on a redoublé d’efforts ces derniers temps, on éprouve encore souvent un sentiment d’impuissance. De nombreux acteurs sont concernés ; M. le garde des sceaux a souligné avec raison qu’il s’agit d’un travail collectif.

Je comprends également l’avis de M. le rapporteur spécial. Il ne faut pas perdre de vue la technique budgétaire et la mécanique comptable : ce transfert de 5 millions d’euros peut avoir des conséquences. Mais, en parallèle, nous toutes et tous sommes particulièrement sensibles aux enjeux humains, d’autant qu’il s’agit de sujets extrêmement graves.

Au-delà des magistrats, l’effort de formation doit s’étendre aux forces de sécurité, gendarmes et policiers, aux travailleurs sociaux et à l’ensemble des partenaires susceptibles d’intervenir au titre de la prévention.

Il s’agit donc d’un réel dilemme. Pour ma part, je voterai cet amendement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-799 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-802 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Gremillet, Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

 

 

 

 

Administration pénitentiaire

dont titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

 

 

 

 

Accès au droit et à la justice

5 000 000

 

5 000 000

 

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

 

 

 

 

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

5 000 000

 

5 000 000

 

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, je vous présente un dernier amendement, qui a lui aussi pour objet les violences physiques et sexuelles.

Les associations nous alertent souvent. Elles insistent sur leur manque de moyens et, à cet égard, le Grenelle des violences conjugales s’est soldé par une grande frustration pour elles. Elles se sont senties lésées par les faibles crédits qui leur ont été attribués.

Le Sénat débat souvent de l’application des lois. Régulièrement – ce soir encore –, nous parlons de la formation des policiers, des gendarmes et des magistrats ; nous parlons des centres d’hébergement ; mais nous ne parlons que très rarement des hommes et des femmes qui s’engagent bénévolement pour protéger, conseiller et accompagner les victimes.

Ces bénévoles sont remarquables. Nombre d’entre nous avons eu le privilège de les rencontrer et de suivre leur action quotidienne, non seulement dans le cadre des travaux parlementaires, mais aussi sur le terrain, pour élaborer nos propositions dans ce domaine.

Tous ces militants associatifs méritent nos remerciements, nos félicitations et notre considération : à travers cet amendement, je leur exprime toute notre gratitude.

Vous le savez, entre autres conséquences dramatiques, le confinement a entraîné la recrudescence des violences au sein des familles et notamment des violences faites aux femmes. Elles sont commises au domicile conjugal, cet endroit où l’on devrait être protégé, mais qui, pour certaines familles, devient le lieu de tous les dangers.

Les chiffres officiels ont été révélés la semaine dernière et ils sont édifiants : dans les zones de gendarmerie, les signalements ont augmenté de 32 %. À Paris, ils ont bondi de 36 % : cette progression est considérable.

Quand le confinement se transforme en piège mortel, les femmes victimes peuvent se tourner vers les associations, qui tentent de leur venir en aide malgré les mesures sanitaires et malgré la distanciation sociale. Cet amendement vise donc à accroître les crédits dédiés à l’aide aux victimes, notamment pour soutenir davantage les associations qui secourent les victimes de violences conjugales.

Bien sûr, tous mes amendements sont gagés, mais la nature du gage importe peu : nous demandons simplement un transfert de crédits pour que cette mission soit mieux satisfaite !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Cette action bénéficie déjà d’un effort important : ses crédits augmentent de 3,3 millions d’euros. J’émets donc de nouveau un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, les crédits dédiés à l’aide aux victimes d’infraction pénale progressent déjà de 3,3 millions d’euros, soit 11,4 %. J’émets, moi aussi, un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-802 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1380, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Durain, Leconte, Kerrouche, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits de programme :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

1 000 000

1 000 000

Administration pénitentiaire

dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

1 000 000

1 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement traite d’un sujet très important.

Mes chers collègues, la corruption transnationale représente 20 % à 40 % de l’aide mondiale au développement. Certains pays pauvres sont honteusement pillés par de prétendues élites : ces notables détournent les aides internationales à leur profit pour s’acheter de nombreux biens, à Paris, sur la Côte d’Azur ou ailleurs.

Le Sénat a voté l’année dernière, sur mon initiative, une proposition de loi pour faire face à ce fléau. En vertu de ce texte, adopté à l’unanimité, les biens dont il s’agit doivent aller aux populations spoliées lorsque la justice impose leur restitution. Mme Amélie de Montchalin, qui représentait le Gouvernement lors de cette discussion, s’était engagée à ce que la question soit réglée à la faveur du projet de loi de finances pour 2020.

L’Assemblée nationale a décidé de consacrer un rapport à cette question : elle a désigné deux rapporteurs, qui ont abouti exactement aux mêmes conclusions que moi. Mais, depuis, rien n’a changé.

Monsieur le garde des sceaux, comme je vous l’ai dit, j’ai sollicité un rendez-vous auprès de votre ministère et je serais très heureux que vous nous receviez pour débloquer la situation.

Dans l’affaire Obiang – il s’agit du vice-président de la Guinée équatoriale –, le tribunal de Paris a conclu qu’« il serait moralement injustifié pour l’État, prononçant la confiscation de ces biens, de bénéficier de celle-ci sans égard aux conséquences de l’infraction ». Ces dernières sont claires : les peuples des pays pauvres sont volés par la corruption !

Sur ce sujet, un article est paru récemment, vous le savez ; des associations, notamment Transparency International, se sont mobilisées. Quelques détails techniques doivent encore être éclaircis : malgré les promesses, ce travail n’est pas encore fait, mais je suis sûr que, avec de la volonté,…

M. Jean-Pierre Sueur. … il est possible de régler le problème.

Tel est l’état d’esprit dans lequel je présente cet amendement. Vous avez compris qu’il s’agit d’un appel !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Mon cher collègue, le Sénat connaît votre engagement en la matière. J’avais d’ailleurs soutenu votre proposition de loi et, en 2017, j’avais moi-même rédigé un rapport au sujet de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’Agrasc.

Je présume que M. le garde des sceaux va répondre à votre appel. Pour ce qui me concerne, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Sueur, je connais bien ces dossiers – cela date d’une vie antérieure, où je n’étais pas pharmacien… (Sourires.) – et je suis tout à fait prêt à travailler cette question avec vous. Pour l’heure, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; nous essayerons d’avancer le plus vite possible !

M. le président. Monsieur Sueur, l’amendement n° II-1380 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, votre réponse me laisse préjuger d’une volonté commune. Il faut que cette proposition de loi aboutisse – je le répète, elle a fait l’objet d’un vote unanime du Sénat ! – et nous ne manquerons pas de revenir vers vous.

Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1380 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 55 bis (nouveau)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le garde des sceaux, dans votre propos liminaire, vous avez souligné l’augmentation importante du budget de la justice en la qualifiant d’« historique ». Vous avez raison, même si l’un de vos prédécesseurs, Jean-Jacques Urvoas, relève pour sa part qu’il avait obtenu 9 % d’augmentation : tant mieux si, en l’espace de quelques années, on connaît plusieurs augmentations historiques !

Cela étant, la France dépense 69,50 euros par habitant et par an pour la justice, c’est-à-dire un tiers de moins que l’Espagne et moitié moins que l’Allemagne : il ne faut pas s’étonner des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons.

Ainsi, pendant le premier confinement, notre pays a souffert du mauvais équipement de la justice. Nous avons déjà parlé des greffiers : je n’y reviendrai pas. En revanche, nous n’avons pas abordé la situation des détenus : ces derniers ont dû affronter la covid sans aucune protection, ce qui a entraîné de grandes difficultés. Nous ne sommes pas revenus non plus sur la justice d’exception qui a été instaurée. Votre prédécesseur a dû revoir sa copie pour ce qui concerne la détention provisoire. Vous-même avez vu votre ordonnance relative à la visioconférence dans le cadre des procès criminels suspendue par le Conseil d’État.

Dans ce budget, nous relevons également quelques points d’alerte.

Je pense à la justice de proximité, non seulement pénale, mais aussi civile ; à la question des postes en général, et notamment des postes de greffier ; ou encore à celle de l’aide juridictionnelle. À ce titre, vous soulignez qu’un important effort est consenti et je l’entends. Il s’agit d’une première étape – le rapport Perben n’est pas encore satisfait, mais il faut saluer ces premiers progrès.

Je pense également à la situation des établissements pénitentiaires. Je rappelle que, le 2 octobre dernier, le Conseil constitutionnel lui-même a mis en demeure le Gouvernement de faire adopter, avant le 1er mars 2021, une législation garantissant la dignité des détenus.

Il reste donc un long chemin à parcourir, mais nous sommes sur la bonne voie. Bien que ces crédits soient encore insuffisants, les élus de notre groupe les voteront.

Je finirai sur une note qui nous rappellera notre jeunesse. À la manière des bulletins scolaires que nous recevions en fin d’année, je conclurai à propos de ce budget : « En progrès. Le rattrapage est engagé. Doit poursuivre son effort. » Tel est l’état d’esprit dans lequel nous voterons ces crédits !

M. le président. Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 55 bis à 55 quinquies, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 55 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Justice ».

Justice

Vote sur les crédits de la mission
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 55 bis - Amendement n° II-1411

Article 55 bis (nouveau)

I. – À l’article 1090 D du code général des impôts, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles ».

II. – Le chapitre III du titre II du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 107 B, après le mot : « logement », sont insérés les mots : « ou pour l’évaluation de l’éligibilité à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

2° L’article L. 146 A est complété par les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles ».

III. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À l’avant-dernier alinéa de l’article 61-1, après le mot : « accès », sont insérés les mots : « à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles et » ;

2° Après le mot : « rédaction », la fin du premier alinéa de l’article 804 est ainsi rédigée : « résultant de la loi n° … du … de finances pour 2021, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

IV. – La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :

1° La première partie est ainsi modifiée :

a) L’intitulé est complété par les mots : « et l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

b) L’intitulé du titre Ier est complété par les mots : « et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

c) L’article 4 est ainsi modifié :

– au I, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « et à l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

– au 2° du II, après le mot : « immobilier », il est inséré le mot : « même » et, à la fin, les mots : « et du patrimoine mobilier productif de revenus » sont supprimés ;

d) L’intitulé du titre II est complété par les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

e) Le même titre II est complété par l’article 64-5, qui devient l’article 11-1 ;

f) Ledit titre II, tel qu’il résulte du e, est complété par des articles 11-2 et 11-3 ainsi rédigés :

« Art. 11-2. – Sans préjudice de l’application de l’article 19-1, l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles est accordée à la personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, qu’elle soit mise en cause ou victime, dans les procédures suivantes :

« 1° Audition, confrontation ou mesures d’enquête mentionnées aux articles 61-1 à 61-3 du code de procédure pénale, à l’article L. 39 du livre des procédures fiscales ou à l’article 67 F du code des douanes ; confrontation ou reconstitution en application des articles 61-2 et 61-3 du code de procédure pénale ; assistance d’une personne arrêtée dans l’État membre d’exécution d’un mandat d’arrêt européen dans les conditions fixées à l’article 695-17-1 du même code ;

« 2° Garde à vue, retenue, rétention, confrontation dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ; retenue douanière dans les conditions prévues par le code des douanes ; retenue d’un étranger aux fins de vérification du droit de circulation ou de séjour dans les conditions prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile lorsque l’avocat est commis ou désigné d’office ;

« 3° Déferrement devant le procureur de la République en application de l’article 393 du code de procédure pénale lorsque l’avocat est commis d’office ;

« 4° Mesures prévues au 5° de l’article 41-1 et aux articles 41-2 et 41-3 du même code ou à l’article 12-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante et ordonnées par le procureur de la République.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.

« Art. 11-3. – L’avocat assistant une personne détenue faisant l’objet d’une procédure disciplinaire en relation avec la détention a droit à une rétribution.

« Il en va de même de l’avocat assistant une personne détenue faisant l’objet d’une mesure d’isolement d’office ou de prolongation de cette mesure, ou de l’avocat assistant une personne détenue placée à l’isolement à sa demande et faisant l’objet d’une levée sans son accord de ce placement.

« L’avocat assistant une personne détenue devant la commission d’application des peines en application de l’article 720 du code de procédure pénale a droit à une rétribution.

« Le premier alinéa est également applicable aux missions d’assistance à une personne retenue dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, s’agissant des décisions prises à son encontre pour assurer le bon ordre du centre. » ;

g) Le troisième alinéa de l’article 13 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« S’il y a lieu, le bureau comporte :

« – une section statuant sur les demandes portées devant les juridictions de première instance de l’ordre judiciaire ou la cour d’assises ; »

h) La troisième phrase du premier alinéa de l’article 16 est ainsi rédigée : « Le directeur des services de greffe judiciaire du tribunal judiciaire ou de la cour d’appel ou le greffier en chef du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel, selon les cas, est vice-président du bureau ou de la section chargés d’examiner les demandes d’aide juridictionnelle relatives aux instances pour lesquelles le bureau ou la section sont respectivement compétents. » ;

i) L’intitulé du titre IV est complété par les mots : « et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

j) Après l’article 19, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :

« Art. 19-1. – La commission ou la désignation d’office ne préjuge pas de l’application des règles d’attribution de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat. Par exception, l’avocat commis ou désigné d’office a droit à une rétribution, y compris si la personne assistée ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat, s’il intervient dans les procédures suivantes, en première instance ou en appel :

« 1° Procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques ;

« 2° Assistance d’une personne demandant ou contestant la délivrance d’une ordonnance de protection prévue par l’article 515-9 du code civil ;

« 3° Comparution immédiate ;

« 4° Comparution à délai différé ;

« 5° Déferrement devant le juge d’instruction ;

« 6° Débat contradictoire relatif au placement ou au maintien en détention provisoire ;

« 7° Assistance d’un mineur dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, d’une audition libre, d’un interrogatoire de première comparution, d’une instruction ou d’une audience de jugement ;

« 8° Assistance d’un accusé devant la cour d’assises, la cour criminelle départementale, la cour d’assises des mineurs ou le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle ;

« 9° Procédures devant le juge des libertés et de la détention relatives à l’entrée et au séjour des étrangers ;

« 10° Procédures non juridictionnelles mentionnées aux 2° à 4° de l’article 11-2.

« La personne qui a bénéficié de l’intervention d’un avocat commis ou désigné d’office dans les conditions prévues aux onze premiers alinéas du présent article et qui n’est pas éligible à l’aide juridictionnelle ou à l’aide à l’intervention de l’avocat est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l’État. Le recouvrement des sommes dues à l’État a lieu comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.

« L’avocat commis ou désigné d’office qui a perçu des honoraires au titre d’une des procédures mentionnées aux 1° à 10° perçoit une rétribution dans les conditions fixées à l’article 33 de la présente loi.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

k) Au premier alinéa de l’article 20, les mots : « soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit » sont supprimés ;

l) L’intitulé du titre V est complété par les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

m) L’article 27 est ainsi rédigé :

« Art. 27. – L’avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles perçoit une rétribution.

« L’État affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d’aide juridictionnelle et aux missions d’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles accomplies par les avocats du barreau.

« Le montant de la dotation affecté à l’aide juridictionnelle résulte d’une part, du nombre de missions d’aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau et, d’autre part, du produit d’un coefficient par type de procédure et d’une unité de valeur de référence. Le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de cette unité de valeur de référence est fixé, pour les missions dont l’admission à l’aide juridictionnelle est prononcée à compter du 1er janvier 2021, à 34 €.

« Le montant de cette dotation affecté à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles est fonction du nombre de missions effectuées par les avocats. » ;

n) L’article 29 est ainsi modifié :

– à la première phrase du premier alinéa, après le mot : « versée », sont insérés les mots : « par l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats pour le compte de l’État » ;

– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le montant et la répartition par barreau de cette dotation sont fixés par arrêté du ministre de la justice. » ;

– la seconde phrase du même premier alinéa est complétée par les mots : « et d’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

– au quatrième alinéa, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « et à l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

o) À l’avant-dernier alinéa de l’article 39, les mots : « s’impute, » sont remplacés par les mots : « est fixée » et, à la fin, les mots : « , sur celle qui lui est due pour l’instance » sont supprimés ;

p) L’intitulé du titre VI est complété par les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

q) L’article 50 est ainsi modifié :

– au premier alinéa et aux 4° et 5°, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « ou de l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

– au 2°, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « ou d’aide à l’intervention de l’avocat » ;

r) La première phrase du premier alinéa de l’article 51 est ainsi modifiée :

– après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « ou de l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

– les mots : « en cours d’instance et » sont supprimés ;

– les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « quatre ans » ;

– sont ajoutés les mots : « ou de la mesure » ;

s) Le second alinéa du même article 51 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le retrait est prononcé :

« 1° Par le président du bureau dans les cas mentionnés aux 1° à 3° et 5° de l’article 50. Toutefois, si le retrait vise une procédure ou une mesure pour laquelle les auxiliaires de justice désignés n’ont pas perçu de rétribution, il est prononcé par le bureau ;

« 2° Par la juridiction saisie dans le cas mentionné au 4° du même article 50. » ;

t) À la première phrase de l’article 52, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « ou de l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

2° Les quatre premiers alinéas de l’article 64-3 sont supprimés ;

3° La quatrième partie est abrogée ;

4° La cinquième partie est ainsi modifiée :

a) L’article 67-1 est abrogé ;

b) L’article 67-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle coordonne la transmission aux bureaux d’aide juridictionnelle des informations nécessaires à la mise en œuvre du recouvrement relatif aux personnes ayant bénéficié de l’intervention d’un avocat dans les conditions prévues à l’article 19-1. » ;

5° L’article 70 est ainsi modifié :

a) Au seizième alinéa, après le mot : « notamment », sont insérés les mots : « les modalités d’appréciation des ressources du foyer à défaut de pouvoir disposer de ressources imposables, » ;

b) Après le dix-septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Dans la collectivité de Saint-Barthélemy, notamment les modalités d’appréciation des ressources du foyer à défaut de pouvoir disposer de ressources imposables. »

V. – L’ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna est ainsi modifiée :

1° Le II de l’article 3 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Des ressources imposables ou, à défaut, des ressources mensuelles du demandeur dont les modalités de calcul sont définies par décret ; »

b) Le 3° est complété par les mots : « ou, à défaut, du foyer » ;

2° Aux 1° et 2° de l’article 4, après le mot : « fiscal », sont insérés les mots : « ou, à défaut, du foyer ».

M. le président. L’amendement n° II-1422, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 43

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Procédures devant le tribunal administratif relatives à l’éloignement des étrangers faisant l’objet d’une mesure restrictive de liberté ;

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Aujourd’hui, plus de 16 % des requêtes enregistrées par les tribunaux administratifs sont introduites par des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’assignation à résidence ou de rétention administrative, qui sont, dans leur très grande majorité, éligibles à l’aide juridictionnelle (AJ).

Toutefois, en raison de la nécessité d’un examen a priori de cette éligibilité par les bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ), les délais de rétribution des avocats souffrent d’un allongement considérable.

Nous entendons revenir sur cette procédure qui s’avère, dans le cas d’espèce, peu justifiée et emporte des conséquences financières pour les avocats.

À ce titre, le dispositif de rétribution de l’avocat commis ou désigné d’office introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale pour certains contentieux à Paris est fort bienvenu : c’est pourquoi nous proposons de l’étendre aux procédures introduites devant le tribunal administratif, relatives à l’éloignement des étrangers faisant l’objet d’une mesure restrictive de liberté, sans préjudice du recouvrement par les bureaux d’aide juridictionnelle des sommes dont auraient bénéficié les personnes non éligibles.

Cette mesure nous apparaît d’autant plus nécessaire qu’elle permettra, dans le même temps, un réel gain d’efficacité pour l’examen des demandes transmises aux BAJ dans le cadre d’autres contentieux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. L’article 55 bis liste précisément les procédures pour lesquelles l’avocat commis d’office a droit à une rétribution, y compris lorsque la personne assistée n’a pas droit à l’aide juridictionnelle ou à l’aide à l’intervention de l’avocat.

Cet amendement vise à ajouter à la liste les procédures devant le tribunal administratif relatives à l’éloignement des étrangers faisant l’objet d’une mesure restrictive de liberté.

Un dispositif de contrôle a posteriori serait mis en place par le biais des caisses des règlements pécuniaires des avocats (Carpa) pour ce type de procédure.

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je partage l’objectif de simplification de la procédure qui est au cœur de cet amendement. Ne pas alourdir le contentieux administratif par des procédures superfétatoires me paraît être de bonne gestion.

Par ailleurs, cet amendement, en ce qu’il tend à prévoir des contrôles a posteriori, ne remet pas en cause le principe posé par la loi de 1991 sur l’aide juridictionnelle, qui reste inchangé. Le bénéfice de l’aide juridictionnelle est conditionné au respect des conditions d’éligibilité, en particulier de celles qui concernent les ressources.

Cette mesure vient donc utilement compléter le cadre posé par le Gouvernement. Les procédures devant le tribunal administratif relatives à l’éloignement des étrangers, lorsqu’elles s’accompagnent d’une mesure restrictive de liberté, sont jugées en quatre-vingt-seize heures et ce sont les libertés des personnes concernées qui sont en jeu.

Cet élargissement du dispositif dans un objectif de simplification administrative de bon aloi nous paraît donc pertinent ; c’est pourquoi l’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1422.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1022 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Guillotin et MM. Requier, Roux et Cabanel, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 44

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 11° Assistance de la victime de l’infraction lors de son audition par l’officier de police judiciaire ;

« 12° Commission d’office d’un avocat par le bâtonnier ou le président de l’audience de jugement, à l’exception des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

II. – Alinéa 45, première phrase

Remplacer le mot :

onze

par le mot :

treize

III. – Alinéa 46

Remplacer la référence :

10°

par la référence :

12°

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. L’article 55 bis, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, modifie la loi de 1991 relative à l’aide juridique, en fixant les conditions dans lesquels pourra être versée une aide juridictionnelle garantie.

Il dresse ainsi la liste des différentes procédures à l’occasion desquelles l’avocat commis ou désigné d’office a droit à une rétribution, y compris dans l’hypothèse où la personne qu’il assiste ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l’AJ.

Si l’instauration d’une aide juridictionnelle garantie constitue une avancée dont nous nous réjouissons, la liste limitative proposée par le Gouvernement ne nous paraît pas suffisante. Cet amendement vise donc à y ajouter les désignations à l’audience et les désignations en urgence.

M. le président. L’amendement n° II-1385, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain et Kerrouche, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 44

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« …° assistance de la victime de l’infraction lors de son audition par l’officier de police judiciaire ;

« … Commission d’office d’un avocat par le bâtonnier ou le président de l’audience de jugement, à l’exception des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement est semblable au précédent, il nous a d’ailleurs été suggéré par le Conseil national des barreaux.

J’ai entendu l’avis favorable du garde des sceaux sur l’amendement de notre collègue Thani Mohamed Soilihi ; s’agissant d’un dispositif similaire, qui n’empêche pas la vérification a posteriori et donc le recouvrement, je présume que cet avis sera également favorable.

Il s’agit là de l’assistance de la victime de l’infraction lors de son audition par l’officier de police judiciaire (OPJ) ou de la commission d’office d’un avocat par le bâtonnier ou par le président de l’audience de jugement. La situation d’urgence et de nécessité apparaît donc clairement et justifie de compléter ces dispositions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Ces amendements visent à ajouter à la liste l’assistance à la victime d’une infraction lors d’une audition par l’OPJ et la commission d’office d’un avocat par le bâtonnier ou par le président de l’audience de jugement, sauf pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Un contrôle a posteriori des ressources de la victime d’une infraction pour s’assurer qu’elle était en droit de bénéficier de l’AJ ne paraît pas nécessaire.

Cela me semble aller beaucoup trop loin, en comparaison du dispositif de l’amendement n° II-1422. Je demande donc le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces deux amendements sont identiques dans leur objet.

Je ne sais pas ce que cela me vaudra sur mon bulletin en fin d’année, mais je ne suis pas du tout convaincu d’obtenir une bonne note ; contrairement à ce que vous subodorez, madame la sénatrice de La Gontrie, je suis défavorable à ces amendements.

À la différence du nouveau dispositif proposé par le Gouvernement, ceux-ci ne sont en effet pas compatibles avec le principe posé par la loi de 1991 selon lequel le bénéfice de l’aide juridictionnelle est conditionné au respect des conditions d’éligibilité. Il ne me paraît pas du tout souhaitable d’étendre l’AJ au-delà des situations dans lesquelles celle-ci est vraiment nécessaire.

En outre, puisque l’on parle de budget, je me permets de relever que celui-ci est en hausse de 8 %, quand celui de M. Urvoas ne l’était que de 4,5 %, soit moitié moins.

Enfin, puisque vous avez cru nécessaire d’évoquer les ordonnances, je vous indique que celle dont il est question n’a été que partiellement suspendue par le Conseil d’État. Autant être précis, madame.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1022 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1385.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 55 bis, modifié.

(Larticle 55 bis est adopté.)

Article 55 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 55 ter (nouveau)

Article additionnel après l’article 55 bis

M. le président. L’amendement n° II-1411, présenté par M. Iacovelli, est ainsi libellé :

Après l’article 55 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au IX de l’article 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la date : « 1er septembre 2021 » est remplacée par la date : « 1er septembre 2022. »

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. La création de la juridiction nationale des injonctions de payer (Junip) par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice apparaît, aujourd’hui encore, comme bienvenue pour garantir une instruction plus rapide des procédures d’injonction de payer, notamment en unifiant la jurisprudence.

Pour autant, plusieurs défis techniques sous-tendent ce dispositif, liés, notamment, à l’exigence de performances informatiques dont chacun ici saisit bien l’enjeu. C’est la raison pour laquelle notre assemblée avait adopté en juin dernier le report de huit mois de la mise en place de la Junip, dont la création doit donc intervenir au 1er septembre 2021.

Comme le souligne le rapport de la rapporteure pour avis de l’Assemblée nationale consacrée à la transformation numérique de la justice, la Junip doit s’accompagner du développement d’un applicatif numérique natif, ce qui justifie de reporter son lancement d’une année. Tel est l’objet du présent amendement.

Je souhaite insister sur la nécessité de mobiliser les moyens nécessaires à la mise en place de la Junip ; il y va de l’allégement du travail des magistrats et des greffiers.

À travers cet amendement, dont je remercie Dominique Vérien d’avoir assuré le teasing, notre objectif est bien de faire aboutir la création de la Junip, quitte à la reporter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Sans faire de teasing, j’indiquerai simplement que cet amendement vise à reporter l’entrée en vigueur au 1er septembre 2022 de la création de la Junip, prévue par l’article 27 de la de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Cette juridiction, à laquelle le Sénat est favorable, devait initialement être créée au 1er janvier 2021.

La loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire a repoussé cette date au 1er septembre 2021. Cet amendement vise désormais son report au 1er septembre 2022.

Si le Gouvernement ne souhaite plus la création de cette juridiction, il devrait en proposer la suppression, plutôt que de nous soumettre ainsi de multiples reports.

Je me suis montré conciliant sur certains amendements, soulignant l’aspect positif de cette augmentation du budget de la justice, mais je suis farouchement défavorable à ce nouveau report.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis, quant à moi, farouchement favorable à cet amendement.

Mme Sophie Primas. Quelle surprise !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous avons expertisé la question à la Chancellerie et nous en avons conclu qu’il existait des risques économiques considérables, en particulier pour les petites entreprises.

Mon exposé sera un peu long et précis, je vous demande toute votre attention et je forme le vœu qu’il vous conduise à vous ranger à la position du Gouvernement.

Nous partageons évidemment tous l’objectif initial de la réforme, qui vise à la création de la juridiction nationale des injonctions de payer, communément désignée par son acronyme Junip. Celle-ci permettra de garantir un traitement plus rapide et plus efficace des requêtes en injonction de payer et d’alléger ainsi la charge de travail des magistrats et des greffiers.

Les magistrats n’ont toutefois pas très envie d’y aller, c’est un doux euphémisme, mais ce n’est pas le problème le plus grave.

Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, cette réforme est impossible à mettre en œuvre dans les délais initialement prévus, en raison de difficultés techniques majeures liées, notamment, à la gestion des flux de requêtes en injonction de payer convergeant tous vers une juridiction unique. La Junip ne pourra pas être créée au 1er septembre 2021.

Or, en l’état du droit applicable, elle aura seule la compétence pour traiter les injonctions de payer à compter du 1er septembre 2021. On ne peut maintenir une telle situation, qui créerait une dangereuse insécurité juridique, dans la mesure où les autres tribunaux judiciaires risqueraient de ne plus pouvoir ordonner des injonctions de payer, alors même que l’instance unique, la Junip, ne serait pas opérationnelle.

Ce serait autant de contentieux de l’impayé qui retomberaient, sous forme de procédures contradictoires, dans le contentieux des tribunaux judiciaires, qui ont déjà beaucoup de travail – encore un doux euphémisme.

Le traitement des contentieux de l’impayé selon la procédure contradictoire nécessiterait la mobilisation massive d’emplois supplémentaires, évaluée à 257 emplois de magistrats et 324 emplois de greffiers. Ces deux chiffres vous permettent de mesurer la difficulté, voire l’impossibilité, dans laquelle nous nous trouverions.

Il y a donc lieu de permettre une évaluation du dispositif envisagé, en concertation avec le Parlement, et de reporter la création de la Junip au 1er septembre 2022.

Je me permets d’insister, de la façon la plus solennelle, sur l’importance de cet amendement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, 2 milliards d’euros par an de créances sont traités dans le cadre des injonctions de payer. Ne pas accorder ce report conduirait à un vide juridique qui causerait un grand tort à tous les secteurs de l’économie, notamment aux plus petites entreprises.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu’être éminemment favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous nous trouvons ici devant un cas d’école.

À écouter les explications du garde des sceaux, on comprend donc qu’une loi promulguée le 23 mars 2019 prévoyait l’entrée en vigueur d’une mesure au 1er janvier 2021 – un délai déjà décent –, que cette entrée en vigueur a connu un premier report au 1er septembre 2021 et qu’on nous demande aujourd’hui d’entériner un nouveau report au 1er septembre 2022.

À mon sens, d’ailleurs, le Gouvernement aurait dû déposer lui-même cet amendement. Lorsqu’on présente des textes insuffisamment préparés, on se retrouve dans ce type de situation !

Par ailleurs, le garde des sceaux a l’air convaincu de l’imbroglio dans lequel va se trouver cette juridiction, et, avec elle, les entreprises, mais je m’interroge sur le caractère de cavalier de cet amendement.

Comme vous le savez, les projets de loi de finances sont toujours soumis au Conseil constitutionnel et j’ai noté que, dans une décision très récente au sujet de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », ce dernier a annulé une kyrielle d’articles au motif que ceux-ci prenaient place dans un texte où ils n’avaient pas à se trouver.

Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement, parce que nous ne pouvons pas légiférer dans ces conditions.

Le Gouvernement devrait regarder de très près la situation constitutionnelle de cette disposition, qui devrait, à mon sens, revenir devant le Parlement dans un cadre plus classique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. À la suite de Mme de La Gontrie, je voudrais demander à M. le garde des sceaux pourquoi, si elle est si importante, cette mesure n’a pas été intégrée dans le texte initial ou dans un amendement du Gouvernement.

En tout état de cause, je maintiens mon avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1411.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 55 bis - Amendement n° II-1411
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Article 55 quater (nouveau)

Article 55 ter (nouveau)

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du troisième alinéa des articles 41-5 et 99-2, les mots : « au service des domaines » sont remplacés par les mots : « à l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués » et, après les mots : « estimée, », sont insérés les mots : « aux services judiciaires ou » ;

2° Après le 4° de l’article 706-160, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° La gestion des biens affectés à titre gratuit par l’autorité administrative dans les conditions prévues aux mêmes articles 41-5 et 99-2 et à l’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques. »

II. – À l’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques, après le mot : « interministériel, », sont insérés les mots : « aux services judiciaires ou ». – (Adopté.)

Article 55 ter (nouveau)
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Article 55 quinquies (nouveau) (début)

Article 55 quater (nouveau)

L’article 800 du code de procédure pénale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La demande en paiement au titre des frais de justice doit être présentée à l’autorité judiciaire dans le délai d’un an à compter de l’achèvement de la mission.

« Sauf dérogation expresse, cette demande en paiement est formée par la transmission par voie dématérialisée de l’état et du mémoire de frais au moyen du téléservice désigné par le ministre de la justice. Dans le cas où la demande est présentée par la partie prenante au-delà de ce délai, le magistrat taxateur constate l’acquisition de la forclusion. La décision est notifiée à la partie prenante dans les formes prévues par l’article R. 228.

« La partie prenante peut former un recours contre la décision constatant la forclusion dans les délais et selon les conditions fixées par les articles R. 228-1 et R. 230. La chambre de l’instruction peut relever de forclusion la partie prenante, si celle-ci établit que sa défaillance est due à une cause extérieure qui ne peut lui être imputée.

« La décision de la chambre de l’instruction relative au relevé de forclusion est insusceptible de recours. Dans le cas où la chambre de l’instruction fait droit à la demande, elle évoque le dossier au fond et procède à la taxation du mémoire. » – (Adopté.)

Article 55 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 55 quinquies (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 55 quinquies (nouveau)

Au premier alinéa de l’article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième ». – (Adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».

Article 55 quinquies (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Discussion générale

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 5 décembre 2020 :

À neuf heures trente, quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Suite du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (texte n° 137, 2020-2021) ;

Mission « Gestion des finances publiques » et articles 54 undecies à 54 terdecies ;

Mission « Crédits non répartis » ;

Mission « Transformation et fonction publiques » ;

Compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ;

Mission « Régimes sociaux et de retraite » et article 56 nonies ;

Compte spécial « Pensions » et article 74 ;

Articles de la seconde partie non rattachés aux crédits.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 5 décembre 2020, à zéro heure quinze.)

 

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du le projet de loi de finances pour 2021 a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Jérôme Bascher, Bernard Delcros, Rémi Féraud et Didier Rambaud ;

Suppléants : MM. Stéphane Sautarel, Arnaud Bazin, Antoine Lefèvre, Mmes Sylvie Vermeillet, Isabelle Briquet, MM. Jean-Claude Requier et Éric Bocquet.

nomination dun membre dune commission

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de la culture, de léducation et de la communication.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Béatrice Gosselin est proclamée membre de la commission de la culture, de léducation et de la communication, en remplacement de M. Fabien Genet.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER