COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Georges Patient

vice-président

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 10 février 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Par lettre en date du 15 février 2021, le Gouvernement demande que la suite de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification soit inscrite à l’ordre du jour du jeudi 18 février, matin, et, éventuellement, à la suite des textes préalablement inscrits de l’après-midi et du soir.

En conséquence, l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux et sur le projet de loi relatif au code de la justice pénale des mineurs est avancé à ce soir.

Acte est donné de ces demandes.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

 
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l'efficacité de la lutte contre le dopage
Discussion générale (suite)

Code mondial antidopage et lutte contre le dopage

Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage (projet n° 198, résultat des travaux de la commission n° 335, rapport n° 334).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l'efficacité de la lutte contre le dopage
Article unique (début)

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Monsieur le président, madame la rapporteure, chère Elsa Schalck, mesdames, messieurs les sénateurs, le dopage et, plus largement, les conduites dopantes ou addictives sont un fléau en ce qu’ils menacent l’intégrité de nos compétitions sportives comme la santé de nos sportifs, professionnels et amateurs.

Au-delà, ils faussent la performance, pénalisent les athlètes propres et attaquent fondamentalement l’esprit de loyauté et d’équité, qui fonde pourtant l’essence même des compétitions sportives.

Je salue à cet égard la décision du tribunal arbitral du sport du 17 décembre 2020, qui, grâce aux investigations menées par l’Agence mondiale antidopage (AMA) durant presque quatre ans, a reconnu la responsabilité des autorités russes dans la dissimulation organisée d’échantillons positifs et un programme centralisé de dopage entre 2011 et 2015.

La crédibilité de nos compétitions et la loyauté entre sportifs passent ainsi par des sanctions exemplaires lorsque les compétitions sont faussées.

J’en suis intimement convaincue, une politique efficace de prévention du dopage est une politique qui est l’affaire de tous : sportifs, ministère chargé des sports, désormais en lien étroit avec le ministère de l’éducation nationale, fédérations, agences mondiale et française de lutte contre le dopage, corps médical, communauté scientifique, médias, sponsors, mais aussi l’ensemble du public amateur de spectacles sportifs.

Aussi, dès mon arrivée au ministère des sports, en septembre 2018, j’ai tenu à placer les enjeux d’éthique au cœur de mes priorités.

Je considère en effet que le ministère des sports doit s’investir prioritairement dans les politiques publiques liées à la protection des pratiquants, qu’il s’agisse du sport de haut niveau ou du sport amateur.

Jean-Michel Blanquer et moi-même poursuivons une politique volontariste de lutte contre le dopage et toutes les formes de conduites addictives. Cette politique associe l’ensemble des parties prenantes, au premier rang desquelles figure l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage.

Ensemble, nous développons des programmes de formation et de sensibilisation des sportifs et de leur entourage ; nous accompagnons les fédérations et les établissements du ministère dans leur campagne de prévention et l’élaboration de leur stratégie ; et nous donnons les moyens humains et financiers nécessaires à une lutte efficace contre le dopage.

L’efficience de notre politique passe en effet nécessairement par les actions concrètes que nous menons.

Durant ma carrière de nageuse de haut niveau, j’ai profondément manqué d’informations sur les produits à risque et la lutte contre le dopage. Avec Witold Banka, le président de l’Agence mondiale antidopage, lui aussi ancien sportif, je partage la même détermination à former et impliquer les sportifs dans la préservation des valeurs de notre sport.

Le plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes 2020-2024 et le guide d’accompagnement à destination des fédérations sportives illustrent ainsi l’engagement des pouvoirs publics français pour renforcer une culture commune de prévention et de vigilance, à tous les niveaux de l’organisation sportive.

Je présiderai d’ailleurs un comité de pilotage de ce plan national le 23 février prochain, pour faire un point d’étape avec tous les acteurs concernés.

L’engagement de l’État en faveur de la lutte contre le dopage est bien sûr aussi financier : en 2021, ce sont près de 12 millions d’euros que notre gouvernement investit en soutien des opérateurs de la lutte contre le dopage. La contribution annuelle de la France au fonctionnement de l’AMA s’établit, ainsi, à plus d’un million d’euros. Par ailleurs, la dotation attribuée par l’État à l’Agence française de lutte contre le dopage atteint près de 11 millions d’euros, pour permettre notamment des recrutements complémentaires ainsi qu’une augmentation du volume des contrôles, qui passeront ainsi de 7 000 à 10 000 en 2021.

Notre ambition s’inscrit dans la perspective de l’accueil à Paris des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Cet événement planétaire doit nous permettre de changer la place du sport dans notre société, de l’inscrire durablement dans le quotidien de tous et, bien sûr, d’en faire le véhicule central d’un sport propre, loyal et digne.

J’en viens plus précisément au sujet pour lequel nous sommes réunis cet après-midi, à savoir la transposition des nouvelles dispositions du code mondial antidopage dans notre droit français.

Ce code, vous le savez, n’a pas de force contraignante directe à l’égard des États. C’est donc en application de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adoptée en 2005 sous l’égide de l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) et ratifiée par la France en 2007, qu’il nous appartient de transposer les dispositions du code mondial pour assurer la conformité de notre droit national.

Permettez-moi de rappeler brièvement la chronologie qui me conduit devant vous aujourd’hui, dans le cadre d’une procédure accélérée.

La version 2021 du code mondial antidopage a été adoptée en novembre 2019 en Pologne. Dès le 19 février 2020, j’avais déposé un projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale, dont l’examen n’a malheureusement pas pu s’inscrire dans l’agenda parlementaire compte tenu des urgences liées à la pandémie.

Le 7 décembre dernier, les députés ont adopté à l’unanimité l’article unique du présent projet de loi, qui vise à habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Je l’avais dit à l’Assemblée nationale, j’aurais souhaité pouvoir offrir, pour la première fois, un débat de fond à la représentation parlementaire sur les prochaines dispositions législatives du code du sport en matière de dopage.

Malheureusement, la crise sanitaire a bouleversé notre calendrier législatif. Je suis donc contrainte de procéder, comme les précédents gouvernements, par voie d’ordonnance, avec la confiance du Parlement.

Dans le cadre des travaux parlementaires menés avec Mme la rapporteure et les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, j’ai écouté les préoccupations exprimées et tenté de lever les inquiétudes. Devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite réitérer les engagements pris par le Gouvernement.

D’abord, concernant les pouvoirs d’enquête qui seront confiés à l’AFLD par la future ordonnance, le travail conjoint mené avec l’AFLD nous a permis de considérablement renforcer les prérogatives dont disposera l’Agence pour mener le plus efficacement possible une lutte antidopage complémentaire des procédures judiciaires pouvant être parallèlement engagées.

Comme aucune autre organisation antidopage nationale, les enquêteurs de l’AFLD pourront ainsi user d’une identité d’emprunt sur internet, accéder aux locaux professionnels et sportifs, se faire communiquer tout document utile ou encore convoquer et entendre toute personne de l’entourage d’un sportif en amont d’une procédure disciplinaire.

Le travail de rédaction de l’ordonnance a été long et minutieux, car, comme vous, je suis profondément attachée à préserver les libertés individuelles et la présomption d’innocence.

Quant au transfert, en janvier 2022, du laboratoire d’analyse au sein de l’UFR (unité de formation et de recherche) de pharmacie de l’université Paris-Saclay, c’est une chance immense pour notre lutte antidopage d’intégrer ce campus récemment reconnu « initiative d’excellence » par un jury international.

Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère a accéléré la mise en œuvre d’une collaboration rapprochée avec l’université. Vous nous avez permis de faire progresser ce projet, afin d’en faire un laboratoire d’excellence ; je tiens à vous en remercier.

Désormais, un comité de pilotage se réunira tous les mois pour mettre en œuvre efficacement cette réforme et traiter de tous les sujets de façon positive.

Ce comité a vocation à élaborer le futur modèle économique du laboratoire, au travers de trois perspectives qui l’assureront de son rayonnement national et international : son fonctionnement courant, ses capacités d’investissement pérennes et la gestion de ses fonctions support.

Dès 2022, le ministère chargé des sports apportera à l’université des ressources à la hauteur de nos ambitions communes, pour la qualité des analyses, les investissements en matériels ainsi que les travaux de recherche. Une convention pluriannuelle liant l’État à l’université apportera toutes les garanties nécessaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que, pour vous, le sujet de la lutte contre le dopage ne souffre aucune polémique partisane.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Le texte de l’ordonnance, que j’ai tenu à transmettre en toute transparence à la commission présidée par M. Laurent Lafon, recueille l’accord de l’AFLD et celui de l’AMA. J’envisage d’en saisir le Conseil d’État dans les tout prochains jours, pour être en mesure de présenter l’ordonnance définitive en conseil des ministres avant la fin du mois de mars.

Ainsi, nous pourrions, ensemble, avoir finalisé la transposition législative complète avant la date limite fixée par l’Agence mondiale au 12 avril prochain.

Je tenais, pour finir, à saluer la grande qualité des travaux de Mme la rapporteure et les échanges constructifs que nous avons pu avoir.

M. Max Brisson. Très bien !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Je tiens également à remercier les équipes du ministère des sports et de l’AFLD pour leur travail, si précieux dans la rédaction du texte de l’ordonnance, qui se prolonge d’ores et déjà avec la mise à jour de la partie réglementaire du code du sport.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte sur vous pour nous permettre d’adopter ce texte dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme Elsa Schalck, rapporteure de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi d’habilitation que nous examinons aujourd’hui est très technique, puisqu’il s’agit de permettre au Gouvernement, par voie d’ordonnance, de modifier plusieurs dizaines d’articles du code du sport pour les rendre conformes aux prescriptions du nouveau code mondial antidopage, adopté à l’automne 2019 dans le cadre d’une conférence internationale organisée par l’Agence mondiale antidopage (AMA).

Si les dispositions concernées par le projet de loi sont effectivement complexes, ses principes et ses objectifs sont au contraire très simples : ils visent tout simplement à renforcer l’éthique du sport.

Les questions qui se posent sont fondamentales : comment garantir l’équité des chances entre les sportifs ? Comment s’assurer que les comportements irréguliers seront identifiés, jugés et sanctionnés ? Comment préserver la santé des sportifs, lutter contre les tentations et dissuader les tentateurs ? Comment, enfin, créer une vraie culture de la prévention, grâce à la formation et l’information des sportifs et de leurs encadrants ?

Madame la ministre, nous partageons complètement votre souhait que le nouveau code mondial antidopage, qui comprend de nombreuses dispositions utiles pour rendre l’arsenal antidopage plus efficace, puisse être adopté au plus vite.

Le dopage est un véritable fléau qui doit être combattu, car il nuit aux valeurs mêmes que le sport véhicule. Nous avons par ailleurs un devoir d’exemplarité dans la perspective des grandes compétitions que nous allons accueillir, qu’il s’agisse de la coupe du monde de rugby en 2023 ou des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Nous sommes donc résolument favorables aux dispositions prévues par ce nouveau code mondial antidopage, qui marque un changement de nature de la lutte antidopage, au travers de la mise en place d’une politique publique plus collégiale privilégiant la prévention grâce à l’information et à la formation.

Pour autant, vous comprendrez notre réticence à voir le Parlement privé, une fois de plus, de la possibilité d’examiner au fond les dispositions du code du sport concernées par le nouveau code mondial antidopage.

Vous nous l’accorderez, le Sénat n’est pas responsable du fait que nous n’examinions qu’aujourd’hui, le 16 février 2021, ce projet de loi qui aurait dû être adopté voilà plusieurs mois, pour permettre au nouveau code d’entrer en vigueur au 1er janvier 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)

Dans ces conditions, quel est le rôle du Sénat ? Devons-nous adopter ce texte sans poser de questions, pour vous permettre de rattraper un peu le retard accumulé depuis plus d’un an ?

Bien évidemment, le Sénat ne pouvait faire l’économie d’un travail de fond sur le contenu du code mondial antidopage et les problèmes engendrés par sa mise en œuvre. Nous avons donc longuement auditionné l’ensemble des acteurs au mois de janvier, afin de nous faire notre propre opinion.

Comme vous le savez, ces auditions nous ont été précieuses pour identifier au moins deux sujets de préoccupation, qui n’ont pas permis à la commission d’adopter, voilà quinze jours, le projet de loi.

Je reviendrai sur ces deux points clés. À ce stade de nos échanges, je souhaite vraiment que les enjeux du débat d’aujourd’hui soient parfaitement clairs pour chacun d’entre nous.

Nous sommes conscients de l’intérêt qu’il y a à ce que le Sénat apporte son soutien à ce texte. Nous souhaitons tous une plus grande efficacité dans la lutte contre le dopage et le nouveau volet relatif à la prévention nous semble très prometteur pour renforcer l’éthique du sport.

Nous avons bien mesuré, par ailleurs, la contrainte de la date du 12 avril 2021, qui marque le terme du délai donné par l’AMA à la France pour se mettre en conformité. Mais le respect de ce délai ne peut avoir pour effet de nous priver des réponses que nous attendons sur les points qui font encore débat, d’autant que la date du 12 avril prochain constitue seulement une étape de la procédure de mise en conformité de l’AMA. Il n’existe donc aucune épée de Damoclès au-dessus de nos têtes qui justifierait de nous priver d’un débat.

Notre débat d’aujourd’hui est utile. Je souhaite d’ailleurs saluer, madame la ministre, la qualité de nos échanges. Vous-même et l’ensemble de vos collaborateurs avez été à l’écoute de nos interrogations, et je peux d’ores et déjà indiquer que vous avez commencé à apporter des réponses très positives à nos demandes d’éclaircissement.

Il est donc important, pour tous les acteurs du monde du sport, que vous puissiez cet après-midi nous confirmer ces avancées, mais aussi nous rassurer sur les quelques points qui demeurent en suspens, comme le confirment d’ailleurs les propos que vous venez de tenir.

Quels sont les sujets sur lesquels nous souhaitons vous entendre ? Ils sont au nombre de deux.

Le premier sujet concerne les pouvoirs d’enquête administrative de l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD. Ces pouvoirs sont aujourd’hui notoirement insuffisants pour lui permettre de remonter les filières et confondre tous les intervenants. L’AFLD demande depuis des années à obtenir des pouvoirs similaires à ceux dont disposent d’autres autorités indépendantes comme l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. Or nous savons que le travail gouvernemental n’avait pas permis, jusqu’à récemment, d’aboutir sur la question de ces pouvoirs d’enquête.

Notre commission s’est donc engagée pour demander que l’AFLD dispose au moins de deux types de pouvoir d’enquête administrative : un pouvoir de convocation assorti d’un pouvoir de sanction pour les contrevenants et un droit à recourir à des identités d’emprunt, notamment pour réaliser des « coups d’achat ». Je précise que l’AMF bénéficie de ces deux compétences.

Nous le savons, vous vous êtes saisie ces derniers jours de ce dossier, qui a bien avancé. C’est pourquoi nous vous serions reconnaissants de nous préciser quels seront précisément les pouvoirs d’enquête de l’AFLD définis par l’ordonnance.

Le second sujet est également important à nos yeux puisqu’il concerne le laboratoire antidopage, qui doit quitter le giron de l’AFLD pour rejoindre la faculté de pharmacie de l’université Paris-Saclay.

Nous avons découvert, en auditionnant la présidente de cette université, que, à quelques mois du rattachement, elle ne disposait d’aucune indication sur le futur modèle économique de ce laboratoire, sur son budget prévisionnel et sur la prise en charge de sa masse salariale, alors même que le déménagement aura pour conséquence de priver le laboratoire des fonctions support que lui prodiguait jusqu’alors l’AFLD. Nous avons également été surpris d’apprendre que l’université n’avait jusqu’à présent reçu aucun accompagnement pour organiser ce rattachement.

Nous savons que, là encore, vos services se sont saisis du dossier et ont décidé de mettre en place le comité de pilotage, qui n’avait jamais été réuni.

M. Max Brisson. Il était temps !

Mme Elsa Schalck, rapporteure. Mais nous voudrions également connaître les intentions de l’État concernant le modèle économique et le financement des dépenses de fonctionnement de ce laboratoire. Il y va de l’avenir de cette université. Or, vous le savez, notre commission est également compétente en matière de recherche et d’enseignement supérieur.

Nous avons de nouveau échangé hier avec la présidente de l’université et nous souhaiterions maintenant connaître les garanties que l’État est prêt à lui apporter.

Madame la ministre, le rôle du Sénat n’est jamais de ralentir l’examen d’un texte. Il s’agit toujours de veiller à en améliorer les dispositions. Dans le cadre d’une ordonnance, il nous revient d’obtenir les éclaircissements et les garanties nous permettant de nous assurer que l’habilitation législative sera convenablement utilisée.

Notre vote de ce jour répondra, dans ces conditions, aux garanties que vous pourrez apporter à nos sujets de préoccupation. Je souhaite vivement qu’elles nous permettent de vous apporter dès aujourd’hui notre soutien à l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues : « Le sport est dépassement de soi. Le sport est école de vie. » En quelques mots, Aimé Jacquet a très bien résumé ce que représente le sport. C’est un vecteur de valeurs important dans une société. L’activité physique et la pratique sportive sont également cruciales en termes d’équilibre et de santé. La France compte des millions de licenciés sportifs s’inscrivant chaque année dans nos clubs. J’aime à dire que la vie associative est la plus belle école de la démocratie.

Le sport représente des enjeux colossaux dans le monde, à la fois financiers ou encore d’influence. Bien souvent au cours de l’histoire, la politique et la diplomatie se sont invitées dans les rencontres sportives internationales dont la visibilité était importante. Le sportif doit être l’image d’un pays, d’une génération, le symbole d’une lutte et du courage.

Le dopage dans le milieu sportif est un poison à large spectre, tant il véhicule des idées contraires à celles que je viens d’exprimer. La lutte contre le dopage est un combat de tous les instants. Les évolutions et les adaptations systématiques des législations nationales et internationales rendent efficace cette lutte. La révision du code mondial antidopage a cet objectif.

Avant d’évoquer le projet de loi qui nous réunit cet après-midi, je souhaite associer à mes propos mon collègue sénateur du Nord, Dany Wattebled, qui a mis en valeur durant l’examen du dernier projet de loi de finances les impacts importants de la crise sur le milieu sportif et associatif dans notre pays.

Dans notre département du Nord, et plus largement dans la région des Hauts-de-France, nous sommes sensibilisés – cela vous surprendra peut-être – à la pratique sportive animale en compétitions et, donc, à la lutte contre le dopage animal.

La pratique en compétitions nationales et internationales du sport colombophile est l’une des spécialités de notre territoire. La lutte contre le dopage lors de ces compétitions se fait dans le cadre de critères précis. Je sais que la lutte contre le dopage animal est aussi encadrée dans le code mondial antidopage et dans le code du sport français, et je m’en réjouis.

Le projet de loi que nous étudions tend à habiliter le Gouvernement à mettre notre droit interne en conformité avec nos engagements internationaux en matière de lutte contre le dopage. Il me semble toutefois que le recours à une ordonnance est dommageable. Le sujet est délicat, et un débat parlementaire est toujours pertinent.

Je comprends cependant les contraintes de temps dues à la situation actuelle et la nécessité d’adopter rapidement ce texte. Je salue l’exigence de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication dans ses demandes de précisions et de garanties. C’est indispensable.

La France se prépare à accueillir des compétitions d’ampleur planétaire telles que la coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques et Paralympiques. Chaque année, notre pays organise des rencontres de professionnels et d’amateurs. Le dopage n’y a pas sa place. Je salue la mise à jour par le code mondial antidopage des nouvelles catégories de substances interdites pour renforcer l’efficacité de la lutte, tout comme les modifications apportées concernant les sanctions, plus adaptables et flexibles.

Selon moi, l’Agence française de lutte contre le dopage a une mission cruciale. Elle doit être suffisamment renforcée et les entraves doivent être levées. À cet égard, j’espère que les garanties demandées par la commission seront adoptées.

Dans la mesure où je suis très attaché à l’indépendance des organismes de contrôle, les moyens financiers des laboratoires, particulièrement dans la lutte contre le dopage, sont, à mes yeux, nécessaires. Il serait impensable que, par manque d’argent, le fonctionnement du nouveau laboratoire antidopage soit restreint ou simplement empêché. Il n’est pas envisageable de sous-traiter nos analyses et, donc, notre lutte à des organismes qui seraient moins chers sur le marché.

Parce que le sport est une école de la vie, l’éducation joue le rôle de prévention. Les liens entre les échelons locaux, nationaux et internationaux sont précieux pour les règles antidopage et pour un sport propre, dont les valeurs restent celles de l’effort, du dépassement de soi, du courage et de l’esprit d’équipe.

Tous les acteurs en présence doivent partager le même objectif contre le dopage. C’est une responsabilité commune. Sans la collaboration de tous, la lutte contre le dopage perd de son efficacité. Et sans la lutte contre le dopage, le sport perd son cap, celui de rassembler, d’émouvoir, de faire vibrer et de vivre ensemble.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte si les garanties demandées par le Sénat font l’objet de réponses concrètes. (M. Claude Kern applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France doit transcrire en droit interne la dernière version du code mondial antidopage, ce avant le 12 avril prochain. L’horloge tourne !

En cas de non-conformité, notre pays s’exposera à des sanctions, avec notamment l’interdiction de la participation de ses athlètes aux compétitions sportives internationales ou d’organisation d’épreuves sur son sol, ce que personne ne souhaite.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui tend donc à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin de répondre à l’urgence de la mise en conformité de notre droit national avec le nouveau code mondial antidopage.

Pourquoi une telle urgence à agir maintenant, alors que le processus de révision du code mondial antidopage a été engagé en 2017 ? La raison tient à notre calendrier parlementaire, percuté par la crise sanitaire. Dans cette affaire, le Gouvernement ne peut être tenu responsable puisque son projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnance avait été déposé bien en amont, le 19 février 2020.

Il nous faut donc légiférer maintenant, dans l’urgence, certes, mais aussi avec responsabilité.

Sur le contenu de ce code antidopage, force est de le constater, il s’agit non pas d’une révolution, mais de quelques améliorations assez techniques et bienvenues visant à renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Sont ainsi prévus : la protection des personnes dénonçant des actes de dopage, protection bienvenue pour les lanceurs d’alerte ; la création d’une nouvelle catégorie de substances englobant les stupéfiants utilisés dans un contexte sportif ; et l’assouplissement des sanctions pour les sportifs de loisirs. Ces réformes, plutôt consensuelles, sont saluées par l’ensemble des acteurs.

Toutefois, deux points en particulier ont retenu, en commission, l’attention du Sénat et l’ont empêché de voter le texte en l’état.

Tout d’abord, concernant les pouvoirs confiés à l’Agence française de lutte contre le dopage, nous souhaitons que cette agence soit dotée de pouvoirs supplémentaires, notamment de convocation, d’audition et d’enquête. Ces pouvoirs d’enquête administrative sont d’ailleurs prévus par le nouveau code mondial antidopage.

Ensuite, pour ce qui concerne le nouveau laboratoire antidopage, qui doit désormais être indépendant pour des raisons évidentes de lutte contre les conflits d’intérêts, des interrogations subsistent sur son modèle économique et les moyens nécessaires à son fonctionnement au sein de son organisme d’accueil, l’université Paris-Saclay.

C’est pourquoi ma collègue Monique de Marco et moi-même avons décidé de cosigner les trois amendements déposés par nos collègues. Il s’agit, madame la ministre, non pas de mettre en danger le processus législatif et de prendre le risque d’une seconde lecture en cas de vote non conforme au Sénat, mais simplement de vous permettre de lever tous les doutes qui pourraient subsister, auprès de la représentation nationale et du public qui nous regarde, concernant l’ordonnance que nous examinons aujourd’hui.

Je le sais, vous avez mené un important travail de concertation avec l’AFLD, Paris-Saclay et nos rapporteurs. Le débat d’aujourd’hui est l’occasion d’en faire part publiquement. Mais ce projet de loi est aussi l’occasion d’aborder un sujet central, celui de la prévention.

Madame la ministre, je crois comprendre que votre projet d’ordonnance prévoit simplement de confier aux fédérations sportives la tâche d’organiser des actions de prévention et d’éducation en lien avec votre ministère.

L’intention est louable, mais elle reste encore déclarative. Le même reproche peut d’ailleurs être adressé au code mondial antidopage lui-même, qui fait de l’éducation et de la prévention des valeurs centrales, sans pour autant expliquer comment mettre celles-ci en œuvre.

On ne peut s’empêcher de voir dans la lutte contre le dopage les mêmes errements que ceux de nos sociétés dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants. Car les deux catégories de produits sont similaires, avec parfois les mêmes risques, les mêmes addictions et les mêmes dégâts pour la santé et l’intégrité physique. Ces questions ne seront pas simplement résolues en les limitant à la compétition du sport de haut niveau.

Le dopage n’est pas un acte accompli uniquement par des athlètes soucieux de s’assurer les meilleurs classements. C’est une pratique présente partout dans le sport, depuis les amateurs qui se procurent des produits douteux sur internet jusqu’aux sportifs de haut niveau aidés par des équipes médicales peu scrupuleuses.

Tous les sports, tous les milieux, sont concernés.

Ainsi, comme souvent, le tout-répressif montre-t-il ses limites. Il nous faut de l’éducation, de la prévention, mais aussi de l’accompagnement sanitaire, et des politiques de sortie de l’addiction.

Abstraction faite de ce débat nécessaire, auquel notre société ne pourra se soustraire encore trop longtemps, les sénatrices et sénateurs du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires reconnaissent les avancées contenues dans l’évolution présente du code mondial antidopage et souhaitent leur transcription dans le droit national.

C’est pourquoi, une fois levées les interrogations dont j’ai fait état, nous voterons ce projet de loi.