M. Jean-François Husson. On aurait pu mobiliser l’armée !

M. Olivier Véran, ministre. Je peux vous dire que ce n’est pas sur la seule armée que l’on peut faire reposer une stratégie logistique lorsqu’il s’agit de pharmaciens, de médecins libéraux et de centres de vaccination ! C’est absolument impossible.

Les ARS ont été pensées non pour piloter des crises, mais pour gérer la santé du quotidien. Leurs agents voient leur métier et leurs missions profondément bouleversés depuis le début de la crise. Je suis très fier de ce qu’ils font, parce qu’ils se donnent à fond tous les jours et tous les week-ends, alors qu’on ne les voit pas.

M. Jean-François Husson. Comme les élus locaux ! C’est pareil !

M. Olivier Véran, ministre. On en parle beaucoup. S’ils m’écoutent à leur tour, je veux leur exprimer tout le respect que j’ai pour eux, parce qu’ils se sont reconvertis pour être capables de faire face. Celles et ceux qui aident à prendre des rendez-vous et à coordonner les prises de rendez-vous dans les centres de vaccination n’ont pas été recrutés pour cela !

Par définition, la crise bouleverse les organisations. Nous devons évidemment repenser la gestion de crise, mais nous le ferons le moment venu, car on ne change pas une organisation en pleine crise sanitaire.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, le rapport de la commission d’enquête du Sénat a démontré que le Gouvernement aurait pu anticiper la deuxième vague de covid-19 bien plus tôt.

Malheureusement, monsieur le ministre, vous n’avez pas écouté les mises en garde. Surtout, vous n’avez pas tiré les leçons des échecs de la gestion de la pandémie au premier trimestre 2020.

Face à la crise, des solutions alternatives ont émergé des territoires. Les élus se sont mobilisés pour la fabrication de masques. Je pense également aux initiatives de fabrication de masques lavables au sein de la filière textile.

La commission d’enquête sénatoriale préconise d’ailleurs de promouvoir ces masques produits en France et de pérenniser la filière. La mise à disposition d’une production nationale de masques grand public mobilisables rapidement en cas de crise sanitaire est aujourd’hui nécessaire.

Monsieur le ministre, depuis lundi, l’usage des masques artisanaux est interdit à l’école et les masques de catégorie 1 sont obligatoires.

Actuellement, aucune homologation n’est prévue pour la commercialisation des masques. Que prévoit le Gouvernement pour aider les initiatives locales de production de masques de la filière textile à obtenir la certification de catégorie 1 afin de maintenir cette activité sur notre territoire ?

Enfin, monsieur le ministre, nous vous proposons d’envoyer à chaque enfant scolarisé des masques de catégorie 1, par le biais des communes ou des communautés d’agglomération. Qu’en pensez-vous ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la France a été le premier pays européen à mettre en place des normes Afnor (Association française de normalisation), avec deux catégories de filtration, pour des masques dits grand public. Cela a nécessité un important travail.

Les industriels ont été très rapidement mobilisés pour les produire, notamment dans de nombreuses entreprises françaises, ce qui nous a permis d’améliorer considérablement la capacité à protéger les Français avec des masques.

Vous le savez, les collectivités ont pleinement joué leur rôle : elles ont acquis des masques et en ont distribué. L’État a également joué le sien, puisque nous avons réalisé le troisième envoi de 45 millions de masques gratuits à 7 millions de Français précaires et le troisième déstockage de plusieurs dizaines de millions de masques à usage unique à destination des personnes qui vivent dans la rue et ne peuvent pas laver leurs masques.

Vous posez la question de l’accessibilité de ces masques. Des distributions de masques textiles grand public de catégorie 1 sont organisées via les préfectures à destination des structures associatives dans les territoires pour permettre aux enfants issus de familles modestes de se protéger.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, j’entends votre réponse sur les familles modestes, mais comment vont faire les familles qui sont aujourd’hui plongées dans la précarité, y compris celles qui gagnent le SMIC, dont on ne parle pas souvent ?

Vous savez que, à raison de 3 euros en moyenne par masque, le budget revient à 150 euros par an et par enfant. C’est un sacré souci !

J’aimerais donc savoir si vous êtes d’accord ou non avec cette proposition de fournir à tous les enfants scolarisés un masque, qu’il soit dans une famille où l’on gagne le SMIC ou dans une famille qui connaît la précarité. Je rappelle que les familles ont connu le chômage partiel et essuyé de grosses pertes de pouvoir d’achat !

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur ministre, le Sénat étant la chambre des territoires, je vous interrogerai sur le rôle de nos collectivités territoriales dans la gouvernance de cette crise sanitaire.

La pandémie que nous traversons a eu la vertu de révéler, dans certains cas, les faiblesses de la gouvernance territoriale de crise. Les conclusions de la commission d’enquête, dont je salue la finesse et la clarté, le confirment : en matière de santé, la décentralisation est insuffisante et la déconcentration reste maladroite.

La décentralisation est insuffisante. Le pilotage de la gestion de crise est apparu trop centralisé. Concrètement, les collectivités territoriales n’ont pas été suffisamment associées aux décisions. Or elles sont des sismographes indispensables pour enregistrer les signaux faibles et les spécificités de nos territoires.

Elles seules peuvent garantir un calibrage fin d’une politique de santé publique. En effet, les cibles d’une telle politique ne sont pas hors sol. Elles sont charnelles : ce sont des femmes et des hommes qui habitent des communes, des départements, des régions.

En matière de santé, la déconcentration est maladroite. Comme le soulignent les conclusions de la commission d’enquête, les agences régionales de santé, services déconcentrés de l’État, ont pratiqué une gestion de crise trop éloignée du terrain. Leur délégation départementale n’a pas pu jouer un rôle d’interface efficace avec les élus locaux.

Forts de ces constats, les sénateurs du groupe Union Centriste appellent de leurs vœux une décentralisation et une déconcentration plus agiles, plus fluides et plus profondes en matière de santé.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous les rendre possibles ? Seriez-vous d’accord pour recentrer les missions des ARS autour de l’organisation et de la coordination de la politique de sécurité sanitaire, de santé publique et de santé au travail, régionaliser la convention d’objectifs et de gestion signée tous les cinq ans entre l’État et la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), mettre en place une double expérimentation de déconcentration et de décentralisation accrues en matière de santé dans les régions volontaires, en transférant les compétences des ARS aux régions ?

Ces questions sont complexes, mais se veulent constructives. Nous restons par ailleurs attentifs au principe d’égalité de traitement, qu’une décentralisation ne doit pas menacer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous me demandez mon opinion, je vous répondrai très franchement : je ne suis absolument pas favorable à la décentralisation de la gestion des crises sanitaires aux collectivités.

Nous pourrions en discuter très longtemps dans cette enceinte. Pour ma part, j’estime que les collectivités territoriales ne sont ni outillées ni préparées pour gérer ces crises et qu’il faut un peu d’uniformité. Au reste, je constate que certains pays ayant décentralisé cette gestion ont très vite recentralisé les décisions dès lors que cela a commencé à chauffer.

Alors que l’Allemagne est composée de Länder extrêmement puissants et dotés de nombreuses compétences, quand Angela Merkel les a réunis hier pour leur proposer de maintenir un confinement dur jusqu’au 15 mars prochain compte tenu de la situation sanitaire, pas un Land n’a décidé autre chose. (M. Jean-François Husson sexclame.) On peut promouvoir la décentralisation, mais, en cas de crise sanitaire, ce n’est pas celle-ci qu’il faut.

L’Espagne répond à un autre modèle. La ministre de la santé espagnole, que j’ai eue au téléphone, m’a expliqué que la plupart des régions étaient en situation de couvre-feu renforcé, mais que l’une d’entre elles avait décidé de rouvrir les bars et les restaurants pendant deux heures le midi ou le soir, qu’une autre était en confinement complet, que l’on ne pouvait pas circuler entre certaines régions, mais que l’on pouvait encore se déplacer au sein de certaines d’entre elles. Je vous assure que je n’envie pas ces modèles très décentralisés !

Au demeurant, dans l’immense majorité des pays qui nous entourent prévalent une centralisation et une déconcentration de la politique sanitaire en période de crise.

À l’inverse, il est heureux que la décentralisation soit très importante aux États-Unis ! Cela a empêché que le président Trump fasse la pluie et le beau temps. Il a eu beau dire qu’il était contre les masques et pour la chloroquine, la plupart des gouverneurs des États, qui ont beaucoup de poids, ont pris des décisions responsables.

On le voit, tous les modèles peuvent être critiqués !

Pour ma part, c’est la façon d’être plus efficace sur les derniers kilomètres des territoires qui m’intéresse. Les acteurs doivent se parler. Fortes de leurs capacités, de leurs compétences et de leur motivation, les ARS doivent pouvoir être aussi actives que possible, avec les élus locaux, pour atteindre les publics éloignés des structures sanitaires. C’est sur ce point que nous devons renforcer notre réflexion.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, à ce stade, j’insiste sur l’absolue nécessité de renforcer, notamment en période de crise, les leviers qu’offre la démocratie sanitaire dans les différents territoires.

En effet, lors de nos auditions, il est apparu que nombre de patients, leur entourage ainsi que les associations se sont sentis complètement délaissés. Ils n’ont pas été écoutés. Certains ont probablement subi des pertes de chances et ont eu le sentiment d’être exclus.

De même, France Assos Santé souligne qu’un fort sentiment d’isolement a été ressenti chez les personnes malades et en situation de handicap ainsi que chez leurs proches aidants, parfois amenés à gérer des soins curatifs et palliatifs. En tant que responsables locaux, nous l’avons également constaté.

Ces constats reflètent que la démocratie sanitaire a été rognée, alors que les différents enjeux éthiques soulevés appelaient plus que jamais à entendre les voix des patients et celle de la société.

Les élus locaux n’ont pas été écoutés. Les régions, les départements et les intercommunalités ont, de fait, été mis sous pression. Ils ont fait de leur mieux. Il est donc nécessaire de mettre fin à la centralisation excessive du pilotage opérationnel des instances de santé, en mettant en avant les complémentarités et potentialités des différents territoires.

Par ailleurs, monsieur le ministre, dans certains territoires, une forte concurrence entre les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et le service d’aide médicale urgente (SAMU) est apparue. Il importe aujourd’hui de mettre en place des plans de continuité d’activité pour qu’ils soient plus complémentaires et non plus concurrents.

Enfin, monsieur le ministre, comment comptez-vous valoriser les différentes instances de démocratie sanitaire concernées dans la proximité et la démocratie ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, j’ai participé lundi aux travaux du conseil départemental d’analyse et de vigilance du Gers, dont j’ai parlé tout à l’heure.

Cette initiative locale peut servir d’exemple. Elle est promue par le président du département, Philippe Martin, que vous connaissez bien. Elle travaille main dans la main avec l’État et ses services. Elle réunit les professionnels de santé et des citoyens pour mettre en œuvre des initiatives locales complémentaires aux dispositifs nationaux. Je pense notamment à la mise en place de bus de tests, qui vont devenir des vaccinobus.

C’est sur ce rôle très important des élus locaux que j’ai insisté en les réunissant hier, parce qu’ils sont les plus à même d’identifier les personnes isolées, dans les milieux très ruraux comme dans les quartiers populaires. Les inégalités de santé et les inégalités sociales font que c’est parfois plus difficile d’aller au centre de vaccination. C’est la raison pour laquelle je tenais aussi à ce que les centres communaux d’action sociale (CCAS) soient présents : nous devons travailler avec eux pour que personne ne soit laissé pour compte et que l’on essaie au contraire de gommer les inégalités sociales en faisant la démarche d’aller vers ces publics.

Ce travail partenarial entre l’État, les services, les élus, les soignants dans les territoires fonctionne bien. Les exemples sont nombreux.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, comme un certain nombre de nos collègues, je reviens sur un ensemble de conclusions de la commission d’enquête, notamment celles qui touchent à la gestion de la crise, dont je rappelle que le Président de la République l’a qualifiée de « temps de guerre ». Cette gestion de crise n’a manifestement pas permis d’assurer une territorialisation dynamique des décisions qui aurait permis, nous semble-t-il, de mieux gérer la crise dans les territoires les plus touchés, notamment lors du premier acte – je pense à notre région Grand Est –, mais également de ralentir, dans un second temps, la propagation du virus.

Par ailleurs, vous n’avez pas donné aux acteurs locaux les moyens d’action qui leur auraient assuré un soutien suffisant dans le premier temps de la crise.

À cette époque, loin d’être linéaire, la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre le covid-19 s’est plutôt apparentée à une course d’obstacles. Il a fallu que les ARS trouvent la bonne trajectoire pour gérer la crise sanitaire. L’aide des départements et des communes a évidemment été nécessaire. La stratégie nationale élaborée par les services de l’État a été hésitante. La multiplication des décisionnaires a ralenti et alourdi la chaîne de commandement, inadaptée à la gestion de la crise, quand la fluidité est gage de confiance.

Monsieur le ministre, comment pensez-vous aujourd’hui remédier à cette gestion lente et désordonnée de la crise sanitaire, qui participe d’une certaine manière au climat anxiogène ressenti par les Français ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, il a beaucoup été question du Grand Est à la tribune tout à l’heure. Ce qui a été dit me gêne un peu. Je profite donc de votre question pour y répondre.

Oui, la région Grand Est a été touchée de plein fouet par la crise, mais nous avons été – moi en particulier – presque quotidiennement en contact avec la quasi-totalité des grands élus du territoire, qu’ils soient maires, présidents de département ou de région. Le Grand Est est le territoire dans lequel nous avons réalisé le plus d’évacuations sanitaires en urgence. C’est le territoire de France dans lequel le plus grand nombre de soignants ont pris le train ou la voiture pour venir prêter main-forte afin d’éviter le tri de malades à l’hôpital. La région Grand Est est celle qui nous a occupés jour et nuit pendant des semaines. J’ai donc du mal à laisser dire que la région aurait été laissée seule, abandonnée, livrée à elle-même !

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Olivier Véran, ministre. Certes, mais c’est ce qui a été dit tout à l’heure par quelqu’un de la région.

La région Grand Est est celle où j’ai dû limoger un directeur général (DG) d’ARS, que votre commission d’enquête a auditionné.

M. Jean-François Husson. Pour d’autres raisons !

M. Olivier Véran, ministre. Pas seulement, monsieur le sénateur !

M. Jean-François Husson. C’était pour le CHU !

M. Olivier Véran, ministre. Cela s’est fait en lien étroit avec les élus locaux. Je note, du reste, que, quand les élus locaux ont demandé, à la quasi-unanimité, que l’on remplace le DG de l’ARS, je me suis exécuté, ce qui n’a pas empêché que celui-ci soit auditionné pour comprendre s’il l’avait été limogé pour de bonnes raisons…

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, dans votre réponse, vous vous êtes quelque peu fourvoyé sur la raison du limogeage du directeur général de l’ARS : celui-ci s’explique par des choix que l’on pourrait qualifier d’inacceptables ou de hasardeux, comme l’ont dit un certain nombre d’élus, sur l’organisation du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy.

M. Olivier Véran, ministre. Vous semblez connaître la situation mieux que moi !

M. Jean-François Husson. Telle est la réalité, monsieur le ministre !

Par ailleurs, je vous ferai une petite proposition, qui relève du travail d’influence que le Gouvernement pourrait exercer à l’endroit des organismes d’assurance. Plutôt qu’une participation à des contributions, il eût été préférable de négocier une prise en charge par ces derniers, au titre des dépenses de prévention prévues par les contrats couvrant l’ensemble des Français via une complémentaire santé, une partie des frais engagés pour l’achat de masques. Il est encore temps de le faire ! Cela permettrait de montrer que le public et le privé peuvent travailler intelligemment au service des Français.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, pendant deux mois, la direction générale de la santé (DGS) enjoignait chaque soir les Français de faire preuve de responsabilité face au covid-19.

Aujourd’hui, nos concitoyens sont en droit de demander à l’administration de faire preuve de la même responsabilité.

Qu’est-ce que la responsabilité ? C’est l’obligation de répondre de ses actes et, le cas échéant, de ses fautes.

Je me concentrerai ici sur quelques-unes de celles qui ont été commises par la DGS. La lecture de notre rapport permet d’identifier trois fautes majeures.

La dissimulation, d’abord : mise au courant dès 2018 de la non-conformité et du caractère périssable de centaines de millions de masques, la DGS n’en informait sciemment pas la ministre de la santé.

L’impréparation, ensuite : la DGS décidait de ne pas reconstituer ce stock, toujours sans en informer le Gouvernement et, par là même, les Français.

La manipulation, enfin : la pénurie arrivée, la DGS faisait pression pour modifier un avis scientifique sur la nécessité de disposer d’un stock élevé de masques.

Dissimulation, impréparation, manipulation : trois fautes majeures, aucune responsabilité, le Gouvernement n’ayant eu de cesse de renouveler sa confiance à la DGS. Pourquoi, monsieur le ministre ? Cette position est intenable. Maintenant que la lumière est faite sur les erreurs commises, quelles conséquences comptez-vous en tirer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je ne crois pas être devant une cour de justice à devoir répondre d’accusations au nom de mon directeur général de la santé.

J’ai déjà eu à m’exprimer sur cette question. J’ai lu le rapport de la commission d’enquête ; les éléments qui y figurent ont été envoyés par le directeur général de la santé lui-même. J’ai eu l’occasion d’expliquer à plusieurs reprises qu’il avait toute ma confiance et je le remercie de l’action qu’il mène au service de l’intérêt général.

Mme Catherine Deroche. Ce n’est pas ça, la réalité !

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.

M. Vincent Delahaye. De nombreux Français seront surpris de cette réponse. Moi-même, je le suis.

Il y a tout de même eu une gestion catastrophique des masques, c’est reconnu. Il y a eu une gestion chaotique des tests. Aujourd’hui, on constate une impréparation flagrante de la campagne de vaccination. On se demande ce qu’a fait la DGS depuis le mois de septembre, alors que l’on savait que l’on allait avoir des vaccins.

Quand on est aux responsabilités, on doit rendre des comptes. Or l’impression qui domine aujourd’hui, c’est que la haute fonction publique n’en rend pas.

Monsieur le ministre, vous nous devez des explications un peu plus claires et un peu plus circonstanciées que celles que vous venez de nous donner. Je suis désolé de cette réponse, car elle ne correspond pas du tout à ce que l’on peut attendre d’une administration responsable dans notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, SER et Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Responsable, mais pas coupable !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Michelle Meunier. Monsieur le ministre, les conclusions de notre commission d’enquête ont étayé l’avis que beaucoup se sont forgé depuis un an : notre pays n’était pas suffisamment préparé à la gestion d’une telle crise sanitaire. Nos sphères décisionnelles et scientifiques étaient mal coordonnées et la communication de votre gouvernement n’a pas toujours su convaincre du bien-fondé de certaines dispositions, monsieur le ministre.

Les mois ont passé et une recherche assidue sur de futurs vaccins a porté ses fruits.

Depuis le mois de décembre dernier, plusieurs vaccins sont autorisés et leur injection est proposée selon une stratégie établie par la Haute Autorité de santé (HAS).

Cet aboutissement d’intenses recherches et de découvertes antérieures innovantes a suscité beaucoup d’espoir. Pourtant, la coordination opérationnelle pour le déploiement de la vaccination chez les publics prioritaires a connu quelques déboires au début du mois de janvier dernier : sans l’appui logistique des collectivités, ni les ARS ni les préfectures n’étaient capables de déployer les centres de vaccination. Nous avons de nouveau fait face à un manque d’anticipation en haut lieu que le tirage au sort d’un comité citoyen a vainement tenté de dissimuler.

À ce jour, les mêmes griefs persistent : pour l’injection du faible contingent de doses disponibles, les files d’attente sont gérées au jour le jour, avec quelques créneaux libérés ici et des annulations massives là.

Il a fallu attendre un mois de campagne vaccinale pour que les données opérationnelles de date de livraison et de niveau de stocks soient rendues publiques. Désormais se pose la question de l’adaptation de notre stratégie vaccinale à l’apparition des nouveaux variants.

Ma question est simple : combien de semaines faudra-t-il encore attendre pour disposer d’une information mise à jour et éclairée sur l’adaptation de notre stratégie vaccinale et sa déclinaison territoriale face à la circulation croissante des nouveaux variants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, les informations sur une évolution éventuelle de la stratégie vaccinale arriveront quand nous les aurons, c’est-à-dire quand nous saurons si les vaccins sont efficaces sur tel ou tel variant, quel vaccin il faut pour quelle personne et quand ces éléments seront validés par les autorités scientifiques françaises, européennes, mondiales.

Chaque fois que se font jour des éléments nous permettant de conforter ou de changer notre organisation de la vaccination, notamment la définition des publics cibles, nous le disons aux Français. Je continuerai à le faire.

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Monsieur le ministre, à la lecture de ce rapport, on s’aperçoit des conséquences néfastes de la difficulté à articuler les décisions de l’État, relayées localement par les ARS, et l’action des élus locaux et territoriaux.

Lorsqu’il s’agit de distribuer des masques, de commander et d’utiliser des tests ou de mettre en œuvre une campagne de vaccination, on constate des grippages. La manifestation la plus forte, c’est la réquisition de masques qui avaient été commandés par des collectivités territoriales sur un certain nombre de tarmacs d’aéroport ou les difficultés pour les acheminer.

Pourtant, l’État aurait tout intérêt à travailler de manière beaucoup plus étroite avec ces collectivités territoriales. Il aurait intérêt à le faire pour définir les politiques de lutte contre les pandémies, mais il aurait surtout intérêt à le faire pour décliner ses politiques territorialement et localement.

Il y a une évidence : les décisions que prend l’État et qui créent un certain nombre de difficultés et de l’insatisfaction provoquent des plaintes qui sont adressées en priorité aux collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, comment entendez-vous tirer profit de ce rapport, qui préconise et suggère cette meilleure articulation ? Cette question sera-t-elle traitée dans la loi 4D qui est annoncée ? En d’autres termes, comment mieux articuler politiques d’État et politiques territoriales, et comment mieux associer les collectivités territoriales ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, cela n’est pas de votre faute, mais, sur les douze questions qui ont été posées jusqu’à présent, six ou sept étaient consacrées à l’association des collectivités territoriales, et je crois y avoir déjà répondu. Évidemment, la loi 4D se fait fort de pouvoir améliorer et renforcer les liens entre l’État et ces dernières.

Toujours est-il qu’il n’existe pas de relation uniforme entre l’État et les collectivités territoriales, monsieur le sénateur. Il y a autant de relations que de collectivités territoriales et l’État, lui, ne bouge pas.

Dans une région que vous connaissez bien, pour ne prendre que cet exemple, nous avons pu travailler avec le maire de Saint-Étienne, bien qu’il ne soit pas de la majorité, pour mettre en place des opérations de testing de masse. Elles ont très bien fonctionné, ont été anticipées avec des moyens et des financements de l’État. Nous avons pu répéter ce genre d’opérations avec des élus de tous bords politiques, dans différents endroits du territoire national.

J’ai été, y compris dans la période la plus critique du printemps dernier, en contact avec des présidents d’exécutif pour les aider à acheminer des masques. Bref, certaines interactions ont été très fortes, chacun jouant de ses propres atouts.

De la fenêtre de mon bureau, je n’ai pas eu le sentiment d’être en opposition avec les élus. Certes, il en est avec qui il est difficile de ne pas être en opposition, mais ce n’est pas de la volonté de l’État… Dans l’immense majorité des cas, partout où je me rends sur les territoires, je constate que cette relation est productive et qu’elle a été conduite au bénéfice des Français.

Renforçons ce qui doit l’être, améliorons la coordination dans les territoires. De ce point de vue, la loi 4D sera une étape législative intéressante.