M. le président. Il faut conclure.

Mme Samantha Cazebonne. Donnons à ce réseau toutes les chances de continuer à compter parmi les meilleurs au monde et à se développer, pour permettre à davantage d’élèves d’en bénéficier et à la France de rayonner en déployant la plus belle de ses diplomaties d’influence, notre éducation française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Cela valait le coup d’autoriser un léger dépassement !

M. le président. Pas du tout, et je demande à chacun de bien vouloir respecter son temps de parole.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont notre collègue Samantha Cazebonne a présenté les objectifs, procède aux ajustements nécessaires pour permettre à l’AEFE d’accompagner la croissance de son réseau, dans l’objectif de doubler les effectifs à l’horizon 2030.

Le réseau de l’enseignement français à l’étranger est le fleuron de notre diplomatie culturelle et d’influence. Il permet, d’abord, aux enfants français expatriés de disposer d’une éducation de qualité à l’étranger et de conserver un lien fort avec la France. C’est aussi un réseau mondialement reconnu comme dispensant un enseignement d’excellence, un réseau dont le pouvoir de rayonnement est sans équivalent, qui fait la fierté de notre pays.

Il démontre en effet, sur les cinq continents et dans les 138 pays où il est implanté, que nous sommes encore une nation dont la langue et la culture sont omniprésentes dans le monde. Les anciens élèves, dont le nombre est évalué à 600 000, comptent dans leurs rangs de nombreuses personnalités françaises et étrangères. Ce sont autant d’ambassadeurs, à vie, de la langue, de la culture et des valeurs de la France.

En trente ans, les effectifs du réseau ont plus que doublé, passant de 165 000 élèves en 1990 à 375 000 aujourd’hui. L’ambition du Président de la République est de doubler à nouveau les effectifs, c’est-à-dire d’accueillir 700 000 élèves d’ici à 2030.

On ne peut qu’approuver cet objectif ambitieux, qui contribue à ce que le soft power trouve une traduction française : pouvoir d’influence, ou pouvoir de convaincre, il est aujourd’hui au cœur de la compétition, voire de la confrontation, entre puissances.

L’éducation est aussi un combat – très concurrentiel – pour les valeurs. C’est évident dans l’enseignement supérieur, mais c’est aussi le cas au niveau des collèges et des lycées.

On connaît la force des réseaux anglo-saxons, et l’activisme de la Chine. La multipolarisation du monde démultiplie le nombre d’acteurs en compétition, dans un champ qui doit être considéré comme une composante à part entière de notre diplomatie.

Au-delà des effets d’annonce, toutefois, quels sont les moyens réellement mis en œuvre pour consolider et développer le réseau de l’enseignement français à l’étranger ? L’État investit, au total, 520 millions d’euros de crédits budgétaires annuels dans cet enseignement.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées dénonce régulièrement, dans ses travaux, les limites de la stratégie adoptée, en l’absence de croissance suffisante des moyens budgétaires. Nous nous étonnons également de la stagnation, et de la non-consommation, de l’enveloppe des aides à la scolarité, dans un contexte d’augmentation des effectifs.

Par ailleurs, entre 2016 et 2021, le nombre d’enseignants a baissé de 21 % pour les personnels expatriés et de 7 % pour les personnels sous le statut de résidents. Le ministère de l’éducation nationale promet 1 000 détachements supplémentaires avant 2030, mais ce nombre, même s’il est atteint, sera loin d’être suffisant pour accompagner la croissance du réseau.

Un verrou important subsiste : l’interdiction faite à l’AEFE d’emprunter à moyen et long terme. Cette interdiction n’a pas toujours existé. À sa création, en 1990, l’AEFE était autorisée à emprunter, ce qu’elle a pu faire jusqu’en 2011. Étant classée comme organisme divers d’administration centrale (ODAC), elle a été ensuite été privée de cette capacité, au nom de la lutte contre l’endettement public.

Or le développement du réseau ne doit pas se limiter à la croissance des établissements partenaires. Il importe aussi de développer les établissements en gestion directe (EGD), qui sont le cœur du dispositif et ont besoin de réaliser des opérations immobilières.

Par ailleurs, pour les établissements conventionnés et partenaires, le nouveau dispositif de garantie de l’État est moins favorable que celui qui préexistait au travers de l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger (Anefe). Tout cela est en contradiction avec les ambitions de développement du réseau.

Dans ce domaine, le Parlement est, hélas, empêché d’agir par l’article 40 de la Constitution. Mais nos débats permettront peut-être d’obtenir des éclaircissements, monsieur le ministre, car des avancées sont nécessaires.

L’Agence ne peut recourir qu’aux avances de l’Agence France Trésor, et encore à titre exceptionnel, dans l’attente de la mise en place d’un nouveau mécanisme de financement.

Un groupe de travail est chargé de réfléchir à ce nouveau mécanisme qui pourrait, nous dit-on, être fondé sur une mutualisation entre établissements.

Mais comment imaginer puiser dans les réserves d’un établissement, issues des écolages, pour financer des travaux dans un autre établissement ? Les familles, qui financent 64 % du fonctionnement des EGD auraient du mal à le comprendre.

L’interdiction du recours à l’emprunt est d’ailleurs d’autant plus contestable qu’elle intervient dans le contexte d’un financement majoritaire par les familles, l’AEFE n’étant pas, comme les autres ODAC, financée principalement par l’État.

Dans ce contexte, les avancées figurant dans la proposition de loi de notre collègue Samantha Cazebonne sont bienvenues.

Il s’agit, tout d’abord, d’élargir la gouvernance de l’Agence, en y associant davantage les parents d’élèves. Cette évolution est légitime. Je viens d’évoquer le rôle prépondérant des familles dans le financement des EGD, mais dans l’ensemble du réseau, ce sont 81 % des coûts de fonctionnement qui sont financés par les familles.

La proposition de loi prévoit que deux représentants supplémentaires de parents d’élèves siègent au conseil d’administration. Pour respecter les grands équilibres fixés par la loi, le nombre de représentants de l’État augmenterait également, ce qui porterait le nombre d’administrateurs de l’AEFE de 28 à 31. Ce n’est pas un bouleversement, mais un ajustement bienvenu.

Je vous proposerai simplement un amendement visant à encadrer la notion de « représentativité » des fédérations de parents d’élèves.

La proposition de loi étend par ailleurs la participation au conseil d’administration à des membres sans voix délibérative : un représentant des associations d’anciens élèves, un représentant des associations FLAM et, sur proposition de la commission, un représentant de l’Anefe.

La proposition de loi complète, enfin, les missions de l’AEFE, en ouvrant de nouveaux dispositifs de formation. Elle prévoit la création des IRF, qui seront gérés directement par l’AEFE.

Le développement du réseau homologué nécessite en effet de disposer de personnels qualifiés, qui soient garants de la qualité de l’offre d’enseignement. Or la plupart des personnels recrutés localement ne sont pas des personnels titulaires de l’éducation nationale.

L’enjeu est majeur, puisqu’il s’agit de préserver la qualité qui fait la réputation de l’enseignement français à l’étranger, dans le contexte d’un développement accéléré du réseau.

Les IRF pourront proposer non seulement de la formation continue, mais aussi des cursus diplômants, à un public élargi.

Pour clarifier ce champ d’action, la commission a adopté un amendement tendant à leur donner prioritairement pour mission de former les personnels et futurs personnels. Elle a également souhaité que ces formations soient un outil de promotion de la francophonie.

Mes chers collègues, je vous propose de soutenir ce texte qui conforte la dynamique de l’enseignement français à l’étranger. Je suis heureux qu’il nous donne l’occasion de débattre d’un sujet essentiel, suivi attentivement par notre commission, mais sur lequel les textes législatifs sont rares.

Or, vous l’aurez compris, il s’agit d’une question majeure, intéressant environ 3 millions de Français expatriés, et dont les dimensions diplomatique et stratégique ne sauraient être négligées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de létranger et de la francophonie, et auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jules Verne, Antoine de Saint-Exupéry, Victor Hugo, Mermoz, Jean Monnet, Stendhal, Camus, et j’en passe : autant de noms familiers de notre histoire littéraire, de notre histoire de France, mais surtout, autant de noms fièrement inscrits au fronton des écoles, des collèges et des lycées de l’enseignement français à l’étranger, partout dans le monde.

C’est à cela que l’on mesure l’apport de ce réseau pour nos compatriotes établis hors de France, qui y trouvent la possibilité de faire suivre à leurs enfants une scolarité conforme aux canons en vigueur sur le territoire national. Ils apprécient aussi la capacité de rayonnement de ce réseau, qui nous permet de partager cette culture, ce savoir et cette capacité d’apprendre avec des ressortissants de bien d’autres pays.

Notre ambition, partagée, je le sais, sur toutes les travées, a été réaffirmée par le Président de la République en mars 2018 : il s’agit de faire resplendir ce trésor national.

C’est pourquoi, à partir de mars 2018, nous nous sommes attelés à préparer un véritable plan d’action pour le développement de l’enseignement français à l’étranger. Il s’agissait de mettre en œuvre la feuille de route qui avait été fixée, et qui prévoyait de doubler, d’ici à 2030, les effectifs d’élèves scolarisés dans les établissements français à l’étranger.

La présente proposition de loi en est une traduction législative de cette feuille de route : elle parachève les démarches mises en œuvre. Nous avions déjà sollicité, à l’époque, Samantha Cazebonne, pour éclairer les décisions et les actions du Gouvernement. Nous avions également consulté, naturellement, toutes les parties prenantes, notamment les représentants des enseignants, des différents personnels, des parents d’élèves et des anciens élèves.

La crise sanitaire est passée par là, mais on peut dire, je crois, que l’enseignement français à l’étranger a résisté, grâce à un soutien massif de l’État. Les aides directes, à elles seules, ont représenté 100 millions d’euros, mobilisés pour les établissements et les familles en difficulté – pour toutes les familles, françaises ou étrangères.

Non seulement le réseau a tenu bon, puisqu’aucun établissement n’a fermé ses portes, mais il a continué à se développer.

Il compte à ce jour, comme l’ont rappelé aussi bien le rapporteur que l’auteure de la proposition de loi, 552 établissements. Il n’y en avait que 522 en 2019. L’expansion se poursuit, donc.

La période de crise a été difficile – et elle n’est d’ailleurs pas terminée. Les élèves scolarisés dans l’enseignement français à l’étranger ont été les premiers à être touchés par la pandémie, avant les élèves français : dès le mois de janvier 2020, nos établissements situés en Chine ont été soumis aux premières contraintes. À cette occasion, je souhaite rendre hommage à l’ensemble de la communauté éducative, qui a su s’adapter.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est essentiel. Il porte sur trois grands enjeux : la formation des personnels, la gouvernance de l’AEFE et la réaffirmation du rôle de l’AEFE comme un pivot des opérateurs publics au service du réseau d’enseignement français.

Dès les premières concertations que j’ai conduites en 2019, la question de la formation est apparue centrale, pour que la croissance du réseau ne se fasse en aucun cas au détriment de la qualité des enseignements. Développer le réseau, c’est attirer de nouvelles familles par une offre éducative de qualité, gage d’une réputation que nous souhaitons maintenir et conforter. Il importe donc de déployer au service des enseignants, titulaires de l’éducation nationale ou non, une offre de formation, initiale ou continue, qui réponde à leurs besoins et leur permette d’adapter en permanence leurs compétences.

La création de 16 IRF, au service des personnels des 552 établissements, est une réponse à ce défi. Pour bien fonctionner, ceux-ci doivent être placés sous la gestion directe de l’AEFE.

La proposition de loi a trait également à la gouvernance de l’AEFE. Elle conforte, notamment, et même renforce, la place des parents d’élèves dans le conseil d’administration. C’est un engagement que j’avais pris en octobre 2019, lorsque nous avons présenté ce plan avec Jean-Yves Le Drian et Jean-Michel Blanquer.

Certains nous conseillaient de ne pas le faire, mais j’estime pour ma part qu’il est très bien de l’avoir fait. Ainsi, les parents d’élèves seront représentés, non plus par deux, mais par quatre représentants. Nous voulons marquer par là notre reconnaissance envers des familles, qui non seulement font confiance à notre modèle éducatif, mais le cofinancent par le droit d’écolage et participent activement à la vie de la communauté éducative.

Je salue également l’entrée au conseil d’administration de l’AEFE, en qualité d’expert, d’un représentant des anciens élèves. Ceux-ci, en effet, incarnent les valeurs de l’éducation française, et leur parcours, partout dans le monde, est un témoignage de la qualité de l’enseignement reçu.

C’est aussi en qualité d’expert que siégera au conseil d’administration un représentant des associations FLAM. Tant mieux : vous savez combien nous sommes attachés à ce dispositif, qui permet à des enfants français n’ayant pas la possibilité d’être scolarisés dans le réseau homologué, de conserver un contact régulier, construit, avec notre langue et notre culture.

Ce réseau est en train de se structurer admirablement, à travers une fédération internationale. Il ne compte pas moins de 160 associations, dans 38 pays. J’ai pu constater récemment, au Portugal, où le réseau se met en place après une installation réussie en Espagne, combien son déploiement répondait à des attentes fortes. C’est pourquoi j’ai souhaité augmenter significativement le budget dédié au soutien à ces associations, qui sera multiplié par trois en 2022, où il atteindra 1 million d’euros.

Les évolutions proposées vont dans le sens du renforcement du rôle du conseil d’administration de l’AEFE en tant que pilote stratégique et en tant qu’instance de dialogue.

Le rôle de l’Agence lui-même est conforté comme ensemblier du réseau d’enseignement français à l’étranger, comme cheville ouvrière de son développement. L’AEFE se voit en effet confier de nouvelles missions, notamment un rôle de conseil et d’accompagnement dans la création de nouveaux établissements, qui lui est désormais explicitement assigné par le code de l’éducation.

Les porteurs de projets, qu’il s’agisse d’investisseurs privés ou d’acteurs associatifs, peuvent bénéficier de l’expertise de l’AEFE grâce au service d’appui et de développement du réseau (SADR). Cette activité est en plein développement : une centaine de dossiers de demandes d’homologation ont été déposés pour la campagne 2021-2022, dont un tiers est suivi par le SADR.

L’AEFE est également partie prenante du nouveau dispositif d’octroi de la garantie de l’État aux emprunts immobiliers des établissements partenaires et conventionnés.

Je tiens à saluer le travail du sénateur André Ferrand, qui a dirigé l’Anefe pendant de nombreuses années. S’il n’était guère possible de maintenir l’action de cette dernière sous sa forme d’origine, j’ai toutefois tenu à faire en sorte que le savoir-faire développé en son sein soit préservé.

Le fait que l’Anefe puisse jouer un rôle d’expertise au sein du conseil d’administration de l’AEFE me paraît très précieux. L’Agence elle-même sera partie prenante du nouveau dispositif d’octroi que j’évoquais.

Je tiens d’ailleurs à signaler que nous réunirons pour la première fois dans le courant du mois de février la commission interministérielle d’octroi de la garantie de l’État, afin d’examiner les premiers dossiers de demandes de garantie. Nous avons clairement besoin de dispositifs opérationnels pour nous assurer que des extensions ou de nouvelles constructions puissent voir le jour, faute de quoi le développement du réseau serait à l’évidence freiné.

Même si la pandémie nous a obligés à gérer l’urgence, nous n’avons jamais perdu de vue l’objectif qui avait été assigné par le Président de la République en 2018. D’ailleurs, un certain nombre d’actions ont pu être menées nonobstant la crise sanitaire.

Je pense par exemple à la simplification de la procédure d’homologation, engagée par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en lien avec le ministère des affaires étrangères. Cette démarche a porté ses fruits, puisqu’on dénombre 55 établissements de plus qu’en 2018. Nous sommes donc sur un rythme de croissance d’une vingtaine de nouveaux établissements par an.

Nous avons demandé à nos chefs de poste et à nos ambassadeurs d’élaborer, en lien avec les acteurs concernés, des feuilles de route pour structurer ce développement et s’assurer que les extensions ou les nouveaux établissements n’entrent pas en concurrence directe avec l’existant. Il s’agit, non pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais de progresser de manière ordonnée et cohérente. Tel est le rôle que nous avons assigné au réseau diplomatique.

En matière de formation, nous ne sommes pas restés les deux pieds dans le même sabot. Nous avons créé le certificat d’aptitude à participer à l’enseignement français à l’étranger (Capefe), aujourd’hui proposé aux étudiants qui se destinent à une carrière d’enseignant dans tous les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé).

En outre, de nouveaux outils de pilotage ont été mis en place. Certes, les services respectifs du ministère des affaires étrangères et de l’éducation nationale échangent régulièrement. Mais je tenais à ce que le dialogue s’établisse aussi entre les ministres. Il arrive en effet que des demandes de part et d’autre ne puissent pas aboutir parce que chacun reste campé sur ses positions. Or, à un moment, il faut des décisions politiques pour avancer.

Le conseil interministériel d’orientation de l’enseignement français à l’étranger a donc été réuni sous l’autorité des ministres voilà plusieurs mois ; il le sera de nouveau à l’avenir.

Nous soutenons la présente proposition de loi, dont l’ambition s’inscrit pleinement dans les orientations qui sont les nôtres et dans celles que le conseil d’administration de l’AEFE a définies hier en adoptant le contrat d’objectifs et de moyens 2021-2023. La feuille de route stratégique est donc partagée.

Le texte qui vous est soumis donne à l’AEFE et à l’ensemble du réseau les moyens de se développer, afin que cet instrument unique contribue toujours plus au rayonnement de notre langue, de notre culture et de notre modèle éducatif dans le monde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi est d’abord l’occasion de souligner l’excellent travail que fournit l’AEFE depuis 1990, à travers plus de 500 établissements homologués qui participent au rayonnement de la France et de la culture française. J’y suis d’autant plus sensible que mes petits-enfants ont été ou sont scolarisés dans un établissement de ce type.

Aussi, je souhaite rendre hommage aux efforts, souvent soulignés, de ce réseau d’écoles.

Ces établissements réussissent à faire se combiner le système éducatif français et la culture locale, intégrant et adaptant l’école française au sein d’autres pays. Les témoignages de ceux qui en ont fait l’expérience le soulignent : un tel équilibre permet d’offrir une continuité du parcours scolaire d’un pays à l’autre aux enfants issus de familles qui se déplacent beaucoup tout en accueillant une proportion importante d’élèves originaires des pays d’implantation de ces collèges et lycées français de l’étranger.

Il faut donc s’en féliciter et tout mettre œuvre pour soutenir l’AEFE dans son développement. Au demeurant, les effectifs d’élèves ont doublé en trente ans. L’objectif n’est pas de les stabiliser à ce niveau ; il est d’encore les augmenter dans les années à venir.

C’est pourquoi je comprends l’importance d’assurer une meilleure représentation des familles et des anciens élèves au sein du conseil d’administration. Ceux qui sont passés par ces établissements de l’enseignement français à l’étranger aiment souligner leur attachement et leur souhait de valoriser ce réseau d’établissements même après l’avoir quitté.

Nous n’aurons donc aucune difficulté à soutenir l’ajout au sein du conseil d’administration d’un représentant des associations d’anciens élèves de l’enseignement français à l’étranger, d’un représentant des associations FLAM et d’un représentant de l’Anefe.

De même, nous n’aurons aucune difficulté à voter en faveur de la création de trois nouvelles missions : d’abord, contribuer à la formation des personnels ; ensuite, conseiller les promoteurs d’initiatives dans la conduite de leurs projets d’homologation d’établissements ; enfin, instruire les dossiers de demande de garantie de l’État pour financer les locaux d’enseignement.

Tout cela va dans le bon sens, de même que la décision de confier la gestion des instituts régionaux de formation à l’AEFE. Notre commission a eu raison de souligner que ces instituts avaient prioritairement pour objet de former les personnels et futurs personnels des établissements de l’enseignement français à l’étranger.

Vous l’aurez compris, le groupe RDSE est donc favorable à la présente proposition de loi.

Cependant, si ces ajustements peuvent apporter des améliorations dans la gestion de l’AEFE et dans le développement de l’enseignement français à l’étranger, ils n’effaceront pas les carences, qui sont bien identifiées et, pour l’essentiel, liées à des questions budgétaires. Nous regrettons une nouvelle fois de ne pas avoir pu examiner la seconde partie du projet de loi de finances l’automne dernier ; le moment eût été plus adapté qu’aujourd’hui pour aborder de telles problématiques.

Ainsi, afin de mettre en valeur le travail des rapporteurs pour avis sur ce volet du projet de loi de finances, nos collègues Ronan Le Gleut et André Vallini, je rappellerai certaines de leurs conclusions.

Malgré la stabilité de la subvention allouée à l’AEFE, la trésorerie de cette dernière sera très sollicitée, notamment pour venir en aide aux établissements en difficulté et aux établissements français au Liban. Dans le même temps, il faudra également financer des opérations immobilières pour développer les capacités d’accueil des établissements.

Malgré ces réserves, le groupe RDSE votera la présente proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par remercier notre collègue Samantha Cazebonne, dont la proposition de loi nous permet d’aborder les problématiques relatives à l’AEFE au-delà des aspects purement budgétaires, évoqués une fois par an lors de l’examen du projet de loi de finances.

Il s’agit en effet d’un formidable opérateur public à la tête d’un réseau trentenaire qui, je le souligne, demeure unique au monde – il n’est comparable ni dans son organisation ni dans ses missions avec l’offre éducative d’autres pays – et continue à démontrer sa résilience dans la crise actuelle. Il est aussi l’un des principaux fleurons de notre diplomatie d’influence, car au-delà de notre langue, ce sont bien nos valeurs républicaines qu’il transmet.

La présente proposition de loi a deux objectifs.

Le premier est de modifier la composition du conseil d’administration de l’AEFE en y faisant entrer de nouveaux représentants d’associations en tant qu’experts et en doublant la représentation des familles.

Une telle évolution nous semble légitime, dans la mesure où l’implication des parents d’élèves dans la gestion des établissements, ainsi que leur participation financière sont croissantes. Cependant, nous souhaitons que cet élargissement promeuve la pluralité des fédérations d’associations de parents d’élèves.

Nous estimons également que la modification de la proportion des sièges au sein du conseil d’administration ne doit pas s’effectuer au détriment de la représentativité des personnels. En effet, le changement radical de modèle vers lequel veut tendre le Gouvernement, avec l’extension à marche forcée du réseau par le biais de l’homologation d’établissements partenaires, nécessiterait au contraire que leur soit accordé un rôle plus important. Nous souhaitons donc qu’à l’issue de ce débat, l’équilibre prévu actuellement par le code de l’éducation soit rétabli.

Le second objectif vise la création des IRF, qui ont vocation à prendre le relais des 16 établissements mutualisateurs de zone. Il semblerait que l’AEFE n’ait pas attendu cette proposition de loi, puisque le premier IRF a été inauguré à Dakar les 3 et 4 janvier derniers, avant même l’adoption du texte…

Une telle précipitation marque sans doute l’empressement de l’AEFE à répondre à l’objectif fixé par le Président de la République de doubler le nombre d’élèves d’ici à 2030 – il nous reste huit ans –, qui implique, entre autres, d’augmenter le nombre d’enseignants formés.

Faut-il voir un changement de politique dans l’accélération de l’augmentation du nombre de personnels en contrat local ?

Rappelons que le quinquennat s’est ouvert par des suppressions de postes d’enseignants, conséquemment à l’annulation, en 2017, de 33 millions d’euros de la subvention pour charges de service public de l’AEFE. Le nombre d’expatriés est ainsi passé de 1 073 à 821 équivalents temps plein travaillé (ETPT) entre 2017 et 2021, soit une baisse de 21 %, alors que sur la même période, le nombre de résidents a baissé de 7 %, passant de 5 147 à 5 004.

Dans ce contexte, nous comprenons la volonté de renforcer la formation des personnels afin de maintenir l’excellence et l’attractivité d’un réseau, qui reposent en grande partie sur la qualité de ses ressources humaines, recherchée par les familles, mais aussi sur des méthodes pédagogiques novatrices.

Nous nous interrogeons cependant sur le nombre et le statut des enseignants formateurs qui seront déployés pour faire face à la demande. Celle-ci pourrait se révéler exponentielle du fait de l’ouverture de la formation, comme le suggère le texte, d’une part, à des personnels extérieurs au réseau, qualifiés ou non, et, d’autre part, aux personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers dans le cadre de la mission de coopération éducative fortement renforcée par ce texte.

La question des moyens et de l’origine de ceux-ci pour réaliser ces missions si une activité économique de formation venait à être déployée mérite d’être précisée.

Par ailleurs, pour espérer accueillir à terme 700 000 élèves, il sera nécessaire de procéder à une extension significative du parc immobilier de l’AEFE. Depuis 2011, l’interdiction d’emprunt handicape l’Agence pour conduire ses propres projets immobiliers dans ses établissements en gestion directe et crée des tensions croissantes avec les familles, sur lesquelles l’essentiel de la charge pèse lourdement.

Ce point financier n’est, certes, pas abordé par le texte. Mais si nous n’avons pas de salles de classe pour héberger élèves et professeurs, il ne sert à rien de monter en puissance dans la formation de ces derniers. À moins évidemment que l’objectif ne soit de nous reposer intégralement sur le développement d’établissements privés ? Cela expliquerait que l’AEFE soit en même temps privée de moyens supplémentaires, humains et financiers pour remplir sa mission.

En conclusion, le nombre d’amendements déposés, plutôt convergents, bien qu’issus de groupes politiques différents, montre que nous avons une autre vision de l’organisation future de l’enseignement français à l’étranger que celle proposée par le Gouvernement, même si nous partageons sur la forme les deux objectifs de cette proposition de loi : élargir la gouvernance et les prérogatives de l’AEFE.

Si ce texte satisfait aux objectifs du dernier contrat d’objectifs et de moyens et honore un engagement pris auprès des associations de parents d’élèves, il suscite de nombreuses questions et nous incite à ouvrir de futurs débats sur un sujet qui nous tient tous à cœur.

Nous espérons que nos échanges permettront d’enrichir le texte. C’est ce qui déterminera la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.