M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Cette réforme du code minier se faisait attendre depuis si longtemps qu’elle en était devenue une Arlésienne !

Le code minier est extrêmement ancien. Ses prémices datent de la Révolution française. En 1810, il a connu d’importantes modifications. Les dernières réformes d’ampleur ont l’âge de la retraite – elles ont soixante-cinq ans –, et depuis onze ans on nous promet cette réforme.

Madame la ministre, merci de nous l’apporter. Mais le véhicule législatif est tout de même étonnant. Je ne crois pas que la Convention citoyenne pour le climat ait évoqué cette importante question. Vous décidez d’en traiter dans ce projet de loi relatif au climat.

Cette importante réforme est particulièrement attendue par de nombreuses collectivités territoriales et par les propriétaires qui ont souffert de graves dégâts miniers – j’évoque ici les questions de l’après-mine.

Vous nous proposez deux articles, notamment l’article 20, qui porte sur l’exploration et l’exploitation. Il a été significativement amélioré par l’Assemblée nationale, dont l’intention est plutôt bonne : il s’agit de rendre acceptables l’exploration et l’exploitation minières au XXIe siècle. Mais on ne saurait s’en tenir à une opération de greenwashing, pour tenter de verdir un peu les conditions d’exploitation. Il faut aller beaucoup plus loin pour rapprocher le code minier du code de l’environnement.

Nous sommes au XXIe siècle, nous ne sommes plus sous Napoléon ! Les conditions d’exploitation ont considérablement évolué, et les modes d’exploitation actuels peuvent entraîner beaucoup de dégâts. On ne va plus dans le sous-sol avec une pioche : on peut dissoudre du sel, créer des cavités de plusieurs dizaines d’hectares et affecter considérablement l’urbanisme de communes entières.

Celui qui vous parle vient de Lorraine, région qui a connu l’exploitation du sel, de la houille et du minerai de fer. Certaines communes ont été purement et simplement sinistrées, comme Rosbruck, en Moselle, chez Jean-Marc Todeschini, ou encore Moutiers, dans mon département. Des pans entiers de communes ont disparu ; des maisons ont dû être abandonnées ; on déplore d’immenses dégâts en matière d’urbanisme.

M. le président. Il faut conclure !

M. Olivier Jacquin. Plusieurs associations sont fortement mobilisées, comme l’ACOM,…

M. le président. Il faut conclure, cher collègue !

M. Olivier Jacquin. … le collectif de défense des bassins miniers lorrains ou encore SEL’idaire. Nous en reparlerons dans la suite de nos débats.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1671 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Dagbert, Todeschini, J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Van Heghe, G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer dix-sept alinéas ainsi rédigés :

… Le titre Ier du livre Ier est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre

« Dispositions générales relatives à la protection de lenvironnement

« Art. L. …. – Les plans et programmes, ainsi que les décisions prises en application du présent code, respectent les principes issus de la Charte de l’environnement de 2004 et les principes de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ci-après reproduit :

« I. – Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.

« II. – Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :

« 1° Le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ;

« 2° Le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable,

« 3° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ;

« 4° Le principe selon lequel toute personne a le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques ;

« 5° Le principe de participation en vertu duquel toute personne est informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l’autorité compétente.

« III. – L’objectif de développement durable, tel qu’indiqué au II, répond, de façon concomitante et cohérente, à cinq finalités :

« 1° La lutte contre le changement climatique ;

« 2° La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ;

« 3° La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ;

« 4° L’épanouissement de tous les êtres humains ;

« 5° Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables. » ;

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Les principes réunis dans la Charte de l’environnement ont valeur constitutionnelle, qu’il s’agisse du principe de prévention, du principe de précaution, du principe de réparation – ancien principe du pollueur-payeur –, du principe d’information et de participation ou encore de l’objectif de développement durable. Pourtant, en matière d’après-mine, les dégâts miniers et leurs victimes ne sont reconnus que très rarement, au terme de procédures judiciaires extrêmement longues et coûteuses.

Même si le principe d’indépendance des législations ne peut plus être opposé à la pleine efficacité de la Charte constitutionnelle de l’environnement, il n’est pas inutile d’en rappeler la portée en précisant que les décisions prises dans le domaine du droit minier doivent tenir compte des principes structurant le droit de l’environnement.

De nombreux territoires souffrent encore, des décennies après la fin de l’exploitation de leurs sous-sols.

Pour tous les futurs bassins miniers, il est impératif d’avoir une meilleure gestion du risque environnemental qu’hier. Effondrements, pollution des nappes phréatiques, remontées toxiques, ennoyages et affaissements sont autant de conséquences observables de certaines exploitations minières.

M. Jacquin a évoqué la Lorraine. Une autre région très proche de la mienne, le Limousin, se souviendra encore très longtemps de l’exploitation de l’uranium. Les conséquences de cette activité y sont encore très prégnantes.

Il est indispensable que le principe de réparation s’applique aussi pour les exploitants miniers.

M. le président. L’amendement n° 1672 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Dagbert, Todeschini, J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Van Heghe, G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

… Le titre Ier du livre Ier est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre

« Dispositions générales relatives à la protection de lenvironnement

« Art. L. 113-. – Les plans et programmes, ainsi que les décisions prises en application du présent code, respectent les principes issus de la Charte de l’environnement de 2004 et les principes de l’article L. 110-1 du code de l’environnement. Elles s’inspirent notamment, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :

« 1° Le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ;

« 2° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultants des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur. » ;

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Il s’agit d’un amendement de repli.

Le principe de prévention figure déjà dans le code minier, avec la référence aux mesures à prendre compte tenu des données acquises de la science.

L’objectif de développement durable doit être en filigrane de toute la réforme du code minier et du présent texte. Le principe d’information et de participation figurait dans l’avant-projet de réforme du code minier. En revanche, ce code ignore le principe de précaution et le principe de réparation tels que mentionnés dans le code de l’environnement. Nous proposons de les inscrire noir sur blanc dans le code minier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Ma chère collègue, les principes que tend à rappeler l’amendement n° 1671 rectifié figurent déjà dans ce projet de loi et dans le code minier.

Je vous le confirme, la Charte de l’environnement a valeur constitutionnelle : elle s’impose donc aux dispositions législatives du code minier, qui doivent en assurer le respect.

Certains des intérêts et principes que vous visez figurent déjà à l’article L. 161-1 du code minier, qui définit les intérêts protégés par ce code. Pour les carrières, l’article L. 511-1 du code de l’environnement permet d’assurer le respect des intérêts que vous visez. Aussi, rien n’impose d’introduire cette disposition dans le code minier.

Par ailleurs, l’article 20 bis A, délégué au fond à la commission des affaires économiques, met en place un régime d’analyse environnementale, économique et sociale préalable à l’octroi, à l’extension et à la prolongation d’un permis exclusif de recherches ou d’une concession.

Ce régime permet également de satisfaire votre amendement : dès lors que le ministre ou le préfet, selon les cas, aura un doute sérieux sur la possibilité de procéder à la recherche ou à l’exploitation d’un gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts protégés par le code minier, la demande de l’exploitant sera refusée.

Je sollicite donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, ministre. En préambule, je tiens à vous dire combien je suis heureuse que l’on mène enfin cette réforme du code minier.

J’ai entendu les interrogations au sujet du véhicule législatif choisi. Pour ma part, je préfère être pragmatique. Cette réforme est attendue depuis très longtemps. Vous avez parlé de la Moselle et d’autres territoires. Ayant grandi à Liévin, je connais par cœur les questions de la fin des mines et de l’après-mine. C’est un sujet qui me touche énormément.

Or, du fait de l’encombrement de l’agenda législatif, je voyais venir un énième report de cette réforme : elle risquait même d’être différée au prochain quinquennat.

J’y insiste, il fallait être pragmatique. Nous avions la possibilité d’utiliser ce projet de loi comme véhicule législatif : je l’ai saisie, et j’en suis très heureuse. Nous allons enfin faire avancer ce droit, qui aujourd’hui n’est plus adapté à la protection de l’environnement et aux besoins de nos concitoyens.

Les membres de la Convention citoyenne pour le climat avaient souhaité que l’on ne puisse plus ouvrir de nouvelle mine industrielle, en écho au projet bien connu de la Montagne d’or. Nous avons pu utiliser cette préconisation pour raccrocher la réforme du code minier au présent texte.

En outre, nous avons fait en sorte que les parties les plus importantes de cette réforme figurent dans le dur du projet de loi au lieu d’être proposées par ordonnances, pour qu’un véritable débat puisse avoir lieu dans les deux chambres du Parlement.

Sur ces deux amendements, j’émets le même avis que M. le rapporteur : la réforme du code minier va permettre de satisfaire les demandes de leurs auteurs. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, vous avez raison : le droit n’est plus adapté. Cette discussion est la bienvenue, mais convenez que c’est un mini-débat et que ces questions auraient mérité un véhicule législatif particulier. En outre, sur l’article 21, le principe du recours aux ordonnances suscitera sans doute un certain nombre d’interventions.

Monsieur le rapporteur, vous nous dites que ces amendements sont partiellement satisfaits : c’est ce « partiellement » qui ne nous convient pas ! C’est pourquoi nous vous proposons de rapprocher le code minier du droit de l’environnement.

Tout est affaire d’appréciation. Vous avez cité quelques points sur lesquels l’amendement n° 1671 rectifié est satisfait, mais ses dispositions apportent bien d’autres garanties. Elles sont effectivement assez larges, mais celles de l’amendement n° 1672 rectifié traduisent un compromis tout à fait intéressant.

Madame la ministre, nous avions également proposé de vous confier l’entière gestion du code minier, en le plaçant sous la seule autorité de votre ministère. Cet amendement vous aurait plu ! (Sourires.) Mais, au motif qu’il élargissait le champ de l’environnement, il a été jugé irrecevable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la ministre, j’ai été maire de la commune de Oignies, à quinze kilomètres de Liévin, dont vous êtes originaire. C’est à Oignies que l’on a trouvé les premiers gisements de charbon du Pas-de-Calais, au milieu du XIXe siècle, et c’est là que l’épopée minière du Nord-Pas-de-Calais a pris fin : la boucle était bouclée.

Mes chers collègues, j’ajoute que, par définition, les affaissements sont insidieux : c’est tout un territoire qui descend tout doucement. Ma commune a perdu plus de douze mètres en un demi-siècle. C’est un véritable enjeu quand on parle de responsabilité des exploitants : les conséquences s’observent au bout de cinquante ou cent ans !

Aujourd’hui, que se passe-t-il ? L’État, héritier des Charbonnages de France, a indemnisé les propriétaires de maisons lézardées. Or, vingt ou trente ans plus tard, certaines de ces maisons ont été vendues et d’autres fissures sont apparues dans les murs. Mais alors l’État a répondu : « On a déjà indemnisé un propriétaire. On n’indemnisera pas une seconde fois. »

Je comprends bien la position de M. le rapporteur, car ces amendements peuvent sembler satisfaits, mais prenons garde : nos votes auront des conséquences pour nos enfants, dans quelques dizaines d’années. Souvenons-nous du passé pour préparer le futur ! Je soutiendrai ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1671 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1672 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 159, présenté par M. Gay, Mme Varaillas, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

…° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par une section ainsi rédigée :

« Section …

« Interdiction de la recherche, de lextraction et de lexploitation aurifère et argentifère par lutilisation de cyanure

« Art. L. 111-…. – I. – En application de la Charte de l’environnement de 2004 et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’utilisation du cyanure et de toute autre substance d’une toxicité similaire ou présentant des risques similaires pour l’environnement et la santé aux fins de recherche, d’extraction et d’exploitation minières est interdite sur le territoire national.

« Aucun nouveau permis non plus qu’aucune nouvelle concession ne sont délivrés à des exploitants utilisant ces substances pour leurs activités.

« Les exploitants disposant d’un permis doivent se mettre en conformité avec la loi n° … du … portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dans un délai de deux ans à compter de sa promulgation.

« II. – Tout titulaire d’un permis exclusif de recherches ou d’une concession de mines se voit, après mise en demeure, retirer son titre ou son autorisation s’il ne respecte pas les dispositions prévues au I du présent article. » ;

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous tenons beaucoup à cet amendement, issu d’une proposition de loi déposée par notre groupe en janvier 2019 visant à interdire l’utilisation de cyanure dans l’exploitation minière aurifère et argentifère.

J’y avais travaillé, à l’époque, avec beaucoup d’associations et d’ONG, dont Ingénieurs sans frontières, mais aussi avec les peuples autochtones, notamment avec les Kali’nas de Guyane, qui mènent le combat contre la Montagne d’or, que vous venez d’évoquer, madame la ministre.

Il serait incompréhensible, alors que nous avons interdit l’usage du mercure, que nous continuions d’autoriser l’utilisation le cyanure, lequel a d’ailleurs déjà été interdit par d’autres pays, notamment par l’Allemagne. Vous le savez, dans les mines industrielles, la cyanuration peut causer des dommages irréversibles au vivant et à la biodiversité, comme ce fut le cas en Roumanie en 2000 ou au Brésil en 2015, et l’on ne sait pas encore quel impact ont les boues cyanurées à long terme, notamment dans la forêt amazonienne.

Aujourd’hui, il y a une cinquantaine de projets de mines industrielles en Guyane, qui menacent directement 360 000 hectares de forêt amazonienne ; mais c’est beaucoup plus que cela, d’abord pour les peuples autochtones.

Alors, madame la ministre, puisque nous nous engageons dans une grande réforme du code minier, il est temps de le mettre en adéquation avec notre volonté écologique et sociale. Il serait incompréhensible que nous ne débattions pas de l’utilisation du cyanure. Je vous rassure, nous n’avons pas la volonté de toucher à la liberté d’entreprendre, puisqu’il existe des solutions de substitution, certes expérimentales et moins rentables que le cyanure, mais il en existe.

Mme Barbara Pompili, ministre. Lesquelles ?

M. Fabien Gay. Nous devons donc débattre de l’utilisation du cyanure. Si vous nous affirmez que celle-ci est sûre et ne présente aucun risque pour le vivant, pour l’être humain et pour la biodiversité, je suis preneur des études sur lesquelles vous vous fondez, car tout démontre le contraire et, lorsqu’un accident se produit, il est dévastateur pour tout l’écosystème.

Je vous remettrai un exemplaire de notre proposition de loi ; nous serons toujours prêts à en débattre, y compris après l’examen de ce texte.

M. le président. L’amendement n° 413, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…– Un moratoire sur l’utilisation du cyanure dans l’industrie minière est instauré sur l’ensemble du territoire national à compter de la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Si vous le permettez, je commencerai par présenter l’amendement n° 412 rectifié, car l’amendement n° 413 est un amendement de repli.

M. le président. L’amendement n° 412 rectifié, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

… Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier est complété par une section … ainsi rédigée :

« Section …

« Interdiction de lexploitation de minerais aurifère et argentifère par la lixiviation au cyanure en cuve ou en tas

« Art. L. 111-… – En application de la Charte de l’environnement de 2004 et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, la lixiviation au cyanure en cuve ou en tas aux fins d’exploitation de minerais aurifères ou argentifères est interdite sur le territoire national.

« Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. » ;

Veuillez poursuivre, madame Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Ces dernières années, le projet de la Montagne d’or a mis en lumière les conditions dans lesquelles les matières premières sont extraites en France et dans le monde.

De fait, les activités extractives ont très souvent recours à des produits dangereux à la fois pour notre santé, pour la biodiversité et pour l’environnement, et dont les conséquences sont souvent irréversibles. C’est le cas du cyanure, pourtant utilisé dans l’exploitation de minerais aurifères et argentifères. Son utilisation pour la lixiviation est mise en cause depuis de nombreuses années, notamment depuis la catastrophe de 2000 en Roumanie, qualifiée de pire désastre écologique en Europe depuis Tchernobyl.

Ce déversement a contaminé l’eau potable de deux millions et demi d’Européens et a tué 100 tonnes de poissons et d’animaux sauvages, dont des espèces protégées. Il ne s’agit pas d’un accident isolé ; les cas de rupture de digues, de défauts de construction ou encore d’accidents de transport se sont multipliés ces dernières années. On en recense déjà vingt-cinq depuis 2000, soit plus d’un par an.

Ces événements aux conséquences catastrophiques suffisent à justifier, aujourd’hui, l’interdiction de l’exploitation de minerais aurifères et argentifères par lixiviation au cyanure, d’autant qu’il existe une douzaine de technologies de substitution moins dangereuses, parmi lesquelles la lixiviation au thiosulfate.

L’amendement que nous proposons ici répond non seulement aux ambitions de notre projet, mais également à celles de l’accord de Paris sur le climat ; de plus, il s’inscrit dans la continuité de la résolution du Parlement européen de 2017 demandant l’interdiction de l’usage du cyanure dans l’industrie minière en Europe. Certains pays européens l’ont déjà fait, comme l’Allemagne, qui a même anticipé cette résolution.

Vingt ans après la fermeture de la mine de Salsigne, dans l’Aude, les habitants paient encore lourdement le prix de l’utilisation du cyanure, entre autres, par l’industrie extractive. L’urgence environnementale implique de mettre un terme à l’utilisation de produits dont la toxicité n’est plus à prouver et de faire primer, par d’autres options, l’intérêt général de la santé humaine et de la préservation de notre planète.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Mon commentaire sera commun aux trois amendements.

Ceux-ci portent sur l’interdiction du cyanure dans l’industrie minière, en particulier pour l’exploitation aurifère et argentifère. En France, cela concerne quasi exclusivement la Guyane.

Le stockage et l’utilisation du cyanure présentent bien entendu des risques pour l’environnement, mais notre pays dispose, pour assurer la protection de ce dernier, d’une législation parmi les plus ambitieuses. Le code minier et le droit européen prévoient l’utilisation des meilleures techniques disponibles. Ainsi, l’article L. 161–2 du code minier prévoit que tout exploitant de mine est tenu d’appliquer à l’exploitation des gisements les méthodes confirmées comme étant les plus propres.

Avant d’être interdit, le mercure était utilisé et il avait des inconvénients bien plus importants. Le cyanure présente des risques que je qualifierais aujourd’hui de moins élevés ; en outre, il n’existe pas actuellement de méthode de substitution – même si notre collègue Gay a fait référence à des expérimentations – dont il serait scientifiquement démontré qu’elle a un meilleur impact environnemental que l’utilisation du cyanure.

Des travaux sont menés sur le sujet – Mme la ministre pourra sans doute nous apporter des éléments complémentaires sur ce point –, mais, si nous adoptions ces amendements, nous ne pourrions pas continuer à mener des activités légales d’extraction d’or en Guyane de façon « convenable » ; je mets évidemment ce qualificatif entre guillemets.

Je le rappelle, le projet de loi durcit la lutte contre l’orpaillage illégal et donc contre les techniques et les pratiques minières qui portent une atteinte forte à l’environnement et à la santé.

La réforme du code minier qui nous est proposée me paraissant équilibrée et satisfaisante, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Bien sûr, nous voulons tous interdire le cyanure…

Mmes Laurence Cohen, Sophie Taillé-Polian et M. Fabien Gay. Ah non !

Mme Barbara Pompili, ministre. Dans l’absolu, si !

Néanmoins, il convient de regarder ce qui se passe dans la réalité et d’essayer de trouver les meilleures solutions.

Sans cyanure, on peut extraire l’or ou l’argent contenu dans le minerai. Jusqu’en 2006, on recourait au mercure, mais il me semble que personne ne souhaite y revenir. Certains opérateurs utilisent des méthodes mécaniques et font du tri physique, dont – il faut le savoir – le rendement est beaucoup plus faible que celui que l’on obtient avec le cyanure ; cela signifie que, pour obtenir autant d’or, il faut défricher des surfaces plus importantes de forêt, ce qui pose, vous en conviendrez, d’autres problèmes.

Le BRGM travaille à la production d’un référentiel listant les méthodes de substitution au cyanure. Quelques-unes sont testées, comme le thiosulfate, lequel emporte toutefois une conséquence : il peut donner lieu à des rejets de sulfate dans l’environnement, ce qui n’est pas terrible non plus ; de plus se pose un problème de rentabilité. Enfin, le thiosulfate n’est pas du tout adapté au sol guyanais ; or ces amendements concernent presque exclusivement la situation en Guyane. Nous n’avons donc pas, aujourd’hui, de substitut crédible au cyanure.

En revanche, la législation, notamment européenne, s’est considérablement renforcée depuis les événements de Roumanie, quand des débordements avaient en effet entraîné des pollutions. Les normes appliquées aujourd’hui en France et en Europe sont les plus dures et les plus contraignantes concernant la conservation et l’utilisation du cyanure dans les mines.

Bien sûr, nous devons parvenir, in fine, à ne plus utiliser ce type de produits, mais, aujourd’hui, nous n’avons pas de meilleure option. C’est cela, le sujet.

Vous pouvez tout à fait débattre d’un arrêt total de l’exploitation minière d’or en Guyane ; c’est une question. Toutefois, dès lors que l’on n’emprunte pas ce chemin, le cyanure est la solution « la moins pire ». C’est la raison pour laquelle, tant que l’on n’a pas d’autre solution, on ne peut pas l’interdire.

Bien entendu, nous parlons ici de l’orpaillage légal et non de l’orpaillage illégal, sur lequel nous reviendrons plus tard.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.