M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a profondément aggravé la précarité étudiante : troubles psychologiques, perte de revenus d’appoint, décrochage scolaire… Les conséquences sont nombreuses et jettent les étudiants dans des situations matérielles difficiles.

L’été dernier, le Gouvernement a pris une mesure essentielle d’accompagnement des étudiants en mettant en œuvre des repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, pour les étudiants boursiers d’abord.

Cependant, les auteurs de la proposition de la loi, dont mes collègues du groupe RDSE Véronique Guillotin et André Guiol sont cosignataires, soulignent à juste titre que cette décision s’avère inégalitaire à l’usage, en ce qu’elle exclut de fait les étudiants boursiers éloignés des grands campus et des centres-villes, et donc du système de restauration des Crous.

Pour autant, l’instauration d’un ticket restaurant étudiant disponible à tout moment, pour tous les étudiants, que proposaient les auteurs de ce texte était certainement mal adaptée et trop large. En effet, les Crous auraient alors dû faire face à la concurrence de la restauration privée avec de moindres financements.

En outre, ce dispositif ne permettrait pas d’atteindre l’objectif de lutte contre la précarité étudiante, tant il est difficile de trouver un repas complet et équilibré pour 6,60 euros.

La commission a utilement procédé à des modifications pour centrer la proposition de loi sur la problématique de l’accès à la restauration universitaire. En effet, faute d’une répartition homogène des restaurants universitaires, l’existence de « zones blanches » place certains étudiants en situation d’inégalité d’accès au service public du Crous. Ces étudiants de territoires sous-dotés en infrastructures sont ainsi dans l’impossibilité de bénéficier des tarifs sociaux.

La commission a resserré le dispositif, dont le coût budgétaire initial, évalué entre 2 et 3 milliards d’euros annuels, rendait insoutenable la proposition. Désormais, le ticket sera territorialisé et proposé aux seuls étudiants éloignés des structures de restauration universitaire, lesquels pourront bénéficier d’un ticket à tarif social pour se restaurer ou faire des achats alimentaires auprès d’établissements conventionnés – nous souhaiterions d’ailleurs, madame la ministre, connaître les modalités de ce conventionnement.

Ce ticket restaurant étudiant constituera une offre complémentaire de celle de la restauration universitaire. Cette solution permet aussi d’écarter tout risque de déstabilisation de la situation financière, déjà très délicate, des Crous.

Dans le même temps, ce dispositif créera un cercle vertueux avec les acteurs locaux de la restauration, qui en auront particulièrement besoin au moment où leur activité reprend.

Le groupe RDSE, comme je l’ai souligné, est favorable à cette innovation qui ira dans le sens d’un meilleur service aux étudiants. Nous voterons ce texte avec enthousiasme.

Pour autant, il sera nécessaire d’aller plus loin à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, en pérennisant le repas à 1 euro qui constitue une mesure sociale fondamentale à destination des étudiants précaires.

Il faudra alors trouver de nouvelles sources de financement, sauf à déséquilibrer totalement les budgets et les capacités d’investissement des Crous. Cette situation risque d’affecter toutes leurs autres missions – logement, accompagnement social, accès à la santé ou à la culture –, autant de secteurs prioritaires pour les conditions de vie des étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je partage l’émotion collective qui s’est manifestée dans cet hémicycle. Un grand pays comme le nôtre ne peut accepter qu’une partie de sa jeunesse estudiantine souffre de la faim et soit contrainte de trouver sa pitance auprès des associations caritatives.

Cette crise n’est pas seulement la conséquence d’une situation qui a privé les étudiants d’une partie de leurs ressources. Elle est le symptôme, aggravé par la pandémie, d’une augmentation continue et ancienne de la précarité étudiante. Le Sénat a souhaité en analyser précisément les causes et les conséquences dans le cadre d’une mission d’information – vous m’avez fait l’honneur, mes chers collègues, de me confier la présidence de cette mission et je vous en remercie.

Les images des longues files d’attente des étudiants devant les soupes populaires ne doivent pas faire oublier la mobilisation absolument exemplaire du réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires. Nous devons saluer collectivement l’extrême mobilisation de tous leurs agents qui ont su, dans des circonstances très difficiles, adapter en permanence leurs services à des normes sanitaires très changeantes pour offrir aux étudiants, dans les restaurants universitaires, des repas, un accueil et un peu de chaleur humaine. L’action des Crous dans les résidences universitaires a été aussi d’un grand secours et a certainement permis d’éviter de nombreux drames.

L’abaissement du tarif du repas à l’euro symbolique, d’abord pour les boursiers puis pour l’ensemble des étudiants, fut une mesure de salubrité et d’humanité absolument nécessaire. Elle doit être pérennisée.

Aussi, madame la ministre, vous devez nous donner céans l’assurance que la charge budgétaire supplémentaire imposée au réseau des Crous sera compensée dans le projet de loi de finances rectificative, qui sera soumis au Sénat prochainement, et que le coût de la prolongation de cette mesure sera intégré au budget 2022.

Néanmoins, il est incontestable que le réseau des Crous, malgré ses 400 restaurants, ne peut apporter une offre de restauration à tous les étudiants sur l’ensemble du territoire. Pratiquement, il n’est pas raisonnable de demander la création de restaurants dans des communes où la densité d’étudiants est trop faible pour assurer ce service. Je pense, par exemple, aux 175 étudiants de l’antenne de l’université de Perpignan à Mende, en Lozère. En l’occurrence, il serait nécessaire que le Crous passe une convention avec une collectivité pour permettre à ces 175 étudiants d’accéder à la restauration collective disponible à Mende.

C’est à ces deux conditions – absence d’une offre du Crous et accès des étudiants à la restauration collective des organismes publics – que nous considérons que cette proposition de loi est susceptible de contribuer à l’extension du service public de la restauration universitaire, avec l’aide des collectivités.

La crise pandémique a montré que l’action coordonnée des Crous et des collectivités était essentielle pour renforcer les services offerts aux étudiants. Madame la ministre, il faut que vous donniez au réseau des Crous les moyens budgétaires d’un développement de sa politique d’agrément avec les collectivités et les organismes publics pour qu’il puisse assurer le service public de la restauration universitaire sur l’ensemble du territoire national.

Pour reprendre mon exemple, madame la ministre, il n’appartient qu’à vous que les 175 étudiants de Mende puissent accéder à un service de restauration collective d’un organisme public, dès la rentrée prochaine. Sur ce dernier point, je crois que vous nous avez donné votre accord ; je vous en remercie. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux remercier nos collègues du groupe Union Centriste de nous proposer l’examen de cette proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant et saluer la qualité du travail de notre rapporteur.

J’ai d’abord accueilli plutôt favorablement la perspective offerte par ce texte. En effet, les étudiants n’ont pas tous accès à la restauration universitaire. Cette proposition de loi peut donc paraître frappée au coin du bon sens, car l’utilisation d’un ticket restaurant est simple, souple et peut sembler correspondre aux habitudes des jeunes.

Cependant, plus nous avons travaillé sur le sujet et moins nous avons été convaincus. Les travaux menés en commission la semaine dernière ont encore affermi notre conviction. Beaucoup d’étudiants, par la voix de leurs représentants, s’opposent à cette proposition de loi, évoquant même une « fausse bonne idée » – expression que je peux faire mienne.

Même si les questions budgétaires sont très peu évoquées dans ce texte, l’instauration de ces titres restaurant représenterait un investissement important, dépassant le milliard d’euros par an. Où va aller l’argent ainsi investi ? Le texte est très flou, mais il est à craindre que ce soit dans les enseignes de restauration rapide. Il s’agit donc, manifestement, autant – sinon plus – d’un soutien au secteur privé que d’une aide aux étudiants, conduisant à terme à un affaiblissement du service public des Crous, ce qui pénaliserait les étudiantes et les étudiants les plus précaires.

Quitte à faire un investissement important en direction des étudiants, pourquoi ne pas les soutenir directement à travers une aide financière de 1,5 milliard d’euros qu’ils réclament ? Elle permettrait de lutter plus efficacement contre la pauvreté étudiante qui s’accroît. Je rappelle que les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont favorables à l’extension du RSA aux 18-25 ans, en particulier en ces périodes très difficiles de crise sanitaire.

Les tickets restaurant peuvent également être le vecteur d’une certaine « malbouffe », la solution étant d’avoir recours à la restauration rapide et à ses qualités nutritionnelles souvent discutables…

Cette proposition de loi fait aussi l’impasse sur les enjeux budgétaires, renvoyant presque tout au pouvoir réglementaire. L’exposé des motifs évoque une valeur du ticket restaurant de 6,60 euros, avec une prise en charge pour les étudiants de 3,30 euros. Qui de l’État ou des collectivités territoriales prendra en charge le complément ? C’est le grand flou ; un flou qui peut faire craindre aux collectivités territoriales un nouvel alourdissement de leurs charges.

En outre, 3,30 euros à la charge des étudiants, c’est beaucoup. Les plus précaires ne pourront s’acquitter de cette somme. Et pourquoi paieraient-ils 3,30 euros, alors que le prix du restaurant universitaire est actuellement de 1 euro, sauf à présupposer que cette mesure bienvenue s’arrête ? Or il faudrait au contraire aider à la pérenniser.

Durant encore de très longs mois, les étudiants vont subir de plein fouet les conséquences économiques de cette crise sanitaire sans précédent, notamment en termes de logement et d’emplois étudiants. Leurs difficultés ne se limitent malheureusement pas à la nourriture, elles sont protéiformes et nécessitent – je le répète – une aide financière directe.

Je crains que l’éventuelle création de tickets restaurant pour les étudiants n’affaiblisse, au bénéfice du privé, les restaurants universitaires, dont la mission n’est pas seulement de nourrir les étudiants de manière équilibrée, ce qu’ils font plutôt bien d’ailleurs. Ils ont aussi une importante mission de socialisation et de repérage des élèves en difficultés ou en décrochage.

La restauration représente environ 30 % du chiffre d’affaires des Crous. Les priver d’une part de cette activité risque de mettre à mal leurs autres missions : logement, aides sociales, culture…

Je veux rappeler que la dotation budgétaire annuelle des Crous s’élève à seulement 10 % du coût prévisionnel de la création des tickets restaurant pour les étudiants : 367 millions d’euros pour 2021, hors crédits supplémentaires du plan de relance pour compenser la baisse à 1 euro du ticket de resto U. Les risques de fermeture de sites, de licenciement de personnels et de baisse de prestations sont donc très importants.

Cette proposition de loi met en avant des solutions inspirées par l’ultralibéralisme économique, l’individualisme et le repli sur la sphère privée. L’alternative consisterait à augmenter les moyens du réseau des œuvres, ce qui permettrait de multiplier les conventions et les partenariats avec les collectivités pour généraliser, à terme, l’accès à la restauration de tous les étudiants sur tous les territoires.

Les modifications apportées par la commission la semaine dernière, sur l’initiative de notre rapporteur, ne nous rassurent malheureusement pas. La restriction du bénéfice du dispositif aux seuls étudiants éloignés des restaurants universitaires introduit un critère uniquement géographique et non social et n’apporte pas davantage de garanties sur les financeurs, les conditions d’entrée dans le dispositif et le tarif du ticket.

Certes, ces nouvelles dispositions diminuent le coût de la mesure, mais les risques d’une prise en charge, par des financements publics, d’une alternative privée non accessible à tous perdurent, au détriment du service public de restauration universitaire et au risque d’un manque à gagner pour ce dernier.

Pour toutes les raisons que je viens d’invoquer, notamment le flou qui entoure la rédaction de ce texte, les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposeront à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, et à l’heure où nous espérons pouvoir sortir de la crise sanitaire que nous subissons depuis des mois, plus personne n’ignore les difficultés économiques et la précarité auxquelles sont confrontés les étudiants.

Au travers de nos auditions, dans le cadre de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante en France, nous avons constaté combien la crise sanitaire a eu un effet de loupe sur les difficultés économiques structurelles du monde étudiant.

D’après les données de l’Observatoire de la vie étudiante, 56 % des étudiants ont souffert de difficultés dans la gestion de leurs dépenses alimentaires durant le premier confinement. Plus inquiétant encore, un quart d’entre eux n’a pas été en mesure de manger à sa faim, contre seulement 6 % avant la pandémie.

Les files d’attente qui s’allongent devant les épiceries sociales et solidaires des campus témoignent de l’aggravation dramatique de la précarité alimentaire. Au-delà de cette difficulté, la question de l’adaptation de l’offre alimentaire à la vie étudiante se pose.

Devant cette situation d’urgence, la proposition de M. Levi de créer un ticket restaurant est une solution bienvenue pour les étudiants privés d’un accès à la restauration universitaire. Je tiens également à remercier le rapporteur, M. Hingray, de son travail fourni.

Certes, le ticket de resto U à 1 euro est une initiative louable, qui a permis de faire face à l’urgence de la crise. Mais ce dispositif n’est pas viable sur le plan budgétaire et n’a pas vocation à être pérennisé. De plus, il ne résout pas le problème de l’inégalité territoriale dans l’accès aux restaurants universitaires.

À l’inverse, le ticket restaurant étudiant présente l’avantage d’élargir la cadre géographique de la restauration étudiante aux territoires les plus reculés. Toutefois, il ne doit pas avoir pour conséquence de précipiter ses bénéficiaires vers les modes de restauration rapide, au détriment de leur santé.

De la même manière, il ne faut pas négliger la difficulté, en termes d’avance de trésorerie, qu’induirait la délivrance de tickets restaurant par lots à des étudiants qui ne sont souvent pas en mesure d’avancer une somme importante ni le coût difficilement soutenable du dispositif initial, évalué entre 2 et 3 milliards d’euros.

Enfin, il ne saurait s’agir de mettre en concurrence les Crous avec les opérateurs privés. Lieux emblématiques de la vie estudiantine, les Crous rivalisent d’efforts depuis de nombreuses années pour adapter leur offre à l’évolution des besoins.

C’est la raison pour laquelle je soutiens la disposition proposée par M. le rapporteur, et adoptée en commission, qui circonscrit le dispositif du ticket restaurant aux étudiants trop éloignés des structures de restauration universitaire. Plus cohérente sur le plan budgétaire, cette modification permet de réaffirmer le caractère complémentaire de la mesure et de répondre au problème des zones blanches, sans pour autant déstabiliser l’écosystème des œuvres universitaires et scolaires.

Avant de conclure, je souhaiterais saluer le formidable travail accompli par de nombreuses associations d’aide alimentaire durant la crise sanitaire, qu’il s’agisse des Restos du cœur, de Linkee ou d’autres, dont les bénévoles ont distribué plus de 40 000 paniers-repas gratuits aux étudiants franciliens depuis le mois d’octobre dernier. Ces acteurs représentent un soutien de taille à l’heure de voler au secours des plus démunis.

En adoptant cette proposition de loi, le Sénat prouvera que leurs efforts n’ont pas été vains et que la représentation nationale a pris la mesure des difficultés rencontrées par une partie de la jeunesse de France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à créer un ticket restaurant étudiant, valable dans les restaurants et supermarchés conventionnés. D’une valeur de 6 à 7 euros, ces titres seraient financés par l’État avec un reste à charge pour l’étudiant de 3,30 euros.

Ce dispositif permettrait de réduire les dépenses alimentaires des étudiants et de lutter contre la précarité des jeunes, particulièrement touchés par la crise sanitaire.

En effet, la disparition d’un grand nombre d’emplois étudiants et de contrats d’intérim et l’annulation de nombreux stages rémunérés ont plongé des milliers d’étudiants dans une situation de grande fragilité financière.

Un dispositif similaire, mais temporaire, a été mis en place sur l’initiative, que nous avons saluée, du ministère de l’enseignement supérieur dans le cadre d’un programme d’aide d’urgence, en complément des repas à 1 euro dans les restos U.

Je partage pleinement les objectifs de cette proposition de loi, raison pour laquelle je l’avais cosignée. Toutefois, le dispositif initial appelle un certain nombre de réserves.

Tout d’abord, l’absence de ciblage du dispositif risque de concurrencer les restaurants universitaires et de fragiliser le modèle économique des Crous, dont 30 % des ressources reposent sur la restauration.

Par ailleurs, la distribution de tickets restaurant à l’ensemble de la population étudiante coûterait, comme cela a déjà été souligné, pas moins de 3 milliards d’euros à l’État.

Pour ces raisons, la commission a fait le choix de cibler le dispositif sur les étudiants situés en zone blanche et n’ayant pas accès aux restaurants universitaires, qui proposent des repas équilibrés deux fois par jour à 1 euro. J’adhère pleinement à cet ajustement.

Au-delà de la réponse apportée à la précarité alimentaire des étudiants, cette proposition de loi pose la question du maillage territorial des établissements supérieurs et de l’égalité d’accès de nos étudiants aux dispositifs d’accompagnement.

En effet, l’enseignement supérieur ne compte pas uniquement des universités, il compte aussi des établissements de proximité, parfois éloignés des grands centres urbains. La décentralisation des études supérieures nécessite une décentralisation des prestations d’accompagnement, dont l’accès à l’alimentation est une composante essentielle.

Le ticket restaurant de proximité est une réponse adaptée aux besoins de ces étudiants. Il ne s’agit pas de concurrencer les repas à 1 euro proposés par les Crous, mais de compléter ce dispositif, précisément dans les zones reculées dont les Crous sont absents.

Cette mesure s’inscrit pleinement dans le bouquet d’actions menées par le Gouvernement, bien en amont de la crise, pour améliorer les conditions de vie des étudiants. Je pense notamment à la suppression de la cotisation de sécurité sociale depuis 2018, à l’augmentation des bourses sur critères sociaux, à leur versement anticipé depuis 2020 et au plan de construction de 60 000 logements étudiants supplémentaires d’ici à 2022.

Nous soutenons ces actions indispensables, mais nous souhaitons que le Gouvernement s’engage encore davantage pour permettre à l’ensemble de nos étudiants, quel que soit leur lieu d’étude, de bénéficier des meilleures conditions de vie possible.

Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la précarité étudiante ne fait que s’aggraver depuis des années : le coût des études augmente et le logement représente les deux tiers du budget.

Si 36 % des étudiants ont touché des bourses en 2019-2020, ces dernières ne permettent souvent pas de vivre sans travailler à côté. Or le cumul entre études et emplois est la première cause d’échec à l’université.

Au sortir de la crise sanitaire, le constat est d’autant plus frappant : la situation économique des étudiants s’est dégradée. Selon un sondage de la Fondation Abbé-Pierre, 20 % des jeunes ont eu recours à l’aide alimentaire en 2020. La moitié des étudiants a également rapporté des difficultés à payer repas et loyer.

Aussi, je ne peux que saluer l’intention de notre collègue et auteur de cette proposition de loi, M. Levi, qui a voulu répondre aux difficultés alimentaires et d’accès à une structure de restauration collective. Mais cette proposition de loi me semble être une fausse bonne idée et elle n’est pas à la hauteur des attentes des étudiants.

Tout d’abord, le montant du ticket est trop faible pour garantir l’accès à une restauration équilibrée, avec des produits de qualité. Nous courons ainsi le risque de favoriser les chaînes de restauration rapide, qui ne sont saines ni pour notre santé ni pour notre environnement.

Il est primordial de proposer une solution en accord avec les besoins et les attentes des étudiants. Et ce d’autant plus qu’une enquête de satisfaction du Cnous, menée en 2019, a fait ressortir que 59 % des étudiants se rendaient dans les restaurants universitaires pour avoir accès à des repas sains et équilibrés. Les Crous font des efforts considérables pour proposer une alimentation variée et équilibrée. Ils se sont engagés à renforcer une offre bio et végétarienne.

Par ailleurs, les missions des Crous ne se limitent pas à distribuer des repas. Ce sont des lieux de sociabilité et d’échange, qui permettent d’identifier les étudiants les plus fragiles et de les accompagner tout au long de leurs études.

Avec cette mesure, l’État devra effectuer des dépenses publiques pour permettre aux étudiants de consommer dans le privé, sans les avantages ni l’accompagnement qu’un établissement du Crous pourrait garantir.

Dans sa première mouture, cette proposition de loi mettait en danger le fonctionnement des restaurants universitaires, et par extension celui des Crous. Monsieur le rapporteur, lors des auditions, vous avez entendu les critiques des syndicats étudiants et des Crous et proposé de limiter le champ de cette mesure aux zones blanches. Mais cela ne règle pas tous les problèmes que risquent d’engendrer ces tickets restaurant.

Or d’autres solutions sont possibles. On pourrait ainsi déployer le réseau des restaurants universitaires dans les zones blanches, élargir les horaires en soirées et week-ends et permettre aux Crous de conclure et de renforcer des partenariats avec des collectivités, des associations ou divers établissements – lycées, hôpitaux, Ehpad…

On pourrait également pérenniser le repas à 1 euro, mesure rapide et efficace qui a permis de limiter l’insécurité alimentaire pendant la crise du covid-19.

Mieux encore, il existe une mesure simple pour régler en grande partie les difficultés financières et les inégalités entre étudiants. Il s’agit du revenu universel d’autonomie pour tous les jeunes, idée évoquée en 2019 par le Gouvernement. Malheureusement, c’est encore un espoir d’avancée sociale que ce gouvernement aura déçu.

Vous l’aurez compris, et pour toutes les raisons que j’ai invoquées, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a un objectif louable, que nous partageons tous : lutter contre la précarité alimentaire des étudiants.

Le texte met en avant un certain nombre d’insuffisances et de difficultés, notamment l’éloignement géographique de certains étudiants qui ne peuvent pas avoir accès à un restaurant universitaire, les plages d’ouverture parfois insuffisantes, les files d’attente dissuasives ou l’aspiration à de nouveaux modes de consommation. Le monde change et les étudiants sont demandeurs de davantage de flexibilité.

Si cette proposition de loi met utilement en avant des manques et des besoins, le groupe RDPI ne partage pas entièrement la solution proposée.

En effet, il existe déjà un service public, les Crous, qu’il faut conforter, renforcer, et non fragiliser. Ces derniers ont joué un rôle essentiel dans la mise en place des deux repas par jour à 1 euro, d’abord pour les boursiers puis pour les autres étudiants. Les Crous sont également un lieu important de socialisation et de rencontre pour les étudiants.

Par ailleurs, les émetteurs de tickets restaurant classiques nous ont fait remarquer qu’ils avaient déjà distribué en 2020, à la demande de votre ministère, madame la ministre, des tickets restaurant à des étudiants en détresse sociale. Les choses s’étaient très bien passées.

Sans que cela constitue un obstacle dirimant, il faut aussi noter que deux grandes organisations syndicales, l’UNEF et la FAGE, ne sont pas très favorables à ce dispositif. S’il ne faut pas prendre pour argent comptant, de manière générale, les positions des syndicats, on dit aussi qu’il faut savoir s’appuyer sur les corps intermédiaires… (Sourires au banc des commissions.) Ne balayons pas leurs arguments d’un revers de main, mais ne collons pas non plus à leur position.

Ces organisations insistent sur le fait qu’il faut continuer d’améliorer la qualité de la restauration collective. Il ne faudrait pas que les dispositions de ce texte remettent en cause un mouvement déjà en œuvre, qui consiste à renforcer les dimensions collective et qualitative de la restauration universitaire.

Ce sont des raisons qui plaident contre le vote de ce texte par notre groupe. Reconnaissons-le, la commission a substantiellement modifié le dispositif, qui paraît désormais mieux ciblé : autant la première version soulevait de grandes difficultés, autant celle-ci cible mieux les étudiants qui auraient besoin de tickets restaurant. Qui plus est, elle s’avère d’un coût moindre, même s’il est difficile de prévoir le montant exact de la mesure, puisque ces tickets sont utilisés à la demande.

Peut-être conviendrait-il de poursuivre la concertation, afin d’affiner encore plus le dispositif. Le rapporteur et l’auteur du texte ont d’ores et déjà mené un travail intéressant. Sans doute une étape supplémentaire est-elle encore nécessaire. Dans cette attente, le groupe RDPI s’abstiendra, de façon positive, sur ce texte. (M. le rapporteur applaudit.)