compte rendu intégral

Présidence de Mme Pascale Gruny

vice-président

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Joël Guerriau.

Mme le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

suppression de la journée de la défense et de la citoyenneté pour les français établis hors de france

Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 1510, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur l’organisation, dans le contexte de la pandémie de covid-19, de la journée défense et citoyenneté (JDC) pour les jeunes Français vivant à l’étranger.

À leur dix-huitième anniversaire, tous les jeunes reçoivent une convocation pour participer à la JDC et ainsi s’informer des droits des citoyens, de leurs devoirs et du fonctionnement des institutions.

Le ministère des affaires étrangères a décidé il y a quelques années, pour des raisons budgétaires, de supprimer les JDC à l’étranger, tout en autorisant leur maintien dans les pays où le chef de poste diplomatique et consulaire le jugerait utile et possible. L’année dernière, en raison de la pandémie, la JDC a été supprimée pour tous les jeunes Français de l’étranger, y compris dans les pays où l’ambassade avait décidé de la maintenir, tandis qu’elle se tenait en ligne pour les jeunes résidant en France.

À la demande des intéressés, les postes diplomatiques et consulaires ont délivré une attestation provisoire de report permettant aux jeunes Français résidant à l’étranger de justifier de la régularité de leur situation au regard de la loi et ainsi de s’inscrire aux concours et examens, et de passer leur permis de conduire.

Nous avons par ailleurs appris en avril dernier que le ministère des armées et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères travailleraient à une adaptation du dispositif de JDC en ligne à l’attention des jeunes Français établis hors de France.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais donc savoir si les modifications techniques et réglementaires nécessaires ont été adoptées : le système est-il en place ? Si tel n’est pas le cas, comment la JDC est-elle organisée cette année pour les jeunes Français de l’étranger, en particulier dans les pays où la situation sanitaire est encore fortement dégradée ?

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de létranger et de la francophonie. Madame la sénatrice, l’ancien rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » que je suis ne peut qu’être sensible à cette dimension de la journée défense et citoyenneté.

On regrette régulièrement une forme de délitement du lien social et un individualisme croissant ; la JDC fait partie, à mon sens, des remèdes qui doivent être absolument préservés. On ne peut pas à la fois verser des larmes de crocodile sur le constat d’un relatif délitement de la cohésion nationale et dédaigner d’y apporter des solutions. Or la JDC est justement un élément de prise de conscience de l’appartenance à la communauté nationale, au-delà du fait qu’elle est, comme vous l’avez rappelé, indispensable pour accéder à certaines fonctions ou passer certains examens : elle est créatrice de droits.

Il est vrai que, dans le contexte exceptionnel qu’on a connu, de nouvelles pistes ont émergé. Je vous confirme que nous travaillons activement à la mise en place de la solution en ligne que vous avez évoquée ; dans les toutes prochaines semaines, nous serons en mesure de proposer ce dispositif aux jeunes Français de l’étranger, comme cela a été fait en France métropolitaine.

Outre cette réponse, il est important de continuer à proposer une version présentielle de la JDC là où les plus grosses communautés françaises sont présentes, que ce soit à Londres, à Bruxelles, ou encore à Genève. C’est important de pouvoir le faire : comptez sur moi pour le redire avec insistance à nos postes diplomatiques et consulaires dans ces pays.

Au-delà de la JDC, il importe que les jeunes Français établis hors de France bénéficient d’autres dispositifs d’engagement citoyen. Ainsi du service national universel (SNU) récemment mis en place : il me paraît également représenter une très belle formule, qui permet d’activer cet engagement solidaire. Je ne verrais que des avantages à ce qu’il soit accessible aux jeunes Français de l’étranger. J’ai donc demandé qu’on y travaille, de manière que, par exemple, les séjours de cohésion d’une durée de quinze jours qui ont été mis en place en France puissent être ouverts aux jeunes Français établis hors de France. De telles propositions ont été émises dans le débat public ; je les reprends bien volontiers à mon compte.

De la même façon, il est essentiel qu’un jeune Français établi hors de France ait les mêmes droits qu’un jeune établi en France. Madame la sénatrice, nous allons poursuivre dans cette voie !

Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Merci pour votre réponse, monsieur le secrétaire d’État : je partage tout ce que vous venez de dire. Nous attendions votre annonce relative à la mise en place de la JDC en ligne à l’étranger ; vous avez dit qu’elle aurait lieu prochainement, c’est une très bonne nouvelle !

Il est vrai que le lien de ces jeunes avec la France est très fort : ce sont des citoyens à part entière, avec les mêmes devoirs et les mêmes droits. C’est justement pourquoi ils doivent être en mesure de passer leur permis de conduire, ou d’étudier en France. Conserver ce lien est très important pour eux et les familles sont très inquiètes du blocage, qui, de fait, découle du fait qu’ils ne sont pas en phase avec la loi française : si ces jeunes n’ont pas complété leur JDC, de fait, ils sont privés d’accès aux concours ou au permis de conduire.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat. Ils ont l’attestation de report !

Mme Hélène Conway-Mouret. Les familles ont besoin d’être rassurées ; elles doivent savoir qu’elles ont accès à ce document si la participation à la JDC s’avère impossible pour des raisons sanitaires. C’est tout de même ce qui permettra à ces jeunes d’accéder aux universités, aux grandes écoles et de pouvoir conduire en France s’ils le souhaitent. Nous attendons vos annonces en la matière pour cette année-ci, puisque la JDC n’est pas encore accessible en ligne et qu’il faut pouvoir avoir une solution le plus rapidement possible.

conséquences des fermetures de classes ou d’écoles pour les communes

Mme le président. La parole est à M. Jean Hingray, auteur de la question n° 1650, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean Hingray. Madame la secrétaire d’État, la Revue pédagogique nous enseignait dès 1896 que Jules Ferry « a réussi à construire un édifice qui n’a rien à craindre de l’avenir, tant que la démocratie française restera maîtresse de ses destinées, consciente et soucieuse de ses devoirs ».

Madame la secrétaire d’État, êtes-vous consciente et soucieuse de ce qui se passe dans nos villages ? Des classes ou des écoles continuent de fermer sans qu’aucune consultation n’ait été engagée avec les maires. Cela suscite l’émoi et l’incompréhension des familles, ainsi qu’une rupture de confiance entre les élus et le Gouvernement que vous représentez.

Il y a tout juste un an, le Gouvernement avait pourtant annoncé qu’en raison des circonstances sanitaires exceptionnelles il n’y aurait aucune fermeture de classe en milieu rural à l’école primaire sans l’accord préalable du maire.

Les hussards de la République, dans les Vosges comme sur tout le territoire national, ne ménagent pas leur peine au quotidien pour contribuer au maintien d’un enseignement de qualité, pour promouvoir l’égalité des chances et l’attractivité de nos communes.

Les décisions de suppression de classes ou d’écoles portent préjudice à ces objectifs et suscitent de nombreuses difficultés d’ordre juridique, organisationnel et budgétaire.

En effet, qu’advient-il des bâtiments ? Qu’advient-il du personnel contractuel, tels les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), avec lesquels la collectivité est juridiquement engagée ?

On ne rouvre jamais une classe, a fortiori une école, avec la même promptitude qu’on ne la ferme, tant les obstacles administratifs, budgétaires et parfois politiques sont nombreux.

Madame la secrétaire d’État, ne convient-il pas d’envisager un moratoire des fermetures de classes ou d’écoles ?

À défaut, quelles mesures de compensation et d’accompagnement pourriez-vous proposer aux maires afin de pallier les conséquences, notamment financières, de vos décisions unilatérales ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de léducation prioritaire. Monsieur le sénateur Hingray, je veux d’abord vous rappeler que, pour le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et, plus largement, pour le Gouvernement, l’école primaire, notamment élémentaire, est la priorité, car c’est là que l’on assoit et consolide les fondamentaux de nos élèves : lire, écrire, compter et respecter autrui.

C’est la raison pour laquelle, depuis le début de ce quinquennat, nous n’avons jamais cessé d’augmenter les moyens consacrés au premier degré, et ce dans un contexte de forte baisse démographique : rappelons qu’il y a malheureusement 300 000 élèves de moins dans nos écoles à cette rentrée qu’en 2017. Pour autant, nous n’avons cessé de renforcer les moyens, en créant notamment plus de 9 000 postes supplémentaires. À la rentrée 2021, il y a 75 000 élèves de moins dans nos établissements que l’an dernier, mais 2 489 postes supplémentaires ont encore été créés.

Concernant plus particulièrement le département des Vosges, le nombre moyen d’élèves par classe y était de 20,5 à la rentrée 2020, ce qui est bien plus favorable que la moyenne nationale de 22,2. À la rentrée 2021, dans ce département, malgré une baisse prévue de 512 élèves, aucun retrait d’emploi n’a eu lieu. Par conséquent, le taux d’encadrement dans les Vosges devrait encore progresser.

Quant à la question précise des fermetures d’écoles et de classes, comme vous l’avez rappelé très justement, monsieur le sénateur, depuis la rentrée 2019, conformément à l’engagement du Président de la République, aucune fermeture d’école en milieu rural ne peut intervenir sans l’accord du maire. C’était le cas et cela reste le cas !

L’engagement de ne fermer aucune classe en milieu rural sans l’accord du maire s’est en outre appliqué de manière exceptionnelle à la rentrée scolaire 2020, au regard du contexte très particulier de l’année dernière.

Comme vous le savez, le travail de préparation de la carte scolaire donne lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux et se fait sur la base d’une appréciation territorialement très fine de la situation de chaque école. Nous y veillons particulièrement.

La concertation avec les maires doit toujours avoir lieu, dans un esprit de dialogue constructif, afin de tenir compte des spécificités de chaque territoire et de chaque école.

Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat. Vous pouvez évidemment compter sur notre vigilance.

Enfin, vous avez salué l’engagement des professeurs sur le territoire ; je le fais à mon tour.

Mme le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.

M. Jean Hingray. Madame la secrétaire d’État, vous venez avec vos chiffres, mais les réalités du terrain sont tout autres !

Je me permets donc de vous inviter, ainsi que M. le ministre Jean-Michel Blanquer, à venir voir les réalités concrètes. Vous pourriez rencontrer certains maires qui subissent des pressions de la part de l’éducation nationale pour fermer des classes et des écoles. Ils font face, comme ma question l’indique, à de nombreux problèmes : des bâtiments leur restent sur les bras ; des Atsem restent sous contrat avec les mairies de tout petits villages déjà en difficulté, pour lesquels ils représentent un poids supplémentaire.

C’est pourquoi je me permets de vous inviter : vous viendrez avec vos chiffres ; moi, avec mes réalités de terrain. Vous serez en tout cas la bienvenue dans notre département des Vosges !

usine marémotrice de la rance et tarification verte

Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 1776, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Sylvie Robert. Madame la secrétaire d’État, il y a trois ans, je posais déjà une question orale sur la problématique du désenvasement de la Rance. À l’époque, j’interrogeais plus particulièrement le Gouvernement sur les difficultés budgétaires qui s’opposaient à la finalisation du plan quinquennal de désenvasement.

Depuis lors, la situation s’est aggravée : à certains endroits, la navigabilité de la Rance s’est détériorée, ce qui porte préjudice aux riverains et aux communes, ainsi qu’à leur attractivité touristique. En matière d’atteintes à la biodiversité et au patrimoine naturel, le constat suscite des interrogations. Je le redis donc aujourd’hui : il y a urgence !

Pour y répondre, une voie complémentaire au plan de désenvasement peut être explorée. En effet, depuis 2019, la Commission européenne se montre favorable à la revalorisation au tarif « énergie renouvelable » de l’électricité produite par l’usine marémotrice de la Rance (UMR), site unique en Europe.

Si la levée de ce blocage a été accueillie avec enthousiasme par l’ensemble des parties prenantes, le ministère de l’environnement a néanmoins précisé que « la création d’une fiscalité écologique spécifique sur l’électricité produite par l’usine marémotrice de la Rance n’est pas l’option à privilégier à court terme », préférant renvoyer au plan de gestion des sédiments. Pourtant, depuis le 1er juillet dernier, l’article L. 211-2 du code de l’énergie dispose clairement que l’énergie marémotrice est une énergie renouvelable.

Par ailleurs, EDF, concessionnaire de l’UMR, a réitéré son attachement à cet équipement et sa volonté de le faire perdurer. Pour autant, on sait que le projet de réorganisation du groupe, dit « Hercule », qui est actuellement suspendu, pourrait affecter le passage en tarification verte de l’énergie produite. L’UMR pourrait ainsi être classée parmi les barrages hydroélectriques, plutôt qu’au sein de la branche « énergies renouvelables », ce qui constituerait un nouveau frein pour la valorisation de l’énergie produite par l’UMR et compliquerait ainsi les investissements à réaliser.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je souhaite connaître votre position sur ce sujet : allez-vous soutenir la tarification verte pour l’électricité produite par l’UMR, en cohérence avec les dispositions du code de l’énergie ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Robert, vous m’interrogez sur l’usine marémotrice de la Rance, dont les enjeux énergétiques, économiques et environnementaux sont multiples ; se détachent en particulier les enjeux liés au phénomène d’envasement que connaît l’estuaire de la Rance.

L’ensemble des acteurs impliqués mène un travail de taille sur ce sujet ; vous y contribuez, je vous en remercie. Un programme de recherche est conduit, en lien avec EDF, pour mieux comprendre ce phénomène de sédimentation et identifier des actions préventives. En outre, un programme d’intervention expérimental est mené ; il comprend l’extraction et la valorisation sur cinq ans de 250 000 mètres cubes de sédiments. Les conclusions de ces deux programmes sont attendues pour 2023 ; on espère qu’elles déboucheront sur un plan pérenne et une évaluation des besoins en financement.

La production de l’usine de la Rance, qui représente une puissance de 250 mégawatts, entre pleinement dans le périmètre des énergies renouvelables. Cela nécessite d’étudier la possibilité d’un soutien public. Celui-ci dépasserait le cadre de la gestion sédimentaire de l’estuaire, puisqu’il concernerait également la rentabilité à long terme de l’installation.

Un tel soutien soulève néanmoins des difficultés juridiques majeures.

Tout d’abord, cette usine est exploitée par EDF depuis 1966 sous la forme d’une concession qui arrivera à échéance en 2043. L’attribution d’un tarif de soutien constituerait une modification substantielle du contrat de concession. Or le droit des concessions n’autorise pas à modifier substantiellement l’économie d’un contrat en cours, à moins d’une nouvelle mise en concurrence.

Par ailleurs, il n’apparaît sans doute pas judicieux de mettre en place un tel soutien public pour une concession hydroélectrique alors que la France fait face à deux mises en demeure de la Commission européenne.

Enfin, la classification en concession hydroélectrique et la qualification d’énergie renouvelable sont absolument indépendantes d’une éventuelle réorganisation du groupe EDF.

Madame la sénatrice, il convient donc, à ce stade, de poursuivre et de soutenir les travaux en cours pour que des solutions pérennes de lutte contre l’envasement de l’estuaire soient identifiées et mises en place. Croyez bien que notre ministère y est très attaché.

Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.

Mme Sylvie Robert. Merci, madame la secrétaire d’État ; je vois que ce dossier, sur lequel on travaille déjà depuis de nombreuses années, va encore se poursuivre. Je peux vous dire l’engagement de tous les maires, celui de tous les acteurs, celui de la région Bretagne. Nous avons besoin de votre soutien, parce que la classification de l’électricité produite par l’UMR en énergie verte pourrait vraiment permettre de lever au moins un des freins. On compte sur vous !

Je sais qu’il y a urgence ; un rendez-vous doit bientôt se tenir avec EDF, qui est l’une des parties prenantes de ce dossier, associée à notre réflexion. En tout cas, je tenais à vous dire que cet engagement mérite vraiment qu’aujourd’hui le Gouvernement s’y intéresse !

moyens de l’office français de la biodiversité dans les alpes-maritimes

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1716, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les moyens de l’Office français de la biodiversité (OFB) dans les Alpes-Maritimes.

Alors que les services de l’OFB dans ce département devraient compter 17 inspecteurs de l’environnement, on y dénombre seulement 8 fonctionnaires à temps plein et 1 à mi-temps.

La police de l’environnement et la surveillance de la biodiversité sont ainsi assurées par des inspecteurs en sous-effectif. Cela rend leurs missions particulièrement difficiles à accomplir, d’autant qu’ils couvrent les milieux aquatiques, terrestres et maritimes.

L’une de ces difficultés s’exprime tout particulièrement lorsqu’un inspecteur de l’environnement doit se rendre auprès d’un éleveur après une attaque de loup afin de réaliser le constat de dommages.

Si les inspecteurs sont naturellement qualifiés pour ces missions, elles ont par le passé été confiées à des ouvriers forestiers formés par les inspecteurs de l’environnement de l’ancien Office national de la chasse et de la faune sauvage, ce qui permettait aux inspecteurs de se concentrer sur leur cœur de métier.

En demi-effectif, les agents de l’OFB ne sont pas assez nombreux pour réaliser l’ensemble des constats, alors même que la prédation est particulièrement intense tout au long de l’année dans les Alpes-Maritimes. Ces allers-retours, qui requièrent plusieurs heures de marche vers les zones d’estive ou de pâturage, les limitent dans leurs missions.

Au sein du plan de relance, 30 milliards d’euros sont dédiés à l’environnement, mais quelle portion de cette somme sera concrètement attribuée aux OFB départementaux, tout particulièrement dans les Alpes-Maritimes ? L’affectation d’inspecteurs titulaires ou le recrutement d’agents contractuels sont-ils prévus ?

Enfin, madame la secrétaire d’État, entendez-vous modifier la méthode de déclaration afin de passer à un téléconstat, dispositif défendu tant par les éleveurs, qui n’ont pas tous de matériel numérique, que par les inspecteurs de l’environnement, capables de réaliser le diagnostic de l’attaque par téléphone sans avoir à se déplacer dans des zones de montagne très reculées ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Estrosi Sassone, vous m’interrogez sur les moyens de l’Office français de la biodiversité ; croyez bien que nous partageons l’attention que vous portez à l’OFB et votre combat pour toujours renforcer les moyens de cet opérateur.

La naissance de l’OFB est relativement récente, mais on en reçoit déjà des signaux importants, puisque cet office a globalement pu maintenir ses effectifs depuis sa création en 2020, grâce à un travail interne accompli sur les fonctions support pour toujours préserver la présence sur le terrain.

L’OFB compte parmi ses rôles et ses missions la gestion des dégâts liés au loup, notamment dans les Alpes-Maritimes. S’il a été constaté dans ce département une légère baisse des attaques et des victimes liées à la prédation en 2020 par rapport à 2019, nous n’en avons pas moins une double préoccupation : d’une part, offrir le dispositif le plus rapide possible aux éleveurs concernés, car la réactivité est essentielle ; d’autre part, simplifier la charge des inspecteurs.

Dans cette optique, un dispositif de constat déclaratif des dégâts a été expérimenté dans certaines zones et pourrait être étendu. Nous étudions par ailleurs avec le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfet coordonnateur du plan national d’actions sur le loup, les modalités d’un constat à distance : celui-ci pourrait constituer un autre mode de simplification de ces déclarations, mais il doit être fiabilisé avant que l’on puisse réduire l’intervention de l’OFB en zone de présence permanente du loup.

Par ailleurs, pour maintenir son activité dans les territoires, l’OFB a recruté des agents en contrat d’accompagnement dans l’emploi et en parcours emploi compétences, agents chargés d’accompagner les inspecteurs dans leurs démarches et de faciliter les constats de dégâts de grands prédateurs.

Au-delà de l’OFB, dont le contrat d’objectifs et de performance, en cours d’élaboration, devra redéfinir les champs prioritaires et les modalités d’action, je souhaite vous redire mon attachement à la défense et à la préservation des moyens de tous les opérateurs liés à la biodiversité.

C’est bien ce qui se fait dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, puisque j’ai eu la joie d’annoncer que les opérateurs de la biodiversité ne connaîtraient pas de réduction de schéma d’emploi cette année. Nous maintenons les effectifs, nous renforçons les moyens de manière structurelle dans le projet de loi de finances – j’en remercie les parlementaires – et nous déployons de manière plus ponctuelle, dans le plan de relance, des missions et des projets sans précédent.

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la secrétaire d’État, vous dites que vous maintenez les emplois, mais vous ne les augmentez pas ! Je viens de vous faire la démonstration que, dans les Alpes-Maritimes, les fonctionnaires qui travaillent pour l’Office français de la biodiversité sont nettement en sous-effectif : de fait, leurs missions ne peuvent pas être assurées correctement.

Il est également urgent de passer à ce constat déclaratif : c’est une demande forte des éleveurs et vous avez vu encore tout cet été combien, malheureusement, ils ont été touchés par les attaques de loups. Vous avez pu voir dans quelle détresse ils se trouvent et la menace particulière qui pèse sur le pastoralisme dans nos montagnes. Sa sauvegarde passe par des moyens humains supplémentaires, mais aussi par des moyens matériels ; j’attends véritablement que l’État soit au rendez-vous.

retards de traitement des dossiers maprimerénov’

Mme le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 1784, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.

M. Gilbert Roger. Madame la secrétaire d’État, j’ai voulu interpeller le Gouvernement sur les nombreux retards constatés sur le traitement des dossiers MaPrimeRénov’ par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

De plus en plus de nos concitoyens, dans mon département, mais aussi ailleurs, se sont manifestés depuis que ma question a été publiée : cela montre que ces retards sont importants. Des gens modestes, voire très modestes, veulent changer leur chaudière ou isoler leur logement ; ils ont engagé des travaux après approbation de leur dossier par l’ANAH, mais les remboursements ne viennent pas : ils les attendent parfois six mois, voire un an, ce qui a pour conséquence de les obliger soit à s’endetter à nouveau auprès d’une banque, pour obtenir une sorte de crédit relais, soit à demander aux artisans ou aux entreprises reconnues garant de l’environnement (RGE) de patienter pour le paiement des factures des travaux réalisés.

Toutes ces difficultés entachent l’efficacité de la réforme énergétique que nous appelons tous de nos vœux. Je voudrais donc savoir, madame la secrétaire d’État, d’une façon très concrète, comment vous comptez améliorer le traitement de ces dossiers et permettre un paiement extrêmement rapide une fois les travaux réalisés et les factures éditées.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Roger, vous nous interrogez sur le traitement des dossiers MaPrimeRénov’.

Nous devons d’abord souligner le succès sans précédent de ce dispositif plus simple, plus juste et plus efficace, que nous avons mis en place le 1er janvier 2020 en faveur de la rénovation énergétique : nous pouvons nous en féliciter ! Son succès sans appel se lit dans les chiffres : pour 2021, nous nous fixions un objectif de 400 000 dossiers déposés ; eh bien, nous avons déjà reçu 500 000 dossiers et nous envisageons désormais d’atteindre le cap de 800 000 demandes. Cette réussite sans précédent s’est faite grâce à une grande mobilisation de l’ANAH, que je tiens à remercier.

Sur la plateforme, l’accompagnement des bénéficiaires dans la constitution de leur dossier s’est également significativement amélioré : à titre d’exemple, le taux d’appels décrochés par semaine au centre d’appel de l’ANAH est passé de 60 % à la fin de septembre 2020 à plus de 90 % à la fin de décembre 2020 et il est stable depuis ; c’est une belle évolution. Au 19 septembre 2021, l’Agence avait déjà engagé 438 000 dossiers sur un total de 511 000 dossiers déposés cette année.

Si le Gouvernement demeure évidemment très attentif aux situations problématiques que vous soulevez, celles-ci restent marginales, puisqu’elles concernent moins de 1 % des dossiers reçus en 2021. Une task force a été mise en place au sein de l’ANAH pour les traiter spécifiquement : chaque semaine, elle débloque plusieurs centaines de dossiers.

Nous souhaitons nous assurer que, à l’horizon du 1er janvier 2022, 90 % des dossiers déposés complets puissent recevoir une décision de l’ANAH en moins de 15 jours ouvrés, délai dont vous conviendrez qu’il est relativement comprimé. Nous voulons également garantir la possibilité d’obtenir une décision de l’ANAH dans un délai moyen inférieur à 40 jours pour les dossiers qui nécessitent des compléments.

En août 2021, 97 % des dossiers déposés complets ont été traités dans les 15 jours ouvrés pour engagement ; 82 % des dossiers déposés complets pour paiement.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes pleinement mobilisés et déterminés à ce que les dossiers obtiennent l’issue la plus rapide et la plus favorable possible.