Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

(Supprimé)

Article 2
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Article 4

Article 3

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 311-5-1, il est inséré un article L. 311-5-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-5-1-1. – Les établissements mentionnés aux 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 garantissent le droit des personnes qu’ils accueillent de recevoir chaque jour tout visiteur qu’elles consentent à recevoir. Sauf si le résident en exprime le souhait, aucune visite ne peut être subordonnée à l’information préalable de l’établissement.

« Le directeur de l’établissement ne peut s’opposer à une visite que si elle constitue une menace pour l’ordre public à l’intérieur ou aux abords de l’établissement, ou si le médecin coordonnateur ou, à défaut, tout autre professionnel de santé consulté par le directeur de l’établissement, estime qu’elle constitue une menace pour la santé du résident, celle des autres résidents ou celle des personnes qui y travaillent. Une telle décision, motivée, est notifiée sans délai à la personne sollicitant la visite et au résident. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 311-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il fixe les modalités de respect du droit prévu au premier alinéa de l’article L. 311-5-1-1. » – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Après le troisième alinéa de l’article L. 1112-4 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans ces établissements, la personne en fin de vie ou dont l’état requiert des soins palliatifs ne peut se voir refuser une visite quotidienne de son conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ascendant, descendant, collatéral jusqu’au quatrième degré, de l’enfant dont il assume la charge au sens de l’article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, de l’ascendant, descendant ou collatéral jusqu’au quatrième degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ni de toute personne avec laquelle elle réside ou entretient des liens étroits et stables. Les établissements mentionnés à cet article définissent les conditions qui permettent d’assurer ces visites. »

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

Supprimer les mots :

mentionnés à cet article

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Amendement de clarification légistique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Avis défavorable, dans la mesure où le Gouvernement ne soutient pas la présente proposition de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

Le III de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les mesures ayant pour objet ou effet de faire obstacle à l’exercice du droit mentionné aux articles L. 1112-1-1 du présent code et L. 311-5-1-1 du code de l’action sociale et des familles sont prises après avis motivé des comités prévus aux articles L. 3131-19 et L. 1412-1 du présent code.

« Aucune mesure ne peut avoir pour objet ou pour effet de faire obstacle à l’application de l’article L. 1112-4. » – (Adopté.)

Article 5
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 6

La présente loi est d’ordre public. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 6
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je souhaite remercier l’ensemble des groupes. Certains s’abstiendront ; je le comprends. Mais beaucoup voteront la proposition de loi.

De toute évidence, il existe un équilibre fragile à préserver entre, d’un côté, la sécurité sanitaire face aux risques de contamination et, de l’autre, la sauvegarde d’une forme d’humanité face à un risque de déshumanisation.

Je l’ai souligné, il ne s’agit pas de mettre quiconque en accusation, surtout pas les soignants – j’en connais tellement ! –, d’autant qu’ils ont peut-être été les premiers à souffrir d’une telle situation.

Je n’ai pas non plus de doute sur votre engagement personnel, madame la ministre. Durant toute cette période, j’ai suivi vos déclarations, et je sais que vous vous êtes battue.

Vous avez évoqué la norme. Vous n’imaginez pas ici les centaines de normes inutiles soumises à notre vote, y compris parfois par le Gouvernement !

Nous ne votons pas ce texte avec le cœur léger, mais nous avons relevé trop de manquements. Mes chers collègues, au printemps dernier, on imposait encore trop souvent un quota de deux visites, sous le regard d’une tierce personne, dans des Ehpad où pourtant 100 % des résidents et des personnels avaient reçu deux injections de vaccin, et ce alors même que les visiteurs étaient vaccinés. C’est insupportable !

Il faut que cela change. Quand le droit est aussi flou, il convient de normaliser, de codifier et de préciser les choses. Tel est notre objectif aujourd’hui. Face à autant de dysfonctionnements, il n’est pas possible de ne pas vouloir tenter de faire entrer ce droit essentiel dans la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l’adoption 318

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.)

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je remercie infiniment la Haute Assemblée de la qualité de ce débat. Le sujet le méritait.

Encore une fois, ne pas soutenir la présente proposition de loi, ce n’est pas ne pas soutenir pas le droit de visite ; je remercie M. Retailleau de l’avoir rappelé. Je salue également la qualité du travail de Mme la rapporteure.

Nous continuerons d’agir. Je préfère que le droit de visite soit vraiment applicable dans les textes, comme il l’est aujourd’hui. Nous poursuivrons le travail éthique que nous menons en y associant – nous le faisons déjà – toutes les personnes que vous avez mentionnées.

C’est un engagement que je prends devant vous. Nous inviterons toutes les personnes intéressées à se joindre à nous. Notre objectif est le même que le vôtre : en finir avec toutes les expériences blessantes qui ont pu être vécues pendant la crise sanitaire.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements
 

9

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, mes collègues Jean-Pierre Decool, Jean-Louis Lagourgue, Claude Malhuret, Pierre Médevielle et Dany Wattebled souhaitaient s’abstenir sur la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

10

 
Dossier législatif : proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires
Discussion générale (suite)

Implantation locale des parlementaires

Adoption d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi organique favorisant l’implantation locale des parlementaires, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (proposition n° 804 [2020-2021], texte de la commission n° 24, rapport n° 23).

Organisation des travaux

Mme la présidente. Mes chers collègues, en accord avec le Gouvernement et la commission, et compte tenu du nombre d’amendements déposés sur ce texte, nous pourrions achever son examen en prolongeant notre séance au-delà de vingt heures sans avoir à suspendre.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires
Question préalable

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi organique. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ceux qui, comme moi, appartenaient déjà à notre Haute Assemblée en 2013 se rappellent sans doute des débats enflammés qu’avait suscités le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

À l’époque déjà, le Sénat n’avait pas hésité à s’ériger contre une réforme dictée avant tout par la volonté de plaire à l’opinion. Il était facile de livrer à la vindicte populaire ces « cumulards », que certains n’hésitaient pas à qualifier de profiteurs. En creux, nous n’étions pas si loin du « tous pourris », dont les gilets jaunes étaient si friands !

Force est de constater que, malgré cette réforme adoptée voilà plus de sept ans, les accusations contre les élus, en particulier contre les parlementaires, n’ont malheureusement pas disparu. On a même franchi un seuil supplémentaire, puisqu’il n’est plus rare que des élus soient agressés et des permanences dégradées.

Pour ceux qui se livrent à ce type de comportements, le non-cumul, ce n’est évidemment pas assez ! Ce qu’ils veulent en réalité, c’est supprimer la démocratie représentative.

Au demeurant, notre ancien collègue François Rebsamen, maire de Dijon, ressort la vieille lune visant à faire du Sénat un Bundesrat, comme en Allemagne. Non-cumul et dégradation supplémentaire du Sénat… Formidable !

Il faut donc ainsi se méfier d’une inclination facile à vouloir satisfaire ce que l’on pense être l’opinion dominante à un moment donné. « Les gens sont contre le cumul : supprimons le cumul », disait Manuel Valls, alors ministre.

En effet, plusieurs études ont montré que nos concitoyens étaient, à titre général, contre le cumul. Mais quand la question portait sur leurs propres élus, ils étaient favorables à ce que leur maire puisse être également parlementaire.

Récemment, notre groupe a commandé un sondage à l’institut IFOP sur ce thème. À la question : « Seriez-vous favorable ou non à la possibilité pour les députés et les sénateurs de pouvoir en parallèle de leur mandat national être maire d’une commune de moins de 10 000 habitants, mais sans le cumul des indemnités ? », 57 % des sondés répondaient favorablement. Ce résultat peut surprendre. Il a au moins un mérite : il montre que, sur ce sujet, il y a encore débat, et pas uniquement chez les élus.

La proposition de loi organique que j’ai l’honneur de vous présenter a d’abord pour objet de faire vivre ce débat devant le Parlement. Il est naturel, plusieurs années après l’entrée en vigueur d’une réforme, de s’interroger sur sa pertinence et ses conséquences.

La question que l’on doit se poser aujourd’hui est : le non-cumul a-t-il amélioré le fonctionnement de notre démocratie ? Elle me semble légitime. Le Président de la République reconnaissait lui-même voilà peu que le sujet méritait d’être débattu.

On constate d’ailleurs à travers les résultats des dernières élections locales que l’existence du non-cumul n’a pas ramené aux urnes beaucoup d’électeurs.

En revanche, on continue inlassablement de déplorer des élus « déconnectés », des parlementaires « hors sol », et j’en passe… Nous considérons le fait que l’instauration du non-cumul, loin d’être une solution magique, a sans doute accentué le phénomène depuis 2014.

J’ai entendu certains collègues nous expliquer qu’avec le droit en vigueur, les parlementaires pouvaient parfaitement continuer à détenir un mandat local et que, grâce à cela, ils n’étaient pas « déconnectés ».

Nous sommes nombreux ici à avoir exercé un mandat de maire, à avoir occupé des fonctions exécutives au sein d’une collectivité. Nous savons tous que ce n’est pas du tout la même chose d’être conseiller municipal, conseiller général ou conseiller régional et maire, président d’un département ou président d’une région.

En 2014, le gouvernement de l’époque justifiait sa réforme dans son exposé des motifs par le fait que la dernière révision constitutionnelle avait « rénové l’exercice de la fonction législative et renforcé les pouvoirs des deux assemblées ». Autrement dit, les missions du Parlement ont été tellement renforcées qu’il n’est plus possible d’être député et maire d’un village de 500 habitants.

Avez-vous le sentiment, mes chers collègues, en 2021, que le rôle du Parlement soit renforcé ? Que l’on pèse plus sur le débat démocratique ? Que l’équilibre entre pouvoir législatif et exécutif est satisfaisant ? Pour ma part, je ne le pense pas.

Les parlementaires n’ont pas vu leur rôle renforcé depuis l’entrée en vigueur du non-cumul. Oui, les maires qui ne sont plus parlementaires ont souvent bien plus de mal à faire entendre leur voix. Faut-il en rester là ou revenir sur la loi organique du 14 février 2014 ? Plus précisément, faut-il aménager ou abroger intégralement ce texte ?

Nous vous proposons aujourd’hui un simple aménagement, puisqu’il s’agit d’ouvrir la possibilité aux parlementaires d’être maire ou maire adjoint d’une commune de moins de 10 000 habitants. Nous avons donc choisi d’exclure cette faculté pour les communes les plus peuplées. Nous reconnaissons que la charge de travail n’est pas la même selon la taille de la commune. Il ne s’agit pas, avec notre texte, d’être de nouveau, par exemple, sénateur et maire d’une grande ville de plus de 100 000 habitants.

Inévitablement, j’entends des interrogations sur le niveau du seuil. Pourquoi 10 000 habitants ? Pourquoi pas 1 000 ou 20 000 ?

Comme l’a rappelé notre rapporteur en commission, ce seuil est déjà utilisé au sein du code général des collectivités territoriales. Il nous semblait donc pertinent. Je saisis d’ailleurs cette occasion pour saluer l’excellent travail réalisé par notre collègue Stéphane Le Rudulier. La tâche que lui a confiée notre commission n’était pas facile tant le sujet déchaîne les passions ! Je salue la qualité de son écoute et des propositions qu’il a formulées la semaine dernière.

Je ferai une remarque sur la principale modification adoptée en commission.

Nous avions souhaité éviter que ce débat visant à favoriser l’implantation locale des parlementaires ne soit immédiatement source de polémiques sur d’hypothétiques motivations financières. Naturellement, il n’a jamais été question d’une course aux indemnités. Vous savez les uns et les autres que nous sommes plafonnés.

Pour couper court à toute polémique inutile, nous avions décidé à l’article 2 de la proposition de loi organique d’interdire tout cumul d’indemnité pour le parlementaire qui déciderait d’être maire d’une commune de moins de 10 000 habitants. Cela avait le mérite de la clarté.

Je me rallie malgré tout à l’argument constitutionnel défendu par le rapporteur, et qui a entraîné la suppression de l’article 2, en espérant que cela permettra d’échapper aux polémiques inutiles.

Enfin, il est difficile d’évoquer le régime des incompatibilités applicable aux parlementaires sans évoquer celui qui s’applique aux élus locaux. Nous avons été nombreux lors de l’examen en commission à évoquer ce que l’on a coutume d’appeler le « cumul horizontal ».

La différence de traitement entre ce qui s’applique aux parlementaires, d’un côté, et aux élus locaux ne disposant pas d’un mandat national, d’un autre côté, est frappante.

Je ne résiste pas au plaisir de vous citer l’étude d’impact du texte de 2014, qui indiquait que les fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales représentaient « des fonctions de responsabilité à part entière » et supposaient « un engagement continu de leur titulaire ».

C’est savoureux, car cette même loi n’a pas du tout fait évoluer les règles du cumul horizontal, permettant ainsi des situations de cumul très étendues !

Je pense que les échéances politiques des prochains mois doivent être l’occasion d’un débat de fond sur la nécessaire réforme de nos institutions. La question que nous abordons aujourd’hui en fait partie.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter en faveur de la présente proposition de loi organique. Si notre Haute Assemblée devait l’adopter, j’invite d’ores et déjà le Gouvernement à l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, afin de poursuivre ce débat important. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la limitation du cumul des mandats est extrêmement délicate et complexe.

Dans cet hémicycle, nous sommes d’ailleurs tous conscients que des cumuls excessifs sont aussi néfastes au Parlement qu’aux collectivités territoriales elles-mêmes.

L’interdiction absolue d’exercer une fonction exécutive locale paraît aussi excessive et absurde que la liberté absolue qui prévalait avant 1985. Le Sénat a toujours été très ouvert sur cette question. Il a d’ailleurs contribué à la limitation du cumul des mandats et a ainsi voté les lois de 1985 et de 2000, qui ont établi et étendu le régime des incompatibilités entre mandats locaux et mandats nationaux. Ces lois ont donc fait l’objet d’un très large consensus.

Mais, après plus d’une décennie de débats, la loi organique de 2014 a envoyé le balancier vers un extrême qui s’est révélé être mortifère pour le pouvoir législatif. Elle a en effet rendu incompatible le mandat de député ou de sénateur avec toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale.

Plusieurs arguments étaient alors avancés à l’appui de cette réforme.

Il s’agissait d’abord, disait-on, de « libérer » les parlementaires de fonctions locales devenues trop absorbantes, alors que le Parlement avait vu ses pouvoirs accrus par la révision constitutionnelle de 2008. Symétriquement, il s’agissait de « libérer » les maires et les autres chefs d’exécutifs locaux, après trois décennies de décentralisation qui avaient élargi les compétences des collectivités et quelque peu complexifié le rôle de l’élu local.

Les promoteurs de la réforme y voyaient également le moyen d’assurer le renouvellement du personnel politique.

Ces arguments, déjà sujets à caution lors des débats de 2013-2014, ne se sont pas vérifiés depuis.

Ainsi, aucune corrélation n’a jamais pu être empiriquement établie entre le non-cumul des mandats et la qualité du travail parlementaire.

De même, le fort taux de renouvellement de l’Assemblée nationale observé en 2017 me semble davantage lié à l’émergence d’un nouveau parti politique, devenu majoritaire dans le sillage de l’élection du Président de la République, qu’à l’application de la règle du non-cumul.

M. Rémy Pointereau. C’est juste !

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. À l’inverse, les faits semblent donner raison à ceux qui craignaient que les effets pervers du non-cumul des mandats ne l’emportent sur ses effets vertueux.

L’interdiction du cumul aggraverait le déséquilibre des pouvoirs au profit de l’exécutif, nous avait-on dit en 2013 en privant notamment les parlementaires d’une assise locale susceptible de renforcer leur autorité, leur expertise et leur indépendance. Faudrait-il donner raison à cette thèse ? Je constate du moins que le quinquennat actuel, comme le précédent d’ailleurs, n’a pas été marqué par un renforcement du Parlement. Tout au contraire : on parle d’affaiblissement, contraire à la volonté du constituant de 2008.

Mais, ce qui est peut-être plus préoccupant encore pour l’avenir, c’est l’incidence du non-cumul sur l’attractivité du mandat parlementaire.

Lors de l’entrée en vigueur de la réforme, on a constaté que bon nombre d’élus en situation de cumul choisissaient de conserver leur mandat local plutôt que national, comme si le premier était plus gratifiant que le second. Tout cela contribue incontestablement à une dévalorisation du mandat parlementaire, qui se révèle dangereuse pour l’équilibre de nos institutions.

Enfin, le fait que députés et sénateurs ne puissent plus exercer de fonctions exécutives locales n’est pas étranger – cela a été souligné par M. Marseille – au sentiment actuel de « déconnexion » entre les Français et leurs représentants.

La connaissance des grands enjeux de la politique nationale à travers l’exercice d’un mandat parlementaire est profitable aux territoires et à leurs habitants.

Inversement, je continue de penser que la responsabilité opérationnelle de services publics locaux est utile à l’exercice de mandats parlementaires. Elle favorise des approches peut-être un peu moins idéologiques, moins militantes, mais beaucoup plus indépendantes, plus pragmatiques et plus responsables permettant de mieux saisir les attentes des citoyens, voire d’anticiper les crises. En 2019, madame la ministre, votre collègue Olivia Gregoire, alors députée, déclarait que les députés qui avaient été maires avaient senti « beaucoup plus tôt » – ce sont ses termes – arriver la crise des gilets jaunes. (Marques dapprobation sur les travées du groupe UC.)

Il n’est donc pas étonnant que des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour remettre en cause la réforme de 2014, y compris au sein de la majorité présidentielle. Le Président de la République s’est lui-même interrogé ouvertement sur l’opportunité d’un assouplissement lors d’une réunion avec les maires de Normandie, le 6 janvier 2019. Et le débat a ressurgi à la suite des élections départementales et régionales du printemps dernier au vu du record de l’abstention.

J’observe également que trois ministres de haut rang de ce gouvernement n’ont pas jugé nécessaire, sans doute à juste titre, de s’appliquer à eux-mêmes la règle du non-cumul (Marques dironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), dont la valeur n’est, certes, que coutumière s’agissant des membres de l’exécutif. (Applaudissements sur les mêmes travées.) Ils n’ont d’ailleurs, à ma connaissance, jamais exprimé une quelconque contrition ou un quelconque remords à cet égard. Ils n’ont pas non plus donné de signe particulier public d’épuisement. Ils ont au contraire toujours justifié cette position avec beaucoup d’enthousiasme et d’énergie !

Aussi, force est de reconnaître que le texte de 2014 a été mal bâti et a procédé d’une réaction instinctive, voire quelque peu démagogique. Il était donc de notre responsabilité de trouver un dispositif plus raisonnable, de retrouver en quelque sorte un certain équilibre. C’est tout l’objet de la proposition de loi organique que nous examinons aujourd’hui, sur l’initiative de notre collègue Hervé Marseille. Elle vise à apporter un assouplissement modéré à la règle du non-cumul, sans revenir totalement sur la réforme de 2014.

Son article unique prévoit en effet – cela a été souligné – de supprimer l’incompatibilité entre le mandat de député ou de sénateur et les fonctions de maire ou d’adjoint au maire ou de Maire délégué dans les communes de 10 000 habitants ou moins, soit 97 % des communes françaises.

Comme tout seuil, le plafond de 10 000 habitants peut être discuté. Néanmoins, le Conseil constitutionnel a toujours admis que le législateur organique puisse subordonner l’application de règles d’incompatibilité à des seuils de population, à condition que ceux-ci ne soient pas arbitraires. En l’espèce, le seuil proposé paraît pertinent. En effet, fréquent en droit des collectivités territoriales, il correspond à une différence de situation réelle, notamment s’agissant des charges et obligations imposées aux autorités municipales. Il correspond en quelque sorte à une frontière entre le monde urbain et le monde rural.

Mes chers collègues, je pense qu’une fonction exécutive locale et un mandat parlementaire ne sont pas antinomiques et peuvent se compléter utilement, et ce dans l’intérêt de nos concitoyens. Je remercie M. Marseille de son initiative. Je ne doute pas qu’elle suscitera des discussions parmi nous. Mais il me paraît effectivement impératif de rapprocher l’exercice du pouvoir de la réalité des territoires et de mettre fin au sentiment que les élus nationaux sont totalement déconnectés. Ce texte est un moyen, parmi tant d’autres, d’y parvenir. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi organique favorisant l’implantation locale des parlementaires qui est présentée aujourd’hui au Sénat par le groupe Union Centriste vise à instaurer la possibilité d’un cumul entre le mandat de parlementaire et les fonctions exécutives de maire, de maire délégué et d’adjoint au maire dans les communes de moins de 10 000 habitants.

Malgré les interrogations que la question suscite, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur cette proposition de loi organique, et ce pour plusieurs raisons. (Marques de déception sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Le texte met en discussion le dispositif d’incompatibilités applicable aux mandats parlementaires, défini à l’article L.O. 141-1 du code électoral introduit par la loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

La principale motivation de la présente proposition de loi organique consiste à dire qu’il existe une attente de la part de nos concitoyens de ne plus avoir de représentants nationaux « déconnectés du réel » ou des élus « hors sol ».

Monsieur Marseille, vous évoquez le grand débat national engagé dans tous les territoires par le Président de la République. Il est vrai que nos concitoyens ont exprimé un besoin de proximité dans leurs relations avec les autorités publiques, élus et administrations. Ils ont également souligné l’importance de l’échelon communal et de la figure du maire dans leur quotidien. Ce que nous venons de traverser avec la crise sanitaire le démontre parfaitement.

Mais nos concitoyens ont également exprimé fortement, toujours dans le cadre de ce grand débat national, une exigence envers les élus. Ils ont par exemple particulièrement critiqué les absences des élus lors des séances et des votes au sein des assemblées où ils sont élus.

Dès lors, il ne nous semble pas que le cumul des mandats soit une bonne réponse aux besoins exprimés par nos concitoyens. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Brouhaha.)

Nos concitoyens demandent à être représentés à l’échelon tant local que national par des femmes et des hommes pleinement engagés dans leurs missions, présents là où leurs fonctions les requièrent pour apporter des réponses aux attentes et aux problèmes des Français.

Vous évoquez aussi la nécessité pour les élus nationaux de disposer d’une connaissance concrète des enjeux, des difficultés et des compétences exercées par les élus locaux, municipaux notamment.

Le Gouvernement partage évidemment une telle vision, mais la solution n’est pas nécessairement le cumul de la fonction de maire avec celui de parlementaire. La loi permet déjà aux parlementaires de conserver un ancrage local. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe UC.)

L’article L.O. 141 du code électoral dispose en effet qu’un parlementaire ne peut détenir qu’un mandat parmi ceux de conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller à l’assemblée de Guyane et de Martinique et de conseiller municipal d’une commune de plus de 1 000 habitants.

Les parlementaires peuvent donc pleinement prendre part à la vie de nos collectivités locales et s’impliquer par leur rôle délibératif dans les décisions prises au sein des conseils municipaux notamment.

À ce titre, ce sont 145 parlementaires, dont 80 sénateurs, qui ont également un mandat de conseiller municipal au sein des communes de moins de 10 000 habitants.

Le mandat de parlementaire et la fonction de maire demandent à celles et ceux qui les occupent d’être pleinement disponibles pour assumer ces responsabilités. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le travail parlementaire s’est intensifié. Le travail en commission, devenu une étape essentielle, sur lequel se fonde le vote en séance, requiert une implication accrue des parlementaires. Le Parlement s’est aussi pleinement saisi de ses fonctions de contrôle du Gouvernement et d’évaluation des politiques, un travail qui demande également une forte disponibilité de ses membres. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Je peux d’autant plus en témoigner que, si je fais aujourd’hui partie de l’exécutif, j’étais voilà encore peu de temps élue à l’Assemblée nationale. Ce travail de contrôle du Gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques est très important, et je m’en réjouis évidemment, car il est au cœur du fonctionnement de nos institutions et du débat démocratique. (« Hors sol ! » sur les travées du groupe Les Républicains.)