M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique. Nous abordons, avec le titre IV, la recherche sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites. Nous sommes donc au cœur des sujets de bioéthique.

En matière de recherche sur l’embryon et les cellules souches, force est de constater que les divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat demeurent substantielles.

Les modifications apportées par le Sénat en première lecture se voulaient pourtant équilibrées : d’une part, sécuriser sur le plan juridique les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires pour les prémunir contre un risque contentieux encore important ; d’autre part, préserver l’éthique de notre recherche, en veillant à ce que celle-ci ne franchisse pas les lignes rouges que sont le respect de la barrière des espèces et le respect de l’intégrité du génome des embryons humains.

Fidèle à la position exprimée par le Sénat en première lecture, notre commission spéciale a rétabli ces équilibres dans le texte que nous examinons. Nous estimons en effet que le débat sur la création d’embryons chimériques ne peut être balayé d’un revers de la main et laissé à la seule appréciation de l’Agence de la biomédecine et de son conseil d’orientation.

Le Gouvernement, je le note, justifie la possibilité de créer des embryons chimériques par insertion de cellules d’origine humaine dans un embryon animal par la nécessité de mieux comprendre les mécanismes de développement embryonnaire précoces. Or le Sénat avait justement proposé en première lecture une autre solution pour ce type d’études, en permettant une extension à titre exceptionnel du délai de culture in vitro d’embryons surnuméraires, possibilité que le Gouvernement a refusée.

Assez paradoxalement, le Gouvernement préfère, pour étudier ces mécanismes, prendre le risque de transgresser la barrière des espèces. C’est un choix que je regrette, et je tenais ici à le souligner.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. Cette intervention, monsieur le président, vaudra également présentation des deux amendements que j’ai déposés sur cet article. Je me permets donc de faire appel à votre mansuétude si je devais dépasser légèrement mon temps de parole, étant entendu que je m’abstiendrai ultérieurement de présenter ces amendements.

L’examen de cet article 14 appelle deux discussions importantes : d’une part, la sécurisation des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ; d’autre part, ce que l’on peut appeler le « franchissement de la barrière des espèces », avec la possibilité de créer des embryons – rien que ça – chimériques.

S’agissant de ce deuxième point, et comme vient de l’indiquer notre rapporteure, la commission spéciale est revenue sur le texte de l’Assemblée nationale en supprimant la possibilité de créer des embryons chimériques par insertion, dans un embryon animal, de cellules souches embryonnaires humaines.

Toutefois, des amendements ont été déposés sur le texte examiné en séance, visant à réintroduire cette possibilité – pour cet article précis, un amendement du Gouvernement et un amendement présenté par certains de nos collègues.

Au cœur de l’argumentaire développé par leurs auteurs, on trouve la nécessité, pour la recherche, d’aller toujours plus loin. Je citerai notamment l’exposé des motifs de l’amendement n° 32 du Gouvernement : « Renoncer à toute étude nécessitant l’adjonction de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal, alors que de telles recherches récemment menées à l’étranger ouvrent une voie très prometteuse, reviendrait à interdire aux chercheurs français toute possibilité d’avancée dans ce domaine. »

Cet argumentaire m’amène à poser plusieurs questions sur l’opportunité de créer des embryons chimériques. Sous couvert de la science, doit-on tout autoriser ? S’agit-il de réaliser des prouesses techniques au service de l’homme… ou de la science ? Les chercheurs et scientifiques ne deviennent-ils pas, en fait, des « apprentis sorciers » lorsqu’ils manipulent ensemble cellules humaines et animales ?

Pour moi, poser la question, c’est déjà y répondre ! Je voterai donc contre ces amendements, et je le dis d’ores et déjà.

S’agissant de la sécurisation des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, j’ai déposé personnellement deux amendements : un amendement de suppression de l’article et un amendement de repli.

En effet, l’article 14 de ce projet de loi tend à dissocier les régimes applicables respectivement à la recherche sur l’embryon et à celle sur les cellules souches embryonnaires humaines.

Depuis la loi du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, ces deux types de recherches obéissent à un régime commun d’autorisation par l’Agence de la biomédecine.

La proposition visant à sortir les cellules souches embryonnaires humaines du régime légal de la recherche sur l’embryon pour les soumettre à une simple déclaration ne tient pas compte de la réalité ontologique de l’embryon humain. Cela place également les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines hors de contrôle, en les livrant à l’industrialisation.

En outre, il est important de souligner que les cellules souches embryonnaires humaines sont obtenues à partir d’embryons au stade blastocyste, c’est-à-dire dire 5 à 7 jours après la fécondation in vitro, de sorte que leur extraction implique inévitablement la destruction de l’embryon.

Au regard de l’atteinte portée à celui-ci et des enjeux liés à ce type de recherches, notamment celui de l’industrialisation des cellules souches embryonnaires, il importe que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de la recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires humaines et autorise expressément leur mise en œuvre.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter mon amendement n° 71 rectifié et, subsidiairement, si celui-ci n’était pas retenu, l’amendement n° 72 rectifié.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 71 rectifié est présenté par MM. Reichardt, Retailleau, Frassa et Houpert, Mme Pluchet, M. Mizzon, Mmes Drexler et Muller-Bronn, MM. Chatillon, Cuypers, Meurant, Laménie et Rapin, Mme Joseph et MM. Chevrollier et Le Rudulier.

L’amendement n° 144 est présenté par M. Ravier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 71 rectifié a déjà été défendu.

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 144.

M. Stéphane Ravier. Cet amendement vise à supprimer l’article 14 du projet de loi et la possibilité de mener des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines et les embryons humains.

Tout d’abord, un rappel technique : comme cela a été dit, le prélèvement d’une cellule souche embryonnaire entraîne la destruction de l’embryon. L’embryon humain étant, par définition, la forme originelle de l’humain, toute manipulation et destruction de celui-ci ne peut être considérée comme un acte banal. Nous ne parlons pas d’un simple matériau de laboratoire, mes chers collègues… Le droit ne reconnaît que des personnes ou des choses ; pour vous, l’embryon humain est-il une chose ?

Notre bioéthique est valable à partir du moment où elle fixe des lignes rouges à la recherche scientifique, afin que la finalité de progrès de cette dernière ne supplante pas l’intérêt supérieur de la dignité humaine.

Par ailleurs, la recherche sur ces cellules souches passe du régime d’autorisation préalable au régime de déclaration simple auprès de l’Agence de la biomédecine. La recherche sur les embryons est donc admise automatiquement par défaut. Cette libéralisation est un recul des lignes rouges fixées jusqu’alors par notre bioéthique.

Enfin, cet article 14 est également la porte ouverte à la recherche sur des « embryons génétiquement modifiés », EGM, pouvant être implantés lors d’une grossesse. Comme l’écologie s’est depuis toujours opposée aux organismes génétiquement modifiés, OGM, qui altèrent durablement la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes, nous refusons à plus forte raison l’implantation de ces embryons génétiquement modifiés chez la femme.

Cette perspective fait peser le risque d’un meilleur des mondes eugéniste, alliant création de chimères, extermination des gènes jugés comme mauvais et avènement d’un humain augmenté, d’un surhumain. Si nous voulons un monde meilleur, mes chers collègues, nous devons refuser l’avènement d’un meilleur des mondes !

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La suppression de l’article 14 du projet de loi empêcherait les adaptations du cadre juridique des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines, rendues nécessaires par l’évolution des connaissances et des techniques, ne serait-ce que pour instituer un délai limite de culture in vitro des embryons surnuméraires, délai qui n’existe pas aujourd’hui.

Par ailleurs, cette suppression reviendrait sur l’instauration d’un régime de déclaration préalable des recherches sur les cellules souches embryonnaires, en lieu et place, effectivement, du régime actuel d’autorisation.

Or, si le projet de loi procède à une différenciation des régimes juridiques applicables aux recherches sur l’embryon et aux recherches sur les cellules souches embryonnaires, c’est précisément pour acter la différence de nature entre l’embryon et les cellules souches qui en sont issues.

Une fois dérivées d’un embryon, les cellules souches n’ont pas la capacité de former spontanément un embryon. Elles « n’ont rien du caractère symbolique de “personne potentielle” attribué à l’embryon », comme le rappelle le Comité consultatif national d’éthique. De plus, une fois constituées, les lignées de cellules souches embryonnaires n’impliquent plus la destruction d’un embryon.

Dans ces conditions, le maintien d’un régime d’autorisation analogue à celui qui s’applique aux recherches sur l’embryon ne se justifie plus, sur le plan éthique, pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires.

Je voudrais juste rappeler de quoi nous parlons, mes chers collègues.

Avant les cellules souches embryonnaires, il y a des embryons. Ce n’est pas la recherche qui détruit ces embryons. Cette recherche est menée sur des embryons surnuméraires, résultats d’une fécondation in vitro. À la suite de l’abandon d’un projet parental, ces embryons ont été confiés, par le couple dont ils sont issus, à la recherche. Sans cela, ils auraient été détruits.

Par ailleurs, la recherche a pour but de trouver des traitements et des thérapies.

Nous avons donc des embryons surnuméraires qui auraient été détruits s’ils n’avaient pas été confiés à la recherche. Et, dès lors qu’il faut intervenir sur l’embryon pour obtenir une lignée de cellules souches embryonnaires, une autorisation est toujours requise. En revanche, une fois la lignée obtenue, il n’y a plus de raison d’imposer une telle autorisation ; il semble alors cohérent de passer à un régime de simple déclaration.

Voilà pourquoi j’émets, au nom de la commission spéciale, un avis défavorable sur les deux amendements de suppression de l’article 14.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement émet aussi un avis défavorable. Mais, effectivement, il faut peut-être reprendre un certain nombre de points.

Il n’est pas permis de fabriquer un embryon à des fins de recherche en France. C’est très bien ainsi, et ce projet de loi n’y changera rien !

Les embryons dont, en l’absence de projet parental, les parents ont autorisé l’usage pour la recherche sont actuellement au nombre de quelques milliers. Depuis 2005, il faut le rappeler, vingt protocoles de recherche sur l’embryon ont été autorisés par l’Agence de la biomédecine, dont six sont en cours. Au total, l’agence a autorisé 91 protocoles : 20 sur des embryons et 71 sur des cellules souches embryonnaires.

Il me semble donc important de bien recadrer le débat : non, les scientifiques ne se lèvent pas tous les matins en se disant : « Tiens, et si je détruisais un embryon aujourd’hui pour mener mes recherches ? »

Si des cellules souches doivent être obtenues à partir d’un embryon, on reste bien sûr dans un régime d’autorisation, et je vous rappelle les chiffres que je viens de mentionner, à savoir six protocoles en cours et un total de vingt protocoles depuis 2005.

Si, par contre, une équipe de recherche utilise des cellules souches embryonnaires qui sont observées en laboratoire depuis cinq, dix ou quinze ans, alors on peut se contenter d’une déclaration. Pour autant, elle ne peut pas les utiliser comme elle veut, avec – bien entendu, et c’est bien normal – des contrôles possibles de cette utilisation.

Enfin, pour que l’on sache vraiment de quoi on parle, permettez-moi d’indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il n’a jamais été question dans ce projet de loi de permettre la réimplantation d’un embryon génétiquement modifié. Soyons très clairs là-dessus, et ne nous laissons pas aller à imaginer que cet article le permette. Ce n’est absolument pas le cas !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.

M. Guillaume Chevrollier. La manipulation de l’embryon est un sujet fondamental, car c’est sur le vivant que nous légiférons ici. Même si, madame la ministre, je me fie complètement au discernement éthique des chercheurs, je considère qu’il est de notre responsabilité de législateur d’assurer une mission de contrôle et d’encadrement de ces recherches.

Cet article 14, qui distingue les cellules souches embryonnaires et les embryons, est stratégique. Il prévoit de remplacer une autorisation de recherche par une simple déclaration du chercheur, et c’est, une nouvelle fois, un assouplissement de la législation.

Je ferai un bref rappel historique. En 1994, la loi a semblé interdire toute recherche. En 2004, la loi a ouvert une dérogation temporaire. En 2011, la loi a pérennisé cette dérogation, puis a autorisé la recherche sous condition. En 2016, on a ouvert une dérogation dans la dérogation pour faciliter la recherche qui améliore la procréation médicalement assistée. Aujourd’hui, on supprime un certain nombre de conditions. Quelle sera la prochaine étape ?

Cet article 14 soulève de nombreuses questions, d’ordre scientifique, mais aussi sociétal, qui renvoient elles-mêmes à des questions de valeur, comme rappelé précédemment.

C’est pourquoi, à titre personnel, étant cosignataire d’un des amendements, je voterai la suppression de l’article 14. Je considère qu’il ne protège pas vraiment l’humain – en tout cas, je m’interroge.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je voudrais d’abord remercier vivement notre rapporteure pour la qualité de sa présentation, extrêmement pédagogique, qui me semble avoir permis une bonne compréhension du débat.

Mes chers collègues, il faut être très prudent dans nos paroles, car les chercheurs nous écoutent. Ils nous écoutent avec le sentiment d’une suspicion généralisée de la représentation nationale par rapport à ce qu’ils font. Non, ce ne sont pas des apprentis sorciers et, bien évidemment, la science avance, obligeant le droit à s’adapter en permanence. On ne peut pas figer les choses !

Il a été question à plusieurs reprises du caractère presque sacré de l’impossibilité de franchir la barrière des espèces. Mais c’est un processus tout à fait naturel ! On est en train de le vivre avec le covid : passé de la chauve-souris à l’homme, le virus a franchi la barrière des espèces.

J’aimerais citer un autre exemple : les organismes génétiquement modifiés. Les OGM existent précisément parce que l’on a franchi la barrière des espèces. Si certains d’entre nous, au nom du non-franchissement de la barrière des espèces, se déclarent ce soir opposés aux OGM, c’est une information majeure, et je la reprends ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE et SER.)

À l’heure actuelle, des recherches sont conduites sur les cellules souches pluripotentes pour faire progresser les thérapies cellulaires, qui permettront à l’avenir de soigner des maladies totalement incurables à ce jour. De quel droit, nous parlementaires, allons-nous empêcher ce soir le développement de thérapies qui permettront demain de sauver des vies ? Je pense par exemple, parmi ces maladies aujourd’hui extrêmement difficiles à traiter, à la mucoviscidose.

Je suis tout à fait d’accord, au regard du droit et des valeurs humaines, qui sont aussi les miennes, sur le fait qu’il faut un cadre. Mais la difficulté, c’est que notre conscience humaine, notre conscience de la réalité de la science n’avance pas aussi vite que celle-ci. Il y a un retard.

C’est pourquoi ce qui serait important aujourd’hui, dans le cadre de ce débat, ce serait de réconcilier la République et les savants ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. À mon tour, je tiens à remercier Corinne Imbert et Frédérique Vidal pour leur « tranquille » exposé de la situation, et à me joindre aux propos tout juste exprimés par mon collègue Pierre Ouzoulias.

La rupture qui existe, dans notre pays, entre la recherche et les élus est inquiétante. Certaines interventions en sont une des manifestations, avec, notamment, l’utilisation de cette expression : « Attention aux apprentis sorciers ! » Mais, mes chers collègues, où trouve-t-on des « apprentis sorciers » parmi les chercheurs de notre pays ? Quelles dérives eugéniques de la part des chercheurs de notre pays a-t-on pu constater ? Ce ne sont pas des gens qui font ce qu’ils veulent, qui, tout seuls dans un laboratoire, « tripatouillent » le vivant ! L’encadrement est réel, et il fonctionne puisqu’il n’y a pas de dérives !

Comme vous, je tiens à ce qu’il n’y ait pas de dérives, mais, pour reprendre mes propos précédents, je suis aussi attaché à ce que notre abord de la bioéthique permette de nourrir les progrès – sans naïveté, bien sûr.

La réalité, c’est que, progressivement, on utilise des lignées de cellules souches embryonnaires, mais aussi des cellules souches pluripotentes induites, qui ne proviennent même pas de cellules germinales. Ce sont des cellules indifférenciées, que l’on va éventuellement spécialiser.

Il y a là la source de possibles traitements en immunothérapie ou en médecine régénérative. La maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, certaines maladies ophtalmologiques, etc. sont l’objet de recherches et de progrès, qui vont nous amener des traitements. Et vous voudriez les interdire… Au nom de quoi ?

Je ne pourrai pas tout évoquer dans ces deux minutes trente d’explication de vote – de nombreuses autres questions ont été abordées ; nous y reviendrons au fil du débat. Mais, j’y insiste, faisons confiance à nos chercheurs ! C’est notre rôle de poser un cadre, mais ce que propose notre rapporteure dans cet article est satisfaisant. C’est un cadre minimal, que j’essaierai bien sûr d’améliorer, mais il répond à la nécessité de permettre aux recherches dans ce domaine de progresser. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. J’approuve tout à fait la rédaction retenue par la commission spéciale : c’est véritablement une position raisonnable, qui borde le dispositif et fait confiance à la recherche.

Nos chercheurs attendent un signal positif. Les découvertes relatives aux cellules souches sont tout à fait extraordinaires : demain, elles permettront de sauver des vies grâce à la médecine prédictive et ce sont nos enfants qui en bénéficieront.

En parallèle, on a bordé le dispositif afin d’éviter toute dérive : les brillantes explications des précédents orateurs sont de nature à nous en convaincre.

J’ai récemment visité le Genopole, dans l’Essonne. Nous avons évoqué hier ce lieu remarquable dédié à la thérapie génique : les scientifiques qui y travaillent ont véritablement les pieds sur terre. Leur seul but est de soigner des pathologies que l’on ne sait pas traiter aujourd’hui.

En l’occurrence, l’approche est la même. J’y insiste : notre rôle, c’est de borner le dispositif, et tel est le cas grâce à la rédaction élaborée par la commission spéciale. C’est pourquoi je soutiens cet article !

M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Merci !

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Je ne reviendrai pas sur la clarté de la présentation de ces amendements. Cela étant, je suis assez choqué d’entendre, depuis le début de nos discussions, une sorte de litanie. Certains déplorent que l’on doive sans cesse adapter les textes aux évolutions de la recherche. Mais cet effort est consubstantiel aux lois de bioéthique : par définition, on doit les réétudier en permanence en s’interrogeant sur les progrès de la science.

À plusieurs reprises, certains orateurs ont manifesté des réticences : ils rechignent à voter telle ou telle disposition de peur qu’il ne faille la revoir à plus ou moins brève échéance. J’ai même entendu hier qu’il fallait graver ce texte dans le marbre. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

J’espère bien que nous serons appelés, encore et encore, à réfléchir à l’évolution des lois de bioéthique, à mesure que les progrès scientifiques et techniques viendront améliorer le sort de l’humanité.

Je l’ai déjà dit hier : comment notre génération, comment notre assemblée pourraient-ils figer, pour les siècles des siècles, toute évolution de la loi et des techniques ? Je voterai contre ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je respecte tout à fait les opinions de nos collègues – l’embryon et les cellules souches embryonnaires sont en effet des sujets très sensibles –, mais j’estime que la commission spéciale a trouvé un point d’équilibre.

J’avais d’ailleurs voté la proposition de loi abrogeant l’interdiction de tels travaux scientifiques au profit d’une autorisation encadrée. À mon sens, cette évolution permettait de répondre aux nouvelles réalités de la recherche et, je le répète, Corinne Imbert a trouvé un bon équilibre en la matière.

Il s’agit de faciliter des recherches majeures, qui inspirent d’immenses espoirs, et je souhaite que l’on continue sur cette ligne de crête même si le chemin est difficile. Il faut accompagner les avancées de la recherche, qui ouvrent la voie à de nouveaux traitements, sans céder aux dérives du moins-disant éthique que l’on peut constater à l’étranger.

Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je ne voterai pas non plus ces amendements de suppression de l’article 14. Cela étant, je tiens à exprimer une légère divergence avec MM. Jomier et Ouzoulias.

Il ne s’agit pas de nous opposer à la science, au contraire. La recherche ne cesse d’avancer. En la matière, rien n’est gravé dans le marbre et il faut toujours se remettre en question. Mais notre rôle, ici, est de fixer des limites et de tracer un cadre. C’est précisément ce que fait cet article.

On ne peut pas se contenter de dire : « Laissons tout faire, laissons la science avancer comme elle le souhaite. » Non ! En tant que législateur, nous devons poser des limites, car de nombreuses questions éthiques se posent.

Je voterai l’article 14, tel qu’il a été retravaillé !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 rectifié et 144.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 73 :

Nombre de votants 323
Nombre de suffrages exprimés 301
Pour l’adoption 96
Contre 205

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, je vous remercie de la qualité des travaux de cette après-midi.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)