M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au rugby comme en politique, le pack uni fait la force. Et si le XV de France vient d’en faire la démonstration, dimanche dernier, face à l’Irlande, le code mondial antidopage en est également le symbole.

Loin d’être superflu, le code mondial antidopage est l’outil qui permet d’harmoniser les politiques, les règles et les règlements antidopage des organisations sportives et des autorités publiques internationales. Assorti de huit standards, ce code est un outil nécessaire pour protéger le sport et son éthique des différentes formes de dopage. Il est aussi, me semble-t-il, un exemple rare de coopération politique efficace à l’échelle mondiale.

Le Comité international olympique (CIO), le Comité international paralympique, les fédérations internationales, les organisations nationales et régionales antidopage : voilà autant de signataires d’un code mondial antidopage qui fait consensus, puisque près de 700 organisations sportives l’ont accepté.

Mais vous n’êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que ce code, comme tant d’autres, n’a jamais été conçu pour être un outil statique. Au contraire, il doit évoluer. Après deux révisions, en 2007 puis en 2013, le processus de révision pour 2021 est arrivé à son terme avec l’adoption à l’unanimité du code révisé en novembre 2019.

Cela ne vous aura pas échappé : le code 2021 est donc entré en vigueur le 1er janvier 2021. Pourtant, si les instances françaises sont bien évidemment signataires du code, sa mise en œuvre est aujourd’hui bloquée.

La raison en est simple : les règles issues de la nouvelle version du code n’ont pas été transposées en droit interne. Autrement dit, depuis le 1er janvier, le droit français n’est plus en conformité avec la nouvelle version du code mondial antidopage. Cela revient à constater que la France ne respecte pas la convention internationale contre le dopage dans le sport adoptée, voilà maintenant quinze ans, sous l’égide de l’Unesco.

Nous serons tous d’accord, dans cet hémicycle, pour nous résoudre à dire que la France doit respecter ses engagements internationaux. À défaut, elle s’expose à des sanctions, et non des moindres : interdiction pour notre pays d’organiser des compétitions régionales, continentales ou mondiales, et interdiction pour ses sportifs de participer auxdites compétitions.

Rien de surprenant, donc, à apprendre que la France fait l’objet d’un rappel à l’ordre. Le 11 janvier dernier, en effet, la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage a reçu un courrier de l’Agence mondiale antidopage (AMA) qualifiant de « critique » la non-conformité de notre droit avec les règles issues de la nouvelle version du code.

Ne nous voilons pas la face : c’est une mise en demeure que les autorités internationales nous adressent, nous enjoignant à nous mettre en conformité avec la nouvelle réglementation internationale avant le 12 avril 2021. Nous devons donc agir, et agir rapidement ! Sans plus attendre, nous devons autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance.

Mes chers collègues, il me semble qu’une telle autorisation est nécessaire, pour deux raisons.

Elle est nécessaire parce que nous devons permettre au Gouvernement d’assurer la mise en conformité du droit interne avec les nouvelles règles dans les plus brefs délais. N’aurions-nous pas honte d’être l’objet d’une sanction alors que notre pays s’apprête à organiser, entre autres, la coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux Olympiques en 2024 ? Cela n’est pas sérieux, et nous méritons mieux. Ne gâchons ni l’héritage de notre histoire sportive ni les retrouvailles tant espérées entre le sport et les Français.

Elle est nécessaire, également, parce que notre pays doit poursuivre intelligemment sa lutte contre le dopage. Grâce aux avancées majeures proposées dans le code mondial antidopage révisé, la France peut dès maintenant mettre à jour son action en modulant davantage les sanctions et en améliorant la protection des lanceurs d’alerte.

La France doit entamer une mise à jour à la fois formelle et intellectuelle. Jusqu’à présent, la stratégie adoptée n’était pas optimale. Ces dernières années, la réglementation avait eu pour effet de dessaisir les fédérations en matière de lutte antidopage. Le projet de loi que nous votons cet après-midi permet de créer une politique de lutte contre le dopage axée sur la collaboration entre les différents acteurs du monde du sport : une lutte transformée, avec le collectif pour état d’esprit.

Comment ? En définissant un nouveau statut pour le laboratoire d’analyses antidopage, qui sera dorénavant un organe distinct de l’Agence française de lutte contre le dopage. L’objectif est de garantir l’indépendance administrative et opérationnelle des laboratoires vis-à-vis des agences antidopage. Dans cette lutte, il n’y a pas de place pour les conflits d’intérêts.

Le laboratoire de Châtenay-Malabry, qui est depuis 2006 un département de l’Agence française de lutte contre le dopage, ne peut plus être administré par celle-ci. Mme la ministre l’a rappelé : le projet d’intégration du laboratoire au sein de l’université Paris-Saclay est en très bonne voie, puisque le transfert prendra effet le 1er janvier 2022.

Le projet de loi autorise en outre le Gouvernement à renforcer les pouvoirs de l’Agence française de lutte contre le dopage. Avec des prérogatives élargies et un dispositif de recueil d’informations simplifié, l’AFLD sera mieux armée pour combattre les comportements dopants, protéger davantage les sportifs contre les tentations offertes en ligne et réprimer plus efficacement les violations.

Vu les délais impartis et la situation dans laquelle nous sommes, le groupe RDPI appelle à la responsabilité. Le Gouvernement a apporté les garanties demandées par la commission par la voix de Mme la rapporteure ; voter contre ce projet de loi retarderait l’échéance d’une mise en conformité déjà lambine. Pire encore, cela rendrait légitime la concrétisation du risque de sanctions à venir.

Mes chers collègues, le sujet de l’éthique sportive doit l’emporter sur toute autre considération politique. C’est pourquoi nous voterons pour ce projet de loi et vous appelons à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec la lutte contre le dopage et la conformité au code mondial antidopage, nous sommes loin du sport-santé et de l’exercice physique recommandé pour tous.

Le sport est un puissant promoteur de l’exercice physique pour tous. Les disciplines sportives ajoutent à cela une dimension pédagogique via la codification de leurs règles du jeu. L’apprentissage et les entraînements développent le goût de l’effort, le dépassement de soi, dans le respect des règles, des adversaires, des arbitres et des partenaires. La communion avec les spectateurs renforce la fraternité, et la dimension esthétique de certaines pratiques sportives embellit la vie.

Mais si une alimentation saine, une réhydratation, des compléments vitaminiques sont recommandés, les limites d’une bonne hygiène de vie ne doivent pas être franchies par la tentation de créer un « humain augmenté » par le dopage.

Les limites doivent être claires et reconnues. Les franchir est une tricherie et un très mauvais exemple pour une jeunesse dont le sport participe à l’épanouissement.

Le code mondial antidopage est conçu pour ça, et il est important de mettre notre droit interne en conformité avec ses règles, au titre de l’adhésion de la France à la convention internationale contre le dopage dans le sport.

Cette convention donne une force contraignante aux décisions et aux règles édictées par l’Agence mondiale antidopage.

La financiarisation de la société et la commercialisation du sport poussent à bien des abus et à bien des fautes. Il convient donc de donner des moyens efficaces d’enquête à l’Agence française de lutte contre le dopage. L’évolution des techniques de dopage, l’utilisation de nouvelles substances imposent de faire évoluer les règles et les moyens de contrôle.

La proximité de la coupe du monde de rugby, que nous accueillerons en 2023, et des jeux Olympiques de Paris, qui se dérouleront en 2024, oblige la France à être en règle avec le code mondial et à se doter de moyens de contrôle efficaces et indépendants.

C’est pourquoi, avec la commission, nous attendons des réponses concrètes sur le pouvoir d’enquête administrative de l’AFLD, signataire du code mondial antidopage, et la garantie que le laboratoire rattaché à la faculté de pharmacie de l’université Paris-Saclay se verra attribuer les moyens nécessaires pour assurer les analyses de contrôle antidopage en toute indépendance.

Je m’inquiète cependant d’une décision récente des États-Unis, le Rodchenkov Act, adopté en novembre dernier, qui assoit l’extraterritorialité du droit américain.

Les autorités américaines peuvent désormais poursuivre toute personne impliquée dans un système international de dopage, quelle que soit sa nationalité. Comment la France se positionne-t-elle face à une décision qui pourrait saper la capacité de l’Agence mondiale antidopage à accomplir sa mission de régulateur global ?

Madame la ministre, aidez-nous, en la matière, à nager en eau plus claire et plus étale !

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Plus vite, plus haut, plus fort », cette maxime qui fonde l’esprit olympique et sportif est un appel au dépassement de soi.

Malheureusement, elle semble avoir été mal comprise par certaines et certains.

Premièrement, s’il est bien évidemment question d’éthique, il est aussi question de santé publique. On ne compte malheureusement plus, depuis le cycliste Arthur Linton en 1896, les morts consécutives à l’absorption de produits dopants.

Deuxièmement, loin de réduire les personnes dopées à de « mauvais joueurs », il faut aller aux sources du dopage.

C’est d’autant plus essentiel qu’il n’est plus question d’une pratique propre au haut niveau : le dopage se retrouve à tous les étages du mouvement sportif. En ce sens, le devoir de prévention vaut lui aussi à tous les niveaux.

La professionnalisation du sport a entraîné tout un ensemble de mutations athlétiques. Qui aurait pu penser, voilà encore une cinquantaine d’années, que des sportifs pourraient faire des pointes à plus de 40 kilomètres-heure, ou qu’un milieu de terrain pourrait parcourir plus de 15 kilomètres en un match de football ?

De surcroît, et en lien avec cette évolution athlétique, les enjeux ne sont plus les mêmes qu’auparavant pour les sportifs, ni pour les structures qui les emploient. Pression de la performance dès le plus jeune âge, enjeux économiques toujours plus grands, médiatisation et starification massives, tous ces éléments participent indirectement à la peur de la mauvaise performance et peuvent, malheureusement, être un terreau favorable à la triche.

Troisièmement, on constate que les enjeux du sport dépassent largement aujourd’hui la question du divertissement, et même de l’économie. Ne faut-il pas voir dans les systèmes institutionnalisés de dopage la marque d’une volonté de faire du sport une arme diplomatique ?

Enfin, l’évolution des sciences médicales facilite grandement l’accès à certains produits ou leur détournement à des fins de dopage. Cette situation nous met au défi.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui est le bienvenu. Je sais, madame la ministre, que vous auriez souhaité qu’il soit adopté plus tôt ; nous aussi, évidemment. Je sais aussi, et je vous en sais gré, que vous avez souhaité un dialogue constant avec la représentation nationale afin de faciliter son adoption.

Toutefois, il souffre encore de certaines limites, à propos desquelles votre engagement reste uniquement oral.

Concernant tout d’abord les pouvoirs de l’AFLD, malgré les garanties que vous avez apportées à l’Agence depuis notre réunion de commission, l’ordonnance reste extrêmement floue. Pourtant, les demandes de l’AFLD sont plutôt simples : elle souhaite être dotée des prérogatives qui lui permettraient d’exercer les missions pour lesquelles elle a été créée en 2006.

Bien évidemment, cela demande de trouver un équilibre – vous le disiez dans votre propos introductif – entre libertés fondamentales et réel pouvoir d’enquête, sur le modèle de ce qui se fait à l’AMF, l’Autorité des marchés financiers. Mais limiter la capacité d’action de l’AFLD au pouvoir de contrôle dans le cadre des prélèvements biologiques ne peut être que problématique.

D’une part, la quasi-totalité des manquements aux règles antidopage ne sont pas repérables par analyse.

D’autre part, il importe, si l’on veut faire de l’AFLD le phare français de la lutte contre le dopage, de lui donner les moyens de mener ses enquêtes dès qu’un faisceau d’indices se présente.

Concernant ensuite le transfert du Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) au sein de l’université Paris-Saclay – la question a déjà été posée –, l’université sera-t-elle accompagnée, y compris financièrement, dans sa nouvelle tutelle ?

Si oui, de quelle manière et par qui sera-t-elle ainsi accompagnée ? Quel statut le LNDD aura-t-il ? Quel lien organique entretiendra-t-il avec l’UFR de pharmacie ? Quand pouvons-nous espérer que soit créé un service commercial lui permettant de facturer ses prestations ? Son chiffre d’affaires sera-t-il suffisant pour maintenir et même amplifier son activité ?

Si non, qui viendra le soutenir ?

Vous le voyez, nous avons encore beaucoup de questions. Et selon les réponses qui y seront données, c’est toute la réussite du projet qui sera ou non sujette à caution. Soyons lucides, en effet : nous aurons beaucoup de mal à revitaliser la lutte contre le dopage avec une structuration déficiente et 2 500 contrôles en moins chaque décennie…

À ce double titre, il est tout de même regrettable que, presque un an et demi après la réunion de l’AMA à Katowice, et un an après le dépôt de ce projet de loi, nous soyons encore un peu dans le flou. Le dialogue mené ces quinze derniers jours semble avoir été plus intense et plus productif qu’au cours des douze mois précédents.

Malgré ses limites, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera ce texte, pour deux raisons.

Premièrement, parce que l’urgence nous l’impose : nous n’avons d’autre choix que de faire avec l’intransigeance bienvenue de l’AMA.

Deuxièmement, parce que ce texte contient aussi de vraies avancées, en matière d’individualisation et de proportionnalité des sanctions ou encore de protection des lanceurs d’alerte. À ce titre, madame la ministre, je souhaiterais savoir de quelle marge de manœuvre pourrait bénéficier la France pour soutenir le lanceur d’alerte Rui Pinto, poursuivi au Portugal pour son implication centrale dans la révélation des Football Leaks, dont les documents ont trait, entre autres, à des questions de dopage ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Lucien Stanzione et Bernard Buis applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – M. Michel Savin applaudit également.)

M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’adoption du premier code mondial antidopage, en 2003, deux versions l’ont fait évoluer, en 2009 et en 2015. La troisième, adoptée voilà un peu plus d’un an, lors de la cinquième conférence mondiale sur le dopage dans le sport, qui s’est tenue du 5 au 7 novembre 2019 à Katowice, en Pologne, est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Le projet de loi dont nous sommes conduits à débattre aujourd’hui vise ainsi à habiliter le Gouvernement à assurer, par voie d’ordonnance, la conformité de notre droit national avec les principes et standards du code mondial.

Rappelons que ce texte d’origine privée, donc sans effet direct, doit néanmoins être appliqué par la France, dans la mesure où nous sommes liés par la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport de l’Unesco du 19 octobre 2005, qui prévoit notamment, dans son article 3, que les États parties s’engagent à « adopter des mesures appropriées aux niveaux national et international qui soient conformes aux principes énoncés dans le code [mondial antidopage] ».

Le but du code est de promouvoir la lutte antidopage par l’harmonisation universelle des principaux éléments de cette lutte. L’objectif est de protéger le droit fondamental des sportifs à participer à des activités sportives sans dopage, de promouvoir la santé et de garantir aux sportifs du monde entier l’équité et l’égalité dans le sport.

Or la France est aujourd’hui en retard ; nous pouvons dire que nous nous trouvons dans le trio de queue européen en ce qui concerne la transposition en droit interne des prescriptions du code mondial antidopage.

Il va sans dire que, pays hôte de la coupe du monde de rugby de 2023 et surtout des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, nous ne pouvons pas nous le permettre.

Je sais néanmoins l’attachement de la France à respecter ses engagements internationaux et, plus largement, à figurer parmi les nations actives pour la préservation de l’intégrité sportive et la protection des sportifs.

À ce titre, la France, sur le fondement, notamment, du deuxième alinéa de l’article 25 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, avait engagé un vaste plan de modernisation de son dispositif de lutte contre le dopage visant à mieux prévenir ce fléau mais aussi à harmoniser son organisation avec les standards de l’Agence mondiale antidopage.

Elle avait ainsi modifié par ordonnance la procédure disciplinaire en vigueur en matière de lutte antidopage.

Or, malheureusement et encore une fois dans l’urgence, nous sommes sommés de nous mettre en conformité avec les normes édictées par l’AMA avant le 12 avril, ce qui est demain !

Cette transposition permettra de mettre en conformité le droit interne avec les principes du code mondial antidopage et ainsi d’intégrer les toutes dernières évolutions concernant la création de nouvelles violations des règles antidopage, la possibilité de moduler davantage les sanctions ou encore l’amélioration de la protection des lanceurs d’alerte.

L’un des enjeux majeurs est aussi d’assurer la séparation organique du laboratoire d’analyses antidopage d’avec l’AFLD, dans la continuité du processus de modernisation lancé avec la construction d’un nouveau laboratoire.

Enfin, cette transposition permettra de renforcer l’efficacité du dispositif de lutte contre le dopage, en facilitant le recueil d’informations par l’AFLD et la coopération entre les acteurs de cette lutte.

On attend donc de notre chambre haute qu’elle vote conforme ce texte pour répondre à cette nécessité de célérité – et je tiens à saluer l’excellent travail de notre rapporteure, Elsa Schalck.

Notre attente était forte à l’égard des engagements de l’État, qui se devaient d’être pragmatiques compte tenu des besoins inhérents à cet important chantier. Le dopage est un véritable fléau qui gangrène le sport, professionnel et amateur, et les moyens d’y faire face doivent être à la hauteur de la tâche.

L’objectif est bien d’inaugurer une nouvelle donne dans le but de fédérer désormais l’ensemble des acteurs – ministère, Agence nationale du sport (ANS), fédérations –, de développer des compétences en matière de détection du dopage et, enfin et surtout, de se doter de pouvoirs humains et financiers d’enquête structurés autour des sportifs.

Jusqu’à l’intervention, voilà quelques minutes, de Mme la ministre, nous étions plus que réservés quant à un vote conforme.

En effet, nous attendions du ministère qu’il prenne sans délai des engagements forts, d’une part, sous forme de garanties sur les moyens alloués à l’université Paris-Saclay, et, d’autre part, sur la structure même des pouvoirs d’enquête administrative accordés à l’AFLD – je citerai notamment le pouvoir de convocation et la faculté d’utiliser une identité d’emprunt par internet, pouvoirs dont disposent, je le rappelle, d’autres autorités indépendantes comme l’Autorité des marchés financiers.

En effet, aujourd’hui, la capacité d’action de l’AFLD se limite à un pouvoir de contrôle via la réalisation de prélèvements biologiques ne permettant pas de mettre en évidence l’ensemble des violations des règles antidopage prévues par le code du sport.

À ce titre, madame la ministre, l’intervention que vous venez de faire nous rassure, et je salue l’engagement, qui vient de nous être donné, d’armer comme il se doit l’AFLD pour combattre les comportements répréhensibles, dans un but de protection des sportifs avant tout. Nous attendons maintenant que vous confirmiez devant la représentation nationale les engagements du Gouvernement lors de l’examen des amendements.

Vous l’aurez compris : le groupe Union Centriste devrait voter finalement ce texte qui engage le Gouvernement dans le sens des garanties que nous demandions et que je viens d’énumérer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’harmonisation internationale des régimes de contrôle et de sanction du dopage est fondamentale. Le système ne peut être accepté et respecté par la totalité des acteurs du monde sportif que si chacun est soumis aux mêmes règles, tant dans le cadre des épreuves nationales que dans celui des épreuves internationales.

À quoi servirait l’application d’un plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes dans les activités physiques et sportives, et à quoi servirait notre politique de contrôle et de sanction, si à la moindre compétition internationale nos athlètes se trouvaient confrontés à des adversaires enfreignant la loi et violant le principe de l’équité dans la compétition ? Le talent et le travail doivent demeurer les moteurs de la performance.

Le présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance aux modifications législatives nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage, l’échelon international fixant le cadre de la réflexion et de la coopération entre les différentes agences étatiques antidopage.

La France, qui figure parmi les pays leaders dans la lutte contre le dopage, a toujours veillé à créer les conditions juridiques nécessaires à la mise en œuvre complète du code mondial antidopage, édicté depuis 2003 par l’Agence mondiale antidopage et qui fait régulièrement l’objet d’évolutions. Ce code constitue la base juridique s’imposant à l’ensemble des pays signataires de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adoptée en 2005 sous l’égide de l’Unesco.

La création de l’AMA et la rédaction du code mondial antidopage ont marqué une étape historique dans l’histoire des compétitions. Nous devons tout mettre en œuvre pour créer un environnement favorable à une opérationnalité optimale de l’Agence et du code – tel est l’enjeu essentiel de ce projet de loi.

La lutte antidopage nécessite une politique nationale et une politique internationale ; cette dernière est portée par l’AMA, dont les décisions sont parfois critiquées mais dont le rôle est incontournable. L’AMA doit être défendue et consolidée toujours davantage, notamment financièrement. Elle est financée à parts égales par le CIO, d’une part, et les gouvernements, d’autre part. Mais alors que 191 États ont adopté en 2005, à l’unanimité, la convention internationale de l’Unesco contre le dopage dans le sport, le budget de l’AMA s’élève seulement à 32 millions d’euros, soit 5 % du seul budget du PSG !

La loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs avait par avance mis la législation en adéquation avec la première version du code mondial antidopage. Puis trois révisions dudit code entraînèrent des mises en conformité de sa partie législative, successivement intervenues par voie d’ordonnance en 2010, 2015 et 2018.

Dans la continuité de cette mise en conformité régulière, il nous revient aujourd’hui d’adapter le droit national à la version du code mondial adoptée lors de la conférence mondiale de Katowice de 2019, version entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2021. La réforme organisationnelle se poursuit donc, étape après étape.

Mais le retard pris par la France a conduit l’AMA à lui adresser un rapport de mesures correctives qualifiant de « critique » cette irrégularité et lui accordant un délai de trois mois, soit jusqu’au 12 avril prochain. Il expose le pays à des sanctions lourdes de conséquences ; la France doit respecter ses engagements internationaux.

Mettons-nous un instant à la place du sportif de haut niveau et de son encadrement ; ils sont soumis à de multiples contraintes : contrôles réguliers, inopinés ou en compétition, localisation par le système dit « Adams » (système d’administration et de gestion antidopage), suivi longitudinal, etc.

Ils ne comprendraient pas que les efforts consentis soient contrariés par des difficultés, voire des entraves, à caractère administratif et institutionnel. D’où notre niveau d’exigence élevé quant à l’accomplissement des missions de l’AFLD, aux moyens qui lui sont accordés et à l’application du code mondial.

La mise en œuvre de telles sanctions aurait également des répercussions négatives en termes d’image dans la perspective de l’organisation de la coupe du monde de rugby de 2023 et des jeux Olympiques de 2024. L’enjeu est donc majeur pour la France, qui, précisément, s’est fixé des objectifs pour 2024, en nombre de médailles ou en augmentation du nombre de pratiquants ; elle doit également se fixer de hautes ambitions sur les plans déontologique et éducatif.

Concrètement, les nouveaux standards internationaux déclinés dans l’unique article de ce projet de loi offrent de réelles avancées.

Au sein de la commission d’enquête parlementaire sur l’efficacité de la lutte contre le dopage, nous avions identifié les obstacles auxquels cette lutte était confrontée : la loi du silence, l’internationalisation des trafics, internet – en quarante-huit heures, on peut se faire livrer de l’érythropoïétine (EPO) à domicile – et, parfois, les pressions politiques et les complicités institutionnelles, mais aussi les difficultés de détection de certains produits, l’apparition de nouveaux protocoles très individualisés, un paysage audiovisuel peu motivé par des campagnes de prévention, un manque d’informations transmises aux sportifs de haut niveau.

Ces difficultés demeurent, mais le contour des ordonnances envisagées dans ce projet de loi d’habilitation représente des avancées dans divers domaines : l’éducation et la prévention, la coordination des acteurs, la prise en compte des preuves non analytiques, l’individualisation des sanctions, l’actualisation de la liste des produits concernés, l’autonomisation des laboratoires, la protection des individus qui dénoncent des faits de dopage aux autorités, c’est-à-dire des lanceurs d’alerte ; tout cela va dans le bon sens.

Mais deux évolutions ont particulièrement alerté notre commission, au point que celle-ci a rejeté le texte lors de son examen le 3 février dernier, alors qu’il avait pourtant été adopté largement par l’Assemblée nationale quelques semaines plus tôt.

La première de ces évolutions a trait au statut du laboratoire d’analyses antidopage français, qui doit dorénavant être administrativement et opérationnellement indépendant de toute organisation antidopage, ce qui revient à acter sa séparation d’avec l’AFLD, qui, depuis 2006, l’administrait. Alors que le laboratoire et ses personnels doivent rejoindre la faculté de pharmacie de l’université Paris-Saclay au 1er novembre prochain, cette intégration semble souffrir d’un manque d’ingénierie et de moyens déployés.

Le laboratoire assumera lui-même le coût de son fonctionnement à partir de la rémunération des prestations qu’on lui achètera, de recettes extérieures, mais également de la subvention d’équilibre du ministère des sports, qui lui permettront de financer ses investissements. Il convient donc, madame la ministre, d’apporter les éclaircissements et les garanties indispensables à la réussite de ce projet. J’ajoute que les opérations de recherche et développement, éléments structurants de la lutte antidopage, apparaissent peu dans ce texte de mise en conformité.

Le second point d’achoppement concerne l’impossibilité pour l’AFLD, au regard du droit français actuel, de mener des enquêtes administratives, en dépit de ce que commande le code mondial antidopage. La doter de cette compétence renforcerait considérablement l’efficacité de ses actions d’investigation – je pense en particulier au pouvoir de convocation.

Sur ces points aussi, madame la ministre, nous souhaitons que les divergences apparues entre le ministère des sports et la chancellerie soient aplanies ; nous espérons que les avancées du code révisé se traduiront dans les termes de cette ordonnance.

Quant à la problématique des financements mis à disposition de l’AFLD, autorité administrative indépendante, elle demeure un véritable sujet, que notre commission, parmi d’autres, a soulevé.

Depuis la loi Herzog de 1965, qui a fait de la France le second pays au monde après la Belgique à se doter d’une législation réprimant le dopage, le Parlement a légiféré à de nombreuses reprises, avec une continuité évidente dans la recherche de l’efficacité. Cette action s’inscrit dans la durée, la France devant continuer à jouer un rôle moteur dans cette lutte, traduction d’une vision humaniste du sport. Je rappelle que la généralisation du passeport biologique et du suivi longitudinal est due à un amendement sénatorial.

Plus globalement, la lutte antidopage progresse, mais tout relâchement serait coupable. S’il semble de plus en plus difficile de passer entre les mailles du filet, les substances et les protocoles indécelables menacent toujours.

Nous sommes dans un système de tolérance zéro où la finalité est claire : l’éradication des substances prohibées. Mais il faut aussi reconnaître que la suspicion de dopage peut parfois ternir l’image d’une discipline sans preuve objectivement démontrée.

La relation sport-dopage est rythmée de drames, d’affaires, de scandales, depuis les jeux Olympiques antiques. Pour la période contemporaine, le décès du cycliste Tom Simpson, les affaires Festina, Puerto, Pistorius, Ferrari, Balco, le scandale Armstrong, le dopage d’État aux jeux Olympiques de Sotchi, les démêlés judiciaires de la Juventus de Turin, pour ne citer qu’eux, furent autant de révélateurs fracassants d’une réalité encore souvent dominée par le secret et le refus d’assumer ses responsabilités.

Les sportifs tricheurs ont souvent bénéficié d’un manque de transparence et de coopération entre les parties concernées, menaçant parfois la crédibilité même de la lutte antidopage.

La valorisation du rôle des sportifs repentis, véritables briseurs d’omerta, va dans le sens d’une meilleure connaissance du phénomène du dopage.

Les valeurs du sport, toujours prônées, mais souvent perverties, comptent la loyauté dans leur arsenal, mais également la sécurité sanitaire du pratiquant. Le dopage est bien un enjeu de santé publique. Il n’est pas lié à tel ou tel sport puisqu’il concerne l’homme face à la compétition.

Mais les mentalités évoluent : sont de moins en moins nombreuses les personnes qui pensent que le dopage n’existe pas ou n’est pas un problème dans le sport, ou qui remettent en cause la nécessité, voire les principes, de la lutte antidopage, ou bien encore qui veulent garder les yeux fermés sur ces pratiques délictuelles pervertissant la loyauté des compétitions.

Le sujet n’est plus vraiment tabou. Le combat contre le dopage est un combat juste ; nous devons en tirer les conséquences en donnant des moyens financiers et juridiques à l’ensemble des acteurs impliqués – et ils sont nombreux.

Madame la ministre, sur les trois sujets qui méritaient à nos yeux un éclaircissement et des garanties, nous prenons acte des avancées enregistrées ces derniers jours. Nous sommes prêts à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et RDPI.)