M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. J’ai été de ceux qui ont voté, malheureusement sans succès, l’amendement de suppression défendu par Cécile Cukierman. Il paraît effectivement beaucoup plus simple de supprimer la conférence territoriale de l’action publique.

Ce qui m’a conduit à ce vote, c’est essentiellement d’avoir entendu l’un de nos collègues dire qu’à vouloir trop en faire, on finirait par transformer cette instance en une collectivité territoriale nouvelle.

Mais, mes chers collègues, c’est déjà ce qui se passe ! L’amendement du Gouvernement n’indique-t-il pas : « Dans les douze mois qui suivent le renouvellement des conseils régionaux, le président du conseil régional convoque une conférence territoriale de l’action publique » – il y a donc obligation de convoquer –, puis « à l’ordre du jour de laquelle est mis au débat le principe de délégations de compétences » ?

L’institutionnalisation de cette conférence territoriale de l’action publique est déjà en cours, et ce n’est pas acceptable !

Cela l’est d’autant moins que la lecture du deuxième alinéa donne une illustration de ce qui pourrait advenir. Il y est prévu que « le représentant de l’État dans la région participe à cette conférence et propose aux collectivités territoriales et à leurs groupements des projets en ce sens ». Vous savez bien comment tout cela va se dérouler ; il faudra suivre la liste de propositions du préfet.

Non ! Je considère que les collectivités territoriales peuvent décider librement ce qu’elles veulent et sont suffisamment « grandes » pour se parler entre elles.

Je voterai contre cet amendement n° 1397.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. L’amendement gouvernemental tend en fait à rétablir peu ou prou la version initiale de l’article 3 du projet de loi, sur laquelle nous avions déposé en commission un amendement de suppression. Cet amendement était motivé par une raison très simple, madame la ministre : vous rigidifiez le dispositif et, d’une certaine manière, créez une usine à gaz. Il y aura par exemple des discussions sans fin sur la notion de projet « structurant », chacun pouvant en avoir une vision différente.

Nous avons suivi les rapporteurs sur leur rédaction de cet article 3, moyennant deux « petits » amendements qui seront présentés par mon collègue Éric Kerrouche. Si tout se passait bien entre régions, départements, métropoles, EPCI et communes, cela se saurait. Non, tout ne se passe pas toujours bien !

Nous jugeons donc utile d’instituer un lieu de dialogue et de convergence pour aller vers plus de cohérence, mais il faut laisser le soin à l’ensemble des collectivités de s’organiser et de déterminer en leur sein le périmètre sur lequel elles souhaitent travailler.

Par conséquent, nous ne voterons pas l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. M. Savary a toujours l’art de faire croire que les membres du Gouvernement n’ont jamais été élus…

M. Jérôme Bascher. C’est largement vrai !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … et qu’ils ne connaissent ni les routes départementales ni les routes communales ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Si l’exemple que j’ai pris vous semble mauvais, je peux en prendre d’autres. Je pense à un projet urbanistique d’ampleur impliquant plusieurs « bouts » de compétence – voirie, compétences culturelles, compétences économiques – et pour lequel les collectivités jugeraient intelligent de procéder à des délégations. C’est ce que l’État a fait, avec les collectivités territoriales, pour construire dans le département de Seine-Saint-Denis les équipements nécessaires à l’organisation des jeux Olympiques.

Si je puis employer cette expression, on se met d’accord, dans le cadre d’un projet donné, sur des « compétences partagées ». C’est ma proposition pour la CTAP ; cela n’a rien de compliqué.

Il ne faut pas avoir de regrets s’agissant de la CTAP… Comme vient de le dire M. Didier Marie, il faut un lieu où les collectivités territoriales puissent se parler, parce que, si cela fonctionne très bien dans certains territoires – et je sais pourquoi –, j’en connais d’autres où le président de région ne parle jamais aux présidents de département. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. René-Paul Savary. Ils n’ont pas été réélus !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Aucune réunion permettant à tout le monde de se retrouver autour de la table n’y est organisée ! C’est une réalité !

Françoise Gatel a évoqué la conférence des maires. Pourquoi l’avons-nous rendue obligatoire, ce qui, à l’époque, a fait crier certains ? Parce que, si cette conférence était parfois naturelle, comme chez moi, il y avait aussi certains endroits – vous le savez très bien – où elle ne se réunissait jamais.

Rien ne sert de contester une réalité de la vie des collectivités territoriales. J’espère que, par ce nouvel exemple, vous avez bien saisi de quoi il retournait : lorsque sont associés, dans un même projet, des « bouts » de compétences, la CTAP est le lieu où l’on peut en discuter. Cela n’exonère pas de procéder ensuite aux délibérations dans les collectivités compétentes.

Cela me semble clair, et je ne vois pas quelle explication supplémentaire donner.

Mais je voudrais tout de même revenir à la rédaction de la commission – Mme la rapporteure me le pardonnera –, qui prévoit une délégation en matière d’aide aux entreprises. C’est écrit noir sur blanc ! Je ne suis pas favorable à cette délégation systématique de l’octroi et du financement de ces aides à d’autres collectivités que les régions.

M. Didier Marie. Elle n’est pas systématique !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Permettez-moi, mes chers collègues, avec un peu d’ironie mais sans aucune arrogance, de sourire de ce débat ; nous en aurons certainement de même nature à l’occasion de la présentation d’autres amendements.

Sans cela, nous dit-on, les gens ne se parleraient pas. Mais les élus sont comme tout un chacun. On peut réunir des gens dans une même pièce : s’ils n’ont pas envie de se parler, ils feront semblant ; c’est ce que l’on fait quand on est bien élevé.

Mme la ministre et M. Marie ont fait référence « certains endroits »… Mais ce n’est pas grave ! C’est ce qu’on appelle faire de la politique ! Effectivement, parfois, le courant ne passe pas entre deux collectivités. Ce n’est pas que les gens ne s’aiment pas ; c’est juste une question de rapports de force politiques. On peut le regretter, mais si l’on souhaite que nos collectivités territoriales soient issues d’élections, donnant lieu à des débats politiques contradictoires à l’occasion des campagnes électorales, cela perdurera.

Et puis, madame la ministre, vous venez de rappeler qu’à un moment donné, on prend des engagements financiers et que, donc, à l’issue de ce dialogue informel, mais bien organisé tout de même, il y a un vote des collectivités territoriales. Vous pouvez le tourner dans tous les sens, mais cela signifie que, réunis dans une pièce avec obligation législative de discuter, on se partagera tout ce que l’on voudra et, malgré tout ce déploiement de diplomatie, une fois chacun rentré chez lui, la collectivité ne votera pas l’octroi de la subvention pour tel ou tel projet en cas de désaccord. In fine, rien ne se fera.

C’est une question d’intelligence collective, CTAP ou pas, de capacité à construire un projet partagé ; Dieu sait si c’est difficile, si cela prend du temps et si, parfois, les relations peuvent être conflictuelles entre des exécutifs de couleurs politiques différentes.

Mais, sans faire offense à personne, y compris au vu des récents résultats électoraux, ces problématiques se posent dans des régions où les exécutifs ne sont pas du même bord. Dans ce cas, si l’on ne souhaite pas aboutir, on pourra toujours faire comme je l’ai décrit. A contrario, si l’on souhaite aboutir, on aura, indépendamment de la CTAP, la capacité à agir intelligemment et collectivement pour l’intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Je ne partage absolument pas la vision qui vient d’être exprimée, et ce pour une raison toute simple : dans une telle perspective, tout le monde est souverain chez soi, de manière autonome, autocentrée, chacun tourné vers ses propres compétences, ce qui rend impossible toute construction interterritoriale.

Or, pour délivrer des services publics, pour mettre en place des politiques structurantes, il est nécessaire d’avoir une réflexion interterritoriale. Sans cela, le système local ne peut pas fonctionner.

La solution de la CTAP, quand bien même elle serait défaillante – et elle l’est –, apparaît comme un plus petit dénominateur commun. Sans doute faudrait-il la redéfinir beaucoup plus que ne le font la rédaction des rapporteurs ou l’amendement du Gouvernement, que nous ne voterons pas, afin de permettre de réelles coordinations et la mise en œuvre de politiques publiques complémentaires. Il n’est pas normal que des connexions, par exemple en termes de mobilité, ne se fassent pas à certaines frontières départementales ou régionales, au motif que chacun veut jouer son rôle chez lui, au détriment de ce qui se fait à côté.

Partant de là, cette instance, aussi limitée soit-elle, parce qu’elle est obligatoire et qu’elle oblige, est une nécessité.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1397.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 530, présenté par MM. Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Nous sommes à front renversé. En général, et nous aurons l’occasion de le voir plus tard, les rapporteurs sont plus favorables aux communes qu’à la coopération intercommunale. Mais, en l’espèce, le dispositif adopté par la commission des lois autorise un EPCI à déléguer à un département ou à une région tout ou partie des compétences qui lui ont été transférées par les communes membres ou directement attribuées par la loi. L’intercommunalité pourrait ainsi déléguer au département ou à la région des compétences du bloc communal sans l’accord des communes. Cela nous semble un peu particulier…

Préciser qu’une telle faculté n’est possible que si elle est prévue dans les statuts de l’EPCI ne suffit pas ; cela ne garantit pas l’accord des communes.

On ne peut pas à la fois se présenter comme des défenseurs des communes et accepter qu’une compétence du bloc communal puisse être déléguée sans l’accord explicite de ces dernières aux départements ou aux régions !

M. le président. L’amendement n° 531, présenté par MM. Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts

par les mots :

avec l’accord exprès de ses communes membres

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Il s’agit d’un amendement de repli.

M. le président. L’amendement n° 317 rectifié quater, présenté par MM. Delcros et Henno, Mmes Vermeillet et N. Goulet, MM. Louault et Mizzon, Mmes Guidez et Férat, MM. Kern et Canévet, Mme Sollogoub, MM. Longeot et Hingray, Mme Vérien, MM. Levi et Chauvet, Mmes Billon et Morin-Desailly, M. Duffourg, Mme Saint-Pé et MM. L. Hervé et Maurey, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

région

insérer les mots :

ou à une commune, un syndicat de communes, un syndicat mixte,

La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. L’article 3 vise à faciliter les délégations de compétences entre les collectivités et un EPCI. La commission en a élargi la portée en permettant des délégations de compétences des EPCI vers les départements et les régions.

Dans le même esprit, je propose d’aller un peu plus loin et de permettre aux EPCI d’effectuer une délégation de compétences vers les communes, les syndicats de communes ou les syndicats mixtes. L’objectif est simple : apporter un maximum de souplesse dans la gestion des compétences à l’échelon local pour agir le plus efficacement possible, dans la proximité, en fonction des situations locales, qui ne sont pas les mêmes partout.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement n° 530 tend à supprimer les délégations ascendantes des EPCI vers les régions et les départements.

M. Éric Kerrouche. Non ! À les contrôler !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’esprit du texte est de ne pas détricoter et de ne pas abattre le cadre général des lois territoriales. (M. Éric Kerrouche manifeste son scepticisme.) Dans le même temps, nous introduisons de la souplesse et nous ouvrons un « champ des possibles » : chacun doit pouvoir trouver l’outil dont il a besoin. C’est pourquoi nous permettons des délégations de compétences entre collectivités et des délégations de compétences « ascendantes », c’est-à-dire des EPCI vers les départements ou les régions.

L’amendement n° 530 est ainsi contraire à la position de la commission et à l’esprit du texte. L’avis est donc défavorable.

Monsieur Kerrouche, je note que vous faites votre révolution culturelle ! (Sourires.) Dans votre amendement de repli, vous souhaitez que l’intercommunalité sollicite l’avis des communes membres lorsqu’elle décide de déléguer une compétence au département ou à la région. Or je sais que vous êtes profondément – et je le respecte totalement – intercommunaliste. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 531. Toutefois, à titre personnel, j’aurais tendance à émettre un avis de sagesse.

Enfin, la commission émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 317 rectifié quater, qui vise à permettre des délégations de compétences vers les communes, les syndicats de communes ou les syndicats mixtes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’aurais naturellement préféré la délégation par projets. Mais vous n’en avez pas voulu.

La proposition de la commission, qui souhaite rendre toute délégation possible, me semble trop large. Par cohérence avec ce que j’ai indiqué tout à l’heure, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 530.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est un amendement de suppression !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis est également favorable sur l’amendement n° 531, qui tend à prévoir la consultation des communes membres d’un EPCI avant une délégation de compétences au département ou à la région. Nous sommes partis pour des délégations de compétences ; je le signale à tous ceux qui n’en voulaient pas au début. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Enfin, comme je crois plus aux délégations ascendantes qu’aux délégations descendantes, je sollicite le retrait de l’amendement n° 317 rectifié quater, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. J’entends vos arguments, madame la ministre. Mais, en l’état, je ne sais pas comment on peut réellement faire de la différenciation – c’est l’un des « D » du projet de loi – sans admettre le principe de délégation. Il faut être très clair !

Tous les collègues qui sont intervenus sur les CTAP ont fait valoir l’intelligence collective des territoires et la capacité à dialoguer. Pourquoi interdirait-on la délégation au seul motif qu’elle a un cadre large et qu’elle est peu contrôlée ?

J’accueille avec délice et saveur l’amendement de repli de M. Kerrouche, qui est converti au fait communal. (Sourires au banc de la commission.)

M. Didier Marie. Nous ne l’avons jamais ignoré !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Notre collègue a raison de vouloir permettre aux communes de se prononcer préalablement à une délégation de compétence. Cela me semble effectivement important. Je voterai donc son amendement. Mais je souhaite répondre à son interpellation. Il n’y a pas de concurrence entre l’intercommunalité et la commune. Par définition, la commune, c’est la collectivité ; l’intercommunalité, c’est autre chose. Il ne s’agit pas de les faire entrer en conflit…

En revanche, je reste attaché à la possibilité de donner de l’agilité via les délégations. Ne nous leurrons pas : si nous ne permettons pas les délégations, la différenciation restera un vœu pieux.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Il s’agit non pas d’être pour la commune ou pour l’intercommunalité, mais de faire en sorte que le bloc communal fonctionne ; c’est complètement différent !

Je vais retirer l’amendement n° 530, dont l’adoption pourrait, j’en conviens, donner une image faussée de nos intentions, au profit de l’amendement n° 531. Dans le bloc communal, c’est l’avis collectif qui compte.

M. le rapporteur Darnaud a raison ; cela arrive… (Sourires.) Une délégation ascendante peut évidemment être intéressante. Mais elle ne peut pas s’effectuer à l’insu du plein du gré des communes, d’où la nécessité d’une consultation. (Approbations au banc de la commission.)

Mais, si la délégation ascendante est importante, une délégation descendante, comme cela est proposé à l’amendement n° 317 rectifié quater, ne fait pas sens. Elle remettrait en cause le fonctionnement du bloc communal tel qu’il est défini depuis les lois de 1999.

M. le président. L’amendement n° 530 est retiré.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Nous sommes au cœur du débat. Le présent projet de loi paraît être un texte de rafistolage. (Exclamations.) Les lois précédentes sont restées au milieu du gué, surtout depuis qu’un Premier ministre a décidé de créer des « méga-régions » à la place des régions à taille humaine. C’est aussi la difficulté dans laquelle nous nous trouvons.

Pour ma part, je soutiens totalement Mme la rapporteure ; c’est un moment de plaisir et de complicité entre nous. (Exclamations amusées.) J’approuve également les propos de M. le rapporteur Darnaud : si l’on veut aller dans le sens de la différenciation, la capacité de délégation est absolument essentielle.

En revanche, conférer un droit de veto à toutes les communes membres de l’EPCI ne me semble pas être une bonne chose. En tant qu’élus locaux, nous connaissons tous des cas de très beaux projets faisant l’objet de quasi-consensus ; sur mon territoire, un projet de restauration écologique de tout un bassin a été bloqué pendant deux ans à cause d’un ruisseau de 30 mètres situé sur une commune qui avait des comptes à régler. Je ne suis donc pas favorable au droit de veto d’une commune. Il faut évidemment qu’il y ait une majorité qualifiée ou un consensus au sein de l’EPCI. Mais pas un droit de veto pour chaque commune. Or c’est ce à quoi aboutirait l’adoption de l’amendement n° 530 tel qu’il est rédigé. Nous le savons très bien, dans les EPCI, certains maires peuvent être tentés de faire du billard à douze bandes. Je ne voterai donc pas cet amendement. Oui à la majorité qualifiée et au consensus ; non au droit de veto d’une seule commune !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Je suis favorable tant aux délégations ascendantes qu’aux délégations descendantes.

J’ai entendu les arguments de notre collègue Ronan Dantec. Peut-être faudrait-il rectifier l’amendement n° 531 pour prévoir l’accord des communes à la majorité qualifiée.

Les délégations de compétence descendantes sont très intéressantes, notamment pour les communes touristiques ou les communes à fort développement culturel faisant partie d’une grande intercommunalité n’ayant pas forcément les mêmes vocations. De telles communes peuvent avoir des projets. Or c’est l’intercommunalité qui a la compétence en matière touristique. Pourquoi l’intercommunalité ne pourrait-elle pas laisser les communes exercer la compétence si celles-ci ont les moyens de le faire ? Cela permettrait de ne pas engager les autres communes.

Je suis donc favorable à une réciprocité, pour donner plus de souplesse.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Pour ma part, j’ai voté contre la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et pour la suppression des CTAP.

On ne peut pas – certes, j’ai l’impression que l’amendement va être rectifié – soutenir la loi NOTRe et vouloir soudainement défendre les communes. La rédaction de l’amendement va à l’encontre, me semble-t-il, de l’objectif visé.

Dans une intercommunalité telle qu’issue de la loi NOTRe, c’est-à-dire regroupant parfois une soixantaine de communes, voire plus, il y aura toujours une commune qui ne donnera pas son accord exprès à une délégation de compétence. Vous aurez beau réunir tous les gens que vous voulez dans une pièce pour discuter, vous n’avancerez pas en l’absence de volonté commune.

Proposer une majorité relative, comme c’est déjà le cas s’agissant de certaines compétences, renforcera l’intercommunalité.

Comme je l’ai indiqué hier, je ne suis pas favorable aux seuils. La taille des intercommunalités doit être respectée par les élus qui décident de les mettre en place. Les intercommunalités de « petite taille » rencontrent des difficultés à exercer un certain nombre de compétences. Dès lors, déléguer en bonne intelligence ces compétences au département ou à la région pour que les populations des intercommunalités profitent de meilleurs services va plutôt dans le bon sens.

Mais permettez-moi tout de même de pointer, avec un peu d’ironie et d’impertinence, qu’il n’est pas possible de redevenir soudainement un grand communaliste quand on a défendu la loi NOTRe !

M. le président. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Du dialogue et de l’échange jaillit souvent la lumière ! Je veux remercier M. Dantec de son intervention. L’esprit dans lequel nous étions recoupe ses préoccupations.

Nous proposons donc de rectifier de l’amendement n° 531 en remplaçant le terme : « exprès » par les mots : « à la majorité qualifiée ». Bien évidemment, l’idée n’est pas de donner un droit de veto aux communes pour qu’elles bloquent tout. Il s’agit au contraire de s’assurer d’un accord majoritaire au sein de l’intercommunalité, afin que celle-ci puisse déléguer de façon ascendante une compétence totale ou partielle.

En écho à ce qui vient d’être indiqué, je rappelle que la loi NOTRe n’entérine pas, tant s’en faut, la disparition des communes ! Elle met en œuvre les dispositions permettant, au travers de l’intercommunalité, de donner de nouveaux moyens d’action aux communes, y compris pour les plus petites d’entre elles.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 531 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts

par les mots :

avec l’accord à la majorité qualifiée de ses communes membres

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dans l’esprit, la commission est favorable à cette nouvelle version de l’amendement. Toutefois, nous suggérons à ses auteurs de préciser que les délégations de compétence ascendantes de l’EPCI vers le département ou la région sont autorisées « avec l’accord de ses communes membres, exprimé par délibérations concordantes prises à la majorité des deux tiers des conseils municipaux représentant la moitié de la population ou la moitié des conseils municipaux dont la population représente plus des deux tiers de la population totale », c’est-à-dire la majorité qualifiée. (M. Didier Marie manifeste son approbation.)

Nous pourrions nous accorder sur une telle rédaction pour conditionner les délégations de compétence à l’accord des communes. L’avis de la commission serait alors favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il faut considérer le bloc communal. On parle de transferts de compétences de l’intercommunalité vers d’autres échelons de collectivités territoriales, comme la région ou le département.

C’est la raison pour laquelle il faut considérer la vision intercommunale, donc celle des composantes de l’intercommunalité, car c’est un transfert de compétences qui a déjà été effectué des communes vers l’intercommunalité. Si ces compétences sont déléguées à un département ou à une région, il est légitime que les communes soient interrogées.

La proposition que la commission vient de formuler correspond au dosage habituel dans les intercommunalités. J’y suis donc favorable.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à midi.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur Marie, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 531 rectifié dans le sens suggéré par la commission ?

M. Didier Marie. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 531 rectifié bis, présenté par MM. Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts

par les mots :

avec l’accord de ses communes membres, exprimé par délibérations concordantes prises à la majorité des deux tiers des conseils municipaux représentant la moitié de la population ou la moitié des conseils municipaux dont la population représente plus des deux tiers de la population totale

La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.