M. Pierre Laurent. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 140.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 140, présenté par Mme Gréaume, M. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Après la deuxième occurrence du mot :

avec

insérer les mots :

d’une part les résolutions de l’Organisation des Nations unies et le droit international, notamment humanitaires et d’autre part

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

À cette fin, le rapport analyse l’ampleur de l’effet de substitution des C2D sur l’aide publique française ainsi que le rôle de ces derniers dans la politique d’influence française.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Pierre Laurent. L’amendement n° 139 concerne l’analyse de la cohérence des conventions fiscales.

Je suis quelque peu insistant sur cette question, car le sujet me semble fondamental. L’objectif de l’APD est aussi de permettre à ces pays d’atteindre un niveau de développement tel qu’il leur permette de se passer de notre aide.

L’amendement n° 140 concerne les contrats de désendettement et de développement (C2D). Nous avions proposé de les sortir de la comptabilité de l’APD, ce qui nous a été refusé. À défaut, nous proposons que le rapport analyse les éventuels effets de substitution. J’insiste également sur cette question, qui mérite d’être regardée de près et non pas balayée d’un revers de main.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rachid Temal, rapporteur. Pour ce qui est de l’amendement n° 139, l’alinéa 3 mentionne déjà la question de la cohérence de l’APD avec la politique fiscale française.

L’avis est donc défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 140. Mercredi dernier, nous avons débattu de la question des C2D. M. le ministre pourra nous donner quelques précisions sur le fond, mais cet ajout ne nous semble pas pertinent dans cet alinéa.

L’avis est également défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je comprends que des questions se posent sur les C2D, mais les résultats obtenus grâce à ces contrats dans tel ou tel pays figureront bien dans le rapport.

Comme je l’ai déjà souligné, le C2D conclu avec la République du Congo a permis d’assurer l’alimentation en eau potable de 500 000 Congolais. De même, j’ai discuté aujourd’hui avec le président du Soudan de ce qu’il fera à la suite de la décision, intervenue voilà quelques heures, d’annuler la dette de son pays. Si tout cela n’est pas du développement, qu’est-ce donc ?

L’ensemble des résultats et des affectations des C2D figurera dans le rapport, comme tout ce qui concerne l’APD. Mais je ne suis pas favorable à leur retrait de l’APD.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. L’amendement n° 140 ne vise pas à exclure les C2D de l’APD, mais à prévoir que le rapport analyse les risques de substitution.

Toutefois, puisque vous me confirmez que le bilan de l’affectation des C2D sera intégré au rapport, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 140 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 139.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 219 rectifié, présenté par Mmes Lepage et Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mme Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

humains et

par les mots :

humains, en particulier des droits de l’enfant, et des droits

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. L’article 2 du projet de loi prévoit un rapport de suivi annuel de la politique d’aide publique au développement.

Ce rapport porte notamment sur la cohérence des politiques publiques françaises et de la politique d’APD avec le respect et la promotion des droits humains.

Cet amendement vise à ajouter les droits des enfants, en reprenant la rédaction de l’alinéa 3 de l’article 1er A. Cet ajout semble indispensable, car la ratification de la Convention des droits de l’enfant implique non seulement une action extérieure de la France conforme aux droits de l’enfant et visant leur effectivité, mais également l’application des droits de l’enfant sur le territoire français. Il est donc indispensable que ces droits fassent l’objet d’un suivi au regard de la cohérence des politiques publiques.

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Le Nay, Longeot, Détraigne, de Belenet et Kern, Mme Dindar, M. Hingray, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Levi, Mme Gatel, MM. Folliot, Cigolotti et Chauvet, Mme Férat, M. Duffourg, Mme Billon, M. P. Martin, Mme Jacquemet et M. Delcros, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

humains

insérer les mots :

, en particulier des droits de l’enfant,

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay. Il s’agit d’un amendement de cohérence, porté par Élisabeth Doineau, qui vise à reprendre la rédaction retenue dans l’ensemble du texte, notamment à l’article 1er A.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rachid Temal, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 219 rectifié et défavorable à l’amendement n° 2 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 219 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 2 rectifié n’a plus d’objet.

L’amendement n° 319, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

pays aidés par la France

par les mots :

dix-neuf pays prioritaires

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Comme je l’ai souligné voilà quelques instants, le Gouvernement souhaite réviser la disposition introduite par la commission des affaires étrangères du Sénat à l’alinéa 4, qui vise à intégrer au rapport annuel la comparaison des flux de l’APD avec les autres flux financiers à destination des pays partenaires.

Cette comparaison est très pertinente, mais la compilation de l’ensemble des flux privés vers tous les pays en développement est méthodologiquement longue et difficile, voire impossible pour ce qui concerne les dons de personnes privées, et ne saurait être réalisée à moyens constants.

C’est la raison pour laquelle, au regard de l’ampleur de la tâche, le Gouvernement propose de recentrer cette comparaison sur les pays prioritaires de notre APD.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rachid Temal, rapporteur. En apparence, l’adoption de cet amendement reviendrait à restreindre le champ d’une disposition introduite en commission.

Toutefois, après en avoir débattu avec le Gouvernement et au sein de la commission, nous préférons nous assurer que le rapport soit de qualité et remis à temps. Mieux vaut évoquer les dix-neuf pays prioritaires visés par la France que de trop étendre le champ du rapport. À cet égard, je pense également à nos collègues de la commission des finances, qui ne voulaient pas consacrer davantage de moyens humains à cette question.

Pour ces raisons, la commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 319.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 73, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Les montants de l’aide publique au développement française transitant par les instruments d’aide liée, en particulier les prêts du Trésor et le Fonds d’études et d’aide au secteur privé ;

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement tend à permettre la mise en évidence des outils de l’aide liée française.

Cette aide est gérée par la direction générale du Trésor via des prêts concessionnels et le Fonds d’études et d’aide au secteur privé (Fasep) – études de faisabilité ou assistance technique, par exemple. La mise en œuvre de ces financements est assurée par Natixis.

Depuis que la France a décidé – en 2002, voilà vingt ans ! – de délier son aide, ces outils ont un poids marginal dans l’APD. Toutefois, il nous paraît utile de les intégrer dans le champ du rapport annuel afin de voir comment ils évoluent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. Le rapport annuel comporte déjà de nombreux éléments, mais aucune information complémentaire relative à des instruments d’aide liée.

La commission est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 221, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il est également indiqué le montant de sa contribution volontaire au fonds créé par le Groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique de l’Organisation des Nations unies ;

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Cet amendement tend à obtenir le montant et le fléchage de la future contribution de la France au fonds des Nations unies dédié à l’identité juridique.

Cet amendement est en cohérence avec l’engagement de la France d’adhérer au groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique, et de contribuer au fonds pour l’enregistrement des naissances qui lui est attaché. En effet, il s’agit du seul fonds ayant pour objectif de mener des actions concrètes en vue de l’établissement systématique d’un état civil.

Comme l’a rappelé ma collègue Marie-Arlette Carlotti lors de la discussion générale, l’enregistrement des naissances et l’aide à la constitution d’un état civil fiable est fondamental pour que chaque personne soit reconnue et dispose de tous ses droits, et ce tout au long de sa vie.

Le groupe initial a été créé sur proposition du Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, en septembre 2018. Ce groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique est coprésidé par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et le PNUD. Pérennisé en 2019 afin de mettre en place la feuille de route des Nations unies pour l’identité légale pour la période 2020-2030, il doit aider les pays membres de l’ONU en difficulté à atteindre les ODD 16.9 et 17.19 d’ici à 2030 au travers d’actions concrètes. Ainsi, treize pays ont été identifiés pour y mener potentiellement des actions de renforcement de l’état civil.

Un fonds spécifique a été créé, qui peut être abondé par les agences onusiennes membres de ce groupe de travail et par des pays membres de l’ONU. La Suisse, le Royaume-Uni et le Canada, par exemple, ont déjà manifesté leur intérêt – la France, pas encore.

Au regard de l’enjeu que représente l’enregistrement des naissances en matière de développement, il apparaît aujourd’hui indispensable que la France apporte une contribution volontaire à ce fonds en faveur de l’enregistrement des naissances et de la délivrance d’actes de naissance.

Cet amendement est également l’occasion de proposer à la France d’adhérer à ce groupe et de contribuer à ce fonds afin de donner une forme concrète à son engagement.

C’est la raison pour laquelle le rapport au Parlement sur les choix opérés par la France dans l’allocation de ses contributions aux fonds et programmes multilatéraux doit intégrer l’enregistrement des naissances via ce fonds spécial des Nations unies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. Tout d’abord, l’amendement est satisfait par l’alinéa 8, qui prévoit une information sur les contributions aux fonds multilatéraux. Il ne semble donc pas opportun de mentionner un fonds en particulier.

Ensuite, l’importance d’agir via le groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique pour consolider les systèmes d’état civil, objectif tout à fait louable, est mentionnée dans le CPG, à l’alinéa 63.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous avons déjà eu des échanges sur ce sujet essentiel la semaine dernière. L’identité juridique pour tous est un enjeu majeur. Depuis des années, nous intervenons en appui de tous les pays partenaires sur ce sujet. Nous finançons les organisations internationales spécialisées dans le cadre de l’agenda sur l’identité juridique de l’ONU, que vous avez cité.

Nous soutenons le groupe de travail de l’ONU pour cet agenda, qui a été créé en 2018. Il est coprésidé par le PNUD, l’Unicef et le département des affaires économiques et sociales (DAES) du Secrétariat des Nations unies. Il n’est pas ouvert aux États membres, mais la France, comme les autres États, peut participer à ses travaux via des contributions financières. C’est ce que nous faisons, comme certains de nos partenaires.

Vous avez évoqué la Suisse, le Canada et la Norvège. En 2020, la France a financé l’Unicef à hauteur de 1 million d’euros, puisque le fonds que vous évoquez n’est pas encore créé. Dès qu’il le sera, nous y contribuerons directement, compte tenu de l’importance du sujet.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour explication de vote.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse précise.

La semaine dernière, vous m’avez dit que la France avait adhéré à ce groupe de travail. Pourtant, l’adhésion formelle n’apparaît nulle part. Peut-être pouvez-vous me donner aujourd’hui la date de cette adhésion ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous êtes une meilleure experte que moi des Nations unies… Je vous le répète, nous n’adhérons pas au groupe de travail, lequel est uniquement constitué des agences que j’ai évoquées précédemment.

En revanche, nous soutenons l’Unicef, au même niveau que nos partenaires suisses, canadiens ou norvégiens, soit à hauteur de 1 million d’euros.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 221.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 74, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer les mots :

nos concitoyens et nos

par les mots :

sa population et ses

La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Cet amendement rédactionnel part du constat que le terme « concitoyens » est trop restrictif. Nous estimons que la perception des ressortissants étrangers établis sur notre territoire, en particulier les membres des diasporas, doit également être prise en considération, ce que permet le terme « population ».

Comme le précise le CPG, les diasporas jouent un rôle essentiel dans le déploiement de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France, du point de vue tant financier que des compétences qu’elles peuvent mettre à disposition de leur pays d’origine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. Une telle précision paraît effectivement utile, dans la mesure où le terme « population » couvre les diasporas.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 160 rectifié, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Bourgi, Leconte, Cardon et Antiste, Mmes Bonnefoy, Briquet et Poumirol, M. Tissot, Mmes Lepage, Jasmin et Préville, MM. Devinaz et Redon-Sarrazy, Mme Artigalas et MM. P. Joly et J. Bigot, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer les mots :

qu’une

par les mots :

que par les citoyens des pays partenaires, et une

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Nous ne devons pas perdre de vue que les populations des pays partenaires sont les premières destinataires de notre politique d’aide publique au développement. Malheureusement, le plus souvent, ces populations ne perçoivent pas les effets de nos actions, encore moins leur pertinence et leur portée, du fait de l’insuffisance de notre communication à leur égard.

Pire encore, notre présence et nos actions au sein des pays en développement, des espaces de plus en plus concurrentiels, font l’objet d’une hostilité qui alimente des discours antifrançais. Le cas du Sahel en est une illustration éloquente. Notre ambassadeur en République centrafricaine, que nous avons auditionné voilà quelques heures, vient de nous le confirmer.

Cette ignorance, voire cette hostilité, devrait nous inviter à repenser notre stratégie de communication. Tel est justement l’objet de cet amendement, qui vise à élargir l’évaluation de la perception de notre politique d’aide au développement, non seulement par nos concitoyens mais également par les populations des pays partenaires.

Cet élargissement permettrait d’emporter davantage leur adhésion, d’autant que les gouvernants et les élites de ces pays ne communiquent pas forcément sur les projets portés et financés par notre APD. Par ailleurs, il rendrait plus perceptible notre volonté d’accompagner les États destinataires dans la mise en œuvre de leur politique de développement vers des résultats probants et concrets.

Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cet amendement, dont les dispositions nous permettraient de disposer d’un réel ancrage local, dans des espaces où l’influence étrangère est de plus en plus présente. Surtout, cela nous permettrait d’emporter l’adhésion des populations bénéficiaires, parfaitement informées sur notre présence, laquelle n’est bien sûr pas uniquement militaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. Par cet amendement, il s’agit d’évaluer la perception de l’APD française par les citoyens des pays partenaires. Comme pour l’amendement précédent, le terme de « population » aurait pu être utilisé. Si une telle évaluation n’est sans doute pas aisée à réaliser, la rédaction de cet amendement paraît suffisamment souple.

L’avis est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 160 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 312 rectifié, présenté par MM. Gold, Guérini, Bilhac et Guiol, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Fialaire, Mme Guillotin et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Les positions défendues par la France en matière d’aide au développement au sein de l’Union européenne ;

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement déposé par mon collègue Éric Gold vise à compléter la liste des informations demandées dans le cadre du rapport prévu par l’article 2 du projet de loi, que le Gouvernement doit remettre chaque année au Parlement. Il s’agit d’ajouter les positions défendues par la France en matière d’aide au développement au sein de l’Union européenne.

L’APD est, depuis longtemps, une des priorités de la politique extérieure de l’Union européenne, avec la création, prévue dès 1957, du premier fonds européen de développement, le FED.

Aujourd’hui, l’Union européenne est le contributeur le plus important en matière d’aide au développement à l’échelle mondiale, avec une contribution de 75,2 milliards d’euros pour l’année 2019, soit 55,2 % de l’aide apportée au niveau mondial.

En 2017, un nouveau consensus européen pour le développement a été défini, afin de constituer un cadre commun global pour la coopération européenne. Au sein de celui-ci, l’Union et les États membres s’engagent à avoir une approche globale, à la fois dans la conception du développement et dans les moyens mis en œuvre.

J’ajoute que notre principal opérateur, l’AFD, met en œuvre des fonds délégués dans le cadre d’opérations financées par l’Union européenne, comme le précise l’article 7 du présent projet de loi.

Compte tenu du poids financier de l’aide européenne, il convient de connaître les positions que la France défend dans le cadre communautaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. La dimension multilatérale, en particulier européenne, est évidemment essentielle. Elle est prise en compte par l’alinéa 8 de l’article et mentionnée à l’alinéa 18 du CPG.

Si l’intention nous paraît intéressante, nous sommes soucieux de ne pas alourdir le rapport prévu à l’article 2. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 312 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 152, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° La liste complète des engagements financiers des agences de l’État et de leurs filiales, comprenant notamment la mention des intermédiaires financiers et bénéficiaires finaux, ainsi que les informations relatives aux modes et critères de contractualisation des projets financés, notamment les contrats relatifs aux partenariats publics-privés, aux passations de marchés ainsi que les mentions relatives au respect des normes sociales et environnementales ;

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Il s’agit d’obtenir une plus grande transparence s’agissant des recours, à nos yeux trop importants, aux partenariats public-privé (PPP).

Une enquête du Monde diplomatique de novembre dernier montrait comment la Banque africaine de développement encourageait à signer de plus en plus de PPP, dans l’espoir d’atteindre les ODD d’ici à 2030.

Depuis 2018, ce sont plus de 450 de ces contrats qui ont été signés, avec pour principales conséquences une augmentation de l’inégalité d’accès aux services publics, des scandales de surfacturation et, d’une manière générale, un gouffre financier pour les États. Ainsi, ce sont les secteurs stratégiques des infrastructures routières et de transport en général, des services énergétiques ou des services publics de première nécessité qui ont été investis par les grands groupes au travers de ces PPP, avec des concessions s’étalant sur plusieurs décennies.

Les résultats sont inquiétants. Le cofondateur du Forum anti-privatisation (APF), le socialiste sud-africain Trevor Ngwane, a résumé en quelques mots la situation : les PPP justifieront une nouvelle vague de privatisations. Une telle conclusion avait déjà été établie voilà douze ans par Philip Alston, l’ancien rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits humains de l’ONU.

Une telle situation coûte une fortune aux États. Ainsi, le Ghana a dû payer en 2019 plus de 250 millions de dollars pour du gaz inutilisé dans le cadre du projet gazier de Sankofa, l’entreprise concessionnaire n’ayant pas rempli sa part du marché en termes de délais et ayant surévalué les besoins en gaz.

Au Sénégal, c’est l’Autoroute de l’Avenir qui a conduit Dakar à contractualiser avec Eiffage. Au bout du compte, l’entreprise a investi 70 milliards de francs CFA, soit quatre fois moins que l’État. Toutefois, en termes de retombées, c’est exactement l’inverse, puisque l’État n’empochera que la TVA et devra en sus rembourser 200 milliards de francs CFA, autant de revenus qui ne seront pas reversés au nécessaire développement des services nationaux.

Pour toutes ces raisons, le recours problématique aux PPP nécessite, à notre avis, d’être mis en lumière. L’APD française ne doit pas s’engager dans le soutien à cette voie.

M. le président. L’amendement n° 222, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° La liste complète des engagements financiers des agences de l’État et de leurs filiales, comprenant notamment la mention des intermédiaires financiers et bénéficiaires finaux, ainsi que les informations relatives aux modes et critères de contractualisation des projets financés, notamment les contrats relatifs aux partenariats publics privés, aux passations de marchés ainsi les mentions relatives au respect des normes sociales et environnementales.

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Cet amendement le souligne, l’un des objectifs de ce projet de loi est de veiller à inscrire l’aide au développement dans un cadre de transparence et de redevabilité exigeant.

Une part de plus en plus importante de l’APD et des soutiens publics français destinés au secteur privé vers les pays en développement est opérée via des fonds d’investissement, parfois localisés dans des territoires opaques ou à fiscalité faible.

La publication de l’intégralité des engagements financiers des agences de l’État et de leurs filiales, ainsi que la mention des intermédiaires financiers et bénéficiaires finaux de ces engagements, permettra une réelle traçabilité et redevabilité de ces actions. Les bénéficiaires finaux sont trop rarement connus quand les opérateurs ont recours à des intermédiaires financiers, ce qui ne permet pas de s’assurer de la destination finale des soutiens.

Cette publication permettra également de s’assurer que ces intermédiaires financiers ne sont pas localisés dans des territoires opaques, dans une démarche d’évitement de l’impôt.

Alors que le nombre de PPP augmente, la publication de ces contrats et des passations de marchés doit permettre d’entamer une démarche de transparence, en France et dans les pays concernés.