Mme Éliane Assassi. Nous approuvons donc que le Sénat ait renouvelé son opposition à cette mesure, en adoptant un amendement ce matin, lors de la réunion de la commission des lois.

Aujourd’hui comme hier, nous dénonçons la mise en place par le Gouvernement d’un rideau de fumée visant à masquer l’incurie du libéralisme décomplexé qu’il défend quand il s’agit d’apporter, face à la crise, des réponses conformes à l’intérêt général.

Avec mon groupe et avec mes amis députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, j’ai inlassablement répété au cours des débats que d’autres choix sont possibles et qu’une autre voie peut être empruntée : celle de la solidarité sur le plan national et international, celle du service public.

Je le répète, cette politique masque la casse de l’hôpital public, la fermeture de lits durant l’épidémie, l’incapacité de notre industrie à produire le vaccin, l’assèchement de la recherche et le manque de moyens à tous les étages, notamment à celui de l’école, pour réorganiser la société face à cette terrible crise que nous traversons.

Jamais nous n’avons obtenu une discussion sérieuse sur la question clef de la levée des brevets ! Pourtant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous y adjure. La multiplication des doses de rappel dans les pays riches n’est pas la solution à long terme. Il faut vacciner l’humanité tout entière !

M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. Enfin, mes chers collègues, comment ne pas voir que la confusion actuelle provient en grande partie de la défaillance démocratique illustrée tant par les débats rocambolesques de la commission mixte paritaire que par les discussions de pure forme qui auront lieu aujourd’hui au Sénat ?

Mercredi soir, nous avons rappelé qu’il est nécessaire de sortir de la gestion sanitaire de la crise décidée par Emmanuel Macron, entouré de son conseil de défense opaque.

C’est l’ensemble des acteurs de la société qu’il faut mobiliser, et le Parlement doit reprendre pleinement sa place de décideur. Aujourd’hui, le Parlement, y compris malheureusement le Sénat, accompagne le Gouvernement dans ses choix antidémocratiques à l’efficacité contestable quant à la lutte contre la pandémie.

Nous voterons donc contre ce texte dépassé, dont l’objectif est politique et non sanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Thomas Dossus, Loïc Hervé et Alain Houpert applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en m’exprimant à cette tribune, j’ai le sentiment de participer davantage à une explication de vote qu’à une discussion générale au sens traditionnel du terme.

Notre groupe va voter en faveur du passe vaccinal, probablement à l’instar du Sénat.

M. Alain Houpert. Il faut se méfier, on ne sait jamais !

M. Philippe Bonnecarrère. Nous nous sommes prononcés en ce sens en première lecture et nous allons confirmer ce vote, en responsabilité.

Que les choses soient claires : nous votons en réalité en faveur de la vaccination, qui nous protège tant individuellement que collectivement. Sous cet angle, le passe vaccinal ne correspond pas totalement au cœur de notre sujet, dans la mesure où, entre le passe vaccinal et le passe sanitaire, il n’y a en pratique qu’une modification lexicale, si l’on excepte le fait que les tests ne sont plus intégrés dans les conditions de validité du passe.

Au-delà de cette question, en responsabilité, nous confirmons notre accord sur cette modalité.

Lors de l’examen en première lecture du projet de loi, nous avions prévu un certain nombre de garanties qui n’ont pas été acceptées par l’Assemblée nationale. Cette situation nous conduit, en cette fin d’après-midi, à nous concentrer en particulier sur la défense de deux amendements, visant, l’un, la vérification d’identité, et, l’autre, les sanctions à l’égard des entreprises, en particulier en matière de télétravail.

Le groupe centriste, à l’instar du groupe socialiste et probablement d’autres membres de notre assemblée, considère que la vérification d’identité constitue une dérive probablement excessive en matière de liberté. En outre, cette mesure place les professionnels dans une situation inconfortable, même si nous sommes bien conscients, les uns et les autres, qu’il n’y aura que très peu de vérifications d’identité dans la vraie vie. Nous imaginons mal les restaurateurs ou les ouvreuses des cinémas pratiquer ce type d’exercice !

Le second amendement a pour objet les sanctions à l’encontre des entreprises. Au moment où notre pays accuse un déficit annuel de sa balance des paiements de 77 milliards d’euros et alors que nous devons relever quelques défis économiques et nous concentrer sur la relance, sur notre compétitivité et sur notre souveraineté, le signal adressé aux entreprises par le Gouvernement, au travers de ce dispositif de contrôles et de sanctions auquel il tient particulièrement, est quelque peu curieux, voire légèrement schizophrénique. Il nous est difficile d’y adhérer.

Ces deux dispositions entretiennent un lien assez profond, me semble-t-il. Les idées de confier la vérification d’identité aux professionnels et de sanctionner les entreprises ne respectant pas le télétravail partagent une même matrice. Durant les mois de novembre et de décembre dernier, le Gouvernement avait en tête de faire en sorte que le contrôle du dispositif sanitaire soit assuré par les entreprises. Telle était sa volonté initiale, et il n’y a renoncé qu’à cause de l’opposition des entreprises et des salariés.

Il n’est pas difficile d’imaginer que ces deux éléments, auxquels tient particulièrement le Gouvernement, témoignent de la résurgence d’une idée initialement proposée par l’administration, afin de le sécuriser. On retrouve ces éléments dans ce double dispositif, qui repose d’un côté sur le fait de confier aux restaurateurs et aux responsables des autres lieux auxquels on accède au moyen d’un passe sanitaire ou vaccinal le soin de contrôler le public, et, de l’autre, sur des sanctions.

Après avoir confirmé le vote favorable du groupe centriste, je terminerai par deux remarques complémentaires.

Tout d’abord, à la décharge du Gouvernement – nous lui accordons volontiers que la tâche n’est pas facile et qu’il n’y a pas de bonne solution –, il faut prendre en compte le contexte de judiciarisation de la société française que, mes chers collègues, vous connaissez bien.

D’une certaine manière, je partage le sentiment que, à l’origine du dispositif très administratif qui nous est proposé, se trouve le souhait de l’administration de se protéger et de protéger les ministres, ce qui est parfaitement respectable.

Si la vaccination protège nos concitoyens – tel est le vrai sujet –, sans être excessifs et dire que le passe vaccinal protège surtout les ministres, nous voyons bien que, psychologiquement, ce texte protège aussi les ministres. Si je puis me permettre d’utiliser un néologisme, j’ai le sentiment de me trouver devant une loi « ministérielle ».

Par ailleurs, nous étudions en ce moment le douzième texte qui tourne autour de la notion d’urgence sanitaire. Mes chers collègues, vous vous souvenez que, depuis 2015, nous avons voté cinq textes instaurant ou prolongeant l’état d’urgence pour lutter contre le terrorisme.

Cela veut dire que, de 2015 à 2022, c’est-à-dire durant le « septennat François Hollande-Emmanuel Macron », si vous permettez cette expression novatrice, nous aurons eu dix-sept lois relatives à l’état d’urgence.

M. Loïc Hervé. C’est grave, très grave !

M. Philippe Bonnecarrère. C’est l’exception française. En Europe, aucun autre pays n’a pratiqué ainsi.

Mme Éliane Assassi. C’est vrai !

M. Philippe Bonnecarrère. Finalement, notre pays doit répondre à deux problèmes, auxquels je sais que notre président Gérard Larcher et l’institution sénatoriale sont particulièrement sensibles. Nous traversons bien sûr une crise sanitaire, contre laquelle tout le monde est mobilisé. Mais nous devons aussi nous confronter à la question de l’inflation législative et de la place de la loi dans notre pays, question qui est de nouveau posée par ce texte supplémentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Christine Lavarde et M. Stéphane Le Rudulier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe RDSE, au sein duquel ma position n’est pas majoritaire, de m’offrir l’occasion de m’exprimer. Mes collègues sont en majorité favorables au passe, comme Maryse Carrère l’a exposé lors de la discussion générale en première lecture, mais notre groupe s’est toujours caractérisé par la grande liberté qu’il offrait. J’en userai donc de nouveau aujourd’hui.

Afin de lever toute ambiguïté, je précise que je suis favorable à la vaccination en général et à cette vaccination en particulier.

Certes nous assistons à une multiplication des doses qui interpelle jusqu’à l’OMS, où l’on s’interroge sur la stratégie française. Mais si cela permet de réduire les formes sévères et d’éviter que le pays ne soit immobilisé en raison de la saturation des services hospitaliers, il faut s’en satisfaire un tant soit peu.

J’entends et je respecte pour autant ceux de nos concitoyens qui sont par exemple opposés au vaccin ARN, ou qui doutent de son bien-fondé.

Cela étant, je m’autoriserai une critique de la méthode que le Gouvernement a choisie et que notre hémicycle soutient. Je pense évidemment aux passes sanitaire et vaccinal, contre lesquels je me suis toujours positionné.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Stéphane Artano. Même si j’aurais aimé que nous allions plus loin en décidant de sa suppression, le Sénat a encadré son usage avec plus de rigueur.

Lors du précédent examen, le groupe RDSE avait présenté des amendements allant dans le sens de l’état de droit. Bon nombre d’entre eux furent d’ailleurs satisfaits.

Nathalie Delattre avait par exemple souhaité que le passe vaccinal ne s’applique qu’à partir de l’âge de 18 ans. Notre commission avait rejoint cette position.

Maryse Carrère souhaitait rendre moins strict l’usage du passe dans les transports interrégionaux. Notre commission avait adopté un dispositif introduisant une souplesse attendue, et nous avions poursuivi cet assouplissement en séance.

Dans le même esprit, les propositions de notre rapporteur fixaient davantage de limites et encadraient plus strictement ce passe. Nos débats en séance publique avaient participé à réduire encore son champ d’application et à supprimer certains de ses effets particulièrement nuisibles.

Tout cela me ferait presque regretter que la commission mixte paritaire n’ait pas abouti – je me garderai d’évoquer les circonstances de cet échec. Nous risquons d’y perdre beaucoup, bien que l’amendement sur l’autorisation parentale concernant la vaccination des enfants de 5 ans à 11 ans, déposé par mon président de groupe Jean-Claude Requier, figure parmi les rescapés.

Dans la mesure où la répétition a des vertus pédagogiques, je m’autoriserai à redire aujourd’hui ce que j’ai déjà dit dans notre hémicycle concernant ma circonscription lors de notre précédent examen.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, quelque 15 % de la population s’est mobilisée lors d’une manifestation populaire contre le passe, alors qu’il y a environ 92 % de vaccinés et à peine 500 personnes non vaccinées.

Le passe, qui n’est entré en vigueur que le 12 janvier de cette année, n’est pas du tout adapté à de petits territoires insulaires en train de se fracturer socialement : des familles se brisent, des citoyens se sentent mis au ban et des entreprises sont fragilisées.

M. Stéphane Artano. Il y avait, de mon point de vue, d’autres moyens de protéger sans exclure.

Après la mobilisation populaire, même les légères adaptations décidées en toute hâte mardi dernier par l’État, pour des raisons qui ne sont d’ailleurs ni vaccinales ni sanitaires, ne modifient en rien ce que signifie le passe pour mes compatriotes : il est vécu comme une rupture d’égalité par des citoyens mis de côté pour des considérations médicales.

J’alerte donc de nouveau les pouvoirs publics, car il y a une lame de fond contestataire, que la ministre de la mer, complètement déconnectée de nos réalités locales, n’a pas anticipée, pas plus que d’autres élus il est vrai. Cela va bien au-delà des appartenances politiques : il s’agit d’un problème bien plus profond.

Par manque de courage politique au niveau national, nous sommes passés à une société d’exclusion qui brise définitivement le contrat social de Rousseau, ce qui est profondément choquant de mon point de vue. C’est un changement de paradigme que nombre de décideurs publics n’ont pas perçu sur la durée.

Suivant les propositions de M. le rapporteur, le Sénat a adapté le dispositif pour l’outre-mer, et l’Assemblée l’a à peine remanié lors de sa seconde lecture. En résumé, quand les circonstances le justifieront, le Gouvernement pourra autoriser le préfet territorialement compétent à favoriser le maintien du passe sanitaire, ce qui, de fait – disons les choses comme elles sont –, décale l’entrée en vigueur du passe vaccinal.

À défaut que l’État ne veuille retirer le passe sanitaire, et étant donné que les circonstances le justifient sans doute plus que jamais, je demande d’ores et déjà au Gouvernement, dès que la loi sera votée et publiée, de donner au préfet compétent à Saint-Pierre-et-Miquelon l’instruction de préférer le passe sanitaire au passe vaccinal pour une durée maximale.

Il suffit d’observer la situation sanitaire de notre pays pour comprendre qu’il est illusoire de penser que le passe empêche la circulation du virus. (M. Loïc Hervé approuve).

Malgré mes alertes, ce passe a tant de conséquences sociales désastreuses, notamment dans un petit territoire comme le mien, qu’il faudra encore l’assouplir sans attendre la clause de revoyure annoncée par l’État comme une espèce de carotte, qui revient à infantiliser nos compatriotes. Ce n’est pas cela, le contrat social !

Aussi, vous l’aurez compris, je voterai contre ce texte, même si le groupe RDSE dans sa majorité se prononcera favorablement. (Mme Raymonde Poncet Monge et M. Pierre Ouzoulias applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire que vous êtes le Gouvernement du retard !

Vous avez été les derniers à fermer les frontières, les derniers à fournir des masques aux soignants, les derniers à prendre au sérieux l’épidémie. Mais vous êtes aussi les derniers à croire que le masque sert à quelque chose dans la rue, les derniers à restreindre les libertés pour lutter contre un variant très peu virulent, les derniers à estimer que seule la vaccination nous sauvera, les derniers à penser que nous n’atteindrons jamais l’immunité collective !

La « start-up nation » vantée par Emmanuel Macron ressemble plutôt à la « soviétique-nation », et le « nouveau monde » est pire que l’ancien : des rouages rouillés et des « emmerdements » en pagaille.

Même les communistes de cette assemblée vous trouvent liberticides, c’est dire ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Éliane Assassi. Assumez plutôt vos positions !

M. Stéphane Ravier. L’opposition de droite dans cet hémicycle est pétrifiée, parce que la parole des vrais opposants est diabolisée.

Ceux qui sont favorables au passe vaccinal sont des gens responsables, ceux qui s’y opposent sont des irresponsables, des antivax, des sous-citoyens. Nous n’avons même pas le droit de dire ou de penser qu’une autre voie est possible.

Regardez pourtant : le taux d’incidence est certes élevé, mais il reste sans commune mesure avec le faible taux de létalité. C’est au moment où l’épidémie est la moins grave que vos contraintes sont les plus fortes.

Cette disproportion n’a d’égale que votre déconnexion. Ou alors, vous cherchez à entretenir la psychose en vue de cacher le calamiteux bilan de votre quinquennat. Ce gouvernement par la peur est illégitime.

Avant 2020, les plans blancs déclenchés en situation de crise dans les hôpitaux avaient lieu chaque année, sans passe vaccinal ou passe sanitaire. Tout cela nous est infligé depuis des années parce que vous avez volontairement réduit l’hôpital à l’os.

Avec ce passe, vous ne réglerez ni le problème de l’épidémie, ni les déprogrammations d’opérations en cascade, ni les retards pris dans le diagnostic de nouvelles maladies graves.

À l’heure où tout le monde change de braquet, vous vous obstinez. Regardez l’Espagne : les efforts ont été concentrés sur les personnes à risques, et le Gouvernement ouvre le débat sur un grand retour à la normale. A-t-on le droit d’avoir ne serait-ce que ce débat ici même ?

Nous avons eu un ministre triple vacciné et contagieux dans cet hémicycle il y a deux jours. Nous n’en ferons pas un bouc émissaire, mais cela doit rappeler toute notre assemblée au bon sens et inviter le Gouvernement à l’humilité.

Pour ma part, Gaulois réfractaire non vacciné, non antivax mais prolibertés, je me suis fait tester ce matin. Je suis en bonne santé et je ne fais pas la leçon aux vaccinés qui tombent malades, car je refuse de tomber dans le piège de la surveillance généralisée et de la division des Français.

J’observe uniquement que les décisions graves que vous prenez sont dictées par une stratégie et un objectif politique et non sanitaire. Le coût direct de vos restrictions et de vos contraintes aurait pu servir à un investissement massif en personnel et moyens dans l’hôpital.

Chers collègues, en tant que citoyens et parlementaires, nous devons garantir le respect des droits, protéger la liberté et la santé de nos compatriotes.

À l’école de Montesquieu, je crois que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » C’est pourquoi je serai de nouveau présent cette après-midi pour prendre part aux débats et m’opposer, encore et toujours, à ce passe vaccinal.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe a toujours défendu dans ce débat une position claire : l’obligation vaccinale.

Nous pensons, dans la patrie de Louis Pasteur, que le vaccin est un bienfait. Les vaccins ont sauvé des centaines de millions de vies sur notre planète, et il faut être rationnel et responsable.

M. Loïc Hervé. Raisonnable, aussi…

M. Jean-Pierre Sueur. Nous considérons que le passe vaccinal se rapproche de notre position. C’est pourquoi nous n’avons jamais été opposés au passe vaccinal et nous ne le serons pas plus aujourd’hui qu’hier.

Cela dit, nous avons vécu quelques péripéties depuis lundi dernier et nous comprenons qu’un certain nombre de nos concitoyens aient du mal à s’y retrouver.

Lundi dernier, lors de la réunion de notre commission des lois, notre rapporteur a présenté plusieurs amendements, dont un qui avait pour objet les contrôles d’identité par les personnes responsables d’un établissement recevant du public (ERP). Nous avons dit notre désaccord avec cette mesure, qui revenait finalement à conférer à ces responsables la possibilité de procéder à des contrôles d’identité.

Nous avons eu un grand et beau débat dans cet hémicycle. Je me souviens de l’engagement de chacun et de chacune et de ces 303 voix par lesquelles, comme Mme Assassi l’a rappelé, le Sénat a pris une position ferme.

C’est une position philosophique : dans notre société, autant il faut prendre toutes les précautions sanitaires, autant il est impossible qu’un quart de la population ait pour mission de contrôler les trois autres quarts. En effet, nous entrerions ainsi dans une société du contrôle de chacun par chacun.

Cette position était et reste très forte. Cher Philippe Bas, j’ai remarqué au cours de ces différentes journées votre ductilité…

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est mieux que la duplicité ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Au début de la réunion de la commission mixte paritaire, j’avais la quasi-certitude que vous ne transigeriez pas sur cette position du Sénat, qui constituait une ligne rouge et qui ne pouvait pas devenir un point de compromis. Forcément, il y aurait d’autres points de compromis, mais pas celui-là.

Aussi ai-je été un peu surpris d’apprendre a posteriori qu’un accord putatif, dont je n’ai d’ailleurs jamais eu connaissance, aurait été élaboré avant l’événement extérieur dont nous avons parlé.

J’en profite pour dire que nous sommes envahis par une société du virtuel, en particulier en politique. Or, de manière assez générale, le virtuel empêche le réel de fonctionner. Si l’on annonce virtuellement tout ce qui va se produire, finalement, on fait du tort au réel. Cela fera partie des sujets de réflexion politiques et philosophiques qu’il faudra avoir à l’avenir. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

J’ai suivi les débats qui ont eu lieu la nuit dernière à l’Assemblée nationale, en particulier ceux, très forts, qui se sont déroulés vers minuit et demi. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Charon. Oh là là !

M. Christophe-André Frassa. Vous n’étiez pas au lit, monsieur Sueur ?

M. Jean-Pierre Sueur. Des députés de différents groupes – je suis sûr que vous y avez été sensible, monsieur Charon – ont pris position avec vigueur contre ce contrôle d’identité, qui implique en effet un choix de société. Et les représentants de la majorité, madame la ministre, avaient beaucoup de mal à soutenir cette mesure, vous l’avez vu comme moi-même.

Je me faisais à l’idée qu’il y avait une volonté, de la part de la majorité du Sénat, de parvenir à un vote conforme. Or ce matin, avant d’arriver en commission, j’ai appris qu’il y avait un nouveau renversement. C’est difficile à suivre, mais après tout, puisque cela se renverse dans le bon sens et que nous allons en revenir à la position initiale exprimée en séance publique par le Sénat, acceptons-le !

Pour nous, ce point est bien sûr essentiel, mais d’autres éléments sont importants. Mes chers collègues, je vous ai dit très clairement que nous ne nous opposerions pas au passe vaccinal. Nous ne voulons pas nous mêler si peu que ce soit aux antivax…

M. Loïc Hervé. Cela n’a aucun rapport !

M. Jean-Pierre Sueur. … et nous avons pris nos responsabilités.

Reste qu’un certain nombre de points subsistent. Je pense à la question des brevets, à laquelle nous sommes très attachés, et à celle des jauges, sur lesquelles il n’y a pas eu d’avancée. Je pense aussi à la question des jeunes de 16 ans à 18 ans et à la celle des Français de l’étranger, qui a été posée par M. Chantrel et d’autres de nos collègues, ou encore à celle des départements d’outre-mer, soulevée, notamment, par Mme Jasmin.

Nous serons très attentifs au sort des amendements que nous avons déposés, en particulier à l’un d’entre eux, qui vise à reprendre purement et simplement la rédaction présentée par M. Philippe Bas. J’attire l’attention de nos collègues de la majorité : il nous paraît conforme à la philosophie que nous partageons depuis le début de ce débat d’assurer l’existence de clauses de rendez-vous, afin que, si l’on met en place des procédures exceptionnelles, celles-ci à un moment s’arrêtent.

Notre rapporteur Philippe Bas a exprimé cela de manière détaillée par un amendement tendant à établir trois critères : 10 000 personnes hospitalisées au niveau national, un taux de vaccination inférieur à 80 % dans les départements, une circulation très forte du virus.

Nous reprenons cet élément, afin que, lorsque ces mesures d’exception seront mises en œuvre, ce qui va arriver, le terme de leur application soit prévu. De même, cher Philippe Bas, vous vous êtes battu à juste titre pour que l’on ne reste pas dans une situation d’urgence sanitaire perpétuelle.

Je vous invite, mes chers collègues de la majorité, à veiller à cet amendement, dont le sort aura des conséquences importantes sur notre vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il ne me paraît pas difficile, à ce stade de la procédure législative, de rétablir les bases du débat avec une assez grande clarté : la majorité de chacune des deux assemblées, lesquelles ont pourtant des positions politiques très différentes, a fait le choix du passe vaccinal, sachant parfaitement qu’il s’agissait là de l’un des outils de lutte contre la pandémie et de protection de notre population – un outil supplémentaire – et qu’il ne fallait pas tarder à l’instaurer.

Il y avait, entre le projet du Gouvernement, que nous sommes un certain nombre à soutenir, et le choix fait par une majorité de sénateurs, qui se comptent dans l’opposition, quatre points de différence, qui, selon nous, faisaient obstacle à la pleine efficacité, donc au plein service rendu à la population, de ce passe.

En premier lieu, le Sénat proposait l’abrogation automatique du passe vaccinal sur des critères chiffrés et engendrant une mosaïque départementale, dont j’avais pensé avoir démontré le caractère impraticable.

En deuxième lieu, il proposait de dispenser du passe vaccinal pour l’ensemble des activités de loisirs les jeunes jusqu’à 18 ans, alors que nous nous étions entendus jusqu’à présent sur le fait que la vaccination devait englober les jeunes de 16 à 18 ans, qui sont libres de décider de leur propre vaccination.

En troisième lieu, notre assemblée souhaitait éliminer tout contrôle de conformité entre le passe vaccinal et l’identité des personnes qui le présentent, pratique pourtant validée par le Conseil d’État avant la présentation du projet de loi et qui s’applique tout à fait couramment et sans mise en cause des libertés, que ce soit pour payer une dépense par chèque ou pour acheter un paquet de cigarettes quand on paraît jeune. (M. Loïc Hervé sexclame.)

En quatrième lieu, enfin, le Sénat souhaitait écarter l’application de sanctions mesurées mais immédiates aux entreprises qui se sont placées en dehors de la conformité à la sécurité de leurs salariés, alors que cette méthode de contrôle et de sanction figure dans le code du travail depuis des décennies et qu’elle est pratiquée avec mesure par l’inspection du travail, sous un contrôle hiérarchique puis juridictionnel qui élimine tout risque d’abus.

Ainsi, comme on pouvait le prévoir, le compromis que préparait la commission mixte paritaire faisait disparaître ces quatre points de blocage au profit, parfois, de formules de compromis heureuses, comme l’abaissement du plafond des sanctions prononcées par les inspecteurs du travail ou l’instauration du caractère facultatif de l’exercice du contrôle de conformité.

À cet égard, contrairement à ce qu’a affirmé précédemment M. le rapporteur Philippe Bas, le fait que le contrôle de conformité soit facultatif et à la charge de l’exploitant de l’établissement recevant du public est de bon sens, puisqu’il y a une appréciation à exercer. C’est donc se tromper, ou peut-être envisager de tromper son auditoire, que de prétendre que ce caractère facultatif prive de toute efficacité le contrôle de conformité. Je veux y insister, mes chers collègues, rien que le travail de police – Dieu sait qu’il est difficile – a déjà fait apparaître près de 200 000 situations de faux passes sanitaires et le décompte fait par la Société française d’anesthésie et de réanimation laisse imaginer un chiffre dépassant le million de cas, ce qui augmente d’ailleurs d’autant le nombre de non-vaccinés.