COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Pierre Laurent

vice-président

Secrétaires :

M. Jacques Grosperrin,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous prie d’excuser l’absence du président du Sénat, retenu aux obsèques d’un ancien sénateur.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, tant celui des orateurs que celui du temps de parole.

covid et annulation des dettes fiscales et charges sociales des entreprises

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Hervé Marseille. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les conséquences économiques de la pandémie seront dévastatrices. Pour l’instant, les aides en masquent l’ampleur, mais lorsque cessera la perfusion, le choc risque d’être terrible. Dans le seul secteur de la restauration, les professionnels s’attendent à environ 30 % de faillites.

Dans ce contexte, si l’étalement des charges sur trois ans pour les entreprises faisant l’objet d’une obligation de fermeture administrative a bien entendu été salutaire, il est certain que cette mesure ne suffira pas. Certaines entreprises resteront fermées plus d’un an, et lorsqu’elles rouvriront, la reprise de leur activité sera très progressive. Leur appliquer des charges passées en plus des charges régulières durant cette période de reprise reviendrait à leur porter le coup de grâce, si bien que beaucoup renonceront à rouvrir.

À terme, il paraît difficile de ne pas accorder des annulations au moins partielles de charges. C’est d’ailleurs ce que vous avez fait en exonérant les entreprises de charges sociales durant le second confinement, entre le 1er septembre et le 30 novembre 2020.

À nos yeux, ce dispositif devra inévitablement être élargi. Dès avril dernier, mon groupe avait proposé d’annuler les charges des PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 %, cela afin de cibler la mesure sur les entreprises les plus affectées et de limiter son impact sur les finances publiques.

On nous avait répondu à l’époque qu’un tel dispositif serait encore trop lourd pour le budget de l’État et de la sécurité sociale. Nous pouvons l’entendre. Pour autant, monsieur le Premier ministre, à l’occasion de l’un des derniers comités de contrôle et de liaison, j’avais déjà attiré votre attention sur ce sujet et vous m’aviez répondu que vous aviez ce dossier dans le viseur. Je suis donc tenté de vous demander aujourd’hui : quand allez-vous tirer ? (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, monsieur le président Marseille, je vous remercie de votre question qui me donne l’occasion de souligner après vous l’impact extrêmement fort de la crise sanitaire sur les acteurs économiques, qu’il s’agisse des entreprises, des salariés ou des travailleurs indépendants, et de rappeler – vous l’avez d’ailleurs reconnu dans votre question – que le Gouvernement et le Parlement ont déployé des moyens d’accompagnement extrêmement massifs qui, en termes comparatifs, sont reconnus comme tels, au bénéfice des entreprises, de leurs salariés et des travailleurs indépendants depuis le début de cette crise qui dure.

Ces moyens massifs ont été adaptés. Ainsi, au fur et à mesure que le temps passait, nous avons su rehausser le niveau de nos interventions pour un certain nombre de secteurs encore plus affectés que d’autres. Je ne reviens ni sur les prêts garantis par l’État (PGE), ni sur le fonds de solidarité, ni sur les exonérations de charges qui ont été décidées et qui sont toujours à l’œuvre.

Le premier élément de réponse, monsieur le président, est qu’avant même de connaître les conditions dans lesquelles nous « débrancherons » les aides le moment venu – pardonnez-moi l’expression –, nous avons la lucidité politique de les prolonger tant que la crise dure.

Nous examinerons, notamment dans le cadre de la conférence du dialogue social que je réunirai la semaine prochaine, un certain nombre de ces dispositifs au regard de la situation économique et sociale.

Vous m’avez interrogé plus particulièrement sur la question des dettes fiscales et sociales des entreprises. Permettez-moi de rappeler au Sénat que, sur le plan fiscal, ce sont près de 25 milliards d’euros qui n’ont pas été prélevés auprès des entreprises, qu’il s’agisse de reports ou de remboursements accélérés de créances, et que nous avons mis en place des plans de règlement long – vous l’avez souligné – sur une durée pouvant aller jusqu’à trois ans.

Sur le plan social, le soutien est historique puisque les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs les plus touchés ont bénéficié de mesures d’exonération qui ont donc acquis un caractère définitif. Ce sont ainsi près de 8 milliards d’euros de charges sociales qui ont été annulés sur la seule année 2020. Ainsi que je l’indiquais il y a un instant, ce dispositif reste actif.

Nous avons également permis les reports que vous avez évoqués. Ces facilités de trésorerie consenties depuis le printemps de l’année dernière par les Urssaf s’élèvent à près de 12 milliards d’euros pour près de 900 000 entreprises, et à 13 milliards d’euros pour les travailleurs indépendants.

Les remboursements de cette dette fiscale et sociale seront bien entendu adaptés à la situation de chaque entreprise. Au-delà du « débranchement » qui – je le répète – n’est pas encore d’actualité, nous devrons mettre en œuvre des mesures au cas par cas. Au total, un effort considérable aura été réalisé, permettant de ne pas déclencher des plans d’apurement de manière anticipée en tenant compte de la situation des entreprises et en lissant au maximum les remboursements de dettes. Nous poursuivrons notre action dans la même logique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation de la culture après un an de crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le Premier ministre, regardez cet hémicycle : un fauteuil sur deux est libre.

M. Pierre Ouzoulias. Sous la haute autorité du président Larcher, nous respectons en ce lieu les normes sanitaires, et le Sénat n’est pas un foyer épidémique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST, INDEP, UC et Les Républicains.)

Dans le respect des mêmes normes sanitaires, soit la vacance d’un fauteuil sur deux, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous autoriser la réouverture des salles de cinéma, des salles de spectacle et des salles de concert ? (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

En 2020, votre gouvernement a consacré près d’un milliard d’euros pour garantir les droits aux allocations des intermittents du spectacle. Cet argent aura été dépensé en pure perte si votre gouvernement ne met pas en place maintenant des aides spécifiques pour accompagner les artistes dans la reprise de leur activité.

Or votre gouvernement, dans le cadre général d’une réforme de l’assurance chômage que nous dénonçons, a lancé une mission de réflexion sur le régime de l’intermittence et a souhaité notamment que soit étudiée sa convergence avec le régime général tel qu’il sera réformé pour « ne pas générer d’inégalités supplémentaires entre ceux-ci ».

Le monde de la culture, avec d’autres, a été durement touché par la pandémie. Les artistes ont besoin d’un fort soutien de la Nation, maintenant, et ils ont besoin d’être rassérénés par l’assurance de la pérennité d’un régime qui garantit leur existence.

Monsieur le Premier ministre, la culture n’est pas accessoire, secondaire ou subalterne ; elle est essentielle, car elle constitue l’essence même de notre Nation. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre question, Pierre Ouzoulias, vous qui connaissez bien le monde de la culture, est l’occasion pour moi de rappeler quelques points de contexte.

Premièrement – Olivier Véran y reviendra certainement en détail dans quelques instants –, la pandémie continue de toucher durement notre pays et l’Europe. (Exclamations ironiques.)

Deuxièmement, les lieux culturels et les lieux de spectacle sont fermés pour 85 % des citoyens européens parce qu’on mène en Europe une politique de prévention.

Troisièmement, dans aucun pays européen, dans aucun pays du monde on ne soutient le monde de la culture comme on le soutient dans notre pays ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Tels sont les éléments de contexte.

Nous travaillons à maintenir les droits des intermittents. La ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion et moi-même avons confié une mission à M. André Gauron, qui rendra dans quelques jours ses conclusions. En aucune façon nous ne reviendrons sur les droits des intermittents. Au contraire, nous les protégerons, car c’est absolument indispensable. Nous travaillons même à améliorer le dispositif, en particulier pour les primo-entrants, parce qu’il faut protéger nos jeunes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Une réunion aura lieu demain à Matignon. Nous ferons des annonces importantes pour le monde de la culture, car nous voulons le protéger.

Quoi qu’il en soit, permettez-moi d’insister sur un point très important : l’occupation des lieux de culture n’est pas le bon moyen d’agir. Nous connaissons les difficultés que rencontre le monde de la culture, mais ces manœuvres sont inutiles et même dangereuses, car elles menacent des lieux patrimoniaux fragiles. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. David Assouline. Ils ne sont en rien menacés !

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je le répète, nous protégeons les artistes et nous continuerons à les protéger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. André Reichardt applaudit également.)

reste à charge zéro

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, nombre de nos concitoyens doivent renoncer à se soigner et sont ainsi privés de la possibilité de voir ou d’entendre correctement, parfois même de sourire. Ces difficultés d’accès aux soins entraînent chaque fois des drames individuels, comme le rappelait le Président de la République lors du 42e congrès de la Mutualité française.

Lorsque les Français, faute de moyens, renoncent à une nouvelle paire de lunettes ou à un appareil auditif, c’est notre pacte social qui est abîmé. C’est pourquoi, dès 2019, le Gouvernement a mis en place la réforme du « 100 % santé ». Après les soins dentaires et l’optique l’an dernier, les aides auditives sont désormais prises en charge à 100 % depuis le 1er janvier 2021.

Permettre aux Français, notamment les plus fragiles, d’accéder à des soins de qualité : telle est l’ambition de cette réforme de justice sociale. Nous en avons désormais la certitude : cette réforme porte ses fruits. Demain, jeudi 11 mars, paraîtra une étude Harris Interactive pour l’UFC-Que choisir et le réseau Santéclair montrant que 50 % des ventes d’appareils auditifs réalisées en janvier et en février de cette année ont porté sur des offres sans reste à charge.

Cette réforme bénéficie à tous : aux Français, bien sûr, en premier lieu, mais aussi aux assureurs, aux mutuelles et aux professionnels, car tout en préservant la clientèle existante, un nouveau public accède désormais à des produits sans reste à charge.

Depuis le début de la crise, le Président de la République fait du made in France en matière de santé une priorité absolue. Il s’agit de soutenir davantage nos PME françaises, mais également de faciliter les approvisionnements et de les rendre plus responsables.

Il s’agit aussi de défendre notre souveraineté sanitaire, qui passera par un soutien à la production française de ces dispositifs médicaux qui sont désormais parfois le quotidien des Français. La création d’un label visant à mieux informer nos concitoyens et à les éclairer dans leurs choix constituerait à cet égard une piste de réflexion intéressante.

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre (Exclamations ironiques et applaudissements.)…

Elle arrive ! Je sais que cela vous dérange !

Monsieur le ministre, comment rendre cette réforme plus lisible pour que les Français s’en saisissent pleinement tout en favorisant la production française et en soutenant nos PME ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et marques damusement sur les travées des groupes SER, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Iacovelli, votre question porte sur un sujet absolument fondamental pour notre pays, car il se trouve à la croisée des chemins entre le sanitaire et les solidarités.

La réforme du « 100 % santé » a été mise en place par ma prédécesseure sur l’initiative du Président de la République. Il s’y était engagé dans son programme, et cet engagement a été tenu. Cela fait deux ans que cette réforme est mise en œuvre de manière progressive, et depuis 1er janvier 2021, elle s’applique pleinement avec des résultats spectaculaires.

Le renoncement aux soins pour raisons financières concernait 10 % des Français s’agissant des soins optiques et 17 % des Français en matière de soins dentaires. De plus, seulement 35 % des personnes souffrant de problèmes auditifs se faisaient prescrire une audioprothèse. Notre objectif majeur était de lutter contre ce renoncement aux soins.

Nous avons plafonné les tarifs des prothèses, puis nous avons mis en place un début d’offre « 100 % santé » entrée en vigueur au 1er janvier 2020. Depuis le 1er janvier 2021, le panier dentaire « 100 % santé » a été élargi à 57 nouvelles prothèses, et l’offre en audiologie est désormais garantie sans reste à charge.

Concrètement, en 2018, le reste à charge pour une aide auditive s’élevait à 1 700 euros ; ce montant s’élevait à 800 euros en 2020 ; il est de zéro euro en 2021.

Comme vous l’avez indiqué, les résultats sont déjà au rendez-vous : malgré la crise sanitaire, 48 % des prothèses dentaires posées entre janvier et septembre 2020 sont incluses dans le panier « 100 % santé » sans reste à charge pour les Français.

Vous avez évoqué les entreprises françaises. Parmi les prothèses proposées, certaines sont d’origine française. Les verres sont traités antirayures, antireflets et amincis. Il ne s’agit absolument pas de matériel low cost ou au rabais.

Les Français sont déjà très nombreux à bénéficier de cette offre « 100 % santé ». J’ai la conviction qu’ils seront plus nombreux demain, et davantage encore dans quelques mois, si bien que, dans quelque temps, nous aurons peut-être oublié ce qu’était le renoncement aux soins pour bien voir, bien manger, bien entendre et bien parler. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

journée internationale des droits des femmes

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le Premier ministre, le lundi 8 mars, nous avons célébré la journée internationale des droits des femmes. Il y a 110 ans, en mars 1911, Clara Zetkin et l’Internationale socialiste des femmes célébraient cette journée pour la première fois. Elles revendiquaient la fin des discriminations au travail.

En 2021, dans la société française, les inégalités liées au travail sont bien réelles. L’écart salarial brut entre les hommes et les femmes est de 28 %. À l’heure de la retraite, les femmes perçoivent en moyenne une pension inférieure de 41 % à celle des hommes. Tel est le triste résultat des inégalités professionnelles et des carrières précarisées des femmes.

Celui-ci s’explique par les temps partiels subis, par le fait que 80 % des familles monoparentales sont portées par les femmes, par l’accès réduit aux postes d’encadrement. La crise du covid a révélé ces inégalités avec force.

Les femmes sont en première ligne pour nous soigner : 97 % des infirmières et 87 % des aides-soignantes sont des femmes. Elles sont en première ligne pour prendre soin de nos aînés et des personnes vulnérables, puisque 97 % des aides à domicile sont des femmes. Elles sont majoritaires dans les métiers de l’éducation, de la grande distribution, dans le secteur de la propreté, métiers dits « essentiels ».

Revalorisons ces métiers et nous ferons coup double : nous réduirons l’écart de rémunération et nous sortirons des préjugés et des stéréotypes existant sur ces métiers en tension qui intéressent aussi les hommes.

Vous avez fait un premier pas avec le Ségur de la santé en revalorisant les carrières des professionnels de santé rattachés aux hôpitaux, mais vous en avez exclu, par exemple, les sages-femmes et tout le champ du social et du médico-social, dont les aides à domicile.

Monsieur le Premier ministre, les premières de corvée sont-elles les oubliées des premiers de cordée qui forment le cabinet présidentiel ? Êtes-vous prêt à revaloriser les métiers du social et du médico-social, qui représentent plus de 1 million de salariés, dont 175 000 postes à pourvoir à l’échelle nationale d’ici 2025 ? Donnez les moyens aux gestionnaires de ce secteur, quel que soit leur statut, de relever ce défi ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de légalité des chances. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, les chiffres que vous venez de partager sont édifiants.

J’ajoute que, dans notre pays qui est celui des droits de l’homme et de la femme, seulement 2 % des entreprises atteignent la parité parfaite en 2021. Aujourd’hui, encore 13 % de nos entreprises n’augmentent pas le salaire des femmes qui rentrent de congé maternité, alors même que c’est une obligation. Il est d’autant plus urgent d’agir que je suis convaincue que l’émancipation des femmes passera aussi par leur indépendance économique.

Notre gouvernement agit. Le Ségur de la santé, que vous avez cité, est une étape extrêmement importante, mais il faut la compléter. Nous avons créé l’index de l’égalité salariale femmes-hommes. La France est ainsi l’un des pays qui agissent le plus en faveur de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, non seulement au niveau européen, mais aussi au niveau mondial. Cela étant, nous ne devons pas nous arrêter là.

C’est pourquoi nous avons également créé le congé paternité. Nous en avons longtemps parlé dans notre pays ; ce gouvernement l’a mis en place parce qu’une meilleure répartition des tâches dans les foyers est nécessaire pour que les femmes se sentent plus libres d’avancer dans leur vie.

L’émancipation économique des femmes passe aussi par la lutte contre les précarités qui touchent souvent les familles monoparentales, dont 85 % sont portées par des femmes. C’est pourquoi nous avons créé un nouveau service public qui permet aux femmes de toucher les pensions alimentaires directement via les caisses d’allocations familiales. En effet, il est très difficile pour ces femmes de subir une baisse de 20 % de leur budget.

Vous avez également évoqué la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne. Élisabeth Borne mène en ce moment en concertation avec les partenaires sociaux une revalorisation des métiers dits « de la deuxième ligne » : les hôtes et hôtesses de caisse, les éboueurs, les agents d’entretien, les aides à domicile, qui se sont tous mobilisés de manière exceptionnelle durant cette pandémie. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure.

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. En conclusion, madame la sénatrice, pour réaliser cette égalité économique entre les femmes et les hommes, nous devons mener des politiques très volontaristes. Une proposition de loi a été déposée en ce sens à l’Assemblée nationale, et je m’en réjouis. (Mêmes mouvements.) Le chemin vers l’égalité est encore long,…

M. le président. Il faut vraiment conclure, madame la ministre.

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. … mais je suis à votre disposition pour mener ce combat.

Je tiens d’ailleurs à souligner le travail exceptionnel réalisé par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur ce sujet.

stratégie vaccinale (i)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le message envoyé le dimanche 7 mars par la direction générale de la santé à propos de l’interruption des livraisons de vaccins pour une semaine aux généralistes au profit des officines a suscité la stupéfaction des médecins, de leurs patients, mais aussi des pharmaciens.

Les personnes qui devaient être vaccinées la semaine prochaine dans les cabinets voient donc leur rendez-vous annulé, sans même savoir si les pharmaciens prendront le relais. À vouloir multiplier les vaccinateurs sans coordination, on ne multiplie ni les vaccins ni les vaccinés.

Les enjeux définis sont la santé publique et son efficacité. Multiplier les acteurs et les centres de vaccination est évidemment un objectif louable. La vaccination s’est incontestablement accélérée, et c’est un point fort. Il est important de stabiliser l’organisation en place pour monter en puissance ensuite, car les professionnels et les citoyens ne comprennent plus ces changements de cap.

Il y a un réel problème de méthode dans la gestion de cette crise sanitaire. Il ne s’agit pas de critiquer pour critiquer, mais de comprendre les décisions pour gagner en acceptabilité. Pourquoi ne pas passer par une organisation territoriale, comme vous l’avez fait pour les confinements avec l’appui des élus locaux, en permettant aux pharmaciens de vacciner, tout comme les infirmiers et les sages-femmes, dans les territoires dépourvus de médecins ou lorsqu’il n’y a pas assez de médecins volontaires, et non pas à leur place ?

Cette décision va démobiliser les médecins engagés qui ont fait acte de citoyenneté en se mobilisant à vos côtés pour accélérer la vaccination.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer les motivations qui vous ont conduit à prendre cette décision ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Henri Cabanel, je vous remercie de votre question qui va me permettre de clarifier les choses. En effet, en vous écoutant, je comprends que cela est nécessaire, d’autant que j’admets tout à fait que, sur la forme, un communiqué de quelques lignes introduit à la fin d’un document important envoyé un dimanche soir ait pu susciter quelque émoi.

Monsieur le sénateur, je souhaite revenir sans attendre sur un point : vous avez indiqué que les vaccinations organisées par les médecins libéraux la semaine prochaine devaient être annulées. Je vous réponds sans aucune hésitation que c’est faux. (Protestations sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)

La totalité des doses de vaccins commandées la semaine dernière par des milliers de médecins généralistes qui arrivent cette semaine, soit 765 000 doses, leur seront fournies à partir de jeudi et vendredi, et pourront donc être utilisées pour vacciner leurs malades comme cela était prévu la semaine prochaine. Je souhaite lever cette ambiguïté, car, comme vous, j’ai été contacté par de nombreux médecins qui s’alarment de ne pas avoir leurs doses.

En revanche, nous avons indiqué aux médecins que, pour la semaine suivante, les livraisons du laboratoire AstraZeneca seront réduites à peau de chagrin – et je le déplore –, puisque, en lieu et place des 765 000 doses livrées sur notre territoire cette semaine, nous n’aurons la semaine prochaine que quelque 260 000 ou 280 000 doses de vaccin.

Nous avons donc informé les nombreux médecins volontaires que nous n’aurons pas assez de vaccins pour leur fournir des doses en conséquence la semaine suivante. Ils pourront récupérer leurs doses comme prévu cette semaine et vacciner la semaine prochaine, mais ils ne pourront pas commander pour la semaine prochaine parce que nous n’avons pas assez de doses.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous y serez sensibles, je remercie les médecins libéraux qui sont très nombreux à se mobiliser pour vacciner, mais la moitié d’entre eux n’a pas encore passé de commande. De ce fait, la moitié des Français ne peut toujours pas se faire vacciner dans son cabinet de ville.

Nous avons donc considéré qu’en plus des médecins, il fallait permettre aux pharmaciens de commencer à vacciner pour permettre à tous les patients sur tout le territoire national de bénéficier des vaccins.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Olivier Véran, ministre. En l’espace de deux jours, sur les 20 000 pharmaciens de notre pays, quelque 15 000 se sont portés volontaires. C’est une bonne nouvelle, car il y a de la place pour tout le monde. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Mesdames et messieurs les sénateurs, je remercie les médecins pour leur engagement dans les centres et dans leur cabinet,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Olivier Véran, ministre. … mais il n’y aurait pas de sens à priver les pharmaciens de cette possibilité de vacciner. Ils ont encore 1,2 million de doses à utiliser. Ils le feront, et je les en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)