Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe a déposé une motion tendant à opposer la question préalable, car nous pensons que ce texte ne peut pas être amélioré.

Comme l’a rappelé ma collègue Laurence Cohen, sa philosophie globale est contraire au service public national de la santé que nous défendons depuis plusieurs années. Derrière les mots « simplification » et « confiance », il faut lire : « management public des hôpitaux et autonomie renforcée pour gérer l’austérité ».

La proposition de loi de la députée Rist, qui est en réalité celle du Gouvernement, est pour le moins hétéroclite mais non dépourvue de cohérence puisqu’elle tend à l’affaiblissement du service public. Plutôt que d’investir massivement et durablement dans notre système de santé, ce texte propose de ronger les murs porteurs de l’hôpital. Après un Ségur raté, vous nous proposez une loi fourre-tout qui ne répond en rien aux attentes des soignants, ni même des usagers.

Depuis trente ans, les politiques d’austérité ont entraîné la fermeture d’hôpitaux, de maternités, de centres de santé publique, de caisses d’assurance maladie. L’éloignement des services publics a créé une véritable rupture d’égalité, notamment pour les plus fragiles.

À l’heure des débats sur le séparatisme, votre politique d’affaiblissement des services publics renforce le séparatisme financier qui met son argent au Luxembourg.

Vous renforcez aussi le séparatisme économique qui licencie après avoir bénéficié de milliards d’aides publiques.

Enfin, vous renforcez le séparatisme social de celles et ceux qui n’ont pas les moyens d’accéder aux soins.

Cette proposition de loi donne l’illusion aux personnels hospitaliers qu’en contrepartie du renforcement de l’autonomie des hôpitaux, ils pourront dégager des économies suffisantes pour sortir des baisses des dotations. Quelle déception ! Quels mensonges !

Alors que certains services n’ont même plus les moyens d’acheter des couvertures pour les malades ni de renouveler le matériel vétuste, ce texte va aggraver la situation.

En renforçant l’autonomie des hôpitaux, vous accélérez la mise en concurrence des établissements publics de santé entre eux, comme si celle avec les établissements privés lucratifs et non lucratifs ne suffisait pas.

Vous créez une profession d’auxiliaire médical en pratique avancée. Vous avez certainement oublié l’activité professionnelle des infirmiers anesthésistes diplômés d’État, qui se livrent depuis de nombreuses années à un exercice de pratique avancée ! Je suis certaine que vous allez revoir votre copie et que vous allez les écouter…

Ne pensez-vous pas qu’il est temps, monsieur le ministre, de satisfaire les véritables besoins des personnels médicaux et paramédicaux ? C’est urgent et nécessaire. Arrêtez donc de présenter des lois qui ne sont que du bricolage à cinq sous !

Les personnels ont besoin de considération, de recrutements, de revalorisation salariale et d’amélioration de leurs conditions de travail. Telles sont les solutions pour remédier à la pénurie.

Plutôt que de renforcer le pouvoir des chefs de service, il faut renforcer la démocratie sanitaire et garantir une meilleure représentation de l’ensemble des usagers, des personnels et étudiants en santé, dans la prise de décision.

La réforme des universités qui a suivi le même chemin que celle de la santé offre un exemple instructif. Le renforcement de l’autonomie des facultés s’est traduit par une baisse du budget de l’enseignement supérieur de 10 % entre 2008 et 2018. Dans le même temps, le nombre d’étudiants progressait de 20 %.

L’accélération de l’intégration des hôpitaux dans les GHT, prévue à l’article 7, ne répond absolument pas aux revendications des personnels hospitaliers. Elle éloigne des usagers les dispositifs de santé dont ils pourraient avoir besoin.

Votre dispositif anti-intérim se retourne contre les directeurs d’établissement, qui devront fermer des services plutôt que recourir à l’intérim s’ils veulent éviter les sanctions financières. Il conviendrait au contraire de sanctionner les entreprises de travail temporaire qui ne respectent pas le plafond de rémunération.

Nous proposons de rétablir les gardes de nuit, du week-end et des jours fériés, en indemnisant correctement les médecins qui effectuent ces astreintes.

Quant aux besoins des personnes en situation de handicap, vous y répondez par la mise en place d’une plateforme unique d’accès aux droits. Pourquoi pas ? Il est en effet indéniable que l’accès aux droits est un vrai parcours du combattant tant pour ces personnes que pour les aidants.

Cependant, où sont les mesures pour les établissements médico-sociaux ? Où sont les revalorisations salariales ? Les décrets pris à l’automne ont exclu du Ségur de la santé les personnels exerçant dans ce secteur. Or la négociation en cours pour la fusion des conventions collectives risque de dégrader encore leurs conditions de travail. Un numéro vert ou une plateforme peuvent être un progrès, mais celui-ci ne doit pas cacher la misère !

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a révélé les limites de notre système de santé. Elle nous a aussi permis de « reprendre » conscience du travail remarquable réalisé au quotidien par tous les professionnels qui participent à notre parcours de santé. Sommes-nous à la hauteur de leur investissement ? Répondons-nous clairement à leurs attentes légitimes ?

Lancé en mai 2020, à l’issue du premier confinement, le Ségur de la santé a suscité beaucoup d’espoirs. Cet effort inédit est incontestablement une belle avancée. En revanche, nombreux sont ceux qui nous disent avec amertume qu’il ne s’agissait pas du Ségur de la santé mais plutôt du Ségur de l’hôpital public

Jour après jour, les parlementaires ont été et sont encore interpellés par des professionnels qui se retrouvent exclus des revalorisations sans en comprendre les raisons. Récemment, ce sont les personnels de certains établissements médico-sociaux qui nous ont alertés.

À la fin de l’année dernière, nous étions soixante-quatre sénateurs à interpeller le ministère de la santé pour qu’il trouve une réponse adaptée à l’ensemble des professions « oubliées du Ségur ».

Aujourd’hui, nous examinons la proposition de loi de notre collègue députée, Mme Stéphanie Rist, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Elle a pour objet de concrétiser les mesures non budgétaires du Ségur de la santé signé par les partenaires sociaux.

Avant d’entrer dans le détail de l’examen du texte, je souhaite vous faire part de quelques remarques générales.

Alors que nous examinons cette proposition de loi composée de trente-cinq articles dans le cadre d’une semaine gouvernementale, l’ordre du jour prévoyait initialement de ne lui consacrer qu’une seule et unique demi-journée. Cela promettait un examen au pas de course ! Je salue donc l’ouverture de la journée de jeudi pour examiner ce texte dans de bonnes conditions.

Une proposition de loi ne permet ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État. Je le regrette, car ce texte porte sur des questions fondamentales.

Un autre sujet qui m’inquiète tient au peu d’enthousiasme qu’ont manifesté celles et ceux que j’ai entendus lors des auditions. Les demandes d’entretiens et le nombre d’amendements proposés corroborent ce sentiment d’un manque total d’adhésion à cette proposition de loi. Je ne peux que regretter que les uns se sentent injustement écartés, quand les autres sont pour le moins déconcertés. Nous devons y prendre garde, car nous ne sommes pas loin d’observer une réelle démotivation des professionnels.

Je salue notre rapporteur, Alain Milon, qui a mené un important travail d’auditions auquel j’ai essayé de participer le plus possible, ce qui m’a permis de livrer ce témoignage sur le manque d’enthousiasme suscité par le texte.

Enfin, cette proposition de loi se veut la traduction de la partie non budgétaire des conclusions du Ségur de la santé. Force est de constater qu’elle n’atteint pas cet objectif, puisque seulement cinq des trente-trois mesures du Ségur se retrouvaient dans le texte de commission de l’Assemblée nationale.

J’entends les arguments de son auteure : « Nombre de mesures attendues par les professionnels de la santé relèvent du niveau réglementaire et des ordonnances prévues dans le cadre de la loi Ma santé 2022, et ne figurent donc pas dans ce texte. »

Cependant, nous sommes en droit de nous interroger sur l’intitulé de cette proposition de loi. Vise-t-elle réellement à améliorer notre système de santé par la confiance et la simplification ? J’en doute.

S’il y a urgence à redonner de l’attractivité aux carrières au sein des hôpitaux publics, les sentiments d’injustice et de frustration ne cessent de monter sur le terrain. Il faudra un jour y répondre !

Je m’arrête là pour les considérations générales, et j’en viens aux articles de la proposition de loi.

Je commencerai par ce que je considère comme des avancées bienvenues. Il s’agit du chapitre II relatif à l’évolution des professions de sage-femme et de certains auxiliaires médicaux.

Si les articles 2 et suivants n’engagent pas de révolution, ils sont autant de bouffées d’oxygène pour les professions concernées et surtout pour les patients. Il conviendrait d’amplifier ce mouvement.

Aussi, une fois n’est pas coutume, je ne partage pas la position de notre rapporteur – qu’il me pardonne ! – sur l’article 2 quinquies B qui permettait aux sages-femmes d’adresser leurs patientes à un médecin spécialiste, sans pénaliser celles-ci en termes de remboursement des frais de soins par l’assurance maladie.

Je ne crois pas que cette disposition induise une confusion dans la logique du parcours de soins coordonné, articulé autour du médecin traitant. C’est au contraire une mesure de simplification du parcours des patientes qui serait bienvenue, d’autant qu’elle est conforme à l’objet de la proposition de loi.

Nous le savons, le temps de la grossesse est un temps à part dans la vie d’une femme. Les sages-femmes n’ont donc pas vocation à se substituer aux médecins.

Aussi, dans un objectif de simplification du parcours de santé et d’un meilleur accès aux soins, j’ai déposé plusieurs amendements pour amplifier ce qui restait à l’état d’esquisse dans ce chapitre II.

J’appelle cependant le ministre à la vigilance sur le fait que nous ne pouvons pas étendre indéfiniment le champ d’intervention de ces professionnels sans améliorer leur statut.

Concernant la mesure phare portée initialement par l’article 1er, je partage en tout point l’analyse de notre rapporteur. Introduire une nouvelle strate de professionnels de santé ne peut se faire sans l’assentiment des principaux concernés. Cela n’a pas été le cas. Dont acte.

Le chapitre IV relatif à la gouvernance des établissements publics de santé suscite de vives réactions. Nombreux sont les acteurs de proximité qui ne comprenaient pas que les préconisations du professeur Claris n’aient pas été reprises. Je remercie notre rapporteur d’avoir respecté ce travail unanimement salué en réécrivant ces articles.

Dans la même dynamique, l’article 5 modifié par la commission est bienvenu tant la notion de « service » fait consensus chez les professionnels.

Enfin, nous ne pouvons que souscrire à l’objectif d’associer davantage le personnel soignant à la gestion de l’hôpital, notamment par le biais de l’élaboration du projet médical, dont la finalité est de répondre aux besoins de santé de la population.

Pour conclure, cette proposition de loi a fait naître des sentiments très ambivalents, oscillant entre l’espoir et la déception. Les mesures contenues dans le texte ne parviennent pas à se hisser à la hauteur des ambitions et des attentes bien légitimes de celles et ceux qui donnent le meilleur d’eux-mêmes en cette période particulièrement éprouvante.

Le Sénat apporte un certain nombre d’améliorations salutaires. Aussi, le groupe Union Centriste votera favorablement le texte ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc de la commission.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains que ce texte ne simplifie pas plus qu’il ne crée davantage de confiance.

À l’issue de son passage en commission au Sénat, neuf articles ont été supprimés. Le texte a un peu dégonflé, sans atteindre toutefois la taille usuelle d’une proposition de loi. Le rapporteur a procédé à un important travail de réécriture sur de nombreux sujets complexes et pourtant absolument essentiels pour notre système de santé.

Nous ne pouvons que déplorer le rejet de la motion de renvoi à la commission, qui aurait pu nous octroyer le temps nécessaire pour effectuer un travail à la hauteur des enjeux, en pleine conscience notamment des ordonnances en préparation.

Monsieur le ministre, vous faites le choix d’un examen du texte bâclé. Or nous considérons que les soignants mobilisés depuis un an pour faire face aux différentes vagues de l’épidémie méritent mieux.

Je m’attarderai brièvement sur quelques articles qui ont particulièrement retenu notre attention.

L’article 1er, supprimé par le rapporteur, visait à créer une profession médicale intermédiaire entre infirmiers et médecins sans en détailler les modalités techniques et juridiques. Face au mécontentement général, il est devenu une simple demande de rapport dressant un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération. Or ce sont ces mêmes protocoles de coopération que l’article 1er bis visait à étendre, avant donc qu’ils ne soient évalués ! Cherchez la logique…

L’article 1er bis n’était, en outre, guère compréhensible dans sa version initiale, puisqu’il avait pour objet d’étendre les protocoles de coopération à tout le champ de l’exercice coordonné, alors même que les dispositions votées dans la loi Santé de 2019 sont encore à peine appliquées.

Le chapitre II introduit quelques dispositions attendues et réclamées par les sages-femmes depuis longtemps. Même si c’est un progrès, d’autres professions nécessitent encore qu’on leur prête attention. Par exemple, le rôle des infirmières et des infirmiers dans l’offre de soins demeure insuffisamment reconnu. Nous proposerons des amendements pour que de nouvelles compétences leur soient octroyées.

En ce qui concerne la gouvernance de l’hôpital, l’article 5 part d’une intention positive, puisqu’il a pour ambition de réaffirmer le rôle des services et du chef de service. Nous pensons en effet que ces derniers constituent une unité pertinente dans la prise de décision, d’organisation et de mise en œuvre de l’offre de soins, et que les réformes successives de l’hôpital les ont trop éloignés des instances décisionnelles.

Pour autant, l’article 5 procède-t-il réellement à ce changement de cap ? Je ne le crois pas, et je doute que nous puissions promettre aux personnels hospitaliers le changement qu’ils attendent, si nous ne posons pas clairement la question de la répartition des compétences entre les pôles d’activités et les services.

Dans la même logique, nous défendons une place plus importante donnée à la parole des personnels paramédicaux représentés au sein de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques. La gestion de la crise de la covid à l’hôpital a souvent permis de « mettre autour de la table » la direction, les médecins et les soignants, dans le cadre d’un travail collectif pour organiser la prise en charge. Les verrous financiers ne sont pas les seuls à être passés au second plan pendant cette crise : celui de la verticalité, souvent bureaucratique, qui caractérise la prise de décision à l’hôpital a lui aussi sauté temporairement. Telle est la direction dans laquelle il nous faut travailler pour faciliter la reconnaissance de l’implication des soignants dans la prise en charge quotidienne des patients.

Pour cette raison, nous nous opposerons aux dispositions de l’article 6 qui prévoient la fusion de la commission médicale d’établissement et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT).

Nous sommes convaincus qu’il faut au contraire conforter une plus grande autonomie de la CSIRMT, et par conséquent ne pas permettre une telle fusion.

L’article 8 vise à introduire la possibilité pour un établissement de santé, sur son initiative, de déroger à une organisation des soins en pôles d’activités, ou d’adopter une gouvernance sans directoire, qu’il s’agisse de la CME ou de la CSIRMT.

Il nous paraît surprenant d’avoir introduit dans le texte plusieurs articles visant à modifier la gouvernance de l’hôpital, afin d’accorder davantage de place aux services et aux soignants, alors que cet article 8 permettrait d’y déroger ! De plus, celui-ci ne répond à aucun souhait exprimé sur le terrain et il ne satisfait aucune demande formulée dans les rapports Claris et Notat.

Enfin, la proposition de loi s’achève sur un énième article décevant sur le handicap. Le Ségur de la santé n’a-t-il pas d’autres ambitions pour le secteur médico-social que la commande d’un rapport et l’instauration d’une plateforme en ligne venant s’ajouter à un numéro vert déjà en place et dont tout le monde s’accorde à dire qu’il ne remplit pas son rôle ?

Monsieur le ministre, il est difficile de masquer notre grande insatisfaction, voire notre colère, alors que nous entamons l’examen de ce texte.

Vous avez refusé d’inscrire le sujet de la gouvernance dans les discussions du Ségur de la santé. Or cette proposition de loi, censée mettre en œuvre les mesures issues de ces discussions, comprend plus d’une dizaine d’articles, et non des moindres, sur la gouvernance !

La vérité, c’est que seulement quatre ou cinq mesures du Ségur figurent dans ce texte.

La vérité, c’est que vous avez refusé d’ouvrir des états généraux de l’hôpital public qui auraient permis de traiter convenablement de l’organisation et de la gouvernance de l’hôpital.

La vérité, c’est que l’on attend toujours le Ségur de la santé publique.

La vérité, c’est que vous nous demandez de voter cette loi dans la confusion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du coronavirus aura eu un mérite : celui d’avoir mis en lumière l’état d’extrême fragilité, pour ne pas dire de délabrement, dans lequel se trouvaient nos hôpitaux, conséquence d’un abandon délibéré des pouvoirs publics, qui ont considéré la santé des Français comme un luxe qu’il convenait de réduire au nom d’une gestion financière saine.

Le résultat de l’approche prioritairement financière de la santé, nous le connaissons : le deuil des familles, la fatigue et la colère d’un personnel médical dont le courage ne suffit plus à encaisser la mutation du serment d’Hippocrate en discours d’hypocrite de la part de leurs ministres de tutelle successifs.

Le mal ne se résume pas à l’état catastrophique dans lequel se débat l’hôpital public. Il frappe tous les domaines liés à la santé. Au manque de places, d’équipements et de personnels dans nos hôpitaux s’ajoutent la pénurie de médecins en ruralité, la suradministration, les numerus clausus étriqués et dépassés, la disparition de notre production nationale de produits pharmaceutiques – qu’il s’agisse des masques chirurgicaux, mais aussi des vaccins et des médicaments –, l’abandon par l’État des chercheurs et des entreprises innovantes, les restrictions budgétaires sans vision de long terme imposées par Bruxelles.

Or, dans un pays qui se veut l’un des plus riches, des plus accueillants, des plus protecteurs, la santé des citoyens ne devrait pas être considérée d’abord comme un coût, mais comme un investissement. Ce texte est encore bien éloigné d’une telle perspective.

Les leçons de la crise sanitaire, qui est loin d’être terminée, ne sont manifestement pas tirées. Se préparer au pire, pour éviter de le vivre ou de le revivre, n’est toujours pas à l’ordre du jour.

Continuer de refuser le principe de précaution est une erreur, et refuser la souveraineté et donc l’indépendance sanitaire est une faute.

Dans cette proposition de loi je retiendrai et soutiendrai néanmoins la revalorisation de la profession de sage-femme.

En effet, les sages-femmes sont les garantes d’un accompagnement personnalisé optimal pour les femmes et les nouveau-nés. Elles mettent en place les meilleures conditions pour que se développe la natalité française, dans un contexte où l’on craint pour l’avenir. Elles suivent et rassurent les femmes pendant la grossesse, assurent l’accouchement et accompagnent la mère et l’enfant pour les soins de post-natalité.

Je soutiendrai dans ce texte l’élargissement du périmètre de leur activité. Trop souvent considérées comme exerçant une profession paramédicale, les sages-femmes doivent pouvoir varier leurs prérogatives médicales et obtenir une rémunération à la hauteur de leur diplôme, de leur statut et surtout de leurs responsabilités.

Cependant, le salaire ne fait pas tout, et il n’efface pas l’épuisement. Tout cela ne servira à rien si l’on n’augmente pas le nombre de sages-femmes.

Le mouvement populaire « Une femme = une sage-femme » pointe l’insuffisance des effectifs qui conduit à une prise en charge des patientes insatisfaisante, dans bien des cas.

Si nous souhaitons adapter les compétences des sages-femmes aux demandes actuelles, veillons aussi à introduire, dans les prochaines lois de finances, des crédits permettant une revalorisation de leur statut ainsi qu’un accroissement du personnel et des moyens mis à leur disposition, notamment en matière de formation.

Dans l’ensemble, alors que tout devrait être revu de fond en comble, ce texte présenté dans la précipitation manque cruellement d’ambition.

Pourtant, nous le savons, les économies d’hier nous coûtent très cher aujourd’hui, et pas seulement financièrement.

Malgré ces insuffisances et devant l’urgence de la situation, je voterai ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Ségur de la santé a prévu des aides importantes de revalorisation, avec un rattrapage à hauteur de 8 milliards d’euros pour les salaires et une aide de 19 milliards d’euros pour l’investissement. Cette proposition de loi a pour objet d’apporter des précisions sur la mise en œuvre des mesures concernant les soins, le management et la gestion de l’hôpital.

Il est important de débattre pour améliorer ce texte. C’est ce que fait le Sénat, et je voudrais saluer le rapporteur qui a œuvré en ce sens.

La création de l’exercice d’infirmier en pratique avancée, accessible après trois ans, est une bonne initiative. Le médecin généraliste est déjà bien secondé par les infirmiers dans la surveillance des maladies chroniques, qu’il s’agisse du diabète, des traitements anticoagulants, de l’insuffisance respiratoire ou rénale, des troubles psychiatriques ou encore du suivi de l’état général des patients. Toutes ces pratiques sont bien intégrées dans les maisons de santé où les infirmières et les médecins travaillent de concert avec les pharmaciens, dans le cadre de la société interprofessionnelle des soins ambulatoires (SISA)

Je ne suis pas favorable, à ce stade, à la création d’une nouvelle profession médicale intermédiaire. Mieux vaut privilégier le dispositif de pratique avancée, en incluant les infirmiers anesthésistes, comme le propose mon collègue Alain Marc.

En revanche, nous devons mieux travailler avec les pharmaciens, qui contrôlent les ordonnances et conseillent les patients, qui sont des acteurs de premier plan en matière de prévention, qui participent aux vaccinations et font des substitutions de médicaments, mais qui ne sont pas autorisés, pour l’instant, à prescrire un médicament pour les cystites, pas même un examen d’urine. Commençons par améliorer l’existant plutôt que de créer une nouvelle profession !

Le pharmacien est un maillon essentiel dans l’organisation des soins, et ces officines sont ouvertes du lundi au samedi.

À ce sujet, je souhaite réagir aux propos quelque peu méprisants qu’une élue du Bas-Rhin a récemment tenus. Nous devons au contraire applaudir les pharmaciens et saluer leur dévouement et leur sérieux.

En ce qui concerne l’évolution des compétences des sages-femmes, aucun obstacle médical ne s’oppose à ce qu’elles prescrivent des arrêts de travail au-delà de quinze jours. Je suis également favorable à ce qu’elles puissent prescrire l’examen de dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) du conjoint de leur patiente.

L’article 3 vise à simplifier le recrutement des praticiens hospitaliers. En effet, il faut donner aux établissements la possibilité d’être plus réactifs en simplifiant les procédures trop lourdes. Il faut aussi revaloriser les salaires.

L’article 5 tend à donner plus de place à la CME ainsi qu’au chef de service, dont il reste à préciser le rôle par rapport au chef de pôle. Il vise aussi à mieux associer le personnel, les internes et les paramédicaux au projet de l’hôpital.

L’article 7 avait pour objet de renforcer l’intégration des GHT par le prisme des directions communes. Cela permettait, avec l’accord des élus locaux et des CME, de développer une vision cohérente du territoire. Cette direction commune entre établissements d’un même GHT me semble être la solution la plus efficace et la plus adaptée pour mettre en œuvre un projet médical partagé avec l’établissement support, en veillant dans la mesure du possible à faire du département l’échelon préférentiel d’organisation du GHT.

Je soutiendrai l’amendement de mon collègue Franck Menonville visant à renforcer le rôle des élus locaux au sein des conseils de surveillance.

L’article 7 bis a pour objet la création d’un service d’accès aux soins non programmés qui aura pour tâche d’améliorer la demande de soins en amont des urgences, et de diriger les patients vers un professionnel de santé pour une consultation sans rendez-vous.

Nous devons mettre en place ce dispositif sur l’ensemble du territoire. Là où il n’y a pas de centre hospitalier, ce service devra reposer sur les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et il faudra organiser une sorte de garde avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

L’article 10 vise à lutter contre les abus de l’intérim médical. Il faut savoir que les établissements sont dépendants de ce recours pour assurer la continuité des soins, notamment dans certaines spécialités. C’est en revalorisant la rémunération des gardes que l’on diminuera le recours à l’intérim.

Monsieur le ministre, faire confiance et simplifier sont des objectifs que l’on pourrait appliquer aux départements, en leur confiant la responsabilité de l’ensemble du dispositif de maintien à domicile des personnes âgées et des personnes handicapées, ce qui inclut la gestion des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). La coordination des intervenants serait facilitée, grâce au numéro d’appel unique. Pourquoi ne pas confier aussi aux départements le budget pour les soins dans les Ehpad ?

Dans les améliorations apportées par le Ségur de la santé, le Ssiad a été oublié. Nous espérons que le personnel médico-social travaillant dans le secteur du handicap pourra bénéficier rapidement d’une augmentation de rémunération.

Pour conclure, monsieur le ministre, je veux insister sur la nécessité d’amplifier les capacités de formation des futurs médecins, aides-soignantes et infirmières. De nombreux emplois restent non pourvus dans les Ehpad, notamment en ville.

Cette proposition de loi, modifiée par les amendements du Sénat, procède à des améliorations pragmatiques dans le fonctionnement de l’hôpital. Nous y sommes favorables et nous espérons, monsieur le ministre, que ces mesures seront retenues dans le prochain budget. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)