M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Certains sont rédactionnels ; d’autres sont de nature à renforcer les enjeux de transition énergétique, l’organisation de la concession ou le positionnement des collectivités dans la définition des projets qui s’inscrivent dans les missions d’intérêt général de la CNR.

La suite du processus législatif, notamment en lien avec les députés auteurs de la proposition de loi, permettra, je le souhaite, de parvenir à un accord.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, dont il souhaite l’adoption avant la fin du quinquennat. Le texte, qui avait fait l’objet d’un large consensus, a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale ; c’est le signe que cette proposition de loi relève de l’intérêt général de notre pays et en particulier de celui d’une région, et non d’intérêts partisans.

Le propre d’une bonne politique écologique est de regarder l’avenir, d’agir avec les territoires et non contre eux, de partir de l’existant – en l’occurrence, ce fleuve majeur et puissant qu’est le Rhône – pour en faire une formidable source d’opportunités. Or tout cela s’incarne dans cette concession renouvelée, renforcée par cette proposition de loi aussi ambitieuse que fédératrice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chauvet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à prolonger la concession du fleuve Rhône, attribuée à la Compagnie nationale du Rhône.

Il s’agit d’un texte important pour l’avenir de cet opérateur, alors que nos concessions hydroélectriques sont l’objet d’un contentieux européen.

La commission des affaires économiques souscrit pleinement aux objectifs de la proposition de loi. Ils sont essentiels pour notre souveraineté et notre transition énergétiques.

Nous apprécions profondément le modèle économique de la CNR, opérateur exemplaire pour la conciliation des activités économiques avec les enjeux environnementaux, pour l’implication des collectivités publiques aux côtés d’entreprises privées et pour la complémentarité des missions énergétiques avec les autres.

Créée en 1933, la CNR s’est vu confier la concession du Rhône avec pour missions la production d’hydroélectricité, la navigation fluviale et l’irrigation agricole. Il s’agit d’une société anonyme d’intérêt général dont le capital est détenu pour un tiers par l’État et un sixième par les collectivités.

Dotée de 47 ouvrages hydroélectriques, dont 20 centrales, la CNR produit 25 % de notre hydroélectricité. Elle est également très impliquée dans le photovoltaïque et l’éolien.

Or cette concession arrive à échéance en 2023. Faute d’une prolongation, elle serait placée sous le régime des délais glissants dont relèvent aujourd’hui 39 concessions sur 400, soit 10 % d’entre elles.

Compte tenu de l’enjeu, nous nous étonnons que la prolongation de la concession intervienne tardivement et législativement : le Gouvernement aurait pu et dû prolonger la concession par décret, sitôt les travaux préalables achevés.

Nous prenons acte de la méthode retenue et des garanties avancées par le Gouvernement quant à la conformité du texte avec nos engagements européens, notamment en ce qui concerne les aides d’État ou la directive Concessions.

Nous souhaitons que la proposition de loi mette la CNR à l’abri du contentieux européen. Nous attendons du Gouvernement qu’il apporte enfin une solution globale, pérenne et négociée, pour les concessions en délais glissants, car cette insécurité juridique est délétère.

Dans ce contexte, la proposition de loi approuve un nouveau cahier des charges de 70 articles et un nouveau schéma directeur, en 5 volets, qui comportent plusieurs évolutions.

Premièrement, un transfert de 3 000 hectares de Voies navigables de France (VNF) est organisé vers la CNR, ce qui représente 300 titres d’occupation et 500 000 euros de redevances.

Deuxièmement, des programmes pluriannuels quinquennaux fixent les principaux investissements : 165 millions d’euros par plan et 500 millions d’euros au total.

Troisièmement, un programme de travaux supplémentaires prévoit des opérations de rénovation ou de construction. L’une d’elles, à Saint-Romain-de-Jalionas, est en suspens : c’est un point d’attention, car son coût est de 190 millions d’euros.

Autre changement : la redevance intègre davantage l’évolution du prix de l’électricité. Elle peut être alourdie faute de réalisation de l’opération en suspens.

Enfin, les énergies réservées allouées aux bénéficiaires agricoles confortent les usages liés à l’irrigation. Ce sont 10 000 kilowatts qui pourraient leur être réaffectés.

Les amendements que la commission a adoptés sur mon initiative visent à consolider la proposition de loi selon quatre axes.

Tout d’abord, nous avons souhaité développer les énergies renouvelables en intégrant pleinement les missions de la CNR, cent ans après la loi de 1921 sur l’aménagement du Rhône, dans la promotion de la transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec l’atteinte de la neutralité carbone d’ici à 2050 pour ligne de mire.

Plus concrètement, nous avons entendu favoriser deux projets énergétiques : l’hydrogène renouvelable et bas-carbone et le photovoltaïque innovant.

Plus encore, nous avons souhaité mieux associer les collectivités en consacrant l’organisation du comité de suivi en commissions territoriales et en prévoyant leur consultation sur le programme de travaux supplémentaires, dont l’opération en suspens.

Nous avons aussi souhaité rétablir l’avis des conseils départementaux et régionaux sur la modification du cahier des charges et du schéma directeur.

Nous avons enfin voulu garantir l’éligibilité des groupements de communes aux projets de la CNR.

Nous avons aussi voulu soutenir les professionnels agricoles en assurant l’association du ministère de l’agriculture aux statuts de la CNR et à son comité de suivi.

En ce qui concerne les énergies réservées, nous avons souhaité éviter tout effet de bord sur les bénéficiaires et garantir l’allocation de la compensation financière aux acteurs de terrain.

Il nous a aussi semblé utile de compléter les missions de la CNR par le développement des emplois liés à l’irrigation agricole.

Le dernier point a consisté à renforcer la sécurité juridique de la concession : nous avons ainsi maintenu la référence aux missions d’intérêt général de la CNR, précisé une obligation comptable et encadré une procédure domaniale.

Mon travail de rapporteur s’est donc voulu concret, consensuel et concerté pour enrichir le texte en direction de la transition énergétique, du dialogue territorial et du développement agricole. Il répond directement aux demandes formulées lors de mes auditions, au cours desquels j’ai entendu trente personnalités, dont les collectivités.

Je suis fier que le texte ainsi amendé ait été adopté à l’unanimité par la commission. J’invite le Sénat à réitérer ce vote. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, des eaux de fonte d’un glacier, il naît à plus de 3 000 mètres d’altitude, à hauteur des cimes suisses ; il traverse trois régions, côtoie des affluents qui nous sont chers, comme l’Isère, la Drôme, l’Ardèche ou la Durance ; il parcourt onze départements et parvient sans difficulté jusqu’aux plaines de lavandes en terminant sa course dans le delta de la Camargue. Qui est-il ?

Le suspense n’a rien d’insoutenable : c’est bien du Rhône qu’il s’agit ! Et cet après-midi, si tout se passe bien – et tout se passera bien –, nous devrions permettre à ce fleuve de rester entre de bonnes mains. Car, contrairement à la Loire, peu domptable en raison de son lit constitué de sable, le génie humain a su maîtriser ce fleuve pour en saisir tout le potentiel économique et stratégique.

Le génie humain que j’évoque, c’est d’abord et avant tout la Compagnie nationale du Rhône, dont je tiens à saluer les représentants en tribune. La CNR tire sa légitimité de sa grande proximité avec les territoires et de sa capacité à redistribuer la valeur qu’elle a su créer.

Les missions cardinales de la Compagnie – production d’énergie, navigation fluviale et irrigation agricole – qui ont fait son originalité et sa force ont ainsi permis de créer des partenariats presque charnels avec les territoires.

Je vous parle ensuite d’une société résolument tournée vers le renouvelable, qui a su s’implanter dans l’ensemble du pays. Je pourrais évoquer ses 57 parcs éoliens, situés certes le long de la vallée du Rhône, mais surtout dans les Hauts-de-France, la région Centre et les Pays de la Loire, toutes plaines qui bénéficient de vents réguliers.

La CNR, c’est aussi 49 centrales photovoltaïques, toutes situées sous une ligne Lyon-La Rochelle pour pouvoir bénéficier d’un maximum d’ensoleillement.

Parler d’énergie sans évoquer le potentiel hydroélectrique de la compagnie n’aurait pas été honnête : nous bénéficions en effet d’un trésor national, composé de 19 barrages et 47 centrales qu’il nous faut à tout prix préserver.

Élu drômois, je ne peux m’empêcher de faire référence à la centrale de Bourg-lès-Valence, inaugurée voilà plus de cinquante ans. Ce mastodonte architectural de béton et d’acier a nécessité trois ans de chantier et mobilisé 2 200 hommes et plus de 20 entreprises. Plus que la construction en elle-même, c’est la position géographique de cet aménagement qui aura mobilisé les ingénieurs.

En effet, l’ouvrage, situé à la confluence du Rhône et de l’Isère, devait prendre en compte cet apport d’eau supplémentaire. Un barrage de décharge fut donc spécifiquement construit pour contenir les crues de l’Isère. Aujourd’hui, après des décennies de fonctionnement, la centrale permet de satisfaire la consommation électrique annuelle de 500 000 habitants.

C’est donc cet enracinement, cette connaissance structurelle, systémique de nos territoires, tout à la fois fidèle à ses origines et tournée vers l’avenir, qui a fait et fait encore l’originalité de la CNR.

C’est d’ailleurs ce qui a permis à la Commission européenne de faire preuve de beaucoup de pragmatisme sur le projet de prolongation de la concession du Rhône qui nous réunit ici.

En effet, le 20 octobre 2020, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a souligné que le projet ne comportait pas d’éléments constitutifs d’une aide d’État nécessitant d’être notifiés.

Pourquoi ? Avant tout pour des raisons de neutralité financière, en particulier au regard des dispositions applicables en matière d’aides d’État. Le rapporteur et auteur de la proposition de loi, Patrick Mignola, élu de Savoie, l’a rappelé : « La CNR ne doit en effet pas bénéficier d’avantages indus liés à la prolongation. »

Grâce au renouvellement de la concession, 500 millions d’euros d’investissement sont prévus pour des projets en faveur des énergies renouvelables, de la modernisation des ouvrages ou encore de la biodiversité aquatique.

De ce point de vue, la CNR a déjà restauré 120 kilomètres de cours d’eau et 120 000 mètres carrés de zones humides. Elle a établi 69 ouvrages de franchissement piscicoles. Au total, ses actions de protection bénéficient à 80 espèces animales.

De même, la concession renouvelée du Rhône ne va pas reproduire le projet de 1921. La prise en compte des questions environnementales figure en bonne place dans le cahier des charges et le schéma directeur, annexés à la présente proposition de loi.

Nous nous félicitons également que les députés et sénateurs, dont les circonscriptions se situent dans son périmètre, puissent participer au comité de suivi de l’exécution de la concession.

Il faudra concentrer les réflexions sur la baisse très alarmante du débit du Rhône, qui pourrait atteindre 10 % à 40 % en 2050. Les sécheresses qui s’accentuent et l’absence de pluie sur l’ensemble du bassin versant du fleuve sont à l’origine de ce fléchissement. L’hiver très sec que nous connaissons actuellement en est le témoignage. Ce constat doit contraindre la CNR à amplifier ses projets éoliens et solaires avec les parcs photovoltaïques.

Ces enjeux sont bien connus de la CNR, garante de notre souveraineté énergétique, forte de son maillage territorial et humain. Elle recevra, cet après-midi, toute la confiance de notre groupe à travers cette proposition de loi très attendue. (Applaudissements sur les travées du RDPI – MM. Jean-Claude Requier et Loïc Hervé applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, de sa source, au sein d’un glacier suisse, jusqu’au bout des 814 kilomètres qu’il parcourt pour se jeter dans la mer Méditerranée, le Rhône ne traverse pas moins d’une dizaine de départements, de grandes villes telles que Lyon et aussi de grands espaces naturels.

Depuis des siècles, les hommes qui le croisent essayent de l’apprivoiser, de l’aménager, de le façonner. Son lit a été de nombreuses fois remodelé ; il est maintenant en cours de renaturation. Victime du dérèglement climatique, il est pourtant l’une des solutions principales pour combattre ce dernier.

Le glacier qui l’alimente recule et les prévisions quant à son débit augurent d’une baisse très importante. Et pourtant, depuis plus de soixante ans, il est le cœur du réacteur de l’hydroélectricité française, dont il produit presque le quart aujourd’hui, ce qui représente environ 3 % de la consommation d’électricité hexagonale. Une vingtaine d’usines hydroélectriques jalonnent ce fleuve dont les propriétés ne s’arrêtent pas là.

Le Rhône traverse des territoires industriels majeurs, dont il représente bien souvent un point fort. Mais il est aussi le refuge d’une biodiversité qui, depuis peu, commence à reprendre sa place. La nature et l’humain se rencontrent sur ses rives et profitent de ses bienfaits. Toutefois, l’équilibre est précaire et doit retrouver une nouvelle jeunesse grâce aux efforts pour lutter contre les pollutions.

Le Rhône est aussi un formidable outil pour le transport fluvial, qui reprend au fur et à mesure une place importante. Les engagements exigeants de la France en matière de réduction des émissions de CO2 passeront par le retour au transport ferroviaire et fluvial.

Enfin, le Rhône est un atout inestimable pour les territoires qu’il traverse en termes de tourisme et de préservation de la faune et la flore.

Le travail fourni pour son aménagement et aussi celui de l’aménagement des territoires qui le bordent. Depuis presque quatre-vingt-dix ans, il revient à la Compagnie nationale du Rhône d’entretenir le fleuve et de dialoguer avec les collectivités territoriales sur l’aménagement de leurs territoires.

La prolongation de la concession allouée à la CNR est l’objectif principal du présent texte. Proposition de loi d’équilibre entre les forces politiques du pays, elle a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au sein de notre commission.

Même la Commission européenne, pour qui la question de la mise en concurrence sur le marché de l’énergie hydraulique, surtout en France, est un sujet sensible, considère cette prolongation comme compatible avec les principes européens des aides d’État.

Je salue le travail effectué au Sénat, les échanges que nous avons eus et l’impulsion qui a été donnée à ce texte par notre rapporteur.

Au-delà de la volonté de prolongement de la concession, que je soutiens pleinement, deux points me semblent aller dans le sens des transitions.

Le premier concerne la relation avec les territoires. La CNR, les acteurs de terrain, au premier rang desquels les collectivités territoriales, fournissent un travail considérable qu’il faut encourager. Renforcer leurs liens est essentiel afin de remplir les objectifs industriels et environnementaux que nous nous sommes fixés.

Le second consiste à inscrire l’aménagement du Rhône parmi les objectifs de neutralité carbone en 2050. Le schéma directeur a été complété par des points importants sur le solaire innovant ou encore l’hydrogène renouvelable bas-carbone. Ce sont des technologies d’avenir qui participeront au développement d’une écologie libérale, seul moyen de réaliser nos transitions.

Enfin, je me félicite des efforts déployés pour renforcer la sécurité juridique de la concession et les missions d’intérêt général que fournit la Compagnie nationale du Rhône.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Vivette Lopez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sauvage et longtemps réputé indomptable – nous le sommes bien souvent dans le Sud ! (Sourires.) –, le Rhône est indéniablement le fleuve français le plus puissant. Mais, malgré sa nature torrentielle, l’action de l’homme au cours des âges, notamment grâce à la concession confiée en 1934 à la Compagnie nationale du Rhône, a réussi à le dompter, tout en préservant les enjeux humains, économiques et écologiques.

L’aménagement du Rhône relève en effet d’un modèle unique ayant permis une gestion intégrée du fleuve. En témoignent les trois missions solidaires de la CNR, à savoir la production d’hydroélectricité, l’aménagement de la voie navigable et, enfin, l’irrigation des terres agricoles environnantes.

En sa qualité d’aménageur du territoire et du fait de son ancrage territorial, la CNR propose un modèle de fonctionnement et d’efficacité unique, avec la capacité d’intégrer les questions environnementales dans les développements industriels. Enfin, ses actifs de production éoliens et photovoltaïques en font le premier producteur français d’énergie 100 % renouvelable.

Voilà notamment pourquoi la présente proposition de loi, qui vise à prolonger cette concession jusqu’au 31 décembre 2041, a fait l’objet d’un si large consensus.

Face au risque d’ouverture à la concurrence dans le cadre européen, on pouvait réellement craindre que la rente électrique du Rhône soit confiée à des intérêts étrangers, remettant en cause une partie de l’indépendance énergétique de notre pays.

Chacun a pressenti la nécessité de protéger ce modèle unique en France. La prolongation de la concession jusqu’en 2041 s’est donc imposée à tous comme une évidence.

Cette prolongation se fait néanmoins avec ambition et dynamisme, et je veux saluer ici la belle énergie insufflée par la mise à jour du cahier des charges et du schéma directeur. L’actualisation met en place un ambitieux plan de route, qui prévoit 500 millions d’euros d’investissement sur le Rhône, afin d’accroître la navigation fluviale, notamment pour le transport des marchandises. La Compagnie prévoit également d’augmenter encore sa production d’énergie renouvelable, qui représente déjà 24 % de la production d’énergie verte en France.

Enfin, la CNR a également mis en avant sa volonté de poursuivre sa politique d’aménagement du territoire, d’agriculture et de préservation de la biodiversité, en partenariat avec les 183 collectivités locales adhérentes. Ces projets vont indéniablement donner du souffle au renouvellement de la concession.

En ma qualité d’élue du Gard, vous comprendrez que je m’attarde néanmoins quelque peu sur le territoire du Grand Delta du Rhône, puisque le périmètre concédé actuellement, soit 27 000 hectares répartis sur trois régions et onze départements, doit être étendu à l’ensemble du Petit-Rhône et du Grand-Rhône. Seules les écluses de la ville de Beaucaire et de Saint-Gilles demeureraient ainsi gérées par les Voies navigables de France.

L’ensemble des élus de mon territoire, regroupés sous la forme d’un syndicat interrégional d’aménagement des digues du Rhône et de la mer, le Symadrem, sont favorables à cette prolongation, qui leur permettra d’avoir un interlocuteur au lieu de deux. Je me félicite d’une telle simplification !

Le Symadrem a pour mission la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations sur le territoire Grand Delta du Rhône. Je me réjouis également des plans quinquennaux, qui permettront de flécher des financements de la CNR vers les domaines de l’environnement et de l’agriculture sur cette partie du Rhône, qui a peu bénéficié, jusqu’à aujourd’hui, des retombées économiques des aménagements réalisés depuis la création de ce territoire en 1970.

En outre, les enjeux du territoire du Grand Delta du Rhône, hors biens et personnes, sont l’environnement et l’agriculture. Si de nombreux acteurs interviennent dans le delta du Rhône pour l’environnement, afin de faire face au changement climatique, on constate que l’agriculture commence à subir des remontées de sel liées à l’élévation du niveau marin. Il serait donc nécessaire d’adapter ces prises d’eau en pompant les eaux de surface moins salées. Il serait alors souhaitable qu’une part des plans quinquennaux puisse être consacrée à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, ainsi qu’à l’accompagnement financier du Symadrem dans la restauration écologique du Petit-Rhône, prévue en accompagnement des travaux de renforcement.

Par ailleurs, depuis 1993, les dégâts causés par les crues du Rhône aval, entre Beaucaire et l’embouchure, ont fait prendre conscience aux collectivités de l’importance du transit ou du stockage des sédiments sur la capacité hydraulique du chenal et des risques d’inondation.

Vous le comprendrez, mes chers collègues, je soutiens cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est peu dire que ce texte était attendu ! Que ce soit pour l’aménagement du Rhône, pour les milliers de salariés qui y travaillent, pour les élus et les collectivités territoriales concernées, ainsi que, bien sûr, pour notre politique énergétique et les enjeux climatiques et de biodiversité.

Comme élu du Rhône et comme écologiste, je soutiens l’objectif principal de ce texte, à savoir le prolongement pour la CNR de la concession d’aménagement du Rhône jusqu’en 2041 et la validation d’un programme d’investissement. Ainsi, 500 millions d’euros seront consacrés à la production d’énergie hydraulique, au transport fluvial, à l’irrigation et à la protection de la biodiversité. Ce sont des axes forts pour l’avenir du Rhône et, donc, pour notre avenir commun.

Oui, il est indispensable de prolonger cette concession, et ce le plus rapidement possible, afin de donner à la CNR davantage de visibilité et de moyens pour relever les défis majeurs à venir.

La baisse de débit de 10 % à 40 % du Rhône à l’horizon 2050, prévue par les scientifiques, doit nous interpeller. Une telle perspective est loin d’être anodine pour le fleuve le plus nucléarisé de France, voire d’Europe, puisque quatre centrales y sont installées et doivent être refroidies. Mais je pense également à l’irrigation de nos cultures. L’avenir climatique de la vallée du Rhône aura un impact fort sur notre quotidien.

Nous aurions aimé renforcer un peu plus la mission de préservation de la biodiversité. C’est pour nous un critère majeur à prendre en compte, sans l’opposer au déploiement de l’hydroélectricité. Nous devons concilier ces deux enjeux.

La CNR doit poursuivre la réalisation des missions d’intérêt général qui participent au développement de la vallée du Rhône. Le maintien des emplois en dépend, comme la possibilité de nombreux recrutements.

Enfin, ce texte est aussi l’occasion de réaffirmer notre opposition à l’ouverture à la concurrence de nos barrages hydroélectriques.

Si cette proposition de loi met la CNR à l’abri du contentieux européen, quid des autres concessions ? Le Gouvernement n’a jamais proposé de solution globale et pérenne pour l’ensemble des concessions, notamment celles qui sont placées sous le régime des « délais glissants ». C’est pourquoi nous défendons un véritable service public des énergies renouvelables.

Ce grand acteur public aurait pour mission d’organiser la transition énergétique, d’atteindre nos objectifs de déploiement des énergies renouvelables, d’assurer la souveraineté énergétique du pays, de maintenir des prix abordables pour les consommateurs, ainsi que de coordonner et de réguler les initiatives privées, aujourd’hui souvent contestées.

La question du statut hybride mi-public, mi-privé de la CNR se posera d’ailleurs à terme.

La maîtrise des retenues d’eau pour produire de l’électricité ou pour tout autre usage doit répondre à des besoins d’intérêt général et non pas aux besoins de rentabilité du privé.

La situation actuelle, avec, en amont et en aval d’une même vallée, des barrages gérés par des compagnies différentes pose question.

Qui qu’il en soit, vous l’aurez compris, nous voterons pour ce texte. C’est un premier pas, qui fait écho à notre proposition de loi visant à maintenir les barrages hydroélectriques dans le domaine public, examinée voilà à peine trois mois et rejetée en bloc par le Sénat.

L’avenir du Rhône se joue dans l’immédiat au travers de ce bel outil qu’est la CNR. Mais je souhaiterais conclure en ouvrant un autre débat, qui doit nous permettre d’envisager un nouveau cadre juridique pour le Rhône.

Nous pensons qu’il deviendra important d’œuvrer à de nouveaux droits pour la nature. D’autres pays, comme la Nouvelle-Zélande, l’Équateur ou la Colombie, ont franchi le pas, en reconnaissant des personnalités juridiques à leurs rivières ou fleuves.

C’est en passant par ce cadre qu’on est arrivé à les protéger, en garantissant une gestion satisfaisant l’intérêt général, l’intérêt commun.

Plusieurs collectivités appellent à reconnaître une personnalité juridique au Rhône. Permettez-moi de profiter de cette tribune pour leur apporter mon soutien et formuler le vœu que la France s’engage dans cette conquête de nouveaux droits pour la nature, afin de préserver notre avenir commun.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux le dire d’emblée, le groupe CRCE votera pour cette proposition de loi, qui permet de reporter à 2041 la question de la mise en concurrence de la concession du Rhône, qui arrive à son terme en 2023.

Dans un climat et une période que nous ne cessons de dénoncer et où la mise en concurrence est monnaie courante, ce texte, aux antipodes de cette logique, est un véritable bol d’air, qui devrait d’ailleurs, madame la ministre, guider le Gouvernement dans le projet Hercule, que nous dénonçons fermement.

À ce propos, sans redire ce que j’ai dit la semaine dernière lors de la réunion de la commission des affaires économiques, je regrette que, sur un sujet aussi important, le Gouvernement n’ait pas mis en œuvre une volonté forte de pérenniser, de développer, de venir en soutien, grâce à un projet de loi. Finalement, c’est une proposition de loi, déposée sur l’initiative des députés des départements longeant le Rhône, qui est aujourd’hui examinée.

Depuis sept ans, la prolongation de la concession du Rhône confiée à la Compagnie nationale du Rhône est l’objet de discussions entre sa direction et le gouvernement français.

Dans le paysage des concessions hydroélectriques françaises, le « modèle Rhône », rénové au début des années 2000, est unique. Et je veux saluer ici les luttes syndicales et politiques menées et, plus particulièrement, les représentants des personnels de la CNR ici présents. Ces luttes visaient à amener le gouvernement d’alors à abandonner la privatisation, pour établir un compromis fondé sur trois grands piliers.

Premier pilier : une concession unique, mais à buts multiples, intégrant quatre missions d’intérêt général financièrement solidaires : production d’énergie, navigation, agriculture et environnement.

Deuxième pilier : une gouvernance atypique reposant sur un ancrage local fort, grâce à la participation des collectivités locales riveraines à son capital, et regroupant en son sein l’ensemble des compétences nécessaires à l’exploitation, au développement et à la gestion des missions confiées par l’État.

Troisième pilier : une redistribution équilibrée des bénéfices des activités économiques vers les différentes parties prenantes : État, collectivités actionnaires ou non, riverains et salariés. Nous mesurons d’ailleurs l’importance, dans nos départements respectifs riverains du Rhône, d’une telle disposition.

Il est également utile de le souligner, ce projet est largement partagé et attendu par les collectivités et les associations, mais aussi par les salariés. Tous sont fortement attachés à ce modèle hydroélectrique français, caractérisé par la prise en compte solidaire des nombreuses missions qui lui sont confiées, dont les plus importantes sont liées à la gestion équilibrée et partagée de la ressource en eau, mais aussi à l’aménagement du territoire.

Cette proposition de loi, qui vise à modifier le contrat de concession, permet également de préserver les fondamentaux du modèle que j’ai précédemment énuméré, tout en créant une nouvelle prérogative, celle d’agir en faveur de la transition écologique et énergétique.

L’allongement de la concession permettra à la CNR, j’en suis certaine, de poursuivre tout au long de la vallée du Rhône ses investissements en faveur des énergies renouvelables, avec le développement de l’hydroélectricité, mais aussi de l’hydrogène, qui nécessitera des besoins en eau supplémentaires, et le maintien du parc nucléaire, voire son développement dans un certain nombre de projets envisagés, qui nécessitera inévitablement une sécurisation supplémentaire en eau.

La navigation, si elle existe, demeure toutefois très faible. Nous pouvons l’observer en longeant le Rhône, qui est souvent vide, alors que, dans le même temps, les files de camions sur l’autoroute A7 sont aujourd’hui la norme. Il reste donc beaucoup à faire. Le transport fluvial offre pourtant des possibilités de desserte en douceur au cœur même des agglomérations, sans gêne pour les riverains. Il faudra le développer dans les années à venir.

S’agissant de l’environnement, le volet de restauration environnementale du fleuve est ambitieux, au profit de la biodiversité et de la qualité de la ressource en eau, qui permettra aux salariés de la CNR de développer une compétence unique dans ce domaine.

Par ailleurs, des investissements en matière d’agriculture sont prévus, avec un volet permettant de financer des opérations de transition agricole vers des pratiques moins gourmandes en eau et adaptées au changement climatique, dans une vallée du Rhône, où, nous le savons, la question du changement climatique et des pratiques agricoles est au cœur des défis agricoles de demain.

Enfin, le développement des territoires bénéficiera de 160 millions d’euros, qui seront alloués tous les cinq ans pour mener des projets d’intérêt général, avec un volet spécifique de 30 millions d’euros dédié aux projets des collectivités locales.

Sachons préserver, encourager et développer cet objet unique qu’est la CNR !