Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit sur l’immense déception de la quasi-totalité des acteurs de santé quant à cette proposition de loi – après le Ségur, le rapport Claris, le mouvement social et surtout la crise sanitaire –, tant sur le fond que sur la méthode.

Si nous saluons l’abandon de la création d’une profession médicale intermédiaire, il convient de rappeler que la reconnaissance et l’évolution attendues des compétences, en vue d’un décloisonnement des professions de santé, ne doivent pas correspondre à un glissement des tâches vers des personnels formés « sur le tas », sans parcours qualifiant, dans le seul but de libérer du temps médical.

Ce mouvement doit au contraire consacrer un réel niveau d’autonomie et être cadré par des diplômes nationaux.

Nous sommes favorables à des délégations de tâches, de missions et de responsabilités au sein d’un véritable parcours de formation professionnelle. La montée en charge du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée doit être obligatoirement couplée avec le renforcement des moyens humains.

Cette offre doit s’articuler et non se confondre ou entrer en concurrence avec les spécialisations infirmières en bloc opératoire, puériculture ou anesthésie, dont le champ de compétences et d’exercice comprend, de fait, celles requises pour la pratique avancée paramédicale.

Dès lors, avec des moyens humains à la hauteur des besoins, l’effet sur l’efficience du temps médical aura un impact positif.

La proposition de loi poursuit la lente mais nécessaire reconnaissance du métier de sage-femme, profession médicale à part entière, à compétences définies mais sous-déployées.

II est temps de poursuivre l’élargissement du champ de compétences des sages-femmes à partir de leur cœur de métier, et de reconnaître leur place dans le parcours de soins, et le décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital.

Nous ne prendrons pas le tournant attendu et nécessaire vers plus de prévention et de promotion de la santé, parents pauvres des politiques publiques de santé, sans nous appuyer sur cette profession médicale qui maille finement le territoire, pour la santé des femmes et du nouveau-né.

C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient les articles en ce sens et les enrichira.

Rappelons que pour cette profession comme pour d’autres, le compte des accords du Ségur n’y est pas, ce qui justifie le mouvement social actuel.

Autre occasion manquée de la proposition de loi, l’accès aux soins de kinésithérapie et d’orthophonie n’a pas été amélioré, alors qu’il contribuerait à éviter des passages tardifs aux urgences ou – pire – des renoncements aux soins, dans le cadre d’une politique de prévention et de fluidité du parcours.

L’article relatif à la lutte contre l’intérim est révélateur, par son coût indécent, d’une volonté politique obligée de se manifester quand les conséquences des logiques austéritaires deviennent insupportables et contreproductives.

La solution pour assécher l’intérim réside en partie dans la revalorisation sensible des missions de service public, notamment les gardes et les astreintes, mais il faut aussi améliorer rapidement les conditions d’exercice à l’hôpital, en recrutant massivement pour renouer avec le sens du travail bien fait, et permettre la réduction du temps de travail et du recours obligé aux heures supplémentaires.

L’intérim reste parfois le seul moyen de maîtriser son temps.

En attendant, l’injonction paradoxale entre continuité du service et soumission au chantage des sociétés intérimaires ne peut peser sur le seul directeur d’établissement.

Autre axe de cette proposition de loi, la gouvernance acte le retour du service ou, du moins, sa réaffirmation après la contestation majoritaire de l’organisation par pôles.

En revanche, aucun enseignement n’est vraiment tiré de ce qui a permis à l’hôpital de fonctionner pendant la crise. Cette dernière aurait pu inspirer de véritables avancées en matière de démocratie participative, au-delà du seul management participatif, notamment en s’appuyant sur tous les acteurs du terrain.

Or l’hôpital reste largement médico-centré, vertical et descendant, loin des aspirations des jeunes générations de salariés qui, au-delà de salaires décents, aspirent à davantage de participation aux décisions. La gouvernance, élément essentiel de l’attractivité, attend toujours sa réforme en profondeur. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification se veut la traduction législative des conclusions du Ségur de la santé, celles du moins qui ne relèvent pas du domaine budgétaire.

À l’Assemblée nationale, ce texte a été profondément modifié, complété, amélioré pour que les attentes et les besoins du personnel médical et des patients soient mieux pris en compte.

Ce texte, mes chers collègues, n’a pas pour objet de révolutionner l’organisation de notre système de santé. Il n’a pas non plus vocation à répondre à l’ensemble des difficultés que la crise sanitaire a mis en exergue. Il s’agit d’une pierre supplémentaire qui s’ajoute aux réformes déjà menées par le Gouvernement, et qui en appelle évidemment d’autres.

En septembre 2018, le plan Ma santé 2022 prévoyait ainsi de transformer en profondeur notre système de santé. Cinq actions prioritaires étaient définies, parmi lesquelles l’accélération de la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), le déploiement de médecins généralistes dans les territoires prioritaires et la création de postes d’assistants médicaux.

Dans la foulée, et pour répondre à la mobilisation du personnel urgentiste, le pacte de refondation des urgences a permis d’affirmer la nécessité des services d’accès aux soins, de renforcer l’offre de consultations médicales sans rendez-vous, et de généraliser les parcours dédiés aux personnes âgées.

Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a assuré la mise en œuvre des engagements budgétaires du Ségur de la santé.

Le Ségur de la santé, rappelons-le, ce sont des engagements sans précédent en faveur du monde médical et paramédical. C’est aussi la revalorisation des salaires du personnel des établissements de santé et des Ehpad. C’est un plan d’investissement de 19 milliards d’euros en faveur des établissements de santé. C’est enfin la poursuite des innovations organisationnelles et la promotion de la télémédecine.

Mais la crise sanitaire a également révélé l’urgence de simplifier l’organisation de notre système de santé et le besoin de reconnaissance de tous les professionnels. Telle est l’ambition affichée par notre collègue députée Stéphanie Rist dans sa proposition de loi. Ses travaux se sont appuyés autant sur les conclusions du Ségur de la santé que sur les recommandations du rapport Claris.

Le texte que nous examinons aujourd’hui a été profondément remodelé en commission des affaires sociales. Force est de constater qu’il reste bien peu de choses du texte initial.

Certaines de ses dispositions ont toutefois fait l’unanimité, et nous saluons la volonté du rapporteur de les conserver.

Le chapitre II prévoit ainsi d’élargir les compétences des sages-femmes en matière de prescription des arrêts de travail, ou de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles. Il en va de même pour les masseurs-kinésithérapeutes, qui verront leur faculté de prescription clarifiée. Nous nous réjouissons que ces revendications anciennes trouvent enfin leur place dans un texte de loi.

Le chapitre IV, consacré à la gouvernance des établissements publics de santé, conserve également certaines dispositions importantes. L’article 5 réhabilite ainsi le rôle et la place du service au sein de l’hôpital. L’article 10 prévoit en outre de lutter contre les abus liés à l’intérim médical, qui grèvent les finances des établissements publics. L’article 14, enfin, inscrit dans la loi la création d’une plateforme numérique d’information et de services à destination des personnes handicapées, plateforme qui a été déployée en mai dernier et qui poursuivra sa montée en puissance.

À l’inverse, certaines dispositions que nous pensions nécessaires ont été supprimées. Nous le regrettons et proposerons d’en rétablir quelques-unes.

C’est le cas notamment de l’article 1er qui visait la remise d’un rapport consacré à la pratique avancée et aux protocoles de coopération. Cet article étant le fruit d’un compromis, nous proposerons de revenir sur sa suppression, tant il nous paraît essentiel d’avancer sur le sujet.

L’article 4 bis tendait, quant à lui, à instaurer un cadre légal pour l’intervention individuelle de praticiens bénévoles dans les établissements publics de santé. Nous proposerons de réintégrer cette disposition en apportant un certain nombre de garanties concernant leur formation et leur encadrement.

Nous proposerons par ailleurs de revenir sur la suppression de l’article 11 consacré à la création d’un projet managérial participatif à l’hôpital, article auquel nous proposons d’ajouter un volet numérique. Cet outil nous semble en effet aller dans le sens d’une meilleure gestion des hôpitaux et, donc, de la simplification de notre système de santé.

Pour finir, nous proposerons d’inscrire dans la loi l’importance de mettre en place, au sein des GHT, un système d’information convergent et interopérable, afin d’accélérer le développement du numérique dans le secteur de la santé.

Mes chers collègues, conscient des avancées figurant dans ce texte autant que des modifications apportées par la commission des affaires sociales, mais également conscient des postures parfois très politiques – il faut le dire – qui continuent d’émailler l’examen de cette proposition de loi, constatant enfin l’usage très généreux qui a été fait de l’article 45 de la Constitution, le groupe RDPI réservera son vote en l’absence d’avancées significatives.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.

Monsieur le ministre, alors que vous nous aviez habitués à présenter des textes qui n’avaient pas toujours les moyens de leurs ambitions, nous avons découvert avec étonnement un texte qui n’avait pas les ambitions de son titre !

Le Ségur de la santé, qui a eu lieu entre mai et juillet derniers, s’annonçait pourtant prometteur. Or cette proposition de loi, présentée comme la traduction législative des mesures issues de cet accord qui ne relèvent pas du domaine budgétaire, est plus que décevante. Nous ne pouvons que le regretter.

La crise sanitaire a de nouveau illustré la lourde tâche qui incombe quotidiennement aux professionnels de santé. Il est devenu urgent de revaloriser ces professions à la hauteur de la responsabilité qui est la leur.

Toutes les voies possibles ont été explorées, afin de recueillir le maximum de points de vue et de témoignages : concertations, groupes de travail, consultations en ligne. Plusieurs thématiques avaient été déterminées à l’avance, afin de déterminer les objectifs et les solutions proposées pour répondre aux malaises des personnels soignants.

À l’image du grand débat national, la méthode utilisée lors de ce Ségur était annonciatrice des limites qui seraient atteintes lors de la traduction législative de ces enjeux primordiaux. En effet, monsieur le ministre, nous sommes plusieurs dans cet hémicycle à vous avoir alerté sur les conséquences prévisibles d’une limitation du Ségur de la santé à certaines professions de santé et, en particulier, sur le fait d’exclure les professions de santé libérales.

À l’image de son cheminement, cette proposition de loi est hospitalo-centrée. Elle ne saisit pas l’essence même des difficultés rencontrées quotidiennement par nos concitoyens en matière d’accès aux soins. Notre système de santé est un tout. On ne peut pas prétendre le simplifier en se limitant à certaines professions. Cela crée au minimum de l’incompréhension et provoque, dans le pire des cas, un profond sentiment d’iniquité et de colère.

Je reviendrai également sur le vecteur législatif utilisé pour traduire les conclusions du Ségur. Est-ce de l’impréparation ? C’est peut-être un euphémisme quand on sait que ce texte a été déposé une première fois, puis retiré faute de cohérence et de solutions, avant d’être à nouveau redéposé, alors que les premières interrogations n’avaient toujours pas trouvé de réponses satisfaisantes.

Je m’interroge également sur la pertinence d’aborder une thématique de cette ampleur par le prisme d’une proposition de loi. Un projet de loi semblait bien plus adapté et, surtout, davantage à la hauteur de l’enjeu que représentent les difficultés rencontrées par les professionnels de santé et l’ensemble de nos concitoyens en matière d’accès aux soins.

La simplification est une attente, c’est vrai. La confiance, elle, se mérite ! En fait, je doute profondément de la méthode choisie par le Gouvernement pour aborder ce dossier auquel nous sommes évidemment très attachés, et à propos duquel les attentes étaient fortes.

Que dire d’un texte qui fait référence à des ordonnances qui, à ce jour, n’ont pas été publiées ? Que dire d’un texte sur lequel, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, l’avis du Conseil d’État n’a pas été sollicité ?

Vous avez déjà répondu à cette dernière question : le Gouvernement a souhaité mieux valoriser l’initiative parlementaire en privilégiant cette méthode de travail. Il est vrai qu’un des travers de ce quinquennat a souvent été de vouloir abaisser le rôle du Parlement. Et pourtant, j’ai du mal à me faire à l’idée que cette proposition de loi marquerait un regain d’intérêt de la part de l’exécutif vis-à-vis du pouvoir législatif.

Monsieur le ministre, les avis exprimés par l’ensemble de mes collègues, sur de nombreuses travées de cette assemblée, sont révélateurs de la profonde déception qui est la nôtre concernant ce texte.

Son champ d’action très limité nous a empêchés d’aborder de nombreuses thématiques qui semblaient pourtant prioritaires et urgentes. Bon nombre de catégories de professionnels de santé ne comprendront pas qu’après une loi Ma santé 2022 en demi-teinte, cette proposition de loi se concentre principalement sur la médecine hospitalière.

Pour autant, le groupe Les Républicains a souhaité travailler sur ce texte et l’enrichir.

Si, au travers de cette ambition d’améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, nous avions perçu une volonté forte de faire en sorte que le parcours des patients soit plus simple, et ce avec une qualité de soins identique sur l’ensemble du territoire, nous aurions pu nous y retrouver.

Hélas, ce texte ne règle pas grand-chose. Les professionnels de santé sont désabusés. Plus qu’une faute politique, c’est une faute morale que commet l’exécutif en proposant un texte si peu ambitieux et si peu convaincant. Le temps long, si cher à notre Haute Assemblée, saura vous le rappeler : vous aviez vu, vous aviez su, mais en définitive, vous auriez dû !

Et puisque la confiance figure dans l’intitulé de ce texte, monsieur le ministre, je profite du temps de parole qui m’est donné pour vous demander si vous entendez publier rapidement le décret d’application de la mesure votée sur l’initiative du Sénat dans la loi Santé de 2019, qui impose aux internes en médecine de troisième année une période de professionnalisation d’au moins six mois en zone sous-dotée.

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, j’ai interrogé la ministre chargée de l’autonomie à ce sujet. Elle nous a alors affirmé que le décret paraîtrait rapidement, car la mesure est censée entrer en application le 1er novembre prochain. Qu’en est-il exactement ? La confiance, c’est aussi cela, monsieur le ministre, et je souhaite vous faire confiance ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de très nombreuses années, l’hôpital public est en souffrance : le manque de moyens et son corollaire, la fermeture de postes et de lits, la reconnaissance salariale insuffisante et la complexité de son organisation entraînent une carence d’attractivité chronique de nos hôpitaux.

Et pourtant, la réponse des personnels à la pandémie a été, et est encore, remarquable et admirable.

Dans ce contexte particulier, alors que le Ségur de la santé et le rapport extrêmement documenté et riche en préconisations du professeur Claris ont fait naître un certain espoir, nous examinons une proposition de loi qui, malgré son titre attractif, ne suscite que déception et frustration.

Comme l’ont déjà souligné mes collègues, la forme interroge. Cette proposition de loi, en ne reprenant que peu des dispositions du Ségur de la santé – cinq sur trente-trois –, ne répond en rien aux attentes du monde médical et hospitalier. Pire encore, elle crée une insécurité juridique et des incompréhensions. Quelle sera la place de cette proposition de loi, alors que les ordonnances promises dans le cadre de la loi Ma santé 2022 d’Agnès Buzyn n’ont toujours pas été publiées ? On est bien loin d’une simplification…

Qui plus est, cette proposition de loi comportait au départ pas moins de quarante-deux articles – ce qui est pour le moins inhabituel –, dont beaucoup ont été supprimés ou entièrement réécrits dès son examen en première lecture à l’Assemblée nationale, preuve de son impréparation !

Sur le fond, cette proposition de loi s’attaque-t-elle véritablement au problème de l’attractivité de nos hôpitaux publics ? Tient-elle compte des remontées de terrain et de la vraie vie des personnels et des usagers ? Absolument pas !

Ce texte balaie, au contraire, un nombre important de sujets sans apporter de réponse de fond ou de vision globale. Il ne fait qu’effleurer les principales préoccupations du monde hospitalier.

Loin de renforcer l’attractivité des carrières hospitalières et de valoriser les personnels soignants, le texte comporte même, sous couvert de simplification, des mesures contreproductives, tels que le bénévolat individuel ou la possibilité pour un directeur de GHT de créer un poste de praticien hospitalier.

La création d’un service d’accès au soin aurait également mérité un travail plus approfondi entre l’hôpital et la médecine de ville, en particulier avec les maisons pluridisciplinaires de santé ou les établissements de soins primaires.

La pandémie a également mis en exergue la question de la démocratie sanitaire : quelle leçon le Gouvernement en tire-t-il ? Aucune dans ce texte assurément. Pendant la première vague, les professionnels hospitaliers ont estimé que si l’hôpital avait su gérer, il le devait à l’hypermobilisation de l’ensemble des personnels, bien sûr – mais à quel prix ? –, mais aussi au fait que la santé avait été érigée au rang de priorité, tandis que le carcan de l’exécution budgétaire avait été remisé au second plan.

Quelle leçon le Gouvernement en tire-t-il ? Aucune, là non plus. Pire, il s’enferre dans la voie de l’hôpital-entreprise avec la création, à l’article 11, d’un projet managérial, que notre groupe a supprimé en commission par voie d’amendement.

Certes, il existe quelques propositions intéressantes. Je pense en particulier aux mesures concernant les sages-femmes ou les kinésithérapeutes, mais l’ensemble inspire un sentiment de déception et de frustration, qui risque de démobiliser l’ensemble du personnel hospitalier.

Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, l’examen d’un texte aussi désordonné, au champ d’application aussi large, aurait nécessité un peu plus de recul et un travail plus approfondi. Nous aurions aussi dû attendre la parution des ordonnances du Gouvernement et mieux travailler sur le champ d’application restant. Nous le devons à nos soignants et à l’ensemble de nos concitoyens, usagers de notre système de santé qui sont, eux aussi, extrêmement inquiets. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Bonne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objet principal de cette proposition de loi était de poursuivre ce que le plan Ma santé 2022 a engagé à travers la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Il paraissait en effet nécessaire de simplifier les protocoles permettant aux acteurs de santé de coopérer, en déléguant certaines tâches notamment, mais aussi de faciliter le recrutement de praticiens hospitaliers, en particulier dans les GHT, afin de mieux prendre en charge les patients et d’améliorer l’offre de soins.

Et puis la crise sanitaire est intervenue. Elle a souligné le rôle essentiel de nos médecins et soignants. Dans ses conclusions présentées en juillet 2020, le Ségur de la santé a prévu les revalorisations salariales qu’attendaient ces personnels, revalorisations confirmées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous avons voté en fin d’année.

Si d’autres mesures, qui ne relèvent pas du domaine budgétaire, sont pour partie reprises dans le texte que nous examinons aujourd’hui, il y a tout de même un sujet qui n’est pas abordé, que vous avez d’ailleurs écarté lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, alors qu’il permettrait sans aucun doute de répondre au moins partiellement aux difficultés de recrutement, l’attractivité demeurant un domaine extrêmement prégnant.

En effet, le Ségur de la santé a très clairement donné la priorité au secteur public hospitalier au détriment des établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic), bien que ces derniers soient par nature des établissements du service public hospitalier accomplissant les mêmes missions et ayant les mêmes devoirs vis-à-vis des usagers que l’hôpital public.

Ainsi, les médecins du secteur privé non lucratif ont été exclus des dispositifs de revalorisation salariale. Le différentiel de rémunération est tel qu’il se traduit par une perte d’attractivité des postes de médecins dans les Espic.

Cela va même plus loin puisque, aujourd’hui encore, alors que dans les établissements publics les praticiens peuvent exercer une activité libérale, avec dépassements d’honoraires et reste à charge pour les patients, les médecins exerçant dans les Espic n’en ont pas le droit.

Aussi, j’ai déposé plusieurs amendements qui tendent à établir une égalité de traitement entre les praticiens du secteur public et ceux du secteur privé non lucratif, afin de permettre à ces derniers de pouvoir choisir entre une activité salariée à temps plein ou une activité salariée assortie de deux demi-journées d’activité libérale, avec une possibilité de dépassements d’honoraires encadrée dans le cadre de l’option pratique tarifaire maîtrisée – chirurgie et obstétrique (Optam-Co), c’est-à-dire sans reste à charge pour les patients.

Il me semble par ailleurs que le fait de traiter de l’attractivité des postes de praticiens au sein des Espic ne nécessite pas, comme le prévoit l’article 14 bis, la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement.

Des mesures simples, telles que celles que nous proposons, peuvent renforcer l’attractivité de l’ensemble de nos hôpitaux, quel que soit leur statut juridique, d’autant que les uns et les autres permettent d’amplifier l’offre de soins sur nos territoires. Nos hôpitaux fonctionnent bien souvent de façon parfaitement complémentaire, les usagers ne faisant aucune différence entre les diverses structures.

Si l’on veut favoriser l’attractivité des hôpitaux publics et des Espic, commençons par harmoniser les conditions de travail. Alors que nous évoquons la nécessité de mettre en place un exercice coordonné des pratiques et la complémentarité des acteurs du soin, une telle harmonisation de l’exercice mixte me paraît indispensable.

Un grand nombre de professionnels de santé déplorent que, une fois de plus, cette proposition de loi ne soit finalement qu’une illusion de simplification et n’améliore en rien le fonctionnement de notre système de santé. Je crains que la confiance ne soit malheureusement pas au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Florence Lassarade. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin d’après-midi, on nous demande d’examiner brièvement une proposition de loi qui se voudrait la traduction du Ségur de la santé.

Les défis sont de taille et nous appellent à redoubler d’efforts. À l’issue du Ségur, comme l’indiquait le communiqué de presse du ministère de la santé, il s’agissait de « faire tomber les murs entre l’hôpital, la médecine de ville et les établissements médico-sociaux, de lutter avec une énergie nouvelle contre les inégalités de santé, de donner plus de voix aux soignants dans la gouvernance des établissements de santé, de mieux tenir compte des enjeux environnementaux, de mettre le numérique au service de la santé de tous, et tout cela dans l’intérêt supérieur des patients et de leur santé ».

La proposition de loi que nous examinons en procédure accélérée répond-elle à cet objectif de traduire dans notre droit les objectifs du Ségur ? Malheureusement non. Ce texte ne répond pas à son ambition initiale, et les mesures proposées pour l’hôpital public restent largement insuffisantes.

La pandémie a pourtant mis en exergue les dysfonctionnements de l’hôpital et l’exaspération des soignants, qui sont épuisés et se sentent insuffisamment pris en considération. Nos infrastructures sont souvent vétustes, et le nombre de lits reste insuffisant depuis le début de la pandémie.

Les sujets essentiels, comme la formation ou l’organisation de la médecine de ville, sont complètement éludés.

Concernant l’aspect financier, nous sommes tous conscients de la nécessité de revaloriser les salaires des personnels médicaux et paramédicaux. Il est impératif de fixer des salaires décents au regard des responsabilités et de l’engagement des soignants.

En outre, il est urgent de favoriser l’installation des médecins sur l’ensemble du territoire et de résorber les déserts médicaux.

Mais cette traduction du Ségur de la santé ne propose aucune mesure forte. En ma qualité de médecin et de parlementaire, je regrette ce décalage entre les mesures annoncées lors du Ségur de la santé et cette proposition de loi aux mesurettes disparates.

Monsieur le ministre, ce texte aurait pu être l’occasion d’une vraie réforme, mais son contenu et la procédure accélérée ont considérablement amoindri l’ambition de ses auteurs.

De plus, le périmètre de la proposition de loi initiale et les règles en matière de recevabilité des amendements, qui découlent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, n’ont pas permis au Sénat d’enrichir le texte, afin de répondre aux attentes des professionnels de santé et des patients. Malgré tout, le rapporteur et les commissaires des affaires sociales ont pu le remanier et l’améliorer.

Dix articles sur trente-sept ont été supprimés, notamment l’article 1er qui, dans sa version initiale, prévoyait la création d’une « profession médicale intermédiaire », en d’autres termes un médecin au rabais. Faisant l’unanimité contre elle, cette proposition a été abandonnée dès son examen par l’Assemblée nationale pour être remplacée par une disposition prévoyant la remise d’un rapport au Parlement dans un délai d’un an, qui a été supprimée à son tour.

L’article prévoyant l’intervention de bénévoles à titre individuel dans les établissements publics et privés de santé en dehors du cadre associatif a également été supprimé.

Les compétences des sages-femmes en matière de prescriptions d’arrêt de travail ou d’examens de dépistage et de traitement ont été élargies.

Je me réjouis aussi que la lutte contre le recours abusif à l’intérim médical ait été améliorée.

Les attentes des soignants et des Français sont importantes. Ce texte improvisé et insuffisant, dont nous ne saisissons pas les objectifs, risque de les décevoir une nouvelle fois. Néanmoins, nous allons tâcher d’améliorer cette proposition de loi dans un délai extrêmement court au regard des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)