M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Pacte vert, qui se trouve au cœur de l’agenda de la nouvelle Commission européenne, entrée en fonction fin 2019, vise à mettre en œuvre un programme de transformation structurelle de l’économie européenne, afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050.

Il s’agit d’un cadre global pour un grand nombre de stratégies, qui couvrent l’ensemble des objectifs environnementaux, comme la protection de la biodiversité, l’économie circulaire et la réduction de la pollution, au-delà du domaine « énergie-climat », classique dans les politiques européennes.

Alors que les premiers éléments du pacte ont été dévoilés au début de 2020 – plan d’investissement, projet de loi Climat et résilience –, avec un nombre important d’initiatives, législatives ou non, la crise du covid-19 a redéfini les priorités de l’Union européenne. Cette crise soulève la question de la nécessité de faire évoluer le Pacte vert dans ce nouveau contexte.

Ce pacte se doit d’être central dans la diplomatie climatique mondiale. Il implique une transformation totale de notre système économique, pour atteindre, en 2050, une économie décarbonée.

L’Europe doit donc faire le pari de la croissance et de la prospérité économique, même si de sérieux doutes subsistent. En effet, certains pays ont allégé ou « oublié » les contraintes environnementales. La pandémie est venue ajouter d’importantes priorités, à court et moyen terme, à cette perspective zéro carbone pour 2050.

Si je partage le postulat de la Commission européenne affirmant qu’il n’y a pas de contradiction entre les manières de répondre à ces deux crises mondiales, nous devrons être collectivement à la hauteur de ce défi. La reprise économique peut et doit être à la fois verte et solide, pour être pleinement conforme au Pacte vert pour l’Europe.

Madame la secrétaire d’État, j’ai deux questions.

Alors que la France exercera la présidence du Conseil au premier semestre 2022, pouvez-vous nous assurer que notre pays sera bien au rendez-vous pour guider notre continent vers une énergie propre ?

Par ailleurs, les entreprises et les collectivités locales sont des acteurs essentiels pour la transition énergétique. Elles doivent élaborer des plans climat-air-énergie territoriaux. Il faut alors que le dialogue soit très resserré sur le terrain entre les collectivités et les services de l’État. Qu’entendez-vous mettre en œuvre pour que le Pacte vert devienne une réalité territoriale ? L’Union européenne n’atteindra l’objectif de sa neutralité climatique que si les territoires participent activement à cette transformation.

Pour conclure, permettez-moi de reprendre les propos de Mme Christine Lavarde : « La créativité et le pragmatisme de tous les acteurs seront les clés de la réussite de ce pacte ».

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons là une belle conclusion au débat de cette fin de journée.

Notre ambition était que personne, aujourd’hui, n’ignore plus ces enjeux. Preuve de notre succès, le Pacte vert a été maintenu dans le contexte d’une actualité et d’un calendrier complètement bouleversés par la crise sanitaire, économique et sociale.

C’est bien le signe, je crois, que les enjeux environnementaux sont tout à fait liés à la nécessité de construire un modèle français, européen et même international qui soit soutenable et vivable pour chacun. Malgré ce calendrier, nous avons tenu le rythme en France, en lien avec des États membres également ambitieux, avec lesquels nous avons appuyé, soutenu et maintenu le Pacte vert au cœur des priorités de l’Union européenne.

Ainsi, nous avons obtenu que 30 % du nouveau budget européen du plan de relance soient directement fléchés vers la lutte contre le changement climatique. La Commission a réaffirmé, dans toutes ses initiatives, que le Pacte vert était la stratégie de croissance de l’Union et le nouveau prisme de toutes nos politiques.

Permettez-moi également de souligner que, malgré la crise sanitaire, nous avons adopté une loi européenne sur le climat qui rehausse les objectifs de réduction des émissions pour 2030, ce qui constitue un signal majeur.

Le Pacte vert prévoyait une première phase de révision de nombreuses politiques de l’Union. Celle-ci a eu lieu dans les temps, et la Commission a bien publié les stratégies qu’elle avait prévues. Cette phase, sans doute moins visible, n’en constituait pas moins le préalable indispensable à de nombreuses propositions législatives, que nous attendons désormais. Le timing a donc été respecté.

S’agissant de la mise en œuvre du Pacte vert dans les territoires, on l’a vu ce soir, les régions sont, aux côtés de l’État, des acteurs essentiels dans son déploiement et sa mise en œuvre. Plus largement, le maillage territorial a permis un déploiement très fin du plan de relance.

En conclusion, permettez-moi de répéter ce soir ma satisfaction de voir l’État, ses services et toutes les collectivités faire preuve d’une telle réactivité dans la mise en œuvre de ce plan de relance, dans la droite ligne des ambitions du Pacte vert.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout le monde ou presque en convient désormais, le changement climatique est non plus seulement une réalité, mais aussi une urgence.

Il faut naturellement que l’Europe prenne toute sa part à l’effort global que chaque nation devra désormais entreprendre ou intensifier. N’oublions pas néanmoins qu’elle ne représente que 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Avec le Pacte vert présenté en 2019, l’Europe s’est dotée d’une feuille de route ambitieuse pour atteindre la neutralité climatique et combattre les atteintes à l’environnement. Au travers de son nouveau cadre financier pluriannuel, augmenté d’un plan de relance inédit, elle entend dégager des moyens financiers qui, s’ils ne sont pas en eux-mêmes suffisants, seront sans commune mesure avec ceux qui ont été mobilisés par le passé.

Au cours des derniers mois, les principaux objectifs du Pacte vert ont été précisés. En matière climatique, ils ont d’ores et déjà été endossés par le Parlement européen et les États membres. Certes, on peut le regretter, tous les pays de l’Union n’auront pas à atteindre la même cible, mais tous devront néanmoins accélérer la cadence de leur transition.

Après l’heure des objectifs, vient aujourd’hui celle de la mise en œuvre. Quelque 87 textes sont annoncés, dont 27 seulement ont déjà été présentés : le chantier ne fait donc que commencer.

Il s’accélérera, dès le mois de juillet prochain, avec la présentation par la Commission européenne du paquet « Ajustement à l’objectif 55 », qui s’attaquera à de nombreux dossiers d’envergure, parmi lesquels le système d’échange des quotas d’émission, l’utilisation et le changement d’affectation des terres, les infrastructures des carburants alternatifs, la taxation de l’énergie, le déploiement des énergies renouvelables, ou encore la création du très attendu mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

La prudence est toutefois de mise : la semaine dernière, le Conseil européen extraordinaire a renvoyé le dossier à l’automne et demandé à la Commission un examen approfondi des incidences environnementales, économiques et sociales au niveau des États membres. Soyons conscients de la difficulté et de l’immensité de la tâche qui nous attend, spécialement en France.

L’ampleur des transformations induites par la mise en œuvre du Pacte vert européen dans tous les pans de notre activité, ainsi que leur coût, leur complexité et leurs risques, ne doit en aucun cas être sous-estimée.

Le secteur agricole en fournit une édifiante illustration : faute d’étude d’impact de la Commission européenne, qui se refuse à en fournir, les estimations du gouvernement américain tablent sur une diminution d’environ 10 % de la production agricole à l’horizon de 2030, au vu des objectifs fixés.

La prolongation inattendue, jusqu’en juin, des négociations sur la PAC prouve la difficulté à concilier les ambitions environnementales et la viabilité de notre agriculture. Rappelons, madame la secrétaire d’État, que, depuis trente ans, s’il y a un secteur qui s’est adapté aux normes européennes, c’est bien l’agriculture, ainsi d’ailleurs que la pêche.

M. Jean-François Rapin. Pour demeurer dans les limites fixées par l’accord de Paris, la voie que nous devons emprunter est une ligne de crête extraordinairement étroite, qui chemine entre deux à-pics : d’un côté, celui de l’effondrement écologique, de l’autre, celui de la décroissance économique, de la détresse sociale et des fractures territoriales, qui obéreraient de fait toute ambition environnementale.

La solution miracle n’existe pas, et l’équilibre de notre réponse au défi climatique devra s’apprécier tant globalement que secteur par secteur et mesure par mesure. Toutefois, face aux efforts considérables qui devront être fournis par chacun, quelques principes cardinaux me semblent devoir guider notre action.

Le premier d’entre eux est le pragmatisme et l’efficacité. Dans la période de transition accélérée, à bien des égards périlleuse, que nous devons amorcer, les dogmatismes n’ont plus leur place, qu’ils soient écologiques, par exemple en matière d’énergie, d’agriculture ou, tout simplement, de croissance, ou qu’ils soient économiques, notamment en matière de concurrence et de commerce.

Certains réflexes idéologiques doivent céder le pas à des politiques cohérentes et réalistes. Il s’agit de créer les bonnes incitations pour que les citoyens et les entreprises soient en capacité de réduire leur empreinte carbone et leur impact écologique. À ce titre, il importe d’inclure le nucléaire dans la taxonomie européenne, car c’est un atout clé pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Bien sûr, ce mouvement n’ira pas sans contraintes nouvelles. Croire le contraire serait se bercer d’illusions. Néanmoins, se contenter de taxer, restreindre ou interdire, c’est, à coup sûr, envoyer la transition écologique se fracasser sur le mur de l’acceptabilité. Nous savons tous, depuis les « bonnets rouges » et les « gilets jaunes », ce qu’il advient lorsque l’écologie est perçue comme exclusivement punitive.

C’est à ce titre qu’un second principe directeur me paraît essentiel : le soutien à l’innovation.

Il s’agit, tout d’abord, de la concevoir et de la développer, via des investissements massifs dans les technologies bas-carbone et zéro carbone ainsi que dans les technologies de captage, de stockage et d’utilisation du carbone. Ensuite, il faut la déployer et l’exploiter par la constitution d’écosystèmes industriels, par exemple autour de l’hydrogène bas-carbone bénéficiant d’un cadre réglementaire à la fois incitatif et protecteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le Pacte vert européen.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

7

Reprise et relance des activités culturelles

Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Mme le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur la reprise et la relance des activités culturelles.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que l’auteur de la demande du débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Sylvie Robert, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quelques années après la fin du Second Conflit mondial, Albert Camus écrit : « Sans la culture, et la liberté relative qu’elle suppose, la société, même parfaite, n’est qu’une jungle. C’est pourquoi toute création authentique est un don à l’avenir. »

Ces quatre mots – culture, liberté, création et avenir – composent presque autant un programme pour la réouverture des lieux culturels qu’un récit existentiel et civilisationnel.

Depuis plus d’un an, en effet, à l’exception de rares moments, nous avons expérimenté une vie sans culture vivante.

Certes, le numérique a permis d’apporter une forme d’ersatz culturel, et des choses formidables ont été réalisées. Néanmoins, la preuve est faite aussi qu’il ne peut se substituer à ce qui fonde les arts vivants et, plus globalement, l’acte culturel : ce partage avec les autres est le ressenti, en réalité, d’émotions et de réflexions aussi diverses que diffuses. Ce pouls-là, palpitant, nous a terriblement manqué.

Ainsi, à la gravité de la période que nous venons de traverser, doit désormais répondre une forme non pas d’insoutenable légèreté de l’être, mais de douce légèreté commune.

Il ne s’agit pas tant d’affirmer que rien n’est grave, mais plutôt, puisque tout est grave et que maintenant nous le savons, que nous pouvons aussi penser et nous extraire de cette réalité pour travailler et tendre vers d’autres imaginaires. C’est ce besoin, encore plus vital aujourd’hui, que la culture nous aide, entre autres, à assouvir.

Pour ce faire, et en vue de faciliter et de dynamiser la reprise des activités culturelles, les conditions de réouverture doivent être propices. C’est la raison pour laquelle notre groupe a demandé la tenue de ce débat, pour vous entendre, madame la ministre, et afin que vous puissiez répondre aux questions de mes collègues qui s’en posent encore.

J’en profiterai également pour avancer quelques idées, afin de participer à la réflexion, mais aussi de consolider la relance culturelle, y compris à moyen terme.

L’urgence de garantir un déconfinernent culturel réussi a trait au déploiement de ses modalités. Cela va du pass sanitaire à la cohérence d’ensemble des protocoles mis en œuvre. S’il ne s’agit nullement de reléguer l’impératif sanitaire au second plan, il convient néanmoins de rappeler que l’étude de mars 2021, menée par l’Institut Pasteur, sur les lieux de contamination au SARS-CoV-2, aboutissait à la conclusion que la fréquentation des lieux culturels n’avait pas été associée à un sur-risque d’infection pendant la période où ceux-ci étaient ouverts.

En d’autres termes, s’il est logique qu’ils soient soumis à des protocoles sanitaires, les établissements et les événements culturels n’ont pas à endurer des modalités de réouverture plus drastiques que d’autres lieux aux caractéristiques similaires. Je pense aux critères cumulatifs très lourds pour les festivals – mais cela va peut-être évoluer –, au pass, à la jauge et à la densité. C’est une question de sécurité, d’égalité de traitement, mais aussi d’accessibilité réelle à la culture.

À cet égard, le pass sanitaire, bien qu’il soit temporaire, et mieux cadré par le Sénat, soulève encore de multiples interrogations, et sa mise en œuvre se révélera compliquée et coûteuse.

Je tiens à rendre hommage à l’extrême agilité et pugnacité dont devront faire preuve les organisateurs de festivals et d’autres rencontres, qui ont décidé, et je m’en réjouis, de maintenir leur événement cet été, dans la mesure où ils se jettent, pour partie, dans l’inconnu.

Il faut les accompagner efficacement, par exemple par rapport aux dépenses supplémentaires. À cet égard, une garantie de redémarrage de la part de l’État ne serait-elle pas de nature à les rassurer ? Que pensez-vous, madame la ministre, de cette préconisation de la mission d’information sur les effets des mesures de confinement, dont M. Roger Karoutchi était le rapporteur ?

En plus des difficultés d’organisation, cet accompagnement est naturellement d’ordre financier. Chacun le sait : toutes les structures, les équipes et les artistes auteurs ont été fragilisés. La commission de la culture du Sénat avait alerté sur les pertes considérables que subissaient les différents secteurs culturels.

D’un point de vue quantitatif, le Gouvernement a agi, et il faut le saluer. Des fonds ont été débloqués pour soutenir les acteurs culturels, via des aides transversales et sectorielles. Néanmoins, d’un point de vue qualitatif, quelques points peuvent être soulevés, qui auront peut-être demain des conséquences sur la reprise. En effet, je suis intimement convaincue que la période la plus délicate, qui est devant nous, va révéler la fois les vertus de notre robuste modèle culturel français, mais aussi ses fragilités.

La situation des équipes artistiques est ainsi préoccupante, et les lieux dans le domaine des arts visuels et du spectacle vivant auront une responsabilité majeure, en termes de solidarité, pour les soutenir et les accompagner à un moment où l’embouteillage des projets induira forcément une sélection plus dure. Il me semble, madame la ministre, que la vigilance sur ce sujet devra s’accompagner d’une évaluation de cette situation par les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC.

La difficulté à adapter les aides transversales aux spécificités du secteur culturel a été réelle ; je pense aux « trous dans la raquette », aux artistes auteurs et aux établissements publics de coopération culturelle, les EPCC, qui ont pu en être exclus pour des raisons juridiques. Là encore, une analyse fine des situations devra être menée.

Enfin, s’agissant de la problématique récurrente de la déclinaison territoriale des crédits, les lieux intermédiaires et les associations culturelles n’ont pas été suffisamment appuyés, alors que leur ancrage territorial est important.

Si nous nous tournons vers l’avenir, il se révèle indispensable que le soutien à la culture ne s’arrête pas du jour au lendemain. Le prochain PLFR permettra d’aborder cette question. Pour les intermittents, je pense qu’une clause de rendez-vous à l’automne, liée à la prolongation de l’année blanche, peut être nécessaire. Quant au volet sur l’emploi artistique, il devra également faire l’objet d’une évaluation et être amplifié, singulièrement en direction des jeunes artistes.

Les acteurs culturels nous alertent : ils sont heureux de rouvrir, mais n’ont pas pour autant franchi le mur. Ils sont parfois plongés dans un paradoxe, où l’euphorie de la reprise n’apaise aucunement les craintes quant à la pérennité de leur activité. Pour eux, le juge de paix sera 2022, voire 2023.

C’est pourquoi, au regard de l’ampleur de la crise et par souci de visibilité, établir une programmation pluriannuelle pour la culture de 2022 à 2027, sur le modèle de celle qui est prévue pour la recherche, serait peut-être un bon moyen de rassurer les acteurs de la culture. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

En effet, ce besoin impérieux de visibilité est l’une des grandes leçons de cette crise. La politique de stop and go a été difficile à vivre, d’autant plus que l’anticipation est un facteur décisif ; les équipes sont épuisées.

Afin d’anticiper la rentrée, et quoiqu’il arrive, un plan de maintien des activités culturelles devra être bâti, en lien avec les acteurs culturels, bien sûr, mais aussi en dialogue avec les collectivités. De la même façon, il faudra rapidement anticiper sur les protocoles et préciser ces derniers, pour que les festivals en jauge debout – je pense naturellement aux Rencontres trans musicales, cet hiver, dans mon département – puissent se préparer.

Puisque l’on parle d’anticipation, nous proposerons qu’un plan d’investissement en faveur de l’équipement en ventilation et aération des établissements culturels soit inscrit dans la prochaine loi de finances, en lien avec les fonds de soutien des collectivités déjà à l’œuvre.

En outre, les collectivités territoriales, partenaires naturels des acteurs culturels, sont très heureuses de voir la vie culturelle reprendre sur leur territoire. Elles ont un rôle central à jouer dans la relance culturelle. Les conseils des territoires pour la culture, les CTC, doivent, plus que jamais, jouer un rôle de veille, mais aussi de coordination et d’impulsion pour permettre une véritable territorialisation d’une action publique mieux concertée.

Enfin, la reprise des activités culturelles n’est pas qu’institutionnelle : en France, près d’une personne sur quatre pratique une activité culturelle en amateur. Autant dire que, pour beaucoup de nos concitoyens, le retour à la vie culturelle était attendu. Un certain nombre de points réglementaires, notamment sur les protocoles de divers établissements recevant du public, ou ERP, les empêchent encore de pratiquer. J’espère, madame la ministre, que vous les préciserez très prochainement.

Définitivement, la culture est tout sauf un privilège. Plus que nécessaire, elle nous est essentielle, et c’est peut-être la grande révélation de cette période difficile que nous venons de vivre. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, depuis le 19 mai dernier, les spectacles, les monuments, les théâtres, les salles de cinéma, les centres et galeries d’art ont rouvert leurs portes au public.

L’amélioration de la situation sanitaire permet de renouer avec ce qui fait l’essence même de la culture : se réunir, se retrouver et échanger. La réouverture se traduit par des retrouvailles, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cette réouverture tant attendue des lieux de culture se veut toutefois prudente et progressive. Elle est échelonnée en plusieurs phases, d’ici au début du mois de juillet, de manière coordonnée et cohérente avec les autres secteurs jusque-là fermés.

Après la première étape du 19 mai, les contraintes de jauges seront allégées à compter de la semaine prochaine et seront levées pour toutes les salles et, là où le public est assis, à compter du 30 juin. Cette démarche décline le modèle résilient sur lequel le ministère de la culture et les professionnels se sont mobilisés depuis plusieurs mois dans cette perspective. Les prochaines semaines permettront au pays tout entier de vivre la culture.

La réouverture s’amorce bien, avec une offre très diversifiée dans tous les secteurs. Au cinéma, plus de 2 millions d’entrées ont été enregistrées lors de la première semaine de réouverture, soit, malgré la jauge de 35 %, plus du double des entrées réalisées sur la même période en 2020.

Les musées, les expositions et les salles de spectacles ouvertes ont également fait le plein, et le public a été au rendez-vous ; je pense notamment au musée d’Orsay et au Centre Pompidou, qui affichaient complet pour leurs expositions temporaires durant le premier week-end.

Les festivals ont également pu reprendre depuis le 19 mai. C’était le cas des Nuits de Fourvière, à Lyon, hier soir, avec des jauges également réduites et qui évoluent selon les mêmes étapes. Grâce à la vaccination et à l’amélioration de la situation sanitaire, les festivals, si nombreux et si divers, pourront se tenir cet été ; nous devons nous en réjouir.

Je sais que les questions sont encore nombreuses, et, madame la sénatrice Sylvie Robert, vous en avez énuméré un certain nombre, auxquelles je répondrai au cours de notre débat interactif.

Les interrogations sont nombreuses notamment sur les modalités pratiques, et je sais qu’il s’agit d’un vrai sujet de préoccupation pour le Sénat. Je m’attends donc à de nombreuses questions et interpellations dans les prochaines minutes.

La réouverture se fait également dans des conditions maîtrisées de sécurité sanitaire, tant pour le public que pour les artistes, les agents, les techniciens et les salariés des lieux. Les professionnels ont, en effet, tout mis en œuvre, avec l’appui du ministère de la culture, pour que la réouverture, qui repose sur des protocoles rigoureux et toute l’expérience qui a été accumulée lors du premier déconfinement, soit une réussite.

Le public a ainsi pu être accueilli, dès le premier jour, dans les meilleures conditions, grâce à la mobilisation de l’ensemble des personnels des lieux culturels. Je veux vraiment ce soir, devant vous, les remercier. Cette réouverture est également possible dans de bonnes conditions parce que le Gouvernement a mobilisé toutes ses forces pour soutenir la culture et faire en sorte qu’elle reste vivante, forte et que, dans toute sa diversité, elle surmonte cette période si difficile.

Depuis le début de la crise sanitaire, ce sont quelque 12,4 milliards d’euros qui ont été mobilisés par l’État en faveur de la culture, pour les structures publiques, les entreprises culturelles, les créateurs, les artistes et les techniciens. Ce chiffre est inégalé dans le monde.

Plus de 8 milliards d’euros d’aides transversales et près de 1,4 milliard d’euros d’aides sectorielles ont soutenu l’ensemble de la filière du cinéma, de la musique, du théâtre, aidé les festivals et encouragé les captations de spectacles. Enfin, le Gouvernement déploie depuis le mois de janvier les 2 milliards d’euros accordés au titre du plan de relance, qui permettent de soutenir nos opérateurs, de renforcer l’emploi culturel et de moderniser les filières culturelles.

Vous pouvez d’ores et déjà constater, dans vos territoires, la mise en œuvre de ces crédits.

Pour accompagner la réouverture, qui commence par des jauges limitées, un nouveau train de mesures a également été mis en place, avec une enveloppe supplémentaire de 148 millions d’euros pour soutenir les secteurs du cinéma et du spectacle vivant, particulièrement frappés par la crise sanitaire.

À compter du mois de juin, ces entreprises continueront de bénéficier du fonds de solidarité, sous certaines conditions et de manière dégressive, au prorata de leurs pertes de chiffre d’affaires.

Enfin, le dispositif d’activité partielle sera prolongé pour les secteurs prioritaires sans reste à charge pour l’employeur jusqu’à la fin du mois de juin, et même au-delà dans certaines conditions. À partir de juillet, un régime dégressif prendra le relais, pour tenir compte de la reprise progressive d’activité.

Par ailleurs, l’année blanche en faveur des intermittents est prolongée de quatre mois, jusqu’au 31 décembre 2021, avec trois filets de sécurité – j’y reviendrai lors du débat interactif – pour les douze mois suivants : extension de la période d’affiliation au-delà de douze mois, clause de rattrapage et modalités aménagées de l’allocation de professionnalisation et de solidarité. Ces mesures permettront de garantir une indemnisation durant toute l’année 2022, soit seize mois de protection supplémentaire pour les intermittents de la culture.

J’ai également eu l’occasion d’annoncer une enveloppe de 30 millions d’euros pour soutenir directement l’emploi artistique, grâce au renforcement de trois dispositifs qui visent à soutenir l’activité culturelle de proximité, en allégeant le coût de l’emploi artistique pour les employeurs occasionnels.

Les jeunes – vous en parliez, madame la sénatrice, et c’est tellement important ! – qui ont commencé leur carrière dans les professions de la culture et du spectacle pendant la crise sanitaire sont les premiers bénéficiaires des politiques de protection mises en place durant la crise. Ils profitent d’un accompagnement renforcé, avec non seulement le développement de l’apprentissage et un recours plus important au plan « 1 jeune, 1 solution », mais aussi l’abaissement du seuil d’accès au régime d’intermittent pour les primo-accédants de moins de 30 ans.

Cette réouverture est une réussite, mais elle n’est pas une fin en soi. Elle n’a de sens que si nous poursuivons nos politiques d’accès à la culture, principalement centrées sur les jeunes.

C’est ce que nous avons fait au ministère de la culture au cours des derniers mois. Je pense bien évidemment à la généralisation du pass culture, qui permet, depuis le 20 mai dernier, à chaque jeune de 18 ans de bénéficier d’un crédit de 300 euros utilisable vingt-quatre mois pour réserver des spectacles au théâtre ou à l’opéra, pour acheter des places de concert, des instruments de musique ou des livres, pour planifier des visites de musées et d’autres lieux de patrimoine.

Je sais que ce dispositif ne fait pas l’unanimité dans cet hémicycle, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : il y a un incroyable engouement depuis l’annonce de sa généralisation.

Voilà, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire en amont de nos échanges. Cette reprise était très attendue. Nous avons travaillé d’arrache-pied au ministère de la culture, avec l’ensemble des professionnels, pour qu’elle soit solide et pérenne.

Les Français ont été au rendez-vous de cette réouverture, et nous devons, toutes et tous, continuer à faire vivre la culture dans les semaines et les mois à venir.

Débat interactif