Sommaire

Présidence de M. Roger Karoutchi

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa, M. Pierre Cuypers.

1. Procès-verbal

2. Candidature à des commissions

3. Loi de finances rectificative pour 2022. – Discussion d’un projet de loi

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

M. Éric Bocquet

Mme Sylvie Vermeillet

M. Jean-Claude Requier

M. Rémi Féraud

M. Teva Rohfritsch

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Vincent Segouin

M. Daniel Breuiller

M. Jean-Marie Mizzon

M. Thierry Cozic

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Bruno Le Maire, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article liminaire – Adoption.

Première partie

Avant l’article 1er A

Amendement n° 322 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 319 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 226 rectifié de M. Daniel Breuiller. – Rejet.

Amendement n° 130 rectifié bis de Mme Sylvie Vermeillet. – Rejet par scrutin public n° 132.

Amendement n° 227 rectifié de M. Daniel Breuiller. – Rejet.

Amendements identiques nos 249 rectifié de M. Rémi Féraud et 320 de M. Éric Bocquet. – Rejet, par scrutin public n° 133, des deux amendements.

Amendement n° 250 rectifié de M. Rémi Féraud. – Rejet par scrutin public n° 134.

Amendement n° 321 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 157 rectifié de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.

Amendement n° 247 rectifié de M. Rémi Féraud. – Rejet.

Amendement n° 369 rectifié de M. Daniel Breuiller. – Rejet.

Amendement n° 327 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 323 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendements identiques nos 224 rectifié de M. Daniel Breuiller et 246 rectifié de M. Rémi Féraud. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 431 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.

Amendement n° 175 rectifié ter de M. Jean-Baptiste Blanc. – Retrait.

Amendement n° 330 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 432 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.

Amendements identiques nos 69 rectifié quinquies de M. Arnaud Bazin et 232 rectifié de M. Ronan Dantec. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Article 1er A (nouveau) – Adoption.

Après l’article 1er A

Amendement n° 316 rectifié ter de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.

Amendement n° 1 rectifié ter de M. Christian Klinger. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 225 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Non soutenu.

Amendement n° 370 rectifié de M. Daniel Breuiller. – Rejet.

Amendement n° 326 rectifié de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Article 1er B (nouveau)

Amendement n° 335 rectifié de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendements identiques nos 389 rectifié de M. Philippe Tabarot et 397 rectifié de M. Didier Rambaud. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 398 rectifié de M. Didier Rambaud. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er B

Amendement n° 520 de M. Vincent Segouin. – Retrait.

Article 1er C (nouveau) – Adoption.

Après l’article 1er C

Amendements identiques nos 315 rectifié ter de M. Jean-Claude Tissot et 533 rectifié bis de M. Jacques Fernique. – Rejet des deux amendements.

Article 1er D (nouveau)

M. Daniel Chasseing

Amendements identiques nos 281 de M. Rémi Féraud et 337 de M. Éric Bocquet. – Rejet des deux amendements.

Organisation des travaux

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

5. Modification de l’ordre du jour

6. Mise au point au sujet de votes

7. Loi de finances rectificative pour 2022. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Première partie (suite)

Article 1er D (nouveau) (suite)

Amendement n° 347 rectifié de M. Laurent Duplomb. – Retrait.

Amendements identiques nos 182 rectifié de la commission et 503 rectifié de M. Teva Rohfritsch. – Adoption des deux amendements rédigeant l’article.

Amendement n° 519 de M. Vincent Segouin. – Devenu sans objet.

Amendement n° 407 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Devenu sans objet.

Après l’article 1er D

Amendement n° 408 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Amendement n° 409 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Amendement n° 434 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.

Amendement n° 423 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.

Article 1er E (nouveau)

Amendements identiques nos 282 de M. Rémi Féraud et 338 de M. Éric Bocquet. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 383 rectifié de Mme Monique Lubin et 470 de M. Éric Bocquet. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 384 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Amendement n° 154 rectifié de M. Philippe Mouiller. – Adoption.

Amendements identiques nos 385 rectifié de Mme Monique Lubin et 471 de M. Éric Bocquet. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er F (nouveau)

Amendement n° 183 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article 1er G (nouveau)

Amendement n° 184 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Après l’article 1er G

Amendement n° 100 rectifié de M. Sebastien Pla. – Rejet.

Amendements identiques nos 35 rectifié bis de M. Stéphane Demilly, 86 rectifié bis de M. Franck Menonville et 457 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait de l’amendement n° 86 rectifié bis ; rejet des amendements nos 35 rectifié bis et 457 rectifié.

Amendements identiques nos 27 rectifié bis de M. Daniel Laurent, 97 rectifié ter de Mme Nathalie Delattre, 302 rectifié quater de M. Hervé Gillé et 412 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet des quatre amendements.

Amendements identiques nos 24 rectifié bis de M. Daniel Laurent, 95 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre, 301 rectifié ter de M. Hervé Gillé et 410 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait des quatre amendements.

Amendement n° 140 rectifié bis de Mme Sylvie Vermeillet. – Rejet.

Article 1er

M. David Assouline

M. Laurent Lafon

M. Marc Laménie

M. Roger Karoutchi

M. Jean-Pierre Sueur

M. Didier Rambaud

M. Pierre Ouzoulias

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics

Mme Nathalie Goulet

M. Gabriel Attal, ministre délégué

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Amendements identiques nos 147 rectifié de M. Jérémy Bacchi, 237 de M. David Assouline et 377 de M. Thomas Dossus. – Rejet, par scrutin public n° 136, des trois amendements.

Amendement n° 238 de M. David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 378 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 203 rectifié de M. Laurent Lafon. – Rejet par scrutin public n° 137.

Amendement n° 185 de la commission. – Adoption par scrutin public n° 138.

Amendement n° 443 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 173 rectifié ter de Mme Monique de Marco. – Rejet par scrutin public n° 139.

Adoption, par scrutin public n° 140, de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 350 rectifié ter de Mme Brigitte Devésa. – Rejet.

Amendement n° 405 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.

Amendement n° 329 rectifié de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 439 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 304 rectifié de M. Julien Bargeton. – Retrait.

Amendement n° 404 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Article 1er bis (nouveau)

Amendement n° 348 rectifié de M. Laurent Duplomb. – Rejet.

Amendements identiques nos 307 rectifié de M. Franck Menonville et 309 rectifié de M. Stéphane Demilly. – Retrait des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 1er ter (nouveau)

Amendement n° 438 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 1er ter

Amendement n° 149 de M. Bernard Delcros. – Retrait.

Amendement n° 150 de M. Bernard Delcros. – Retrait.

Amendement n° 297 rectifié bis de M. Jean-Jacques Panunzi. – Retrait.

Amendement n° 298 rectifié bis de M. Jean-Jacques Panunzi. – Retrait.

Article 2 (supprimé)

Après l’article 2

Amendements identiques nos 228 rectifié quater de M. Pierre-Jean Verzelen et 314 rectifié quater de M. Jean-Claude Anglars. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 131 rectifié quinquies de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.

Amendement n° 17 rectifié bis de Mme Marta de Cidrac. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 241 rectifié ter de M. Hervé Gillé. – Rejet.

Amendement n° 421 rectifié bis de M. Jean-Yves Roux. – Rejet.

Amendement n° 418 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Amendement n° 493 rectifié bis de M. Guillaume Gontard. – Rejet.

Amendement n° 248 de M. Olivier Jacquin. – Rejet.

Amendement n° 406 rectifié ter de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.

Amendement n° 402 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.

Amendement n° 528 rectifié ter de M. Guillaume Gontard. – Rejet.

Amendement n° 375 rectifié de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendement n° 368 de M. Daniel Breuiller. – Rejet.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Ordre du jour

Nomination de membres de commissions

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Roger Karoutchi

vice-président

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Pierre Cuypers.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidature à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de la commission des affaires sociales et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2022

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2022 (projet n° 830, rapport n° 846).

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article liminaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver ici, au Sénat, pour la suite de l’examen du paquet « pouvoir d’achat », dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative (PLFR).

Nous avons franchi une première étape avec l’adoption du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Je vous remercie d’ailleurs de la qualité des débats, qui ont permis d’adopter un texte attendu par nos compatriotes.

Je souhaite que nous puissions avancer dans cette même atmosphère constructive lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative.

Dans quel contexte cette discussion se tient-elle ? Tout d’abord, l’économie française résiste. Les chiffres de la croissance viennent d’être publiés : +0,5 % pour le deuxième trimestre de 2022. La France obtient ainsi l’un des meilleurs résultats de la zone euro.

Ce résultat prouve que l’économie française résiste mieux que les autres économies européennes aux turbulences actuelles. Comme le Gouvernement l’avait annoncé, l’économie française atteindra les 2,5 % de croissance en 2022. Tel était notre objectif. Pour tous nos compatriotes et pour les entreprises, c’est une victoire obtenue dans des temps difficiles.

Dans ce contexte de crise, l’inflation continue de progresser. Nous sommes, comme je l’avais indiqué il y a quelques mois, au cœur du pic inflationniste.

L’inflation restera à un niveau élevé jusqu’à la fin de l’année 2022. En revanche, je confirme que nous anticipons toujours une baisse de l’inflation dans le courant de l’année 2023, grâce à la réorganisation des chaînes de valeur, à la diversification des approvisionnements en matières premières – j’y travaille, avec les autres ministres, sous l’autorité de la Première ministre et du Président de la République – et aux effets de la politique monétaire.

Il s’agit donc d’un cap difficile à passer, justifiant toutes les mesures d’accompagnement qui vous sont proposées aujourd’hui.

Quelles sont ces mesures ? Sans entrer dans le détail de chacune d’entre elles, permettez-moi d’expliquer la philosophie et la teneur des dispositifs qui vous sont présentés au travers de ce texte.

Un volet porte tout d’abord sur l’énergie : c’est légitime, car au moins la moitié de l’inflation s’explique par la flambée du prix de l’énergie, qu’il s’agisse de l’électricité, du gaz ou des carburants.

Nous avons donc décidé de maintenir le « bouclier énergie » jusqu’à la fin de l’année 2022, avec le gel du prix du gaz et le plafonnement du prix de l’électricité à 4 %. Ce sont ces décisions, prises à l’automne 2021, qui permettent aujourd’hui à la France d’avoir le taux d’inflation le plus faible de la zone euro. Nous avons anticipé et nous avons pris des mesures massives, lesquelles nous ont permis de combattre avec efficacité l’augmentation des prix.

Nous continuerons également à nous battre au niveau européen pour dissocier définitivement le prix de l’électricité du prix du gaz.

Le système européen selon lequel le prix de l’électricité décarbonée est indexé sur le prix des énergies fossiles, c’est-à-dire sur le prix du gaz, est inacceptable du point de vue écologique et complètement contre-productif d’un point de vue économique. Il a également un coût social qui le rend insupportable. Nous avons engagé cette bataille avec le Président de la République depuis plusieurs mois. Nous ne lâcherons rien jusqu’à ce que le prix de l’électricité décarbonée soit définitivement dissocié de celui du gaz !

Toujours en ce qui concerne l’énergie, des propositions ont été faites à l’Assemblée nationale sur la question du fioul. Quelque 3 millions de nos compatriotes se chauffent au fioul. Il était donc légitime – je salue la sagesse des députés à cet égard – de prendre des mesures fortes, afin de compenser l’augmentation du prix de ce carburant. Nous avons ainsi adopté une aide de 230 millions d’euros pour les ménages qui utilisent ce combustible pour se chauffer.

Je confirme que nous lèverons le gage sur ces crédits…

M. François Bonhomme. Qu’est-ce qui se passe ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Le Maire, ministre. … et que nos compatriotes auront bien 230 millions d’euros à se répartir pour amortir le choc de l’augmentation du prix du fioul.

Nous proposons d’associer les parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat au ciblage des ménages qui pourront bénéficier de cette aide supplémentaire très significative de 230 millions d’euros. Faut-il la cibler ? Sur quels ménages ? Plutôt que d’en discuter uniquement entre membres du Gouvernement, je propose que les Parlementaires soient associés à ce choix politique de la répartition de l’enveloppe de 230 millions d’euros en faveur de 3 millions de nos compatriotes.

Le troisième sujet relatif à l’énergie est le prix des carburants : c’est probablement ce qu’il y a de plus visible et de plus sensible pour nos compatriotes aujourd’hui. L’Assemblée nationale a proposé de passer la ristourne sur les carburants à 30 centimes d’euro en septembre – au lieu de 18 centimes –, à 30 centimes en octobre, à 10 centimes en novembre et à 10 centimes en décembre.

Je sais que d’autres propositions intéressantes et argumentées ont été formulées par certains sénateurs. Je pense néanmoins qu’il est sage de s’en tenir à cette solution : elle couvre tous nos compatriotes, y compris les retraités et ceux qui ne travaillent pas.

Ainsi, avec les remises accordées par certains pétroliers ou distributeurs, le prix du litre de carburant pourrait être à 1,50 euro à la rentrée de 2022, au lieu des tarifs que nous connaissons aujourd’hui. C’est ce que nombre de nos compatriotes attendent désormais très concrètement. Je recommande donc que nous nous en tenions à cette solution.

À tous ceux qui me disent légitiment qu’il faut faire plus pour ceux qui travaillent, je rappelle que d’autres dispositifs seront mis en place.

Nous avons accepté, notamment à l’Assemblée nationale, le doublement du plafond d’exonération de la prime carburant versée par les employeurs, qui passera de 200 euros à 400 euros. Il s’agit précisément d’une prime visant uniquement les personnes qui travaillent.

Nous allons aussi permettre son cumul avec la prise en charge de l’abonnement transport collectif pour tous ceux qui, dans les territoires ruraux, prennent leur voiture, puis le train. Aujourd’hui, les salariés ne peuvent pas cumuler l’indemnité carburant avec l’indemnité de transport collectif. Grâce à la décision de l’Assemblée nationale, ce sera désormais possible. Voilà très précisément une deuxième mesure en faveur de ceux qui prennent leur véhicule pour aller travailler.

Troisième mesure que je tiens à citer, nous avons revalorisé le barème kilométrique de l’impôt sur le revenu de 10 % en 2022. Et je confirme que nous sommes prêts à le revaloriser de nouveau en 2023.

Grâce à ces trois mesures ciblant spécifiquement les personnes qui travaillent, nous parvenons à conjuguer la réduction du prix du carburant à la pompe pour tous les Français et le renforcement de ces dispositifs pour tous ceux qui travaillent et qui sont particulièrement pénalisés.

La troisième grande orientation de ce projet de loi de finances rectificative est le travail. J’ai la conviction, avec Gabriel Attal et l’ensemble des membres du Gouvernement, que la meilleure réponse au problème du pouvoir d’achat est l’emploi et la juste rémunération du travail.

Cette conviction a été le fil rouge de notre action politique durant cinq ans ; elle le restera pendant les cinq années à venir, jusqu’à ce que nous parvenions à ce qui n’a jamais été atteint en France depuis un demi-siècle, à savoir le plein emploi.

Ce projet de loi de finances rectificative vise donc à rendre du pouvoir d’achat à nos compatriotes par la valorisation de leur travail, grâce à des mesures très ciblées, complétées par un certain nombre d’amendements déposés par différents groupes politiques.

La première mesure est la monétisation de la réduction du temps de travail, ou RTT. Un débat a émergé à la faveur de cette proposition. Je confirme qu’il s’agit de permettre aux salariés souhaitant travailler plus d’augmenter leur rémunération en monétisant leurs RTT. C’est une mesure juste, efficace et qui mérite d’être retenue.

M. David Assouline. Non, ce n’est pas une mesure juste !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous envisageons également la défiscalisation des heures supplémentaires. L’idée de relever le plafond d’exonération fiscale de 5 000 euros à 7 500 euros va dans la bonne direction.

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Pascal Savoldelli. Vous êtes contents, chers collègues Les Républicains !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous sommes prêts à ce que ce dispositif devienne définitif, ce qui garantira sa justice.

Je le dis pour ceux qui s’inquiètent de la monétisation des RTT : la défiscalisation est le complément de la monétisation, afin que les personnes qui veulent travailler soient mieux rémunérées. Telle demeurera notre philosophie, et personne n’arrivera à me convaincre qu’il vaut mieux inciter les Français à travailler moins et à gagner moins !

En ces temps de difficultés, mieux vaut travailler davantage et avoir la juste rémunération de son travail. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.) J’attends avec impatience le débat qui nous permettra d’échanger sur ce sujet !

M. David Assouline. On va voir la droite unie !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il en va de même pour la désocialisation des heures supplémentaires.

Le groupe Les Républicains a proposé que nous allions encore plus loin sur les heures supplémentaires, en demandant une réduction des charges sociales patronales. Pour être tout à fait précis, une réduction de 1,50 euro existe déjà pour les entreprises de moins de 20 salariés. J’ai donné mon accord, je le dis devant le président Bruno Retailleau, pour que les entreprises de 20 à 250 salariés – essentiellement des PME – puissent voir leurs charges sociales patronales réduites de 50 centimes par heure supplémentaire travaillée pour alléger les coûts.

C’est une idée constructive et utile pour le pays. J’y suis donc favorable. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. Que c’est beau !

M. François Bonhomme. C’est le chemin de Damas !

M. Bruno Le Maire, ministre. Notre quatrième sujet de réflexion a concerné les collectivités locales. Je me trouve aujourd’hui devant l’assemblée des collectivités locales.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela ne vous a pas échappé !

M. Bruno Le Maire, ministre. En effet, monsieur le rapporteur général !

Je sais que l’inflation et les revalorisations engagées peuvent susciter des inquiétudes. Je rappelle néanmoins que les députés, dans leur grande sagesse, ont déjà commencé à tenir compte de l’impact de l’inflation sur les collectivités locales.

Le Gouvernement, qui sans doute n’avait pas fait suffisamment à ce sujet, a accepté d’en faire davantage à l’occasion des débats à l’Assemblée nationale.

M. François Bonhomme. Quelle souplesse !

M. Bruno Le Maire, ministre. Sur l’initiative de Mme Christine Pires Beaune – preuve, je le dis pour le groupe SER, que le Gouvernement est œcuménique –,… (Rires ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il y en a pour tout le monde !

M. Bruno Le Maire, ministre. … nous avons accepté 180 millions d’euros de dispositif ciblé. Cette mesure s’adresse aux 6 000 communes les plus en difficulté qui peinent à faire face à la hausse du prix de l’énergie et du point d’indice. Les collectivités d’outre-mer sont particulièrement concernées, et je sais que vous y êtes sensibles. Nous aurons certainement d’autres discussions sur le sujet.

Après de longs débats, nous avons également accepté de compenser la hausse du revenu de solidarité active, le RSA, au niveau des départements, pour un montant de 120 millions d’euros.

Au total, 300 millions d’euros seront donc versés aux collectivités locales pour compenser l’inflation sur le prix de l’énergie ou sur celui d’un certain nombre de fournitures.

Je suis certain que ce débat se poursuivra ici avec l’ensemble des groupes. Je le dis devant M. le rapporteur général qui, je le sais, est particulièrement mobilisé sur ce sujet : nous sommes prêts à faire encore plus attention aux collectivités, afin qu’un plus grand nombre d’entre elles qui en ont besoin puissent bénéficier de ce filet de sécurité.

Pour autant, je sais également que votre assemblée est aussi attachée que moi à la bonne tenue des comptes publics. Or nous savons tous ici que la bonne tenue des comptes publics exige des efforts de tous. Tout n’est pas possible financièrement, ni pour l’État, ni pour les collectivités locales, ni en termes de dépenses sociales. J’appelle donc chacun au sens des responsabilités, pour voter une enveloppe qui protège les collectivités locales, mais qui ne menace pas les finances publiques.

J’en viens enfin au sujet qui défraye la chronique depuis plusieurs semaines, à savoir la taxation sur les superprofits. Je me méfie des termes de cette expression, qu’il s’agisse de la taxation, par définition, ou des superprofits, car ces derniers recouvrent en réalité des réalités très différentes.

Je sais que certains d’entre vous, notamment au sein du groupe Union Centriste, ont proposé un certain nombre d’amendements pour taxer les superprofits.

Mme Éliane Assassi. Nous aussi !

M. Bruno Le Maire, ministre. Certes, madame Assassi ! J’aurais d’ailleurs été déçu du contraire… (Sourires.)

Au risque de vous surprendre, je comprends le raisonnement qui vous a amené à formuler cette proposition, car j’imagine bien qu’il est d’abord dicté par un souci de justice. Or ce souci de justice, qu’il émane de la droite ou de la gauche, trouvera toujours en moi son plus fervent soutien. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Il faut partager le fardeau de l’inflation, je ne l’ai jamais contesté. Au contraire, j’ai toujours dit, en tant que ministre de l’économie et des finances, que ce n’était pas à l’État seul de porter le fardeau de l’inflation. Nous avons déjà fait beaucoup, notamment avec le bouclier énergétique. Les ménages sont également mis fortement à contribution parce qu’ils supportent au quotidien une part de cette inflation. Il est donc légitime que les entreprises portent, elles aussi, une part du fardeau de l’inflation.

Quoi qu’il en soit, je veux le rappeler – c’est en cela que je me méfie de cette expression un peu brutale de « taxation sur les superprofits » –, l’immense majorité des petites entreprises – PME, TPE, indépendants – souffrent elles aussi de l’inflation. Elles voient augmenter le prix de leurs intrants et de leurs approvisionnements, elles subissent des retards, elles sont lésées par le prix des matières premières.

Par ailleurs, dans certains secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, la distribution et l’industrie agroalimentaire, elles connaissent des difficultés inédites de recrutement.

Mme Éliane Assassi. On ne vous parle pas de ces entreprises-là !

M. Bruno Le Maire, ministre. Tenons compte aussi des difficultés de nos entreprises.

Je rappelle également que nombre d’entreprises participent à la lutte contre l’inflation en augmentant les salaires – je vous renvoie aux différentes négociations salariales en ce sens. Augmenter les salaires, c’est pour elles une meilleure façon de lutter contre l’inflation que d’être taxées ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

J’invite donc avec force toutes les entreprises qui le peuvent, celles qui en ont les moyens et qui disposent des marges nécessaires, à augmenter les salaires.

M. Vincent Éblé. Imposez-le !

M. Bruno Le Maire, ministre. J’invite aussi tous les entrepreneurs qui éprouvent des inquiétudes légitimes et qui sont dans l’incapacité d’accroître les salaires – parce qu’ils ne peuvent pas se projeter au-delà de quelques mois et qu’ils redoutent l’année 2023, tous arguments que l’on peut entendre – à se saisir des instruments mis à leur disposition pour augmenter la rémunération de leurs salariés sans menacer la survie de leur entreprise. Je pense à la participation, à l’intéressement et à la prime défiscalisée !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce ne sont pas des salaires !

M. Bruno Le Maire, ministre. Utilisez ces instruments qui augmentent la rémunération sans affecter la survie de votre entreprise.

En revanche, quelques entreprises font des bénéfices importants. Elles doivent participer à l’effort collectif, mais elles doivent y participer comme le font CMA CGM, TotalEnergies ou Engie, c’est-à-dire en rendant l’argent directement aux Français, plutôt qu’au Trésor public.

M. Pascal Savoldelli. De gré à gré ? Nous allons bientôt en revenir au troc !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il est plus juste, plus efficace, plus conforme aux convictions de cette majorité…

M. Vincent Éblé. Mais moins obligatoire !

M. Bruno Le Maire, ministre. … de procéder de cette manière que de céder une fois de plus au réflexe pavlovien de la taxation.

Je m’adresse à mes amis du groupe Union Centriste : je ne crois pas que ce soit conforme à votre ADN politique que de multiplier les taxes et les prélèvements. (Marques dironie sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. David Assouline. Pourquoi d’autres pays l’ont-ils fait alors ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette approche que nous proposons est plus juste, car elle ne pénalise pas les entreprises, que vous allez toutes frapper de manière indifférente, quelle que soit leur situation, par une taxe qui les couvrira sans exception.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Non, uniquement celles qui font des superprofits !

M. Bruno Le Maire, ministre. Elle est plus efficace, car l’argent ira directement dans les poches de nos compatriotes : 20 centimes d’euro de remise à la pompe, cela amène le litre de carburant à 1,50 euro à la rentrée. Et je pense que nos compatriotes préféreront payer le litre d’essence à ce prix en septembre plutôt que de savoir qu’une ligne du Trésor public sera abondée à la fin de l’année grâce à une nouvelle taxe !

M. Christian Cambon. Ça, c’est sûr !

M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin cette approche est plus conforme à notre ligne politique, car elle va dans le sens de la baisse des impôts et favorise l’attractivité de notre territoire.

À tous ceux qui me citent sans cesse l’exemple de la Grande-Bretagne ou de l’Italie, qui vont taxer les superprofits, je rappelle que ces pays ont des industries productrices – notamment la Grande-Bretagne, qui extrait du pétrole en mer du Nord – et de 10 à 15 points de prélèvements obligatoires de moins que la France. (Exactement ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Quand on est le pays le plus taxé de tous les pays européens, on n’ajoute pas une taxe supplémentaire à toutes les taxes qui existent déjà ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Pascal Savoldelli. C’est un meeting !

M. David Assouline. M. Retailleau est content !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci Les Républicains !

M. le président. Allons, mes chers collègues, un peu de calme !

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. La seule chose qui menace la démocratie, c’est l’ennui. Je sais que sur les travées du Sénat les débats seront animés. Il ne s’agit pas de faire des meetings politiques, mais il ne faut pas non plus que la démocratie tombe dans l’ennui. Dans le respect et la considération de chacun, ayons la volonté d’exprimer avec force et conviction nos arguments. C’est ce qui rendra notre débat intéressant aux yeux de nos compatriotes.

Nous proposons enfin la suppression de la contribution sur l’audiovisuel public, qui rendra 138 euros de pouvoir d’achat aux ménages.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est une proposition qui animera également, j’en suis certain, notre débat public.

Cette décision est conforme à notre politique constante de baisse des impôts. Nous avons travaillé à un dispositif de financement durable de l’audiovisuel public, gage de son indépendance.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. En tout état de cause, j’espère que nous parviendrons à un équilibre constructif sur ces sujets.

Enfin, je vous remercie de votre présence aujourd’hui, un 1er août. Le débat s’est prolongé très tard dans l’été.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Merci à vous ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est toujours avec beaucoup de joie que je suis présent dans cet hémicycle pour discuter et dialoguer avec mes amis sénateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci d’être passé, n’hésitez pas à rester ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis deux ans, face aux aléas, aux incertitudes, aux soubresauts, notre réponse n’a jamais varié : à grands défis, grands moyens.

Pendant la pandémie, nous avons assumé l’installation de puissants amortisseurs. Le « quoi qu’il en coûte » a inspiré l’investissement inédit d’une puissance publique résolue à sauver les entreprises, à préserver les compétences des salariés, à protéger le pouvoir d’achat ; un investissement salué par les économistes, mais aussi par les Français. La France des entrepreneurs, des artisans, des commerçants, en particulier, a redécouvert que l’État, plus particulièrement l’État-providence, était là aussi pour eux.

Ce choix de la protection, nous l’avons fait sans jamais perdre de vue notre boussole : la préparation de l’avenir. Par-delà les crises, nous n’avons jamais cessé d’agir, avec deux lignes de force majeures : la valorisation du travail et la transition écologique et énergétique.

Or nous n’aurions pu ni protéger sur le moment ni préparer l’avenir, si, dès le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, nous n’avions remis de l’ordre dans nos comptes.

C’est parce que notre pays a regagné sa crédibilité en repassant en 2018 sous le seuil européen des 3 % de déficit public que nous avons pu emprunter pour protéger les Français alors que sévissait la covid-19. C’est parce que notre pays est sorti de la procédure de déficit excessif à Bruxelles que nous avons regagné une certaine crédibilité en Europe et pu convaincre nos partenaires de déployer un plan de relance historique.

Face au retour de l’inflation, face aux difficultés de la vie chère pour nos concitoyens, nous continuons à agir pour protéger les Français. Nous continuons à prendre des mesures pour être à leur côté et pour amortir au maximum le coût de l’inflation. Nous le faisons en maintenant le cap fixé il y a cinq ans et porté par Bruno Le Maire. Et nous poussons encore davantage les moteurs de notre stratégie : moins d’impôts, moins de dette, plus de croissance.

Nous le faisons avec deux lignes de force, qui, je le sais, résonneront particulièrement dans cet hémicycle : la recherche du compromis et la responsabilité.

La recherche du compromis…

M. David Assouline. Compromis à droite !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … est bien connue dans cette assemblée. Malgré ma très jeune expérience, j’ai pu mesurer, chaque fois que j’ai eu à défendre des textes devant vous ou à travailler avec vous, que le Gouvernement parvenait toujours à trouver des compromis au service de l’intérêt général avec les différents groupes, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition. Je suis persuadé qu’il en ira de même pour ce débat.

M. David Assouline. Entre la droite et la droite !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. La responsabilité, c’est de continuer à préserver nos finances publiques. J’ai entendu ces dernières semaines un certain nombre de déclarations, formulées notamment par la majorité sénatoriale, sur l’importance de préserver nos comptes et de maintenir une trajectoire de réduction des déficits. C’est un enjeu absolu de crédibilité ; c’est un enjeu également en termes de pérennité pour les services publics.

Nous maintenons notre cap, et les Français le voient. C’est pour cela que ce PLFR est un PLFR de stabilité et de dignité. Stabilité de notre politique économique et dignité, car, face à l’inflation, nous ne mettons pas davantage la tête des Français sous l’eau par le poids des impôts qui augmentent : nous les aidons à vivre quand la vie devient trop chère.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que nous vous présentons aujourd’hui traduit donc un effort massif pour un défi d’ampleur.

Cet effort massif de 44 milliards d’euros se décompose en trois blocs : des crédits budgétaires pour protéger aujourd’hui le pouvoir d’achat des Français ; des crédits budgétaires pour continuer de préparer l’avenir ; des crédits budgétaires, enfin, pour honorer nos engagements financiers et financer l’alourdissement de la charge de la dette. Ces trois blocs traduisent à la fois l’ambition qui est la nôtre et le cadre dans lequel nous agissons, qui est un cadre contraint.

Ainsi, et contrairement à ce qu’indique son intitulé, ce texte n’est pas le reflet d’une trajectoire que l’on rectifie ou d’une ligne que l’on corrige à la marge. Non, ce texte est un puissant réacteur au service des Français, de notre économie, de notre cohésion. Il est le moteur d’une stratégie visant à permettre aux Français de dépenser moins et de gagner plus.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ah oui ! (Sourires.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dépenser moins pour l’énergie à la maison, grâce à la prolongation du bouclier tarifaire jusqu’à la fin de l’année, comme Bruno Le Maire l’a rappelé.

Dépenser moins pour se déplacer, grâce aux crédits que nous ouvrons pour accompagner les Français en la matière.

Dépenser moins pour payer ses impôts, avec la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Les débats à ce sujet seront nourris, mais il me semble que les garanties que nous avons apportées, avec celles que nous pourrons ajouter dans le cadre du débat, nous permettront de vous convaincre.

Gagner plus avec le financement des revalorisations des prestations sociales, des retraites ou de la rémunération de nos fonctionnaires.

Gagner plus également avec les avancées qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale pour valoriser celles et ceux qui travaillent dans notre pays. Je pense, notamment, au relèvement à 7 500 euros du plafond d’exonération des heures supplémentaires, ou encore à la possibilité de monétiser les RTT.

Certains d’entre vous, notamment au sein de la majorité sénatoriale, souhaitent que ces dispositifs soient pérennisés. Fidèles à l’esprit de compromis qui nous anime, particulièrement pour ce qui concerne la valorisation du travail, nous ferons preuve d’ouverture sur ces sujets.

Ce texte répond au choc d’aujourd’hui, mais il vient également préparer l’avenir, tout d’abord en maintenant notre trajectoire budgétaire. Car un pays qui ne tient pas ses comptes ne peut pas être, demain, un pays libre et fort.

Il s’agit de préparer l’avenir en renforçant notre souveraineté industrielle et la transition énergétique, avec le financement de la prise de contrôle à 100 % d’EDF et la prolongation du bonus écologique pour les Français qui changent de véhicule.

Il s’agit également de préparer l’avenir en modernisant notre rapport avec les entreprises et en luttant contre la fraude grâce à la facturation électronique pour les entreprises. Je sais que la majorité sénatoriale défendra un amendement visant à lancer la carte Vitale biométrique pour lutter contre la fraude. Là aussi, nous y sommes favorables.

Il s’agit aussi de préparer l’avenir en continuant à agir pour l’emploi, avec des crédits supplémentaires pour l’apprentissage – 1,8 milliard d’euros pour France compétences et près de 750 millions d’euros pour les primes d’apprentissage. Ces chiffres reflètent le dynamisme de cette politique, une réussite majeure du précédent quinquennat, qui nous permet d’avoir plus de 700 000 jeunes en apprentissage, alors qu’ils étaient moins de 300 000 en 2017.

Au cours de l’examen de ce texte, nous aurons des échanges, des débats, des discussions sur un certain nombre de mesures ou de paramètres. Ces débats témoigneront d’une chose : nous avons tous la volonté de répondre présents pour protéger nos concitoyens face au choc économique mondial que nous traversons. Mais il y aura, au cœur de nos débats, deux grandes questions qui émergeront.

Première question : ce choc conjoncturel doit-il nous conduire à priver nos services publics et notre modèle social des ressources indispensables à leur pérennité, en adoptant des baisses de taxes ou d’impôts pérennes, massives et surtout non ciblées, qui ne changeraient pas la vie des Français ?

Seconde question : nos choix doivent-ils nous conduire à nous priver de toute marge de manœuvre pour continuer à préparer l’avenir et à investir ?

Vous le savez, nous répondons par la négative à ces deux questions, parce que nous devons la vérité aux Français.

La vérité, c’est que la guerre en Ukraine nous a fait changer d’époque. Inflation forte, croissance plus faible : nous estimons désormais que le PIB devrait croître de 2,5 % en volume cette année – la croissance résiste, comme l’a dit Bruno Le Maire –, mais nous sommes conscients des aléas qui existent au niveau mondial.

La vérité, c’est que des risques pèsent sur nos finances publiques en raison de l’inflation et de la remontée des taux d’intérêt. La charge de la dette, que je rappelais au début de mon intervention, s’élèvera cette année à 17 milliards d’euros supplémentaires en comptabilité nationale ; c’est l’équivalent de deux fois le budget du ministère de la justice. Il faut le dire clairement : la parenthèse de l’emprunt gratuit est bel et bien refermée.

Toutes les décisions ayant pour conséquence d’alourdir les déficits et la dette que nous prenons le sont dans ce contexte, qu’il faut toujours avoir en tête. C’est pourquoi nous préférons prendre des mesures ciblées, temporaires et qui répondent véritablement aux difficultés constatées sur le terrain.

En clair, nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? »,…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … c’est-à-dire de la logique presque inconditionnelle qui a prévalu au plus fort de la crise du covid-19 à une approche plus ciblée, plus juste et donc plus efficace, tout en étant soutenable pour les finances publiques.

À ce titre, nous réaffirmons notre objectif : maintenir le déficit de nos administrations publiques à 5 % cette année et le ramener en dessous de 3 % d’ici à la fin du quinquennat.

Nous assumons de tenir les comptes, pour respecter nos engagements, pour conserver notre indépendance et pour préserver une force de frappe, une force d’investissement budgétaire, face aux grands défis que nous devrons affronter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous en déduisez donc les lignes rouges que nous refuserons toujours de franchir dans ce débat : laisser filer les comptes et augmenter les impôts.

Je vous disais, au début de mon intervention, que nous nous trouvions à un moment charnière. Ce texte est capital, en raison du contexte dans lequel il s’inscrit, par les moyens financiers exceptionnels qu’il met en œuvre et parce que, pour la première fois, nous supprimons un deuxième impôt en cinq ans, avec la réforme du financement de l’audiovisuel public.

Alors que le projet de loi initial faisait le choix d’un financement au travers de crédits budgétaires, le groupe majoritaire de l’Assemblée nationale a opté pour l’affectation d’une fraction de TVA, ce mode de financement étant considéré comme offrant davantage de garanties aux sociétés audiovisuelles et à leurs salariés.

Le débat aura lieu tout à l’heure ici, comme il a eu lieu à l’Assemblée nationale il y a quelques jours.

Je sais qu’un certain nombre d’entre vous considèrent que nous aurions dû consulter davantage. Je veux rappeler qu’il y a eu énormément de rapports et de travaux menés, notamment au sein de cette assemblée. Je pense au très bon rapport de MM. Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi,… (Exclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Merci ! (Sourires.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … qui a été remis il y a quelques mois.

M. Vincent Éblé. Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute…

M. David Assouline. Il y a eu d’autres rapports avant !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Tout à fait, monsieur Assouline.

Dans ces nombreux travaux, tout le monde s’accorde sur le fait que la contribution à l’audiovisuel public telle qu’elle existe aujourd’hui est obsolète, injuste et datée, et qu’il faut la supprimer.

M. David Assouline. Cela, on le sait depuis longtemps. Vous n’avez rien fait pendant cinq ans !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous aurons ce débat, qui est important.

De la même manière, nous souhaitons, Bruno Le Maire et moi-même, trouver le bon point d’équilibre s’agissant de la réponse à apporter aux demandes de soutien des collectivités locales fragiles, dans un contexte d’inflation des prix de l’énergie, ainsi que de revalorisation du point d’indice et du RSA.

Je veux rappeler, à la suite de Bruno Le Maire, que le mécanisme de filet de sécurité qui a été introduit dans le texte à l’Assemblée nationale est une traduction concrète de l’esprit de dialogue qui nous anime. La rédaction de l’article 4 ter est en effet le fruit d’un travail engagé avec l’ensemble des groupes politiques qui ont, en bonne intelligence, conforté l’amendement proposé par la députée socialiste Christine Pires Beaune.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela fait quatre fois qu’on le cite !… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je sais que de nombreux amendements, émanant de l’ensemble des groupes, ont été déposés sur ce sujet.

J’espère que notre débat permettra de définir les bons critères, afin de cibler les collectivités qui ont besoin d’un soutien, sans constituer une charge démesurée pour le budget de l’État. Nous devrons alors garder en tête que nous aurons rendez-vous au moment de l’examen du projet de loi de finances pour aborder de manière plus structurelle la question du financement des collectivités locales.

Ce qui nous rassemble aujourd’hui, c’est l’urgence de répondre aux Français et aux collectivités qui connaissent le plus de difficultés. Je ne crois pas que ce soit le moment de tenir un grand débat sur le financement des collectivités locales : l’examen du projet de loi de finances est fait pour cela !

Dernière illustration de cet esprit de dialogue : l’Assemblée nationale a voté une dotation de 10 millions d’euros pour soutenir les collectivités en matière de renouvellement des titres sécurisés. En effet, nous le savons, nombre de nos concitoyens peinent encore à obtenir un rendez-vous pour refaire leur carte d’identité ou leur passeport.

Après avoir discuté avec plusieurs sénateurs, notamment M. le rapporteur général, Jean-François Husson, qui a déposé un amendement tendant à renforcer le dispositif, je pense, avec Bruno Le Maire, qu’il est justifié de procéder à ce renforcement. Nous soutiendrons donc son amendement.

M. Vincent Éblé. Et avec quelles contreparties ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour les collectivités locales comme sur tous les autres sujets, faisons en sorte de définir ensemble le meilleur dispositif, en cessant d’opposer finances locales et finances de l’État, car, à la fin, il n’y a qu’un seul contribuable et qu’un seul citoyen : celui que nous avons le devoir de servir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous pensons tous que l’État doit apporter son soutien à ceux qui sont confrontés à ce nouveau contexte des prix qui s’envolent depuis quelques mois, contexte qui touche aussi bien les entreprises et les collectivités que nos concitoyens, singulièrement les plus fragiles d’entre eux. Tel est, notamment, l’objet de ce projet de loi de finances rectificative.

Depuis la crise sanitaire, la France semble s’être habituée à une réponse permanente des pouvoirs publics à chaque crise.

Or il faut trouver le bon niveau de réponse, sans risquer d’entretenir l’inflation ou de rendre ensuite plus difficile le financement de nos dépenses, dans un contexte de hausse des taux et de renchérissement de la dette, et sans oublier l’état de nos finances publiques, qui continuent de se dégrader de manière préoccupante.

Le ministre chargé des comptes publics vient de déclarer que nous serions passés du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? ».

Selon moi, monsieur le ministre, le « combien ça coûte ? » coûte aussi cher que le « quoi qu’il en coûte », avec déjà 40 milliards d’euros consacrés aux réponses apportées à l’accélération de l’inflation cette année, le risque étant que cela dure encore un certain temps.

Le texte qui nous est soumis prend acte de la dégradation de la situation économique depuis décembre dernier, avec une prévision de croissance du PIB qui baisse ainsi de 4 % à 2,5 %. Alors que celle-ci pouvait paraître quelque peu optimiste, de bonnes nouvelles sont arrivées de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, vendredi dernier, avec une première estimation de la croissance économique au deuxième trimestre de 2022 qui est plus rassurante et qui donne du crédit à cette prévision.

J’observe toutefois que la consommation des ménages continue de baisser et que les indicateurs conjoncturels sont au plus bas. Je note aussi que le FMI vient de réviser sa prévision de croissance pour l’année 2023 de 1,3 % à 1 %. Il nous faut donc rester prudents.

Le projet de loi de finances rectificative traduit aussi le contexte inflationniste dans lequel nous évoluons, qui contribue non seulement à dégrader la consommation des ménages et l’investissement des entreprises et, par suite, nos perspectives de croissance, mais également à accroître le niveau des taux d’intérêt, notamment ceux des obligations souveraines.

Dans l’ensemble, les mesures prises par l’État – bouclier tarifaire, remise à la pompe, indemnité inflation, etc. – ont eu des effets positifs sur l’évolution des prix et le revenu des agents. Néanmoins, messieurs les ministres, ces résultats ont évidemment un revers : celui de l’aggravation de la situation des comptes publics, soit, en clair, leur détérioration.

Certes, le PLFR révise à la hausse les prévisions de recettes publiques pour 2022, avec 50 milliards d’euros supplémentaires au titre des prélèvements obligatoires. Mais, en parallèle, les dépenses publiques augmentent de 60 milliards d’euros.

Le niveau de nos dépenses publiques n’est donc plus tout à fait en phase avec les objectifs de la loi de programmation, les dépenses primaires s’établissant à 5 % au-dessus de leur niveau prévu.

À cet instant, je constate que votre gouvernement laisse filer la dépense, alors même que nous sommes confrontés au défi tant redouté de la dégradation des conditions de financement de notre dette : la charge de la dette – M. Attal vient de le rappeler – représente cette année 18 milliards d’euros supplémentaires ; excusez du peu !

L’analyse du seul budget de l’État illustre très concrètement la politique du « combien ça coûte ? » du Gouvernement.

Ainsi, les ouvertures de crédit de 53,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 47,6 milliards d’euros en crédits de paiement sont les plus élevées jamais observées dans un collectif budgétaire depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). C’est considérable !

Les seules dépenses pilotables sont en hausse de 27 milliards d’euros, dont 18,1 milliards d’euros supplémentaires par ce seul projet de loi de finances rectificative. J’ai le sentiment qu’il n’y a plus de pilote pour les dépenses de l’État !

Le texte anticipe un déficit de 177,8 milliards d’euros, en hausse de 25 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. En revanche, l’endettement au titre de l’année 2022 se maintient.

Pour autant, c’est bien toujours avec une dette que le déficit est financé, à savoir celle qui a été contractée il y a deux ans, en 2020 : l’État avait alors dimensionné ses émissions de titres de dette par rapport au déficit prévu en milieu d’année, et le déficit s’était révélé moins élevé que prévu. L’État a conservé cette trésorerie surabondante, qu’il propose d’utiliser pour financer le déficit actuel.

Pour résumer, mes chers collègues, ce PLFR prévoit 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, financées par 30 milliards de surcroîts de ressources et par 20 milliards d’euros de dette émise il y a deux ans.

Vous le voyez, les dépenses nouvelles s’accumulent pour la troisième année consécutive. Or, si l’on pouvait espérer que la crise sanitaire soit temporaire, ce n’est pas le cas de la crise énergétique et environnementale qui s’annonce.

On verra peut-être le prix du carburant et du gaz redescendre temporairement, si les tensions internationales viennent à s’apaiser. Mais, ne nous y trompons pas, c’est un monde nouveau qui s’annonce, auquel nous devons nous adapter et dans lequel les mesures budgétaires ne pourront pas constituer des réponses durables : le soutien du pouvoir d’achat par la dépense publique a atteint ses limites.

Très prochainement, ce sera l’heure des choix douloureux. Quelle dépense publique voulons-nous ? À quel niveau ? Quelles priorités fixons-nous, alors que nous ne pourrons plus nous financer aussi facilement par la dette et que la dette accumulée pèsera dans nos comptes ?

Compte tenu de ces éléments, vous comprendrez que je n’aie pas proposé à la commission des finances de nouveaux dispositifs qui viendraient s’ajouter à la liste, déjà longue, de ceux qui sont prévus dans le projet de loi pour le pouvoir d’achat et dans le PLFR.

Le texte, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale comprend des avancées qui vont dans le bon sens, comme la hausse du plafond applicable pour la défiscalisation des heures supplémentaires, ou encore la « monétisation » des RTT. Il faut en effet soutenir les salariés, en ces temps de pénurie de main-d’œuvre, et offrir de la souplesse dans la gestion du temps de travail.

La commission des finances propose d’ailleurs un amendement qui vise à rendre pérenne la hausse du plafond applicable à la défiscalisation des heures supplémentaires, à 7 500 euros ; je vous remercie, monsieur le ministre, de l’avis bienveillant que vous avez bien voulu donner à cet égard.

Soutenir la valeur travail et les salariés les plus exposés, les plus précaires, c’est également ce qui a guidé notre choix de remplacer la prime de rentrée exceptionnelle, réservée aux minima sociaux, par une majoration exceptionnelle « coup de pouce » de la prime d’activité.

S’il faut mettre fin à la « politique du chèque permanent », nous prévoyons en revanche une rallonge de la participation financière de l’État à l’exercice des missions des banques alimentaires à hauteur de 40 millions d’euros, afin de tenir compte des importantes difficultés d’approvisionnement qu’elles connaissent.

En ce qui concerne le bouclier mis en place au titre de l’énergie, nous nous rallions globalement à ce qui a été décidé, notamment avec un soutien, pour tous et plus important, par le biais de la remise carburant. Je suis aussi favorable à l’extension du bouclier tarifaire aux ménages qui se chauffent au fioul. Les 230 millions d’euros votés à l’Assemblée nationale ne seront pas de trop.

Pour autant, j’estime que nous arrivons au bout de la logique : la transition écologique doit être menée, il nous faut recouvrer notre souveraineté énergétique et l’état de nos finances publiques ne nous permettra pas de poursuivre ainsi au-delà de la fin de cette année. Par exemple, la mesure sur le fioul doit être ciblée, si l’on veut qu’elle représente un soutien financier suffisamment important pour ceux qui en ont besoin et pour éviter le saupoudrage.

M. Ronan Dantec. Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous regrettons vivement la perte de 3 milliards d’euros que représente la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Le montant de TVA qui la remplace, c’est autant qui ne sera pas utilisé à autre chose ; il ne peut de toute façon être affecté que jusqu’à la fin de 2024, en vertu de la LOLF.

Le Gouvernement doit donc utiliser les deux années à venir pour mener une véritable réforme de l’audiovisuel public, en y associant un mode de financement efficace. À cet égard, les propositions de la mission menée par Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi sont sur la table : messieurs les ministres, saisissez-vous-en, vous gagnerez du temps !

Concernant les compensations allouées aux collectivités territoriales, la commission des finances propose, tout d’abord, de renforcer le filet de sécurité issu des travaux intergroupes de l’Assemblée nationale et relatif au bloc communal, en assouplissant ses critères d’éligibilité et les modalités de calcul de l’aide.

Dans la même logique que la compensation pour les départements de la revalorisation du RSA, nous proposons également de compenser pour les régions le coût de la revalorisation des rémunérations versées aux stagiaires de la formation professionnelle.

Enfin, nous continuons de refuser les réserves de budgétisation que le Gouvernement se constitue. L’expérience de 2021 et les nouveaux reports de crédits massifs réalisés au début de 2022 – plus de 29 milliards d’euros, messieurs les ministres ! – montrent que les pratiques se poursuivent. Aussi, nous proposons de supprimer 4,5 milliards d’euros qui ne nous paraissent pas justifiés.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous œuvrerons ainsi en faveur d’une gestion budgétaire rigoureuse, en évitant de prendre le pli de certaines aisances ou facilités, contraires au redressement nécessaire de nos comptes publics, afin d’offrir à la France et aux Français un meilleur avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui est présenté par le Gouvernement comme le second volet de son « paquet » pouvoir d’achat. Mais il ne se résume pas à cela.

Tout d’abord, c’est un collectif budgétaire, qui prend en compte le nouveau contexte macroéconomique, avec une baisse de la prévision de croissance de 4 % à 2,5 % et d’importants ajustements en recettes et en dépenses.

Ce projet de loi intègre aussi des mesures nouvelles, qui ne sont pas toutes liées au pouvoir d’achat, comme la suppression de la redevance pour l’audiovisuel public, le report d’un an de la suppression de la fiscalité spécifique au gazole non routier, ou encore la renationalisation d’EDF.

Enfin, et surtout, il présente une réponse très partielle aux problèmes de pouvoir d’achat de certains de nos compatriotes. L’Insee vient d’indiquer que l’inflation avait atteint, en juillet, 6,1 % sur un an : avant même ces nouveaux chiffres, le choc en 2022 était déjà estimé à 66 milliards d’euros, soit environ 1 000 euros par habitant et 4,3 % du revenu des ménages.

Enfin, l’OFCE a calculé que, sur 5 % d’inflation générale, les 10 % des ménages les mieux lotis subissaient une inflation de 2,5 %, tandis que les 10 % des ménages les plus exposés subissaient une inflation de 8,5 %. La réponse doit donc être différenciée, ce qui n’est pas suffisamment le cas dans ce PLFR.

Du point de vue des équilibres, ce collectif aggrave le déficit du budget de l’État. La hausse des dépenses est en effet très significative, de 44,2 milliards d’euros, dont la moitié pour le pouvoir d’achat, ce que ne compense pas la réévaluation des recettes fiscales. La charge budgétaire de la dette augmente, dès cette année, de 11,9 milliards d’euros.

Il ne s’agit pas, pour moi, de remettre en cause la nécessité de soutenir les ménages ou de renforcer l’intervention publique face aux défis qui s’annoncent, notamment en matière de résilience et de transition énergétiques.

Je ne puis en revanche que le déplorer, dans la situation particulièrement délicate que nous connaissons, avec des comptes publics dégradés, des perspectives de croissance incertaines et une hausse, qui elle est certaine, des taux d’intérêt, le Gouvernement poursuit sa politique de « désarmement fiscal ».

Aujourd’hui, la suppression de la redevance audiovisuelle créerait un nouveau manque à combler de 3,7 milliards d’euros et fragiliserait l’audiovisuel public. Demain, la poursuite de la baisse des impôts de production aggraverait la situation de plusieurs milliards d’euros, alors même que l’essentiel des baisses d’impôts déjà réalisées s’est fait sur le dos de la dette.

En regard, une nouvelle fois, rien n’est proposé pour prélever les acteurs économiques ayant les plus fortes capacités contributives, afin de rééquilibrer les comptes : aucun projet d’imposition du patrimoine, alors que l’épargne accumulée au cours de la crise par les plus hauts déciles de revenus est très importante, aucune taxation des bénéfices exceptionnels de certaines grandes entreprises…

Comment, à ce stade de mon propos, ne pas évoquer les résultats des grands groupes énergéticiens français, au premier rang desquels TotalEnergies, avec un triplement des profits semestriels à 18,7 milliards de dollars pour une production du même ordre qu’en 2021, une « aubaine de marché supportée par nos concitoyens », comme l’a écrit récemment notre collègue députée Valérie Rabault ?

Comment peut-on accepter, monsieur le ministre, vos propos : « Taxer TotalEnergies n’est qu’une facilité et non une mesure de justice » ? Affirmer que la reprise d’un bénéfice exceptionnel conjoncturel pour le redistribuer vers les populations les plus fragiles de notre pays, lesquelles d’ailleurs participent à la constitution de ce bénéfice, ne serait pas une mesure de justice, il faut oser…

Par ailleurs, comment mettre en parallèle quelques mesurettes – excusez-moi de les qualifier ainsi –, d’un coût de 500 millions d’euros tout de même, mais mal ciblées – non par votre faute, monsieur le ministre, mais par celle de quelques députés, que je ne citerai pas –, et les 5 milliards d’euros au minimum, soit dix fois plus, que cette taxe pourrait rapporter ? Il est d’ailleurs savoureux de constater que nos grandes entreprises arguent d’une activité internationale lorsque tout va bien et d’un siège social en France lorsque les crises surviennent…

De tout cela, les Français ne veulent plus ! Quand, en outre, TotalEnergies annonce qu’une partie de ses profits seront consacrés, non pas au développement, non pas à la transition énergétique, peut-être à l’amélioration des salaires de ses employés, mais, surtout, pour au moins 2 milliards d’euros, au rachat de ses actions, avec pour seul objectif de faire monter la valeur de ces dernières, alors oui, mes chers collègues, je vous le dis, agissons et votons cette taxe exceptionnelle ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mmes Esther Benbassa et Nathalie Goulet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au soir de sa victoire, le 24 avril dernier, le Président de la République avait eu ces mots : « Ce vote m’oblige pour les années à venir, cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève. La colère et les désaccords doivent aussi trouver une réponse, il faut enfin considérer toutes les difficultés des vies vécues et des difficultés qui se sont exprimées. »

M. Éric Bocquet. Nous voilà trois mois plus tard, en séance, pour débattre d’un projet de loi de finances rectificative qui aurait dû marquer le début de cette ère nouvelle qui nous fut annoncée par l’oracle de l’Élysée. Du discours aux propositions formulées, le gouffre est béant.

Pendant les deux campagnes du printemps, les fractures profondes qui minent notre société sont clairement apparues, et, parmi les préoccupations de nos compatriotes, s’est exprimée très fortement la question du pouvoir d’achat.

Ainsi, ce sont 40 % des Français qui ne partent pas en vacances cette année dans notre pays, pourtant sixième puissance économique mondiale. Celles et ceux qui partent constatent la hausse vertigineuse du prix des carburants, qui les privera des petits plaisirs des vacances – la sortie au restaurant en famille ou la crème glacée offerte aux enfants au soleil de la canicule. (Murmures sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

M. François Patriat. C’est Gervaise !

M. Éric Bocquet. Sans doute ces automobilistes ont-ils apprécié d’apprendre que le groupe TotalEnergies, dont il est beaucoup question ces jours-ci, a réalisé un bénéfice net de 17,7 milliards d’euros pour le premier semestre 2022, et que, de surcroît, ce groupe n’a pas payé d’impôt en France en 2020 et 2021.

La Fédération française des banques alimentaires (FFBA) a réalisé, il y a quelques semaines, une étude visant à mesurer l’impact de l’inflation, qui vient de franchir la barre des 6 %, sur les personnes accueillies dans le réseau des banques alimentaires, premier réseau d’aide.

Les banques alimentaires viennent en aide à 2,2 millions de personnes en situation de précarité. Je relèverai trois des constats que cette étude met en évidence : tout d’abord, une hausse du budget alimentation pour la moitié des foyers interrogés ; ensuite, une hausse des prix qui affecte davantage les familles avec enfants ; enfin, un report massif sur les produits les moins chers.

De l’autre côté du spectre, nous avons évoqué la santé économique de TotalEnergies, un groupe qui n’est pas une exception. L’ensemble des entreprises du CAC 40 ont dégagé collectivement quelque 174 milliards d’euros de bénéfices – du jamais-vu dans l’histoire du capitalisme français ! –, et une hausse de 70 % par rapport au précédent record. Rapporté à une échelle plus humaine, plus accessible au commun des mortels, les groupes du CAC 40 ont gagné 5 517 euros chaque seconde ! Ainsi la question des superprofits a-t-elle légitimement surgi dans les débats.

Nous pourrions tout autant citer Engie, qui a engrangé des profits records l’an dernier, avec 3,7 milliards d’euros. Le logisticien CMA CGM (Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime), qui transporte des conteneurs, a réalisé 18 milliards d’euros de profits en 2021 et a déjà encaissé 7,2 milliards d’euros au premier trimestre de 2022.

Cela a été dit, l’Italie et le Royaume-Uni ont tous deux mis en place une taxe sur les superprofits des énergéticiens, à hauteur de 25 %, et d’autres États européens ont suivi le même chemin. À l’évidence, en France, les actionnaires sont cajolés, dorlotés, chouchoutés.

Lors du quinquennat précédent, vous avez fait le choix de baisser la fiscalité du capital, avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les dividendes.

Ces choix n’ont eu comme effet que de concentrer davantage encore la richesse, puisque les 10 % les plus riches détiennent la moitié des actifs qui financent l’économie. Y a-t-il eu au moins un effet sur l’investissement ? On peut en douter.

Monsieur le ministre, vous appelez régulièrement à la modération en matière de distribution de dividendes et, s’agissant du pouvoir d’achat, vous demandez aux entreprises qui le peuvent de faire un geste. À l’évidence, ces gestes ne sont que des signaux faibles, souvent même très faibles.

TotalEnergies a annoncé une remise d’été de 12 centimes d’euro par litre, valable uniquement en juillet et en août, et seulement sur les autoroutes.

La compagnie de conteneurs CMA CGM offre, de son côté, une ristourne de 500 euros sur les conteneurs de l’Asie vers la France à partir d’août, et ce pour un an.

Entre-temps, nous apprenons que le PDG de cette compagnie, M. Rodolphe Saadé, figure désormais à la cinquième place du classement annuel des grandes fortunes publié par le magazine Challenges, grâce à une augmentation de sa fortune de plus de 30 milliards d’euros.

La source de ces énormes profits n’est pas, on le sait, dans l’invention d’un produit révolutionnaire. L’entreprise bénéficie simplement d’une situation anormale, hors marché, de pénurie. Et nous devrions nous interdire de taxer ces superprofits ?

Ce projet de loi de finances rectificative, c’est le gras pour les uns et quelques miettes pour l’immense majorité des autres !

Notre société est fracturée, nous l’avons dit. Et pour combattre le cancer des inégalités, vous prescrivez l’usage du paracétamol ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.)

Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le PLFR 2022 a pour finalité de contenir la hausse des prix et de protéger le pouvoir d’achat des ménages.

Le groupe Union Centriste souscrit à ces objectifs et proposera plusieurs mesures, à chaque fois ciblées, car il a bien retenu, monsieur le ministre de l’économie, votre message d’il y a un an : la fin du « quoi qu’il en coûte » et le soutien à ceux qui en ont besoin.

Il y a un mois, plus sombre, vous déclariez : « Tout n’est pas possible, tout simplement parce que la France a atteint la cote d’alerte sur les finances publiques. » Étant aussi inquiets que vous, nous sommes très déterminés, car la dette est devenue très chère.

Pour commencer, relever de 18 à 30 centimes d’euro la remise carburant ne nous paraît pas judicieux, et cela pour cinq raisons.

Premièrement, contrairement à ce que vous souhaitez, la baisse ne cible personne et touchera tous les niveaux de revenus. Elle bénéficiera même deux fois plus aux plus aisés, comme le souligne justement le Conseil d’analyse économique (CAE), qui constate que « les rabais sont des mesures inefficaces et coûteuses ».

Deuxièmement, non seulement elle bénéficie à tous les revenus en France, mais aussi, et c’est encore pire, à tous les étrangers, touristes ou frontaliers. Comme le disent mes voisins suisses : « C’est l’État français qui paie ! »

Troisièmement, lorsque l’on baisse un prix de 25 %, le producteur en profite pour remonter son tarif.

Quatrièmement, que se passera-t-il lorsque, dans quelques mois, le prix des carburants remontera de 50 centimes ? Aurons-nous un nouvel épisode « gilets jaunes » et 10 milliards d’euros de dépenses à la clé ?

Cinquièmement, le coût pour les finances publiques est inacceptable, car la dette finance ainsi sans limites, sans conditions de ressources ou de nationalité. C’est parfaitement contradictoire avec la fin du « quoi qu’il en coûte ».

À la place de cette mesure dispendieuse, nous proposerons un amendement de Michel Canévet visant à faire prendre en charge, via l’employeur, une partie des frais de déplacement des personnes qui travaillent, en contrepartie d’une réduction de charges patronales. Nous accordons les mêmes 30 centimes de réduction, mais seulement à celles et à ceux qui utilisent leur véhicule pour travailler.

Toujours soucieux des finances publiques, nous proposerons une contribution exceptionnelle sur les bénéfices de l’année 2021. Je sais, monsieur le ministre de l’économie, que vous n’y êtes pas favorable, puisque vous réduisez les propositions des sénateurs à des réflexes pavloviens. Mais les chiens de garde du Parlement que nous sommes veillent pourtant sur la Nation avec un esprit de justice fiscale et sociale.

Vous-même, monsieur le ministre, attaché à taxer les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), déclariez en décembre 2018 : « Il n’y a pas de succès économique sans justice sociale. » Aussi, nous proposons que l’État joue son rôle de régulateur en atténuant les effets des crises auprès de tous.

Par ailleurs, ce « réflexe pavlovien », le Gouvernement ne l’a-t-il pas eu en 2020, lorsqu’il a décidé d’une taxe de solidarité exceptionnelle sur les primes des organismes complémentaires de santé,…

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Sylvie Vermeillet. … afin de « compenser les profits générés par les mutuelles pendant la crise sanitaire » ?

Y a-t-il eu débat sur l’opportunité de cette mesure ? Non, c’était de la pure justice sociale. Mettre en place un prélèvement exceptionnel parce qu’il y avait un enrichissement exceptionnel lié à la crise du covid-19 était juste. Nous voulons la même chose concernant les sociétés qui voient leurs profits bondir à l’occasion d’une nouvelle crise.

Mme Sylvie Vermeillet. Nos voisins le font : l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Grèce et même le Royaume-Uni ! Les Allemands ne devraient pas tarder. Nous avons accepté de diminuer l’impôt sur les sociétés, nous pensons juste de prélever une contribution exceptionnelle, parce que la situation est exceptionnelle. Le Président de la République disait il y a quelques mois : « Pour moi, la justice sociale, c’est de prévenir les inégalités. » Eh bien, nous y sommes !

Nous proposons, par ailleurs, le report d’un an de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), parce que le sujet mérite une concertation et que celle-ci n’a pas eu lieu.

Mme Sylvie Vermeillet. Bien sûr, le mécanisme de la CAP est obsolète ; bien sûr, il s’agit d’une promesse du Président de la République. C’est pourquoi nous ne nous opposerons pas à sa suppression.

Néanmoins, pour une fois, prenons le temps de penser à tout, et à tous, pour mettre en place un dispositif satisfaisant le monde de la culture.

M. Laurent Lafon. Très bien !

Mme Sylvie Vermeillet. Au passage, nous économiserons 3,7 milliards d’euros, qui ne feront pas de mal aux intérêts de notre dette.

Enfin, dans le droit fil de votre judicieux bouclier tarifaire énergétique, Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, proposera une aide pour les communes qui voient leur facture énergétique s’envoler sans ressources supplémentaires. Hervé Maurey fera de même. Le dispositif voté par l’Assemblée nationale est trop restrictif, car les bases de compensation liées à l’évolution de l’épargne brute excluront trop de communes connaissant des difficultés multiples.

Voilà donc, messieurs les ministres, mes chers collègues, la ligne directrice du groupe Union Centriste, qui est particulièrement attentif à l’usage que nous allons faire de la dette publique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2022 est peut-être le véritable texte sur le pouvoir d’achat, comportant en particulier toutes les rallonges budgétaires attendues par nos compatriotes, après le projet de loi que nous avons examiné la semaine dernière dans des délais particulièrement contraints.

Ne nous faisons pas d’illusions, la situation budgétaire de l’État est difficile.

Après deux ans de pandémie et la politique du « quoi qu’il en coûte », qui a permis de maintenir à flot notre économie au prix d’un bond historique de l’endettement, nous sommes désormais confrontés à un retour de l’inflation causé à la fois par les effets du « déconfinement » de l’économie, par de multiples difficultés d’approvisionnement, qui s’expliquent par une hausse historique du prix du transport par conteneurs à l’échelle internationale et par des tensions sur l’importation de certains produits, et enfin par un affaiblissement de l’euro par rapport au dollar, lié aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine et aux sanctions qui affectent plus durement les Européens que les Américains.

La faiblesse de l’euro renchérit donc automatiquement le prix, établi en monnaie américaine, des ressources, notamment le pétrole.

À cela s’ajoute une situation politique nationale complexe depuis quelques semaines. La réélection du Président de la République en avril dernier, une première depuis l’instauration du quinquennat, a débouché sur un résultat paradoxal aux législatives, qui permet à certains groupes d’opposition de prétendre devenir des faiseurs de politique, au moment même où notre pays aurait besoin de décideurs responsables et lucides.

Le spectacle parfois ubuesque de l’examen du projet de loi pour le pouvoir d’achat et de ce PLFR par l’Assemblée nationale aura certainement laissé perplexes beaucoup de nos concitoyens quant à l’esprit de sérieux de certains membres de la représentation nationale. Ce n’est pas ainsi que nous concevons la politique.

Pour ce qui concerne les mesures du PLFR, notre groupe continuera de chérir sa liberté de vote – cela signifie que nous ne sommes pas toujours d’accord (Sourires.) ! –, par exemple pour des mesures aussi importantes que la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.

Les critiques adressées à l’encontre de cet impôt spécifique sont connues, bien que la question du financement soit essentielle. Nous veillerons lors des prochains exercices budgétaires à ce qu’il soit assuré à la hauteur de ce que nécessite un audiovisuel public de qualité et représentatif de la société. Mais, surtout, ce doit être l’occasion de débattre de ce que doivent être, pour un véritable service public de qualité, les rapports entre indépendance et pluralisme, afin de renforcer l’attachement des Français à leur audiovisuel commun.

Pour le reste, ce texte comporte des mesures techniques, comme la généralisation de la facturation électronique des transactions entre assujettis à la TVA, ou encore des ratifications de décrets, en particulier le décret d’avance de quelque 7 milliards d’euros adopté au printemps dernier, pendant la période électorale.

La poursuite et l’élargissement du champ des prêts garantis par l’État (PGE) illustrent la difficulté à sortir concrètement d’un dispositif conçu d’abord comme temporaire, mais largement plébiscité par les acteurs économiques, qui souhaiteraient qu’il soit maintenu. Enfin, un certain nombre de mesures visent à renforcer le soutien d’organismes internationaux à l’Ukraine.

Je salue pour ma part la majoration, à l’article 14, de la dotation pour les titres sécurisés, car l’on connaît les difficultés rencontrées actuellement par les collectivités pour le traitement des demandes de renouvellement de cartes d’identité et de passeports.

Des compensations en faveur des collectivités ont été votées à l’Assemblée nationale, pour faire face à la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires ou du RSA. Nous proposerons des amendements visant à aller plus loin dans ce sens, car ces compensations ne nous semblent pas suffisantes. Nous proposerons également de territorialiser davantage certaines aides, en particulier pour ce qui concerne la lutte contre la hausse des prix des carburants.

La renationalisation d’EDF paraît à la fois regrettable et nécessaire.

Avant de conclure, je n’oublie évidemment pas la question de la taxation des superprofits des entreprises : nous attendons beaucoup du débat qui aura lieu dans quelques instants.

En conclusion, ce PLFR, discuté en toute fin d’une session extraordinaire qui n’en finit pas, comporte des mesures nécessaires, bien que nous ne puissions repousser indéfiniment la question de la soutenabilité et de la dette.

Le groupe du RDSE, pour sa part, déterminera son vote à l’issue des débats et en fonction des modifications qui auront été apportées par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative, comme le projet de loi sur le pouvoir d’achat que nous venons de voter, se définit par ce qu’il comporte – les ministres l’ont rappelé –, mais aussi, et peut-être surtout, par ce qu’il ne contient pas. Dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat, la grande absente était ainsi la revalorisation des salaires. Dans le PLFR, il s’agit de la contribution du capital et de ceux qui le détiennent.

Néanmoins, la nouvelle situation politique permet de véritables avancées au Parlement. Cela a été le cas à l’Assemblée nationale pour les collectivités locales. Et face à l’urgence territoriale, nous espérons bien conserver, voire amplifier, les avancées obtenues sur ce point. C’est le rôle même du Sénat.

Nous avons également le devoir de faire un pas vers plus de justice fiscale, donc vers une participation des grandes entreprises et des plus fortunés à l’effort du pays. Nous ne voulions pas vous décevoir, monsieur le ministre…

J’ai compris que nous n’étions pas les seuls, à gauche, à le dire, et que cela allait bien au-delà. Le Gouvernement est aujourd’hui sur la défensive. Aussi, mes chers collègues, faisons preuve d’audace !

Bien sûr, nous pensons indispensable la création d’un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique, dont les recettes iraient vers des mesures plus solidaires de transition énergétique.

Ces recettes permettraient d’augmenter le pouvoir d’achat à la hauteur de l’inflation, sans entamer le reste à vivre des plus modestes, comme c’est le cas avec les mesures trop limitées qui nous sont présentées aujourd’hui, et sans toucher au temps de travail, comme le Gouvernement s’apprête à le faire avec le concours de la droite.

Par ailleurs, tout conduit à mettre en place une taxe exceptionnelle sur les superprofits des grandes sociétés de l’énergie et des transports. Cette mesure est tellement légitime qu’elle s’est invitée jusqu’au sein de la majorité présidentielle. D’autant que les ressources ne manquent pas quand on voit les bénéfices records annoncés par TotalEnergies et la CMA CGM.

Messieurs les ministres, renoncez au discours de l’impuissance, celui qui se contente de faire appel au bon vouloir des entreprises, car ce faux-semblant ne trompe plus personne. Regardez l’état de nos services publics et l’explosion des inégalités ! Rappelez-vous la crise des gilets jaunes : elle n’est pas si ancienne.

Vous noterez que nos propositions sont bénéfiques pour les finances publiques, puisqu’elles permettent de dégager au total près de 25 milliards d’euros de recettes. Il est temps d’ajouter au « combien ça coûte ? » le « combien ça rapporte ? ». Sinon, en s’obstinant dans son refus, le Gouvernement démontrerait qu’il est le gouvernement non pas de la maîtrise des finances publiques, mais bien du déficit !

Observez ce qui se passe chez nos voisins européens : un effort bien plus important est réalisé pour les transports publics, comme en Allemagne ou en Espagne, qui devraient nous servir d’exemples. Dans ces deux pays, comme en Italie et au Royaume-Uni, une taxe sur les superprofits voit le jour,…

M. Bruno Le Maire, ministre. Pas en Allemagne !

M. Rémi Féraud. … et cela n’a rien à voir avec le niveau global de la fiscalité pesant sur nos entreprises.

Vous voyez, messieurs les ministres, la taxation des superprofits est nécessaire et elle est possible. Ne ratons pas cette occasion !

Enfin, et je conclurai sur ce point, ce qui manque à votre texte, c’est un outil de préservation de notre démocratie. En effet, fragiliser le service public de l’audiovisuel aujourd’hui est une erreur, et même une faute. C’est pourquoi nous proposerons une nouvelle forme de redevance audiovisuelle, en revenant sur sa suppression pure et simple, présentée à tort comme une mesure de pouvoir d’achat.

C’est un enjeu essentiel pour notre démocratie, pour la qualité et l’indépendance de l’information et pour la création culturelle : le système que nous proposons est plus juste et progressif que l’actuelle redevance. Surtout, contrairement au vôtre, qui relève de l’improvisation et qui, avec la TVA, reprend d’une main ce qu’il a fait semblant de donner de l’autre, il préserve vraiment, via la nouvelle contribution que nous proposons, le financement spécifique et l’indépendance de l’audiovisuel public.

Ces dernières semaines, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour dire que la suppression de la redevance était une fausse bonne idée. Quand il s’agit de taxer les superprofits, il serait urgent d’attendre. Et là, pour supprimer un outil démocratique précieux, il n’y aurait pas une minute à perdre ? De grâce, soyons sérieux !

M. Rémi Féraud. Mes chers collègues, au-delà même des clivages partisans, prenons nos responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons cette après-midi a fait l’objet d’importants compromis tout au long de sa discussion à l’Assemblée nationale et a été adopté il y a plus de six jours à une très large majorité par nos collègues députés.

Je vous parle d’une très large majorité, car la majorité absolue des votants a été dépassée de 73 voix… C’est une victoire considérable pour la démocratie, compte tenu de la nouvelle configuration politique. La députée Véronique Louwagie soulignait notamment le souhait du groupe Les Républicains d’incarner une opposition raisonnable. Je ne puis qu’espérer que cet état d’esprit préside également à nos débats.

Je ne doute pas, mes chers collègues, que le Sénat saura faire preuve de responsabilité et trouver les mêmes voies constructives que nos collègues députés, qu’il remplira avec sagesse, une nouvelle fois, son rôle de chambre de compromis.

C’est une responsabilité d’autant plus grande que ce collectif budgétaire est le corollaire indispensable du texte sur le pouvoir d’achat que nous avons adopté vendredi dernier à la tombée de la nuit.

Je crois profondément que nous saurons trouver une issue raisonnable en commission mixte paritaire sur le texte relatif au pouvoir d’achat dès ce soir, comme nous le ferons au cours de la semaine sur ce projet de budget rectificatif qui nous est soumis.

Cet esprit de compromis, le Gouvernement en a fait preuve jusqu’à la fin de l’examen en séance publique, à la faveur d’un amendement visant à aider les ménages se chauffant au fioul – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Ce sont 230 millions d’euros qui, d’ici à l’hiver prochain, aideront nos concitoyens à surmonter le retour du froid sans subir de plein fouet la flambée des coûts de l’énergie.

Cet esprit de compromis, le groupe RDPI en prendra également sa part, en rejoignant l’initiative de notre rapporteur général de pérenniser le nouveau plafond d’exonération des heures supplémentaires.

Monsieur le rapporteur général, votre amendement nous paraît constituer une aide bienvenue à l’emploi, quand la prospérité de notre économie et la soutenabilité de nos finances publiques reposent en grande partie sur le dynamisme du marché du travail et la productivité de nos entreprises.

Cet esprit de compromis, enfin, nous l’avons vu à l’œuvre sur un sujet qui nous préoccupe tout particulièrement ici au Sénat. Je veux bien entendu parler des collectivités locales.

Nous n’oublions pas tout ce qui a été accompli depuis 2017, avec une capacité d’autofinancement brute qui s’est envolée de 23,2 % pendant le quinquennat, une trésorerie en hausse de 36,4 %, et des dépenses réelles d’investissement qui ont augmenté de 14,9 %, tout cela grâce aux mesures inédites de soutien et de compensation dynamique que nous avons mises en place. Je n’oublie pas non plus le dynamisme d’un grand nombre recettes fiscales des collectivités, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), la TVA dont une large part leur revient, la taxe foncière, et j’en passe.

Toutefois, il demeure, en particulier pour le bloc communal, d’importantes disparités, et certaines de nos communes ont besoin d’un soutien exceptionnel. C’est pour cela qu’un compromis a été trouvé avec le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, dont je salue le travail.

Il a permis de mettre en place une dotation exceptionnelle pour les communes les plus touchées par la hausse des coûts. Nous avons encore des propositions à faire valoir pour améliorer le dispositif, mais je ne doute pas que nous trouverons tous ensemble, et avec le Gouvernement, les mesures adaptées pour protéger nos communes menacées par l’envol du coût de l’énergie.

Nos collègues ultramarins du groupe RDPI sont nombreux à saluer les avancées obtenues en première lecture, notamment l’enveloppe exceptionnelle d’aide alimentaire ouverte pour lutter contre la vie chère.

Je sais, monsieur le ministre, que, comme vous l’avez fait auparavant, vous regarderez avec bienveillance notre amendement qui a pour objet de l’élargir aux collectivités d’outre-mer. C’est un enjeu de solidarité, mais aussi d’égalité et de justice pour la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et l’ensemble des collectivités d’outre-mer. Je sais que vous y êtes sensible ; je n’oublie pas votre action à la suite de ma sollicitation lors du dernier projet de loi de finances pour aider Air Tahiti Nui, alors en grande difficulté. Soyez-en remercié, monsieur Le Maire !

J’ajoute enfin que je partage avec nos amis ultramarins et ma collègue finistérienne Nadège Havet le soulagement que représente la prolongation de l’aide au carburant pour les pêcheurs annoncée vendredi dernier par le secrétaire d’État chargé de la mer. C’est une mesure juste, qui permettra de venir en aide à un secteur fortement touché par le retour de l’inflation.

Oui, mes chers collègues, comme le disait notre collègue député Mathieu Lefèvre, je suis heureux que nous puissions discuter d’un texte qui revalorisera les pensions de 60 euros par mois, et qui permettra que les prix du gaz et d’électricité pour les Français n’augmentent pas de 4 % et 35 %, comme cela aurait été le cas si nous n’avions rien fait.

En effet, notre pays connaît l’inflation, malgré son niveau, la plus modérée d’Europe, une croissance dynamique, quand certains de nos voisins enregistrent une baisse au deuxième trimestre, et un taux de chômage historiquement bas à 7,3 %. Ce sont les fruits de la constance de notre politique économique et des mesures en faveur du pouvoir d’achat engagées dès le début de la crise.

Mes chers collègues, vous connaissez l’expression : il ne faut pas changer de cheval au milieu du gué. Je pense en particulier au débat que nous aurons sur la taxe exceptionnelle que certains veulent mettre en place. Il y va de la confiance dans notre politique économique, de la clarté et de la cohérence de notre modèle fiscal.

Le Gouvernement a demandé aux entreprises des engagements ; nous saurons être au rendez-vous des résultats et sanctionner ce qui devra l’être quand le temps sera venu de demander des comptes. Mais ne pénalisons pas la reprise alors que notre économie sort tout juste de la crise !

Avec ce texte, ce sont 20 milliards d’euros qui seront rendus à nos concitoyens. C’est un grand moment de démocratie parlementaire, et ce sera de nos votes que nous devrons répondre quand il faudra dire si, oui ou non, nous avons été à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Bien !

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tous les marins le savent : la navigation est un art de l’anticipation. Le capitaine d’un grand paquebot doit ainsi attendre trente minutes entre son coup de barre et son effet sur la trajectoire du bateau. Pour redresser les finances publiques, l’inertie est bien évidemment plus longue.

M. Bruno Le Maire, ministre. Eh oui !

Mme Vanina Paoli-Gagin. C’est en années, sinon en décennies, que se résorbent les déficits chroniques et les dettes abyssales. Si ce budget marque la fin du « quoi qu’il en coûte », ses effets ne s’en feront malheureusement pas sentir avant des années.

Aujourd’hui, chacun le sait, la situation de nos finances publiques est alarmante. Mais, encore une fois, elle l’est par les décisions que nous avons prises collectivement, notamment au plus fort de la crise, pour préserver nos emplois, sauvegarder nos entreprises et protéger nos concitoyens.

Notre dette publique est supérieure de plus de 15 points de PIB à celle de 2019, un niveau qui nous préoccupait déjà à juste titre. Pourtant, nous vivions sous anesthésie générale, car le contexte des taux négatifs rendait finalement cette dynamique d’endettement artificiellement assez indolore. La charge de la dette ne cessait de diminuer, alors que la dette elle-même ne cessait d’augmenter. Désormais, la charge de la dette augmente dangereusement et nous oblige à cibler nos mesures et à prioriser nos urgences.

En l’occurrence, l’urgence est sociale. L’inflation qui frappe tout le pays touche plus durement les plus fragiles. Le taux moyen de l’inflation, qu’il soit à 5 % ou à 6 %, peut en fait correspondre à une augmentation du coût de la vie de près de 10 %.

C’est toute l’injustice de la situation : on souffre davantage de la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation quand on vit dans les territoires ruraux et avec des revenus modestes.

C’est pourquoi le ciblage des mesures sur le coût de l’énergie, et ce pour les plus modestes, fait sens. L’hiver arrivera vite. Si l’inflation persiste, elle reste, pour le moment, inférieure à la moyenne européenne. C’est en partie grâce à la réactivité du Gouvernement et à notre moindre dépendance au gaz russe, mais il n’est pas impossible qu’elle nous frappe par effet retard.

Il faut donc être clair, le projet de loi de finances rectificative que nous allons examiner n’est pas un budget de rétablissement des comptes publics : il répond à l’urgence de la situation, avec un souci d’efficience que chacun appréciera.

Nous aurons prochainement l’occasion de discuter des grandes orientations budgétaires. Nous devrons les prendre en responsabilité, en gardant à l’esprit le fait que le spectre de la récession guette notre pays, comme la zone euro.

Pour l’heure, j’espère que nous saurons créer des consensus pour protéger le pouvoir d’achat des Français, singulièrement celui des plus modestes dans les territoires ruraux. Le projet de loi sur le pouvoir d’achat a montré que nous en étions, ensemble, capables.

J’identifie, pour ma part, trois sujets épineux. Au fond, je crois que nous sommes plutôt d’accord. Mais nous devrons répondre à une question de justice fiscale : qui doit supporter le coût des mesures que nous voterons ?

Le premier sujet, c’est la contribution à l’audiovisuel public. Sa suppression ne fait pas débat. La question a été tranchée à la présidentielle : les Français ont choisi, au premier tour, deux candidats qui voulaient supprimer cette taxe, qui n’a plus de sens à une époque où l’audiovisuel passe essentiellement par internet.

Pourtant, comment garantir le financement de notre audiovisuel public en supprimant une taxe injuste pour les Français et inadaptée à la réalité économique du secteur ?

La solution retenue par le Gouvernement de flécher une fraction de TVA ne me paraît pas optimale, car ce mode de financement n’est ni stable ni pérenne. Son seul mérite est d’être opérante à court terme. Pour ma part, je crois qu’il faut faire contribuer davantage les géants du numérique, qui ont changé la donne. Je vous proposerai un amendement en ce sens, dont l’adoption permettrait de nous engager dans une nouvelle voie de réflexion.

Le deuxième sujet épineux, c’est la taxation des superprofits. C’est sans doute un réflexe bien français que de répondre à une crise par une taxe.

M. Bruno Le Maire, ministre. Tout à fait !

Mme Vanina Paoli-Gagin. Pourtant, d’autres pays, dont le Royaume-Uni et l’Espagne, se sont empressés de copier notre grand remède national. Si la tentation est grande, notre réponse devrait, à mon sens, être plutôt le fruit d’une réflexion objective et multisectorielle.

Enfin, le dernier sujet épineux, c’est la compensation par l’État des surcoûts supportés par les collectivités. Le débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Nous l’aurons ici, car nous portons tous une attention particulière aux collectivités locales. Les Indépendants proposeront des amendements sur ce sujet.

En ce qui concerne l’impact de la revalorisation du point d’indice pour la fonction publique territoriale, je veux être claire : la compensation par l’État ne crée pas de dépense publique supplémentaire. Il y a bien une hausse des dépenses, mais elle a été décidée par décret. Il faut maintenant dire qui paiera.

Je crois que l’effort doit être partagé entre les collectivités et l’État, qui a déjà beaucoup fait. Mais soyons lucides : en matière de finances publiques, c’est toujours le contribuable qui paie in fine. Et en matière de vote au sein du groupe Les Indépendants – République et territoires, c’est toujours le votant qui choisit ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Vincent Segouin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce premier budget du second quinquennat d’Emmanuel Macron s’inscrit dans un contexte particulier, tant sur le fond que sur la forme.

Sur le fond, nous vivons une période de hausse de l’inflation sans précédent depuis les années 1980, qui met à mal notre économie et le pouvoir d’achat des Français. La crise actuelle fait suite à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique, mais aussi à la crise économique sans précédent que nous avons traversée après les périodes de confinement liées à la pandémie.

Sur la forme, ce collectif budgétaire s’inscrit dans un contexte politique inédit, avec une majorité relative à l’Assemblée nationale, ce qui permet au Président de la République de découvrir au bout de cinq ans ce qu’est la démocratie représentative. Le Parlement revient au centre du jeu, une place qu’il n’aurait jamais dû quitter, et nous nous en félicitons !

Le contexte est donc singulier et appelle, pour ces deux raisons de fond et de forme, à la plus grande responsabilité de notre part. Notre groupe au Sénat n’a cessé depuis cinq ans de mener une opposition constructive au Gouvernement, mû par le seul sens de l’intérêt la France. Dans le nouvel équilibre politique actuel, notre responsabilité dans l’opposition est de convaincre le Gouvernement du bien-fondé de nos propositions. Notre pays ne peut plus se permettre de perdre encore cinq ans, sinon il sera sans doute trop tard.

Le contexte d’argent magique et d’argent soi-disant gratuit a également changé. Le retour de l’inflation contraint les banques centrales et les institutions monétaires à réagir.

La semaine dernière, la Réserve fédérale américaine (FED) a décidé une nouvelle hausse de taux exceptionnelle de 0,75 %, comme celui du mois dernier, qui constituait déjà un record depuis 1994. Au total, la FED a relevé son taux directeur de 2,25 % depuis le début d’année. La semaine dernière également, la Banque centrale européenne (BCE), pour la première fois depuis onze ans, a relevé son principal taux de 0,5 %.

Cela a conduit à un relèvement des taux d’intérêt : les taux américains à dix ans ont dépassé les 3 % en mai dernier et les OAT (obligations assimilables du Trésor) à dix ans, qui nous concernent, ont largement dépassé les 2 % en juin. Je rappelle que les taux d’intérêt étaient encore négatifs en décembre 2021.

Aujourd’hui, le taux d’intérêt se situe entre 1,5 % et 1,6 %. Mais, selon l’Agence France Trésor, un point de taux d’intérêt, c’est 2,5 milliards d’euros supplémentaires de charge de la dette et, selon la Banque de France, 40 milliards d’euros par an au bout de dix ans.

À cela s’ajoute l’effet de la hausse de l’inflation, sur laquelle 10 % de notre dette est indexée. Là encore, un point d’inflation en plus, c’est 2,5 milliards d’euros de charge de la dette en plus.

La charge de la dette était, depuis de nombreuses années, le troisième poste de dépense de l’État après l’enseignement scolaire et la défense. Elle est passée de 38 milliards d’euros à 51 milliards d’euros en un an ! Elle vient ainsi de dépasser le budget de la défense et, à ce rythme, elle pourrait devenir le premier budget de l’État !

Imaginez tout ce que nous pourrions faire avec 50 milliards d’euros pour le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de nos entreprises !

Le gouverneur de la Banque de France vient de mettre en garde le Gouvernement en indiquant qu’« il serait illusoire de penser que notre dette est encore sans coût et sans limites ». Il juge également que « la France ne peut pas se permettre de transmettre un tel poids de dette à sa jeunesse ». Quant au Haut Conseil des finances publiques, il estime pour sa part que notre endettement est un « point de vulnérabilité ».

Voilà un mois, le ministre de l’économie et des finances semblait découvrir le problème, en estimant que nous avions atteint « la cote d’alerte sur nos finances publiques », alors même que, quatre mois plus tôt, il déclarait : « Contrairement à ce que disent tous les Cassandre […] pour la campagne électorale, l’économie française se porte très bien »…

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir mis en garde le Gouvernement de façon répétée, durant le précédent quinquennat, au Sénat, contre la remontée des taux d’intérêt. Nous avons insisté régulièrement sur la nécessité de réaliser des économies et des réformes structurelles.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Les différentes crises n’expliquent pas tout. Autant il était nécessaire de soutenir et de relancer notre économie durant la dernière période, ce que nous avons approuvé, autant le « quoi qu’il en coûte » a été général et a servi à couvrir certaines dépenses qui n’avaient rien à voir avec la crise. Bref, hausse des dépenses et absence d’économies…

En effet, la diminution de 50 000 postes dans la fonction publique d’État et la réforme des retraites ont été abandonnées lors du précédent quinquennat, alors qu’il s’agissait de promesses du candidat Macron. Ce dernier nous assure désormais que cette réforme se fera lors de ce quinquennat, mais devons-nous l’en croire ? Cette mesure a déjà été repoussée d’un an, jusqu’à l’été de 2023, alors que, nous le savons très bien, les réformes les plus difficiles doivent être engagées dès la première année d’un mandat.

C’est la raison pour laquelle nous proposerons, lors de l’examen de ce collectif budgétaire, que la mise en place de la carte Vitale biométrique se fasse sans attendre. Nous n’avons pas besoin d’une mission parlementaire supplémentaire pour savoir que cette réforme engendrera des économies.

Les économies sont nécessaires pour financer les dépenses, car celles-ci ne doivent pas être payées par un surcroît de recettes. Comme la Cour des comptes l’a très bien souligné, les recettes imprévues doivent aller au désendettement de notre pays. Or toutes les dépenses de ce PLFR sont financées par une hausse des recettes, qui est d’ailleurs liée, en grande partie, à la hausse de l’inflation.

Ce n’est pas sain, monsieur le ministre, surtout quand vos prévisions de recettes sont fondées sur une croissance que nous jugeons, à l’instar du Haut Conseil des finances publiques, surestimée.

La croissance française pâtit en réalité d’une vraie pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs.

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est vrai !

M. Vincent Segouin. Le taux de chômage en France demeure bien plus élevé que la moyenne européenne : selon les derniers chiffres disponibles, en mai 2021, ce taux se situait à 7,2 %, contre 2,8 % en Allemagne et 3,6 % aux États-Unis.

C’est la raison pour laquelle il faut permettre d’aider les entreprises à maintenir de manière durable un niveau d’activité suffisant face aux problèmes de recrutements auxquels elles sont confrontées chaque jour. C’est en ce sens que nous proposons de pérenniser la hausse de la défiscalisation et de la désocialisation des heures supplémentaires.

M. Bruno Le Maire, ministre. Tout à fait !

M. Vincent Segouin. Le travail doit être encouragé et valorisé. C’est une valeur essentielle à nos yeux.

Dans le même esprit, nous proposons que le rachat des journées de réduction du temps de travail (RTT) soit pérennisé, mais également que la prime de rentrée cible les travailleurs pauvres plutôt que les bénéficiaires des minima sociaux qui ne travaillent pas. Du reste, il s’agit également de mesures de pouvoir d’achat, car celui-ci se gagne avant tout par le travail.

Nous nous félicitons que d’importantes mesures proposées par les députés Les Républicains aient été adoptées à l’Assemblée nationale. En ce qui concerne le travail, j’ai cité le rachat possible des journées de RTT et la hausse, de 5 000 euros à 7 500 euros, du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires ; à titre personnel, je serais même pour un déplafonnement total. Nous y reviendrons.

Pour faire face à la crise énergétique, qui affecte fortement le pouvoir d’achat de nombre de Français, notamment dans les territoires ruraux, nous nous félicitons de l’accord trouvé autour de la remise à la pompe de 30 centimes par litre de carburant, mais également de l’adoption de nos mesures de soutien aux petites stations-service situées dans les zones rurales et aux particuliers qui se chauffent au fioul, les grands oubliés du dispositif initial.

Le filet de sécurité pour les collectivités territoriales, adopté de manière concertée par les députés pour faire face à la hausse de la facture énergétique et du relèvement du point d’indice, est un premier pas. Nous proposerons de l’améliorer.

Par ailleurs, le groupe Les Républicains vous annonce d’ores et déjà, monsieur le ministre, qu’il demandera l’indexation de la dotation globale de fonctionnement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.

Le vote final de mon groupe sur ce budget rectificatif dépendra de l’écoute que vous voudrez bien lui accorder et des propositions que vous accepterez. Il y va de l’intérêt de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, vous décrivez le contexte avec beaucoup de gravité. J’ajouterai d’ailleurs à la guerre en Ukraine, à la dette et à l’inflation la grave crise climatique – vous ne l’évoquez que timidement – et son corollaire : l’exigence de la transition écologique.

M. Bruno Le Maire, ministre. Tout à fait !

M. Daniel Breuiller. Faire le point est indispensable, mais c’est inutile si, ensuite, on ne choisit pas le bon cap. Or quel est votre cap, monsieur le ministre ?

Commençons par la dette. Quelque 20 milliards d’euros supplémentaires portent le déficit public annuel à 177 milliards d’euros, ce qui justifie l’expression « cote d’alerte ».

Néanmoins, si cette cote est atteinte, pourquoi accroître ce déficit de plus de 3 milliards d’euros en supprimant la contribution à l’audiovisuel public ? Pour le pouvoir d’achat des Français ? Mais taxez les plateformes, bloquez les loyers ! Là, vous allégerez le coût de la vie pour nos concitoyens !

Sur toutes les travées de la Haute Assemblée, des voix s’élèvent pour demander que l’enjeu de l’audiovisuel public ne soit pas traité par une décision mal préparée, au détour d’un article du PLFR. Dans une société de défiance et de fake news, ou fausses nouvelles, l’indépendance et la fiabilité de l’information sont essentielles, tout comme le soutien à la création et aux artistes, l’innovation et l’éducation, promus avec exigence par notre service public de l’audiovisuel.

Ces questions ne se règlent pas sans prendre le temps d’un débat avec la représentation nationale, les professionnels et les usagers. Changez donc de cap, monsieur le ministre, plutôt que supprimer à la va-vite la CAP !

Toujours à propos de la dette, vous nous expliquez qu’il ne faut pas taxer les superprofits – deux mots que vous refusez d’associer –, mais d’autres pays en Europe le font.

Un profit de 18 milliards d’euros pour TotalEnergies et un geste de 500 millions d’euros, n’est-ce pas le retour de la charité, en lieu et place de la solidarité et de l’impôt ? Votre cap, c’est moins d’impôts pour les plus grandes sociétés et des revenus désocialisés et défiscalisés pour les salariés.

Or, Henry Morgenthau le disait, « les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée ». Convaincus de cela, nous proposerons de taxer les superprofits et plus particulièrement les profiteurs de crise, qui d’ailleurs nourrissent l’inflation en augmentant leurs marges.

Nous proposerons également de créer un « ISF climatique », structuré autour de la solidarité sociale et de la transition écologique. Il permettra la contribution des plus fortunés – ils en seront heureux –, dont les bilans carbone sont par ailleurs les plus désastreux.

Il n’est pas socialement acceptable de demander des efforts à nos concitoyens modestes au nom de la gravité de la situation tout en constatant que le CAC 40 distribue 57 milliards d’euros de dividendes – record européen – ou que le patrimoine des 500 plus riches d’entre nous dépasse 1 000 milliards d’euros.

Ces chiffres sont vertigineux pour nos concitoyens. Rien ne justifie qu’un éleveur laitier ou un maraîcher qui fournit une grande enseigne gagne en moyenne 500 fois moins que le PDG de cette enseigne, ni que, dans les entreprises du CAC 40, les salaires varient de 1 à 300 entre salariés et patrons. Rien ne justifie que la finance soit moins taxée que le travail. Personne ne vaut 300 fois plus qu’un autre !

Comme le disait le président Macron, notre pays tient tout entier sur ces hommes et ces femmes que « nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». Eh bien, il est temps de mieux les reconnaître et les rémunérer.

Nous vous faisons donc une proposition simple : augmenter le SMIC à 1 500 euros, soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) par un fonds de solidarité, revaloriser de 10 % le point d’indice des fonctionnaires et porter toutes les retraites et prestations sociales inscrites à ce PLFR au niveau réel de l’inflation.

M. François Bonhomme. Et qui paie ?

M. Daniel Breuiller. Un mot sur la guerre qui frappe le peuple ukrainien, auquel nous exprimons de nouveau notre solidarité : nous approuverons les mesures du présent projet de loi de finances rectificative sur point.

Nous mesurons les risques d’approvisionnement, mais nous mesurons surtout la profondeur de la crise énergétique, qui est le prix de notre inaction climatique passée. Cette situation appelle certes des mesures d’urgence, mais exige surtout un engagement sur le chemin de l’autonomie énergétique. Là encore, quel est votre cap, monsieur le ministre ? Remplacer la dépendance au gaz russe par une dépendance au gaz de schiste américain ? Ce n’est pas acceptable.

Le seul cap possible est celui de la sobriété énergétique, alliée au développement rapide des énergies renouvelables. Nous proposerons donc d’investir 10 milliards d’euros, plutôt que 400 millions d’euros comme le prévoit ce PLFR, dans l’isolation thermique des logements. Il ne doit pas s’agir seulement de financer un changement de chaudière, il faut engager une véritable rénovation thermique des habitats, des locaux d’activité et des équipements publics.

Je conclus en évoquant le bouclier tarifaire. Ce dernier doit être étendu aux collectivités, dont certaines sont contraintes de fermer leurs piscines. Pour ce qui concerne les mesures en direction des citoyens, la baisse uniforme de 30 centimes par litre de carburant va aggraver le déficit public, en aidant les propriétaires de SUV (Sport Utility Vehicles) à partir en week-end. Des week-ends à Saint-Jean-Cap-Ferrat subventionnés par l’État, qui peut défendre cela ? Cette aide doit être réservée à nos concitoyens qui n’ont pas d’autre choix que la voiture pour se rendre au travail.

Lorsque les forêts brûlent, que les glaciers disparaissent, que nombre de départements sont en situation de sécheresse et subissent des restrictions d’accès à l’eau et que l’agriculture est mise à mal, il faut un autre cap, fructueux pour notre pays, ses habitants et la planète. Nous formulerons des propositions en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa, ainsi que MM. Jean-Claude Tissot, Jérôme Durain et Rémi Féraud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget rectificatif dont nous débattrons aujourd’hui et demain est le premier de l’année 2022.

Il a pour objectif, dans un environnement inflationniste qui se durcit, de « redonner du pouvoir d’achat » aux Français. C’est là un objectif noble, que tout le monde, sur nos travées, ne peut que partager. Ce qui semble consensuel également, mais qui ne devrait pas l’être, c’est le moyen de remplir cet objectif : le recours, encore et toujours, à la dépense publique.

Hérité de la pandémie de covid-19, le mythe de « l’argent magique » a malheureusement anesthésié les réflexes de sagesse budgétaire qui prévalaient en d’autres temps. Par rapport à la loi de finances initiale, les dépenses pilotables augmentent de plus de 18 milliards d’euros ; c’est colossal !

En voulant parer au plus pressé, nous avons collectivement abandonné toute réflexion de long terme quant aux conditions d’une prospérité retrouvée. En effet, le pouvoir d’achat ne se décrète pas ; il vient non pas de l’État, mais des gains de productivité de l’économie. La fuite en avant dans la dépense publique a ceci de mortifère que ses conséquences néfastes et diffuses ne sont visibles que sur le temps long.

Dans son essai Ce quon voit et ce quon ne voit pas, le célèbre économiste français Frédéric Bastiat distinguait en ces termes le mauvais économiste du bon : « L’un s’en tient à l’effet visible ; l’autre tient compte et de l’effet qu’on voit et de ceux qu’il faut prévoir. […] D’où il suit que le mauvais économiste poursuit un petit bien actuel qui sera suivi d’un grand mal à venir, tandis que le vrai économiste poursuit un grand bien à venir, au risque d’un petit mal actuel. »

En laissant filer la dépense publique et les déficits, donc, en fin de compte, l’endettement du pays, je crains, mes chers collègues, que nous ne sacrifiions le « grand bien à venir » dont parlait Bastiat.

Quand les comptes sont dans le rouge, il faut à tout le moins dépenser efficacement – Keynes disait que, quand on veut sortir du trou, il faut commencer par cesser de creuser –, c’est-à-dire cibler en priorité les ménages les plus vulnérables et les territoires les plus affectés par l’inflation, en particulier les communes rurales et les territoires ultramarins. Or ce n’est pas la direction prise dans ce budget rectificatif, qui privilégie les mesures générales et indifférenciées aux mesures temporaires et ciblées.

C’est pourquoi le groupe Union Centriste formulera, cette fois encore, un certain nombre de propositions, que ma collègue Sylvie Vermeillet a brièvement exposées précédemment, alliant sobriété budgétaire, efficacité économique et justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le franchement – une fois n’est pas coutume –, ce PLFR s’inscrit dans la droite ligne de la droite…

En vous écoutant, monsieur le ministre, je m’étonne du procédé schizophrénique qui consiste à taxer d’« irresponsable » tout contradicteur prônant une meilleure répartition de la richesse par la dépense publique, tout en étant soi-même un gestionnaire tout sauf bon, puisque vous êtes, je le rappelle, le ministre qui a le plus dépensé au cours des dernières années.

Bien sûr, je ne parle pas ici des aides légitimes mises en place pour soutenir le pays durant la crise du covid-19. Je parle plutôt du creusement du déficit que vous entraînez avec vos baisses nombreuses et systémiques des impôts de production ou de l’impôt sur les sociétés. Ce faisant, je ne dis rien de bien original, en réalité ; je ne fais que reprendre les propos de la Cour des comptes, qui impute une partie de la dégradation des comptes publics à des mesures nouvelles, qui ont réduit les prélèvements obligatoires.

En effet, au cours du quinquennat précédent, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 33,33 % à 25 %, ce qui représente un coût de 15 milliards d’euros par an, et une partie des impôts de production a été réduite, pour un coût annuel de 10 milliards d’euros. Quant à la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), effective dès 2023, elle coûtera aux finances publiques 8 milliards d’euros, ce qui s’ajoutera à la longue liste des aides venant conforter la politique de l’offre.

Vous organisez donc volontairement l’attrition des finances publiques, monsieur le ministre, et, incidemment, vous creusez inutilement le déficit et la dette publics. Ce sont ainsi 12 milliards d’euros supplémentaires qui sont prévus dans ce budget pour faire face aux intérêts d’emprunt. C’est colossal !

Vous avez affirmé ne pas vouloir d’un compromis qui « s’achète […] à coups de milliards » et qui se finance « au détriment de nos finances publiques » ; or il semblerait que, avec ces baisses d’impôts de production, vous ayez forgé un compromis qui coûtera très cher à nos finances publiques…

Le fait que ces impôts profitent aux grandes entreprises susciterait-il votre cécité ? Je n’ose le croire, même si votre renoncement à taxer les superprofits de certains profiteurs de guerre me laisse à penser que vos compromis bénéficient toujours aux mêmes.

En effet, tout comme le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, ce premier PLFR s’inscrit dans la continuité de la politique économique menée au cours des dernières années, une politique fondée sur l’offre et qui profite, je le répète, aux mêmes.

Ce PLFR est le corollaire de votre dogme, qui consiste à refuser de prendre toute mesure de nature à augmenter les salaires. La semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, alors que je proposais, avec le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un « Grenelle des salaires » pour envisager un partage plus égal de la richesse dans ce pays, vous avez balayé cette éventualité d’un revers de la main.

Or c’est précisément parce que vous refusez de toucher aux salaires qu’il vous faut faire du bricolage fiscal, poser quelques rustines çà et là : primes, petits chèques ou encore baisses d’impôt. Le rehaussement du plafond de la prime dite Macron, de 1 000 euros à 3 000 euros, pour la grande majorité des entreprises, voire à 6 000 euros dans certains cas, ne trahit que trop bien cette fuite en avant que vous avez engagée.

Ainsi, ce PLFR est la transcription fiscale des mesures prises dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat. Or ce texte est lacunaire et porte la lourde marque des dogmes qui animent la vie de nos finances publiques depuis cinq ans. Sans changement clair et radical de cap, nous serons condamnés à traiter ce PLFR pour ce qu’il est : un projet de loi de finances inégalitaire, qui fait encore peser sur les mêmes l’obligation d’assainissement des comptes publics.

Vous nous parliez d’une « nouvelle méthode », empreinte de compromis. Nous espérons que, de compromis, il sera question, durant l’examen de ce texte, afin d’insérer plus de justice fiscale dans le PLFR. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà quelques semaines, la commission de la culture et la commission des finances ont adopté conjointement un rapport portant sur le financement de l’audiovisuel public.

M. Bruno Le Maire, ministre. Un excellent rapport ! (Sourires.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Dans ce rapport, Roger Karoutchi et moi-même avons établi un état des lieux tenant en trois points.

Premier constat : la contribution à l’audiovisuel public, qui lie le financement de ce dernier à la possession d’un poste de télévision, est devenue un prélèvement insuffisant, injuste et fragile. De plus en plus de personnes renoncent à posséder un téléviseur et consomment des programmes publics sur d’autres supports. Par ailleurs, la suppression de la funeste taxe d’habitation rend son recouvrement très coûteux. Le remplacement de la CAP, devenu inévitable, devait avoir lieu au cours du précédent quinquennat ; cela n’a malheureusement pas été le cas.

Deuxième constat : on ne peut séparer la question du financement de l’audiovisuel public de celle de son organisation et de ses missions : quels moyens pour quelles missions ? Quelle spécificité pour l’audiovisuel public ?

Traiter de la seule question du remplacement de la CAP sans ouvrir le débat sur la place de la publicité sur le service public illustre une absence de vision et d’ambition pour ce secteur. L’échec de la réforme de l’audiovisuel public conduite en 2020 a fait perdre beaucoup de temps et rend d’autant plus impérative une réforme en la matière.

Troisième constat : face à l’émergence des grandes plateformes et aux puissants groupes de médias privés réunissant télévision et radio, il est urgent de concevoir une stratégie numérique commune pour l’audiovisuel public, ce qui passe par un regroupement des moyens. L’échec de la plateforme Salto et les performances limitées des rapprochements entre France Télévisions et Radio France ont mis en évidence la faiblesse de la stratégie des petits pas.

En inscrivant à la hâte la réforme de la CAP dans ce projet de loi de finances rectificative et en changeant complètement le dispositif à l’Assemblée nationale, le Gouvernement n’a pas tiré toutes les conséquences de ce rapport sénatorial.

M. Jean-Raymond Hugonet. On ne peut aborder la question de la CAP sous le seul angle du pouvoir d’achat, et, si Roger Karoutchi et moi-même avons pris acte de la volonté du Président de la République de supprimer cet impôt à maints égards suranné, nous avons également mis en évidence la nécessité de prévoir des garanties sérieuses concernant le financement de l’audiovisuel public.

L’enjeu est moins, selon nous, de prévenir d’hypothétiques régulations infra-annuelles que de définir de véritables perspectives pluriannuelles au service d’une stratégie.

Je le rappelle, si le précédent quinquennat a été marqué par l’échec de la réforme de l’audiovisuel public et par un déficit de vision, on ne peut que donner acte au Gouvernement d’avoir respecté la trajectoire budgétaire quadriennale, et même au-delà, si l’on tient compte du financement des plans de départs, des travaux de la Maison de la radio et de la musique et des coûts liés à la crise sanitaire.

La question est donc moins de savoir s’il faut financer l’audiovisuel public par des dotations budgétaires ou par une fraction de TVA que de connaître l’ambition du Gouvernement pour les cinq années à venir.

M. David Assouline. Il n’en a pas !

M. Jean-Raymond Hugonet. Quelle sera la trajectoire budgétaire de l’audiovisuel public inscrite dans les prochains contrats d’objectifs et de moyens (COM) ? Est-il vrai que la signature de ceux-ci est repoussée à la fin de 2023 ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Pourquoi le Gouvernement a-t-il renoncé à créer une commission indépendante pour évaluer les besoins de l’audiovisuel public, comme le proposait le Sénat ?

Voilà les vraies questions auxquelles nous n’avons pas de réponses.

M. David Assouline. Pourtant, vous allez voter pour ce texte !

M. Jean-Raymond Hugonet. Il en est malheureusement de même concernant les missions et l’organisation de l’audiovisuel public français, qui est le seul en Europe à être éparpillé entre autant d’acteurs aux moyens limités.

M. Bruno Le Maire, ministre. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Raymond Hugonet. Le choix qui a été fait à l’Assemblée nationale de recourir à une fraction de TVA pour financer l’audiovisuel public présente à cet égard un avantage : c’est une solution provisoire.

M. David Assouline. Donc sans intérêt !

M. Jean-Raymond Hugonet. Nous avons ainsi deux ans pour mener à bien le chantier de la réforme de l’audiovisuel public français.

C’est pourquoi, si nous pouvons adopter la réforme de la CAP telle qu’elle a été modifiée par les députés, puisqu’elle assure le financement de l’audiovisuel public, nous devrons conditionner notre soutien aux dispositions du projet de loi de finances pour 2023 relatives à l’audiovisuel public français à la présentation, par le Gouvernement, du calendrier précis d’une réforme globale de l’audiovisuel public, laquelle devra porter à la fois sur le financement, sur les missions, sur l’organisation et sur la stratégie numérique.

Parce qu’il y a urgence, nous devons rechercher ensemble les voies d’un audiovisuel public plus efficace, plus innovant et plus moderne. Nous sommes déterminés à faire aboutir cette réforme d’ici à 2025 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. David Assouline. Vous allez pourtant voter le texte sans avoir cette garantie !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaite répondre à certaines observations. Je serai rapide, car un débat va s’ouvrir sur l’audiovisuel public, dont parlait M. Hugonet, sur le financement des collectivités territoriales, sur le travail ou encore sur la maîtrise des finances publiques. À cet égard, d’ailleurs, je constate l’existence, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, d’une véritable préoccupation pour les finances publiques ; tant mieux !

Mme Laurence Rossignol. D’où nos propositions de taxes !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est tout l’intérêt de taxer les superprofits !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cela signifie qu’il ne faut pas quitter cet hémicycle avec des dépenses inconsidérées. Je vous propose d’ailleurs que nous nous fixions comme objectif d’en sortir avec un déficit public maintenu à 5 % du PIB, comme Gabriel Attal et moi l’avons prévu.

Je veux néanmoins formuler quelques remarques sur la fameuse taxation des superprofits,…

M. Bruno Le Maire, ministre. … puisque chaque intervenant en a parlé, me semble-t-il, afin de répondre aux arguments venant à l’appui des amendements sur le sujet.

Selon le premier argument entendu, cela rapportera de l’argent. Je suis, pour ma part, très sceptique sur ce point. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Tout d’abord, cela ne rapporterait pas tant que vous le croyez ; on a mentionné 2, 3 ou 4 milliards d’euros, mais, pour obtenir des recettes supplémentaires, encore faut-il que les superprofits soient réalisés en France. Chacun le sait, en effet, l’impôt repose sur un établissement stable ; il faut qu’une entreprise ait un établissement en France pour être taxée. Or les profits dont vous parlez, mesdames, messieurs les sénateurs – ceux des compagnies pétrolières, par exemple –, se font à l’extérieur de la France.

Nous-mêmes serions bien ennuyés si l’État allemand ou l’État américain prétendait taxer les profits réalisés en France par des entreprises basées en Allemagne ou aux États-Unis…

Il y a un principe intangible de la fiscalité internationale, c’est l’établissement stable. C’est d’ailleurs ce qui nous a amenés à soulever le problème de la taxation des entreprises du secteur numérique, car l’énorme difficulté posée par ces sociétés – c’est d’ailleurs plutôt à elles qu’il faudrait s’intéresser –, c’est qu’elles ne disposent pas d’établissement stable en France, leur activité étant immatérielle, sans aucune présence physique.

Ainsi, la taxation de ces superprofits ne susciterait aucune recette fiscale supplémentaire pour le Trésor public français. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Pascal Savoldelli. Ça, il fallait oser…

M. Bruno Le Maire, ministre. On me dit également qu’augmenter les impôts rapporte toujours plus au Trésor public, mais je pense que, avec la baisse de l’impôt sur les sociétés, nous avons démontré le contraire.

Quand on baisse les impôts des entreprises, celles-ci créent plus de richesse, et l’imposition rapporte davantage. Nous avons effectivement diminué l’impôt sur les sociétés. M. Cozic nous a accusés précédemment de ruiner les comptes publics en baissant les impôts, mais c’est faux ! Veuillez m’excuser, monsieur le sénateur, mais les chiffres vous donnent tort !

Nous avons baissé l’impôt sur les sociétés, en le faisant passer de 33,33 % à 25 % en cinq ans, et les recettes de cet impôt sont passées de 50 milliards d’euros à 57 milliards d’euros. C’est bien la preuve que, quand on augmente les impôts, on diminue les recettes, on réduit l’attractivité du pays, on amoindrit la capacité à créer des richesses. Quand, en revanche, on baisse les impôts, on crée plus de prospérité, plus d’emplois et plus de recettes fiscales pour la nation française.

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est pour cette raison que nous avons opté pour cette voie, car, je le répète, l’IS a baissé et ses recettes ont augmenté.

Au fond, cette question recèle toute une philosophie : souhaite-t-on produire plus de richesses, afin de mieux les redistribuer ? Ou veut-on, comme certains ici, taxer systématiquement, « reprendre » et « faire contribuer » (Protestations sur les travées du groupe SER.), sur le fondement de richesses de moins en moins nombreuses, entraînant de moins en moins d’emplois, une explosion du chômage, une diminution des recettes sociales et, in fine, un appauvrissement généralisé du pays ?

On a déjà essayé dans cette voie ; je suggère de continuer dans une autre, celle de la création de richesse, de la prospérité et de la création d’emplois.

M. Bruno Belin. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. On m’assure par ailleurs que d’autres États européens l’ont fait. Soit, mais, puisque certains ont cité l’Allemagne, sachez que ce pays s’est justement bien gardé d’imposer les superprofits de ses entreprises ! La première économie européenne est précisément celle qui n’est pas tombée dans ce piège.

D’autres me disent que le Royaume-Uni, un pays pourtant libéral, l’a fait ; certes, mais il y a une énorme différence : ce pays produit du pétrole sur son territoire ! Il est donc normal qu’il taxe cette production. La France ne produit pas de pétrole, elle l’importe.

Je rappelle en outre que, malgré les efforts louables de l’actuelle majorité, qui a baissé massivement les impôts – 52 milliards d’euros en en cinq ans –, la France continue d’avoir un taux de prélèvements obligatoires de 47,5 %, quand il s’élève à 43 % en Italie, à 41 % en Allemagne et à 33,5 % au Royaume-Uni.

La seule voie responsable et raisonnable pour notre pays, qui a été accablé de taxes, d’impôts, de prélèvements obligatoires en tous genres,… (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Bruno Le Maire, ministre. … et où l’on n’a eu à la bouche que la volonté de récupérer des richesses au lieu d’en produire, c’est de baisser les impôts de nos compatriotes et de nos entreprises. Je ne démordrai pas de cette conviction ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

Votre ultime argument est de m’opposer que cette taxation serait juste. Tout au contraire, vos amendements ne me semblent pas justes (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.), en ce qu’ils visent à imposer une taxation supplémentaire sur toutes les entreprises de France et de Navarre, quelle que soit leur situation, dès lors qu’elles réalisent des profits.

Une telle mesure serait inquiétante pour les entreprises, pour les chefs d’entreprise, pour tous ceux qui créent des richesses dans notre pays, et, dans le fond, pour nos compatriotes eux-mêmes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ils ont très bien compris de quoi il s’agissait !

M. Bruno Le Maire, ministre. Ils savent parfaitement que commencer par taxer les grandes entreprises, c’est toujours finir par les taxer eux-mêmes. Nous voulons précisément éviter cela.

Vous avez cité de grands auteurs, en me disant : « Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée ». Mais si tel était le cas, alors la France serait de toutes les nations du monde la plus civilisée… Il nous reste pourtant des efforts à accomplir ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Claude Malhuret applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

projet de loi de finances rectificative pour 2022

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Avant l’article 1er A

Article liminaire

La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2022 s’établit comme suit :

Cadre potentiel LPFP (En points de produit intérieur brut) *

Exécution pour 2021

Prévision pour 2022

Solde structurel (1)

-4,4

-3,6

Solde conjoncturel (2)

-2,0

-1,3

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

-0,1

-0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-6,4

-5,0

* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au dixième de point le plus proche ; il résulte de lapplication de ce principe que le montant arrondi du solde effectif peut ne pas être égal à la somme des montants entrant dans son calcul.

M. le président. Je mets aux voix l’article liminaire.

(Larticle liminaire est adopté.)

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Article liminaire
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 322

Avant l’article 1er A

Avant l’article 1er A
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 319

M. le président. L’amendement n° 322, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 209-0 A du code général des impôts, il est inséré un article 209-0… ainsi rédigé :

« Art. 209-0 …. – I. – Pour les sociétés membres d’un groupe mentionné au II et domicilié hors de France, les bénéfices imposables sont déterminés par la part du chiffre d’affaires du groupe réalisée en France dans le total du chiffre d’affaires réalisé en France et hors de France, rapportée aux bénéfices d’ensemble du groupe.

« II. – Le groupe au sens du I comprend les entités juridiques et personnes morales établies ou constituées en France ou hors de France.

« III. – À son initiative ou par désignation de l’administration fiscale, une société membre du groupe mentionné au II est constituée seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû par l’ensemble du groupe en France.

« IV. – Pour les sociétés étrangères ayant une activité en France et dont la société-mère est domiciliée à l’étranger, les bénéfices imposables sont déterminés selon les mêmes modalités.

« V. – Pour chaque État ou territoire dans lequel le groupe mentionné au II est implanté ou dispose d’activités, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV transmettent à l’administration fiscale les informations suivantes :

« 1° Nom des implantations et nature d’activité ;

« 2° Chiffre d’affaires ;

« 3° Bénéfice ou perte avant impôt.

« VI. – En cas de refus de se soumettre à l’obligation fixée au III, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV font l’objet d’une interdiction d’exercer sur le territoire français.

« VII. – Le I s’applique au groupe mentionné au II dont le chiffre d’affaires total est supérieur à 100 millions d’euros. »

II. – Le présent article entre en vigueur à compter de la promulgation de la présente loi.

III. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n° … de finances pour 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant les conventions fiscales bilatérales qu’il convient de renégocier en vue d’éviter la double imposition.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à imposer les multinationales en utilisant la clé de répartition du chiffre d’affaires.

Monsieur le ministre de l’économie, l’accord sur l’imposition des multinationales patine, pour employer un terme respectueux. Il ne devrait pas entrer en vigueur avant 2024… Toujours est-il qu’aucun problème ne sera définitivement résolu à cette date : l’impôt pourra être minoré de façon significative, en prenant en compte la valeur de la masse salariale et des actifs corporels.

Je passe rapidement sur la question du taux : à ce qu’il nous est dit, 15 %, ce serait mieux que rien… Vous avez raison : pour l’instant, nous n’avons rien ! Aura-t-on seulement quelque chose à l’avenir ?

À en croire les estimations de Bercy, nous pouvons espérer quelque 4 milliards d’euros. Voilà qui est peu. Puisque vous avez fait référence à des repères européens, allons-y franchement : la Belgique peut espérer 21 milliards d’euros, l’Allemagne 13 milliards d’euros et l’Irlande 12,5 milliards d’euros. C’est davantage, me direz-vous, que les pays du Sud, qui sont complètement lésés par cet accord : 4 milliards d’euros pour l’Afrique du Sud et 1,5 milliard d’euros pour le Brésil.

L’une des raisons de la faiblesse des recettes espérées tient à la cible de cet accord. Le pilier 1, vous le savez, monsieur le ministre, cible seulement les entreprises qui réalisent 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec des marges de plus de 10 %… Le pilier 2 concerne 7 000 à 8 000 entreprises, réalisant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros.

On allait voir ce qu’on allait voir ! La France allait récupérer chaque année l’équivalent des bénéfices réalisés par TotalEnergies en un trimestre… La justice fiscale viendra avec cet accord, c’est certain, mais il ne faut pas se mentir : TotalEnergies, pour le dire dans les termes les plus respectueux, ne réalise que 21 % de ses bénéfices en France. Cette part n’est ni délocalisée, ni irrationnelle, ni virtuelle : c’est une réalité.

Puisque vous brandissez le mot « souveraineté », monsieur le ministre, mettez aussi en œuvre une souveraineté populaire et fiscale, prenant en compte la justice sociale.

L’idée de se focaliser sur les bénéfices réalisés au niveau mondial, chacun devant payer une quote-part du chiffre d’affaires réalisé en France, nous semble une excellente idée. Oui, une excellente idée ! Pourquoi, dès lors, ne pas commencer par un plancher de chiffre d’affaires de 100 millions d’euros ? Telle est notre proposition.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Pascal Savoldelli. Il faut sortir du « Taxe-moi si tu peux » pour aller vers le « On te taxe si l’on veut » !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Même si notre collègue considère qu’il s’agit d’une excellente idée, j’émettrai sur cet amendement un avis défavorable. En effet, cette mesure ne répond à aucune véritable logique économique, tout en étant contraire aux conventions fiscales conclues avec nos partenaires.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Il s’agit d’un sujet important. En ce qui concerne le pilier 1 et le pilier 2, le seuil d’entrée dans la taxation digitale, donc à l’IS, est de 750 millions d’euros, et non 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Je partage totalement votre ambition, tout à fait louable, monsieur Savoldelli. Il est indispensable de s’accorder sur un taux minimum pour l’impôt sur les sociétés.

Cela patine, vous avez raison. Je regrette que cela prenne autant de temps. Je souhaite que nous ayons une coopération renforcée, dans un cadre européen, pour contourner l’inacceptable veto que la Hongrie a opposé à la taxation minimale à l’impôt sur les sociétés.

Cependant, cette taxe peut seulement être mise en œuvre par un accord international. Si vous décidez seul d’une taxation minimale à l’IS de vos entreprises déployées à l’international, ce ne sera pas efficace, bien que je regrette le temps que cela exige.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 322.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 322
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 226 rectifié

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 319, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué en 2022 une contribution sur les bénéfices exceptionnels réalisés par les redevables de l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros.

Cette contribution exceptionnelle est égale à :

1° 10 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est inférieur à 100 millions d’euros ;

2° 20 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est compris entre 100 millions d’euros et 1 milliard d’euros ;

3° 30 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est supérieur à 1 milliard d’euros.

II. – La contribution prévue au I est assise sur la fraction du résultat net réalisé au titre de la moyenne des exercices 2020, 2021 et 2022 qui excède la moyenne des résultats nets réalisés au titre des exercices 2017, 2018 et 2019.

III. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur la fraction du résultat net réalisé au titre des exercices 2020, 2021 et 2022 qui excède le résultat d’ensemble et la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code correspondant à la moyenne des résultats des exercices 2017, 2018 et 2019. Ce résultat est déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend comme le chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.

D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.

F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 dudit code et la majoration prévue à l’article 1731 du même code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.

IV. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. S’agissant de la contribution des entreprises en raison de leurs profits, notre groupe considère qu’il faut, au plus vite, lever quatre ambiguïtés, dont vous êtes, monsieur Le Maire, la source.

Premièrement, votre élément de langage, vendredi, après le conseil des ministres, était celui-ci : « Je suis surpris de voir à quel point sont accablées les entreprises françaises qui affichent de bons résultats ». Vous portez un jugement de valeur, qui est à nos yeux infondé. S’il y a une radicalité que, bien souvent, vous appréciez, c’est celle des clivages. Pourtant, sur ce sujet, ils sont creux et vides de sens : tout le monde, dans cet hémicycle, se réjouirait si l’économie repartait… Mais elle n’a pas même atteint son niveau de 2019, monsieur le ministre ! Dites-le !

Notre économie inflationniste débouche sur un système à deux vitesses : des secteurs accroissent leur rentabilité sous couvert de hausse des prix, quand d’autres rognent sur leurs marges pour encaisser cette hausse. Il est indéniable que des entreprises profitent, pendant que d’autres perdent.

Deuxièmement, vous considérez que de bons résultats pour les entreprises françaises sont de bons résultats pour nos compatriotes. Il serait bon que ce soit le cas ! Les salaires ont augmenté de 3,6 % en moyenne sur un an, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), de 2,8 %, en taux médian, selon le cabinet Mercer, pour une inflation, de juillet 2021 à juillet 2022, de 6,1 %.

De fait, vous préférez les accessoires de rémunération aux salaires, comme le rappelle l’examen récent du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Selon le cabinet Mercer, seulement 18 % des entreprises ont décidé d’accorder une augmentation de la rémunération dans la durée. Voilà pour les faits !

Troisièmement, vous dites que nos entreprises, faisant des bénéfices, doivent évidemment contribuer à l’effort national. Encore faut-il que l’on entende par là la même chose…

Quatrièmement, certaines contributions sont très directes… L’argent en question, croyez-moi, nos compatriotes préfèrent l’avoir dans leur poche plutôt que dans celle de l’État. Or la réforme de l’IS met de l’argent dans la poche de l’État, mais pas dans celle des Français.

Voilà un débat d’idées sur les ambiguïtés, monsieur le ministre, qui sont les vôtres. Nous les avons retrouvées précédemment dans votre discours.

D’autres amendements viendront, défendus par d’autres, dans l’idée qu’il n’est pas possible que, entre le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et le projet de loi de finances rectificative, les dividendes du capital ne contribuent pas du moindre euro.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 319
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 130 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 226 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros sont assujettis à une contribution sur leurs bénéfices exceptionnels perçus au cours du premier semestre de l’année 2022.

Cette contribution exceptionnelle est égale à 50 % du bénéfice exceptionnel réalisé, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution sur les bénéfices exceptionnels. La contribution sur les bénéfices exceptionnels n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.

II. – Le bénéfice exceptionnel auquel il est fait référence aux deux premiers alinéas du I correspond au bénéfice net au sens de l’article 39 du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature, retranché d’un bénéfice normal correspondant à la moyenne des bénéfices imposés au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2017, 2018 et 2019.

Pour les personnes morales n’ayant pas été redevables de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2017, le bénéfice normal correspond à la moyenne des bénéfices imposés au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2018 et 2019. Pour les sociétés n’ayant pas été redevables pour l’exercice 2018 ou pour l’exercice 2019, le bénéfice normal est calculé à partir d’une valeur de référence correspondant à 8 % du capital social de la société.

III. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, la contribution sur les bénéfices exceptionnels est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

IV. – Le chiffre d’affaires mentionné au premier alinéa du I s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

V. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution sur les bénéfices exceptionnels est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

Le chiffre d’affaires mentionné aux I et II du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

VI. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Cet amendement vise à créer une contribution de solidarité nationale égale à 50 % du seul bénéfice exceptionnel réalisé par les plus grandes entreprises, c’est-à-dire celles qui réalisent au cours du premier semestre 2022 plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les bénéfices exceptionnels sont calculés en comparaison de la moyenne des bénéfices réalisés pendant les trois années précédant la crise du covid-19.

Avant même l’accélération de la hausse des prix, le pouvoir d’achat était la préoccupation principale de nos concitoyens. Il faut de petits impôts pour les petits revenus et de gros impôts pour les gros bénéfices.

En effet, alors que la population subit une dégradation rapide de son pouvoir d’achat, les dernières données de l’Insee nous indiquent que le taux de marge général des entreprises acquis en 2022 s’élève à 32,2 %. Depuis 2010, ce taux a seulement été dépassé deux fois, en 2019 et 2021.

Cette augmentation des taux de marge montre une possibilité de trouver un autre équilibre : l’impôt est un outil de la justice sociale et de l’équité ; les entreprises doivent s’honorer de le payer.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 226 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 227 rectifié

M. le président. L’amendement n° 130 rectifié bis, présenté par Mme Vermeillet, MM. Marseille, Delahaye, Delcros, J.-M. Arnaud, Canévet, Capo-Canellas, Maurey et Mizzon, Mme Billon, MM. Bonneau, Bonnecarrère, Cazabonne, Chauvet, Cigolotti et de Belenet, Mme de La Provôté, MM. S. Demilly et Détraigne, Mmes Devésa, Dindar et Doineau, M. Duffourg, Mme Férat, M. Folliot, Mmes Gacquerre, Gatel, N. Goulet et Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, M. Hingray, Mme Jacquemet, MM. Janssens, Kern, Lafon, Laugier et Le Nay, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, P. Martin et Moga, Mmes Morin-Desailly et Perrot, MM. Poadja et Prince, Mmes Ract-Madoux, Saint-Pé, Sollogoub et Tetuanui, M. Vanlerenberghe, Mme Vérien et M. Menonville, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle de solidarité sur le bénéfice net réalisé en 2021 par les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts, lorsque celui-ci a dépassé 1 million d’euros et a été supérieur de 20 % ou plus à la moyenne des bénéfices nets réalisés en 2017, 2018 et 2019.

Le montant de la contribution est calculé en appliquant un taux de 20 % à la différence entre, d’une part, le bénéfice net réalisé en 2021 et, d’autre part, la moyenne des bénéfices nets réalisés en 2017, 2018 et 2019.

Lorsque, du fait de la date de création d’une entreprise, la moyenne de ses bénéfices nets ne peut être calculée sur les trois années 2017 à 2019, la moyenne prise en compte pour l’application des deux alinéas précédents est calculée sur la base des derniers exercices clos avant le 1er janvier 2021.

II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle de solidarité est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

B. – Le bénéfice net mentionné au I du présent article s’entend du bénéfice net réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des bénéfices nets de chacune des sociétés membres de ce groupe.

C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle de solidarité.

D. – La contribution exceptionnelle de solidarité est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

E. – La contribution exceptionnelle de solidarité est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.

La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Mme Sylvie Vermeillet. Le présent amendement vise à instituer une contribution exceptionnelle de solidarité sur les superprofits. Les entreprises dont le bénéfice net aurait été, en 2021, supérieur de 20 % à la moyenne des trois années 2017, 2018 et 2019 se verraient ainsi appliquer une contribution à hauteur de 20 %, calculée sur la différence entre les deux montants.

Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, en 2020, nous n’avons pas hésité à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les complémentaires de santé, à hauteur de 1,5 milliard d’euros : cette mesure n’a pas fait débat. Au cours de la crise de la covid, nous avons ensuite voté l’ensemble des soutiens aux entreprises, quelles que soient leurs difficultés, par exemple un prêt garanti par l’État à CMA CGM d’un montant d’un milliard d’euros, ou les dispositifs de reports de charges.

Si nous avons été capables de voter des soutiens exceptionnels, il me semble qu’il est possible, désormais, d’espérer une contribution exceptionnelle, au sens où elle serait unique et bornée dans le temps.

Je rappelle que tous les pays voisins mettent en place une telle mesure : l’Espagne, l’Italie, la Roumanie, la Grèce, le Royaume-Uni. Et l’Allemagne y réfléchit. Je n’ai pas l’impression que nous serions les seuls à avoir raison de ne pas y penser. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 130 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendements n° 249 rectifié et 320

M. le président. L’amendement n° 227 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle sur le résultat net réalisé lors de l’année 2022, par les sociétés de la branche énergie, eau et déchets ainsi que les sociétés de la branche transports.

Le montant de la contribution est calculé en appliquant un taux de 20 %.

II. – A. – Le fait générateur de la contribution prévue au I du présent article est constitué par la publication de la présente loi. La contribution est exigible au lendemain de la publication de la présente loi. Elle est déclarée et liquidée par le redevable au plus tard le 31 décembre 2022.

La contribution est contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.

B. – Tant que le droit de reprise de l’administration est susceptible de s’exercer, les redevables conservent, à l’appui de leur comptabilité, l’information des sommes encaissées en contrepartie des opérations taxables.

Ces informations sont tenues à la disposition de l’administration fiscale et lui sont communiquées à première demande.

La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Cet amendement vise à instaurer une contribution exceptionnelle de 20 % sur le résultat net réalisé en 2022 par les sociétés de la branche énergie, eau et déchets, ainsi que celles de la branche transports.

Selon les derniers comptes trimestriels de l’Insee, ces deux branches se distinguent par une hausse spectaculaire de leur taux de marge, sur une très courte période. Dans la branche énergie, eau et déchets, le taux de marge est passé de 60 % au quatrième trimestre de 2020 à 74 % au premier trimestre de 2022. Dans la branche transport, le taux de marge est passé de 37 % à 47 % sur la même période. Autrement dit, ces entreprises ont exploité le contexte d’inflation pour augmenter leurs profits d’environ un quart.

Si une partie de l’inflation française résulte bien de facteurs internationaux, qu’il s’agisse de problèmes de ravitaillement ou de la guerre en Ukraine, des entreprises présentes en France l’ont elles aussi alimentée, en augmentant trop fortement leurs prix, afin de faire gonfler leur marge.

Par conséquent, pour lutter contre l’inflation, il est indispensable de mettre fin à ces agissements, qui contribuent à entretenir la crise et l’inflation.

La taxation de ces profits de crise, proposée au travers de cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, présente un double avantage : financer des mesures plus ambitieuses en direction des personnes fragilisées et inciter les entreprises à modérer leurs marges, contribuant ainsi au ralentissement de l’inflation. Des pays européens comme l’Italie, l’Espagne, la Roumanie et le Royaume-Uni ont pris cette voie.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 227 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 250 rectifié

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 249 rectifié est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 320 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime de marchandises et des sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros.

Cette contribution exceptionnelle est égale à 25 % du résultat imposable.

II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.

D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.

F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du même code et la majoration prévue à l’article 1731 dudit code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.

III. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.

La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 249 rectifié.

M. Rémi Féraud. De nombreux amendements vont dans le même sens : il s’agit certainement de l’un des débats les plus importants de ce PLFR.

Notre amendement vise à instituer en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés de l’énergie et des transports, ainsi que sur les sociétés autoroutières qui sont redevables de l’IS pour un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros.

Il s’agit d’un nombre très limité d’entreprises. Nous souhaitons instituer une contribution exceptionnelle de leur part à hauteur de 25 % du résultat imposable.

Si le Sénat votait les amendements précédents, pour lesquels le plafond est fixé à hauteur de 20 % du résultat imposable, nous serions également très heureux : l’important, c’est le principe, et c’est de dégager des recettes pour l’État.

La question, importante, a été déjà longuement traitée : je vous remercie, monsieur le ministre, d’être resté avec nous pour en débattre. Cependant, je n’ai pas été convaincu par vos arguments, qui sont tout de même très idéologiques.

Il a été question du niveau global de la fiscalité, mais le sujet n’est pas là. Sans même considérer les recettes de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice fiscal actuel et pour le précédent, en forte augmentation bien que les multinationales ne paient que peu d’impôts, l’inéquité fiscale demeure entre, d’une part, les entreprises qui peuvent se permettre, et qui pratiquent, une très forte évasion fiscale, et, d’autre part, celles qui rapportent à travers l’impôt sur les sociétés des ressources financières à l’État. Cette taxe sur les superprofits rétablirait de l’équité fiscale entre les entreprises françaises.

À vous de choisir votre argument : cette taxe est-elle, de toute façon, vaine ? Si elle ne saurait rien rapporter, puisque rien n’est produit en France…

M. Roger Karoutchi. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Rémi Féraud. … alors nous pouvons nous permettre de la voter. Au contraire, s’agit-il d’une spoliation dangereuse pour notre économie ? Il faut choisir ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 320.

M. Éric Bocquet. Je souhaite citer Mme la première ministre, qui affirmait, il y a quelque temps : « Sur le principe, évidemment, s’il y a des gens qui tirent des surprofits de la crise, on souhaiterait que cela puisse bénéficier à tout le monde et alléger les charges que la crise peut générer ». Et elle ajoutait ensuite : « Après, ce n’est pas complètement simple – déjà, la nuance… –, beaucoup de nos voisins ont mis en place des mécanismes pour taxer ces surprofits, mais on n’est pas dans la même situation » en France. Voilà ce que nous entendons encore aujourd’hui.

Parmi les singularités de notre pays figure cette politique de dépenses publiques accordant des aides publiques au monde économique sans conditionnalité. En France, il est possible d’aider des entreprises qui, le mois suivant, licencient du personnel. Elles peuvent toucher des aides publiques tout en ne payant pas d’impôts sur les bénéfices en France : plusieurs cas ont été cités. Les entreprises peuvent toucher des aides publiques et, en parallèle, verser des dividendes, voire augmenter ces versements !

Aussi, cet amendement nous paraît totalement justifié.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendements n° 249 rectifié et 320
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 321

M. le président. L’amendement n° 250 rectifié, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime de marchandises et des sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros et dont le chiffre d’affaires enregistré en 2022 ou 2023 est supérieur d’un tiers à la moyenne constatée sur les cinq exercices précédents. .

Cette contribution exceptionnelle est égale à 25 % du résultat imposable.

II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.

D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.

F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du même code et la majoration prévue à l’article 1731 dudit code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.

III. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Les dispositions de cet amendement présentent une légère différence de montant. L’idée est d’élever à 25 % la taxe exceptionnelle sur les superprofits, à savoir ceux des entreprises qui ont connu une augmentation significative de leur chiffre d’affaires en 2022 et/ou en 2023.

À titre d’exemple, cette taxe devrait permettre de récolter environ 4 milliards d’euros de la part de TotalEnergies, 925 millions d’euros d’Engie, 4,4 milliards d’euros de CMA CGM, 875 millions d’euros des concessionnaires d’autoroutes.

Cette disposition montre que le groupe SER est ouvert au débat. Elle propose un montage moins extensif de ce qui est désormais communément appelé « la taxe sur les superprofits ». Nous considérons que cette dernière peut rencontrer un rejet de principe, idéologique, auquel cas, monsieur le ministre, il suffirait de le dire et de l’assumer. Mais le rejet peut être d’ordre technique, lié au montage du dispositif. Dans ce cas, nous proposons, au travers de cet amendement, un dispositif moins ambitieux, malgré les chiffres records annoncés par TotalEnergies il y a quelques jours.

Mes chers collègues, j’irai même plus loin : nous sommes prêts à débattre de sous-amendements. En effet, au-delà de toute considération technique, nous voulons que le Sénat vote une taxation sur les superprofits : ce serait, je crois, un symbole fort de justice sociale et fiscale pour le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon avis sera défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

En ce qui concerne l’amendement n° 319, monsieur Bocquet, vous voulez asseoir l’imposition sur les résultats de longues périodes : de 2017 à 2019, puis de 2020 à 2022. Si les bénéfices progressent, il faudrait, selon vous, imposer davantage… Il est pourtant de notre intérêt que les entreprises soient en bonne santé.

Au sujet de l’amendement n° 226 rectifié, la difficulté est que M. Breuiller fixe le plancher à 750 millions d’euros. À bien y regarder, si l’on additionne l’impôt sur les sociétés et cette proposition, le taux normal d’imposition pour les entreprises visées s’élève à 75 %. Cette mesure ne me semble donc pas envoyer un bon signal.

L’amendement n° 130 rectifié bis a pour objet des profits exceptionnels : Mme Vermeillet vise les entreprises qui ont réalisé des profits en 2021 et non en 2022 : je comprends dès lors, et c’est pour moi un souci, que cela n’a rien à voir avec la crise de l’énergie ni avec la crise en Ukraine.

Surtout, cette mesure entraînerait plusieurs difficultés.

Premièrement, elle pourrait avoir des conséquences dommageables pour les entreprises en croissance.

Deuxièmement, ma chère collègue, vous entendez toucher toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un million d’euros : l’assiette, me semble-t-il, est extrêmement large, pour ne pas dire excessivement large.

Troisièmement, cette contribution tomberait, vous le savez, a posteriori : les entreprises qui ont fait des choix d’investissement et distribué des dividendes se retrouveront dès lors sanctionnées a posteriori. Je trouve cela dommageable.

Enfin, votre proposition est source de risques : elle pourrait peser à l’avenir sur les investissements des entreprises, voire les brider.

Les auteurs de l’amendement n° 227 rectifié reviennent sur la question du chiffre d’affaires, y compris des petites entreprises. Le taux d’imposition pour toutes les sociétés des secteurs évoqués serait de 45 % : ce n’est pas ce dont nous avons actuellement besoin, car l’IS, malgré sa baisse, produit, pour l’instant, davantage de recettes.

Les dispositions des amendements identiques nos 249 rectifié et 320, ainsi que de l’amendement n° 250 rectifié, constitueraient un poids considérable pour certains secteurs d’activité qui ne sont pas tous redevables d’impositions sur le territoire national. Par conséquent, il faut faire attention à ne pas taper à côté de la cible, si j’ose dire, en proposant de prélever davantage sur ces entreprises.

Je privilégie la voie suivante : quand la situation est difficile, si les entreprises, dans leur secteur d’activité, peuvent immédiatement mener des politiques plus offensives afin d’accompagner les Français face aux difficultés, c’est cette solution qu’il convient d’encourager. Il faut certainement donner un cadre nouveau pour exercer cette possibilité, mais c’est la réactivité et l’efficacité qui sont à privilégier, davantage que la taxation.

J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement sera défavorable sur chacun des amendements, monsieur le président.

Je ne reprendrai pas dans le détail les excellents arguments avancés par le rapporteur général de la commission des finances. Je formulerai simplement une remarque générale et une remarque de circonstance.

La remarque générale, c’est qu’il y a bien une chose que nous n’avons jamais essayée, dans notre pays – cela explique peut-être certains résultats économiques décevants au cours des décennies passées –, c’est la stabilité fiscale. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je pense que la stabilité fiscale n’a pas de prix. Elle permet aux entreprises d’investir. Elle leur donne de la visibilité sur le long terme. Elle a fait de notre pays le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe. Croyez-moi, on ne fait pas venir en France une entreprise comme GlobalFoundries, qui doit faire de notre pays l’un des cinq producteurs de semi-conducteurs de la planète, disposant ainsi de véritables technologies de rupture, si la stabilité fiscale n’est pas garantie.

Quand une entreprise comme GlobalFoundries réalise un investissement de 6 milliards d’euros, en Isère, elle a besoin d’assurances sur la stabilité fiscale.

J’entends tous les arguments qui ont été avancés, visant à aider les plus modestes et les plus faibles. Tout cela s’entend parfaitement. J’aimerais seulement pousser le raisonnement un peu plus loin. Posons-nous la question : qu’est-ce qui explique, à examiner les trente dernières années, que la France n’a pas toujours gagné la bataille des investissements étrangers ? Qu’est-ce qui fait que nos entreprises ont hésité à investir ? C’est l’instabilité fiscale !

La stabilité fiscale n’a pas de prix. Elle apporte de l’emploi, de la prospérité, de la richesse, des ouvertures d’usines et des investissements.

Vous me demandiez un seul argument justifiant mon refus de cette taxation. Le voici : la stabilité fiscale, que nous avons inscrite depuis cinq ans au fronton de l’action de notre majorité.

Ma remarque de circonstance sera la suivante. Si l’on entre plus avant dans les détails, dites-vous, deux entreprises, à savoir TotalEnergies et CMA CGM, ont réalisé des profits considérables à cause de la situation actuelle.

Tout d’abord, vous me permettrez d’être quelque peu gêné aux entournures quand il s’agit de pointer du doigt des entreprises qui font la force de notre économie. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous les avez citées vous-même !

M. Bruno Le Maire, ministre. Vous m’excuserez de rester sur cette ligne, mais je trouve qu’il y a toujours quelque chose de gênant à pointer du doigt une entreprise ou une autre, un nom ou un autre. C’est ma conviction. Respectez-la.

Vous me dites que ces entreprises-là ont profité de la situation actuelle et doivent rendre aux Français. Je suis d’accord. La remise que TotalEnergies fera de 20 centimes d’euro par litre de carburant sur toutes les stations, rurales comme autoroutières, coûtera à cette entreprise un demi-milliard d’euros. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Il est possible de juger cela insuffisant et de considérer que l’entreprise pourrait faire davantage. Simplement, il n’est pas possible de dire qu’elle n’a rien fait.

De même, CMA CGM réalise une remise de 750 euros par container : on peut juger que ce n’est pas assez, on peut juger qu’ils doivent faire plus, mais on ne peut pas dire qu’ils n’ont rien fait.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas assez !

M. Bruno Le Maire, ministre. Par ailleurs, toutes les autres entreprises qui entrent dans le champ de vos amendements n’ont, ô grand Dieu, rien demandé à personne, que ce soit Stellantis, Renault, STMicroelectronics, que je viens d’évoquer, Engie ou d’autres encore. Pourquoi seraient-elles soumises à un impôt exceptionnel ?

Ces entreprises sont confrontées à la transition énergétique. Celles du secteur automobile doivent investir massivement dans de nouvelles chaînes de traction, dans le véhicule électrique, dans l’ouverture de nouvelles usines. Je préfère sincèrement qu’elles paient davantage d’impôt sur les sociétés, car elles ont réalisé davantage de bénéfices, tout en conservant des marges pour investir en France et réussir la révolution du véhicule électrique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais elles engrangent des bénéfices !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je préfère qu’elles restent des entreprises profitables, dont tous nos compatriotes pourront bénéficier.

M. Bruno Le Maire, ministre. Il est possible de ne pas être d’accord, madame la sénatrice, mais je ne pense pas qu’en disant « quelle honte », on fasse beaucoup avancer le débat.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis désolé, je réfute ce type d’argument. Si, au cours de ce débat qui va durer longtemps, nous commençons à nous lancer des invectives, comme « quelle honte », « quel scandale » ou que sais-je encore, nous ne progresserons pas beaucoup. Vous avez avancé vos arguments, madame la sénatrice : j’avance les miens.

Je suis convaincu que, pour l’intérêt national, la stabilité fiscale n’a pas de prix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Votre propos, monsieur le ministre, n’est absolument pas convaincant.

L’argumentaire que vous venez de développer est quelque peu choquant : j’ai l’impression que vous reprenez votre théorie, votre vieille antienne, votre catéchisme libéral, que vous assénez depuis des années : la fameuse théorie du ruissellement, que personne ne voit jamais se produire, sauf dans les catégories les plus privilégiées.

Plus grave encore est le parallélisme déflagrateur entre le débat tenu ici la semaine dernière, au cours duquel vous avez obstinément refusé d’augmenter les revenus des plus défavorisés au travers du revenu minimum, et la discussion que nous avons aujourd’hui, au cours de laquelle vous refusez, avec en quelque sorte des pudeurs de gazelle, de taxer ceux qui profitent de la crise. Car il s’agit bien ici de profiter de la crise !

Taxer 25 % des superprofits de TotalEnergies, je vous rassure, laisse encore à cette entreprise 16 milliards d’euros sur l’année. Je ne pense pas qu’elle en mourra ou qu’elle rencontrera le moindre problème…

D’ailleurs, on parle beaucoup de TotalEnergies, mais n’oublions pas les concessionnaires d’autoroutes. Je puis comprendre que vous soyez quelque peu mal à l’aise à l’idée de les taxer, monsieur le ministre, car vous avez participé, quand vous étiez directeur de cabinet de M. de Villepin, à leur privatisation. Vous avez ainsi fait en sorte qu’ils s’engraissent dès que nos compatriotes sont sur les routes : la facture est très salée quand ils prennent l’autoroute, lorsqu’ils ont la chance de pouvoir partir en vacances, ce qui n’est malheureusement pas le cas de tous.

Il serait peut-être temps d’agir et d’envoyer un message de justice sociale, parce que l’injustice que vous créez est le terreau des révoltes de demain.

Si vous ne voulez pas connaître de nouveau révoltes et manifestations de masse, agissez tout de suite, allez dans le sens de la justice sociale ! Envoyez des signaux positifs, montrant que, dans ce pays, la répartition des richesses est possible. Faites-le, ayez ce courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Briquet. La taxation des superprofits anime nos débats, ce qui était prévisible. Le fait que des amendements soient issus de plusieurs travées prouve l’intérêt du sujet.

J’ai bien noté, monsieur le ministre, votre hostilité à toute taxation sur les superprofits. Pourtant, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Si vous avez pu mettre en œuvre des dépenses extraordinaires, pourquoi refuser des recettes qui le sont également ? D’autant que, selon vous propres dires, la cote d’alerte est atteinte en matière de finances publiques…

Est-ce à dire que seule la réduction de la dépense sera de mise ? Nous savons bien qui, finalement, paiera l’addition.

Au nom de la stabilité fiscale, doit-on faire un trait sur la justice sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Nonobstant le désagrément que je vais causer à mes collègues, je ne voterai pas ces amendements. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)

Tout d’abord, pour nous, la justice, c’est l’efficacité. Chaque Français doit retrouver dans son porte-monnaie le bienfait des mesures qui sont prises. Or, M. le ministre l’a rappelé à propos de TotalEnergies, mieux vaut un prix de l’essence, demain, à 1,50 euro qu’une taxe destinée à l’État, dont les effets sur le pouvoir d’achat ne seraient pas immédiats.

Ensuite, contrairement à ce qui vient d’être dit, la théorie du ruissellement fonctionne, depuis cinq ans, dans notre pays : création de plus de 1,5 million d’emplois, baisse des impôts pour chacun d’entre nous, valeur ajoutée trouvée en France, moyens ayant permis la hausse des minima sociaux… Tout cela a pu être fait grâce aux profits qu’ont créés les entreprises.

La France a besoin non pas de taxes supplémentaires, mais d’investissements, de créations d’emplois et de richesses, qui lui permettront de se développer.

M. Vincent Éblé. Avec de la dette !

M. François Patriat. Si vous taxez aujourd’hui, vous frapperez TotalEnergies, qui fait des profits à l’étranger – tant mieux si nous possédons un fleuron industriel ! Allez-vous taxer également British Petroleum ou Exxon ? Quand ces entreprises, y compris CMA CGM, étaient au bord de la faillite, vous n’avez pas créé les moyens de les aider ! Aujourd’hui, en mettant en place des aides pour nos territoires d’outre-mer, elles accompagnent leur développement.

Par ailleurs, comparaison n’est pas raison ! Vous comparez à chaque fois la situation de la France à celle de la Grèce, de l’Italie ou de l’Espagne. Or la France est le pays qui prélève le plus, mais qui redistribue le plus. Je voudrais savoir comment ont été traités les Espagnols, les Italiens et les Roumains au moment de la crise de la covid-19. Ils ne l’ont pas été comme l’ont été les Français !

M. David Assouline. L’Espagne a augmenté le SMIC !

M. François Patriat. À combien s’élève aujourd’hui le SMIC espagnol ? Les Espagnols doivent désormais avoir deux boulots pour survivre, parce qu’ils ne reçoivent aucune aide de l’État. Ils n’attendent d’ailleurs rien de l’État.

M. David Assouline. Beaucoup de Français sont dans la même situation !

M. François Patriat. En France, l’État répond présent. Nous allons envoyer un signe : les grandes entreprises feront un effort pour aider les Français.

Nous serons là pour vérifier les résultats. Si ces entreprises ne tenaient pas leurs engagements, nous en tiendrions compte dans le budget futur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. M. Attal le répète souvent, le « quoi qu’il en coûte » est terminé ; désormais c’est « combien ça coûte ? ».

Or la vraie question n’est pas celle-là ! La vraie question, c’est « qui doit payer ? », dans un moment de crise, pour l’ensemble du pays ? On aurait pu penser que, après les résultats électoraux, pouvait se jouer une certaine sincérité liée à l’urgence de la situation.

Nous sommes en effet confrontés à une guerre, ainsi qu’à une crise sociale particulièrement prégnante au cours de la campagne électorale. Ainsi, comme ce fut le cas au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, gauche et droite auraient pu s’entendre sur des mesures exceptionnelles, dans l’intérêt du pays et de nos concitoyens.

Or, monsieur Le Maire, vous êtes dans la lignée de ce que vous avez toujours défendu, ce que je ne vous reprocherai pas. C’est la droite de l’hémicycle qui est en admiration devant vous et qui vous applaudit ! Il n’y a aucune main tendue pour ce qui concerne les préoccupations portées par la gauche.

Au cours du précédent débat, le mot d’ordre était le suivant : « Pas d’augmentation de salaire ! » Il ne faut pas toucher à ceux, qui, faisant des profits, sont simplement encouragés, par vos seuls propos et non par des mesures concrètes, à augmenter des salaires qui ne permettent plus à nos concitoyens de vivre.

Aujourd’hui, dans le cadre de ce nouveau débat, nous nous intéressons à ceux qui, dans un moment de crise majeure, ont fait des profits. À une autre époque, on les appelait les « profiteurs de guerre ». Le minimum, pour les progressistes de la gauche et de la droite, c’est de les taxer. Ainsi, les centristes de l’hémicycle, qui par définition ne sont pas de gauche, considèrent que, de façon exceptionnelle, il faut aller chercher l’argent là. Et vous dites encore non !

Vous n’avez donc défendu, au cours de ces deux débats, que les intérêts de ceux qui ont déjà beaucoup, tournant le dos à ceux qui souffrent et qui ont des difficultés pour vivre.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Permettez-moi de revenir sur les propos de M. le rapporteur général et de M. le ministre. Je souhaite que nous évitions toute confusion concernant le terme « entreprises ». De quoi parlons-nous exactement ?

Il existe différents types d’entreprises, tout le monde le sait ici. Vous nous parlez de stabilité fiscale, monsieur le ministre. Mais mon collègue Gilles Carrez, que personne ne pourra accuser d’avoir été de gauche, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, a montré l’iniquité de fait entre les PME et les multinationales.

Vos services ont examiné à la loupe les liasses fiscales des sociétés françaises. Pour les PME, le taux effectif d’imposition est de 24 %, pour les multinationales, il est de 17,53 %. Donc, celles qui se font avoir, dans cette affaire, ce sont les petites et les moyennes entreprises, qui, elles, n’ont pas droit à la stabilité fiscale ! Elles ont simplement le droit d’être mises à contribution. Je vous renvoie donc à votre argument, monsieur le ministre, après avoir montré son absence de validité.

Ensuite, vous avez évoqué TotalEnergies. Examinons les chiffres. Le « geste » que cette entreprise va faire, avec beaucoup de générosité, à hauteur de 500 millions d’euros – nous ignorons d’ailleurs comment cette somme a été calculée – représente 0,2 % de son chiffre d’affaires !

M. Bruno Le Maire, ministre. Et pas de son bénéfice !

M. Pascal Savoldelli. Chers collègues de droite, alors que TotalEnergies s’apprête à nous concéder 0,2 % de son chiffre d’affaires, nous avons débattu ici d’une réduction de 0,5 % de l’augmentation de l’allocation du RSA !

J’estime que deux camps s’affrontent dans cet hémicycle : d’une part, la collusion entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, qui défend le capital : d’autre part, la gauche, qui peut s’élargir et qui entend adopter, à l’issue de notre débat, au moins un euro de contribution adossé aux bénéfices des entreprises, car c’est indispensable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que de nombreuses entreprises ne réalisaient pas leurs bénéfices en France.

Effectivement, si l’on examine les bénéfices de TotalEnergies, on peut se poser des questions. En 2020, cette entreprise n’a payé aucun impôt en France, malgré un bénéfice de 10 milliards d’euros en 2019. Comment expliquez-vous qu’une entreprise dont le siège est en France et dont 21 % de l’activité sont réalisés dans notre pays, non seulement n’y enregistre aucun bénéfice, mais, pire, y déclare des pertes ? Le Trésor public lui a même remboursé 126 millions d’euros !

N’y a-t-il pas là un petit sujet ? Sans doute est-il temps de donner à nos services fiscaux les moyens de chercher où sont les fraudes ! Le moins qu’on puisse dire, c’est que les multinationales ne jouent pas le jeu de la solidarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je soutiendrai l’amendement présenté par Mme Sylvie Vermeillet.

Bien évidemment, la crise que nous subissons s’inscrit dans le prolongement de la crise sanitaire. Dans cet hémicycle, monsieur le ministre, nous avons voté la réduction des aides covid pour les entreprises possédant des filiales dans les paradis fiscaux. TotalEnergies figure tout de même en bonne place dans les Panama Papers ! Nous avions aussi demandé que ces aides covid ne soient pas attribuées aux entreprises qui distribuaient des dividendes, mais nous n’avions pas obtenu satisfaction sur ce point.

Permettez-moi de rappeler les grandes entreprises bénéficiaires : LVMH, avec une hausse de 107 % de ses bénéfices, soit 12 milliards d’euros, STMicroelectronics, avec une hausse de 24 %, Biogroup et toute l’industrie pharmaceutique, qui, pendant la crise du covid-19, ont bénéficié des aides et multiplié leurs profits.

Sylvie Vermeillet l’a très bien expliqué, des aides exceptionnelles ont été accordées au moment de la crise sanitaire. Un prélèvement exceptionnel doit donc être envisagé pour aider à passer le cap lié à la crise de l’énergie et à l’inflation.

À nos yeux, il n’y a rien de choquant à mettre en place une taxe bornée dans le temps. Nous sommes donc tout à fait opposés à vos propos, considérant que la mesure que nous préconisons est parfaitement légitime et conforme à notre analyse.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. En 2020 et 2021, l’État a aidé les entreprises à surmonter la situation pandémique, qui a causé beaucoup de dégâts. Il faut s’en souvenir, car cela a coûté aux finances publiques.

Or, aujourd’hui, les journaux ne cessent d’égrener dans leurs pages les résultats de ces entreprises, qui sont bien supérieurs aux résultats habituels – ils peuvent représenter jusqu’au quadruple de ceux-ci !

Par ailleurs, face à l’inflation à laquelle les consommateurs sont confrontés, ces entreprises n’engrangent-elles pas des superprofits, profitant de la situation inflationniste ?

Selon moi, l’amendement présenté par Sylvie Vermeillet et le groupe Union Centriste est fondamentalement différent de ceux qui sont présentés par les autres groupes, tout simplement parce qu’il s’agit de prévoir une contribution exceptionnelle lorsque le bénéfice a été supérieur de 20 % ou plus à la moyenne des bénéfices nets réalisés en 2017, 2018 et 2019, soit avant la crise.

Ce n’est pas une taxation très forte, puisqu’elle ne concernerait que les entreprises ayant réalisé un profit notablement supérieur en 2021, par rapport à la moyenne des trois années précédentes. Ne confondons pas une telle mesure avec les gestes commerciaux qu’un certain nombre d’opérateurs seraient par ailleurs en mesure de proposer aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Pour ma part, je suis opposé à ce type d’imposition circonstancielle, qui nuit à la clarté et à la sécurité juridique des contribuables et qui est d’autant plus démagogique que son rendement fiscal serait faible.

Une politique fiscale efficace, c’est-à-dire favorable à la productivité économique et, donc, au pouvoir d’achat, implique de suivre des règles fixes et préétablies.

C’est une question de sécurité juridique. S’il est bien un aspect de la loi fiscale qui décourage les entrepreneurs, c’est sa rétroactivité. Il est difficilement compréhensible que des opérations faites par les entreprises en considération d’un régime fiscal donné puissent faire l’objet a posteriori d’un traitement fiscal différent.

Le respect du droit et des libertés fondamentales, y compris en matière fiscale, suppose le respect de principes supérieurs, qui n’ont pas à varier au gré de l’opportunisme politique. Ce comportement déloyal de l’État finit toujours par se retourner contre lui.

Sur le plan interne, le principe d’égalité devant les charges publiques s’oppose à une taxation discrétionnaire de quelques contribuables.

Sur le plan européen, le principe de protection de la confiance légitime oblige la puissance publique à respecter la parole donnée. C’est la stabilité fiscale nécessaire dont nous a parlé M. le ministre.

Vous avez évoqué l’Espagne, chers collègues. La taxation mise en place dans ce pays aura un effet en 2023 et 2024, ce qui ne permet pas de régler la situation actuelle. Vous avez également fait référence au Royaume-Uni, où je réside et dirige une entreprise. L’ancien ministre des finances, candidat à la fonction de Premier ministre, qui propose d’augmenter la fiscalité, y est contredit par sa concurrente directe à ce poste, qui souhaite baisser les impôts.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai aucun de ces amendements. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, comme je l’ai demandé en commission des finances sans obtenir de réponse, je voudrais connaître la définition des superprofits.

Pour ma part, j’ai quelques difficultés à savoir de quoi il s’agit…

M. Bruno Le Maire, ministre. Moi aussi !

M. Philippe Dominati. … et les débats ne m’ont pas véritablement éclairé.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il y a une définition dans l’amendement !

M. Philippe Dominati. S’agit-il des profits réalisés par une société qui se rétablit et qui commence à être bien gérée ? Ainsi, la SNCF a réalisé un bénéfice de 1,3 milliard d’euros en 2017 et de 141 millions d’euros en 2018. En revanche, elle a enregistré une perte de 811 millions en 2019, ce qui fait un bénéfice moyen de 223 millions d’euros. Si j’applique à cette entreprise la taxe prévue par l’amendement n° 130 rectifié bis, elle devra payer 133 millions d’euros au titre de ses superprofits.

M. Bruno Le Maire, ministre. Bon exemple !

M. Philippe Dominati. Quant au groupe La Poste, il devra payer 250 millions d’euros au titre de ses superprofits, puisqu’il a réalisé un bénéfice de 798 millions d’euros en 2018, de 822 millions en 2019 et de 2 milliards d’euros, à la suite de reprises de provisions, en 2021.

Je n’ai pas fait le calcul pour Air France, ni pour les agriculteurs qui bénéficient de l’augmentation du prix du blé en Ukraine, ni pour les commerçants et les entreprises de l’Île-de-France, qui réaliseront peut-être des superprofits à l’occasion des jeux Olympiques…

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelle est, pour Bercy, la définition exacte des superprofits. En effet, j’ai l’impression qu’il s’agit plus de faire preuve d’une certaine démagogie destinée à taxer tous les profits ! En France, bien que nous ayons la fiscalité la plus importante des pays développés, il faut taxer dès qu’il y a un profit ou une réussite quelque part.

C’est la raison pour laquelle ce débat me déplaît. Afin de montrer que je ne suis pas de connivence avec vous, monsieur le ministre, je me permettrai une autre remarque : n’aurait-il pas été pertinent de ne pas pointer du doigt certaines sociétés, au moment du débat sur les Gafam, en préconisant des taxes spéciales ? Au demeurant, j’aurai l’occasion de revenir sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Tous ces amendements ont le goût sucré des mesures qui n’ont que l’apparence de la justice sociale. Ce sont de fausses bonnes solutions, et cela pour deux raisons.

Tout d’abord, ces mesures sont à la fois faussement efficaces et faussement équitables. En effet, créer une super taxe pour TotalEnergies n’amènerait aucune rentrée d’impôts.

M. Bruno Retailleau. Je préfère que l’effort de cette société soit empoché par les Français, plutôt que par Bercy.

Ces mesures sont également faussement équitables. En effet, les résultats d’une entreprise, quelle qu’elle soit, ne dépendent pas toujours des stratégies éclairées de cette dernière. L’important, c’est bien évidemment son environnement. Demain, créerez-vous une supertaxe pour ceux qui vendent plus de bouteilles d’eau minérale parce qu’il fait très chaud ? Et pour ceux qui vendront plus de cirés lorsqu’il fera très humide ? Ces exemples montrent l’absurdité de votre raisonnement. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas un argument !

M. le président. Je vous demande de respecter la parole de chaque orateur, mes chers collègues !

M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, et c’est mon argument le plus important, dire aux Français que la solution réside dans la taxation, c’est leur mentir. En effet, le problème, en France, c’est justement les taxes et les impôts.

Notre pays a choisi de faire financer sa dépense publique en surtaxant les entreprises. La différence de taxation par rapport à la moyenne européenne, notamment dans la zone euro, représente près de 7 points de PIB, ce qui fait 150 milliards d’euros de différence entre la France et l’Allemagne, soit quatre fois plus d’impôts de production et beaucoup plus de charges sociales. Cette situation a conduit à la désindustrialisation de la France.

M. Bruno Le Maire, ministre. Tout à fait !

M. Bruno Retailleau. Mes chers collègues, très franchement, si le remède aux malheurs français était les taxes sur les superprofits, alors même que nous sommes, avec le Danemark, les champions du monde de la fiscalité, la France serait non seulement le pays le plus civilisé, mais même à l’avant-garde du bonheur universel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le ministre, vous nous parlez ce soir de stabilité fiscale, laquelle risquerait d’être malmenée par l’adoption de ces amendements. Pourtant, vous-même n’avez pas craint de la malmener pendant la crise du covid-19, au cours de laquelle les plus grosses entreprises ont bénéficié des PGE, les prêts garantis par l’État !

Nous avons auditionné récemment M. Rodolphe Saadé, qui nous a indiqué clairement qu’il avait gagné plus d’argent. C’est à nous qu’il revient de décider comment ces sommes seront distribuées.

Or, aujourd’hui, vous nous dites que ce sont les entreprises qui décident, à l’image de TotalEnergies, combien elles donneront. Je croyais naïvement que c’était le Parlement et le Gouvernement qui fixaient le taux d’imposition. Ce soir, monsieur le ministre, vous organisez une forme de charité. Vous êtes le ministre non plus de l’économie, mais de la charité ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, vous avez dit que la stabilité fiscale n’avait pas de prix. C’est une notion, certes, qui peut avoir du sens. Pour autant, elle me paraît difficile à défendre au sortir d’une crise importante, au cours de laquelle l’État a accompagné les entreprises, notamment les plus grosses d’entre elles, par des subventions et des aides.

Aujourd’hui, le moment est sans doute venu de faire un échange de bons procédés. Mais notre débat, je ne puis que le constater, reste dogmatique.

Je voudrais vous interroger sur un problème spécifique de concurrence. Vous encouragez TotalEnergies à aider au financement du litre d’essence, à hauteur de 20 centimes d’euro. Comment répondrez-vous au président du CNPA, le Conseil national des professions de l’automobile, qui s’inquiète, dans une interview récente, de cette baisse artificielle que vous avez encouragée ? À cet égard, il rappelle que c’est la pérennité même des exploitants des stations-service qui se trouve en jeu, ces derniers n’ayant pas les moyens de s’aligner sur les prix de TotalEnergies. Car les consommateurs, assez naturellement, se fourniront auprès de cette société.

Dans la situation que nous connaissons, il me semble qu’il est du rôle de l’État de réguler. On ne peut plus laisser faire le marché. Je le pense sincèrement, une taxe, même minime, aurait du sens eu égard à ces superprofits.

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.

M. Vincent Segouin. Notre balance commerciale est ultra-déficitaire. D’année en année, elle continue de se dégrader. Le phénomène est lié à la délocalisation. Nous sommes vingt-septièmes sur vingt-sept en matière de taxation !

En tant que citoyen, que feriez-vous si le taux de votre taxe foncière était deux fois supérieur au taux de taxe foncière de la commune voisine, située à cinq kilomètres ? Vous déménageriez !

M. David Assouline. La preuve, c’est que nous restons en France !

M. Vincent Segouin. Comprendrez-vous un jour que les entreprises internationales s’intéressent à ces taux d’imposition, qui sont liés à la compétitivité ?

Quand cesserons-nous de nourrir la spirale infernale des augmentations d’impôts ? Attendrons-nous de perdre toutes nos entreprises ? Chaque fois, c’est du chômage en plus ! J’admire les entreprises qui déclarent encore leurs revenus en France ! Avec votre politique d’augmentation permanente de l’impôt, sans jamais revoir la dépense, très franchement, je peine à comprendre comment les entreprises restent en France.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.

M. Sébastien Meurant. En France, on continue à vouloir pénaliser ceux qui réussissent. Pour ma part, j’ai envie de dire bravo à TotalEnergies et à tous les hommes qui y travaillent, bravo à l’ancienne Compagnie française des pétroles, dont l’histoire est si riche.

Naguère, on m’a appris que l’énergie était un domaine qui relevait de la souveraineté. Elle concerne les entreprises et les ménages. Dans une période où l’énergie est chère, comment se fait-il que TotalEnergies engrange des bénéfices colossaux, ce qui est une bonne chose, je le répète, alors que EDF, cette pépite française, fruit de l’investissement de nombreuses générations, décidé à une époque où les gouvernants pensaient à la génération suivante, accumule tant de pertes ? (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas le bon exemple !

M. Sébastien Meurant. Il existe des explications à ce déficit, et elles sont à chercher d’un certain côté de cet hémicycle. Permettez-moi de le rappeler, à l’époque de M. Jospin, pour faire plaisir aux Verts, on a arrêté Superphénix et on a cessé d’entretenir les réacteurs nucléaires !

Il faut que nos compatriotes le sachent, si l’énergie est chère aujourd’hui, c’est à cause de cette vision idéologique, de cette politique antinucléaire ridicule et dangereuse pour la souveraineté de la France et pour le pouvoir d’achat des ménages.

Aujourd’hui, certains Verts, qui ont mûri ou qui ont été touchés par la sagesse ou la grâce, comme Brice Lalonde, reconnaissent que cette lutte contre le nucléaire a été une erreur magistrale. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Nous devrions nous intéresser à la manière de favoriser les bénéfices des entreprises françaises, car les bénéfices d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. C’est un débat intéressant, qui nous permet de réviser le catéchisme libéral classique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Lorsqu’il s’agit de voter une taxe sur les entreprises, c’est l’attractivité de la France qu’il faut défendre, grâce à une stabilité fiscale pour ces entrepreneurs honnêtes qui prennent tous les risques et qui ont besoin d’une vision d’avenir… Bien évidemment, tout cela n’a rien à voir avec la réalité !

La réalité, c’est quelques chiffres qui n’ont pas encore été cités, dont celui-ci en particulier ; de mars 2020 à octobre 2021, la richesse des grandes fortunes françaises a bondi de 86 %, soit un gain de 236 milliards d’euros.

M. David Assouline. Les pauvres, ils sont surtaxés !

M. Ronan Dantec. À titre de comparaison, elle avait augmenté de 231 milliards d’euros en dix ans, entre 2009 et 2019.

Ainsi, derrière votre orthodoxie libérale, on masque une concentration de la richesse en France et la rupture, qui est finalement l’histoire sociale du XXsiècle, de l’équilibre entre les revenus du capital et les revenus du travail.

Monsieur le ministre, ce que vous avez dit tout à l’heure sur l’augmentation de l’impôt sur les sociétés était faux. Conformément à l’orthodoxie libérale, vous prétendez que la stabilité fiscale conduit à une augmentation des recettes. C’est faux ! Entre 2017 et 2021, l’impôt sur les sociétés a gagné 900 millions d’euros, qu’il convient de comparer avec les 236 milliards d’euros gagnés en seulement un an par les grandes fortunes.

Finalement, ceux qui défendent aujourd’hui un capitalisme raisonnable sont de gauche ! En effet, si cela continue comme ça, il n’y aura plus de contrat social possible avec le capitalisme. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Vincent Segouin. Oh là là !

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Moi aussi, je préférerais que l’on se raccroche au réel et non pas au catéchisme libéral dont il vient d’être question.

Regardons en face la situation actuelle : on observe un phénomène de prédation. David Assouline l’a dit, le président Macron aussi, il y a des profiteurs de guerre : ils ont haussé leur taux de marge à des niveaux jamais atteints, au mépris de toute solidarité ou, même, de la décence la plus élémentaire.

M. François Bonhomme. Bonjour les clichés !

M. Thomas Dossus. Ces profiteurs, on les connaît : TotalEnergies et CMA CGM. Je préfère citer ces grands groupes de l’énergie et du transport, qui occupent une position prépondérante dans la chaîne de valeur. Ce sont leurs actions et leurs décisions qui se répercutent sur les consommateurs, lesquels en paient le prix fort.

Monsieur Le Maire, vous avez parlé d’« investissement dans la transition ». Pour ce faire, vous faites confiance à TotalEnergies, qui annonce tous les jours de nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles, alors que cela fait cinquante ans qu’ils sont au courant du caractère criminel pour le climat de leurs activités et qu’ils ne font rien, voire qu’ils agissent pour empêcher la diffusion de possibles régulations.

Nous voulons non pas une aumône, mais la justice fiscale ! Vous répondez tantôt que c’est impossible, tantôt que cela ne rapportera rien. Vous êtes le ministre de l’impuissance fiscale ! Mettons à contribution les profiteurs de guerre, afin que chacun puisse aider dans la crise que nous traversons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J’écoute attentivement le débat depuis un moment, et j’entends que l’impôt est mauvais et que toute augmentation d’impôts serait intrinsèquement dangereuse. J’ai même entendu certains de nos collègues opposer la fiscalité et la justice à l’efficacité !

J’ose vous le dire, mes chers collègues, je ne partage pas votre idéologie. Au contraire, j’estime que tout ce qui sert la justice est efficace. Lorsque l’on évacue l’aspect vertueux et moral, on envoie à la société française le signal suivant : on peut prospérer, on peut être un profiteur de crise, sans avoir à payer sa part, au titre de la solidarité et non pas de la charité bien sûr.

Songez, de surcroît, que nous sommes en économie ouverte ; cela revient à dire que jamais l’impôt n’augmentera, quelles que soient les circonstances.

Décider d’une taxe exceptionnelle, bornée dans le temps, ne remet en cause ni la stabilité fiscale ni l’attractivité du pays. L’impôt ne se résume pas à un taux ; c’est l’expression d’une politique. Aujourd’hui, vous dites très clairement que vous voulez laisser prospérer les inégalités et les injustices. Voilà qui n’est ni juste ni efficace ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Les arguments qui nous sont opposés reposent tous sur une sorte de dogme, en vertu duquel tout prélèvement serait intrinsèquement pervers.

Dès lors, bien entendu, une erreur de raisonnement se répand : quand nous proposons un prélèvement extrêmement spécifique, on nous répond que cela ouvrirait la porte à un prélèvement généralisé ! M. le président Retailleau, que j’ai connu plus inspiré, nous explique que cela va poser problème, affectant jusqu’aux bouteilles d’eau minérale… Autrement dit, assure-t-il, cela va entraîner une sorte de mouvement universel. Mais vous savez très bien, mes chers collègues, que ce n’est pas vrai !

Quand TotalEnergies fait en trois mois un profit, qui mérite bien le nom de « superprofit », de 4,7 milliards d’euros, est-il vraiment scandaleux d’imaginer que l’on en prélève une partie ?

L’amendement de M. Rémi Féraud vise les sociétés pétrolières et gazières, les sociétés de transport maritime de marchandises et les sociétés d’autoroutes. Les Français, eux, paient l’essence – assez cher, malgré tout… – et, ces jours-ci, ils s’entassent aux barrières de péage. On nous a dit, d’ailleurs, que pour récupérer ce que l’inflation leur faisait perdre, les sociétés concessionnaires envisageaient d’augmenter leurs tarifs… Observez, mes chers collègues, les profits des sociétés auxquelles les autoroutes ont été concédées !

Serait-il vraiment scandaleux d’instaurer un prélèvement sur les bénéfices de ces entreprises-là ? De grâce, ne dites pas qu’il s’agit d’une mesure générale : nous proposons une mesure spécifique, bien ajustée – en un mot, juste. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. « Charité bien ordonnée commence par soi-même. » Monsieur le ministre, vous faites pression sur les grands groupes pour leur demander de verser une obole, afin d’éviter une taxation. Il est toutefois évident que, si les grands groupes acceptent de verser cette obole, c’est pour éviter d’avoir à s’acquitter d’une taxe dont le montant serait beaucoup plus important.

Il s’agit donc bien d’une forme de charité, dont bénéficiera une partie des Français. Cette obole, le groupe TotalEnergies, par exemple, a décidé de la verser, mais elle est loin de concerner l’ensemble des Français : seuls les consommateurs qui se serviront dans les stations-service de ce groupe pourront profiter de la remise annoncée. Il s’agit donc d’une mesure absolument inéquitable, et même inadmissible.

Les superprofits, on le sait très bien – mes collègues l’ont dit –, sont par définition réalisés sur ou à partir de la crise : bien souvent, ils sont d’origine spéculative. Et l’orthodoxie économique elle-même commande de taxer cette spéculation !

On nous rétorque par ailleurs que l’effet de notre mesure ne serait pas immédiat pour les Français. Mais rien n’empêche l’État de mettre en place une taxation complémentaire et de l’assortir d’une compensation immédiate versée aux Français, comme cela a été fait avec la remise à la pompe : c’est possible de manière immédiate.

À y regarder d’un peu plus près, on constate que les dispositions prévues par le Gouvernement sont particulièrement inéquitables et que seule serait juste une taxation sur les superprofits. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Thomas Dossus applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour explication de vote.

M. Serge Mérillou. Monsieur le ministre, après avoir attentivement écouté les uns et les autres, je me pose la question de savoir si la doctrine fiscale du Gouvernement n’a pas évolué.

Les grands groupes comme TotalEnergies, qui, d’ailleurs, paient peu d’impôts en France – ils ne sont pas maltraités… –, n’acquitteront donc pas d’impôt exceptionnel sur les revenus exceptionnels qu’ils ont engrangés au cours du dernier exercice ; en contrepartie, vous leur demandez de s’engager à consentir quelque libéralité aux consommateurs.

Comme l’a dit mon collègue Gillé, des stations TotalEnergies, il n’en existe pas partout sur le territoire ! Dans le monde rural, notamment, il y en a très peu. Cela veut-il dire que, demain, tout contribuable pourra choisir de ne pas payer d’impôts s’il s’engage, en contrepartie, à faire le bien autour de lui ?

M. Éric Bocquet. Vive la République !

M. Serge Mérillou. Comment, ainsi, financerez-vous, au hasard, l’enseignement ? Peut-être n’est-ce pas là votre préoccupation… Mais comment financerez-vous les services de sécurité ? Vous vous en souciez peut-être davantage… Quid de l’armée, de la gendarmerie et de la police, dont nous avons besoin, si dorénavant tous les contribuables peuvent choisir de payer leur impôt « différemment » ?

Monsieur le ministre, je souhaite, le cas échéant, que vous confirmiez l’évolution de votre doctrine fiscale : chacun, désormais, paiera comme il voudra, à qui il voudra ; encore faudra-t-il dire merci à ceux qui ont ainsi fait le bien autour d’eux… Là n’est pas ma conception de la justice fiscale !

Ce que vous ne faites pas dans le cadre de la justice fiscale, malheureusement – je le crains pour mon pays –, c’est dans la rue que le peuple ira le chercher. Je le déplore, mais c’est ainsi que les choses vont se passer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. C’est un véritable tir de barrage que nos collègues du groupe Les Républicains organisent pour faire pièce aux amendements que nous allons examiner avant même que la discussion sur le détail du projet de loi ait eu lieu.

Il n’y a là, pourtant, nul ferment d’une révolution fiscale : aucune des dispositions proposées n’est susceptible de mettre à bas le système économique et nulle part il ne s’agit d’écraser les entreprises… Il s’agit d’une question précise : les superprofits seront-ils taxés ?

M. Dominati continue à se poser la question de savoir s’il y a bel et bien quelque chose comme des superprofits ; je me propose de lui offrir un abonnement aux Échos ! Mon cher collègue, toute la presse en parle depuis des jours et des jours : ce n’est pas un secret de polichinelle, ces superprofits existent et sont liés à la crise.

M. Philippe Dominati. Personne n’en parle ainsi !

M. Pierre Laurent. Je vous rappelle que Nicolas Sarkozy, au sortir de la crise de 2008 – nous en parlerons, des amendements ont été déposés à ce sujet –, avait inventé une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Ce n’est donc pas une idée farfelue que de se poser de telles questions devant des situations exceptionnelles de ce genre. Voilà ce dont nous voulons débattre.

Monsieur Retailleau, vous parlez des taxes, des taxes, des taxes ; mais qui a construit un système fiscal, qui n’est pas celui dont nous rêvons, assis sur une grande taxe représentant aujourd’hui l’essentiel des recettes fiscales et connue sous le nom de « taxe sur la valeur ajoutée » ? C’est vous qui avez détruit peu à peu les impôts progressifs sur les entreprises, sur les particuliers et sur la fortune, et qui avez construit un système fiscal où tout repose sur une taxe géante, la TVA, qui, prélevée sur la consommation, est la plus injuste de toutes les formes d’imposition !

Nous vous proposons de rétablir un semblant de justice. Ayez au moins la décence de discuter nos amendements pour ce qu’ils sont, au lieu de les caricaturer comme vous le faites. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Les amendements dont nous débattons sont assez divers. Mais ceux qui émanent de la gauche, notamment du groupe socialiste, ne sont pas les plus déraisonnables. L’amendement du groupe Union Centriste, par exemple, vise à taxer tous les superprofits à partir de 1 million d’euros de bénéfice net, ce qui concerne en effet de nombreuses entreprises. Quant à nous, mes chers collègues, nous limitons le champ des dispositions que nous vous soumettons à quelques très grandes entreprises opérant dans des secteurs très particuliers.

Si nous proposons de tels prélèvements fiscaux, ce n’est pas par je ne sais quelle méchanceté ou parce que nous n’aimons pas les entreprises ou leur réussite, mais à des fins de redistribution : c’est de cette façon qu’il faut lire nos amendements.

Notre interpellation ne s’adresse d’ailleurs pas à ces entreprises. Solliciter leur bonne volonté, afin qu’elles fassent des efforts de leur plein gré, est source d’iniquité, et c’est précisément ce que nous ne faisons pas. Notre interpellation ne s’adresse plus vraiment non plus au Gouvernement, Bruno Le Maire ayant confirmé devant nous la position très ferme qu’il avait déjà exprimée à l’Assemblée nationale. Elle s’adresse à l’ensemble de notre assemblée.

Prendrons-nous aujourd’hui nos responsabilités en votant cette taxe ? À défaut, je crains qu’il nous faille y revenir cet automne, lors du débat budgétaire, en regrettant de ne pas l’avoir fait cette après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il y aurait, si je comprends bien, des sénateurs pour l’entreprise et des sénateurs contre l’entreprise. Quelle caricature !

M. Pascal Savoldelli et Mme Sylvie Vermeillet. Tout à fait !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Pour ma part, j’ai été patron de PME pendant des années ; je me retrouve tout à fait dans une vision « pro-entreprise ». La diminution du taux de l’impôt sur les sociétés de 33,33 % à 25 %, c’est François Hollande qui l’a voulue, je le rappelle à toutes fins utiles, quoiqu’elle ait été exécutée après la fin de son mandat.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas vraiment lui qui l’a mise en œuvre…

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il l’a mise en œuvre petitement, dirons-nous…

Surtout, ne confondons pas ce débat sur l’entreprise avec ce qui nous occupe cette après-midi. Qu’une entreprise réussisse, emploie des gens, gagne de l’argent, en reverse, tout cela est parfait, il n’y a pas à en débattre !

Le sujet dont nous sommes saisis aujourd’hui est très simple : des entreprises qui ont travaillé cette année de la même façon que les précédentes, qui ont fait en gros le même chiffre d’affaires, réalisent des bénéfices mirobolants.

Ce problème, donc, est très spécifique, on ne le rencontre que cette année. Tant mieux pour TotalEnergies, dont je rappelle que l’histoire est fortement liée à l’État : il n’y aurait pas de grande entreprise pétrolière française si l’État, au départ, n’avait pas investi, ce qu’il a fait.

Qu’à présent l’entreprise TotalEnergies, par exemple – ce n’est pas la seule concernée –, restitue au collectif une partie de ce qu’elle a gagné, cela me paraît tout à fait légitime ; ces profits étaient parfaitement inattendus, et elle les a gagnés sur une durée courte.

Regardons les choses en face, n’ayons pas peur, avançons ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Vous avez raison, monsieur le président Raynal : notre échange n’a pas pour objet de savoir qui aime les entreprises et qui ne les aime pas. L’un de vos collègues a lâché le mot voilà quelques minutes : c’est la « redistribution » qui est en question.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas un gros mot !

M. Olivier Rietmann. Mon cher collègue Tissot, lors de son audition, M. Rodolphe Saadé, président-directeur général de CMA CGM, a en effet tenu les propos que vous avez rappelés ; mais, a-t-il ajouté, certains bénéfices exceptionnels sont utiles lorsque, comme cela s’est passé au printemps de cette année, l’entreprise redistribue 4 500 euros net, en plus de la participation et de l’intéressement, à chaque salarié gagnant moins de deux fois le SMIC.

Quant à TotalEnergies, l’entreprise a distribué, en participation et en intéressement, entre 5 990 euros et 8 440 euros à chacun de ses salariés en France.

C’est bien là, à mon avis, une redistribution, mais qui a l’avantage d’être fiscalement nette et qui se révèle, si l’on sait bien s’en servir, mille fois plus efficace que quelque impôt prélevé par l’État, perdu dans les méandres du système fiscal français et dont nos concitoyens ne toucheront qu’une toute petite partie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur des travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. Mes chers collègues, vingt-six de nos collègues ont déjà expliqué leur vote sur ces amendements ; il reste une demi-douzaine d’orateurs inscrits. Par ailleurs, nous avons 463 amendements à examiner d’ici à demain soir…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est un débat important !

M. le président. Certes, ma chère collègue, mais d’autres discussions importantes nous attendent. Mon rôle est de faire en sorte que l’ordre du jour se déroule comme prévu, donc de parer à tout blocage.

M. Pascal Savoldelli. Nous serons là, monsieur le président. N’ayez pas d’inquiétude ! (Sourires.)

M. le président. J’invite donc les orateurs à la concision.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Écoutant attentivement le débat, je me pose la question de savoir ce qui est juste – chacun ici semble en avoir une interprétation assez personnelle. Je pense à ces PME ou TPE dont le taux normal d’imposition est de 25 % et qui, souvent installées dans des zones rurales excentrées, loin de toute station TotalEnergies, doivent parcourir des kilomètres pour rejoindre leurs chantiers.

J’imagine le patron d’une telle entreprise nous écoutant cette après-midi. Sa perception de la justice risque d’être heurtée par celle qui s’exprime ici : il aura certainement le sentiment d’être laissé pour compte dans ce débat où il est question de ne pas taxer les grandes entreprises sous prétexte de ne pas les mettre « à genoux ».

Justice sociale et redistribution : voilà ce qu’il faut. Chacun doit pouvoir y retrouver ses petits ; c’est la condition d’un développement harmonieux. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.

Mme Sylvie Vermeillet. On ne parle que peu, voire plus du tout, de la dette. J’aimerais savoir où sont les économies que proposent ceux qui pensent que la contribution exceptionnelle n’est que démagogie, comme je l’ai entendu. Où sont les économies que proposent ceux qui veulent financer le litre d’essence à 1,50 euro ?

M. Vincent Éblé. La dette, ils s’en moquent ! Ils ne seront plus là quand il faudra rembourser…

Mme Sylvie Vermeillet. Nous ne proposons pas, nous, de financer les mesures complémentaires par la dette.

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, l’objet affiché de votre projet de loi est de permettre à notre pays de faire face à l’inflation. Nous proposons, à cet égard, une recette exceptionnelle. Et j’entends dire tant de mal de l’impôt qu’il me faut faire le rappel suivant : oui, monsieur Retailleau, ma conviction est que notre pays est plus civilisé de s’être donné les moyens, grâce à l’impôt, de nourrir des services publics d’éducation, d’enseignement supérieur, de santé, dont tous bénéficient, y compris les entreprises !

Lorsque des entreprises viennent s’installer en France, c’est peut-être parce que les taux d’imposition y ont baissé – personnellement, je n’y crois pas –, mais c’est surtout parce qu’elles y trouvent des cadres formés et des conditions de vie agréables. La préservation de ces conditions suppose des moyens.

Lorsque j’entends les représentants du Gouvernement nous dire que, au fond, collecter l’impôt, pour l’État, c’est prendre le risque qu’il soit très mal redistribué, je vous avoue que je suis très inquiet. Collecter l’impôt, en principe, c’est d’un même mouvement permettre qu’il soit bien redistribué, ce qui veut dire l’orienter vers le financement de la transition écologique et de la justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. La situation est inédite : nous vivons de fortes perturbations. Le sujet de la redistribution des bénéfices exceptionnels est évidemment très important ; nous le mesurons cette après-midi.

Ce sont les Français qui, en consommant les biens énergétiques produits par les entreprises dont il est question, ont en un sens contribué à ces profits exceptionnels.

Je rappelle que la solidarité ne saurait reposer sur le bon vouloir, comme l’ont déclaré certains de mes collègues. La triste réalité – personne ne l’a dit ! –, c’est que certains Français, dans les territoires, vivent dans d’extrêmes difficultés. Dans mon département, comme dans d’autres – peut-être l’ignorez-vous ? –, certaines personnes âgées renoncent, l’hiver, à se chauffer. Je sais que cet été, à cause du prix de l’énergie, certains renoncent à mettre en marche leur chauffe-eau.

Je conclus en soulevant à mon tour la question du ressenti des Français eu égard au sort qui leur est réservé et à ce qui pourrait être perçu comme une aumône. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Sans prolonger exagérément les débats, monsieur le président, je souhaite remercier tous les sénateurs ici présents de la qualité de la discussion de fond que nous avons eue sur ces propositions de taxation des superprofits : cette discussion aura permis, je pense, d’éclairer la décision de chacun.

Je remercie évidemment les sénateurs qui se sont prononcés contre cette taxation ; vous connaissez mes convictions.

Je me contenterai de rappeler brièvement quelques éléments, en commençant par un fait : à tous ceux qui ont dit qu’il fallait, au nom de la justice, prélever de nouveaux impôts, créer de nouvelles taxes, je réponds que nous sommes, de tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le plus lourdement taxé…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous l’avez déjà dit quatre fois, passez à autre chose !

M. Bruno Le Maire, ministre. … et, de surcroît, celui qui redistribue le plus.

Je persiste et je signe, donc : taxer davantage les entreprises ou les Français n’est pas la seule solution pour améliorer la vie dans notre pays.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Autrement dit, vous êtes contre la redistribution.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je poursuis en partageant une conviction.

Ne pas taxer les très grandes entreprises qui ont fait d’importants profits au cours de la crise, ce serait – vous avez été nombreux à l’affirmer – risquer la révolte sociale.

Or il me semble que la seule révolte sociale que nous ayons connue dernièrement – c’est la seule fois, ces dernières années, où les Français sont descendus massivement dans la rue – a eu lieu précisément parce que nous avions créé une taxe supplémentaire qui était apparue excessive à leurs yeux. (M. Vincent Segouin applaudit. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous l’avions prédit !

M. Bruno Le Maire, ministre. Et il me semble que tous ceux qui, alors, n’avaient à la bouche que la taxation du carbone, la prétendue indispensable taxation supplémentaire sur laquelle, pour ma part, j’avais émis un certain nombre de réserves, auraient été bien avisés de considérer que, en France, toutes les révoltes, toutes les révolutions, viennent toujours de la surtaxation des ménages, c’est-à-dire des citoyens français. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. Vincent Éblé. Il est bien certain que taxer TotalEnergies va faire descendre les Français dans la rue…

M. Yan Chantrel. Nous parlons de taxer les grands groupes, pas les ménages !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si on ne les taxe pas, les gens redescendront dans la rue !

M. Bruno Le Maire, ministre. L’impôt n’est pas en soi une garantie de justice. Sans contester la nécessité de lever l’impôt, je rappelle, une fois encore, que notre taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé de tous les pays de l’OCDE.

Revenons aux faits : des entreprises ont bénéficié de la situation, je le redis. Contribuent-elles ? Oui ! Vous en avez cité deux, mesdames, messieurs les sénateurs : CMA CGM, dans le secteur du transport maritime et TotalEnergies, dans celui des énergies fossiles. Ces entreprises ont bel et bien contribué ! Libre à vous d’estimer qu’elles l’ont fait insuffisamment ; vous pourrez en juger au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, mais elles ont contribué.

Or, par vos amendements, vous proposez de taxer toutes les autres entreprises d’une taille importante (Non ! sur les travées du groupe SER.), sous réserve qu’elles aient fait ce que vous appelez des « superprofits ». Et je reprends la question de Philippe Dominati : j’ai l’impression que, aux yeux de certains, tout profit est un superprofit, donc qu’il doit y avoir une taxe dès qu’il y a un profit !

M. Vincent Éblé. Quelle mauvaise foi !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il serait temps de lire les amendements qui ont été déposés…

M. Bruno Le Maire, ministre. Vous taxeriez une entreprise comme STMicroelectronics, qui crée dès à présent 1 000 emplois en Isère et qui s’apprête à en créer 4 000 autres demain ?

Les mêmes s’opposent à la baisse des impôts de production, sans voir que, grâce à cette baisse, nous avons enfin recréé des emplois dans l’industrie, rouvert des usines et relancé l’activité industrielle dans un pays qui a été victime de la désindustrialisation !

Cette voie de la baisse des impôts et de la stabilité fiscale a donné des résultats en matière de création d’emplois et de reconquête industrielle. De grâce, n’abîmons pas cette dynamique en taxant certaines entreprises sous le seul prétexte qu’elles ont fait en 2022, année exceptionnelle, des profits importants, alors même qu’elles avaient pu auparavant essuyer des pertes et qu’elles ont devant elles un horizon économique sombre, la situation internationale s’annonçant difficile en 2023 !

Je conclurai en citant les propos d’un homme qui, pourtant, a beaucoup augmenté les impôts et qui a toujours dit l’importance des prélèvements obligatoires pour la justice sociale – c’est d’ailleurs ce qui a fait sa fortune tant historique que politique : « La baisse des impôts est nécessaire, je l’ai décidée. En 1985, on paiera moins, naturellement. »

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela n’a pas marché…

M. Bruno Le Maire, ministre. « Il y aura deux sortes d’impôts qui seront diminués : l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les entreprises. […] Ce sera la plus forte baisse jamais connue depuis la Libération, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est très important, c’est juste. » Ces mots furent prononcés en 1984 par François Mitterrand. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Bonhomme. C’est moche !… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 319.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 226 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130 rectifié bis.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Union Centriste, et, l’autre, du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 155
Contre 177

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 227 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 249 rectifié et 320.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 155
Contre 182

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 250 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 250 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 157 rectifié

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 282
Pour l’adoption 101
Contre 181

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 321, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 33,3 % » ;

2° Après le b, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés mentionné au deuxième alinéa du présent I est fixé à :

« – 20 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 38 120 € et 76 240 € ;

« – 25 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 76 241 € et 152 480 € ;

« – 30 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 152 481 € et 304 960 € ; ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. On ne va pas refaire le débat, très intéressant, que l’on vient d’avoir. Simplement, j’aimerais porter à la connaissance du Sénat une note récente de M. Patrick Artus, directeur des études chez Natexis et également membre du conseil d’administration de TotalEnergies, ce qui n’est pas anecdotique dans le débat qui nous préoccupe aujourd’hui.

Faisant une analyse de la baisse de la fiscalité du capital que ce gouvernement a choisi depuis cinq ans, il a ce constat absolument cinglant : « La baisse de la fiscalité du capital est un échec » !

Plus précisément, il rappelle que M. Macron comptait réduire la taxation du capital afin de stimuler l’investissement. Or il se rend compte que cela n’a fait qu’alimenter l’inflation des actifs, sans créer de richesse, l’effet de richesse n’ayant fait que susciter plus d’épargne et entraîner moins d’investissement.

Ainsi, sur la période, le taux d’épargne est passé de 12 % à 17 % du PIB, alors que le taux d’investissement net des entreprises reculait de 5 % à 3 %.

Que s’est-il passé ? Hormis quelques effets bénéfiques pour les levées de fonds des start-up, les investisseurs ont le plus souvent utilisé leur allégement fiscal pour investir dans des actifs déjà existants, comme les actions en bourse ou l’immobilier ancien, ce qui a fait grimper leurs prix, mais n’a pas créé de valeur nouvelle. C’est donc sans effet sur la croissance et l’emploi, ce qui vient contredire, monsieur Le Maire, vos arguments précédents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. M. Bocquet sait très bien quelle est notre position, que j’ai eu l’occasion d’évoquer en commission.

Je veux tout de même rappeler que les faits nous montrent que, depuis la baisse des taux de l’impôt sur les sociétés, le produit de cet impôt a pour l’instant augmenté, ce qui prouve bien que de telles mesures peuvent aussi créer une dynamique. Ce n’est pas uniquement la baisse en tant que telle, mais c’est aussi le signal envoyé aux acteurs économiques ; et je n’oublie pas non plus la dépense publique, qui a profité aux acteurs économiques et aux entreprises.

Selon moi, ce serait un très mauvais message adressé aux entreprises que de revenir en arrière pour augmenter de nouveau les impôts de production, alors que les comparatifs fiscaux sont toujours défavorables à la France.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 321.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 321
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 247 rectifié

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 157 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 8 et 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

II. – Les articles du code général des collectivités territoriales modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

III. – L’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifié par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

IV. – L’article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 modifié par l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

V. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.

VI. – Les III, IV, V et VI de l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, vous avez expliqué tout à l’heure qu’il y avait des impôts qui ne rapportaient rien. S’agissant des impôts de production, vous nous dites qu’il s’agit – je reprends vos mots exacts pour être correct – « d’impôts stupides ».

La baisse des impôts de production doit être poursuivie en 2023, et nous considérons pour notre part que c’est un non-sens.

C’est d’abord un non-sens au vu de son objectif, qui est de rendre nos entreprises plus compétitives. Il faudrait d’abord savoir lesquelles… Différentes études de l’Essec (École supérieure des sciences économiques et commerciales), que tout le monde connaît ici, et de l’OCDE, autant d’organisations qui ne sont pas suspectes de communisme, expliquent l’absence de corrélation entre la fiscalité économique locale et la compétitivité des entreprises.

Dans ma démonstration, je peux même appeler à la rescousse un allié assez inhabituel, en la personne du président délégué du Medef, Patrick Martin, qui estime que « ce n’est pas un sujet prédominant dans les choix d’implantation des PME : les entreprises privilégient plutôt le cadre de vie, l’environnement local, les établissements scolaires, les services parapublics et les transports. »

Or ce sont bien les impôts locaux qui permettent aux collectivités territoriales d’investir dans de telles structures, et ce sont eux qui créent un lien direct entre l’entreprise et l’écosystème local. Pourtant, votre politique va à l’encontre de l’autonomie financière des collectivités locales.

C’est ensuite un non-sens, car ces suppressions d’impôts locaux bénéficient surtout aux plus grandes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Là encore, c’est un problème, même pour quelqu’un qui est attaché à la stabilité fiscale : le gain moyen est de 940 euros pour une TPE, contre 9,1 millions d’euros pour les plus grandes entreprises.

Je le répète, vous nous avez dit que cette suppression allait créer des emplois industriels et que, de toute façon, ces impôts ne servaient à rien.

Aussi, monsieur le ministre, je vous demande solennellement de nous dire quel est le nombre d’emplois industriels que permettra de créer la suppression des impôts productifs. J’espère pour les Français que le solde est positif, bien évidemment.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Pascal Savoldelli. J’y insiste, ces impôts n’iront ni à l’État ni aux collectivités locales.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 157 rectifié
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Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 369 rectifié

M. le président. L’amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Féraud, Michau, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Marie, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les articles du code général des impôts modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

II. – Les articles du code général des collectivités territoriales modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

III. – L’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifié par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

IV. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.

La parole est à Mme Isabelle Briquet.

Mme Isabelle Briquet. Cet amendement tend à s’inscrire dans la logique, qui est celle du groupe socialiste, de hausse des moyens d’action de l’État, face aux majorités présidentielle et sénatoriale qui mettent en œuvre une baisse récurrente des recettes de l’État, notamment fiscales, comme nous venons encore de le voir.

Nous pensons qu’il ne s’agit pas d’un objectif politique en soi, a fortiori dans le contexte de crise économique et sociale que nous connaissons. C’est pourquoi le présent amendement tend à revenir sur la diminution des impôts de production votée en 2020, qui représente une perte de ressources non seulement pour l’État, mais aussi pour les collectivités locales, il faut le préciser.

Je me dois aussi de signaler que le Gouvernement a diminué les impôts de production sans contrepartie pour l’emploi ou l’investissement. Notre objectif n’est donc pas idéologique. Il est seulement temps de nous doter des moyens de réguler les désordres économiques et sociaux.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 247 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 327

M. le président. L’amendement n° 369 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les articles du code général des impôts, du code général des collectivités territoriales et de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

II. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.

III. – Les articles du code général des impôts et la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 modifiés par l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Cette mesure de baisse des impôts de production, qui est l’un de vos objectifs, profite d’abord aux plus grandes entreprises, comme vient de le souligner M. Savoldelli, mais elle limite aussi singulièrement le lien entre les territoires et la fiscalité des entreprises.

C’est un choix qui devrait interroger les sénateurs que nous sommes. Les collectivités territoriales perdent un à un leurs différents leviers fiscaux. La compensation par une fraction de TVA, qui est un impôt injuste, car proportionnel et assis sur la consommation, a un caractère moins dynamique que le prélèvement supprimé et reste non conditionnée, ce qui conduit à des effets d’aubaine.

Il importe de rétablir ce lien avec le retour des impôts de production, qui ne sont pas des éléments décisifs sur la croissance, comme le montre également une étude de la revue scientifique European Economic Review.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’avis sera défavorable sur les trois amendements.

J’ai noté la moue dubitative de notre président de séance devant la défense du dernier amendement. (Sourires.) On ne va pas revenir sur la baisse des impôts de production, pour les raisons que vous connaissez : c’est bon pour l’économie et, en termes budgétaires, cela permet de financer une partie de la baisse du taux normal d’IS.

De plus, en réponse aux auteurs de l’amendement n° 247 rectifié, j’ajoute que cela conduirait à un ressaut de prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises d’environ 7 milliards d’euros. Je pense que le moment n’est pas à ce type de décision.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Entre 2006 et 2015, la France a perdu 500 000 emplois industriels. Entre 2017 et 2022, pour la première fois depuis vingt ans, le solde d’emplois industriels manufacturiers est positif, avec 19 000 emplois créés.

M. David Assouline. C’est grâce à nous !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux bien que l’on m’explique tout ce que l’on veut, mais la reconquête industrielle est pour moi, pour le Gouvernement, pour le Président de la République, une priorité absolue, et je sais, monsieur Savoldelli, que ça l’est aussi pour vous.

Seulement, on ne peut pas souhaiter la reconquête industrielle, d’un côté, et, de l’autre, défendre des impôts de production qui sont encore quatre fois plus élevés qu’en Allemagne et deux fois plus élevés que dans la moyenne des pays européens.

Il faut choisir : d’un côté, les impôts de production et la répartition au bénéfice des collectivités locales des recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et, de l’autre, la reconquête industrielle. Pour ma part, je choisis la reconquête industrielle, et je le dis très clairement.

C’est pour moi une priorité absolue, parce que j’estime que la désindustrialisation, dans laquelle nous portons tous une part de responsabilité, moi y compris, par manque de courage, par manque d’audace, a entraîné en France un rejet de la politique de la part des catégories populaires, un désarroi, une inquiétude, une angoisse, une désertification des territoires, une montée du Rassemblement national et de tous les extrêmes. Je le répète, nous en sommes tous plus ou moins responsables.

Je le dis, parce que je l’ai vu sur mon propre territoire, comme vous l’avez tous vu chez vous. Chaque fois qu’il y a une usine qui ferme, il y a une permanence du Rassemblement national qui ouvre. (M. Sébastien Meurant sexclame.) C’est pour cette raison que je me bats avec autant de force sur la réduction des impôts de production.

D’expérience, en tant que ministre de l’économie, quand je discute avec une entreprise qui veut s’installer en France, celle-ci me demande avant tout si nos impôts de production sont toujours aussi élevés ou si nous allons les diminuer. Pourquoi s’installerait-elle, ici, en France, plutôt qu’en Allemagne, où les impôts sont plus faibles ? Elle s’enquiert de nos avantages, de ce que nous avons de mieux à offrir.

J’y insiste, selon moi, cette reconquête industrielle exige la baisse des impôts de production.

J’entends, en revanche, les arguments sur l’attractivité des territoires, qui sont parfaitement recevables. Vous m’interrogez pour savoir comme lier l’activité économique, l’implantation des usines, et les recettes fiscales. Cela, c’est un beau débat, parfaitement légitime, et je souhaite que nous l’ayons.

Je ne vous dis pas : « On va se contenter de baisser de nouveau les impôts de production, circulez, il n’y a rien à voir ! »

Mon discours est le suivant : je suis convaincu que la baisse des impôts de production est une condition sine qua non de la reconquête industrielle. Nous l’avons engagée et nous la poursuivrons dans le projet de loi de finances pour 2023. En revanche, il y a une vraie question sur la compensation dynamique pour les collectivités locales, afin de garantir qu’il reste intéressant pour le patron d’une collectivité locale, pour un président de région d’attirer sur son territoire des usines et des industries.

Tel est le vrai débat, que je suis tout à fait prêt à mener avec vous. Je le répète, il est légitime et fondé, mais il passe d’abord par la baisse de ces impôts.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, j’ai posé une question précise, et les Françaises et les Français demandent des résultats. Quel est le solde des emplois industriels créés ?

M. Bruno Le Maire, ministre. 19 000 !

M. Pascal Savoldelli. Ceux qui écoutent nos débats, pour développer leur esprit critique, positif ou négatif, doivent donc savoir qu’il y a eu 10 milliards d’euros d’exonérations pour les entreprises en 2021 et que 9 milliards d’euros sont envisagés pour 2023 avec la suppression totale de la CVAE, soit, selon une arithmétique très simple, 20 milliards d’euros pour 19 000 emplois ! C’est un problème pour le ministre des finances, parce que cela fait cher l’emploi ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE et SER.)

On vous a demandé tout à l’heure quelle était votre doctrine fiscale : 19 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! Vous venez de nous expliquer votre choix politique. Vous avez raison de faire des choix, même si nous ne partageons pas celui-là.

Pour nous, cet impôt n’est ni utile ni stupide, mais vous avez décidé qu’il n’irait ni à l’État ni aux collectivités territoriales. Telle est la responsabilité que vous devrez assumer.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. La suppression de la CVAE va poser des problèmes aux régions, aux départements et aux communautés de communes, mais il faut bien voir que, de 1995 à 2015, nous avons perdu la moitié de nos entreprises et un tiers des employés.

En effet, nous avions le prix moyen de l’heure le plus élevé en Europe. Avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et la baisse des charges et des impôts de production, on arrive à peu près au prix moyen de l’heure de l’Allemagne. C’est ainsi que l’on recréera de l’emploi, ce qui est une nécessité, parce que l’on a beaucoup de dettes, notamment sociales. Il nous faut donc des cotisants et des recettes.

Bien sûr, il faudra trouver des recettes pour compenser la perte de CVAE destinée aux collectivités locales, mais il faut savoir que, hormis en Allemagne, où il y en a un peu, il n’y a pas d’impôts de production dans les autres pays.

Nos entreprises sont très pénalisées, alors que nous avons intérêt à réindustrialiser. Depuis un an ou deux, on assiste à une inversion de la courbe de création des entreprises. C’est la bonne direction, me semble-t-il. (M. Claude Malhuret applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne veux surtout pas inquiéter M. le président sur la longueur des débats, mais je pense que ce sujet est absolument fondamental.

Monsieur Savoldelli, on pourrait retourner votre argument : 10 milliards d’impôts de production maintenus, ce sont 500 000 emplois détruits. Cela fait cher l’emploi détruit !

Vous le savez aussi bien que moi, ce genre de raisonnement ne tient pas la route. Vous ne pouvez pas dire : telle somme dépensée pour tel nombre d’emplois créés, cela fait tant l’emploi net créé. Non, nous inversons une tendance de trois décennies : une tendance à la destruction des emplois, à la fermeture des usines et à la délocalisation industrielle.

Ce constat, que vous partagez, est inacceptable et révoltant. Notre pays a été affaibli économiquement et sont apparus des problèmes politiques dont nous avons du mal à nous relever. Il faut donc impérativement inverser cette tendance, et, qu’on le veuille ou non, la solution passe par le marché, l’attractivité, la compétitivité.

Il faut que notre environnement fiscal soit aussi attractif que celui de nos voisins, parce que vous ne convaincrez jamais un GlobalFoundries ou n’importe quelle autre entreprise de se développer ou de s’implanter en France si, de l’autre côté du Rhin, des Pyrénées ou des Alpes, par exemple chez nos voisins italiens, qui, eux, ont maintenu une empreinte industrielle beaucoup plus élevée que la nôtre, les impôts de production sont deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois, voire sept fois moins élevés qu’en France.

À un moment donné, notre responsabilité à tous, c’est d’ouvrir les yeux sur ces réalités et de les regarder bien en face. Nous ne devons pas les nier ou chercher à nous faire plaisir avec des argumentaires qui sont parfois plus idéologiques que pratiques.

De même que l’on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre, on n’attrape pas des usines avec des impôts trop élevés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 157 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 247 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 369 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 369 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A  - Amendements n° 323, n° 224 rectifié et n° 246 rectifié

M. le président. L’amendement n° 327, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au début du deuxième alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;

2° Au début du troisième alinéa, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, vous êtes resté sourd à nos précédentes propositions, mais vous ne pourrez pas refuser cet amendement, dont les dispositions s’appuient sur un instrument existant créé après la crise financière de 2008, à savoir la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Comme quoi, ce genre d’idée peut germer dans les têtes les plus diverses ! À l’époque, d’ailleurs, Nicolas Sarkozy parlait d’esprit de justice fiscale et demandait un effort exceptionnel aux contribuables les plus aisés pour justifier la création de cette contribution…

Nous vous proposons d’augmenter le taux de cette contribution de 3 % à 8 % pour les personnes célibataires et de 4 % à 10 % pour les couples.

À titre d’exemple, même si nous n’avons pas tous les chiffres, une personne célibataire qui déclare 400 000 euros de revenu fiscal de référence paierait, au titre de cette contribution, à peu près 4 500 euros. Pour 1,2 million d’euros de revenu fiscal de référence, ce serait 35 000 euros. Pour les couples à 500 000 euros de revenu fiscal de référence, la somme serait en moyenne de 26 000 euros. Bref, ils ne seraient pas sur la paille.

Je rappelle que ce sont ces mêmes contribuables qui se ruent en ce moment sur l’épargne, qui est donc concentrée sur une partie très minoritaire de la population. Aussi, il nous paraît normal d’augmenter un peu cette contribution, que vous avez créée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce sera un avis défavorable, ce qui ne surprendra pas le sénateur Laurent.

M. Pierre Laurent. Si ! (M. Pascal Savoldelli sesclaffe.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En passant de 3 % à 8 %, vous triplez quasiment le montant de l’imposition. C’est à peu près la même chose – plutôt deux fois et demie – quand vous passez de 4 % à 10 %. J’ai la conviction que le niveau d’imposition est aujourd’hui raisonnable.

Il faut être dans la même logique avec les particuliers qu’avec les entreprises : donner une trajectoire, s’y tenir et examiner ensuite les résultats. Aujourd’hui, le produit de l’impôt continue d’augmenter, donc votre amendement, s’il était adopté, tendrait à aller à rebours de cette tendance.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Ce sera le même avis défavorable, pour les mêmes raisons.

Je ferai juste observer à M. Laurent qu’il s’agissait d’une taxation sur les hauts revenus qui était censée être exceptionnelle. Elle a été votée, si ma mémoire est bonne, en 2011, ses instigateurs jurant sur le cœur qu’elle serait exceptionnelle, pour une année, et qu’elle ne serait jamais reconduite. Or nous sommes en 2022 et nous discutons de l’augmentation de ladite taxe, qui n’a jamais été supprimée ! Ma conclusion, c’est qu’en matière d’imposition, en France, on a l’exceptionnel qui dure, ce qui n’est pas forcément une bonne chose.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Vous parlez de trajectoire et de caractère exceptionnel, mais ce qui est exceptionnel, c’est que, depuis 2008, la hausse de ces patrimoines n’a cessé de suivre une trajectoire ascendante.

Le caractère exceptionnel de l’époque dure, mais du côté des fortunes et des très hauts revenus. Que l’imposition s’adapte à cette situation me paraîtrait assez normal. C’est l’esprit même de la progressivité de l’impôt, c’est-à-dire d’une conception juste de la fiscalité.

À force de reculer devant ces mesures, vous faites porter l’essentiel de la charge fiscale sur la TVA, un impôt injuste pesant sur l’ensemble de la population, y compris les plus modestes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 327.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 327
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 431 rectifié bis

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 323, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

II. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

III. – L’article L. 315-4 du code de la construction et de l’habitation modifié par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

IV. – Les articles du code de la sécurité sociale modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

V. – L’article L. 16 du livre des procédures fiscales modifié par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

VI. – Les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont abrogés.

VII. – Les articles modifiés par les dispositions de l’article 44 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 sont rétablis dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2018.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Par cet amendement, nous voulons revenir sur le prélèvement forfaitaire unique (PFU), qui avait été présenté ici même par vous, monsieur le ministre, en novembre 2017 dans le cadre de la préparation du PLF pour 2018.

Vous nous présentiez alors une alternative très simple : soit on mettait en place une baisse de l’imposition, soit les investissements et la modernisation des outils de production n’auraient pas lieu. Je vous ai fait part tout à l’heure de l’analyse de M. Artus sur le sujet…

À la fin de votre intervention, vous aviez annoncé votre intention de soumettre ces choix fiscaux à évaluation dans les deux ans, pour en connaître précisément les effets et le coût pour le budget de l’État, déclarant notamment : « Il est important, surtout quand on fait des choix aussi décisifs pour notre économie, de faire preuve d’une transparence totale ; le Gouvernement y est prêt. »

On a eu depuis des évaluations. France Stratégie, dans un rapport publié en septembre 2021 et intitulé Évaluation de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, s’est demandé si la fiscalité des particuliers n’avait pas incité les entreprises à accroître de 9 milliards d’euros leurs versements de dividendes entre 2017 et 2018.

Une étude de l’Insee de 2020, intitulée Effets des réformes 2018 de la fiscalité du capital des ménages sur les inégalités de niveaux de vie en France : une évaluation par microsimulation, relève quant à elle un coût pour les finances publiques de 3,4 milliards d’euros, sans effet de comportement.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 224 rectifié est présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 246 rectifié est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

II. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

III. – L’article L. 315-4 du code de la construction et de l’habitation modifié par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

IV. – Les articles du code de la sécurité sociale modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

V. – L’article L. 16 du livre des procédures fiscales modifié par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

VI. – Les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont abrogés.

La parole est à M. Daniel Breuiller, pour présenter l’amendement n° 224 rectifié.

M. Daniel Breuiller. Je vais être court, parce que j’ai les mêmes sources que M. Bocquet, notamment les études de France Stratégie.

Je ne puis que constater que le versement de dividendes, lui, est nettement à la hausse, sans que l’investissement augmente considérablement. Nous souhaitons supprimer le PFU, qui représente finalement un cadeau aux plus aisés, mais surtout une flat tax injustifiable, dans la mesure où rien ne saurait motiver, lorsque l’on défend le travail, que celui-ci soit plus imposé que le capital.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 246 rectifié.

M. Thierry Cozic. Je ne vais pas être très original non plus pour revenir sur cette fameuse flat tax, en citant à mon tour le rapport de France Stratégie que mes deux collègues viennent d’évoquer.

L’objectif initial était de doper les investissements dans l’économie française. Or, quand on examine le rapport, on constate que, si enrichissement il y a eu, c’est au travers de la hausse des dividendes, sans aucune incidence sur l’économie française.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Dans la droite ligne de la position de la commission depuis 2018, l’avis sera défavorable.

J’entends les travaux que vous citez, mais vous n’êtes pas sans savoir que notre commission des finances a aussi travaillé sur le sujet, confirmant l’intérêt de la flat tax, notamment au regard de la complexité et de la lourdeur de l’imposition au barème des revenus du capital.

Je rappelle également que le PFU permet un rapprochement entre notre régime fiscal et ceux de nos partenaires européens.

Enfin, un rapport réalisé par Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier avait conclu que cette création s’était traduite par une contraction de la base fiscale, divisant par deux les recettes fiscales perçues au titre des dividendes.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je veux appuyer ce qui a été dit par mes collègues de gauche.

On parle depuis un bon moment des taxes et des impôts. Monsieur le ministre, vous me direz si je suis dans l’erreur : j’ai examiné l’évolution des taxes sur les individus, en prenant l’impôt sur le revenu, la CSG, la CRDS, et j’ai vu que cela avait bien progressé. Alors qu’elles représentaient 11 % des recettes fiscales en 1990, elles pèsent aujourd’hui 21 %.

La question que l’on peut se poser avec les deux textes sur le pouvoir d’achat que l’on examine successivement est donc la suivante : qui paie le plus et de manière disproportionnée ? Pour nous, la réponse est claire, ce sont bien les individus et les ménages !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 323.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 224 rectifié et 246 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel avant l'article 1er A  - Amendements n° 323, n° 224 rectifié et n° 246 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 175 rectifié ter

M. le président. L’amendement n° 431 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, M. Bilhac, Mme M. Carrère et MM. Guérini, Requier, Roux et Artano, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 155 B du code général des impôts, il est inséré un article 155 …. ainsi rédigé :

« Art. 155…. – Pour les revenus imposables dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, il est pratiqué un abattement forfaitaire de 6 000 € pour la détermination du résultat imposable. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Par cet amendement, ma collègue Nathalie Delattre propose un abattement forfaitaire de 6 000 euros sur le revenu imposable des artisans, agriculteurs et professions libérales soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux.

Ces professionnels, qui sont particulièrement touchés par les événements climatiques – grêle, sécheresse, voire incendies – et par l’inflation, ne bénéficient souvent pas des dispositifs mis en place pour les salariés. Ils méritent donc de faire l’objet d’une intervention particulière, afin de protéger leur pouvoir d’achat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable, pour trois raisons.

D’abord, un tel abattement de 6 000 euros peut, dans certains cas, conduire à une exonération d’imposition, ce qui ne me paraît pas forcément souhaitable.

Ensuite, il existe déjà un régime spécifique adapté aux entreprises de petite taille : celui des microentreprises.

Enfin, et surtout, nous n’avons absolument aucune estimation du coût d’une telle mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 431 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 431 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 330

M. le président. L’amendement n° 175 rectifié ter, présenté par MM. J.B. Blanc, Chatillon et Levi, Mme Chauvin, M. Mandelli, Mme Gosselin, M. Hingray, Mme Ventalon, MM. Frassa, Genet et E. Blanc, Mme V. Boyer, MM. C. Vial, D. Laurent, Darnaud, Sautarel et Bascher, Mme Dumont, MM. Anglars, B. Fournier, Burgoa, Cambon, Pellevat et Joyandet, Mmes Deroche et Noël, MM. Courtial et Brisson, Mmes Goy-Chavent, Demas et Lopez, MM. Bouloux, J.P. Vogel et Somon, Mme Joseph, M. Le Gleut, Mme Canayer et M. A. Marc, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 217 bis du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 217 bis. – Les primes collectées au titre des contrats d’assurance garantissant, à la date de leur perception, les dommages contre les inondations dans les territoires mentionnés à l’article L. 566-5 du code de l’environnement, ne sont pas comprises dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.

M. Jean-Baptiste Blanc. La multiplication des inondations et l’aggravation des dommages qu’elles causent exposent de plus en plus les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), désormais légalement compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), au refus des compagnies d’assurances de couvrir ce risque.

Le coût potentiel du risque à couvrir est regardé comme étant si élevé par les compagnies que le montant des primes, sauf à être exagérément augmenté, ne permet pas de mobiliser des sommes à la hauteur de l’enjeu. Les collectivités concernées n’ont donc d’autre choix que de rester, le plus souvent à leur corps défendant, leurs propres assureurs.

Une telle situation n’est évidemment pas tenable. Elle appelle une solution nationale, qui ne saurait passer par une augmentation de la taxe Gemapi.

Le présent amendement a donc pour objet de poser la première pierre d’une incontournable solidarité nationale, en exonérant de l’assiette de l’impôt sur les sociétés les primes collectées par les compagnies d’assurances pour couvrir le risque inondation dans les zones concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable. M. Blanc pose une bonne question, mais la réponse qu’il préconise ne paraît pas adaptée.

En effet, une telle mesure aboutirait à une explosion tarifaire synonyme de non-assurabilité, en contradiction avec la règle de la couverture assurantielle.

Néanmoins, notre collègue soulève un vrai problème. Le risque climatique sous ses différents aspects, des inondations aux sécheresses, est devant nous. Nous ne mesurons pas encore complètement les causes et le coût de certains phénomènes, comme les incendies. Des questions d’assurabilité pourraient donc se poser.

C’est la raison pour laquelle le sujet doit, me semble-t-il, être traité dans le cadre d’une réflexion sur la mutualisation face à ce type de grands risques. Peut-être pourrait-on également avoir recours au fonds de prévention des risques naturels majeurs, ou fonds Barnier, pour autant que son enveloppe puisse être augmentée.

M. le ministre, à défaut de nous annoncer une bonne nouvelle dès aujourd’hui, reconnaîtra peut-être que le chantier mérite d’être ouvert.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je confirme que le chantier mérite d’être ouvert ! M. Blanc pose une vraie question, mais je ne pense pas que la réponse soit fiscale.

Je rejoins M. le rapporteur général. Je suis prêt à étudier les différentes options, y compris celle du recours au fonds Barnier.

En attendant, je sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Blanc, l’amendement n° 175 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Jean-Baptiste Blanc. Non, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 175 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 432 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 175 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 330, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au quatrième alinéa de l’article 1609 tricies du code général des impôts, le taux : «10,6 % » est remplacé par le taux : « 13,6 % ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement a pour objet de soutenir l’Agence nationale du sport en augmentant la taxe sur les paris sportifs en ligne.

Alors que l’on constate que les opérateurs de paris réalisent cette année des chiffres d’affaires historiques, comme c’était déjà le cas en 2021, les médecins addictologues, pour leur part, observent un mouvement parallèle dans leurs consultations. Selon un psychiatre, président de la Fédération Addiction, les publics visés sont les jeunes précaires des quartiers, qui cherchent un avenir heureux, mais ce sont aussi ceux pour qui le coût des paris sur leur vie sera le plus difficile à endiguer. Selon Santé publique France, 60 % du chiffre d’affaires des paris sportifs vient de joueurs problématiques, avec 24,8 % de jeu excessif.

Aussi, et puisque nous faisons œuvre de compromis, nous vous proposons de porter le taux de la taxe sur les paris sportifs en ligne de 10,6 % à 13,6 %. Les recettes supplémentaires seraient affectées à l’Agence nationale du sport, dont l’une des missions est – vous le savez – le développement des pratiques sportives.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes défavorables à une augmentation de l’ordre de 30 % de la taxe sur les paris sportifs en ligne.

Néanmoins, la question du montant des paris et du risque d’addiction mérite peut-être que l’on s’y penche de nouveau. Une réponse a déjà été apportée voilà trois ans dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).

À mon sens, avant de décider d’une éventuelle augmentation de la taxe sur les paris sportifs en ligne, de surcroît dans de telles proportions, il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance du problème pour l’appréhender dans sa globalité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 330.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 330
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendements n° 69 rectifié quinquies et n° 232 rectifié

M. le président. L’amendement n° 432 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Artano, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au 1 du I de l’article 244 quater F du code général des impôts, les mots : « de leurs salariés » sont remplacés par les mots : « des personnes travaillant dans l’entreprise ».

II. – Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2024 un rapport présentant la pertinence de l’extension du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater F du code général des impôts aux indépendants, son incidence économique, l’évolution du coût du crédit d’impôt et du nombre de ses bénéficiaires.

III. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement de Mme Nathalie Delattre vise à étendre le bénéfice du crédit d’impôt famille (Cifam) aux travailleurs indépendants, professions libérales, gérants non-salariés, entreprises individuelles, artisans et autoentrepreneurs.

Actuellement, ce crédit d’impôt ne bénéficie qu’aux entreprises industrielles, commerciales, libérales ou agricoles soumises à un régime réel d’imposition. À ce jour, les travailleurs non-salariés, professions libérales, artisans, commerçants et gérants non-salariés n’y ont pas droit. Ils ne peuvent mettre leurs enfants que dans des crèches municipales. Or nous savons tous ici combien il est difficile de trouver des places de crèche ; pour rappel, il en manque environ 230 000 dans notre pays. De surcroît, la plupart du temps, les amplitudes horaires des crèches ne sont pas adaptées aux horaires des professions concernées.

Les travailleurs non-salariés, professions libérales, artisans, commerçants et gérants non-salariés ont été durement éprouvés par la crise sanitaire. L’extension du dispositif serait une véritable mesure incitative pour le retour à l’emploi de nombreuses personnes. L’élargissement des conditions d’utilisation du Cifam pour soutenir les indépendants et la politique familiale en France est aujourd’hui primordial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission sollicite le retrait de cet amendement.

Le crédit d’impôt famille vise à permettre aux entreprises de financer, pour les salariés, des actions en faveur de la création et du fonctionnement de structures d’accueil pour la petite enfance, ainsi que des dépenses de services à la personne. Il s’agit en fait d’aider les entreprises à agir de la sorte, en complément des dispositifs fiscaux dont les salariés peuvent déjà bénéficier, comme le chèque emploi service universel (CESU).

Or ce qui proposé dans cet amendement contreviendrait à la logique du dispositif, puisqu’une entreprise sans salarié serait éligible. Comme un dirigeant d’entreprise peut déjà bénéficier du CESU, il y aurait un biais : la personne qui déciderait de la dépense engagée par l’entreprise dans le cadre du crédit d’impôt famille serait également celle qui en bénéficierait. Cela me paraît aller à l’opposé de la logique du Cifam.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis !

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 432 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 432 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er A (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 432 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 69 rectifié quinquies est présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Karoutchi et Bascher, Mme N. Goulet, M. Bonnus, Mme Micouleau, MM. Pellevat et Genet, Mme V. Boyer, MM. Calvet, Sol et Anglars, Mme Noël, M. Daubresse, Mmes M. Mercier et Goy-Chavent, M. Favreau, Mme Demas, MM. Belin, Burgoa et Rapin, Mmes Dumont et Lopez, MM. Cambon et Tabarot, Mmes Belrhiti et Ventalon, M. Sautarel, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre, B. Fournier, D. Laurent et Frassa, Mme Billon, MM. Courtial et Chatillon, Mme Lassarade, M. Paccaud, Mme Gruny, M. Longeot, Mme Petrus, MM. Charon et Mandelli, Mme Procaccia, MM. Piednoir, Rietmann et Pointereau, Mme Férat, M. Gueret, Mme F. Gerbaud, MM. Houpert, Saury, Levi, Somon et P. Martin, Mme de Cidrac, M. Gremillet et Mme Jacquemet.

L’amendement n° 232 rectifié est présenté par MM. Dantec, Breuiller, Parigi et Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article 27 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du 1, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2023 » ;

2° Au premier alinéa du 6, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2023 ».

II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié quinquies.

M. Arnaud Bazin. La loi de finances pour 2021 avait institué un crédit d’impôt pour les PME qui investissent dans leur rénovation énergétique.

Néanmoins, le dispositif a peiné à se déployer, pour des raisons évidentes : crise sanitaire, difficultés économiques, problèmes d’approvisionnement. Surtout, l’instruction administrative pour son application n’a été publiée que le 30 juin 2021, sachant que le dispositif se terminait au 31 décembre de la même année !

Comme cette mesure avait semblé excellente à tout le monde, nous proposons de la faire revivre jusqu’au 31 décembre 2023.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 232 rectifié.

M. Ronan Dantec. La mesure dont nous parlons est effectivement, me semble-t-il, importante et assez consensuelle, puisque nous avons encore voté en sa faveur lors de l’examen de la loi de finances pour 2022. Malheureusement, cela n’avait pas survécu à la navette.

Je profite de l’occasion pour regretter que l’un des grands absents de ce projet de loi de finances rectificative, comme du texte sur le pouvoir d’achat, soit la rénovation du bâti, privé ou public. On a pourtant bien compris, au vu de la crise actuelle et de la guerre en Ukraine, qu’il fallait absolument investir pour notre autonomie énergétique et accélérer cette rénovation.

Monsieur le ministre, avec cet amendement, nous rejoignons aussi votre souci de conforter le monde économique, car de tels investissements permettront aussi, par définition, aux entreprises de diminuer leurs coûts de production. Elles en sortiront plus fortes sur notre territoire.

Il convient donc vraiment d’envoyer ce signal important en matière de rénovation. C’est une mesure consensuelle. En outre, comme M. Bazin l’a très bien rappelé, elle n’a pu s’appliquer que pendant six mois la première année.

Mais cela va plus loin. Nous ne répondrons vraiment à la crise actuelle, au-delà d’un certain nombre de mesures pour le pouvoir d’achat, que si nous diminuons nos consommations d’énergie. La rénovation est bien au cœur de cette stratégie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela ne vous surprendra pas, je suis favorable à une telle mesure ! Se projeter jusqu’à la fin de 2023 me paraît une bonne formule.

Voilà en tout cas la démonstration que nous sommes encore très timorés par rapport aux engagements concrets que notre pays a pris en matière de rénovation énergétique et d’appréhension du bon niveau d’isolation des bâtiments et de compacité de la construction. La lutte contre le réchauffement climatique passe évidemment – c’est le premier facteur – par le bâti. Or le plus facile, puisqu’il faut aller vite, est la rénovation des bâtiments.

J’ai entendu parler de planification. Pour ma part, j’estime qu’il faut d’abord une stratégie : accélérer, encourager les acteurs, mais aussi évaluer pour mieux accompagner.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est l’une des rares fois où je ne serai pas du même avis que M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous allons gagner ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous verrons, monsieur le rapporteur général. (Nouveaux sourires.) Par définition, le vote est souverain !

L’amendement concerne une mesure que nous avions engagée pour la relance. Il s’agissait de s’assurer de l’accélération des travaux énergétiques sur les bâtiments tertiaires. Or le principe des mesures de relance est d’être retirées une fois le coup d’accélération donné, sous peine de créer des effets d’aubaine dont la facture se chiffre en dizaines de millions d’euros, alors même qu’il y a pléthore de dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments. (M. Ronan Dantec fait un geste de dénégation.)

Le mécanisme proposé ne me paraît pas indispensable, même si j’en comprends la philosophie. Une fois que la relance a été acquise – c’est le cas, nous avons retrouvé le niveau de développement économique antérieur à la crise, et très rapidement par rapport à nos partenaires de la zone euro –, il n’y a plus de raison de maintenir le dispositif alors qu’il existe d’autres soutiens à la rénovation énergétique à la fois très puissants et très coûteux pour les finances publiques.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre argument. On nous répète toutes les semaines que la priorité est aujourd’hui à la sobriété énergétique. Or le dispositif, qui n’a jamais vraiment fonctionné, nous offre la possibilité d’avancer en ce sens. Pourquoi s’y opposer ?

La relance n’a pas eu lieu, en tout cas dans ce secteur, puisque le dispositif n’a pas pu vivre. En 2021, il a été entravé par la crise sanitaire, les difficultés d’approvisionnement et la publication tardive, au milieu de l’année, des instructions administratives.

Au-delà de la relance, c’est une question de sobriété énergétique, mais aussi d’économies pour les entreprises, qui s’en trouveront plus performantes. C’est donc indirectement une hausse du pouvoir d’achat.

Encore une fois, je ne comprends pas du tout votre argumentation !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, êtes-vous capable de me citer les dispositifs coûteux pour l’État qui permettent aujourd’hui la rénovation du bâti des TPE et des PME ? Ils n’existent pas ! Il y a, certes, les certificats d’économies d’énergie (C2E), mais ils couvrent une part extrêmement minime des coûts. J’ai étudié assez précisément le sujet : les dispositifs coûteux pour l’État dont vous parlez n’existent tout simplement pas !

Il est donc temps, à mes yeux, d’envoyer un tel signal, si important. Car si nous n’allons pas à marche forcée vers la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, nous n’aurons rien compris, y compris au discours de l’État.

Monsieur le ministre, nous attendions simplement de vous que vous nous annonciez lever le gage sur cette mesure totalement consensuelle, voire que vous passiez un coup de fil à la fondation Total pour qu’elle verse 100 millions d’euros par philanthropie ! (Exclamations amusées sur des travées des groupes GEST et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je voudrais rappeler que, l’année dernière, pendant l’examen du projet de loi de finances pour 2022, nous avions sollicité un document de politique transversale sur toutes les politiques liées aux économies d’énergie, qui sont menées par différentes administrations et qui ne sont donc pas toujours visibles dans leur ensemble. Un tel « orange budgétaire » est facile à lire et permet d’englober l’ensemble des dispositifs et leur évaluation. Je réitère cette demande dans la perspective de l’examen du prochain projet de loi de finances, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mme Goulet demande un « orange budgétaire ». Dans le projet de loi de finances, on nous avait vanté le « budget vert »…

La démonstration me semble faite que les moyens ont manqué. Comme vous l’avez souligné vous-même, monsieur le ministre, pour la relance, peu de dispositifs ont été engagés. Or s’il y a peu de dispositifs, c’est peu coûteux pour les finances publiques !

J’invite donc le Gouvernement à prendre l’engagement de réunir certains grands partenaires du secteur privé de l’économie – des énergéticiens, mais aussi des professionnels du bâtiment – pour imaginer des dispositifs permettant de changer de braquet en matière de rénovation du bâti, qu’il s’agisse de bâtiments publics ou privés, ou encore du parc des bailleurs sociaux. Aujourd’hui, en France, 7 millions de logements sont des passoires thermiques ! Il y a donc du boulot pour tout le monde.

On a bien vu l’effet d’entraînement de la baisse de l’impôt sur les sociétés. Si l’on parvient à changer de braquet pour les travaux de rénovation, les résultats profiteront à tout le monde. Je pense avant tout à la chute de la précarité énergétique, économique et sociale des ménages les plus concernés par ces dispositifs, mais aussi de celle des entreprises.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne conteste pas du tout le raisonnement de M. le rapporteur général, mais je souhaite formuler quelques observations.

Premièrement, engager un débat sur la rénovation énergétique des bâtiments, et notamment de ceux des PME et des TPE, serait largement s’éloigner de la discussion sur le pouvoir d’achat. (M. Ronan Dantec le conteste.) Un tel débat est parfaitement légitime, mais je ne suis pas sûr qu’il concerne le pouvoir d’achat, en tout cas s’agissant des entreprises ; nous pouvons, certes, évoquer les dépenses de chauffage et d’électricité des ménages.

Deuxièmement, il y a bien des mesures qui existent pour la rénovation énergétique des bâtiments.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je pense notamment au guichet de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour les PME et TPE, qui est doté de 35 millions d’euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Une misère !

M. Bruno Le Maire, ministre. On peut toujours regretter que ce ne soit pas assez, mais cela a le mérite d’exister.

Je vois bien l’intérêt du crédit d’impôt proposé ici. Si absolument aucune contrainte ne pesait sur nos finances publiques, je vous dirais : « Allons-y ! » Mais chaque fois que l’on met en place un crédit d’impôt, on engage des dépenses publiques qui se chiffrent par dizaines de millions d’euros.

Par conséquent, avant d’appuyer sur le bouton, je pense qu’il convient de faire une évaluation très précise. Le dispositif de l’Ademe fonctionne-t-il bien ? Les crédits du plan de relance – 300 millions d’euros y étaient alloués à la rénovation énergétique des PME ! – ont-ils été suffisants ou non ? Qui en a bénéficié ? Quels en sont les effets d’aubaine ?

Une fois encore, il me semble qu’on appuie trop facilement sur les boutons « dépense publique » et « crédit d’impôt ».

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 69 rectifié quinquies et 232 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er A.

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendements n° 69 rectifié quinquies et n° 232 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 316 rectifié ter

Article 1er A (nouveau)

I. – Par dérogation à la première phrase du premier alinéa du 19° de l’article 81 du code général des impôts, la limite de l’exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales du complément de rémunération résultant de la contribution de l’employeur à l’acquisition par le salarié des titres-restaurant émis du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022 est portée à 5,92 euros par titre.

II. – Les montants dans la limite desquels, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné au second alinéa du I de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, les remboursements des salariés au titre des dépenses supplémentaires de nourriture qu’ils supportent lors de l’accomplissement de leurs missions ne sont pas considérés comme des revenus d’activité sont revalorisés à compter du 1er septembre 2022 par application d’un coefficient déterminé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, dans la limite du coefficient prévu au premier alinéa du I de l’article 5 de la loi n° … du … portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. – (Adopté.)

Article 1er A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 1 rectifié ter

Après l’article 1er A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 316 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Antiste, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bourgi, Cardon et Chantrel, Mme Conconne, MM. Cozic et Devinaz, Mmes Espagnac, G. Jourda et Lubin, M. Mérillou, Mme Monier, M. Pla, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy et Vaugrenard et Mmes Le Houerou, Meunier et Féret, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la première phrase du 19° de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 5,69 € » est remplacé par le montant : « 7,50 € » et les mots : « un minimum et un maximum fixés par arrêté du ministre chargé du budget » sont remplacés par les mots : « 50 % et 70 % ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à répondre à la hausse du budget alimentaire que les Français connaissent malheureusement, de manière continue, depuis de nombreuses semaines, et ce par la revalorisation d’un outil immédiatement opérationnel : le titre-restaurant.

Utilisé par plus de 4,5 millions de salariés en France, ce titre doit être revalorisé à la hauteur de l’inflation des produits alimentaires et des cartes des restaurants.

Par conséquent, nous proposons d’augmenter le plafond d’exonération de la part employeur à 7,50 euros, contre 5,69 euros aujourd’hui. Cette augmentation de 30 % permettra à la valeur maximale du titre-restaurant d’égaler le prix moyen d’un déjeuner équilibré au restaurant en France, soit 15 euros.

De même, afin d’éviter d’augmenter la part financée par les salariés, nous proposons d’élargir l’amplitude de négociation de la prise en charge du titre-restaurant par l’employeur, aujourd’hui située entre 50 % et 60 % de la valeur du titre, pour qu’elle puisse désormais varier entre 50 % et 70 %. Ce dispositif, non contraignant pour les employeurs, pourra être un élément supplémentaire de dialogue social.

Le sujet a déjà été abordé de manière transpartisane à l’Assemblée nationale, mais les augmentations proposées par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ainsi, en répondant à l’urgence sociale de la hausse des prix des produits alimentaires et en facilitant l’accès à un repas sain et de qualité, la revalorisation du titre-restaurant constitue une mesure de bon sens pouvant être immédiatement mise en place.

Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 316 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 370 rectifié

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Klinger, Anglars et Bacci, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonnus, Bouloux, J.M. Boyer, Brisson et Burgoa, Mmes Canayer et de Cidrac, MM. Charon, Courtial et Darnaud, Mmes Deroche et Drexler, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Houpert et Joyandet, Mme Lassarade, M. Le Gleut, Mme Lopez et MM. Meignen, Paccaud, Pellevat, Perrin, Piednoir, Rapin, Rietmann, Sautarel, Savary, Tabarot et C. Vial, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la première phrase du 19° de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 5,69 € » est remplacé par le montant : « 7,50 € ».

II. – La disposition entre en vigueur le 1er septembre 2022

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Christian Klinger.

M. Christian Klinger. Par cet amendement, nous proposons de relever de 11 euros à 15 euros le montant journalier des titres-restaurant pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés face à l’inflation galopante des prix de l’alimentation.

Aujourd’hui, la valeur du titre-restaurant n’est pas cohérente avec le prix réel d’un repas en restauration. Elle n’a pas suivi le rythme d’augmentation des prix au cours des dix dernières années. La conséquence est tout simplement l’érosion du pouvoir d’achat des 4,8 millions de salariés qui en bénéficient.

Le Gouvernement s’est par ailleurs engagé à relever par décret de 19 euros à 25 euros le plafond journalier d’utilisation. C’est une mesure positive, et nous la saluons, mais elle reviendra seulement à permettre aux salariés de dépenser plus rapidement les mêmes sommes allouées au repas du midi et aux courses du ménage.

La revalorisation à 15 euros du montant journalier répondra aux inquiétudes de nos concitoyens concernant la hausse des prix de l’alimentation. Le ticket restaurant est l’avantage social préféré des Français. Sa revalorisation est vertueuse pour l’ensemble des parties prenantes.

Pour l’État, il s’agirait de 140 millions d’euros de recettes nettes supplémentaires par an. En effet, pour 1 euro investi par l’État en exonération fiscale, celui-ci récupère 1,60 euro de taxe additionnelle liée à l’activité économique ainsi induite.

Pour le salarié, c’est une augmentation de pouvoir d’achat de 413 euros par an.

Pour le secteur de la restauration, ce serait quelque 10 000 créations d’emploi et une augmentation du chiffre d’affaires de 650 millions d’euros.

Enfin, pour les entreprises, il s’agirait de revaloriser, dans le cadre du dialogue social, un complément de salaire et un outil de fidélisation des collaborateurs.

En résumé, ce n’est pas seulement gagnant-gagnant : c’est quatre fois gagnant pour l’État, les salariés, les restaurateurs et les entreprises !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je mise sur le « quatre fois gagnant » de Christian Klinger en émettant un avis de sagesse sur son amendement n° 1 rectifié ter !

L’amendement n° 316 rectifié ter de M. Tissot est assez similaire, à une différence près : M. Klinger ne propose pas de toucher à l’exonération de la part patronale, restant ainsi attentif à la dépense publique. C’est pourquoi je demande à M. Tissot de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons anticipé : la revalorisation actuelle me semble suffisante. Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

En revanche, comme je l’ai indiqué, nous sommes très ouverts à une augmentation de 19 euros à 25 euros du plafond journalier des tickets restaurant.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 316 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 1 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 326 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A.

L’amendement n° 225 rectifié n’est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 370 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les I à VI sont ainsi rédigés :

« I. – Une taxe s’applique aux opérations suivantes, dès lors qu’au moins une des parties à la transaction est établie sur le territoire français et qu’un établissement financier établi sur le territoire français est partie à la transaction, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, ou agit au nom d’une partie à la transaction :

« 1° L’achat ou la vente d’un instrument financier, au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, avant compensation ou règlement ;

« 2° Le transfert, entre entités d’un même groupe, du droit de disposer d’un instrument financier en tant que propriétaire, ou toute opération équivalente ayant pour effet le transfert du risque associé à l’instrument financier, dans les cas autres que ceux mentionnés au 1° du présent I ;

« 3° La conclusion de contrats financiers, au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, avant compensation ou règlement ;

« 4° L’échange d’instruments financiers.

« II. – La taxe n’est pas applicable :

« 1° Aux opérations d’achat réalisées dans le cadre d’une émission de titres de capital ;

« 2° Aux opérations réalisées par une chambre de compensation, au sens de l’article L. 440-1 du même code, dans le cadre des activités définies à ce même article L. 440-1, ou par un dépositaire central, au sens du 3° du II de l’article L. 621-9 dudit code, dans le cadre des activités définies à ce même article L. 621-9.

« III. – La taxe est assise :

« 1° Sur la valeur d’acquisition du titre, pour les transactions autres que celles concernant des contrats dérivés. En cas d’échange, à défaut de valeur d’acquisition exprimée dans un contrat, la valeur d’acquisition correspond à la cotation des titres sur le marché le plus pertinent en termes de liquidité, au sens de l’article 9 du règlement (CE) n° 1287/2006 de la Commission du 10 août 2006 portant mesures d’exécution de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les obligations des entreprises d’investissement en matière d’enregistrement, le compte rendu des transactions, la transparence du marché, l’admission des instruments financiers à la négociation et la définition des termes aux fins de ladite directive, à la clôture de la journée de bourse qui précède celle où l’échange se produit. En cas d’échange entre des titres d’inégale valeur, chaque partie à l’échange est taxée sur la valeur des titres dont elle fait l’acquisition ;

« 2° Sur le montant notionnel du contrat dérivé au moment de la transaction financière, dans le cas des transactions concernant des contrats dérivés. Lorsqu’il existe plus d’un montant notionnel, le montant le plus élevé est pris en considération pour la détermination du montant imposable.

« IV. – La taxe devient exigible pour chaque transaction financière :

« 1° Au moment où la taxe devient exigible lorsque la transaction est effectuée par voie électronique ;

« 2° Dans les trois jours ouvrables suivant le moment où la taxe devient exigible dans tous les autres cas. L’annulation ou la rectification ultérieure d’une transaction financière est sans incidence sur l’exigibilité, sauf en cas d’erreur.

« V. – Le taux de la taxe est fixé :

« 1° À 0,4 %, pour les transactions autres que celles concernant des contrats dérivés ;

« 2° À 0,01 % en ce qui concerne les transactions financières concernant des contrats dérivés.

« VI. – Pour chaque transaction financière, la taxe est due par tout établissement financier qui remplit l’une des conditions suivantes :

« 1° Il est partie à la transaction, qu’il agisse pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers ;

« 2° Il agit au nom d’une partie à la transaction ;

« 3° La transaction a été effectuée pour son compte. Lorsqu’un établissement financier agit au nom ou pour le compte d’un autre établissement financier, seul cet autre établissement financier est redevable du paiement de la taxe sur les transactions financières. Lorsque la taxe n’a pas été acquittée dans les délais fixés au IV, toute partie à une transaction, même s’il ne s’agit pas d’un établissement financier, est tenue solidairement responsable du paiement de la taxe due par un établissement financier pour cette transaction. » ;

2° Les VII à XI sont abrogés.

La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Cet amendement vise à modifier l’assiette et le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF) pour la rendre véritablement efficace au regard de son objectif : réduire la spéculation et les risques d’instabilité.

Cette taxe Tobin est particulièrement importante dans une période inflationniste comme celle que nous vivons. La spéculation financière sur la nourriture bat son plein, sur fond de crise alimentaire internationale, et la remontée des taux d’intérêt entraîne une activité spéculative soutenue sur les monnaies.

Taxer d’un petit montant chaque transaction permet de percevoir des ressources pour l’État, mais aussi de tracer les mouvements de fonds pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale, et, surtout, de pénaliser les acteurs qui multiplient les petites opérations d’arbitrage ou de spéculation à des fréquences toujours croissantes, contribuant ainsi largement à l’instabilité financière et économique.

Selon l’association Attac, en taxant les transactions sur les actions et les produits structurés à 0,1 % et certains produits dérivés à 0,01 %, on pourrait dégager 36 milliards d’euros par an à l’échelle européenne, dont 10,8 milliards pour la France. En comparaison, les recettes issues de la prétendue TTF française, qui n’est qu’un impôt de bourse, sont négligeables.

Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 370 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er B (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 326 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, au sens de l’article L. 211-17 du même code, » sont supprimés ;

b) Au deuxième alinéa, après les mots : « s’entend », sont insérés les mots : « de l’exécution d’un ordre d’achat ou, à défaut, » ;

2° Au V, le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,6 % » ;

3° Au premier alinéa du VII, après la seconde occurrence du mot : « titre, », sont insérés les mots : « ou s’il n’y a pas de livraison du titre, » ;

4° La seconde phrase du VIII est ainsi rédigée : « Un décret précise que l’acquisition donne lieu ou non à un transfert de propriété au sens de l’article L. 211-17 du même code, la nature de ces informations, qui incluent le montant de la taxe due au titre de la période d’imposition, les numéros d’ordre quand ils existent des opérations concernées, la date de leur réalisation, la désignation, le nombre et la valeur des titres dont l’acquisition est taxable et les opérations exonérées, reparties selon les catégories d’exonération mentionnées au II du présent article. »

II. – Le I s’applique aux acquisitions réalisées trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement a le même objet que celui qui vient d’être présenté par M. Breuiller. Je considère qu’il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable. Le sujet devrait plutôt être examiné loi de finances initiale et, surtout – cela a toujours été notre ligne de conduite –, faire l’objet de réflexions et de discussions à l’échelon européen.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 370 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 326 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 326 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel près l'article 1er B - Amendement n° 520

Article 1er B (nouveau)

I. – Par dérogation au b du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts, pour l’imposition des revenus des années 2022 et 2023, l’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais de carburant ou des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés par les salariés dans les conditions prévues à l’article L. 3261-3 du code du travail et des frais mentionnés à l’article L. 3261-3-1 du même code est exonéré d’impôt sur le revenu dans la limite globale de 700 € par an, dont 400 € au maximum pour les frais de carburant. Par exception, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, la limite globale est portée à 900 euros, dont 600 euros pour les frais de carburant.

II. – Par dérogation aux trois premiers alinéas de l’article L. 3261-3 du code du travail, l’employeur peut prendre en charge, au titre de l’année 2022 et de l’année 2023, dans les conditions prévues à l’article L. 3261-4 du même code, tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 3261-3 dudit code, la prise en charge par l’employeur des frais mentionnés au même article L. 3261-3 exposés par ses salariés peut, au titre de l’année 2022 et de l’année 2023, être cumulée avec la prise en charge prévue à l’article L. 3261-2 du même code.

M. le président. L’amendement n° 335 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – À l’article L. 3261-2 du code du travail, les mots : « dans une proportion et » sont remplacés par les mots : « intégralement et dans ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Nous proposons la prise en charge intégrale par l’employeur de l’abonnement de transport de son salarié.

En commission, un débat s’est tenu pour déterminer qui, entre les ménages, les administrations publiques ou les entreprises, allait contribuer à la maigre revalorisation du pouvoir d’achat de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Les entreprises pourront s’enquérir du sort des travailleurs, mais sans en avoir l’obligation. Prime ou pas, intéressement ou pas, revalorisation des salaires ou pas, une chose est certaine : il y aura les travailleurs qui auront et ceux qui n’auront pas !

Une telle proposition nous paraît intéressante. Si nous adoptons cet amendement, les entreprises devront prendre en charge l’intégralité du coût de l’abonnement des travailleurs pour les trajets effectués entre leur domicile et le lieu de travail. Cette mesure concrète de pouvoir d’achat est accessoire au salaire et ne coûte pas un euro d’argent public : voilà deux raisons pour qu’elle vous plaise, mes chers collègues !

Les transports en commun sont aujourd’hui utilisés par 44 % des travailleurs se situant dans l’aire d’attractivité de Paris, contre 14 % dans les autres pôles d’attractivité et 8 % seulement en moyenne nationale. Ces fortes disparités sont principalement dues aux carences de l’offre de transports en commun, qui rendent impossible toute alternative au trajet effectué en véhicule personnel dans beaucoup de territoires. Or le coût des transports en commun ne fait pas l’objet d’une tarification particulière selon les revenus. Plus d’un ouvrier sur dix prend les transports en commun, mais il paiera assurément le même tarif par exemple, qu’un cadre. Il en va de même pour les 16 % d’employés qui optent pour ce moyen de transport.

Mme Borne, qui fut un temps ministre des transports, s’était opposée à une telle proposition, affirmant : « Je ne pense pas un instant que des salariés prendraient davantage les transports en commun si leur abonnement était remboursé à 100 %. » Elle allait même jusqu’à parler de « surenchère ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

À mon sens, ce n’est pas tout à fait le moment d’augmenter de 50 % à 100 % la part du coût de l’abonnement de transport assumée par les entreprises. Contrairement à ce que vous affirmez, cela aurait bien des incidences sur les finances publiques, du fait de l’exonération de charges couverte par l’État.

Il ne vous aura pas échappé qu’un certain nombre de mesures sont également prises en faveur de nos concitoyens habitant dans des territoires peu ou mal desservis par les transports en commun. Elles seront à la main des entreprises.

Évitons de multiplier les dispositifs. Mieux vaut les rationaliser et les évaluer. Il sera toujours temps ensuite de voir s’il est nécessaire d’en ajouter d’autres.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 335 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 389 rectifié est présenté par MM. Tabarot, Longeot et Mandelli.

L’amendement n° 397 rectifié est présenté par M. Rambaud.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Pour les années 2022 et 2023, la prise en charge par les employeurs du coût des abonnements souscrits par leurs salariés réalisée dans les conditions prévues à l’article L. 3261-2 du code du travail qui excède 50 % du coût de ces abonnements bénéficie des dispositions prévues au a du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts et au d du 4 du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Philippe Tabarot, pour présenter l’amendement n° 389 rectifié.

M. Philippe Tabarot. Cet amendement vise à modifier les règles relatives à la prise en charge de 50 % des abonnements souscrits par le salarié pour ses trajets entre son domicile et son lieu de travail.

Actuellement, comme vous le savez, le code du travail prévoit une obligation pour l’employeur de prendre en charge 50 % des titres d’abonnement relatifs aux transports publics de personnes et de service public de location des vélos. Cette prise en charge bénéficie d’avantages fiscaux et sociaux aussi bien pour l’employeur que pour le salarié.

L’amendement vise à mettre en place la possibilité pour l’employeur qui le souhaite – j’y insiste – de prendre en charge le coût des abonnements souscrits par ses salariés au-delà de la limite de 50 %, et avec l’application des mêmes avantages fiscaux et sociaux. Le salarié verrait ainsi son pouvoir d’achat augmenter dès la promulgation du texte sans application d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales sur cette prise en charge.

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 397 rectifié.

M. Didier Rambaud. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. J’illustrerai le dispositif proposé par deux exemples pris dans mon département. Si un employeur met en place le dispositif, un salarié ayant un abonnement annuel TER pourra récupérer 54 euros par mois, soit 648 euros par an, pour un trajet entre Voiron et Grenoble, et environ 79 euros par mois, soit 948 euros par an, pour un trajet entre Bourgoin-Jallieu et Lyon-Part-Dieu.

Une telle mesure me paraît intéressante et pertinente pour celles et ceux qui prennent le train.

M. le président. L’amendement n° 398 rectifié, présenté par M. Rambaud, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Pour l’année 2022, la prise en charge par les employeurs du coût des abonnements souscrits par leurs salariés réalisée dans les conditions prévues à l’article L. 3261-2 du code du travail qui excède 50 % du coût de ces abonnements bénéficie des dispositions prévues au a du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts et au d du 4 du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Cet amendement de repli vise à rendre la mesure applicable seulement en 2022, et non plus en 2022 et en 2023.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Il n’y a ni obligation ni nouvelle contrainte pour les entreprises. Par ailleurs, c’est incitatif. Surtout, c’est borné dans le temps.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Comme la taxe sur les superprofits ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable.

Je m’inscris dans le droit fil des propos de Bruno Le Maire. Les intentions sont louables, et nous partageons les objectifs, mais on ne peut faire abstraction du cadre financier.

En l’occurrence, l’adoption de ces amendements représenterait pour l’État et la sécurité sociale jusqu’à 255 millions d’euros. (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains le contestent.) C’est une somme importante…

Je le répète, nous sommes conduits à faire des choix dans un cadre financier contraint. Il nous faut trouver les mesures les plus efficaces pour accompagner les Français et leur redonner du pouvoir d’achat face à l’inflation en tenant compte des marges dont nous disposons.

Certaines mesures ont déjà été adoptées pour favoriser l’usage des transports en commun et améliorer le pouvoir d’achat des Français ayant recours à ce mode de déplacement. Bruno Le Maire les a rappelés dans la discussion générale : la possibilité de cumuler la prime carburant avec une prise en charge des transports en commun, le forfait mobilités durables élaboré à l’Assemblée nationale. Nous aurons de nouveau ces débats à d’autres échéances, notamment lors de l’examen du prochain projet de loi sur l’orientation des mobilités.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, je ne suis pas d’accord avec votre évaluation, qui me semble faite au doigt mouillé.

J’insiste sur le caractère facultatif de la mesure, qui laisse une grande liberté aux employeurs. Par ailleurs, j’indique que cet amendement a été travaillé avec le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Jean-François Longeot, avec le whip Didier Mandelli, et, plus largement, avec le monde du transport. Au ministère des transports, beaucoup y sont également favorables.

Je ne comprends pas vos arguments, et je me fais une joie de voir mon amendement mis aux voix. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le chiffrage établi par les services du ministère des comptes publics et la direction du budget s’appuie sur des faits.

Tout à l’heure, lorsqu’un amendement auquel le Gouvernement s’était opposé était en passe d’être adopté, Bruno Le Maire a indiqué en toute transparence que la mesure se chiffrait en dizaines de millions d’euros. Nous n’avons pas cherché à majorer le coût.

Si la mesure proposée était adoptée et si le taux de recours était important, cela coûterait jusqu’à 255 millions d’euros.

M. Philippe Tabarot. Combien de personnes seront concernées ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Quand on met en place des dispositifs, l’objectif est que les gens s’en saisissent !

Je me dois d’être transparent avec vous sur le cadre financier qui est le nôtre et sur l’implication budgétaire des amendements qui sont proposés. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement est contraint d’émettre un avis défavorable.

J’ajoute que d’autres dispositifs visant à soutenir les trajets domicile-travail des Français, quel qu’en soit le mode – transport en commun, voiture individuelle ou cumul des deux –, ont été adoptés et pourront être renforcés. La mesure proposée nous semble aller au-delà de ce que nous pouvons faire aujourd’hui.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 389 rectifié et 397 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 398 rectifié n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 1er B, modifié.

(Larticle 1er B est adopté.)

Article 1er B (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er C (nouveau)

Après l’article 1er B

M. le président. L’amendement n° 520, présenté par MM. Segouin et J.P. Vogel, Mmes Deroche et Gosselin, M. Reichardt, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Houpert, Sautarel, D. Laurent, Calvet, Darnaud et Pointereau, Mme Ventalon, MM. Rietmann, Paccaud et Savary, Mme Bourrat, MM. Frassa, E. Blanc et Genet, Mme Dumont, MM. Belin, Charon, C. Vial, Cuypers, Chatillon et B. Fournier, Mme Imbert, M. Le Gleut et Mme Gruny, est ainsi libellé :

Après l’article 1er B

Insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

Augmentation du barème kilométrique de 20 % pour tous les véhicules thermiques.

La parole est à M. Vincent Segouin.

M. Vincent Segouin. L’inflation subie est de 8,6 % dans les territoires ruraux, contre 5,1 % en moyenne pour l’ensemble des Français. Elle est essentiellement due au prix des carburants – cela a souvent été souligné – et à la nécessité d’utiliser son véhicule pour aller travailler chaque jour.

Le barème kilométrique des véhicules électriques a augmenté de 20 % au mois de février 2022, alors que celui des véhicules thermiques n’a augmenté que de 10 %. Pourtant, des mesures ont été prises pour plafonner le prix de l’électricité, mais rien n’a encore été décidé pour les énergies fossiles.

Cet amendement vise donc à augmenter le barème kilométrique de 20 % pour les véhicules thermiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement, pour une raison simple : ce qui est proposé relève du domaine réglementaire. De surcroît, le dispositif ne serait pas opérationnel d’emblée, puisque l’amendement a pour seul objet d’introduire dans la loi un titre de division.

Je le rappelle, plusieurs mesures relativement ciblées font partie de ce projet de loi de finances rectificative, et il faut veiller à maintenir un équilibre entre les dispositifs qui existent déjà et ceux qui sont prévus par le texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

Nous avons pris des mesures pour revaloriser le barème kilométrique.

Par ailleurs, Bruno Le Maire l’a rappelé, le texte contient des mesures massives qui permettront de faire baisser le prix du carburant jusqu’à 1,50 euro le litre au mois de septembre prochain. Il s’est également engagé à ce que le barème kilométrique soit réévalué en loi de finances pour 2023.

M. le président. Monsieur Segouin, l’amendement n° 520 est-il maintenu ?

M. Vincent Segouin. Non, monsieur le président : ayant pris bonne note des engagements de M. le ministre s’agissant du prochain projet de loi de finances, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 520 est retiré.

Article additionnel près l'article 1er B - Amendement n° 520
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er C - Amendements n° 315 rectifié ter et n° 533 rectifié bis

Article 1er C (nouveau)

Au second alinéa du b du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 600 € » est remplacé par le montant : « 800 € ». – (Adopté.)

Article 1er C (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er D (nouveau) (début)

Après l’article 1er C

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 315 rectifié ter est présenté par MM. Tissot et Cardon, Mme Blatrix Contat, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Bourgi, Chantrel, Cozic et Devinaz, Mmes Espagnac, G. Jourda et Lubin, M. Mérillou, Mme Monier, M. Pla, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy et Mmes S. Robert, Le Houerou, Meunier et Féret.

L’amendement n° 533 rectifié bis est présenté par MM. Fernique, Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er C

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 3261-3-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Les mots : « peut prendre » sont remplacés par le mot : « prend » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’obligation de prise en charge issue du premier alinéa entre en vigueur le 1er septembre 2022. Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, elle entre en vigueur le 1er janvier 2023. Au sein de la fonction publique territoriale, elle entre en vigueur le 1er janvier 2024. Avant ces dates, l’employeur peut prendre en charge ces frais dans les conditions définies par le présent article.

« Dans les entreprises de moins de onze salariés, la prise en charge prévue par le premier alinéa est facultative. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 315 rectifié ter.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à répondre conjointement à l’urgence sociale et à l’urgence environnementale en proposant de rendre obligatoire le forfait mobilités durables (FMD). Ce dispositif, fortement apprécié par les salariés et les employeurs des structures l’ayant instauré, est facultatif dans le secteur privé comme dans le secteur public.

Pour provoquer une réelle évolution des mobilités qui permettrait d’apporter des réponses aux enjeux énergétiques et environnementaux, les pouvoirs publics doivent davantage s’engager aux côtés des employeurs et des salariés. Cet outil, couplé au plan de mobilité entreprise, peut également se révéler financièrement intéressant pour l’entreprise en réduisant le coût de mise à disposition de stationnements pour les véhicules, mais aussi les frais liés à l’indemnité kilométrique des véhicules.

En adoptant ce dispositif, nous enverrons un message fort en faveur des mobilités durables et nous inciterons réellement les salariés à covoiturer ou à prendre leur vélo pour se rendre sur leur lieu de travail.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 533 rectifié bis.

M. Jacques Fernique. Le moment est venu de déployer à grande échelle le FMD. Comme cela a été rappelé, aujourd’hui, ce dispositif n’est obligatoire que dans la fonction publique d’État. Il est facultatif dans la fonction publique territoriale et dans le secteur privé, ce qui limite largement son déploiement.

Le FMD a déjà été amélioré pour faciliter l’intermodalité grâce à la possibilité de cumul. Le plafond de cumul a été relevé à 600 euros sur l’initiative de Philippe Tabarot. L’Assemblée nationale vient de le porter à 800 euros. Cela qui montre bien qu’il s’agit d’un levier intéressant. Le dispositif doit maintenant atteindre sa vitesse de croisière, c’est-à-dire sa généralisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable sur ces deux amendements identiques, qui visent à soumettre les entreprises à une généralisation obligatoire.

Pour ma part, je ne suis jamais favorable aux obligations. Je rappelle en outre que le texte apporte déjà des améliorations, puisque les modalités du cumul entre le FMD et la prise en charge par l’employeur d’une partie des frais d’abonnement des transports en commun ont été assouplies. Le plafond est augmenté. C’est une faculté supplémentaire. Je crois qu’il faut savoir raison garder.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Je rappelle une fois encore que nous avons considérablement amélioré le FMD à l’Assemblée nationale en relevant le plafond de 500 euros à 700 euros et, surtout, en permettant le cumul avec les autres dispositifs.

Basculer dans un dispositif obligatoire revient à faire peser une charge supplémentaire obligatoire sur les entreprises.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 315 rectifié ter et 533 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 1er C - Amendements n° 315 rectifié ter et n° 533 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er D (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 1er D (nouveau)

Après le II de l’article 81 quater du code général des impôts, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. – La limite annuelle est égale à 7 500 euros lorsque les rémunérations, majorations et éléments de rémunérations prévus au I versés à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 entraînent le dépassement de la limite annuelle prévue au même I. »

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. De 1995 à 2015, nous avons perdu la moitié des entreprises et un tiers des salariés. Cela est dû au prix de l’heure moyenne, plus élevé en France qu’en Allemagne et que dans d’autres pays de l’Union européenne, d’où un manque de compétitivité.

Par ailleurs, en France, le temps de travail annuel est de 1 500 heures, contre 1 700 heures en moyenne dans l’Union européenne.

Avec la diminution des charges sur les bas salaires, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), nous recommençons à créer des entreprises. Je me réjouis également de la diminution des impôts de production, qui étaient très élevés en France, bien plus qu’en Allemagne et plus encore qu’en Italie et en Espagne notamment.

Dans le même esprit, le relèvement du plafond annuel de défiscalisation des heures supplémentaires des salariés du régime général et du régime agricole de 5 000 euros à 7 500 euros, prévu à cet article, va dans le bon sens. Cela permet d’augmenter le temps de travail sans pénaliser les entreprises. C’est aussi un soutien au pouvoir d’achat, à la valeur travail et aux entreprises, notamment aux TPE-PME, dont 60 % ont des difficultés à recruter dans les secteurs de la restauration et du tourisme, ce chiffre atteignant même 82 % dans la construction.

Les heures supplémentaires concernent 40 % des salariés. Ce sont surtout les TPE-PME qui y ont le plus recours. Les salariés ayant les rémunérations les moins élevées sont les plus demandeurs, car cela leur permet d’augmenter leur pouvoir d’achat.

Il s’agit donc d’un article utile et pragmatique pour les entreprises, les salariés et notre pays.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 281 est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 337 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 281.

M. Rémi Féraud. Nous faisons la même lecture de l’article 1er D, introduit à l’Assemblée nationale, que Daniel Chasseing, mais nous en tirons des conclusions rigoureusement inverses. Notre amendement vise à supprimer cet article. (Sourires.)

Comme le Gouvernement a, depuis le début, refusé de s’orienter vers une véritable augmentation des salaires, il tourne autour : après la prime Macron, nous en sommes à la remise en cause de la réduction du temps de travail.

Je comprends que cela fasse plaisir à la droite sénatoriale, qui a toujours été sur cette ligne. Mais, pour le Gouvernement, c’est une manière de revenir sur les 35 heures en catimini, sans l’assumer, en proposant d’ailleurs une politique à la carte, en fonction des entreprises et de ce que choisiront les salariés, c’est-à-dire en réalité en fonction de ce qui sera imposé par le rapport de force au sein de l’entreprise !

Une nouvelle fois, la défiscalisation et l’absence de cotisations sociales sont des pertes de ressources pour l’État comme pour la sécurité sociale.

Comme cet article risque – nous le savons bien – d’être encore aggravé, nous proposons de le supprimer. Si l’on veut augmenter le pouvoir d’achat, il faut s’attaquer à la question des salaires, et non tourner autour.

Et si le Gouvernement souhaite remettre en cause les 35 heures, qu’il le dise clairement !

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 337.

Mme Céline Brulin. Cet article, dont nous demandons également la suppression, constitue une remise en cause à peine voilée des 35 heures.

C’est même un cadeau empoisonné pour les salariés ! Vous leur vendez qu’ils gagneront un peu plus en travaillant plus, alors qu’une part de leur salaire – je pense notamment au salaire socialisé – leur est en fait subtilisée !

À mon tour, je veux pointer le coût d’une telle mesure pour les finances publiques. Dans la version précédente, il s’élevait à 2 milliards d’euros en 2021 et pouvait atteindre 1,67 milliard d’euros en 2022. Avec le rehaussement prévu à cet article, on va encore au-delà.

Je suis frappée que, depuis le début de nos discussions, vous invoquiez les finances publiques – « Attention ! La cote d’alerte est atteinte », dites-vous – pour rejeter nos propositions de bon sens tout en nous demandant en parallèle d’adopter des mesures encore plus susceptibles de les dégrader !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet sans surprise – cela correspond à sa position constante – un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Regardons l’exonération fiscale des heures supplémentaires d’une autre manière. Dans un temps de pénurie de main-d’œuvre à peu près dans tous les domaines d’activité, il faut redonner aux femmes et aux hommes qui, soit n’ont pas d’emploi, soit sont actuellement en situation d’emploi, la possibilité de travailler plus s’ils le souhaitent, évidemment pour gagner plus.

C’est une réponse intéressante à la fois pour les salariés, pour les entreprises et pour la France. Aujourd’hui, notre pays a besoin d’une main-d’œuvre productive.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela évite surtout d’augmenter les salaires !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’un n’empêche pas l’autre. Les augmentations de salaire se négocient au sein de l’entreprise. Il est nécessaire de retrouver du dialogue social entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Mais le dialogue interne à l’entreprise existe ! D’ailleurs, les démarches RSE (responsabilité sociétale des entreprises) en sont un bel exemple : beaucoup aboutissent aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Deux visions du travail s’affrontent ici.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça, c’est sûr ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Certains veulent systématiquement partager le travail, réduire le temps de travail, considérant que c’est ainsi que l’on garantira la prospérité aux Français.

Je crois exactement l’inverse. Je pense qu’il faut développer le travail, l’activité et l’emploi, notamment avec le déblocage des heures supplémentaires. Face aux pénuries de main-d’œuvre, cela permet de faire travailler plus ceux qui le souhaitent et d’augmenter leurs rémunérations.

C’est toute la philosophie de notre proposition sur l’indemnisation du chômage. Elle a fonctionné, puisqu’elle permet aujourd’hui de débloquer l’accès à l’emploi pour que plus de personnes travaillent, d’avoir plus de prospérité et d’aller vers le plein emploi.

D’ailleurs, madame la sénatrice, au bout du compte, jamais on n’a connu une telle baisse du chômage que depuis que ces dispositifs ont été déployés ! En étant très pragmatique et sans aucune idéologie, soit on veut vraiment le plein emploi et on retient notre politique, soit on veut en rester au chômage de masse et on garde la vôtre. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

J’en viens à la rémunération. Rien n’exclut d’augmenter les salaires : ce n’est pas parce que vous défiscaliserez les heures supplémentaires qu’il n’y aura pas d’augmentation de salaire de la part des entreprises qui le peuvent.

M. Bruno Le Maire, ministre. L’un n’est pas directement lié à l’autre.

Je le répète, je souhaite que les entreprises qui le peuvent augmentent les salaires. Beaucoup d’ailleurs d’entre elles l’ont déjà fait, notamment dans l’hôtellerie-restauration. Les secteurs qui le souhaitent peuvent toujours faire mieux.

Pour le reste, que des heures supplémentaires puissent être proposées et soient défiscalisées pour que les salariés aient un revenu direct est bien l’objectif de ce paquet pouvoir d’achat. Et c’est bien pour cela que nous soutenons la mesure prévue à cet article !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Vous me corrigerez si je me trompe dans le vocabulaire : les salariés dont on parle ont sûrement envie de travailler plus, mais ils ont surtout envie de gagner plus, y compris, s’agissant de certains, pour avoir des projets dans leur vie.

Qui sont les 42 % de nos concitoyens qui font des heures supplémentaires ou complémentaires ? Ce sont 64 % des salariés du secteur de la construction, 47 % des salariés de l’industrie, 65 % des salariés de l’hôtellerie, de la restauration du tourisme, 57 % des salariés du nettoyage, de la manutention, de la récupération et de la sécurité.

Bien sûr qu’ils aiment leur boulot et qu’ils le font bien, mais c’est d’abord qu’ils ne s’en sortent pas avec les salaires qu’ils perçoivent !

M. Pascal Savoldelli. Il faut parler franchement. Oui, pour eux, il y a un problème de pouvoir d’achat ! Ils ont des crédits à la consommation, des crédits immobiliers. Voilà la problématique !

Monsieur le rapporteur général, vous nous dites qu’il ne faut pas opposer les heures supplémentaires et l’augmentation des salaires. Moi, je veux bien vous croire. Mais, parmi les amendements déposés par les membres du groupe Les Républicains, il en est un – nous l’examinerons tout à l’heure – qui vise à monétiser individuellement les RTT sans cotisations sociales. Pas mal, non ?

M. Féraud et Mme Brulin l’on dit avec force, nous sommes face à une régression sociale. Cela n’a rien à voir avec une augmentation de salaire pour ceux qui travailleront plus afin de gagner plus, etc. C’est une attaque du code du travail ! C’est une attaque des 35 heures !

C’est un choix politique. Mais, vous l’avez compris, ce n’est pas le nôtre.

M. Éric Bocquet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Tous ces débats nous confortent dans nos positions respectives. À chaque fois, on cherche à franchir des paliers supplémentaires. Aujourd’hui, le must pour que les Français puissent s’en tirer, c’est la défiscalisation des heures supplémentaires ! C’est le salaire différé ! C’est le salaire social amputé !

Vous nous dites qu’il faut travailler plus parce qu’il n’y a plus assez d’argent dans les caisses, mais, dans le même temps, vous ne proposez que des dispositifs exonérés de cotisations aux différentes protections sociales. Nous sommes dans le libéralisme affirmé !

Monsieur Le Maire, vous avez toujours défendu ces thèses.

M. David Assouline. Il n’y a pas de grande différence entre la doctrine économique et sociale que vous prôniez à l’époque où vous étiez avec Nicolas Sarkozy et celle que vous défendez aujourd’hui. M. Attal, lui, a un autre itinéraire… Mais que l’on ne nous présente pas cela comme un « dépassement de la gauche et de la droite » : nous sommes sur des positions bien connues !

Ce qui est fou, c’est que vous ne vous rendiez pas compte que les secteurs ayant le plus recours aux heures supplémentaires sont justement ceux qui peinent à recruter aujourd’hui, comme l’hôtellerie. Et quand on interroge les publics concernés pour savoir pourquoi de tels métiers n’attirent pas alors qu’il y a du boulot, c’est bien la faiblesse du salaire qui est mise en avant ! Personne ne nous parle de « travailler plus » ni ne réclame la défiscalisation des heures supplémentaires…

Il y a donc bien là une contradiction. Elle s’explique par le fait que vous campiez sur une idéologie. Pour notre part, nous voulons répondre à l’attente des Français, qui demandent du pouvoir d’achat, donc une augmentation des salaires.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 281 et 337.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, il nous reste 424 amendements à examiner sur ce texte.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’ouvrir la nuit ce lundi. En accord avec la commission et le Gouvernement, la séance devrait se poursuivre jusqu’à deux heures du matin.

Nous pourrions d’ores et déjà ouvrir également la nuit de demain, afin de pouvoir terminer l’examen de ce texte dans la nuit de mardi à mercredi.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Article 1er D (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Discussion générale

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

5

Modification de l’ordre du jour

Mme le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande d’avancer au mercredi 3 août après-midi la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027, avant la lecture, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Le Gouvernement demande ensuite de décaler au jeudi 4 août, après-midi et, éventuellement, le soir, la lecture, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement rectificative pour 2022.

Acte est donné de ces demandes.

Par ailleurs, nous pourrions avancer l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance relative à la Polynésie française au mercredi 3 août à quatorze heures trente et fixer l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative à dix-sept heures, jeudi 4 août.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

6

Mise au point au sujet de votes

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Lors des scrutins publics nos 132, 133 et 134, Mme Véronique Guillotin, qui s’est abstenue, souhaitait voter contre, et M. Jean-Noël Guérini, qui s’est abstenu, souhaitait voter pour.

Mme le président. Acte est donné de ces mises au point, mon cher collègue. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

7

Article 1er D (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er D (nouveau)

Loi de finances rectificative pour 2022

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2022.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Mme le président. Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus, au sein de l’article 1er D, à l’examen de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er D - Amendements n° 408 rectifié bis et n° 409 rectifié bis

Article 1er D (nouveau) (suite)

Mme le président. L’amendement n° 347 rectifié, présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer, D. Laurent et Cuypers, Mmes Gruny et V. Boyer, MM. Anglars, Piednoir, Klinger et Savary, Mmes Di Folco et Dumont, MM. Daubresse et Chasseing, Mmes Bonfanti-Dossat et Gosselin, M. Sol, Mme Bourrat, M. H. Leroy, Mmes F. Gerbaud et Drexler, MM. Bouchet, Segouin, Chatillon, Pointereau, Decool et Joyandet, Mme N. Delattre, M. Somon, Mmes Lassarade, Pluchet et Richer, MM. Allizard et Longeot, Mme Malet, MM. J.P. Vogel et Bouloux, Mmes Lopez, Goy-Chavent et Ventalon, MM. Darnaud, Milon, de Nicolaÿ, Meignen et Courtial, Mme Chain-Larché, M. Charon, Mme Noël, M. Iacovelli, Mme Imbert, MM. Le Gleut, Burgoa, Belin et Favreau, Mmes Bellurot et Canayer et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 81 quater du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « et dans une limite annuelle égale à 5 000 € » sont supprimés ;

2° Le II est supprimé.

II. – La disposition prévue au 1° du I s’applique aux rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2022.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Vincent Segouin.

M. Vincent Segouin. L’inflation est en partie due à un choc de l’offre, à un manque d’offre face à la demande. Bilan : les prix augmentent.

Par ailleurs, comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, les entreprises peinent à recruter, malgré un taux de chômage élevé. La seule solution est de recourir aux heures supplémentaires. Pour les y inciter, nous proposons une défiscalisation.

Aujourd’hui, le nombre d’heures supplémentaires défiscalisées est plafonné, ce qui risque de réduire leur attrait pour toutes les classes salariales. Or nous avons besoin de tous au sein des entreprises, mais également dans les collectivités et dans tous les lieux de travail.

L’amendement de notre collègue Laurent Duplomb vise donc à déplafonner totalement l’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires et complémentaires. Il sera ainsi possible pour les salariés de gagner plus et de soutenir l’activité des entreprises sans limite face aux contraintes qu’elles affrontent pour recruter.

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 182 est présenté par M. Husson, au nom de la commission.

L’amendement n° 503 est présenté par MM. Rohfritsch, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Richard, Mme Schillinger et M. Théophile.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 81 quater du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au I, le nombre : « 5 000 » est remplacé par le nombre : « 7 500 » ;

2° Le II est supprimé.

II. – La disposition prévue au 1° du I s’applique aux rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2022.

III. – La perte de recettes résultant, pour l’État, du relèvement pérenne du plafond d’exonération d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires et sur les heures complémentaires, est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 182.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à pérenniser le relèvement de 5 000 euros à 7 500 euros du plafond d’exonération d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires et sur les heures complémentaires.

D’après une étude de l’Insee publiée au mois de juillet 2022, les tensions sur le marché du travail, que ce soit dans les secteurs de l’industrie, des services ou de la construction, n’ont jamais été aussi fortes depuis au moins quinze ans.

C’est la raison pour laquelle il faut apporter de la souplesse, sans négliger pour autant – je le redis – la revalorisation des salaires, qui relève d’abord de la responsabilité des entreprises, quelle que soit leur taille.

Mme le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch, pour présenter l’amendement n° 503.

M. Teva Rohfritsch. Je parlais tout à l’heure d’« esprit de compromis ». Notre groupe a choisi de rejoindre la proposition du rapporteur général de pérenniser le plafond d’exonération des heures supplémentaires.

Une telle aide nous paraît bienvenue pour soutenir l’emploi. La prospérité de notre économie et la soutenabilité nos finances publiques reposent en grande partie sur le dynamisme du marché du travail et sur la productivité de nos entreprises.

Puisse cet esprit de compromis nous accompagner jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de l’amendement n° 347 rectifié au bénéfice des amendements identiques nos 182 et 503.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Nous avons entamé un débat sur les heures supplémentaires. Nous nous retrouvons, me semble-t-il, très largement sur le fait que l’exonération des heures supplémentaires est une solution pour les entreprises. Celles-ci ont aujourd’hui des difficultés à recruter, et leur activité économique est freinée du fait d’une pénurie de main-d’œuvre ou de candidats.

Ce dispositif permet aussi de soutenir le pouvoir d’achat des Français qui effectuent des heures supplémentaires. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a porté de 5 000 euros à 7 500 euros le plafond d’exonération, et ce pour une durée limitée.

L’amendement n° 347 rectifié vise à supprimer totalement le plafond. Nous y sommes défavorables, pour plusieurs raisons.

D’abord, il y aurait un risque réel de substitution au salaire, un certain nombre d’effets d’aubaine ayant été documentés entre 2007 et 2012, lorsque les heures supplémentaires ont été totalement défiscalisées. Ensuite, le coût qu’une telle disposition aurait pour les finances publiques est évalué à 80 millions d’euros en 2023 et à 200 millions d’euros en 2024. Mais, en réalité, c’est d’abord le premier argument qui prévaut.

Nous sollicitons donc le retrait de cet amendement au profit des amendements identiques nos 182 et 503, qui visent à pérenniser le relèvement à 7 500 euros du plafond adopté par l’Assemblée nationale. Ce dispositif s’inscrit pleinement dans le choix de valorisation du travail que nous sommes très nombreux à défendre dans cet hémicycle.

Mme le président. Monsieur Segouin, l’amendement n° 347 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Segouin. Non, je le retire, madame le président.

Mme le président. L’amendement n° 347 rectifié est retiré.

La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Nous voterons évidemment contre ces amendements.

Je dois le dire, l’argumentation du ministre, qui évoque les possibles effets d’aubaine et fait part de sa volonté de valoriser le travail, est assez convaincante. Mais elle vaut aussi bien avec plafond que sans plafond !

Nous ne sommes évidemment pas favorables à l’exonération des heures supplémentaires sans plafond, mais nous n’y sommes pas plus favorables avec un plafond. L’argument vaut dans les deux cas ; il n’y a pas de « en même temps » possible. Il faut choisir sa manière d’augmenter le pouvoir d’achat des Français.

Mme le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage sur les amendements nos 182 et 503 ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Oui, madame le président.

Mme le président. Il s’agit donc des amendements nos 182 rectifié et 503 rectifié.

Je les mets aux voix.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme le président. En conséquence, l’article 1er D est ainsi rédigé, et les amendements nos 519 et 407 rectifié bis n’ont plus d’objet.

Article 1er D (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 434 rectifié bis

Après l’article 1er D

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 408 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Grand, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot et MM. Menonville, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 1er D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au 8° du I de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, les mots : « au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours » sont supprimés.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à rendre éligible le temps supplémentaire des cadres soumis au forfait jours à la réduction de cotisations sociales sur les montants payés, ainsi qu’au rehaussement du plafond de défiscalisation de l’impôt sur le revenu du temps de travail supplémentaire et complémentaire effectué par les salariés, jusqu’à 7 500 euros au titre de l’année 2022, soit entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022.

Cette mesure tend à rétablir une égalité entre les salariés aux 35 heures, qui bénéficieront de la défiscalisation des heures supplémentaires votée à l’Assemblée nationale, et les cadres salariés soumis à un forfait jours.

Mme le président. L’amendement n° 409 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Grand, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot et MM. Menonville, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 1er D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 8° du I de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « prévu par l’article L. 3121-64 du code du travail ou un plafond inférieur prévu par accord collectif ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à rendre éligible le temps supplémentaire des cadres soumis au forfait jours à la réduction de cotisations sociales sur les montants payés, ainsi qu’au rehaussement du plafond de défiscalisation de l’impôt sur le revenu du temps de travail supplémentaire et complémentaire effectué par les salariés, jusqu’à 7 500 euros au titre de l’année 2022, soit entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022.

Aujourd’hui, l’exonération d’impôt et la réduction de cotisations sociales ne concernent, s’agissant des forfaits jours, que les rémunérations versées pour les jours travaillés au-delà de 218 jours, ce qui exclut de fait plusieurs entreprises mieux-disantes.

Il serait pertinent que toutes les entreprises appliquant un accord de branche ou d’entreprise prévoyant un forfait d’un volume annuel de jours travaillés inférieur à 218 jours puissent se saisir d’un tel dispositif.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission, qui n’approuve ni la suppression ni l’abaissement du plafond au-delà duquel les salariés au forfait jours pourraient renoncer à leurs jours de repos moyennant une réduction des cotisations sociales, demande le retrait de ces deux amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.

Nous partageons tous l’objectif des auteurs de ces amendements : valoriser le travail et la rémunération de ceux qui travaillent.

Cela étant, l’adoption de ces amendements aurait pour conséquence de créer une réelle différence de traitement entre des salariés. En dessous de 218 jours, c’est la durée légale de travail. Se poseraient notamment des problèmes pour les week-ends. Il y aurait une différence de traitement pour les salariés qui ne sont pas au forfait jours. Cela ne nous semble pas justifiable. Il s’agirait là d’une véritable rupture d’égalité.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 408 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 409 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er D - Amendements n° 408 rectifié bis et n° 409 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 423 rectifié bis

Mme le président. L’amendement n° 434 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier, Roux et Artano, est ainsi libellé :

Après l’article 1er D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les majorations de rémunérations prévues en application des dispositions relatives au travail dominical aux articles L. 3132-12 et suivants du code du travail sont exonérées d’impôt sur le revenu.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le code du travail permet fort heureusement à certains établissements dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public de déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.

Le coût de la vie ne cesse d’augmenter, comme en témoigne l’inflation galopante de ces derniers mois. La possibilité de travailler le dimanche se traduirait pour de nombreux salariés par une augmentation de leur pouvoir d’achat.

Dans les commerces de détail alimentaires, en grande surface notamment, les salariés peuvent bénéficier d’une majoration de salaire pour travail le dimanche.

Cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de Nathalie Delattre, vise à encourager une telle pratique en défiscalisant les éventuelles majorations de rémunération dominicale. Il s’agit ainsi de saluer le travail sans relâche fourni par ces Français pendant la pandémie et le confinement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement.

Nous venons d’adopter un certain nombre de dispositifs d’assouplissement, incluant des exonérations. Avec cet amendement, ce que vous proposez, c’est presque fromage, dessert et plus encore !

Aujourd’hui, le travail le dimanche est rémunéré dans des conditions que chacun connaît. Il faut veiller à ne pas déstructurer la totalité de l’organisation du temps de travail dans les entreprises.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je salue de nouveau l’intention de valoriser et de soutenir les Français qui travaillent et travaillent dur. C’est évidemment le cas de ceux qui travaillent le dimanche. Cette contrainte est évidemment déjà prise en compte par la majoration de salaire. Ainsi, les salariés qui travaillent dans le commerce alimentaire bénéficient d’une majoration de 30 %.

Par ailleurs, il serait très compliqué pour le calcul de l’impôt sur le revenu d’appliquer un taux d’imposition différent en fonction du jour de perception des revenus.

Même si je salue l’intention qui est la vôtre, monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. Comme l’a indiqué M. le rapporteur général, le dispositif que nous avons adopté pour les heures supplémentaires s’applique évidemment aussi aux salariés concernés.

Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Nous sommes opposés à cet amendement, qui tend à exonérer d’impôt sur le revenu la majoration des heures travaillées le dimanche.

Dans un contexte d’inflation, la tentation est grande pour garantir une augmentation du pouvoir d’achat d’user de tous les moyens, y compris d’instaurer des mécanismes qui réduisent les recettes de l’État, mais qui ne font rien perdre aux entreprises et qui n’ont pas pour effet d’augmenter les salaires.

Avec cet amendement visant à exonérer les heures travaillées le dimanche, vous mettez, selon nous, le doigt dans un engrenage sans fin.

Depuis la loi Macron de 2015 et la loi Travail du gouvernement Hollande, le travail le dimanche était devenu une réalité pour 20 % des salariés en 2020.

Aujourd’hui, les heures supplémentaires effectuées ne sont pas soumises à l’impôt, dans la limite de 5 000 euros par an, plafond relevé à 7 500 euros.

Avec cet amendement, vous revenez indirectement sur la majoration des heures supplémentaires le dimanche, qui est de 25 % les huit premières heures et de 50 % les heures suivantes.

Ces majorations de salaire compensent le travail effectué le dimanche. Ainsi les salariés qui travaillent le dimanche dans un commerce de détail alimentaire bénéficient-ils d’une majoration minimale d’au moins 30 %.

En défiscalisant les majorations du travail le dimanche, vous ne rendez pas du pouvoir d’achat aux Français. Vous incitez financièrement les employeurs à faire travailler les salariés le dimanche. Vous facilitez le chantage au travail le dimanche, au détriment du droit au repos et à la vie familiale.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes opposés à cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Notre groupe votera également contre ces amendements.

Nous avons un code du travail. Des générations de salariés se sont battues pour conserver le droit d’avoir une vie en dehors du travail, pour limiter le temps de travail et bénéficier de temps de récupération.

Aujourd’hui, au sein de notre assemblée, on revendique surtout la possibilité de travailler toujours plus pour être rémunéré parce que les salaires, eux, n’augmentent pas. J’entends la nécessité de défiscaliser et de désocialiser en relevant les plafonds.

Monsieur le ministre, vous dites comprendre l’intention. Pour notre part, nous ne la comprenons pas. Nous pensons qu’il faut plutôt protéger le droit à récupération des salariés. La demande qu’expriment de nombreux salariés d’effectuer des heures supplémentaires s’explique avant tout par la faiblesse du pouvoir d’achat qui leur est concédé en échange de leur salaire.

Chers collègues, interrogez les salariés des secteurs de l’hôtellerie ou du bâtiment que vous croisez et vous verrez que la plupart d’entre eux, s’ils avaient des salaires à la hauteur de leurs espérances et de leur investissement, ne demanderaient ni à travailler le dimanche ni à effectuer des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 434 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Je ne pensais pas que l’amendement de Nathalie Delattre susciterait un tel débat ! Il ne nous reste plus qu’à évoquer le jour du Seigneur… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Pour information, en Suisse, le pain est plus cher le dimanche. Il coûte 5 francs ce jour-là, contre 4 francs les autres jours. C’est une manière d’encourager le travail le dimanche !

Cela étant, je retire cet amendement.

Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 434 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er E (nouveau)

Mme le président. L’amendement n° 434 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 423 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’article 1er D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le montant de la prime de pouvoir d’achat, prévue par l’article 1er de la loi n°… du … portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, est majoré pour les personnes bénéficiant d’un contrat d’insertion depuis moins de cinq ans.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à majorer la prime de pouvoir d’achat des personnes en situation d’insertion depuis quelques années, afin de valoriser leur parcours.

L’insertion est le premier pas permettant à de nombreuses personnes de retrouver le chemin de l’emploi. Leur parcours est souvent difficile et semé d’embûches. L’insertion est progressive et demande des efforts pour ceux qui l’entreprennent.

Majorer cette prime permettrait d’envoyer un signe positif à ces personnes et de mettre en valeur l’ensemble de leur parcours.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission sollicite le retrait de cet amendement. L’encre du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat n’est pas encore sèche, mon cher collègue, que votre groupe demande déjà une telle « amélioration » – du moins, de votre point de vue.

Je le rappelle, Mme le rapporteur Frédérique Puissat avait demandé à juste raison que le dispositif soit d’abord mis en œuvre, puis stabilisé. Il sera éventuellement temps le moment venu de demander des modifications.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 423 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 423 rectifié bis est retiré.

Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 423 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er F (nouveau)

Article 1er E (nouveau)

I. – Par dérogation au titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, le salarié, quelle que soit la taille de l’entreprise, peut, sur sa demande et en accord avec l’employeur, renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 en application d’un accord ou d’une convention collective instituant un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ou en application d’un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail.

Les journées ou demi-journées travaillées à la suite de l’acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise. Les heures correspondantes ne s’imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d’heures supplémentaires prévu à l’article L. 3121-30 du même code.

II. – Les rémunérations versées aux salariés au titre des journées ou demi-journées mentionnées au I du présent article ouvrent droit au bénéfice des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale et de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue à l’article 81 quater du code général des impôts.

III. – Le montant des rémunérations exonérées d’impôt sur le revenu en application du II du présent article est pris en compte pour l’appréciation de la limite annuelle prévue au I de l’article 81 quater du code général des impôts et est inclus dans le montant du revenu fiscal de référence défini au 1° du IV de l’article 1417 du même code.

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 282 est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 338 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 282.

Mme Isabelle Briquet. L’article 1er E, qui a été introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, a pour objet de permettre la conversion des jours de RTT en majoration salariale exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, dans la limite annuelle du plafond fixé pour les heures supplémentaires.

Cela pose bien évidemment plusieurs problèmes. L’article permet un contournement des règles sur le temps de travail, qui visent à préserver les intérêts et la santé des salariés. En outre, il s’imposerait sans passage obligé par la négociation collective avec les organisations syndicales.

C’est là une attaque contre la réduction du temps de travail à 35 heures. En monétisant toutes les RTT acquises via les heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires, le dépassement du temps de travail au-delà de quarante heures est susceptible de ne pas être pris en compte. Le salarié ne bénéficierait plus alors de la protection conférée par la limitation du temps de travail.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 1er E.

Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 338.

Mme Céline Brulin. Nous proposons également la suppression de cet article, qui prévoit de permettre la monétisation des RTT pour un certain nombre de salariés au motif d’accroître leur pouvoir d’achat.

Monsieur le rapporteur général, vous avez l’air de dire que vous êtes tout à fait favorable à des augmentations de salaire, mais qu’il faut en discuter dans les entreprises. Alors que nous sommes nombreux ici à avoir défendu l’idée qu’il fallait augmenter le SMIC, nous nous sommes heurtés à une opposition assez redoutable. Une telle augmentation aurait pourtant constitué un signe et donné une impulsion. Elle aurait permis l’ouverture de négociations salariales dans toutes les branches.

Aujourd’hui, non content de refuser les augmentations de salaire, vous utilisez la préoccupation fondamentale des salariés en matière de pouvoir d’achat pour mettre un coin dans les 35 heures. Ces dernières ont pourtant permis, je le rappelle, de créer un nombre très important d’emplois dans notre pays. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Cela vient après les mesures sur les heures supplémentaires et sur le travail le dimanche, dont nous venons de discuter. Permettez-moi de vous faire part de mon inquiétude sur l’état d’esprit du pays. J’ai l’impression d’assister aujourd’hui à un grand concours pour savoir qui ira le plus loin possible dans la régression sociale.

Les Français, eux, ont des demandes assez légitimes. Quand tout, y compris les profits – nous en avons beaucoup parlé en début de séance –, augmente dans le pays, il est normal que les salaires augmentent aussi, sans régression sociale. Toutes les avancées dans notre pays ont été source de progrès social. N’allons pas en sens contraire.

Combien de personnes seront concernées par la mesure proposée ? Seuls 10 % à 15 % des salariés sont au forfait jours ! Nous sommes loin de la réponse à une préoccupation légitime !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Je pense qu’il faut être attentif au marché du travail et au contexte dans lequel nos entreprises évoluent. Je continue de dire qu’il faut privilégier le dialogue social. Nous n’avons pas, les uns ou les autres, toujours raison.

Vous avez évoqué les 35 heures et la réduction du temps de travail. On a parlé autrefois de partage du temps de travail. Cela devait être la solution à beaucoup de difficultés. Dans les faits, les résultats sont mitigés. J’en veux pour preuve la désorganisation ayant résulté de leur mise en œuvre, par exemple, dans les services de santé, notamment dans les hôpitaux.

Mme Éliane Assassi. Elle est due à la réduction des effectifs !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pas seulement, ma chère collègue !

Je le dis avec calme, sérénité et tranquillité, pour alimenter le débat. Tous les avis méritent d’être entendus et confrontés.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ces amendements visent à supprimer une disposition ajoutée dans le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale. Cette mesure donne plus de liberté aux salariés et leur permet d’obtenir une meilleure rémunération en monétisant leurs RTT.

Cette mesure n’enlève rien à qui que ce soit – personne n’est obligé de la mettre en œuvre –, et elle respecte le cadre légal des 35 heures et le droit au repos. Elle est temporaire, justifiée par l’urgence d’accroître le pouvoir d’achat des Français. Elle concerne les RTT.

Nous sommes évidemment défavorables à la suppression de l’article.

Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Nous allons soutenir les amendements de suppression de l’article.

Nous sommes en train, en pleine nuit, au mois d’août, d’enterrer tranquillement les 35 heures,…

M. Bruno Belin. Si ça pouvait être vrai !

M. Thomas Dossus. … qui ont été l’une des dernières grandes réformes sociales menées dans ce pays, à l’origine de la création de 350 000 emplois en dix ans. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

L’article 1er E a été voté à l’Assemblée nationale par la droite, l’extrême droite et la majorité présidentielle. Cette alliance des droites n’a rien de surprenant lorsqu’il s’agit de détricoter les avancées sociales des dernières années. (M. Vincent Segouin sexclame.)

Au-delà du mépris pour le repos et la santé des travailleurs, ce sont les 35 heures que l’on met à mal. Acter un possible rachat des RTT, c’est enterrer définitivement la barrière symbolique de travail hebdomadaire. C’est une attaque directe contre l’idée même de partage du temps de travail, donc de partage des richesses.

Plus grave encore, instaurer un tel rachat, c’est méconnaître la nature même du lien de subordination entre employeur et employé.

Vous nous parlez de « liberté », monsieur le ministre. Dans le contexte actuel d’érosion du pouvoir d’achat et d’inflation galopante, pensez-vous vraiment que les salariés refuseront l’argent de ces RTT ? Certes, cela représentera un petit plus en ces temps difficiles, mais leur capacité à négocier des accords salariaux sera entravée. On sait pourtant que le travail doit être payé à sa juste valeur.

Il y a pourtant une manière plus juste, socialement acceptable et digne d’accroître le pouvoir d’achat : augmenter les salaires.

C’est pourquoi nous nous opposons à l’article 1er E, et nous voterons les amendements tendant à le supprimer.

Mme le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.

M. Sébastien Meurant. Je vais essayer de tordre le cou à l’idée répétée selon laquelle les 35 heures auraient permis de créer des emplois.

Je rappellerai les propos d’un socialiste qui a réussi : Gerhard Schröder. J’aurais également pu évoquer Dominique Strauss-Kahn. En 1998, Gerhard Schröder se déclarait pour les 35 heures en France, en expliquant que ce serait une excellente nouvelle pour l’industrie allemande !

Je ne parlerai pas des hôpitaux. Tous les interlocuteurs de bonne foi reconnaissent, avec le recul, que ce sont les 35 heures qui ont le plus désorganisé les hôpitaux français.

Mes chers collègues, avant de distribuer de la richesse, il faut en créer ; elle ne tombe pas du ciel ! Avant d’être opérationnel, un médecin doit passer quelques années sur les bancs de la faculté, de même qu’il faut du temps pour former une infirmière !

La voilà, la réalité ! Tout le reste n’est que – mauvaise – littérature ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous venons de vivre un moment de vérité. Notre collègue Meurant, dont on peut – c’est mon cas – ne pas partager le point de vue, vient de nous le dire de manière assez claire : la question, ce n’est pas le pouvoir d’achat des salariés ; la question, c’est bien les 35 heures.

M. Pascal Savoldelli. Quand on a des convictions claires, on joue cartes sur table, on affirme son projet de société et on affiche les choix politiques qui vont avec !

Or que faites-vous, monsieur le ministre ? Un cadeau empoisonné ! Vous allez demander aux salariés de choisir entre la monétisation de leurs RTT majorée de 10 % et des heures supplémentaires majorées de 25 %.

En outre, vous autorisez la monétisation des RTT sans prévoir de contribution au budget de la sécurité sociale. Nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais qui va payer, monsieur le ministre ? Cela fait un moment que l’on pose cette question. Qui va payer l’addition, à part les ménages et les salariés ? Il me semble que nous méritons une petite explication ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 282 et 338.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 383 rectifié est présenté par Mmes Lubin et Poumirol, M. Kerrouche, Mme Van Heghe, MM. Cozic, Mérillou et Bourgi, Mme Féret, M. Pla, Mmes Harribey et Blatrix Contat, M. Féraud, Mme Meunier, MM. Marie, Redon-Sarrazy, Montaugé, P. Joly et Chantrel, Mme Préville, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Monier et MM. Tissot et Gillé.

L’amendement n° 470 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche

2° Remplacer les mots :

quelle que soit la taille de l’entreprise

par les mots :

sous réserve qu’une convention ou un accord de branche, d’établissement ou d’entreprise l’autorise

La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 383 rectifié.

M. Thierry Cozic. Puisque l’article 1er n’a pas été supprimé, cet amendement vise à conditionner la possibilité de monétiser les RTT à une autorisation résultant d’une négociation collective avec les organisations syndicales, comme ce fut le cas lorsque la monétisation des RTT a été ouverte pendant les dix derniers mois de l’année 2020.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 470.

M. Pascal Savoldelli. Il est défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable. Ces amendements ont pour objet de soumettre à une convention issue de la négociation collective une possibilité ouverte par simple accord de l’employeur. Cela pourrait non seulement faire perdre du temps dans les petites entreprises, mais également priver certains salariés du bénéfice de la mesure, et ce sans aucune justification.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable. Nous parlons d’une mesure temporaire, adoptée pour soutenir en urgence le pouvoir d’achat dans cette période difficile, et permettre à des salariés de monétiser leurs RTT, en leur laissant toute liberté. J’assume ce terme : je suis favorable à la liberté des salariés !

Je rappelle qu’une telle mesure ne peut pas être prise sans l’accord du salarié et de l’employeur. (Marques dironie à gauche.) Il ne s’agit donc pas d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Le cadre légal des 35 heures est respecté. Le dispositif concerne les jours de RTT, mais évidemment pas les jours de congé ou les week-ends.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous sommes tous attachés à l’une des valeurs de la République : l’égalité.

Il ne faut pas mentir. Certes, la monétisation des RTT peut venir d’un souhait du salarié. Mais le salarié n’est pas à égalité avec l’employeur. Ce serait un mensonge éhonté que de le prétendre.

Il s’agit donc d’une fausse liberté. C’est pour cela que je parle de « cadeau empoisonné ». Au final, ce sera au bon vouloir de l’employeur.

Les effets de manche ou de vocabulaire, les éléments de langage, c’est bien ! Mais il faut revenir à des bases rigoureuses et précises : le salarié n’est pas à égalité avec l’employeur. Et ce sera au bon vouloir de celui-ci d’accorder, ou non, la monétisation de ses RTT.

Vous ne voulez pas des deux amendements que nous avons défendus, parce que vous avez la trouille qu’une augmentation des salaires soit négociée ! En évitant l’organisation de négociations par branche, vous êtes en train d’organiser une nouvelle régression sociale.

M. Vincent Segouin. La régression, ce sont les 35 heures !

M. Pascal Savoldelli. Il faut l’assumer, et le dire aux Français et aux Françaises, en particulier aux salariés. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Notre amendement est, certes, un amendement de repli, mais ce n’est pas un amendement de repli comme les autres. Son adoption est le seul moyen, si nous entrons dans le raisonnement du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, de garantir que le dispositif envisagé ne soit pas une mesure de régression sociale.

Nous proposons de soumettre la possibilité de rachat des RTT à l’existence d’une convention ou d’un accord de branche, d’établissement ou d’entreprise, pour ne pas laisser pas le salarié seul face à l’employeur. C’est donc une garantie essentielle.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 383 rectifié et 470.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. L’amendement n° 384 rectifié, présenté par Mmes Lubin et Poumirol, M. Kerrouche, Mme Van Heghe, MM. Cozic et Mérillou, Mme Féret, MM. Bourgi et Pla, Mmes Harribey et Blatrix Contat, M. Féraud, Mme Meunier, MM. Marie, Redon-Sarrazy, Montaugé, P. Joly et Chantrel, Mme Préville, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Monier et MM. Tissot et Gillé, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

tout ou partie

2° Après le mot :

repos

insérer les mots :

dans la limite de 20 demi-journées,

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Cet amendement de repli a pour objet de limiter à cinq jours, ou dix demi-journées, de RTT par an, la possibilité de transformer des RTT en salaires, dans le souci de la protection de l’intérêt et de la santé des salariés.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable. Comme cela a été souligné tout à l’heure, la conversion des jours de RTT en majoration de salaire peut être sur l’initiative du salarié. Pourquoi restreindre la liberté du salarié s’il exprime une telle demande ? (Marques dapprobation à droite.)

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 384 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 154 rectifié, présenté par MM. Mouiller, Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bansard, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, J.B. Blanc et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme Bourrat, M. J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mme de Cidrac, MM. de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deroche, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Joyandet, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Meignen, Mmes M. Mercier, Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Reichardt, Mmes Renaud-Garabedian et Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Segouin, Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer les mots :

et jusqu’au 31 décembre 2023

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Je le dis d’emblée : nous assumons parfaitement d’enfoncer un coin dans les 35 heures ! (Exclamations à gauche.)

M. Pascal Savoldelli. Ah ! Applaudissons-la ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Christine Lavarde. Le début de l’argumentaire de M. le ministre contre les amendements tendant à supprimer l’apport de l’Assemblée nationale – il a souligné la nécessité de donner plus de liberté aux salariés, tout en rappelant qu’il ne s’agissait de forcer personne – nous convenait très bien.

En revanche, sa conclusion nous gêne un peu, puisqu’il a évoqué un dispositif « temporaire ». Notre amendement vise à faire en sorte que le dispositif soit pérenne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. En passant, comme ça, en pleine nuit…

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. Avis défavorable… Excusez-moi, je voulais dire : avis favorable ! (Exclamations à gauche.)

M. David Assouline. Votre cœur a parlé un court instant !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. C’est que je suis habitué à m’adresser à mes camarades sénateurs de l’extrême gauche de l’hémicycle.

Mme Laurence Rossignol. Extrême gauche ? Alors, nous sommes en face de l’extrême droite !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est dans nos travées qu’était le siège de Victor Hugo !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. Cet amendement correspond à notre philosophie sur le temps de travail, la valeur travail et le dialogue qui a lieu dans les entreprises, quelle que soit leur taille. Ce sont les petites entreprises qui emploient le plus de salariés en France.

L’introduction de davantage de liberté et de dialogue, sur l’initiative des salariés et sous la responsabilité de l’entreprise, doit, à mon avis, être encouragée.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’ai effectivement insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un dispositif temporaire.

M. David Assouline. Pour l’instant…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. À ce stade, le Gouvernement souhaite maintenir le caractère temporaire du dispositif. Si cela devait changer, il faudrait passer par une concertation avec les organisations syndicales.

Pour pérenniser le passage de 5 000 euros à 7 500 euros du plafond de défiscalisation pour les heures supplémentaires, nous partions d’un dispositif existant. Là, il s’agit d’un mécanisme nouveau.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable. Pour nous, la pérennisation devrait tout de même passer par un peu de concertation avec les partenaires sociaux et se fonder sur une évaluation de son utilisation au cours des deux premières années.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Notre groupe va demander un scrutin public. Nous voulons une réponse claire : qui est pour une augmentation du temps de travail ? Pour notre part, nous sommes pour le maintien des 35 heures, et même pour une diminution du temps de travail. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous sommes la sixième puissance économique dans le monde.

M. François Bonhomme. Pas grâce aux 35 heures !

M. Pascal Savoldelli. Nous sommes au cinquième rang mondial en termes de productivité depuis le passage aux 35 heures. Ce n’est pas si mal !

Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. En passant d’un dispositif temporaire à un dispositif pérenne, vous dites enfoncer un coin dans les 35 heures. En fait, vous revendiquez clairement d’y mettre fin.

Faisons preuve de responsabilité. Nous ne pouvons pas appeler sans cesse à un débat parlementaire de qualité, vouloir que le Parlement et la politique en général soient respectés, et considérer que, dans un pays comme la France, dans le moment particulièrement difficile que nous vivons, on puisse oser de manière si provocante mettre fin ainsi aux 35 heures, de nuit, un 1er août, au Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Dès qu’on n’est pas d’accord, c’est de la « provocation » !

M. David Assouline. Vous nous donnez des leçons sur la manière de faire avancer le pays dans la cohésion et dans la stabilité. Mais ce que vous faites est irresponsable. Ce n’est pas respectueux, non seulement du débat parlementaire, mais aussi des partenaires sociaux. Une telle décision implique au moins une discussion avec eux !

Tout le reste n’est que balivernes et coups de force, que vous assumez. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. M. Laurent a proposé de nous offrir un abonnement au journal Les Échos. C’est une bonne idée. Ces jours-ci, on y trouve un feuilleton passionnant intitulé La grande démission, qui nous apprend qu’aux États-Unis, 33 % de la population active – je dis bien 33 % de la population active ! – a démissionné de son poste. Et 36 % des Anglais disent aujourd’hui qu’ils feraient la même chose. De même, 33 % des Français sont capables de quitter leur emploi.

Je cite Les Échos, pas LHumanité : « La vague des démissions a bien atteint l’Europe. L’ensemble des employeurs doit y faire face. Mais il serait réducteur de penser que la solution réside seulement dans des actions cosmétiques. Les salariés peuvent être fidélisés s’ils sont en mesure de bien faire un travail qui est important à leurs yeux, mais aussi reconnu et rétribué à sa juste valeur. »

Et que proposez-vous ? Une augmentation du temps de travail. Vous n’êtes absolument pas en phase avec la réalité actuelle du travail dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Dans les hôpitaux, en ce moment, des démissions en masse mettent en péril la santé des Français.

Croyez-vous vraiment que la mesure que vous êtes en train d’adopter va aider à conserver le personnel soignant dans les hôpitaux ? Elle va le faire fuir ! En effet, ce que demande le personnel soignant depuis des mois et des mois, c’est d’être augmenté, de voir son travail revalorisé.

M. Laurent Somon. Non, il demande davantage de personnels !

M. Pierre Laurent. Ces gens sont épuisés par le travail et par les bas salaires. Et vous proposez d’en remettre une couche : encore et toujours ! Vous allez mettre tous les services publics à genoux, avant de faire la même chose dans les entreprises !

Oui, monsieur le rapporteur général, ce sont les petites et moyennes entreprises qui embauchent l’écrasante majorité des salariés. C’est justement pour cela que ceux-ci doivent être protégés par le droit du travail. En effet, dans les petites entreprises, les conditions de la négociation collective ne sont souvent pas réunies.

Oui, il faut protéger les salariés, pour qu’ils travaillent 35 heures, avec de vrais salaires, et non avec les choix que vous êtes en train de voter à la sauvette, cette nuit, au détour d’un amendement.

Bruno Le Maire m’a dit tout à l’heure que les dispositifs transitoires finissent toujours par se pérenniser, et c’est sur le fondement de cet argument que vous avez repoussé l’amendement visant à faire payer les grandes fortunes et les superprofits.

Mais là, en revanche, vous êtes pour pérenniser, toujours dans le sens de la précarisation. C’est irresponsable ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Valérie Pécresse l’avait promis dans sa campagne présidentielle, et Mme Lavarde est honnête et franche quand elle assume vouloir la fin des 35 heures. Le patronat le plus rétrograde et la droite libérale n’ont jamais accepté la réduction du temps de travail. Vous considérez que la vie d’un travailleur n’est pas organisée autour de la conciliation entre son besoin de gagner un salaire et sa nécessité d’avoir une vie en dehors du travail.

Mme Pécresse l’avait promis ; le gouvernement Macron-Borne est en train de le faire ! Ce qui se passe cette nuit est très grave. (Marques dironie à droite.) Vous avez mis vous-même de la solennité. Vous le voulez : assumez-le !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Nous l’assumons !

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, dans l’hypothèse où cet amendement serait adopté par le Séant, que se passera-t-il en commission mixte paritaire (CMP) ? Êtes-vous sûr que vous pourrez conserver un caractère provisoire au dispositif ?

M. Éric Bocquet. Allons, l’accord a déjà été conclu…

Mme Laurence Rossignol. En fait, en acceptant le provisoire, vous avez ouvert la porte du pérenne. C’est votre zone de convergence avec la droite et la majorité sénatoriale. Vous devrez expliquer demain matin que, pendant la nuit, au Sénat, la droite et le Gouvernement ont décidé ensemble de mettre fin aux 35 heures.

Je vous souhaite bien du courage au mois de septembre, quand il faudra que vous ouvriez les discussions avec les partenaires sociaux et que vous leur expliquerez que c’est avec eux que vous comptez construire le pacte de ce gouvernement !

Avec votre article et, ensuite, avec l’amendement de la droite sénatoriale, vous avez lancé un message aux partenaires sociaux et aux syndicats : la porte est fermée. C’est très grave, pour le quinquennat tout entier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Je comprends très bien le besoin des entreprises d’avoir beaucoup de souplesse. Les carnets de commandes évoluent, des heures supplémentaires sont nécessaires… Même les RTT, finalement, pourquoi ne pas les faire payer ? Au fond, d’ailleurs, tous ces amendements ne vont pas assez loin. Si l’on revenait au travail à la tâche, il y aurait une parfaite adéquation entre le besoin des salariés de gagner de l’argent et celui qu’ont les entreprises de faire face à la dure concurrence internationale ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mais la loi a été faite pour protéger les plus fragiles et les salariés. En 1980, quand j’étais un jeune homme, François Mitterrand a créé un ministère du temps libre. Cela va faire hurler à droite de notre hémicycle, mais cette appellation dit une chose essentielle à tous les citoyens : que dans la vie d’un homme ou d’une femme, il y a le travail, il y a la culture, il y a le sport, il y a la vie sociale, il y a l’engagement associatif… Bref, la vie ne se limite pas au travail, surtout quand ce travail est aliénant, comme dans ces métiers qui cassent les corps et font que l’espérance de vie des ouvriers est de dix ans inférieure à celle des cadres !

Aujourd’hui, tout cela n’existe plus. Et ce serait pour la liberté des salariés que nous mettrions fin aux 35 heures, que nous autoriserions le paiement des heures supplémentaires ? Non, chers collègues ! Je viens d’une famille d’ouvriers. Je sais ce que c’est que de travailler dur. Dans ma ville, les 46 % de gens qui vivent en HLM connaissent encore cette pénibilité du travail.

Prétendre qu’il y a égalité entre le patron et son salarié, c’est mentir. Il faut laisser sa place à la négociation salariale. Aucun progressiste ne peut dire qu’il peut y avoir une négociation à égalité entre un employé et son patron.

Lorsqu’on refuse de discuter et d’instaurer du dialogue social sur des réformes comme celle-là, c’est, au fond, qu’on s’attaque aux salariés ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Notre société est en souffrance. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler ce que nous avons vécu ces dernières années, et notamment la crise des gilets jaunes. Beaucoup de secteurs connaissent des difficultés de recrutement, car les emplois y sont devenus trop pénibles. Et votre principale proposition par rapport à cette société en souffrance est de la durcir encore !

Je pensais qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, marqueur de la droite libérale, et que le rapporteur général, tout en en reconnaissant l’intérêt, estimerait qu’on ne peut tout de même pas aller si vite. Pouvons-nous prendre une telle décision sans en passer par une concertation avec les partenaires sociaux ? Sérieusement ? Dans une société en souffrance comme la nôtre ?

La droite libérale a fait un score très faible à l’élection présidentielle. Vous devriez peut-être vous demander pourquoi… C’est sans doute qu’elle n’est plus en phase avec la société et ses difficultés.

Les pays du nord de l’Europe, qui font mieux que nous, que ce soit à l’école, en termes d’autonomie énergétique ou dans tant d’autres domaines, sont en train de discuter de la réduction du temps de travail. Et nous allons nous mettre à contresens de l’histoire et, dans une société en difficulté, en rajouter encore pour la rendre encore plus clivante ?

J’ai tout de même l’impression que vous n’allez pas vraiment dans le bon sens… (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je crois qu’il faut essayer de remettre les choses à leur place. Ce que nous proposons est une faculté, offerte aussi bien à l’employeur qu’aux salariés. Nous n’obligeons personne à monétiser les RTT.

Bien sûr, nous acceptons de remettre en cause les conséquences, dont certaines ont été néfastes, des 35 heures.

Il y a vingt ans, le niveau de vie d’un Français était égal à celui d’un Allemand. Depuis, l’écart s’est creusé de pratiquement 5 000 euros, si l’on divise la richesse nationale par le nombre d’habitants. La France a été déclassée parmi les principaux pays de l’OCDE. Elle a perdu le rang qu’elle occupait en matière de niveau de vie et de richesse nationale.

M. David Assouline. Oui, il y a eu Chirac et Sarkozy !

M. Bruno Retailleau. Vous évoquez l’Europe du Nord. Nous, il y a vingt ans, nous avons choisi de faire les 35 heures.

M. David Assouline. Pourquoi ne les avez-vous pas défaites ?

M. Bruno Retailleau. En Allemagne, c’est un social-démocrate qui proposa l’Agenda 2010 et les réformes Hartz, proposant une autre vision du travail.

Mme Laurence Rossignol. Il a mal tourné ! Il est avec M. Poutine ! On vous le laisse !

M. Bruno Retailleau. Nous pensons que le travail n’est pas nécessairement aliénant. Il peut avoir du sens, et les salariés peuvent faire un arbitrage entre leur niveau de vie et leur temps de loisir. Nous voulons, en tout cas, leur en donner la faculté.

Les 35 heures ont une responsabilité majeure dans l’effondrement de l’hôpital. Nous avons tous des proches qui travaillent à l’hôpital. Renseignez-vous : certains font des centaines d’heures supplémentaires qui ne sont parfois pas payées ! Trouvez-vous cela normal ? Trouvez-vous cela juste ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Les 35 heures ne sont certainement pas une avancée sociale pour tout le monde. (Mêmes mouvements.)

M. David Assouline. On voit ce qui vous enflamme…

Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Il y a d’abord un débat de fond, qui oppose depuis bientôt vingt-cinq ans la droite et la gauche – preuve qu’elles existent toujours ! Mais il y a aussi la forme. À cet égard, comme l’a bien souligné Laurence Rossignol, ce qui se passe ce soir est grave.

Pouvons-nous supprimer de fait les 35 heures, ce soir, par un amendement de séance que nous découvrons et sur lequel le débat se prolonge ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je crois que ce ne serait pas raisonnable. Ne sous-estimons pas la portée de cet amendement, que Christine Lavarde a présenté de manière assez solennelle.

Ce qui est grave, c’est ce que fait le Gouvernement. Avec le groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, vous avez ouvert la boîte de Pandore, monsieur le ministre. Aujourd’hui, dans un tout petit amendement de séance, en un tiers de ligne, dix-sept lettres, six chiffres et une apostrophe, on supprime de fait les 35 heures.

Vous engagez-vous, monsieur le ministre, si cette disposition est adoptée ce soir au Sénat, à revenir dessus en CMP et dans la suite du débat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je voterai évidemment cet amendement.

Lors de l’adoption des 35 heures, j’avais dénoncé une profonde incompréhension de ce qu’est la compétitivité économique.

Les propos qui sont tenus ce soir m’inspirent ce commentaire : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. » Cet amendement n’a rien à voir avec les 35 heures. Il s’agit simplement de donner une liberté, et de la prolonger non seulement jusqu’à fin 2023, mais en l’inscrivant dans le temps long. C’est une mesure de pure liberté pour les salariés, qui va vraiment dans le bon sens.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous avons un vrai débat, un beau débat, mais il faut se dire les choses sur la réalité de ce dont nous discutons.

Non, le dispositif de monétisation des RTT qui a été adopté par l’Assemblée nationale ne signe pas la fin des 35 heures. Sinon, nous en aurions entendu parler…

Mme Laurence Rossignol. Justement, nous y sommes !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous ne remettons pas en cause la durée légale du travail de 35 heures en France !

M. Pascal Savoldelli. Écoutez donc Mme Lavarde !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il s’agit simplement de permettre aux salariés qui le souhaitent et qui le demandent de monétiser des jours de RTT. Encore la mesure ne vaut-elle qu’en 2022 et 2023. Ce n’est donc pas la fin des 35 heures.

Je me suis clairement exprimé au nom du Gouvernement pour dire qu’il ne nous paraissait pas opportun de décider maintenant de la pérennisation du dispositif. D’abord, il n’y a pas d’urgence, puisque cette mesure dure jusqu’à la fin de l’année 2023. D’ici à 2024, nous pourrons évaluer ses effets et tenir une concertation avec les partenaires sociaux.

Certes, nous avons pérennisé le relèvement du plafond sur les heures supplémentaires, mais il s’agissait d’un dispositif qui existait déjà. Là, il s’agit d’un mécanisme nouveau. Une concertation et une évaluation seraient donc bienvenues avant de le pérenniser.

J’ajoute, en tant que ministre délégué aux comptes publics, qu’il faut se demander quel est le coût d’une mesure nouvelle. En l’occurrence, cela dépendra du taux de recours. Pour évaluer ce coût en 2022 et 2023, nous avons estimé que 15 % des salariés auraient recours à cette possibilité, et monétiseraient chacun une journée de RTT par an. Cela fait déjà 500 millions d’euros en manque à gagner de cotisations sociales. Si la même proportion de salariés en venaient à monétiser trois jours de RTT par an, ce serait 1,5 milliard d’euros, soit plus que ce que nous avons dépensé pour revaloriser le point d’indice.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour décider de la pérennisation d’une mesure de cette ampleur, prévue jusqu’à la fin de l’année 2023, il me semble plus raisonnable d’attendre un prochain projet de loi de finances et d’en débattre à la lumière de ce que l’on aura constaté.

M. Féraud me demande ce que le Gouvernement compte décider en CMP.

M. Rémi Féraud. Après la CMP !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Heureusement que le Gouvernement ne décide pas à la place de la CMP ! Il serait même inquiétant que je puisse vous répondre…

Mme Laurence Rossignol. Allons… Vous parlez bien avec les députés de votre majorité… Nous ne sommes pas des perdreaux de l’année !

Mme le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je trouve qu’il y a une espèce de double erreur.

Le Gouvernement parle du « choix » des salariés. Mais j’ai des souvenirs très précis : il n’y a pas égalité de pouvoir entre le patron et les salariés. Certains patrons feront pression sur leurs employés pour que ceux-ci monétisent leurs RTT afin de ne pas payer de charges et d’obtenir quelques jours supplémentaires. Le monde du travail, ce n’est pas les Bisounours ! C’est le méconnaître que de penser qu’il suffirait, pour un salarié qui a besoin d’argent, d’aller voir son patron pour obtenir aussitôt satisfaction ! Les choses se passent parfois ainsi, mais c’est loin d’être toujours le cas.

Il me semble très dangereux d’ouvrir le sujet d’une telle manière

Par ailleurs, et je le répète chaque fois que la situation se présente, les lois de finances ne sont pas, à mon sens, le véhicule adéquat pour voter des amendements d’ordre sociétal. Ces questions doivent être traitées par la loi, mais au fond.

M. le ministre est à présent quelque peu embêté…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pas du tout !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous avons tous ressenti votre embarras. Vous avez indiqué ne pas souhaiter une mesure à caractère permanent.

Mme le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je considère cet amendement comme un amendement d’appel, et je vous remercie par avance de le retirer ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.

M. Sébastien Meurant. Comme vient de le dire M. le président de la commission des finances, le sujet mérite d’être traité au fond.

Les situations ne sont pas uniformes. Aujourd’hui, dans bien des endroits, dans les zones tendues, c’est le salarié qui a la main sur l’employeur. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) C’est une réalité. Je peux vous citer des dizaines de secteurs d’activité où l’on recherche des salariés. Je vous invite à visiter le Campus Cyber. Vous verrez que nous sommes loin de Germinal !

Je suis surpris d’entendre parler du ministre du temps libre. Nous sommes en 2022, et certains font encore référence à 1981. Le monde a légèrement changé depuis !

Je vous rappelle, chers collègues socialistes, qu’il y a eu le tournant de la rigueur en 1983. Le choc inflationniste interne avait causé une perte du pouvoir d’achat, un mécontentement inédit des Français et, surtout, l’explosion du chômage. L’économie avait alors perdu sa compétitivité, notamment sa compétitivité-prix. Et cela s’expliquait très bien !

Les Français ont connu à l’époque une perte de pouvoir d’achat par rapport à leurs voisins européens, qui n’avaient pas choisi un tel modèle. En 1981, nous étions le seul pays à faire passer l’âge légal de la retraite de 65 ans à 60 ans.

Mme Éliane Assassi et M. Thierry Cozic. M. Meurant a parlé deux fois !

M. Vincent Éblé. C’est une explication de vote, et il a parlé deux fois !

M. Sébastien Meurant. Le monde a changé depuis. Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est que c’est toujours le travail qui crée de la richesse ! C’est le travail qui permet de partager ! C’est le travail qui permet de bien vivre ! Et c’est l’absence de travail qui cause des problèmes à la société et aux Français !

Mme le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.

M. Vincent Segouin. Ce soir, nous ne supprimons pas les 35 heures. Si nous le faisions, nous parlerions non plus d’heures supplémentaires, mais d’heures obligatoires. Or les heures supplémentaires reposent sur le volontariat du salarié.

J’anticipe votre argument : nous aurions besoin des partenaires sociaux pour gérer ces heures supplémentaires, la pression du chef d’entreprise étant telle que les salariés seraient obligés de s’exécuter.

Vous vous trompez. Les entreprises en France emploient en moyenne six salariés. Ce sont des PME, CAC 40 compris. Il suffit de s’y rendre pour constater que le chef d’entreprise est soumis à ses salariés ! (Rires sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

En effet, dans un contexte de pression sur l’emploi et où les offres d’emploi abondent, le salarié n’est pas contraint de suivre systématiquement les recommandations du chef d’entreprise.

C’est la réalité du terrain. Venez visiter les entreprises ! Nous vous accueillerons avec plaisir au sein de notre délégation.

Mme Éliane Assassi. Nous y allons, dans les entreprises !

M. Vincent Segouin. M. le ministre insiste sur le coût de la mesure, chiffré à 1,5 milliard d’euros. Mais elle crée de la richesse, de la croissance, et assure des recettes de TVA et d’impôt sur les sociétés.

Nous l’avons bien vu : la baisse du chômage a créé des revenus supplémentaires pour l’État. Et, encore une fois, le Trésor n’a pas budgétisé cette somme.

Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Au fond, avec de telles mesures, nous sommes dans un processus de dérégulation du monde du travail. Les heures supplémentaires seraient défiscalisées par le relèvement du plafond. Les RTT pourraient être converties de manière numéraire en cas d’accord entre le dirigeant et les salariés. Et tout cela s’effectue en contournant le monde syndical et la négociation collective.

Vous avez raison : sur les 35 heures, quand on ne peut pas attaquer frontalement, on essaie de contourner, de saper le dispositif brique par brique. C’est exactement ce qui est en train de se passer !

Nos collègues ont évoqué les vagues de démissions rapportées par Les Échos à l’œuvre notamment dans les pays libéraux et ultralibéraux où les 35 heures n’existent pas. Le fond du sujet, avec les rémunérations, c’est la qualité de vie au travail.

Si nous voulons vraiment que les salariés s’intéressent aux filières professionnelles, faisons en sorte qu’ils donnent un sens à leur métier et qu’ils bénéficient d’une véritable qualité de vie au travail.

C’est le sujet de fond. Or ce n’est pas ce dont nous débattons aujourd’hui. Ce dont nous débattons, c’est de la dérégulation, du contournement du monde social et du monde syndical. Si nous continuons ainsi, nous allons le payer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’entends que nous délibérerions de manière nocturne…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est incontestable !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pardonnez-moi, mais on ne choisit pas le moment de la délibération. Nous en prenons simplement le temps. Si nous avions délibéré en début d’après-midi, vous auriez peut-être trouvé un autre argument.

Le plus important est d’observer avec la plus grande lucidité les évolutions du monde du travail.

J’entends parler de « grande démission ». Quelque 20 % des actifs français désirent aujourd’hui changer de métier régulièrement, et souvent de manière radicale.

Cela désoriente les employeurs et, parfois, l’entourage, qui ne comprend pas qu’on puisse suivre une formation pour finalement exercer un autre métier. De plus, ces changements d’orientation sont désormais multiples. J’ai même le sentiment que la crise sanitaire a accéléré le processus. Cela se traduit concrètement par des temps de passerelle et de formation. Regardez ce que coûte désormais la formation : on injecte, milliard après milliard, les moyens qui manquent à France compétences.

Ne devrait-on pas considérer la réponse à cette attente comme une chance ? Il s’agit bien là d’une aspiration des salariés eux-mêmes. Les employeurs licencient rarement leurs salariés au seul motif que ces derniers souhaitent changer de métier…

En outre, je le répète, l’essentiel des employés travaillent dans des entreprises de moins de dix personnes. En général, dans ces entreprises, et a fortiori dans le contexte actuel, le dialogue existe, peut-être plus qu’il y a quelques années : les salariés sont dans une position de négociation équilibrée ; je ne dis pas « égalitaire », je dis « équilibrée »

Or les employeurs cherchent plutôt à continuer de produire, à garder les compétences, souvent en attribuant des avantages supplémentaires ou en augmentant la rémunération.

Mme le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ils ont donc besoin d’outils. Il peut s’agir des heures supplémentaires, des heures complémentaires ou de la monétisation des RTT.

C’est aussi cela, la réalité du monde du travail. Je demande simplement que l’on intègre ces points de vue. Nous nous déterminerons ensuite librement les uns et les autres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 154 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 260
Pour l’adoption 144
Contre 116

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 385 rectifié est présenté par Mmes Lubin et Poumirol, M. Kerrouche, Mme Van Heghe, MM. Cozic et Mérillou, Mme Féret, MM. Bourgi et Pla, Mmes Harribey et Blatrix Contat, M. Féraud, Mme Meunier, MM. Marie, Redon-Sarrazy, Montaugé, P. Joly et Chantrel, Mme Préville, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Monier et MM. Tissot et Gillé.

L’amendement n° 471 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 385 rectifié.

M. Thierry Cozic. Cet amendement vise à supprimer la disposition qui permet de ne pas comptabiliser dans le contingent légal ou conventionnel les heures supplémentaires lorsque les jours de RTT en résultant ont été monétisés.

Il s’agit de ne pas faire sortir les salariés du champ de la protection de la limitation du temps de travail.

Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 471.

M. Éric Bocquet. Il est défendu !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 385 rectifié et 471.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er E, modifié.

(Larticle 1er E est adopté.)

Article 1er E (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er G (nouveau)

Article 1er F (nouveau)

I. – Le septième alinéa du 3 de l’article 83 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les frais de déplacement mentionnés au présent alinéa engagés par un passager au titre du partage des frais dans le cadre d’un covoiturage défini à l’article L. 3132-1 du code des transports sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. »

II. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article.

Mme le président. L’amendement n° 183, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit de supprimer un article dont nous retrouverons les dispositions dans la seconde partie du texte.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 183.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’article 1er F est supprimé.

Article 1er F (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er G - Amendements n° 100 rectifié,  n° 35 rectifié bis, n° 86 rectifié bis et n° 457 rectifié

Article 1er G (nouveau)

I. – Le dernier alinéa du 1 de l’article 200 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les frais de véhicule automobile, vélomoteur, scooter ou moto dont le contribuable est propriétaire peuvent être évalués sur le fondement du barème forfaitaire prévu au huitième alinéa du 3 de l’article 83 ».

II. – Le I s’applique à compter de l’imposition des revenus perçus au cours de l’année 2022.

Mme le président. L’amendement n° 184, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Même objet que précédemment.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 184.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’article 1er G est supprimé.

Article 1er G (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er G - Amendements n° 27 rectifié bis, n° 97 rectifié ter, n° 302 rectifié quater et n° 412 rectifié bis

Après l’article 1er G

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 100 rectifié, présenté par M. Pla, est ainsi libellé :

Après l’article 1er G

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la première phrase de l’article L. 312-61 du code des impositions des biens et des services, les mots : « travaux agricoles au sens de l’article L. 722-2 du code rural et de la pêche maritime ou de travaux forestiers au sens de l’article L. 722-3 du même code » sont remplacés par les mots : « l’activité agricole au sens des articles L. 722-1 à L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Sebastien Pla.

M. Sebastien Pla. Cet amendement vise à rendre éligibles au remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole non routier (GNR) les activités constituant « le prolongement de l’acte de production », au titre desquelles on retrouve la méthanisation agricole, à savoir l’activité de « production et, le cas échéant, […] la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d’exploitations agricoles ».

Ces structures de méthanisation agricole, en plus de participer à la valorisation des coproduits de l’agriculture, sont en première ligne de la transition énergétique de nombreux secteurs consommateurs de biogaz, en lieu et place de carburants fossiles, au bilan carbone bien plus lourd.

Ces structures participent également à l’accroissement de la souveraineté énergétique de la France et à la diversification des revenus des exploitants agricoles.

C’est pourquoi cette activité doit continuer de bénéficier de la taxation spécifique à l’activité agricole.

Mme le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 35 rectifié bis est présenté par MM. S. Demilly, Longeot et Folliot, Mme Dumont, MM. Belin, Capo-Canellas, Bonnecarrère et Lefèvre, Mmes Drexler et Jacquemet, MM. Calvet et Kern, Mme Saint-Pé, MM. Houpert et Pointereau, Mme F. Gerbaud, M. Hingray, Mme Thomas, MM. Daubresse, E. Blanc, Anglars, Chauvet, Klinger, Cigolotti et Levi, Mme Malet, MM. Somon, Détraigne, Tabarot et Mizzon, Mmes Ract-Madoux et Billon, MM. Favreau, Duffourg, Le Nay et Moga et Mmes Doineau et Vermeillet.

L’amendement n° 86 rectifié bis est présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Chasseing, Grand, Médevielle, Decool, A. Marc, Malhuret et Verzelen, Mme Paoli-Gagin et M. Capus.

L’amendement n° 457 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux, Artano et Fialaire.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er G

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le mot : « maritime », la fin de la première phrase de l’article L. 312-61 du code des impositions sur les biens et services est ainsi rédigée : « , de travaux forestiers au sens de l’article L. 722-3 du même code ou de travaux nécessités par l’activité de méthanisation agricole au sens de l’article L. 311-1 du même code et réalisés au moyen de véhicules destinés à une utilisation hors voie publique ou qui n’ont pas reçu d’autorisation pour être principalement utilisés sur la voie publique. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié bis.

M. Antoine Lefèvre. Il est défendu.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 86 rectifié bis.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à étendre le bénéfice du tarif réduit de TICPE spécifique à l’activité agricole aux travaux réalisés au sein des unités de méthanisation agricole.

Le droit européen autorise les États membres à adopter des niveaux de taxation réduits pour les carburants utilisés pour des usages particuliers, dont les usages agricoles et forestiers. Les tractopelles utilisées dans les unités de méthanisation répondent à cette définition.

La méthanisation agricole est l’illustration d’un cycle complet de valorisation des produits et sous-produits agricoles. Les matières premières telles que les effluents d’élevage sont enfin valorisables au travers de leur pouvoir méthanogène, pour donner, à l’issue du procédé, du biogaz, d’une part, et des matières fertilisantes, d’autre part.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 457 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Une telle question, qui ne porte pas sur un problème immédiat de pouvoir d’achat, a plus sa place dans un projet de loi de finances que dans un projet de loi de finances rectificative.

Je rappelle tout de même que les produits de type fioul, gazole ou combustibles consommés pour les besoins des travaux agricoles bénéficient déjà d’un tarif réduit de TICPE. Il en est de même des engins de type tractopelle pour les méthaniseurs.

Je considère ces amendements comme satisfaits en ce qui concerne l’utilisation des véhicules agricoles et sans objet s’agissant des méthaniseurs. En conséquence, j’en demande le retrait.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Daniel Chasseing. Je retire l’amendement n° 86 rectifié bis, madame le président.

Mme le président. L’amendement n° 86 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 100 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 rectifié bis et 457 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 1er G - Amendements n° 100 rectifié,  n° 35 rectifié bis, n° 86 rectifié bis et n° 457 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er G - Amendements n° 24 rectifié bis, n° 95 rectifié bis, n° 301 rectifié ter et n° 410 rectifié

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 27 rectifié bis est présenté par M. D. Laurent, Mmes Lassarade et Imbert, M. Bouchet, Mme Férat, MM. Pointereau, Burgoa et Détraigne, Mme Goy-Chavent, MM. Frassa, Genet, Darnaud, Babary, E. Blanc, J.B. Blanc et C. Vial, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Piednoir, Bonnus et Bacci, Mmes Berthet et Bellurot, MM. Savary, Klinger, Houpert et Longeot, Mmes Gruny, Perrot, Richer et Raimond-Pavero, M. Duffourg et Mme Micouleau.

L’amendement n° 97 rectifié ter est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

L’amendement n° 302 rectifié quater est présenté par MM. Gillé, Montaugé, J. Bigot, Bourgi, Chantrel, Devinaz et Durain, Mmes Espagnac, M. Filleul et Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Mérillou, Mme Monier et MM. Redon-Sarrazy, Temal, Vaugrenard et Pla.

L’amendement n° 412 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Grand, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot et MM. Menonville, Verzelen et Wattebled.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er G

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le mot : « clos », la fin du 1 du III de l’article 51 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est ainsi rédigée : « à compter du 1er janvier 2019. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié bis.

M. Daniel Laurent. Cet amendement est important, puisqu’il tend à pérenniser la déduction pour épargne de précaution (DEP) dont bénéficient les agriculteurs.

Le chef d’exploitation doit aujourd’hui utiliser le montant perçu de la déduction pour épargne de précaution dans les dix années qui suivent pour effectuer des dépenses liées à l’activité professionnelle. Mais cette épargne peut aussi prendre la forme de stock à rotation lente.

Pour la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d’origine contrôlées (Cnaoc), mais aussi pour les agriculteurs, ce dispositif fiscal a fait la preuve de son utilité. Il a permis aux agriculteurs d’améliorer leur trésorerie en cas de difficulté, en réintégrant tout ou partie de la DEP, et dans les bonnes années, en déduisant la fraction du bénéfice imposable.

Je le rappelle, c’est à la sueur de notre front que nous avions obtenu, avec le ministre de l’agriculture, auprès du ministre de l’économie de l’époque la mise en place de cette épargne de précaution. Je considère que c’est une avancée importante pour le monde agricole.

Alors que nous sommes en train de bâtir un système assurantiel, il s’agissait déjà alors d’une forme d’assurance personnelle. Il serait donc complètement ridicule et non avenu de ne pas pérenniser cette épargne de précaution.

Mme le président. La parole est à M. André Guiol, pour présenter l’amendement n° 97 rectifié ter.

M. André Guiol. Les exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition peuvent pratiquer une DEP, qui s’applique aujourd’hui aux exercices ouverts à partir du 1er janvier 2019 jusqu’au 31 décembre 2022.

La DEP est un dispositif fiscal qui permet de faire face à la volatilité des revenus en réduisant la fraction imposable du bénéfice agricole. Le chef d’exploitation doit utiliser le montant perçu de la déduction pour épargne de précaution dans les dix années qui suivent, afin d’effectuer des dépenses liées à son activité professionnelle.

La DEP présente également une souplesse très appréciable. En cas de difficulté, l’exploitant a la possibilité d’améliorer la trésorerie de son entreprise, en réintégrant tout ou partie de la DEP. À l’inverse, dans les bonnes années, il déduit la fraction de son bénéfice imposable.

Ce dispositif récent a déjà fait la preuve de son utilité. Nous proposons donc de le pérenniser.

Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour présenter l’amendement n° 302 rectifié quater.

M. Hervé Gillé. Ce dispositif d’épargne de précaution, bien évidemment soutenu par la Cnaoc, s’inscrit dans un contexte très particulier.

Bon nombre d’exploitations viticoles ont connu des phénomènes météorologiques – grêle, gel – particulièrement sensibles. Leur situation économique s’est dégradée, et la pression inflationniste accentue encore leurs difficultés.

Le dispositif d’épargne de précaution a véritablement fait ses preuves, cela a été souligné. Il apparaît donc utile d’augmenter la valeur maximale de son plafond, afin qu’il corresponde à la réalité vécue par nos agriculteurs. Ces derniers souhaitent mieux se prémunir contre les aléas climatiques.

Il faut faire évoluer le dispositif et lui permettre de vivre dans le temps, en indexant les sommes à épargner sur l’indice mensuel des prix à la consommation, arrondi à l’euro près.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 412 rectifié bis.

M. Daniel Chasseing. Il est défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Au risque de déplaire à mon collègue Daniel Laurent, il n’y a rien de « ridicule » ni de « non avenu » dans tout cela.

Le sujet est important, mais, comme vous l’avez rappelé, il y a une durée de trois ans. Nous examinons un projet de loi de finances rectificative qui contient des mesures d’urgence pour protéger le pouvoir d’achat des Français face à l’inflation.

Si le dispositif proposé par les auteurs de ces amendements identiques est légitime et présente un grand intérêt, il aura davantage sa place, toute sa place, en loi de finances. Cela permettra d’ailleurs aux uns et aux autres, y compris au Gouvernement, de fourbir leurs armes et leurs arguments.

À cet égard, je propose à M. le ministre d’anticiper ce travail et de le partager avec nous. Nous devrons ensemble trouver des solutions – pérennisation du dispositif actuel ou améliorations – permettant de répondre aux difficultés des agriculteurs en matière de préparation de la retraite et d’épargne de précaution.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je me réjouis que la quasi-totalité des groupes soutiennent des amendements visant à prolonger la DEP.

C’est une preuve du succès du dispositif mis en place au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Il est très souple et simple d’utilisation pour les exploitants agricoles, qui en ont bien besoin. Il court effectivement jusqu’au 31 décembre de cette année. Il fait l’objet d’une évaluation, dont les résultats ne seront communiqués qu’à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances.

À l’Assemblée nationale, plusieurs amendements du même type ont été déposés par l’ensemble des groupes, et Bruno Le Maire s’est engagé à ce que le débat ait lieu en loi de finances. Mme Louwagie, pour le groupe Les Républicains, mais aussi des députés d’autres groupes, me semble-t-il, ont retiré leurs amendements.

Dans la mesure où nous aurons le débat en loi de finances – Bruno Le Maire s’y est engagé fermement –, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à retirer ces amendements.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié bis, 97 rectifié ter, 302 rectifié quater et 412 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 1er G - Amendements n° 27 rectifié bis, n° 97 rectifié ter, n° 302 rectifié quater et n° 412 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er G - Amendement n° 140 rectifié bis

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 24 rectifié bis est présenté par M. D. Laurent, Mmes Lassarade et Imbert, M. Bouchet, Mme Férat, MM. Pointereau, Lefèvre, Burgoa et Détraigne, Mme Goy-Chavent, MM. Frassa, Genet, Darnaud, Babary, E. Blanc, J.B. Blanc et C. Vial, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Piednoir, Bonnus et Bacci, Mmes Berthet et Bellurot, MM. Savary, Klinger, Houpert et Longeot, Mmes Gruny, Perrot, Richer et Raimond-Pavero, M. Duffourg et Mme Micouleau.

L’amendement n° 95 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

L’amendement n° 301 rectifié ter est présenté par MM. Gillé, Montaugé, J. Bigot, Bourgi, Chantrel, Devinaz et Durain, Mmes Espagnac, M. Filleul et Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Mérillou, Mme Monier et MM. Redon-Sarrazy, Temal, Vaugrenard et Pla.

L’amendement n° 410 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Grand, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot et MM. Médevielle, Menonville, Verzelen et Wattebled.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er G

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le e du 1 du I de l’article 73 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les sommes visées ci-dessus de déduction pour épargne de précaution sont réévaluées chaque année au 1er janvier en application de l’indice mensuel des prix à la consommation et arrondies à l’euro le plus proche. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié bis.

M. Daniel Laurent. Cet amendement, qui tend à indexer le plafond de la DEP, se rapproche du précédent. J’imagine donc qu’il obtiendra une réponse identique…

Je suis assez satisfait des réponses du Gouvernement et de la commission quant à la pérennité du dispositif de déduction pour épargne de précaution. Dès lors que l’engagement de l’indexer et de le pérenniser a été pris, je suis tout à fait disposé à ce que nous en discutions lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.

Dans ces conditions, je retire mon amendement.

Mme le président. L’amendement n° 24 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. André Guiol, pour présenter l’amendement n° 95 rectifié bis.

M. André Guiol. Je retire également cet amendement.

Mme le président. L’amendement n° 95 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Hervé Gillé, pour présenter l’amendement n° 301 rectifié ter.

M. Hervé Gillé. Je le retire aussi.

Mme le président. L’amendement n° 301 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 410 rectifié.

M. Daniel Chasseing. Il est retiré.

Article additionnel après l'article 1er G - Amendements n° 24 rectifié bis, n° 95 rectifié bis, n° 301 rectifié ter et n° 410 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er

Mme le président. L’amendement n° 410 rectifié est retiré.

L’amendement n° 140 rectifié bis, présenté par Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Saint-Pé, MM. Bonnecarrère et Canévet, Mmes Férat et Billon, MM. Mizzon, Prince et Longeot, Mme Gacquerre, M. Kern, Mmes Guidez et de La Provôté, M. Folliot, Mmes N. Goulet et Sollogoub, M. Capo-Canellas, Mme Létard, MM. Chauvet, Cigolotti, Levi, Menonville et J.M. Arnaud, Mme Perrot, MM. Moga, Louault et Lafon, Mmes Devésa et Ract-Madoux, MM. Duffourg et Le Nay, Mme Jacquemet, M. S. Demilly et Mme Doineau, est ainsi libellé :

Après l’article 1er G

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À partir des exercices clos en 2021, les entreprises de sciage et première transformation du bois peuvent constituer une provision pour investissement dans les conditions suivantes :

- La provision peut être constituée à hauteur de 50 % du bénéfice fiscal ;

- La provision ne peut être pratiquée que par les entreprises visées expressément au premier alinéa, sociétés filiales exclues, exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale employant moins de 250 salariés, dont le chiffre d’affaires annuel, ramené ou porté le cas échéant à douze mois, n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros. Ces conditions sont appréciées au titre de l’exercice clos en 021 ou, en cas de création postérieure, à la date de clôture du premier exercice ;

- La provision doit être consacrée dans les cinq ans de sa constitution à un investissement matériel ou organisationnel nécessaire à la production et à la valorisation de celle-ci. À défaut, elle est réintégrée par tranches annuelles dans les résultats de l’entreprise au terme des cinq ans.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement vise à permettre une provision pour investissement en faveur du secteur de la première transformation du bois, notamment des entreprises de scierie, afin de sécuriser leur avenir.

Il prévoit une durée de provision, et seulement de provision, de cinq ans maximum, à échéance de laquelle, si aucune mobilisation n’est intervenue en investissement, les montants provisionnés seraient à nouveau fiscalisés.

Un tel mécanisme, en permettant in fine une consolidation des fonds propres, doit donner au secteur la possibilité de renforcer son dynamisme industriel, qui dépend essentiellement de moyens financiers, et notamment du financement de programmes d’investissement.

Le dispositif existe en Allemagne et en Autriche et concourt, avec d’autres mécanismes de charges réduites, à la forte compétitivité des entreprises de ces pays par rapport à la filière bois française.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la sénatrice, la provision que vous proposez pourrait représenter jusqu’à 50 % du bénéfice fiscal, soit des plafonds importants eu égard à la taille et au chiffre d’affaires des entreprises concernées.

Fondamentalement, ce dossier ne devrait pas être traité, me semble-t-il, en loi de finances rectificative.

En revanche, il aura toute sa place dans le travail préparatoire que nous allons conduire en vue du projet de loi de finances pour 2023, dont vous avez bien compris qu’il s’inscrira dans un contexte différent, avec dans un dialogue en amont plus ouvert entre le Gouvernement et notre assemblée.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 140 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er G - Amendement n° 140 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 350 rectifié ter

Article 1er

I. – Le code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :

1° Le b du 1° de l’article L. 115-7 est ainsi rédigé :

« b) Des ressources publiques perçues par les redevables concernés au titre de leur activité d’éditeur de services de télévision. Pour la société nationale de programme France Télévisions :

« – sont déduites du montant total des ressources publiques celles allouées aux services de télévision à caractère régional ou local propres à l’outre-mer qu’elle édite ;

« – le solde résultant de la déduction mentionnée au deuxième alinéa du présent b fait l’objet d’un abattement de 8 % ; »

2° À l’article L. 115-8, les mots : « de la contribution à l’audiovisuel public et des autres » sont remplacés par le mot : « des ».

II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 3° du III de l’article 257 est abrogé ;

2° À l’article 278-0 A et au 3° du II de l’article 298 sexdecies I, la référence : « 281 nonies » est remplacée par la référence : « 281 octies » ;

3° L’article 281 nonies est abrogé ;

4° Au premier alinéa du IV de l’article 1414, les mots : « mentionnés au d du 2° de l’article 1605 bis » sont remplacés par les mots : « âgés de plus de 60 ans ainsi que les veuves et veufs dont le montant des revenus de l’année précédente n’excède pas la limite prévue au I de l’article 1417 et qui ne sont pas passibles de l’impôt sur la fortune immobilière au titre de l’année précédant celle de l’imposition » ;

5° L’article 1417 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du I, les mots : « , du 3 du II et du III de l’article 1411, ainsi que des c à e du 2° de l’article 1605 bis » sont remplacés par les mots : « ainsi que du 3 du II et du III de l’article 1411 » ;

b) À la même première phrase, dans sa rédaction résultant du a du présent 5°, les mots : « ainsi que du 3 du II et du III de l’article 1411 » sont supprimés ;

c) À la première phrase du I bis, les mots : « et le g du 2° de l’article 1605 bis sont applicables » sont remplacés par les mots : « est applicable » et les mots : « aux mêmes articles » sont remplacés par les mots : « au même article 1391 » ;

6° Les articles 1605, 1605 bis, 1605 ter et 1605 quater ainsi que le XI de l’article 1647 sont abrogés ;

7° Le deuxième alinéa du 1 et le dernier alinéa du 2 de l’article 1681 ter sont supprimés ;

8° À la première phrase du 2 de l’article 1681 sexies et au 1° de l’article 1691 ter, les mots : « et la contribution à l’audiovisuel public » sont supprimés ;

9° Le 1° de l’article 1691 ter est abrogé ;

10° Les articles 1840 W ter et 1840 W quater sont abrogés.

III. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Les articles L. 61 B, L. 96 E et L. 172 F sont abrogés ;

2° Au 3° du I et au b du 1° du I bis de l’article L. 252 B, la référence : « 281 nonies » est remplacée par la référence : « 281 octies ».

IV. – Le E du I de l’article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa du 8° est supprimé ;

2° Le 21° est abrogé ;

3° Au 24°, les mots : « et au second alinéa du 1 ainsi que, deux fois, au dernier alinéa du 2 » sont remplacés par les mots : « du 1 ».

V. – Le montant des mensualités de contribution à l’audiovisuel public versées pour les impositions émises au titre de 2022 est, le cas échéant, imputé sur le montant de taxe d’habitation mis en recouvrement et, s’il y a lieu, restitué. La seconde phrase du cinquième alinéa du 2 de l’article 1681 ter du code général des impôts n’est pas applicable à ces mensualités.

VI. – (Supprimé)

VII. – A. – Le VI de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Le 2° du 1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« 2° En recettes : les recettes du compte proviennent d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée déterminée chaque année par la loi de finances de l’année. » ;

b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;

3° La seconde phrase du premier alinéa du 2 est supprimée ;

4° Le dernier alinéa du même 2 est supprimé ;

5° Le 3 est abrogé ;

6° (nouveau) Il est ajouté un 4 ainsi rédigé :

« 4. Par dérogation, au titre de l’année 2022, les recettes du compte de concours financiers prévues au 2° du 1 du présent VI sont constituées, d’une part, des remboursements d’avances correspondant au produit de la contribution à l’audiovisuel public à hauteur de 100 000 000 € et, d’autre part, d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 3 585 003 724 €. »

B. – (Supprimé)

VIII. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

1° Le dernier alinéa du I de l’article 44 est supprimé ;

2° L’article 53 est ainsi modifié :

a et b) (Supprimés)

c) Le V est abrogé ;

3° L’article 99 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « aux foyers dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public et » sont remplacés par les mots : « , sous condition de ressources, aux foyers » ;

b) À la fin du quatrième alinéa, les mots : « la notion de dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public n’est pas prise en compte » sont remplacés par les mots : « l’aide est attribuée sans condition de ressources » ;

c) Le cinquième alinéa est supprimé ;

4° Le premier alinéa de l’article 108 est ainsi modifié :

a) Les mots : « , à l’exception du V de l’article 53, » sont supprimés ;

b) Après le mot : « résultant », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « de la loi n° … du … de finances rectificative pour 2022. »

IX. – A. – Le I, le II, à l’exception du b du 5° et des 9° et 10°, et le 2° du III s’appliquent à compter du 1er janvier 2022.

B. – Le b du 5° et le 9° du II entrent en vigueur le 1er janvier 2023.

C. – Le 10° du II et le 1° du III entrent en vigueur le 1er janvier 2025.

Mme le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.

M. David Assouline. Ce débat est attendu. Nous devons l’aborder dans un esprit de vérité.

Cela fait longtemps, au moins une dizaine d’années, que je me bats, avec d’autres, pour souligner combien le financement de l’audiovisuel public est obsolète. Il était prévisible qu’une taxe assise sur la possession d’un téléviseur aurait progressivement moins de rendement et serait source d’inégalités fiscales.

Donc, pas de faux débats : nous sommes d’accord sur l’obsolescence du système actuel ! C’est le Gouvernement qui, pendant cinq ans, alors que le sujet était plus que mûr, n’a rien fait.

Depuis 2015, l’avis constant de la commission de la culture du Sénat était qu’il fallait moderniser la contribution à l’audiovisuel ; je vous renvoie suivant aux préconisations de MM. Leleux et Gattolin.

Le débat n’a donc pas commencé avec le rapport de nos collègues Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet,…

M. Bruno Retailleau. Excellent rapport !

M. David Assouline. …ou avec l’annonce du Président de la République, qui a déclaré en pleine campagne présidentielle, sans avoir consulté quiconque ou averti les patrons de l’audiovisuel, vouloir supprimer purement et simplement la redevance.

D’ailleurs, lorsque MM. Karoutchi et Hugonet ont remis leurs conclusions, ils ont indiqué, à propos d’une telle suppression : « C’est fait ! » Je me souviens même avoir signifié à M. Karoutchi qu’il faisait peu de cas des élections législatives ! N’était-ce pas aux électeurs de décider qui allait être majoritaire pour gouverner ?

Mme le président. Il faut conclure !

M. David Assouline. Il convient maintenant de discuter pour savoir par quoi, et dans quelles conditions, la redevance sera remplacée.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Lafon, sur l’article.

M. Laurent Lafon. La question n’est pas celle de la suppression de la redevance ; comme l’a souligné le sénateur Assouline, nous y souscrivons. La question, fondamentale, est de savoir quelle recette remplacera la redevance et comment nous financerons demain l’audiovisuel public. Cela doit s’envisager au regard de deux éléments clés.

Le premier, c’est le coût budgétaire pour l’État. La redevance représente aujourd’hui 3,7 milliards d’euros. Le groupe Union Centriste a toujours été clair : alors que les comptes publics dérapent et que les taux d’intérêt font remonter le coût de la dette, nous ne pouvons pas nous permettre de sacrifier chaque année 3,7 milliards d’euros de recettes !

Le deuxième élément, peut-être moins prégnant parce que nous sommes en loi de finances rectificative, mais qui le deviendra si le Conseil constitutionnel est saisi, est la notion d’indépendance des médias. Toucher au financement de l’audiovisuel public, c’est, d’une certaine manière, remettre en cause son indépendance. En cas de saisine du Conseil constitutionnel, il y a de fortes chances que la mesure adoptée par l’Assemblée nationale soit rejetée,…

M. Laurent Lafon. … a fortiori si le Sénat votait l’amendement du rapporteur général, dont l’adoption aurait pour effet de fragiliser encore plus le système.

J’attire donc l’attention du Sénat sur l’importance des décisions qui seront prises ce soir, du point de vue aussi bien des finances publiques que du principe de l’indépendance des médias.

La mesure est prise dans la précipitation. Il y a des années maintenant que la commission de la culture du Sénat demande d’ouvrir la réflexion. Depuis 2017 et l’annonce de la mise en place de la réforme de la taxe d’habitation, nous sollicitons chaque ministre de la culture d’engager enfin le débat. Et là, en l’espace de quelques semaines, parce que le Président de la République a fait une annonce, nous enregistrons une accélération brutale. Une orientation unique est retenue sans qu’un débat de fond soit lancé ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Tous les articles du projet de loi de finances rectificative sont importants. L’article 1er vise à supprimer la contribution à l’audiovisuel public, ouvrant ainsi la voie à une réforme du financement de ce dernier.

C’est historique. La redevance, qui est acquittée par tous les foyers possédant un téléviseur, existe depuis de nombreuses années. Elle est prélevée, je le rappelle, en même temps que la taxe d’habitation sur les résidences principales, qui s’éteindra définitivement en 2023.

Pour mémoire, dans la loi de finances pour 2022, les encaissements nets s’élèveraient à 3,14 milliards d’euros. Le montant de la redevance est de 138 euros en France métropolitaine et de 88 euros pour les départements d’outre-mer.

La suppression, motivée par la préservation du pouvoir d’achat de nos concitoyens, aura également des répercussions sur les personnels. Monsieur le ministre, qu’adviendra-t-il des 2 530 équivalents temps plein qui gèrent les encaissements ? Car nous savons tous que la direction des finances publiques est elle aussi touchée depuis de nombreuses années par les réductions de moyens humains.

Par ailleurs, se pose la question de la répartition de la TVA, partagée entre l’État, pour 97 milliards d’euros, les collectivités territoriales, pour 37 milliards d’euros, et les administrations de sécurité sociale, pour 54 milliards d’euros.

Le sujet est donc d’importance. Je suivrai l’avis de la commission des finances.

Mme le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.

M. Roger Karoutchi. Nous sommes face à une situation que nous n’attendions pas. Le Président de la République a annoncé durant sa campagne électorale qu’il supprimerait la redevance au nom du pouvoir d’achat.

Je suis le premier à affirmer qu’il ne s’agit en rien d’une mesure en faveur du pouvoir d’achat. J’aurais préféré autre chose !

Mais si nous disons qu’il n’est pas question de supprimer la redevance alors que chacun s’accorde à en reconnaître le caractère dépassé – elle est associée à la taxe d’habitation, qui n’est plus perçue –, nous remettons une pièce dans le juke-box et nous relançons pour des années un dispositif qui fonctionnait mal !

La vérité, c’est que nous attendons depuis toujours une réforme de l’audiovisuel. Nous attendons toujours un texte comme la fameuse loi Riester, qui avait démarré en 2017-2018, et un débat sur le fond. Quel est le périmètre du service public ? Quelles en sont les missions ? À partir de là, il serait possible d’en définir le financement, ses moyens et son cadre.

Je ne crois pas du tout, monsieur Lafon, que le Conseil constitutionnel annulera quoi que ce soit.

M. Laurent Lafon. On verra !

M. Roger Karoutchi. Il dira que l’indépendance de l’audiovisuel public est garantie par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’Arcom.

M. David Assouline. Ce n’est pas la jurisprudence !

M. Roger Karoutchi. Monsieur Assouline, je ne vous ai pas interrompu ! (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Les choses sont donc simples. Arrêtons de dire tout et n’importe quoi ! Pourquoi est-ce que je soutiens l’amendement du rapporteur général ? Uniquement parce qu’il tend à fixer un cadre pour deux ans, pas plus ; la LOLF ne nous permettrait d’ailleurs pas d’aller au-delà. À vous ensuite, madame la ministre, de présenter au Sénat et à l’Assemblée nationale un projet de réforme de l’audiovisuel qui soit cohérent.

Si nous ne votons pas la proposition de la commission, il n’y aura pas de réforme de l’audiovisuel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous tenons très profondément à l’audiovisuel public, et donc à son financement. Car c’est lui qui garantit à la fois l’indépendance et la qualité des programmes offerts. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Certes, le mode de financement actuel est obsolète. Mais je fais observer que ce qui nous est proposé ici, par les uns de manière transitoire, par les autres de manière pérenne, n’est pas juste. Or la question de la justice est fondamentale !

Tout le monde paie la TVA, qui n’est absolument pas un impôt redistributif. Il ne s’agit pas du tout d’un impôt juste ni progressif. C’est pourquoi nous proposerons un dispositif qui permettra aux personnes aujourd’hui exonérées de le rester, voire d’étendre cette exonération en dessous d’un certain seuil de revenu, et ensuite de mettre en œuvre un système progressif. Je ne comprends pas l’acharnement de certains contre un système progressif alors que c’est beaucoup plus juste !

J’espère que ce débat nous apportera des réponses, car la question de la justice est, à nos yeux, absolument fondamentale. C’est le même débat que tout à l’heure : nous ne pouvons pas souscrire à des solutions qui ne prennent pas en compte les différences effectives de revenu entre nos concitoyens !

Mme le président. La parole est à M. Didier Rambaud, sur l’article.

M. Didier Rambaud. Beaucoup de nos collègues souhaitent reporter d’un an la suppression de la contribution à l’audiovisuel public alors que – tout le monde en convient – cette dernière est obsolète.

Au bouleversement des usages en matière de consommation audiovisuelle s’ajoute la diminution de 600 000 unités du nombre de foyers redevables depuis 2015 et l’augmentation de près de 1 million de foyers exonérés sur la même période.

Hier, tout le monde pointait le caractère obsolète de la redevance. Comme cela a été rappelé voilà quelques instants, nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux plaidaient déjà pour une réforme dans un rapport de 2015.

Aujourd’hui, par opportunisme, on fait de la redevance le principal instrument de l’indépendance de l’audiovisuel public. J’ignorais jusqu’à ce débat qu’une redevance pouvait garantir une indépendance !

Dois-je rappeler que c’est bien l’Arcom, autorité parfaitement indépendante, qui nomme les dirigeants de l’audiovisuel public ? Dois-je rappeler que le Parlement donne son avis sur les contrats d’objectifs et de moyens conclus entre l’État et les sociétés de l’audiovisuel public, et qu’il auditionne régulièrement leurs dirigeants pour leur demander des comptes ?

Et l’affectation d’une fraction de TVA, qui est un impôt de rendement, au financement de l’audiovisuel public, mesure votée à l’Assemblée nationale, renforce encore les garanties d’indépendance. Ce dispositif est protecteur et doit constituer un premier pas vers une réflexion plus large sur l’avenir de l’audiovisuel public dans notre pays. (MM. François Patriat et Teva Rohfritsch applaudissent.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Il y a un consensus au Sénat pour dire qu’une information pluraliste et indépendante est indispensable à notre démocratie. Et, en France – c’est ce qui nous distingue des autres pays –, nous considérons que l’audiovisuel public est nécessaire pour y contribuer.

À l’Assemblée nationale, d’aucuns, placés à l’extrême droite de l’hémicycle, considèrent qu’il faudrait supprimer l’audiovisuel public. Ce sont les mêmes qui soutiennent le gouvernement hongrois dans sa lutte contre les médias indépendants !

La question essentielle que nous devons nous poser est celle des missions de l’audiovisuel public, puis de son financement pour lui permettre d’assurer ses missions en toute indépendance.

Vous présentez la suppression de la redevance comme une solution technique. Nous avons plutôt le sentiment que vous avez décidé de réformer l’audiovisuel public par le biais de son financement. Autrement dit, vous avez fait le choix de ne pas donner à l’audiovisuel public les moyens de ses politiques pour lui imposer de les revoir en fonction des moyens que vous lui donnerez !

Nous souhaitons un débat de fond sur l’audiovisuel public. Il faut commencer par les questions essentielles. À quoi sert l’audiovisuel ? Comment peut-on lui donner aujourd’hui les moyens de son indépendance ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaitais rappeler quelques éléments de cadrage.

Tout d’abord, quelle est la motivation de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP ?

Le Gouvernement la présente comme une mesure de pouvoir d’achat. Ce faisant, il a en quelque sorte envoyé le générique de fin avant que le programme ne commence, la plupart de nos concitoyens ayant intégré que cette suppression était acquise et que 138 euros leur seraient restitués. Je rappelle que plus de 4 millions de ménages en sont en réalité déjà exonérés.

Ensuite, et cela concerne le calendrier, la CAP était adossée à la taxe d’habitation sur les résidences principales, appelée à disparaître en 2023. Sa transformation était donc inévitable. Le Gouvernement – cela a été rappelé par Roger Karoutchi – disposait de trois ans pour l’anticiper, les assemblées étaient prêtes à vous accompagner sur ce travail. Or rien n’a été fait.

Un rapport sur le sujet avait été promis à l’automne 2019. Il n’a jamais été publié. La mission lancée au mois d’octobre 2021 a rendu ses conclusions. Dans le même temps, la réforme de l’audiovisuel public, annoncée en 2019, a finalement été terrassée par le covid-19, d’où l’interruption des programmes !

Une telle absence de réflexion interroge. Nous devons aujourd’hui travailler sur une contribution qui était peu dynamique et ne reflétait plus les usages.

La solution adoptée à l’Assemblée nationale, soit le financement par la TVA, ne peut être que temporaire.

Le Gouvernement dispose donc de deux ans pour mener à bien une réforme de l’audiovisuel public adaptée aux nouvelles pratiques et au nouveau paysage audiovisuels, tout en rationalisant la dépense publique, donc en l’adossant cette fois à un financement adapté.

M. Laurent Lafon. C’est-à-dire ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous donner l’occasion d’un débat apaisé et constructif…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous êtes au Sénat !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. … sur l’avenir de l’audiovisuel public, ses missions, ses ambitions, ce qui le distingue des médias privés et ce que les Français en attendent.

J’ai eu plusieurs fois l’occasion de m’exprimer pour expliquer que la fin de la redevance représentait un changement de canal de financement, et non une fin de l’indépendance. Je ne reviendrais donc pas sur ces arguments, qui ont été rappelés aujourd’hui.

Les propos des uns et des autres ce soir sur l’avenir de l’audiovisuel public sont d’une grande importance. Je pense notamment à la question du sénateur Ouzoulias : à quoi sert l’audiovisuel public ? Je salue donc toutes vos interventions.

En acceptant la proposition des députés de flécher une part des recettes de la TVA déjà collectées, nous sommes allés vers encore plus de préservation de ce qui s’approche du système actuel, à savoir d’une forme de taxe affectée. M. Hugonet a souligné tout à l’heure qu’il fallait rechercher ensemble les voies d’un audiovisuel public plus efficace, plus moderne et innovant. Je suis d’accord : tel est le vrai enjeu pour l’avenir.

Réjouissons-nous : les Français aiment les médias de service public, comme en témoignent les audiences. Elles n’ont jamais été aussi hautes : 15,8 millions d’auditeurs chaque jour pour Radio France, 82 % des Français regardent les programmes de France Télévisions, tous écrans confondus, chaque semaine, ce qui en fait le premier média des Français.

Pour autant, de nombreux défis se posent à l’audiovisuel public. Ils ne datent pas d’hier. Ils sont nombreux, et ils ont été accentués par la révolution numérique de plus en plus rapide.

Le premier est l’éloignement des jeunes de l’audiovisuel. Les données de Médiamétrie montrent la chute continue des audiences des jeunes depuis dix ans. Je ne vous détaillerai pas les chiffres, mais c’est un enjeu prioritaire que de rapprocher la jeunesse de l’audiovisuel via, notamment, une stratégie numérique forte.

L’audiovisuel public s’est déjà engagé avec volontarisme et innovation dans cette voie. Okoo, créé à la fin de 2019, touche déjà 60 % des 4-14 ans. Lumni propose aussi des programmes éducatifs à près de 2 millions de visiteurs chaque mois. Slash cumule 215 millions de vues chez les 18-35 ans, notamment pour la série Scams. Comment aller plus loin ?

Le deuxième défi est lié à la défiance qui est en train de s’installer entre une partie des Français et les médias. Selon une étude IFOP publiée l’an dernier, 55 % des Français, c’est-à-dire plus d’un Français sur deux, éprouvent de la méfiance concernant les médias. Il y a donc urgence à créer les conditions d’une confiance nouvelle entre les Français et l’audiovisuel, en particulier l’audiovisuel public.

Le principal enjeu touche à l’information, à sa qualité, à sa fiabilité, à sa vérification, à son impartialité. C’est un enjeu crucial pour l’avenir de nos démocraties, d’autant plus dans un contexte de guerre mondiale de l’information, de manipulation, de possible ingérence étrangère.

Cette défiance des Français traduit aussi un sentiment d’éloignement, un besoin que les médias soient plus proches de leurs préoccupations, de leur vie locale, de leur quotidien. Ils attendent davantage de proximité dans les sujets traités, dans les programmes, mais aussi une meilleure représentativité de leurs voix, de leurs histoires, de leurs diversités.

L’audiovisuel public a d’ores et déjà pris à bras-le-corps ces enjeux. France 3 et France Bleu ont groupé leurs forces pour lancer un média numérique dédié à la vie locale. Il sera important d’aller plus loin. Nous discuterons ensemble des différentes possibilités pour renforcer encore les synergies entre Radio France et France Télévisions.

Il m’importe aussi de dire un mot de la place des territoires outre-mer, qui a été largement renforcée. Oui, nous avons supprimé France Ô, mais son audience avait baissé jusqu’à 0,6 % en 2017. Qui pouvait s’en contenter ?

M. Victorin Lurel. Ce n’est pas ce que dit l’Arcom !

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Le pacte de visibilité a été la bonne réponse. Il a permis de déployer des programmes ultramarins sur toutes les chaînes de l’audiovisuel public.

En 2018, seuls huit programmes ultramarins étaient diffusés en première partie de soirée sur France 2, France 3 ou France 5. Nous en sommes aujourd’hui à plus de quarante premières parties de soirée dédiées à l’outre-mer, cela touche plus de 42 millions de téléspectateurs.

Troisième défi, avec la montée en puissance des plateformes américaines en France – Netflix, Amazon, Disney+, bientôt HBO Max –, la défense de notre souveraineté culturelle est plus que jamais nécessaire. Or l’audiovisuel public est un puissant financeur de la création française et européenne, avec 500 millions d’euros injectés dans la production de films et de séries.

La fiction sur France Télévisions est à 90 % française et européenne, contre 80 % de fictions américaines pour M6, 50 % pour TF1 et 90 % de catalogue extraeuropéen pour Netflix, Amazon et Disney +.

Plus globalement, les médias publics sont des acteurs clés de la vie culturelle. Jamais les chaînes privées ne pourront diffuser autant de musique, de concerts, de films de spectacles ou faire la promotion d’autant de livres et d’ouvrages de littérature contemporaine.

Comme vous le voyez, les priorités que j’identifie pour l’avenir de l’audiovisuel public sont claires : la jeunesse ; le numérique ; la fiabilité et le pluralisme de l’information ; la proximité et la diversité ; la création et la culture.

La mise en œuvre de cette ambition passera, à n’en pas douter, par l’accélération des coopérations entre les entreprises de l’audiovisuel public. Il me semble qu’il faut clarifier précisément le champ de ces coopérations prioritaires, les bénéfices attendus au regard de nos priorités, avant de trancher la question de l’organisation du secteur.

Des synergies par le bas, une holding, une fusion : mettons tout sur la table ; il n’y a aucun sujet tabou. Mais prenons le temps de la concertation. Cette réflexion doit se construire dans le dialogue avec les sociétés de l’audiovisuel public.

J’ai aussi entamé une série de consultations avec les groupes de l’audiovisuel public d’autres pays européens pour échanger avec eux sur les enjeux que nous avons en commun. Je souhaite vous proposer une rencontre à la rentrée réunissant les sénateurs et les députés les plus impliqués sur le sujet pour discuter des défis d’avenir et déterminer les moyens de les relever.

M. Laurent Lafon. Bla bla bla…

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Pour pouvoir sereinement mener ce travail collectif de réflexion, le Gouvernement souhaite proposer la prolongation d’un an des contrats d’objectifs et de moyens des entreprises de l’audiovisuel public, ce qui nous permettra de prendre le temps nécessaire de bâtir ensemble la feuille de route pour l’audiovisuel public.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est un débat important.

Je constate d’abord que beaucoup de points ne font pas l’objet de discussions : notre attachement à l’audiovisuel public, l’enjeu pour la création française, l’indépendance de la presse et des médias. Nous soutenons l’audiovisuel public (M. David Assouline et Mme Marie-Pierre de La Gontrie le contestent.) et nous croyons qu’un audiovisuel public fort est une garantie démocratique dans notre pays.

L’autre élément qui ne semble pas faire débat est le fait que la contribution à l’audiovisuel public, sous sa forme actuelle, est obsolète, datée et injuste. Je note tout de même que les premiers amendements qui sont déposés sont des amendements de suppression de l’article. Leur adoption aurait pour conséquence le maintien de la contribution à l’audiovisuel public telle qu’elle existe !

M. David Assouline. Non, puisque nous avons déposé un autre amendement pour la modifier !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement tomberait puisque l’article serait supprimé. La contribution demeurerait alors inchangée !

La question n’est donc pas de savoir s’il faut ou pas supprimer la contribution à l’audiovisuel public actuelle ; c’est de savoir par quoi la remplacer. Nous avons fait le choix, conformément à l’engagement du Président de la République pendant la campagne présidentielle, de ne pas lui substituer un nouvel impôt, l’idée étant de soutenir le pouvoir d’achat.

Oui, avec ce texte et cette mesure, nous avons l’ambition – c’est historique – de supprimer purement et simplement un deuxième impôt en cinq ans, après la taxe d’habitation, qui a été compensée intégralement aux collectivités locales. (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains et du groupe SER le contestent.)

J’ai entendu tout à l’heure certains dire qu’il ne s’agissait pas d’une mesure en faveur du pouvoir d’achat. Je pense que cela se discute. Quand vous êtes juste au-dessus des seuils de l’impôt sur le revenu, 138 euros, ce n’est pas rien !

Je note aussi que certaines mesures en faveur du pouvoir d’achat passent inaperçues. Les Français nous disent : « Vous avez voté tel ou tel dispositif, c’est très bien, mais nous n’en voyons pas les effets dans notre quotidien. » Ici, ce ne sera pas le cas. Au contraire, il s’agira d’une mesure très concrète. Selon ce que vous voterez, 23 millions de ménages recevront ou pas un avis d’imposition de 138 euros. C’est très clair pour nos concitoyens qui nous écoutent à cette heure tardive ou qui suivent de près ce sujet abondamment commenté dans la presse.

Sur la question de la constitutionnalité, je rejoins totalement ce qu’a dit Roger Karoutchi, qui a commis un très bon rapport avec Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il faut s’en inspirer !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. La Constitution préserve l’indépendance des médias dans leur globalité ; je crois que c’est à l’article 34. Il n’est nulle part fait mention que l’indépendance serait liée à un mode de financement !

L’indépendance n’est en aucun cas liée au fait que les Français paient une taxe spécifique. Le Conseil constitutionnel travaille en toute indépendance sans que les Français paient une redevance pour cela !

M. François Patriat. Très bon argument !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il en sera évidemment de même pour l’audiovisuel public.

Un amendement adopté à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du groupe majoritaire et de sa présidente, Aurore Bergé, vise à substituer l’affectation d’une fraction de TVA à la solution que nous avions proposée initialement d’une dotation budgétaire.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cette solution a été avancée – je me fais ici uniquement le porte-parole du groupe majoritaire – au motif qu’elle était susceptible d’apporter plus de garanties sur la pérennité du financement !

M. David Assouline. C’est donc qu’il n’y en avait pas assez !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je vous répète simplement les arguments du groupe majoritaire, qui a voté cette affectation d’une fraction de TVA.

Nous aurons un débat juridique, notamment lors de la présentation de l’amendement du rapporteur général. Cette solution est-elle pérenne ou pas ? Ce point reste encore en discussion. La dernière révision de la LOLF précise effectivement que les taxes affectées tombent à partir de 2025, mais uniquement, me semble-t-il, celles qui sont fléchées vers des personnes morales. Or la solution adoptée à l’Assemblée nationale passe par un compte de concours financiers, qui reverse ensuite les crédits aux sociétés d’audiovisuel public.

Il y a donc un débat juridique. Certains estiment que cette fraction de TVA pourrait survivre après 2025. En tout état de cause, c’est une question qu’il conviendra de se poser au moment de la réforme de l’audiovisuel public. Ma collègue Rima Abdul-Malak vient de vous faire part de toute son ambition à cet égard.

En résumé, ce soir, trois possibilités s’offrent à nous.

La première est que les Français continuent à payer leur redevance audiovisuelle comme aujourd’hui. Ce serait le cas si les amendements de suppression de l’article ou un amendement de report d’un an étaient adoptés.

La deuxième est que vous adoptiez un nouveau mode de financement prenant en compte le revenu fiscal, et non la possession d’un téléviseur. Dans ce cas, certains Français qui ne paient pas la redevance aujourd’hui se mettront à la payer.

M. David Assouline. C’est l’inverse !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Vous défendrez votre amendement en temps et en heure, monsieur le sénateur.

La troisième possibilité est que les Français ne paient plus de redevance. C’est le choix que nous avons fait, pour des raisons de pouvoir d’achat. La redevance est une taxe obsolète. Et nous garantissons dans le même temps l’indépendance et les moyens de l’audiovisuel public. Il le mérite amplement !

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l’article.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, plus je vous écoute, et plus j’ai du mal à comprendre comment un tel sujet peut relever d’un projet de loi de finances rectificative, en particulier au regard de la complexité du dossier – vous l’avez bien montrée –, des enjeux et de l’absence d’étude d’impact.

J’ai bien entendu ce que vous avez répondu à certains orateurs. Vous avez évoqué l’urgence, la nécessité d’adopter des mesures en faveur du pouvoir d’achat. Je comprends l’idée d’une telle suppression. Mais il n’y a là aucun élément constitutif. Je considère qu’il ne s’agit pas du tout d’un sujet relevant d’une loi de finances rectificative, sauf à avoir un deux poids, deux mesures en fonction des dispositifs, ce qui ne me semble pas normal. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe SER. – M. Éric Bocquet applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je ne voudrais pas allonger la discussion avant la discussion des amendements, mais je tiens à dire que ce sujet relève du projet de loi de finances rectificative dans la mesure où il s’agit d’une mesure financière ayant vocation à s’appliquer dès 2022.

Il faut en passer par une loi de finances rectificative parce que l’objectif est de supprimer la redevance due en 2022.

M. David Assouline. Parce que le roi l’a décidé !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Non : parce que le Président de la République l’a proposé lors de sa campagne et qu’il a été élu ! (Protestations sur diverses travées.) Et nous faisons en sorte d’appliquer son programme !

En outre, une telle mesure a singulièrement sa place dans le présent projet de loi de finances rectificative, consacré au soutien du pouvoir d’achat, puisqu’elle permettra justement de rendre du pouvoir d’achat aux Français.

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je remercie Mme Goulet d’avoir exprimé la surprise que nous ressentons à voir ce débat surgir dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

Le ministre a eu la franchise de dire les choses : le Gouvernement est bien embêté. Le 7 mars dernier, le Président de la République, qui était encore président, mais surtout candidat, annonce la future suppression de la redevance. Il n’est pas encore réélu – il le sera –, et les législatives n’ont pas encore eu lieu. Compte tenu de leurs résultats, le panorama n’est pas exactement le même. Et voilà des ministres priés de mettre en œuvre la promesse d’un président qui n’a plus totalement les moyens de faire ce qu’il veut…

De façon quelque peu enlevée, on nous répond que si l’on supprime cette mesure, les Français qui avaient compris que la redevance allait être supprimée seraient déçus d’être taxés…

Vous n’avez pas travaillé suffisamment ce dossier. Vos propositions ne sont pas suffisamment solides. Votre calendrier n’est pas adapté. Et vous devez faire face aux promesses du candidat Macron, qui n’a plus de majorité à l’Assemblée nationale !

Voilà pourquoi il faut étudier ce sujet. Nous proposons la suppression de l’article, afin de nous donner du temps. Chacun dit ici que la contribution à l’audiovisuel public a vécu, mais aussi qu’il faut travailler sur le meilleur process de remplacement.

Bonne chance, monsieur le ministre, pour mettre en œuvre les promesses quelque peu enjouées d’un candidat qui pensait être réélu de manière beaucoup plus large et qui n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale ! Nous, nous essayons de faire un travail parlementaire sérieux.

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 147 rectifié est présenté par MM. Bacchi, Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 237 est présenté par MM. Assouline et Féraud, Mme S. Robert, MM. Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Redon-Sarrazy, Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 377 est présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 147 rectifié.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, j’ai été très intéressé par votre exposé. Nous partageons le bilan que vous dressez et les questions que vous posez, mais tous mes collègues vous le disent : cette discussion n’a pas sa place dans un projet de loi de finances rectificative. On pourrait à la rigueur aborder le sujet dans le projet de loi de finances de l’année prochaine, mais pas en loi de finances rectificative.

M. Le Maire nous a expliqué qu’il fallait éviter « le réflexe pavlovien de la taxe ». Et vous nous proposez d’utiliser la TVA pour remplacer la redevance : un peu plus de 4 millions de Français qui sont exonérés de la redevance vont payer la TVA, tout comme ceux qui ne paient pas la redevance parce qu’ils n’ont pas de poste de télévision et qu’ils ne la regardent pas. Où est la question du pouvoir d’achat ?

Par ailleurs, à moins qu’il y ait eu une faille spatiotemporelle, la loi sur le pouvoir d’achat a été examinée la semaine dernière. Si la suppression de la redevance était véritablement une mesure de soutien du pouvoir d’achat, nous aurions pu en discuter à ce moment-là… Aujourd’hui, nous discutons du projet de loi de finances rectificative !

Le fond du problème, comme l’a rappelé Mme de La Gontrie, c’est que vous en êtes restés à l’ancienne méthode : vous demandez au Parlement de voter très docilement une mesure qui a été décidée par le Président de la République.

Cette méthode a été sanctionnée par les électeurs. La verticalité, c’est fini ! Il faut rendre le pouvoir au Parlement, et il faut que nous ayons un débat de fond sur l’audiovisuel public le plus rapidement possible. C’est pour cette raison que notre groupe propose la suppression d’une telle disposition.

Enfin – et vous le savez très bien, monsieur le ministre –, la redevance ne permet pas de financer la totalité du service public : le budget de l’État n’apporte qu’un complément. En supprimant la disposition que vous proposez, nous ne mettons donc pas en péril, d’un point de vue budgétaire, l’audiovisuel public. En effet, vous avez toujours la possibilité d’apporter une contribution supplémentaire au travers du budget.

Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 237.

M. David Assouline. Ce débat, qui nous a souvent occupés, est très important. En ce moment, nous sommes dans l’urgence et nous devons voter une disposition que d’aucuns proposent de renvoyer à 2025…

C’est aujourd’hui un enjeu majeur pour notre société, face aux concentrations très importantes dans le secteur privé et à la concurrence des plateformes étrangères, que de conforter et de renforcer, en contrepartie, l’audiovisuel public.

Madame la ministre, vous chantez la gloire du service public et de ses réalisations, mais vous créez les conditions de son affaiblissement.

Souvent, on nous cite l’Europe en exemple. Or tous les pays européens, ou presque, ont procédé à une réforme en la matière.

Le seul de ces pays qui ait supprimé la redevance est l’Espagne, en 2010. Résultat, en douze ans, le financement de l’audiovisuel public y a baissé de 25 % net, et en réalité de 40 % si l’on tient compte de l’augmentation du coût de la vie et de la masse salariale. Par ailleurs, si l’on compare à la situation d’il y a dix ans, le groupe audiovisuel public touche moins de publics – 40 % en moins – face au privé. Voilà le résultat concret de la suppression de la redevance !

Nous tenons à un financement pérenne parce que c’est la garantie de l’indépendance. Certes, l’Arcom veille à l’indépendance des programmes. Mais qui donc ignore qu’il s’agit d’une entreprise publique pas comme les autres, qui a besoin d’un financement pérenne pour être indépendante ? Voilà pourquoi se pose un problème de constitutionnalité !

Non seulement la TVA est impôt injuste, mais, en plus, en l’occurrence, le dispositif risque de devenir non pérenne, puisqu’il devra être revu en 2025.

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. Cela portera donc directement atteinte à l’indépendance !

Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 377.

M. Thomas Dossus. Nous sommes tous d’accord pour dire que la redevance actuelle est devenue obsolète ; je ne vais pas y revenir. Pour autant, il y a clairement un problème de méthode, comme l’a souligné Pierre Ouzoulias, et un problème de préparation.

L’impréparation est totale. On supprime une recette destinée à l’audiovisuel public sans avoir préparé son remplacement, comme si l’on pouvait déplacer 3 milliards d’euros en rayant une ligne, c’est-à-dire sans anticiper réellement ! Un dispositif a été bricolé à l’Assemblée nationale, assis sur un dispositif que, même vous, vous jugez instable juridiquement.

Pourquoi autant d’improvisation ? La cause en est simple : vous voulez en finir avec l’indépendance du service public. Ce n’est pas moi qui le dis ; c’est le président Macron, pour qui l’audiovisuel public est la « honte de la République ». Ce à quoi nous assistons ce soir est dans la suite de ses propos !

Pourtant, et nous le disons tous, les pays où l’audiovisuel public est le mieux financé sont les démocraties les plus solides. La stabilité de l’affectation d’une contribution dédiée est un gage d’indépendance.

L’article 1er fait peser sur notre audiovisuel public des risques d’instabilité, sans que l’on ait préparé cette réforme ou discuté au préalable de ces dispositions. C’est pour pallier cette impréparation que nous souhaitons le supprimer.

Ce sont en réalité les classes populaires qui vont payer la réforme. Les 4 millions de nos concitoyens qui ne payaient pas la redevance, mais qui paient la TVA lorsqu’ils consomment, vont désormais payer, en partie, la contribution à l’audiovisuel public.

Nous proposons la suppression de cet article à cause des risques qu’il représente pour l’audiovisuel public, et pour la vitalité de notre démocratie. (M. Daniel Breuiller applaudit.)

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Que cette réforme souffre d’une forme d’impréparation, c’est une évidence ; beaucoup d’entre nous l’ont dit.

Mais je crois, pour reprendre une partie des propos de notre collègue Pierre Ouzoulias, que le Parlement se saisit des pouvoirs qui lui sont conférés : l’Assemblée nationale a travaillé sur une proposition et le Sénat a la possibilité de l’enrichir et d’exprimer son point de vue, ce que nous ne manquons pas de faire.

Vous connaissez déjà notre position sur la suppression de la redevance audiovisuelle : le coup est parti.

Pour le moins, il est relativement délicat d’expliquer qu’on veut le bien des Français quand ceux de nos concitoyens qui acquittent la redevance audiovisuelle sont plus nombreux que ceux qui paient l’impôt sur le revenu. Il faut donc faire preuve, me semble-t-il, de lucidité et travailler dans le sens de la pérennité, par le financement, du dispositif, et surtout de l’indépendance de l’audiovisuel. Je présenterai dans quelques instants un amendement en ce sens.

C’est pourquoi je sollicite le retrait de ces trois amendements identiques.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’adoption de ces amendements identiques entraînerait la suppression de l’article 1er, qui a été adopté par l’Assemblée nationale…

M. David Assouline. Grâce à l’extrême droite !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … et qui prévoit la suppression de la contribution à l’audiovisuel public.

Oui, madame de La Gontrie, le Parlement se saisit évidemment de cette question ! Et cet article a été adopté à l’Assemblée nationale avec une majorité qui va bien au-delà de la majorité présidentielle issue des élections législatives. Il a été soutenu par des députés venant de groupes autres que ceux de la majorité présidentielle.

Monsieur Ouzoulias, vous avez indiqué que des Français ne payaient pas la redevance audiovisuelle aujourd’hui, car ils n’y sont pas assujettis – c’est vrai –, et qu’ils allaient payer demain une certaine somme destinée à financer l’audiovisuel public. Vous raisonnez comme si la solution, trouvée à l’Assemblée nationale, d’affectation d’une part de TVA allait entraîner une augmentation de la TVA. Or ce n’est évidemment pas le cas ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il y aura un manque à gagner !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous n’augmentons pas le taux de la TVA. Une partie des recettes actuellement collectées seront fléchées vers un compte de concours financier afin de financer les sociétés de l’audiovisuel public. Encore une fois, il n’y a pas d’augmentation du taux de TVA, et 23 millions de Français qui paient aujourd’hui la redevance ne la paieront plus.

M. Vincent Éblé. C’est payé par la dette !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ils paieront la TVA ! C’est un raisonnement absurde…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Au travers de certaines interventions, on pourrait penser qu’il n’y a pas eu de travaux sur le sujet. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Cela fait des années que des rapports sont rédigés sur la question. Il y a eu ceux – vous êtes bien placés pour le savoir – de la commission de la culture du Sénat, ceux de l’Assemblée nationale, ceux des corps de contrôle…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pour aboutir à cela ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le caractère obsolète et injuste de la redevance et les pistes possibles pour la remplacer ont été étudiés par des parlementaires, mais aussi par l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et par l’inspection générale des finances (IGF). Tous ces travaux sont sur la table ! Ensuite, le Gouvernement a fait une proposition au Parlement, qui en discute et vote souverainement.

Monsieur Assouline, vous avez dit que le fait de passer d’une redevance payée directement par les Français à une fraction de TVA affectée revenait à mettre en cause la pérennité du financement de l’audiovisuel public. Or il n’y a pas de changement de ce point de vue : chaque année, le Parlement vote les dépenses affectées à l’audiovisuel public et le compte de concours financier y afférent.

Si l’on suit votre raisonnement, la pérennité du financement de l’audiovisuel public pourrait être remise en question à chaque loi de finances, puisque c’est lors de cet examen que les parlementaires décident du montant qui sera affecté, via le compte de concours financier, aux sociétés de ce secteur ! Il n’y a pas d’obligation.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Nous sommes dans les prémices d’un débat sur la réforme de l’audiovisuel.

Je me réjouis évidemment de la suppression de la redevance, puisque je dépose des amendements en ce sens depuis des années.

Toutefois, monsieur le ministre, lorsque vous évoquiez les trois solutions possibles, vous n’avez pas répondu sur la réalité du coût de la suppression de la redevance.

Pour certains contribuables, supprimer la redevance ou la contractualiser en gardant ces montants dans l’impôt, cela revient exactement au même. La réforme et la suppression de la redevance ne seront effectives qu’au moment où un dimensionnement sera opéré.

Je fais partie de ceux qui pensent qu’à l’heure actuelle, le dimensionnement de l’audiovisuel public est excessif et trop coûteux pour le contribuable. Je ne veux pas d’un débat dans lequel on dit que l’on supprime la redevance, mais que l’on va se rattraper sur la TVA parce que tous défendraient le même système… Nous ne défendons pas tous le même système !

Je l’ai souvent rappelé, il y a plus de chaînes de télévision dans n’importe quelle ville de France que de boulangeries. Actuellement, si l’on considère l’ensemble des médias, on constate que le choix est large. Mais, encore une fois, le dimensionnement de l’audiovisuel public est trop important dans notre pays et coûte trop cher aux Français.

À l’occasion d’un débat sur la réforme, il faudra dire clairement quelles économies seront faites dans ce secteur, car il n’est pas normal que le contribuable paie pour des médias dont le dimensionnement est aussi important et qui ne sont pas aussi performants que ce que l’on peut en attendre.

Nous n’entamerons sans doute pas ce soir le débat sur l’audiovisuel. Mais je vous le dis simplement, la suppression de la redevance que vous annoncez comme un moyen de soutenir le pouvoir d’achat demeure pour l’instant fictive, puisque le financement est assuré pendant la période d’intérim de deux ans. Le soutien au pouvoir d’achat ne sera réel que si vous diminuez la contribution globale du financement de l’audiovisuel public.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. Le groupe Union Centriste s’abstiendra sur ces trois amendements, parce qu’il présentera dans quelques instants un amendement visant à donner un cap sur la suppression de la redevance.

Je remercie les ministres d’avoir été très clairs sur leurs intentions. Je pense particulièrement à M. Attal, qui nous a dit que la redevance ne serait pas remplacée par un autre impôt. Cela signifie clairement que, demain, c’est le budget de l’État qui financera l’audiovisuel public, à hauteur de 3,7 milliards d’euros. En votant ce dispositif, nous creusons donc le déficit de l’État de 3,7 milliards ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Cette réponse était d’une grande clarté ; merci de l’avoir dit aussi explicitement…

Je suis, moi aussi, très attaché au rapport de nos collègues Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, que j’ai soutenu. J’entends les ministres nous dire depuis quelques jours que ce rapport est très bon… Pourtant, aucune des dix mesures qui y sont préconisées, et que j’ai soutenues, n’est reprise ! Nenni ! Rien ! Zéro ! Pas même la mesure corrélée à la budgétisation qu’est la création d’une commission indépendante pour fixer la trajectoire budgétaire – une mesure forte, que vous prôniez ! Il n’était tout de même pas compliqué, parallèlement à la suppression de la redevance, de mettre en place cette commission, qui n’existe donc pas…

Nous sommes en train ni plus ni moins que de signer un chèque en blanc ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Si nous séparons la dimension du financement de la réforme globale de la vision que nous devons partager sur l’audiovisuel public, la redevance sera supprimée aujourd’hui et, demain, nous n’aurons sans doute pas grand-chose. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Notre collègue David Assouline citait avec raison l’Espagne, qui a supprimé la redevance audiovisuelle en 2010. Je rappelle simplement que le chef du gouvernement de l’époque était M. José Luis Rodríguez Zapatero, un socialiste ! (Et alors ? sur plusieurs travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Sur la question de la TVA, il ne faut pas oublier, monsieur Attal, que vous avez défendu avec beaucoup de conviction un autre modèle de financement, celui de la budgétisation. Et ce sont justement les inspections qui ont pointé un risque d’inconstitutionnalité. L’Assemblée nationale a donc essayé de corriger vos certitudes…

Cela prouve qu’un débat est nécessaire, qu’il y avait des scénarios sur la table et que la mesure relative à la TVA a été proposée dans la précipitation. On pourrait se donner un peu de temps, d’autant que les débats étaient nombreux, intéressants, et que c’est un domaine dans lequel il est possible de construire ensemble la réforme, conformément aux intentions que vous avez exprimées depuis les dernières élections législatives.

Si l’on veut assurer la pérennité, garder un système permettant directement et spécifiquement d’alimenter l’audiovisuel public parce qu’il ne s’agit pas d’une entreprise publique comme les autres. Il faut garantir à ce secteur son indépendance, afin qu’il ne soit pas soumis chaque année à des pressions portant sur les contenus non pas seulement de l’information, mais aussi de la création ?

En posant le problème par le biais du soutien au pouvoir d’achat et en opposant, de façon malsaine, le pouvoir d’achat à l’information indépendante et à la création culturelle, vous n’avez pas rendu service à la culture ! Et, disant cela, je m’adresse notamment à Mme la ministre, qui est chargée de défendre la culture dans ce pays.

Tous les autres pays d’Europe ont réformé le secteur en conservant une redevance audiovisuelle, et ce à un niveau plus élevé que dans notre pays.

Pour revenir sur un argument qui m’a été opposé, je veux dire qu’aujourd’hui, avec l’inflation, l’État perçoit davantage de TVA. Ce que fait le Gouvernement, c’est presque de la spéculation sur l’inflation !

Mme le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

M. Julien Bargeton. Il ne faudrait pas laisser penser que le choix de la suppression de la redevance remettrait en cause l’indépendance, à laquelle nous sommes tous attachés, de l’audiovisuel public.

D’abord, la redevance ne couvre pas aujourd’hui l’ensemble des coûts de l’audiovisuel public : il y a bien, d’ores et déjà, une compensation par des subventions. Il est donc paradoxal de s’opposer à sa suppression au nom de l’indépendance, alors même qu’existe ce modèle de financement qui vient compléter la redevance.

Ensuite, les dix-neuf autorités administratives indépendantes (AAI) et les sept autorités publiques indépendantes (API), soit vingt-six organismes, ne sont pas financées par un mécanisme de redevance.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y a aucun rapport d’ordre financier !

M. Julien Bargeton. Et pourtant, qui peut dire que le Défenseur des droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ou la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ne sont pas indépendants ? Toutes ces autorités sont indépendantes. Or leur indépendance n’est pas assise sur leur mode de financement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Elle est constitutionnelle !

M. Julien Bargeton. Ce qui assure l’indépendance, c’est la réalité du fonctionnement, du rapport de force que l’on établit et d’une forme de tradition. Il y a des pays où, sans qu’il y ait de règle écrite à cet égard, l’indépendance se construit dans le temps.

Enfin, la création culturelle n’appartient pas seulement à l’audiovisuel public !

On a l’impression à vous entendre, mes chers collègues, que les secteurs ne relevant pas de l’audiovisuel public ne sont pas indépendants. Or les théâtres, le secteur du livre et les autres pans de la politique culturelle ne sont pas financés par un modèle de redevance ! Il suffit de pousser la porte d’un théâtre ou de regarder ce qui se passe ailleurs, notamment en lisant un livre, pour constater que l’indépendance est garantie.

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Julien Bargeton. Je voudrais faire un sort à l’idée selon laquelle il y aurait un lien entre mode de financement et indépendance.

Mme le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Soyons francs : c’est un débat pourri. (Sourires.) Je l’avais déjà dit lors de l’annonce par le président-candidat de la suppression de la redevance audiovisuelle, sans nous indiquer ni par quoi elle serait remplacée, ni dans quelles conditions, ni quand aurait lieu la réforme de l’audiovisuel…

Tout d’abord, tout le monde dit depuis des années que la redevance audiovisuelle est condamnée parce qu’elle est mal foutue et injuste. Arrêtons de dire : « Sauvons la redevance ! » Dans tous les groupes, on disait qu’il fallait en finir, qu’elle ne tenait pas la route et qu’il y avait besoin de trouver un autre système…

Le seul vrai problème, c’est qu’il eût fallu commencer – je l’ai dit et redit – par redéfinir les missions et le périmètre du service public de l’audiovisuel. Quand vous parlez d’indépendance, c’est bien là le problème ! C’est à partir de cette réforme de l’audiovisuel que l’on pourra mettre en place l’indépendance.

Pardon de le rappeler, mais le Parlement pouvait baisser le niveau de la redevance audiovisuelle d’un euro, de cinq euros ou de dix euros, et cela s’est même produit une fois dans cette assemblée. Le financement par la redevance ne garantit rien du tout !

La seule réalité qui vaille, c’est un financement, garanti pour le moment, mais avec un contrôle par une commission indépendante.

Si la mission budgétaire dont je souhaitais la création n’a pas été retenue, c’est parce que l’on me disait de faire attention aux gels de crédits, à des éléments budgétaires classiques…

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Roger Karoutchi. On a donc accepté le financement via une part de TVA.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. Je me suis exprimé lors la discussion générale, et j’écoute attentivement le débat.

À l’évidence, il y a un problème de tempo, et vous savez que cette notion m’est chère ! (Sourires.) Pour certains, cela va trop lentement ; pour d’autres, cela va trop vite.

La réalité est qu’un président de la République souhaitant être réélu propose quelque chose d’absolument populaire : la suppression d’un impôt injuste, éculé, dont plus personne ne veut.

M. Jean-Raymond Hugonet. Et, bien évidemment, la machine s’emballe…

Il s’agit forcément d’un sujet de projet de loi de finances rectificative, puisqu’il faut trouver une solution, comme l’a dit M. le ministre, pour l’année 2022.

Je suis heureux que vous nous ayez rejoints, madame la ministre de la culture, car c’est vous qui êtes maintenant à la baguette. En effet, comme vient de le dire Roger Karoutchi, la seule garantie sera la création d’une commission indépendante,…

M. David Assouline. Ils ne vous la donnent pas !

M. Jean-Raymond Hugonet. … dont il faudra nous parler lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, qui sera notre rendez-vous sur cette question. Le débat a commencé et, vous le voyez, nous piaffons !

Nous assisterons peut-être au paradoxe suivant : un président de la République disposant d’une majorité absolue pendant cinq ans et ayant usé trois ministres de la culture sans qu’aucune réforme ait été faite, pourra peut-être, alors qu’il n’a plus désormais qu’une majorité relative, construire une véritable réforme de l’audiovisuel public, notamment s’il écoute le Sénat, qui est spécialiste dans ce domaine. C’est ce que j’appelle de mes vœux.

Vous nous trouverez toujours prêts, madame la ministre, avec mes collègues siégeant sur toutes les travées, à parler avec vous pour parvenir à cette réforme, ainsi qu’à celle de la loi de 1986, laquelle sent le formol ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Au bout du bout, il y a aussi dans notre pays un véritable sujet de fléchage de la fiscalité ou des moyens qui doivent être alloués.

On parle d’une perte de repères des citoyens par rapport au politique. Or ce sujet y participe, parce que l’on n’identifie pas aujourd’hui une politique de moyens correspondant à un projet, attendu, en direction du service public. C’est cela, le fond du problème.

Si l’on noie l’approche budgétaire uniquement dans la TVA, comment voulez-vous que le citoyen lambda parvienne à assigner un budget clairement identifié à un projet collectif et de service public ?

Il y a dans la crise sociétale cet élément de dérégulation et de fléchage de l’impôt par rapport à nos concitoyens et aux grandes missions de service public. On pourrait citer d’autres exemples. Mais celui-ci est particulier pour illustrer le débat.

Un autre sujet a été mis en résonance, et M. le rapporteur général l’a particulièrement souligné. Je veux parler de l’impréparation. La position du Gouvernement était assise sur une proposition non stable sur le plan constitutionnel. On se rabat aujourd’hui sur la TVA pour faire passer cette mesure.

La question doit-elle être abordée au moment où l’on souligne l’impréparation de ce projet politique ? Non, je ne le crois pas. Ce n’est pas parce que le Président de la République a fait une promesse de campagne que l’on doit forcément l’inscrire dans le projet de loi de finances rectificative. Nous avons quelques mois devant nous pour regarder si l’on ne peut pas, dans le cadre du projet de loi de finances, partager un projet collectif.

Il faut dégager une trajectoire budgétaire assise sur un projet qui soit véritablement partagé. On ne peut pas le faire aujourd’hui. Il faut donc annuler cette mesure et recommencer les travaux.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Je ferai trois remarques.

Premièrement, j’exprimerai l’interrogation et l’inquiétude du nouveau membre de la Haute Assemblée que je suis. Je découvre en effet que l’on peut, au travers d’articles de loi de finances rectificative, examiner des mesures sur l’énergie sans discuter de stratégie énergétique, parler de réforme des conditions de travail et du temps de travail sans avoir de débat au fond ou avec les partenaires sociaux, ou encore aborder le devenir de l’audiovisuel sans mener de discussion sur ce que nous en attendons, s’agissant de son indispensable indépendance et des missions que nous souhaitons lui conférer.

Deuxièmement, je suis très sensible à ce qu’a dit M. Lafon. Dans une période de méfiance généralisée de nos concitoyens et de fake news, il est très important de préserver l’indépendance de l’audiovisuel public. Bien sûr, il existe de nombreux médias, mais – excusez-moi de le dire –, ce ne sont ni CNews ni BFM qui vont faire des enquêtes,…

MM. Philippe Tabarot et Jean-Raymond Hugonet. C’est Élise Lucet ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Breuiller. … effectuer un travail pédagogique ou soutenir la création culturelle, et je le regrette !

J’aimerais beaucoup que nombre de chaînes privées s’attribuent des missions de service public et les mènent avec énergie. Je constate que c’est tout de même le service public qui défend ces missions, parce que nous, parlementaires, les lui avons conférées. Et ces missions, il les assume.

Troisièmement, je souhaite poser une question à M. Attal. À la commission des finances, j’entends depuis des semaines que la dette publique est un problème très sérieux ; je partage ce point de vue. Et j’entends ce soir qu’il est possible de donner du pouvoir d’achat, 138 euros, aux Français et que ce n’est pas grave, car ils ne paieront pas plus de TVA. C’est formidable ! Il y a donc de l’argent invisible ou magique, celui de la dette. Car sans contribution des citoyens, c’est bien par la dette que l’on financera ces 3 milliards d’euros.

Mme le président. Mon cher collègue, il faut conclure.

M. Daniel Breuiller. La dette est-elle gratuite ?

M. Jean-Pierre Sueur. Très intéressant !

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Roger Karoutchi a parlé d’un débat « pourri » ; je dirais plutôt qu’il est faussé. L’enjeu de notre débat devrait être de définir les missions et le périmètre de l’audiovisuel public face au marché du privé. Voilà la véritable question ! C’est celle-là que l’on est en train de traiter de manière faussée.

Mes chers collègues, pardonnez-moi, mais je doute de la sincérité de votre attachement à protéger le pouvoir d’achat des Français. La redevance, c’est 38 centimes par jour en métropole et 24 centimes en outre-mer. On n’augmente pas le SMIC, on n’arrive pas à faire adopter des amendements pour prendre quelques miettes des dividendes réalisés par les entreprises, etc. Et il ne faudrait pas douter de la sincérité du propos ?

À titre personnel – je ne veux pas engager mon groupe –, je pense que la redevance devait être modifiée. Mais il y avait tout de même un élément intéressant : les Françaises et les Français paient cette redevance en échange d’un service public qu’ils connaissent. Ce n’est tout de même pas mal, non ?

En demandant la suppression de la redevance, il était possible d’ouvrir un espace de construction dans lequel un comité indépendant aurait pu définir une trajectoire budgétaire autre que celle qui est proposée aujourd’hui.

Monsieur le ministre, Pierre Ouzoulias n’a pas parlé de l’augmentation du volume de la TVA ; il a dit que la TVA était l’impôt le plus injuste. Des gens qui sont aujourd’hui exonérés des 38 centimes par jour, ou 24 centimes en outre-mer, vont payer la TVA, et elle va peser lourdement parce qu’ils sont pauvres et modestes.

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. Encore une fois, le problème, ce n’est pas l’augmentation du volume de la TVA ; c’est le fait que ces personnes vont payer une part de TVA qui sera consacrée à l’audiovisuel.

Mme le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch, pour explication de vote.

M. Teva Rohfritsch. Après avoir écouté avec beaucoup d’attention le débat, je crois que le tort de cette mesure, c’est qu’Emmanuel Macron y ait pensé pendant la campagne… Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est parce qu’il y a urgence : il y a le feu sur le pouvoir d’achat des Français. M. Macron a cinq ans pour appliquer son programme.

Nous choisissons aujourd’hui de déduire 138 euros des charges qui pèsent actuellement sur les Français. Et que faisons-nous ? Nous substituons à une recette en baisse, qui est contestée depuis plusieurs années, une recette dynamique et forte, et ce durant le temps de la réforme. Car personne n’a affirmé dans cet hémicycle qu’il n’y aurait pas de réforme !

Nous proposons aussi d’aller plus vite et d’augmenter, dès cet exercice, le pouvoir d’achat des Français, à un moment où ils en ont le plus besoin, en substituant à un impôt injuste et éculé, pour reprendre une formule qui a été employée, une prise en charge par la TVA.

M. Pascal Savoldelli. Cela ne tient pas !

M. Teva Rohfritsch. Ne mélangeons pas les sujets ! Il ne s’agit pas de faire ce soir la réforme de l’audiovisuel public ; elle sera discutée en son temps au Parlement. Nous pourrons revoir la question du financement lors de l’examen du projet de loi de finances. La raison doit donc revenir dans ce débat. (M. François Patriat applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Tout à l’heure, on nous disait que c’était la « fin des 35 heures » ; maintenant, ce serait la « fin de l’audiovisuel public » ! (Eh oui ! sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la droite !

M. Olivier Cadic. C’est légèrement caricatural, pour ne pas dire qu’il s’agit de fake news ! Mais c’est votre approche…

Comme mon collègue Philippe Dominati, je me réjouis de la suppression de cette taxe.

M. David Assouline. Les libéraux se lâchent !

M. Olivier Cadic. À titre personnel, je ne la regretterai pas. Je voterai donc évidemment contre ces amendements.

Lors d’un dîner de famille, j’ai demandé aux participants ce qu’ils pensaient de la redevance. Ils étaient bien contents qu’elle soit supprimée parce qu’il n’y avait plus que les vieux qui la payaient. C’est vrai que les jeunes ne la paient pas. Pour ma fille, qui vit en colocation, avoir un téléviseur, c’est complètement anachronique ! Aujourd’hui, les jeunes paient non pas la taxe, mais leur abonnement à Netflix.

Je remercie le Président de la République d’avoir proposé une telle suppression. C’était un engagement de campagne ; il l’applique. Cela semble naturel. Voilà une taxe que les Français ne regretteront pas !

M. David Assouline. Les Anglais la paient !

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Le débat est, me semble-t-il, mûr. Depuis plusieurs années, après le rapport, qui fait désormais référence, des sénateurs Gattolin et Leleux de 2015, la question est posée et reposée, étudiée en commission, travaillée. Encore récemment, nous avons publié le rapport que nous avions commandé à l’IGAC et à l’IGF. Toutes les options étaient mises sur la table ; toutes les hypothèses ont été étudiées et décortiquées.

Nous avons nous-mêmes évolué. Notre position initiale figurait dans le texte proposé par le Gouvernement, qui prévoyait plusieurs garanties pour la fraction de TVA sur la TVA déjà collectée. C’était l’une des hypothèses analysées par le rapport des inspections. Je ne sais pas si le débat est aussi mûr que le bon pain des boulangeries, mais nous sommes prêts. Je ne vois pas pourquoi il faudrait tergiverser encore ou prendre une année de plus.

Nous avons là une conjonction de facteurs : une urgence sur la question du pouvoir d’achat des Français et un débat qui, depuis 2015, si ce n’est avant, a eu le temps d’arriver à maturité. L’indépendance est déjà garantie par l’Arcom, dont vous avez, avec les députés, renforcé les prérogatives. Vous avez d’ailleurs vous-même des pouvoirs de contrôle et un rôle de vigie sur les discussions relatives aux contrats d’objectifs et de moyens.

J’ajoute que nous proposons de prolonger ces contrats afin de nous donner une année supplémentaire de débats sur la feuille de route et la stratégie de l’audiovisuel, en s’inspirant également des rapports récents dont nous devons discuter avec les sociétés d’audiovisuel.

Nous vous proposons donc encore plus de dialogue, d’écoute et de temps pour définir la stratégie et les ambitions que j’ai précédemment rapidement résumées et qui doivent s’articuler autour de quelques enjeux qui me semblent importants : la jeunesse, la création, la culture, la proximité, la fiabilité et le pluralisme de l’information. Sur ces points que j’ai cités, des pistes de synergies encore plus fortes doivent être trouvées. Le rapport des sénateurs Karoutchi et Hugonet allait dans le même sens, puisqu’ils ont abordé une grande partie des champs que je viens d’évoquer pour renforcer les synergies entre Radio France et France Télévisions.

Nous aurons ces débats dans le cadre des discussions sur les contrats d’objectifs et de moyens et sur le projet de loi de finances. Nous les aurons aussi en commission. Je propose également de réunir tous ceux qui le souhaitent en septembre au ministère pour évoquer ces questions aussi longtemps que vous le désirerez.

M. David Assouline. Pourquoi pas des états généraux ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Merci de me le rappeler, monsieur Assouline !

Se tiendront aussi les États généraux du droit à l’information que le Président de la République a annoncés pendant la campagne et dont le ministère de la culture facilitera le déploiement à partir de fin novembre 2022 jusqu’à fin mars 2023. Nous aurons donc ce temps de débat national très large et concerté avec l’ensemble des organisations : associations – je pense à Reporters sans frontières –, sociétés de l’audiovisuel, presse, notamment la presse quotidienne régionale, etc.

Le débat sur les enjeux, l’avenir, le périmètre de l’audiovisuel public va donc continuer. La question du remplacement de la redevance par un autre canal de financement a été largement travaillée. Nous sommes prêts.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 147 rectifié, 237 et 377.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, l’autre, du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 136 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 288
Pour l’adoption 91
Contre 197

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 238, présenté par MM. Assouline et Féraud, Mme S. Robert, MM. Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Redon-Sarrazy, Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 1605 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« I. – Il est institué à la charge des contribuables une taxe appelée : contribution progressive au financement de l’audiovisuel public.

« Le montant de cette taxe est fixé comme suit :

« - 0 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 17 820 € ;

« - 30 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 17 821 € et 21 670 € ;

« - 60 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 21 671 € et 25 760 € ;

« - 80 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 25 761 € et 30 620 € ;

« - 100 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 30 621 € et 36 160 € ;

« - 120 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 36161 € et 42480 € ;

« - 135 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 42 481 € et 50 840 € ;

« - 170 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 50 841 € et 65 250 € ;

« - 190 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 65 251 € et 100 000 € ;

« - 200 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 100 001 € et 150 000 € ;

« - 220 € pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 150 001 € ;

« Ses tranches et tarifs sont réévalués chaque année par la loi de finances. Ils sont indexés sur l’inflation et arrondis à l’euro supérieur.

« II. – Bénéficient d’un dégrèvement de la contribution progressive au financement de l’audiovisuel public :

« 1° Les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l’article L. 815-1 du code de la sécurité sociale ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité mentionnée à l’article L. 815-24 du même code ;

« 2°Les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés mentionnée à l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, lorsque le montant de leurs revenus de l’année précédente n’excède pas la somme de 11 276 €, pour la première part de quotient familial, majorée de 3 011 € pour chaque demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l’impôt sur le revenu afférent auxdits revenus.

« Pour la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, les montants des revenus sont fixés à 13 343 € pour la première part, majorés de 3 187 € pour la première demi-part et 3 011 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième.

« Pour la Guyane ces montants sont fixés respectivement à 13 950 €, 3 840 € et 3 011 €.

« Pour Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 20 907 €, 5 752 € et 4 510 €.

« Ces montants sont réévalués chaque année par la loi de finances. Ils sont indexés sur l’inflation ;

« 3° Les contribuables atteints d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de l’existence, lorsque le montant de leurs revenus de l’année précédente n’excède pas la limite prévue au 2° du présent article ;

« 4° Les contribuables âgés de plus de 60 ans, les veuves et veufs dont le montant des revenus de l’année précédente n’excède pas la limite prévue au 2° du présent article, lorsqu’ils ne sont pas passibles de l’impôt sur la fortune immobilière au titre de l’année précédant celle de l’imposition ;

« 5°Les contribuables mentionnés au 4° du présent IV lorsqu’ils occupent leur habitation principale avec leurs enfants majeurs et que ceux-ci sont inscrits comme demandeurs d’emploi et ne disposent pas de ressources supérieures à :

« -5 750 € pour la première part de quotient familial, majoré de 1 664 € pour chacune des quatre premières demi-parts et de 2 942 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la cinquième, en France métropolitaine ;

« -6 905 € pour la première part de quotient familial, majoré de 1 664 € pour chacune des deux premières demi-parts et de 2 942 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion ;

« -7 668 € pour la première part de quotient familial, majoré de 1 278 € pour chacune des deux premières demi-parts et de 3 063 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième, en Guyane ;

« -8 426 € pour la première part de quotient familial, majoré de 1 404 € pour chacune des deux premières demi-parts et de 3 367 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième, à Mayotte.

« Ces montants sont indexés, chaque année, comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

« Ces montants sont divisés par deux pour les quarts de part.

« Les montants mentionnés aux sixième et avant-dernier alinéas du présent 4° sont arrondis à l’euro le plus proche ; la fraction d’euro égale à 0,50 est comptée pour 1 ;

« 6° Les contribuables atteints d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de l’existence, lorsque le montant de leurs revenus de l’année précédente n’excède pas n’excède pas la limite prévue au 2° ;

« 7° Les personnes qui conservent la jouissance exclusive de l’habitation qui constituait leur résidence principale avant qu’elles soient hébergées durablement dans un établissement ou un service mentionné au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ou dans un établissement mentionné à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 6143-5 du code de la santé publique, comportant un hébergement et délivrant des soins de longue durée à des personnes n’ayant pas leur autonomie de vie dont l’état nécessite une surveillance médicale constante et des traitements d’entretien, lorsqu’elles remplissent les conditions prévues aux 1° à 6° du présent II ;

« 8° Les personnes exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties en application de l’article 1649 du présent code ;

« 9° Les personnes dont le montant des revenus, appréciés dans les conditions prévues à l’article 1391 B ter, est nul.

« III. – La contribution est déclarée, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu’en matière d’impôt sur le revenu. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Par cet amendement, nous reprenons une proposition de loi que nous avons déposée. Contrairement à ce qu’affirme M. Attal, nous ne sommes pas contre la suppression de la redevance et pour continuer comme avant. Nous pensons qu’il faut corriger deux défauts de la redevance.

Le premier – cela a été dit – est son aspect obsolète. Une telle correction a d’ailleurs été faite depuis longtemps dans toute l’Europe en universalisant la redevance, qui ne repose plus sur la détention d’un téléviseur. Dans les grandes démocraties, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, la redevance est bien plus élevée. Le système a été maintenu même s’il n’est plus assis sur la possession d’un poste.

Les pays nordiques, notamment la Suède, ont, quant à eux, réformé avec succès la redevance, en la rendant progressive.

Car la redevance actuelle, et c’est son deuxième défaut, n’est pas juste. Tout le monde paie la même chose, même si 4 millions de personnes en sont, certes, exonérées.

Dans la proposition que nous faisons, nous tenons compte du pouvoir d’achat, mais sans l’opposer à la culture et à l’indépendance de l’audiovisuel. Ainsi, 8 millions de Français – le seuil est fixé, me semble-t-il, à environ 17 000 euros de revenu annuel – ne paieraient rien, 4 millions de foyers paieraient 30 euros et le montant augmenterait ensuite progressivement. Lisez l’amendement : 85 % des Français paieraient moins de 138 euros. Le plafond n’est pas indéfini puisqu’il est fixé à 220 euros, ce qui correspond à la redevance payée par tous les Allemands, riches ou pauvres.

Vous le voyez, nous faisons une proposition.

Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. Nous ne sommes pas seulement dans la reconduction de l’ancien système.

C’est l’une des idées que nous mettons sur la table pour réformer le système en profondeur.

Mme le président. L’amendement n° 378, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Après le 1 du I de l’article 197 du code général des impôts, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. Les taux mentionnés au 1 sont majorés en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 10 225 euros le taux de :

« – 0,25 % pour la fraction supérieure à 10 225 € et inférieure ou égale à 26 070 € ;

« – 0,3 % pour la fraction supérieure à 26 070 € et inférieure ou égale à 74 545 € ;

« – 0,41 % pour la fraction supérieure à 74 545 € et inférieure ou égale à 160 336 € ;

« – 0,45 % pour la fraction supérieure à 160 336 €.

« Le produit des majorations de taux mentionnées au présent 1 bis est affecté aux sociétés et à l’établissement public mentionnés aux articles 44, 45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi qu’à la société TV5 Monde. »

II. – Le 2° du 1 du VI de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi rédigé :

« 2° En recettes : les remboursements d’avances correspondant au produit de l’affectation mentionnée au 1 bis de l’article 197 du code général des impôts. »

III. – À la fin du dernier alinéa du I de l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les mots : « la contribution à l’audiovisuel public » sont remplacés par les mots : « l’affectation mentionnée au 1 bis de l’article 197 du code général des impôts ».

IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Notre amendement, qui tend également à créer une nouvelle contribution, a une formulation similaire à celui de M. Assouline. Il est inspiré des travaux de Julia Cagé, avec quatre taux correspondant à quatre tranches de revenus. Il permettrait de faire gagner du pouvoir d’achat, ce qui correspond à l’objectif du projet de loi de finances rectificative.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous apportiez une réponse à mon collègue Daniel Breuiller, qui vous a demandé comment vous alliez faire pour ne pas creuser la dette tout en prenant 3,5 milliards d’euros sur la TVA sans l’augmenter.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet, sans surprise, un avis défavorable sur ces deux amendements.

Première observation, dans le débat qui nous occupe ce soir, chers collègues de l’opposition, vous ne reculez devant aucun sacrifice, puisque vous proposez de créer une nouvelle taxe, un nouvel impôt qui, pour certains contribuables, sera moins élevé – je l’admets –que celui qu’ils paient actuellement, mais qui sera plus élevé pour d’autres. (Protestations sur des travées du groupe SER.)

M. David Assouline. Pourquoi dites-vous cela ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je le dis, parce que c’est une réalité ! Assumez le fait qu’un certain nombre de Français paieront plus demain qu’aujourd’hui ! (M. David Assouline sexclame.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est dans l’amendement !

M. Hussein Bourgi. C’est la justice fiscale !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je lis simplement l’amendement que vous avez rédigé avec minutie et précision, monsieur Assouline.

Deuxième observation, il ne vous a pas échappé que des transferts se feront selon la manière dont les personnes vivent dans un même foyer. Plusieurs personnes vivant sous un même toit pourraient être imposées, contrairement au dispositif actuel.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous aurez l’occasion de vous exprimer, monsieur Assouline, puisque vous maîtrisez parfaitement le sujet. Mais je pense qu’il y a tout de même quelques lacunes dans votre proposition.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je rejoins le propos du rapporteur général. Il suffit de lire l’amendement pour voir que, si la redevance de certains sera moins élevée, d’autres paieront plus qu’aujourd’hui. C’est factuel !

M. David Assouline. Et combien gagnent-ils, ceux-là ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Par ailleurs, des personnes qui ne paient pas la redevance devront la payer. Aujourd’hui, ceux qui sont dans la première tranche et qui déclarent ne pas avoir de téléviseur ne paient pas la redevance audiovisuelle.

M. Thomas Dossus. Et la TVA, ils la paient ou non ?

M. Vincent Éblé. Ils vont tous payer la TVA !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Et, demain, ils paieront la contribution que vous créez, qu’ils aient ou non une télévision. Pour beaucoup de Français qui seront au premier seuil de 30 euros que vous avez évoqué, c’est une nouvelle taxe ! (Protestations sur des travées des groupes SER et GEST.) Je ne fais que lire les amendements, et nous pouvons nous écouter !

Je vais maintenant répondre aux questions qui m’ont été posées. M. Breuiller, relayé par Thomas Dossus, me demandait si la suppression de la contribution à l’audiovisuel public cette année n’allait pas alourdir le déficit et la dette. Le présent projet de loi de finances rectificative, qui intègre cette suppression, prévoit un déficit pour 2022 de 5 %, contre 6,4 % l’an dernier. Bien que nous supprimions un impôt, nous continuons à réduire les déficits. Car nous nous sommes engagés dans un mouvement général d’économies par la sortie d’un certain nombre de dispositifs de relance qui coûtaient très cher.

La suppression de cet impôt s’inscrit donc dans ce mouvement global d’assainissement de nos comptes publics. Quand on baisse des impôts sur les entreprises, par exemple, nous ne les remplaçons pas par d’autres, et nous avons continué à réduire les déficits.

Je voudrais revenir sur un dernier point. Certains d’entre vous ont évoqué le fait que nous aurions prévu une dotation budgétaire et que nous serions passés à une part de TVA affectée en raison d’un risque d’inconstitutionnalité. Ce n’est pas le cas ! Dans le texte initial que nous avons transmis au Conseil d’État figurait une dotation budgétaire pour financer l’audiovisuel public. Or le Conseil d’État l’a validée sans réserve, sans soulever de risque d’inconstitutionnalité.

Si le système a changé, c’est simplement parce que, sur l’initiative de Mme Bergé, le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale a déposé un amendement qui a été adopté. La solution initiale présentée par le Gouvernement était parfaitement constitutionnelle.

M. Lafon regrettait que la commission figurant dans le rapport de MM. Karoutchi et Hugonet, auquel il a fait référence, ne figure pas dans la solution retenue. Il me semble que, dans le rapport, la commission était liée au fait qu’était prévue une dotation budgétaire : elle avait alors tout son intérêt. Comme nous retenons la solution d’une fraction de TVA affectée, la mise en place d’une telle commission a moins de sens : le montant de la ressource est garanti.

Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Nous pourrions prendre davantage de temps pour réfléchir à une nouvelle contribution. Si nous présentons notre proposition aujourd’hui, c’est bien parce que le Gouvernement a décidé d’aller extrêmement vite sur cette question. On aurait pu voter les amendements de suppression de l’article 1er et retravailler ensemble à la question plus tard. Nous sommes contraints par un calendrier.

Ensuite, monsieur le ministre, si la contribution que nous proposons vous paraît trop dure pour les plus modestes, déposez donc un sous-amendement et relevez le seuil à partir duquel les Français seraient mis à contribution ! Nous sommes tout à fait prêts à l’accepter.

Enfin, on peut, si on le veut, tout mélanger quand on parle d’impôts, mais il faut tout de même garder une certaine logique. Lorsque le président de la commission des finances dit ce soir, comme il lui était déjà arrivé de le faire, qu’il s’inquiétait du désarmement fiscal progressif de l’État et de la baisse des ressources publiques, nous devons, me semble-t-il, l’entendre.

Avec notre proposition, nous ne créons pas un nouvel impôt. C’est vous qui supprimez une taxe pour augmenter de manière très illusoire le pouvoir d’achat. Nous proposons de remplacer une contribution qui apparaît effectivement aujourd’hui injuste et datée par une nouvelle contribution plus progressive, plus juste et mieux adaptée au financement de l’audiovisuel public, et qui correspond à ce que fait aujourd’hui l’Allemagne pour financer l’audiovisuel public.

Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Monsieur Attal, vos déclarations sur ce que nous proposons ne sont pas justes. Vous ne dites ni qui va payer plus – ce sont les revenus supérieurs à 50 000 euros par an – ni que deux fois plus de Français – 8 millions – ne paieront rien et que la contribution sera ensuite de 30 euros.

Vous pouvez évoquer ceux qui n’ont pas de téléviseur. Dans toute l’Europe, la modernisation consiste à ne plus asseoir la contribution sur le téléviseur tout en maintenant une redevance – je pense à l’Allemagne, au Royaume-Uni et à la Suède – qui est universalisée. Ces pays ont considéré qu’aucun foyer ne peut prétendre aujourd’hui ne pas recevoir le service public de l’audiovisuel au vu des différents moyens de captation qui existent. Si on n’a pas de téléviseur, on a un téléphone, une tablette ou un ordinateur, parfois même plusieurs par foyer fiscal. Le mode de financement que nous proposons est infiniment plus juste, et il est moderne.

Le financement par la TVA risque – nous verrons ce qui sera voté tout à l’heure – de rendre le dispositif non pérenne. Vous pouvez clamer que le système est pérenne : ce n’est pas le cas, car vous ne pourrez plus affecter cette fraction de TVA à partir de 2025 selon la loi relative à la modernisation de la gestion des finances publiques que vous avez vous-même votée.

Au cas où vous voudriez cacher cet élément, le rapporteur fera voter ce soir par le Sénat le fait que c’est bien en 2025 que nous reverrons le financement, qui est donc – j’y insiste – non pas pérenne, mais seulement prévu pour deux ans.

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. L’absence de pérennité du dispositif est une atteinte à l’indépendance de l’audiovisuel public. C’est le Conseil constitutionnel qui sera saisi pour le dire.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. Je tiens d’abord à remercier les élus socialistes de formuler une telle proposition, qui élargit le débat et qui n’a rien de saugrenu. Pour preuve, dans la lettre de mission du Premier ministre Jean Castex, qui a donné lieu à la mission de l’IGF et de l’IGAC, l’étude de ce scénario était prévue.

On parle beaucoup du rapport, mais personne ne le cite. Je voudrais donc vous lire un paragraphe très intéressant sur l’étude du scénario d’affectation d’une fraction d’impôt existant : « Ce scénario figurait dans la lettre de mission. Les deux impôts des particuliers présentant un rendement suffisant pour remplacer la CAP sont la TVA […] et l’impôt sur le revenu […]. La mission n’a pas recueilli de données permettant de choisir entre ces deux options. » Cela signifie que la mission n’a pas recueilli de données suffisantes permettant d’opter pour la fraction de la TVA.

Le groupe centriste sera cohérent. Nous ne voterons pas les amendements, puisque, comme je viens de le dire, les données en faveur de ce choix ne sont pas suffisantes. Mais nous n’adopterons pas non plus la proposition du Gouvernement. Vous nous dites, madame la ministre, que vous êtes prêts, mais, manifestement, vous ne l’êtes pas. Le seul rapport financier que vous avez entre les mains sur la transformation de la CAP dit clairement que la mission n’a pas les données pour choisir entre les deux options. Pourtant, vous nous en proposez une. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 238.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 378.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 203 rectifié, présenté par M. Lafon, Mme Vermeillet, MM. J.M. Arnaud, Canévet, Capo-Canellas, Delahaye, Delcros, Maurey, Mizzon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 13

Les mots :

remplacés par les mots : « ainsi que du 3 du II et du III de l’article 1411 »

sont remplacés par le mot :

supprimés

II. – Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 18

Supprimer les mots :

et au 1° de l’article 1691 ter

IV. – Alinéa 28

Supprimer cet alinéa.

V. – Alinéas 32, 33 et 34

Supprimer ces alinéas.

VI. – Alinéa 36

Supprimer cet alinéa.

VII. – Alinéas 39 et 40

Supprimer ces alinéas.

VIII. – Alinéa 54

Rédiger ainsi cet alinéa :

IX. – A. – Le présent article, à l’exception du 10° du II et du 1° du III, entre en vigueur le 1er janvier 2023.

IX. – Alinéa 55

Supprimer cet alinéa.

X. – Alinéa 56

Remplacer l’année :

2025

par l’année :

2026

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. L’amendement que nous proposons est, à mon avis, un amendement de sagesse. C’est le seul qui puisse raisonnablement être voté aujourd’hui compte tenu des informations dont nous disposons.

J’ai retenu l’expression employée par M. Hugonet, le tempo, car cette notion me semble fondamentale. Une décision sur le financement de l’audiovisuel public pourra être prise quand nous aurons l’ensemble des éléments, notamment sur les sujets sur lesquels Mme la ministre nous a invités à réfléchir au travers des états généraux et de temps dédiés durant l’année prochaine.

Il reste tellement de questions en suspens. J’ai entendu le député Olivier Marleix, qui a voté le mercredi la proposition du groupe Renaissance sur la fraction de TVA affectée, dire le lundi suivant que le financement pourrait venir d’une taxe sur la publicité sur internet. Or le ministre vient de nous dire ce soir qu’il n’y aurait pas de nouvel impôt. Manifestement, les députés Les Républicains n’avaient pas tous les éléments en main lorsqu’ils ont voté.

Le ministre nous a aussi dit que le système de fraction de TVA pourrait peut-être s’appliquer au-delà de 2025. C’est un nouveau point que nous devons prendre en compte dans notre réflexion.

De nombreux éléments nous manquent. Le risque d’inconstitutionnalité est un sujet qui me paraît fondamental. Dès l’introduction, le rapport IGF-IGAC, que je voudrais citer encore une fois, relève que « le risque existe que le Conseil constitutionnel censure le remplacement d’une ressource dédiée par un financement par le budget de l’État ». C’est bien pour cela que le Gouvernement a sorti cette histoire de fraction de la TVA : il savait qu’une budgétisation présentait un risque d’inconstitutionnalité.

De nombreuses questions se posent. La sagesse est de reporter la réforme d’un an, mais d’annoncer que la redevance sera supprimée. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme le président. L’amendement n° 185, présenté par M. Husson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Après le mot :

proviennent

insérer les mots :

, jusqu’au 31 décembre 2024,

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement que je présente est tout aussi sage et opportun. Il prévoit de nous donner un délai raisonnable et connu de tous – deux ans, le terme étant fixé au 31 décembre 2024 – pour respecter les dispositions de la LOLF, sur lesquelles je redis que je ne partage pas du tout votre analyse, monsieur le ministre. J’espère que nous avons raison ; en tout cas, je continue à le croire.

Je demande donc à la majorité de notre assemblée de m’accorder sa confiance, ce qui nous permettra de poser un premier rapport de force.

Surtout, je demande au Gouvernement d’intégrer la demande de la mise en place d’une commission sur le modèle allemand qui aura pour objet d’évaluer le coût des missions de service public assignées aux opérateurs audiovisuels, de suivre la gestion du dispositif et de tracer une trajectoire pluriannuelle permettant de concilier les enjeux de garantie de financement et l’objectif d’un audiovisuel public indépendant.

Mme le président. L’amendement n° 443, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 38

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 39

Rédiger ainsi cet alinéa :

5° Le 3 est ainsi rédigé :

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 173 rectifié ter, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Breuiller, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 40

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans la loi de finances de l’année, ladite fraction de la taxe sur la valeur ajoutée affectée au financement de l’audiovisuel public est a minima indexée sur l’inflation.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Il s’agit d’un amendement de repli.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public sous le prétexte fallacieux d’un gain de pouvoir d’achat pour les Français, une fraction de la TVA devant être affectée au financement de notre audiovisuel public jusqu’en 2025. En effet, alors que nombre de nos concitoyens sont exemptés de redevance, la TVA s’applique à tous, sans condition de ressources.

Toutefois, dans l’optique de l’adoption probable du texte du Gouvernement, il convient d’assurer à l’audiovisuel public les moyens de sa mission. Or la source de financement des opérateurs de l’audiovisuel public ne doit pas être amoindrie d’année en année par l’inflation. Cet amendement a donc pour objet d’instaurer une indexation annuelle sur l’inflation de la fraction de TVA affectée au financement de l’audiovisuel public.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait des amendements nos 203 rectifié et 173 rectifié ter au profit de son amendement n° 185 et elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 443 du Gouvernement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Lafon, vous avez indiqué, en défense de votre amendement n° 203 rectifié, que l’on ne pouvait décorréler le financement de l’audiovisuel public d’un travail de réflexion à son sujet, mais ce qui est en jeu ici, ce n’est pas son financement, c’est la modalité de son financement. Le financement de l’audiovisuel public est garanti dans le texte qui vous est soumis. En vous écoutant, on pouvait avoir le sentiment que, si la disposition du Gouvernement était adoptée, l’audiovisuel public ne serait plus financé au cours des deux prochaines années. Évidemment si !

Nous donnerons d’ailleurs toutes les garanties à la trajectoire pluriannuelle de l’audiovisuel dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques ; c’est du reste l’objet des contrats d’objectifs et de moyens. On ne peut donc pas affirmer qu’il nous faudra réfléchir à l’organisation de l’audiovisuel public sans que son financement soit prévu. Non, je le répète, son financement est garanti, la seule question est celle des modalités de ce financement.

Toute la réflexion que vous avez évoquée sur la réforme de l’audiovisuel public et l’ensemble des enjeux énumérés ce soir se tiendra donc dans les mois et les années qui viennent. La question posée au travers de cet article est seulement : doit-elle se mener en prélevant une redevance sur les Français ou non ? Nous prétendons que cette réflexion peut être conduite sans avoir à prélever 138 euros sur les Français.

Par ailleurs, je veux réagir aux interventions selon lesquelles 138 euros, ce ne serait rien. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. David Assouline. Qui a dit cela ? Vous inventez !

M. Vincent Éblé. Personne n’a prétendu une telle chose !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Si ! L’un de vous a converti cette somme pour montrer que cela ne représentait que quelques dizaines de centimes par jour. Or on a eu des débats plus importants à propos d’une somme de 5 euros par mois. Il y a des Français, assujettis de peu, se situant juste au-dessus du seuil d’imposition, pour qui une économie de 138 euros à l’automne, ce n’est pas rien, c’est un gain de pouvoir d’achat.

Enfin, je veux revenir sur la question de la constitutionnalité du dispositif. J’ai entendu vos propos sur le rapport de l’IGF et de l’IGAC, monsieur Lafon. J’ai évidemment un très grand respect pour l’IGF, dont je partage la tutelle avec Bruno Le Maire, ainsi que pour l’inspection générale des affaires culturelles, mais, pour évaluer la constitutionnalité d’un dispositif, je fais également confiance au Conseil d’État, qui a validé sans réserve notre proposition initiale comme étant respectueuse de la Constitution.

Le Gouvernement demande donc le retrait des amendements nos 203 rectifié de M. Lafon et 173 rectifié ter de Mme de Marco ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Je termine en évoquant l’amendement n° 185 de M. le rapporteur général. C’est vrai, monsieur le rapporteur général, nous n’avons pas la même analyse juridique. Je ne fais pas d’analyse moi-même, je dis simplement qu’il existe un débat juridique sur la question. Néanmoins, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur votre amendement, qui tend à encadrer les choses. De toute façon, je le répète, nous mènerons ce travail.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Je veux dire un mot de la commission évoquée dans le rapport de Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi, et que j’avais évoquée lors de mon audition devant la commission de la culture du Sénat.

Nous avons poursuivi, depuis lors, nos discussions avec l’Arcom, et il s’est avéré que cette autorité avait déjà tous les pouvoirs pour se faire la vigie de cette indépendance. Définir dans le détail la composition et le mode de fonctionnement de cette commission reviendrait donc à affaiblir ces nouveaux pouvoirs donnés au régulateur indépendant. Nous pourrons reprendre ce débat, mais, avec l’affectation d’une fraction de TVA, cette question est devenue moins sensible.

Par ailleurs, dans le rapport susmentionné des deux inspections, la piste évoquée était une affectation de l’actuel impôt sur le revenu, non la création d’un nouvel impôt, ce qui n’est finalement pas très éloigné de la solution du fléchage d’une partie de la TVA. Je vous invite à relire le passage concerné.

Enfin, je le répète, je suis disponible pour une discussion et un travail de fond sur les enjeux d’avenir de l’audiovisuel public. Je n’y insiste pas davantage, mais ma porte vous est ouverte.

Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je veux évoquer l’amendement de M. Lafon et celui de M. le rapporteur général.

L’amendement n° 203 rectifié est un amendement de repli par rapport à notre position. La suppression de la CAP a été adoptée, nous proposions de reporter la discussion à l’examen du projet de loi de finances pour 2023 et de remplacer la CAP par une contribution plus juste et progressive.

Cela dit, l’amendement de notre collègue Lafon ne nous pose pas problème, car il vise à faire la même chose. Il repose sur l’idée qu’il y a eu du bricolage, qu’il faut effectivement réformer, se donner le temps de coconstruire une solution permettant de répondre à l’impératif d’un financement pérenne.

Pourquoi, en revanche, ne pouvons-nous pas soutenir l’amendement n° 185 de la commission ? Parce qu’il va au bout de la logique du Gouvernement, lequel cache les choses : quand il propose un financement via la TVA, il sait que, en 2025, ce sera fini, que ce dispositif n’est pas pérenne. S’il l’avouait, il ne pourrait nous convaincre que l’audiovisuel public sera renforcé, aura une meilleure visibilité, pourra investir et être concurrentiel. M. le rapporteur général veut être plus franc, plus « cash », et il affirme que le financement par la TVA ne peut aller au-delà de 2025 et qu’il faudra revoir, à ce moment-là, son mode de financement.

Nous ne sommes pas d’accord, mais au moins c’est plus honnête.

Mme le président. Veuillez conclure.

M. David Assouline. Si cette mesure est adoptée, nous saurons que le financement de l’audiovisuel public ne sera pas assuré au-delà de 2025. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Votre temps de parole est épuisé.

M. David Assouline. Et nous en tiendrons compte dans notre saisine du Conseil constitutionnel.

Mme le président. Mon cher collègue, vous dépassez chaque fois votre temps de parole, qui est limité, je le rappelle, à deux minutes.

M. David Assouline. Certains ont droit à deux minutes trente ! Je vois tout, moi ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Pas du tout, monsieur Assouline !

La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Depuis le début de ce débat, quelque chose me gêne profondément.

L’annonce est belle – supprimer la redevance –, et encore cela ne concerne-t-il pas les plus modestes, qui ne la paient pas, mais que diront les citoyens lorsqu’ils découvriront que, par le truchement de la TVA, qu’ils acquittent quand ils font leurs achats, ils continueront de payer la redevance ? Quelles en seront les conséquences sur le lien de confiance entre les citoyens et la politique ? L’annonce est forte – on paiera moins d’impôts –, mais ils découvriront tôt ou tard, s’ils ne le savent pas encore, que, via leurs achats, ils continueront de payer cette redevance.

En outre, le financement de 3,7 milliards d’euros n’est pas de l’argent magique, virtuel. Ce sera pris quelque part. Où ? Qu’aurons-nous, qu’auront les citoyens en moins, après cette affectation de TVA ?

Mme le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Bien sûr, il y a eu impréparation, imprévision, précipitation, mais qu’un candidat à une élection, quelle qu’elle soit, ait à cœur, une fois élu, de tenir ses promesses, ne constitue pas pour moi une abomination ni un motif de désolation.

Nous en sommes tous d’accord, sur ces travées, la redevance était usée jusqu’à la corde, non seulement parce que le vecteur sur lequel elle s’adossait, la taxe d’habitation, a disparu, mais encore parce qu’elle n’a plus de sens à l’heure du numérique. On a dans les foyers, désormais, de plus en plus d’écrans et de moins en moins de téléviseurs.

Maintenant, les choses doivent être claires. Pour ceux qui en refusent la disparition, par quoi peut-on la remplacer ? Il y a deux types de solutions, en dehors de la budgétisation de la TVA : soit une contribution universelle – c’est la solution allemande –, qui signifierait de faire participer à cette contribution plusieurs millions de foyers, donc, monsieur Assouline, de taper sur les classes moyennes ;…

M. Bruno Retailleau. … soit l’instauration d’une taxe sur les achats d’appareils multimédias. Le chiffre d’affaires de ce secteur est de 24 milliards d’euros. Vous voudriez donc, mes chers collègues, créer une taxe rapportant 3,7 milliards d’euros, soit une taxe de plus de 15 % ?

Sur ce budget rectificatif, le groupe Les Républicains est le seul à proposer, au travers de son amendement n° 153 rectifié, des économies.

Par ailleurs, monsieur le ministre, ce n’est pas parce que vous avez fait des économies que vous pourrez faire cette dépense fiscale, c’est tout simplement parce que, entre la loi de finances initiale et le PLFR, vous avez eu un surcroît de 6,5 milliards d’euros de TVA.

Enfin, madame la ministre, vous avez mis la charrue avant les bœufs ; je vous le demande donc solennellement : conduirez-vous oui ou non la grande réforme de l’audiovisuel public ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Ce débat est passionné – j’en veux pour preuve sa longueur –, mais il est important.

Or, s’agissant d’un projet de loi de finances rectificative, la question financière doit être centrale. Monsieur Retailleau, le groupe Union Centriste propose aussi des économies, notamment une économie de 3,1 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable, au travers de cet amendement.

Rappelons-le clairement, en 2009 et en 2010, le déficit budgétaire s’élevait à environ 150 milliards d’euros ; c’étaient les premiers déficits d’une telle importance, dépassant le seuil de 100 milliards d’euros. Ce déficit a atteint 178 milliards d’euros en 2020 et 170 milliards d’euros en 2021, et on s’oriente de nouveau vers 178 milliards d’euros cette année. Il est temps que l’on prenne conscience de la réalité des déficits publics dans notre pays et que l’on se rende compte que l’on ne peut continuer indéfiniment à reporter sur les générations futures le coût de décisions que nous prenons aujourd’hui.

Nous devons donc être prudents avec les réductions de recettes – d’où notre présent amendement et d’autres amendements à venir – et nous avons proposé la création d’une contribution exceptionnelle, afin d’apporter au budget de l’État une recette supplémentaire ponctuelle ; la Haute Assemblée n’a pas souhaité adopter cette mesure et nous le regrettons.

J’appelle toutefois votre attention à tous sur l’impact budgétaire de la décision que nous nous apprêtons à prendre : 3,1 milliards d’euros seront financés exclusivement par de la dette supplémentaire si nous ne reportons pas d’au moins un an de la suppression de la redevance.

Chacun est placé devant ses responsabilités.

M. Hervé Maurey. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 203 rectifié.

J’ai été saisie de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la deuxième, du groupe Les Républicains et, la troisième, du groupe Union Centriste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 137 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 149
Contre 193

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 185.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 138 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l’adoption 182
Contre 146

Le Sénat a adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 443.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 173 rectifié ter.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l’adoption 77
Contre 251

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 140 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 196
Contre 147

Le Sénat a adopté.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 405 rectifié bis

Après l’article 1er

Mme le président. L’amendement n° 350 rectifié ter, présenté par Mmes Devésa, Vermeillet, V. Boyer et Bonfanti-Dossat et MM. J.M. Arnaud, Détraigne et Duffourg, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les trois années suivant sa suppression, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant l’impact de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public sur les finances et sur l’indépendance des sociétés audiovisuelles publiques.

La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement de Mme Devésa vise à demander au Gouvernement, la contribution à l’audiovisuel public ayant été supprimée, de remettre un rapport au Parlement trois ans après cette suppression.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Demande de retrait !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 350 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 350 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 329 rectifié et n° 439

Mme le président. L’amendement n° 405 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Grand, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Menonville, Mme Mélot et MM. Médevielle, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au II de l’article 299 quater du code général des impôts, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 6 % ».

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. La suppression de la redevance soulève la question du financement de l’audiovisuel public sous deux angles différents : d’une part, comment garantir, de façon pérenne et stable, les ressources affectées à ce service public et, d’autre part, quelles ressources mobiliser alors que la production audiovisuelle se résume de moins en moins à une diffusion par le canal télévisuel ?

À cet égard, la solution retenue par l’Assemblée nationale consistant à affecter à l’audiovisuel public, jusqu’à 2025, une fraction de TVA n’est ni pérenne ni stable. Il est donc à craindre que cette option ne permette pas de stabiliser le modèle économique de l’audiovisuel public.

Si la suppression de la redevance audiovisuelle se justifie du point de vue du contribuable, elle fait peser une charge inéquitable sur l’ensemble des Français et n’apporte pas de solution fiscale innovante en phase avec les nouveaux modèles économiques des médias numériques.

Or le Gouvernement a fait adopter, au cours du précédent quinquennat, une taxe sur les services numériques qui vise précisément à faire contribuer les nouveaux géants du numérique au financement de nos services publics. C’est pourquoi cet amendement vise, à l’occasion du débat sur le financement de l’audiovisuel public, à doubler le taux de cette taxe, dite Gafam, afin de renforcer ce levier fiscal, qui paraît plus adapté à la réalité des géants du numérique.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement, puisque les travaux sur cette taxe universelle doivent aboutir en 2023 ou 2024.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis pour les mêmes raisons.

Mme le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 405 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, madame le président.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 405 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 304 rectifié

Mme le président. L’amendement n° 405 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 329 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1609 sexdecies B du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le V est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le taux : « 5,15 % » est remplacé par le taux : « 10,30 % » ;

b) À la deuxième phrase, le taux : « 15 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;

2° Le VI est ainsi rédigé :

« Le produit de la taxe est affecté pour moitié au Centre national du cinéma et de l’image animée et pour l’autre moitié aux sociétés et établissements publics visés par les articles 44, 45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que de la société TV5 Monde »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement est défendu !

Mme le président. L’amendement n° 439, présenté par MM. Dossus, Breuiller, Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1609 sexdecies B du code général des impôts est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa du V est complétée par les mots : « pour les redevables mentionnés au 1° du II et à 10 % pour les redevables mentionnés aux 2°, 3° et 4° du II » ;

2° Au VI, après le mot : « affecté », sont insérés les mots : « pour moitié » ;

3° Le même VI est complété par les mots : « et pour moitié aux sociétés et à l’établissement public mentionnés aux articles 44, 45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi qu’à la société TV5 Monde. »

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Au travers de cet amendement, qui se situe dans la droite ligne des précédents, je vous propose, mes chers collègues, de sécuriser le budget de l’audiovisuel public, en diversifiant la source de ses revenus.

Il est ainsi proposé de faire contribuer les plateformes de contenu en ligne – YouTube, Netflix ou Prime Video –, mais, plutôt que de mettre en place une usine à gaz financière, nous proposons un dispositif très simple s’appuyant sur la taxe existante sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels, sans créer de nouveau prélèvement.

Nous proposons de renforcer le produit de cette taxe en en faisant passer le taux de 5,15 % à 10 % pour le contenu des plateformes en ligne. Nous souhaitons en exclure les loueurs de films, dont l’activité est loin d’être florissante et que nous ne souhaitons pas pénaliser. La moitié du rendement de cette taxe serait affectée à l’audiovisuel public, à côté du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), son bénéficiaire actuel.

Ce nouvel assujettissement aurait du sens, car ces plateformes agissent dans le domaine de l’audiovisuel, en diffusant du contenu. Nous devons moderniser et adapter le mode de financement. Ces plateformes jouent un rôle majeur dans l’audiovisuel et nous avons des difficultés à les faire contribuer à la solidarité nationale.

D’où cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 329 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 439.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 329 rectifié et n° 439
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 404 rectifié bis

Mme le président. L’amendement n° 304 rectifié, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du 3° du III de l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts est supprimée.

La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. La taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) rapporte à peu près 111 millions d’euros au CNC. Cette taxe est complexe, elle comporte plusieurs volets : l’un lié, pour simplifier, à YouTube et l’autre à Netflix, c’est-à-dire aux abonnements payants. Il faudrait documenter davantage cette taxe, car il est difficile de disposer d’éléments sur son assiette précise.

Le présent amendement tend à supprimer l’abattement applicable au volet relatif à certaines vidéos de YouTube. Cela permettrait de financer le CNC, qui va subir une perte de ses ressources les moindres entrées en salle entraînant une diminution du produit de la taxe de 25 % ou 30 % sur la billetterie et, si le Gouvernement l’accepte, le Centre national de la musique (CNM), dont les ressources ont été réduites par les effets d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) relative aux droits d’auteur.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer l’abattement dont bénéficie YouTube pour cette taxe, afin de financer le CNC aujourd’hui et, peut-être, le CNM demain.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est une demande de retrait.

Premièrement, je signale à notre collègue Bargeton que le CNC n’est aucunement demandeur de la proposition qui est faite.

Deuxièmement, la TSV vise principalement à faire contribuer l’ensemble des acteurs qui tirent profit de la diffusion d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles professionnelles, et qui bénéficient, à ce titre, du soutien du CNC. Elle ne vise cependant pas à taxer les revenus tirés des contenus amateurs, qui ne sont pas, quant à eux, subventionnés.

Par ailleurs, YouTube, notons-le, n’est pas la seule plateforme visée par une telle mesure : DailyMotion, plateforme de vidéo en ligne française, pourrait être concerné.

M. Julien Bargeton. Bien sûr ! Mais on écoute beaucoup de musique sur ces plateformes !

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Mes propos rejoignent ceux du rapporteur général. En réalité, la suppression de cet abattement viendrait rompre le lien établi par cette aide entre contribution et bénéfices. L’abattement a précisément été prévu pour que les contenus amateurs, qui ne bénéficient pas du soutien du CNC, ne soient pas concernés, ou, tout du moins, soient moins mis à contribution.

En outre, cette mesure, qui n’a pas de lien direct avec la question du pouvoir d’achat, trouve davantage sa place dans un PLF. Aussi, je demande le retrait de l’amendement.

Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Reparler de cette taxe est intéressant : cela donne l’occasion de rappeler qu’elle a donné lieu à un débat important au Sénat. Ma proposition, à l’époque, avait déjà été l’occasion d’une convergence avec nos collègues centristes, en particulier Mme Morin-Desailly, afin de la faire adopter dans un environnement plutôt hostile. Comme quoi, des combats valent d’être menés, histoire de n’en plus parler ensuite…

Cette taxe a, de manière notable, permis au cinéma français d’occuper la place qui est la sienne, jusqu’à présent encore. Grâce à elle, il a pu résister non seulement aux plateformes, mais aussi au phénomène généralisé de fermeture de salles, perceptible en Europe même. Le cinéma français a tenu son rang parce qu’il a su se diversifier.

Il n’est pas bon que ce débat se tienne immédiatement après la question du financement de l’audiovisuel. Cette taxe est orientée vers le cinéma et la création, au moment même où cet art, du fait des moindres entrées provoquées par la pandémie, va mal et que se pose la question de la pérennité de son financement.

S’il faut discuter d’une augmentation de cette taxe YouTube, il faut l’envisager d’une manière globale, et non dans la précipitation, en évaluant les besoins exacts, en débattant, dans ce nouvel environnement, de la destination des fonds affectés.

Depuis l’adoption, il y a quelques années, de cette taxe, les choses ont beaucoup évolué. Dans l’environnement numérique, l’enjeu des taxes, de la souplesse de notre législation et de notre réactivité, est très important ; pour autant, il ne faut pas tomber dans la précipitation.

Mme le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

M. Julien Bargeton. Je précise que YouTube sert principalement à écouter de la musique ; de fait, il faudra bien trouver un financement pour le CNM qui inclura ces plateformes. Mon amendement ne vise pas du tout à priver le CNC, qui perçoit actuellement l’intégralité du produit de la taxe, de quelques fonds que ce soit.

M. David Assouline. Oui, mais c’est pour l’audiovisuel !

M. Julien Bargeton. Bien sûr ! YouTube, cependant, est moins un site où l’on regarde des contenus audiovisuels qu’un lieu où, essentiellement, écouter de la musique. Augmenter le produit de la taxe, à travers la suppression de l’abattement, créerait un surplus de recettes, sans que le CNC en soit lésé ; ce surplus pourrait, par exemple, abonder le CNM. L’idée est de créer deux tuyaux différents.

J’entends que cela nécessite un débat : par conséquent, je retire mon amendement, dans l’espoir que nous en reparlions au moment de l’examen du PLF. Une fois encore, rien ne serait retiré au CNC, un surplus de recettes serait affecté au CNM.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 304 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 1er bis (nouveau)

Mme le président. L’amendement n° 304 rectifié est retiré.

L’amendement n° 404 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Grand, Lagourgue, A. Marc, Menonville et Médevielle, Mme Mélot et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au II de l’article 207 de la loi n° 2020–1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, les mots : « Pour les années 2021 et 2022 » sont supprimés.

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. L’article 207 de la loi de finances pour 2021 a temporairement exonéré, pour les années 2021 et 2022, de forfait social les abondements de l’employeur aux plans d’épargne entreprise (PEE) et interentreprises (PEI) qui complètent les versements des salariés pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe.

Cette exonération permet d’inciter les salariés à flécher leur épargne vers le renforcement des fonds propres des entreprises, d’accroître l’actionnariat salarié, qui est un facteur de motivation et de fidélisation des intéressés, et ainsi de favoriser le partage de la valeur dans l’entreprise.

Le présent amendement vise dès lors à pérenniser l’exonération temporaire de forfait social prévue par la loi de finances pour 2021.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il faut au préalable dresser un état des lieux. Ce travail sera conduit au moment de l’examen du PLF, raison pour laquelle je sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 404 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 404 rectifié bis
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Article 1er ter (nouveau)

Article 1er bis (nouveau)

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa du 2° du 1 de l’article 39 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s’applique pas aux fonds acquis auprès d’une entreprise liée au sens du 12 du présent article ou auprès d’une entreprise, y compris une entreprise individuelle, placée, dans les conditions définies au a du même 12, sous le contrôle de la même personne physique que l’entreprise qui acquiert le fonds. » ;

2° Le d du 3 de l’article 210 A est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de l’exercice au cours duquel la société absorbante déduit de son résultat imposable, en application du troisième alinéa du 2° du 1 de l’article 39, l’amortissement d’un fonds commercial pratiqué en comptabilité, ce fonds relève du présent d. Lorsqu’il ne donne pas lieu à un amortissement déduit du résultat imposable, le fonds commercial reçu relève du c du présent 3. »

II. – Le I s’applique aux acquisitions de fonds commerciaux intervenues à compter du 18 juillet 2022.

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 348 rectifié, présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer, Cuypers et D. Laurent, Mmes Gruny, N. Delattre et V. Boyer, MM. Klinger, Piednoir, Anglars et Savary, Mmes Di Folco et Dumont, M. Daubresse, Mme Gosselin, M. Sol, Mme Bourrat, M. H. Leroy, Mmes F. Gerbaud et Drexler, MM. Bouchet, Chatillon, Pointereau, Decool et Somon, Mmes Lassarade, Pluchet et Richer, MM. Allizard et Longeot, Mme Malet, M. J.P. Vogel, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mmes Lopez, Goy-Chavent et Ventalon, MM. Darnaud, Milon, de Nicolaÿ, Meignen, Courtial et Charon, Mmes Noël et Imbert, MM. Le Gleut, Burgoa et Belin, Mme Bellurot, M. Favreau, Mme Canayer et M. Gremillet, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le d du 3 de l’article 210 A est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de l’exercice au cours duquel la société absorbante déduit de son résultat imposable, en application du troisième alinéa du 2° du 1 de l’article 39, l’amortissement d’un fonds commercial pratiqué en comptabilité, ce fonds relève du présent d. Lorsqu’il ne donne pas lieu à un amortissement déduit du résultat imposable, le fonds commercial reçu relève du c du présent 3 ; »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Cet amendement est défendu.

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 307 rectifié est présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Chasseing, Grand, Médevielle, Decool, A. Marc, Verzelen et Capus et Mme Paoli-Gagin.

L’amendement n° 309 rectifié est présenté par MM. S. Demilly, Levi et Détraigne, Mmes Billon et Dumont, MM. Genet, E. Blanc, Henno, Chatillon, Lafon, Cadic et Courtial, Mme Ract-Madoux, MM. Duffourg, Le Nay, Chauvet et Mizzon et Mmes Jacquemet et Vermeillet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 307 rectifié.

M. Daniel Chasseing. Les dispositions que le présent amendement entend supprimer visent à réduire le champ d’application de la mesure d’amortissement fiscal des fonds commerciaux acquis à la suite de la crise économique provoquée par la covid-19

La disposition adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale vient limiter le champ d’application de cet amortissement fiscal, au motif d’un prétendu risque d’abus de la part des contribuables.

Cet amendement vient donc rétablir l’équité entre les contribuables et rendre à la notion d’abus de droit fiscal tout son sens : le législateur ne peut présumer des intentions abusives d’un contribuable alors même que des motifs relatifs à la pérennité et à la transmission de son entreprise ont présidé à ses choix.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour présenter l’amendement n° 309 rectifié.

M. Laurent Lafon. Il est défendu.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de ces amendements, qui trouveront davantage leur place dans le prochain PLF. Il faudra à cette occasion soumettre l’ensemble du dispositif à évaluation pour envisager la suite qu’il conviendra de leur réserver. Très honnêtement, les éléments dont on dispose pour l’heure ne plaident pas tellement en leur faveur.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet article est issu de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement visant à corriger une mesure votée en loi de finances initiale : des personnes en abusaient pour se vendre, à elles-mêmes, leur fonds de commerce afin de l’amortir, ce qui n’était pas l’objet du dispositif…

Demande de retrait, dans le cas contraire l’avis sera défavorable. Nous aurons l’occasion d’en discuter dans le cadre du projet de loi de finances, où ces amendements trouveront davantage leur place.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 348 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Daniel Chasseing. Je retire l’amendement n° 307 rectifié !

M. Laurent Lafon. Et moi, l’amendement n° 309 rectifié !

Mme le président. Les amendements identiques nos 307 rectifié et 309 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix l’article 1er bis.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
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Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 149

Article 1er ter (nouveau)

I. – Après le c de l’article 787 B du code général des impôts, il est inséré un c bis ainsi rédigé :

« c bis. La condition d’exercice par la société d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, prévue au premier alinéa du présent article, doit être satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement de conservation prévu au premier alinéa du a et jusqu’au terme de l’engagement de conservation prévu au c. Par dérogation, cette condition doit être satisfaite, dans le cas prévu au second alinéa du a, à compter de la transmission des titres et, dans le cas prévu au 2 du b, depuis deux ans au moins à la date de cette transmission. »

II. – Le I s’applique aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022 ainsi qu’à celles pour lesquelles, à cette même date, les conditions suivantes sont cumulativement remplies :

1° L’un des engagements mentionnés au c bis de l’article 787 B du code général des impôts est en cours ;

2° La société mentionnée au premier alinéa du même article 787 B n’a pas cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Mme le président. L’amendement n° 438 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Chasseing, Guerriau, Grand, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot et MM. Menonville, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque cette condition cesse d’être remplie, l’exonération partielle est appliquée, sous réserve que la société possède directement une participation dans une ou plusieurs sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de la société représentative des titres de sa ou ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale. »

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement de précision vise à sécuriser le dispositif introduit par le rapporteur général de l’Assemblée nationale.

Le nouvel article 1er ter légalise la condition, prévue par l’administration fiscale, d’exercice d’une activité opérationnelle par la société dont les titres font l’objet d’un pacte Dutreil jusqu’au terme des engagements de conservation.

Si une telle condition est souhaitable concernant les sociétés opérationnelles, elle est bien sûr discutable dans le cas d’une société holding animatrice qui détient des sociétés opérationnelles. L’ajout d’une telle condition s’apparente en effet à une sanction qui limite, de fait, le recours à ce régime dès lors que, si la holding cesse d’être animatrice, elle entraîne la fin du régime Dutreil, y compris lorsque la holding détient des sociétés ayant une activité opérationnelle.

Il est proposé de prévoir que, si la condition d’animation par la holding n’est plus respectée, l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit ne sera acquise qu’au prorata des participations détenues par la holding dans des sociétés opérationnelles, et non une perte à 100 % du régime.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 438 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er ter.

(Larticle 1er ter est adopté.)

Article 1er ter (nouveau)
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Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 150

Après l’article 1er ter

Mme le président. L’amendement n° 149, présenté par MM. Delcros, J.M. Arnaud, Canévet, Capo-Canellas, Delahaye, Maurey et Mizzon, Mme Vermeillet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au premier alinéa du I de l’article 779 du code général des impôts, le montant : « 100 000 € » est remplacé par le montant : « 150 000 € ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Nous avons abondamment parlé des engagements pris par le président-candidat lors de la dernière campagne présidentielle ; nous allons vous proposer d’en tenir un nouveau, formulé il y a peu.

Il s’agit de relever l’abattement des droits de mutation à titre gratuit de 100 000 à 150 000 euros par part, pour tenir compte de l’évolution du prix des maisons dans notre pays, et de satisfaire les attentes des classes moyennes.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement relève de 100 000 à 150 000 euros l’abattement de droit commun pour les donations en ligne directe. J’aime bien calculer les proportions : à ce titre, vous proposez tout de même une augmentation de 50 %…

Je comprends la préoccupation qui est la vôtre : discutons-en dans le cadre de l’examen du prochain PLF. Un travail complémentaire est nécessaire pour envisager la manière de réduire les inégalités tout en remédiant aux difficultés ainsi soulevées.

Le ministre Bruno Le Maire – je le rappelle – s’est montré plutôt favorable à cette réforme. J’espère que le Gouvernement posera un certain nombre de bases qui permettront un travail en bonne intelligence avec les deux assemblées.

M. Pascal Savoldelli. Entre ça et les 138 euros, ils vont faire une affaire !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Demande de retrait.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Merci pour l’attention que vous portez aux engagements de la campagne… L’amendement les excède quelque peu : il comprend les donations alors que, dans le cadre du programme électoral, il me semble que les successions étaient seules visées.

En tout état de cause, nous voulons avoir ce débat dans le cadre classique de l’examen du PLF : nous aurons l’occasion d’en parler longuement. Demande de retrait.

Mme le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° 149 est-il maintenu ?

M. Michel Canévet. Non, je le retire. Cependant, comprenez que nous sommes attachés à ce que les engagements du président-candidat soient effectivement tenus… (Sourires.)

Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 149
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 297 rectifié bis

Mme le président. L’amendement n° 149 est retiré.

L’amendement n° 150, présenté par MM. Delcros, J.M. Arnaud, Canévet, Capo-Canellas, Delahaye, Maurey et Mizzon, Mme Vermeillet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Aux IV et V de l’article 779, les montants : « 15 932 € » et « 7 967 € » sont remplacés par le montant : « 100 000 € » ;

2° Au premier alinéa de l’article 790 B, le montant : « 31 865 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;

3° À l’article 790 D, le montant : « 5 310 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;

4° Aux articles 790 E et au premier alinéa de l’article 790 F, le montant : « 80 724 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Cet amendement a le même objet que le précédent, mais il vise les successions en ligne directe au-delà du premier degré – entre grands-parents et petits-enfants – ainsi qu’en ligne indirecte. Nous proposons de porter les abattements à 100 000 euros, toujours pour tenir compte des engagements du président-candidat.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Demande de retrait, pour les mêmes raisons.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° 150 est-il maintenu ?

M. Michel Canévet. Non, je le retire.

Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 150
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 298 rectifié bis

Mme le président. L’amendement n° 150 est retiré.

L’amendement n° 297 rectifié bis, présenté par MM. Panunzi et D. Laurent, Mme Garriaud-Maylam, M. Babary, Mmes Demas, Dumont, Borchio Fontimp et Procaccia, MM. Houpert, Bascher et Darnaud, Mme Lassarade, MM. Pointereau, Longeot, Charon et Levi, Mme Devésa et M. Le Gleut, est ainsi libellé :

Après l’article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 779 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les donations, le montant de l’abattement est de 159 325 euros » ;

2° Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les donations, le montant de l’abattement est de 200 000 euros. »

II. – Le I entre en vigueur pour les donations postérieures à la date de promulgation de la présente loi.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.

M. Jean-Jacques Panunzi. Je retire cet amendement et le suivant, très semblables à ceux que vient de présenter notre collègue Michel Canévet ; j’y reviendrai dans le prochain PLF.

Je demande néanmoins l’avis de la commission… (Sourires.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission suit l’auteur des amendements… (Sourires.)

Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 297 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article 2

Mme le président. L’amendement no 297 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 298 rectifié bis présenté par MM. Panunzi et D. Laurent, Mme Garriaud-Maylam, M. Babary, Mmes Demas, Dumont, Borchio Fontimp et Procaccia, MM. Houpert, Bascher et Darnaud, Mme Lassarade, MM. Pointereau, Longeot, Charon et Levi, Mme Devésa et M. Le Gleut, est ainsi libellé :

Après l’article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au deuxième alinéa de l’article 784 du code général des impôts, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

II. –La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Cet amendement a été retiré.

Article additionnel après l'article 1er ter - Amendement n° 298 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 2 - Amendements n° 228 rectifié quater et n° 314 rectifié quater

Article 2

(Supprimé)

Article 2
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 131 rectifié quinquies

Après l’article 2

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 228 rectifié quater est présenté par MM. Verzelen, Grand, Malhuret, Menonville, Chasseing et Lagourgue, Mme Mélot, M. Decool, Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Médevielle, A. Marc, Guerriau et Wattebled, Mme N. Delattre, MM. Meurant, Pointereau, Guérini et Calvet, Mmes Dumont et Thomas, M. P. Martin, Mme Drexler, MM. Kern, Bonnus, Bacci, Levi, Longeot et Cadec, Mme de Cidrac et MM. L. Hervé, Mizzon, Cigolotti, J.B. Blanc, Klinger et Courtial.

L’amendement n° 314 rectifié quater est présenté par MM. Anglars et Mandelli, Mme Estrosi Sassone, MM. Bas, D. Laurent, Savary, Sautarel, Frassa et B. Fournier, Mme Di Folco, M. Brisson, Mme Malet, MM. Tabarot et Burgoa, Mmes Belrhiti et Demas, M. Bouchet, Mmes Pluchet, Ventalon et Joseph, M. J.P. Vogel, Mmes M. Mercier et Bourrat, M. Darnaud, Mmes Borchio Fontimp et F. Gerbaud, MM. Mouiller, de Nicolaÿ et Genet, Mme V. Boyer et M. Segouin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :

1° Après la quatrième ligne du tableau constituant le second alinéa de l’article L. 312-48, est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

Transport nécessaire aux activités des services d’incendie et de secours

Gazoles

L. 312-52-1

30,02

Essences

L. 312-52-1

40,388

 » ;

2° Après l’article L. 312-52, il est inséré un article L. 312-52–… ainsi rédigé :

« Art. L. 312-52–… – Relèvent d’un tarif réduit de l’accise les gazoles et les essences consommés pour les besoins de la propulsion des véhicules affectés aux activités des services d’incendie et de secours prévus à l’article L. 722-1 du code de la sécurité intérieure. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 228 rectifié quater.

M. Jean-Pierre Grand. Nous connaissons tous très bien les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), qui interviennent auprès de l’ensemble des citoyens et opèrent sur des zones géographiques parfois très étendues.

Il est primordial de faciliter leur organisation matérielle, qui repose sur un parc de véhicules d’intervention et nécessite une grande consommation de carburant.

En effet, la consommation de carburant représente un poste de dépenses considérable pour les SDIS, malgré leurs budgets contraints, largement abondés par les départements.

Aussi, il serait nécessaire qu’ils puissent bénéficier d’un tarif réduit de la fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons.

Le présent amendement vise par conséquent à ajouter un article additionnel au sein du code des impositions sur les biens et services permettant aux SDIS de bénéficier de ce tarif réduit.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour présenter l’amendement n° 314 rectifié quater.

M. Jean-Claude Anglars. Les SDIS – tout le monde le sait dans cet hémicycle – sont exclusivement à la charge des collectivités locales : département, commune, communauté de communes. Il s’agit, eu égard aux dépenses qui sont les leurs, de leur faire bénéficier d’un tarif réduit sur les gazoles et essences destinés aux véhicules affectés aux activités des services d’incendie et de secours, en insérant un article additionnel après l’article L. 312-52 du code des impositions sur les biens et services.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme mes collègues cosignataires de ces amendements, j’ai conscience que les SDIS exercent une mission de service public particulièrement éprouvante, dans des conditions de plus en plus difficiles, ce que nous constatons actuellement. Néanmoins, je demande leur retrait. Vous conviendrez qu’ils tendent à ajouter une dépense fiscale, qui plus est pérenne, directement en faveur de carburants d’origine fossile. Cela ne me semble pas complètement conforme à nos engagements en matière de transition écologique…

En revanche, je le signale, je suis plus ouvert à un allégement des taxes sur l’immatriculation des véhicules des SDIS. Le dispositif n’est pas le même et, me semble-t-il, relève d’une logique qui n’opère pas de distinction entre les SDIS.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ces amendements sont l’occasion pour nous d’exprimer tout notre soutien aux SDIS, aux femmes et aux hommes qui s’engagent et qui protègent les Français.

D’abord, au sujet du carburant, les SDIS bénéficient de la ristourne à la pompe que nous avons mise en place.

Ensuite, le rapporteur général a invoqué un autre argument important : celui en faveur de la transition écologique.

Enfin – et cela n’a pas été dit –, cette mesure ne serait pas conforme au droit européen, qui permet des taux réduits sur le carburant seulement dans un nombre limité de secteurs, par exemple dans le transport de marchandises. Les SDIS, en l’occurrence, ne peuvent en bénéficier.

Demande de retrait.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Anglars. Eu égard à ce que nous venons d’entendre et en particulier à ce qu’a indiqué le rapporteur général, je retire mon amendement.

Mme le président. L’amendement n° 314 rectifié quater est retiré.

Monsieur Grand, l’amendement n° 228 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire.

Article additionnel après l'article 2 - Amendements n° 228 rectifié quater et n° 314 rectifié quater
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 17 rectifié bis

Mme le président. L’amendement n° 228 rectifié quater est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 131 rectifié quinquies, présenté par M. Grand, Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Malhuret, Chasseing, Decool, Lagourgue et Médevielle, Mme Mélot et MM. Menonville, Verzelen, A. Marc, Wattebled, Guerriau et L. Hervé, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 421-30 du code des impositions sur les biens et services est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les véhicules acquis par les services départementaux d’incendie et de secours pour assurer leurs missions prévues au chapitre IV du titre II du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales ne sont soumis à aucune de ces taxes. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement a trait aux seuls véhicules dont les SDIS feront l’acquisition et qui seront soumis à la taxe malus sur les véhicules polluants.

Il s’agit principalement de véhicules puissants, tout-terrain, des 4x4, qui seuls peuvent pénétrer les terrains les plus hostiles pour combattre les flammes : nous avons en tête, malheureusement, des exemples récents. Ces véhicules, également, sont les seuls adaptés pour intervenir lors des crues et des inondations.

Cet amendement vise seulement et uniquement à supprimer la taxe malus sur les véhicules polluants – qui porte très mal son nom – pour l’acquisition par les SDIS d’équipements neufs.

Ce serait un geste important à l’égard des pompiers, à l’égard des SDIS, à l’égard des départements. À titre d’exemple, dans le département de l’Hérault, cela représente 230 véhicules, et, sur l’arc méditerranéen, autour de 4000. Ils sont conservés plusieurs années ; aussi sont-ils amortissables.

En regardant cela de près, cette dépense représente un coût relativement modeste pour l’État : le geste n’en est pas moins très fort.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 131 rectifié quinquies
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 241 rectifié ter

Mme le président. L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, M. Laugier, Mme Bourrat, MM. Bacci, Bonnus, Bouloux, Perrin, Rietmann, Tabarot et Calvet, Mme Belrhiti, M. Lefèvre, Mme Chauvin, MM. Burgoa, Bascher, Pellevat et Meurant, Mme Demas, M. Chasseing, Mmes Bonfanti-Dossat et Perrot, M. P. Martin, Mme Gruny, MM. D. Laurent, Brisson et B. Fournier, Mme Imbert, M. Levi, Mme Drexler, MM. Klinger, Cigolotti, Allizard, Bonhomme, Belin, Anglars et Meignen, Mme Puissat, MM. Le Gleut, Genet, Longeot et C. Vial, Mme Malet, MM. Frassa et Mouiller, Mmes Deseyne et Billon, M. Menonville, Mme Férat, MM. Pointereau et Darnaud, Mme Procaccia, M. Houpert, Mme Estrosi Sassone, M. J.P. Vogel, Mme V. Boyer, M. J.M. Boyer, Mme Gosselin, M. Cambon, Mmes Garriaud-Maylam et Dumont, M. Gremillet, Mmes Canayer et Borchio Fontimp, M. Piednoir, Mmes Ract-Madoux et Raimond-Pavero et M. Rapin, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :

1° L’article L. 421-65 est ainsi rédigé :

« Art. L. 421-65. - Est exonéré :

« 1° Tout véhicule accessible en fauteuil roulant ;

« 2° Tout véhicule affecté aux besoins de la protection civile et des services de lutte contre les incendies. » ;

2° L’article L. 421-76 est ainsi rédigé :

« Art. L. 421-76. - Est exonéré :

« 1° Tout véhicule accessible en fauteuil roulant ;

« 2° Tout véhicule affecté aux besoins de la protection civile et des services de lutte contre les incendies. »

II. – La perte de recettes pour l’état est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Le présent amendement vise également à exonérer de taxe malus sur les véhicules polluants et de taxe sur la masse en ordre de marche les véhicules des pompiers et de la protection civile.

La fiscalité à laquelle sont assujettis ces véhicules est particulièrement forte : ils sont lourds et puissants. Certains sont partiellement exonérés grâce à une instruction fiscale, mais ce n’est pas le cas de l’ensemble.

Monsieur le rapporteur général, dès l’examen du PLF pour l’année 2022, alertés par la protection civile de notre département, nous avions soulevé cette question avec mes collègues des Yvelines.

Récemment, avec ce que beaucoup de nos sapeurs-pompiers vivent, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) indiquait qu’un 4x4 utilisé pour reconnaissance avant intervention pouvait être grevé jusqu’à 30 000 euros du fait du malus écologique.

Ces sommes sont intenables, en plein contexte inflationniste, avec la multiplication des missions, à moyens constants, des soldats du feu et de la protection civile. Le coût d’une telle mesure reste très mesuré, en raison des exonérations déjà existantes.

Les sapeurs-pompiers et les associations de protection civile n’ont pas d’autre choix que d’avoir des véhicules lourds ; il est inconcevable que la fiscalité écologique pèse à ce point sur leurs dépenses, leur financement étant déjà précaire.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. À travers ces deux amendements, nous mesurons les conséquences de certaines décisions dont la mise en œuvre peut être considérée comme trop hâtive. Pour ce type de matériel, face à l’absence de choix ou, en tout cas, face à un matériel roulant ne répondant aux nouvelles normes, vous êtes en quelque sorte dans l’impasse.

Peut-être certains pensent-ils qu’une collectivité est toujours là, derrière, pour payer les SDIS, et que, finalement, tout cela ne coûte rien. Cela coûte pourtant au contribuable.

Dès lors que l’on touche aux associations comme la protection civile, la gêne est réelle : peut-être – je dis bien peut-être – aurait-il été nécessaire de prévoir des dérogations temporaires, au moins pour laisser le choix à ces acteurs, quand du matériel répondant aux critères plus conformes aux nouvelles normes environnementales est à disposition.

Les amendements nos 131 rectifié quinquies et 17 rectifié bis sont assez proches. Celui qu’a présenté Mme de Cidrac me paraît plus conforme, et juridiquement « mieux écrit » – j’insiste sur les guillemets. Aussi, je demande à notre collègue Grand d’accepter de retirer son amendement au profit du second, sur lequel j’émets un avis de sagesse.

Je souhaiterais que le Gouvernement puisse nous éclairer sur le coût de la mesure avant que nous n’envisagions de la soutenir.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je ne dispose pas, dans la note qui m’a été préparée, monsieur le rapporteur général, du coût chiffré de la mesure. Mon équipe est en train de l’examiner ; si elle me communique un chiffre pendant que je m’exprime, je vous le transmettrai évidemment.

Ce débat n’est pas immédiatement lié à la question du pouvoir d’achat : il pourra avoir lieu à l’occasion de l’examen du prochain PLF.

Les véhicules utilitaires et les véhicules spéciaux ne sont pas soumis à la taxe malus sur les véhicules polluants. Aussi, actuellement, les véhicules opérationnels des SDIS sont déjà exonérés du malus écologique.

Ce sont les véhicules de reconnaissance, c’est-à-dire ceux de moins de quatre places, qui sont pour l’instant taxés et qui se retrouvent ainsi ciblés. S’il est décidé de les exonérer de malus pour les SDIS, pourquoi ne pas le faire pour le même type de véhicule relevant d’autres services publics de l’État et des collectivités locales, qui assurent aussi la protection des Français ?

Mon propos n’est pas d’écarter le débat, mais, pour les raisons que je viens d’exposer, il vaut mieux, me semble-t-il, revenir sur ce sujet à l’occasion de l’examen du PLF. Nous pourrons peut-être l’aborder de manière transversale en le liant à la question des véhicules de services publics comparables, plutôt que de le faire dans le cadre du PLFR, car il ne s’agit pas d’une urgence en termes de pouvoir d’achat.

Je demande le retrait des deux amendements, non pour clore le sujet, mais pour le renvoyer au PLF, qui me semble le bon vecteur.

Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Je suis depuis quelques mois, avec Anne-Catherine Loisier, au nom de la commission des affaires économiques, ainsi qu’avec Pascal Martin et Jean Bacci, corapporteur d’une mission de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, traitant notamment des grands feux.

J’ai signé l’amendement de ma collègue Marta de Cidrac et je le voterai. Il n’est pas possible de raisonner en termes de dépenses ; il faut raisonner, pour reprendre l’expression si chère au ministre Le Maire, en termes d’investissements.

Il s’avère que, le réchauffement climatique s’accélérant, les grands feux seront de plus en plus nombreux, sur des périodes de plus en plus importantes et sur des surfaces de plus en plus étendues. Cela ne se limite pas, d’ores et déjà, au sud de la France : ils remontent toujours plus vers le nord.

Le système français est efficace parce qu’il est fondé sur une attaque massive et immédiate portée sur les feux naissants ; cela fonctionne seulement parce que nous disposons des moyens matériels et humains d’intervenir sur ces feux. Or, désormais, avec la multiplication des missions des pompiers, entre lutte contre les grands feux et, notamment, secours à la personne, nous atteignons la limite de rupture capacitaire. Les pompiers sont au bout de ce qu’ils peuvent faire.

Chaque euro consacré à notre système de sécurité civile et à la lutte contre les incendies est un investissement. Si l’on raisonne en « coût du sauvé », qui est la vraie donnée à prendre en compte, il est estimé que les 200 millions d’euros investis ces dernières années dans les Bouches-du-Rhône dans la lutte contre les incendies ont engendré 5 milliards d’euros d’économie, en évitant la destruction par le feu de bois, de forêts, de bâtiments et d’exploitations.

L’examen du PLF devra être l’occasion de parler des moyens budgétaires consacrés à la sécurité civile. Ne nous retrouvons pas dans la situation des États-Unis, qui prennent tout juste conscience du problème, les contraignant à mettre de l’argent sur la sécurité civile et la défense incendie, alors que de nombreux gouverneurs le demandaient depuis longtemps.

Mme le président. Il faut conclure.

M. Olivier Rietmann. Ils ont dû mettre 2 milliards de dollars sur la table. Ils ont été obligés d’augmenter à 15 dollars le coût horaire d’un pompier.

Mme le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.

Mme Marta de Cidrac. Je remercie notre rapporteur général pour l’avis de sagesse.

J’entends vos explications, monsieur le ministre. Toutefois, je maintiens mon amendement, car je pense que le sujet est tout à fait à propos : il prend la mesure de l’urgence, rappelée par notre collègue Rietmann, dans laquelle nous vivons, que ce soit au sujet des grands feux, mais pas seulement. En effet, la protection civile est très sollicitée dans nos territoires : notre proposition constituerait un geste tout à fait attendu et apprécié par les SDIS et par la protection civile.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Je ne dispose pas des mêmes informations que le Gouvernement : les SDIS et l’ensemble des services du département m’ont affirmé que les 4x4 étaient bel et bien taxés. Quand on paie, on est généralement assez informé de ce qu’on sort de sa poche… Et j’ai une grande confiance dans ce qu’ils m’ont assuré.

Pour le reste, nous sommes dans une période où tout le monde trouve les pompiers très beaux et les SDIS, formidables. Quant à mon amendement, il porte exclusivement sur les SDIS, le reste étant un peu plus compliqué.

Je rejoins ma collègue sur la question de l’extension de l’exonération aux associations de protection civile, que je n’ai pas étudiée. Concernant les SDIS, le temps est venu d’aller au-delà des mots d’amour ! Par ailleurs, vous connaissez la situation financière des départements. Vous le savez, les SDIS ne changent pas leurs véhicules toutes les semaines : ils les conservent plusieurs années. Ces matériels particulièrement efficaces contribuent à préserver l’environnement. Par conséquent, leur imposer un malus environnement, alors même qu’ils préservent l’environnement, est un non-sens qu’il convient de régler au plus vite cette nuit.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous aurons un vrai débat, après avoir mené un vrai travail, sur la question du financement de la protection civile, de nos forces de sécurité, de toutes celles et de tous ceux qui luttent contre les incendies. Des discussions budgétaires se sont tenues avec mon collègue Gérald Darmanin dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. La programmation, de ce point de vue, est extrêmement ambitieuse, je peux vous le dire.

Je redis notre soutien aux SDIS, qui ont vu leurs ressources augmenter, puisque la taxe affectée qui les finance, la taxe sur les conventions d’assurance, a augmenté de plus de 3,3 % par an depuis 2017, donc beaucoup plus que l’inflation. Bien évidemment, il faut continuer à prendre toutes les mesures utiles pour les soutenir.

Si on légifère uniquement sur le malus des véhicules du SDIS, la police et la gendarmerie viendront demander la même chose ! Je propose donc d’aborder ces questions de manière globale dans le cadre du PLF.

Comme je le disais tout à l’heure, monsieur Grand, pour les véhicules de quatre places ou moins, le malus s’applique. Pour les gros véhicules, les utilitaires et les véhicules spéciaux qui servent à lutter contre le feu, il n’y a pas de malus écologique, fort heureusement !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 131 rectifié quinquies.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 17 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 421 rectifié bis

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 241 rectifié ter, présenté par MM. Gillé, Bouad, Bourgi et Féraud, Mme S. Robert, MM. Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Redon-Sarrazy, Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La sous-section 2 de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III du code des impositions des biens et services est complétée par un paragraphe et un article ainsi rédigés :

« Paragraphe …

« Tarifs réduits applicables aux consommations des activités des services départementaux d’incendies et de secours

« Art. - Relèvent d’un tarif réduit de l’accise les carburants utilisés pour les véhicules affectés aux activités des services départementaux d’incendies et de secours. »

II. – Les modalités d’application du I sont fixées par décret en Conseil d’État.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, vous renvoyez toujours les débats sur les SDIS au PLF. Je suis désolé, mais les SDIS, à l’heure actuelle, sont dans un mur budgétaire ! Au regard de la tension actuelle en termes d’activité, l’exercice 2022 sera particulièrement déficitaire au regard des moyens engagés. Il s’agit bien d’une urgence.

Nous ne sommes pas tenus, que je sache, de légiférer uniquement par rapport au pouvoir d’achat ! D’autres décisions concernant les collectivités ont été prises dans le cadre du PLFR.

Cet amendement a donc pour objet de réduire la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, en en exonérant les SDIS, qui sont des composantes essentielles de notre sécurité civile.

Vous avez fait référence, monsieur le ministre, à l’Europe. Or celle-ci permet tout à fait une telle dérogation, au titre de la directive 2003-96 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité. Un certain nombre d’activités – taxis, transports publics locaux, armée, etc. – peuvent bénéficier aujourd’hui de ces exonérations.

C’est un débat ouvert depuis déjà longtemps, mais insuffisamment traité. Ainsi, les SDIS doivent supporter des charges dont ils devraient être exonérés. C’est aujourd’hui qu’il faut prendre la décision ! Vous repoussez toujours le débat à demain, mais c’est maintenant qu’il faut agir.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer la TICPE payée par les SDIS.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 241 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 418 rectifié bis

Mme le président. L’amendement n° 421 rectifié bis, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les services définis aux articles L. 1424-1 à L. 1424-99 du code général des collectivités territoriales bénéficient d’une minoration de dix pour cent sur les tarifs de la fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et charbons, établis au chapitre II du titre Ier du livre III du code des impositions de biens et services.

II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Les services d’incendie et de secours restent fortement mobilisés cet été pour faire face aux incendies qui ont sévi ou continuent de sévir dans plusieurs départements.

Afin de les soutenir dans leurs missions, et dans la continuité de la lutte contre l’inflation des prix des carburants, cet amendement de Jean-Yves Roux prévoit une « TICPE pompiers », qui consisterait à minorer de 10 % les tarifs de la fraction sur les produits énergétiques autres que le gaz naturel et le charbon perçue en métropole, pour ces services d’incendie et de secours.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de ces deux amendements.

L’amendement n° 241 rectifié ter est inopérant sur la forme, puisqu’il s’insère mal dans le nouveau code des impositions sur les biens et services. Il prévoit, certes, un taux réduit d’accise sur les énergies pour le carburant utilisé par les véhicules des SDIS, mais il n’en fixe pas le niveau. Par ailleurs, cet amendement ne tend pas à modifier le tableau du même code.

Sur le fond, même si les SDIS sont sous les feux de l’actualité et exercent des missions de service public dans des conditions parfois délicates et difficiles, il reste, selon moi, un travail à conduire non seulement sur les points soulevés par M. le ministre, mais aussi sur les enjeux liés à la transition écologique, pour faire en sorte que les constructeurs, dans les délais les plus rapides possible, trouvent des solutions pour l’ensemble de leur matériel.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis pour les mêmes raisons.

Mme le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. À ce stade de nos débats, je me trouve embarrassé. Celles et ceux qui siégeaient dans cet hémicycle lors de l’examen de la dernière loi de finances se souviennent des débats que nous avons eus sur les SDIS.

À l’époque, le ministre de l’intérieur nous avait dit : « Donnez-moi quelques mois, le temps que la proposition de loi Matras arrive en débat. Nous réglerons à ce moment-là un certain nombre de dossiers. »

La proposition de loi Matras, qui a été adoptée, n’a pas permis de répondre à ces questions, qui sont toujours pendantes.

Je suis élu du département de l’Hérault, où, chaque jour, deux ou trois incendies se déclarent. Chaque fois qu’un véhicule de sapeurs-pompiers sort – je parle sous le contrôle de mon collègue Jean-Pierre Grand –, ce sont des budgets qui sont grevés. Monsieur le ministre, je vous le dis avec tout le respect que je vous dois : vous ne pouvez pas vous défausser en permanence sur l’Europe ! C’est toujours la faute ou la responsabilité de quelqu’un d’autre ! L’urgence, c’est aujourd’hui, et non pas demain, lors de l’examen du PLF !

Vous le savez bien, tout comme le ministre de l’intérieur et tous les Français qui lisent la presse ou regardent la télévision, il y a urgence à donner des moyens aux SDIS, qui remplissent des missions d’intérêt général et de service public.

Les déclarations d’amour ne suffisent plus ; il faut passer aux actes !

Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il ne faudrait pas mettre la transition écologique à toutes les sauces, comme c’est parfois la tendance !

Lors du débat sur la création de la TICPE, nous avions insisté sur un point : cette contribution climat-énergie, pour être acceptable, devait redescendre, notamment, vers les territoires. À l’époque, Gérald Darmanin avait dit, on s’en souvient : « Et pourquoi pas une nouvelle révolte des bonnets rouges ? » Et il y a eu les « gilets jaunes » !

Pour ma part, je suis très favorable à ces amendements. En effet, la transition écologique ne se joue pas sur ce type de véhicules ! C’est la sécurité et des enjeux environnementaux qui sont ici en jeu. Ainsi, dans ce cas précis, la TICPE est payée par les collectivités et abonde le budget de l’État. Qu’une exonération soit prévue pour les véhicules des SDIS me paraît donc logique. La transition écologique ne doit pas servir de prétexte à la création d’un flux financier des collectivités vers l’État.

Tout cela n’empêche pas que je continue bien évidemment à défendre la TICPE, quand elle sert à changer les comportements et à faire pression sur les constructeurs.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 241 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 421 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 421 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 493 rectifié bis

Mme le président. L’amendement n° 418 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Grand, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot et MM. Menonville, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les aides perçues en application du décret n° 2022-511 du 8 avril 2022 relatif aux aides exceptionnelles attribuées aux entreprises de transport public routier et aux entreprises de négoce d’animaux ne sont soumises ni à l’impôt sur les sociétés ni à l’impôt sur le revenu pour les artisans transporteurs.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. En mars dernier, au regard des difficultés économiques très importantes du secteur du transport routier, le Gouvernement a apporté une aide exceptionnelle par véhicule aux entreprises définies dans le décret n° 2022-511 du 8 avril 2022 relatif aux aides exceptionnelles attribuées aux entreprises de transport public routier et aux entreprises de négoce d’animaux.

La hausse des coûts des carburants a malheureusement encore fragilisé la situation des transporteurs. C’est pourquoi il est proposé d’apporter un soutien supplémentaire à ces entreprises, en prévoyant que les aides en question ne sont pas soumises à l’impôt.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Demande de retrait.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 418 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 418 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 248

Mme le président. L’amendement n° 493 rectifié bis, présenté par MM. Gontard, Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 421-178 du code des impositions sur les biens et services est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2023, le tarif est fixé à 21,96 € par 1 000 kilomètres parcourus pour les véhicules routiers à moteur destinés au transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge est égal ou supérieur à 7,5 tonnes et à 7,32 € par 1 000 kilomètres parcourus pour les autres véhicules. Pour les années civiles ultérieures, il est égal à ce montant, majoré de 70 % de l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac et arrondi au centième d’euro par 1 000 kilomètres, la fraction égale à 0,005 comptant pour 0,01. »

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. La taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé est aussi appelée taxe d’aménagement du territoire. Elle finance l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) et, donc, l’aménagement des infrastructures routières et ferroviaires.

Elle est due par les concessionnaires d’autoroutes à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers. À l’heure actuelle, la taxe, prélevée au péage, est identique, qu’il s’agisse d’un véhicule léger ou d’un poids lourd. Il est donc proposé de moduler cette taxe avec un coefficient multiplicateur de 3 pour les poids lourds de plus de 7,5 tonnes.

Cet amendement, qui émane d’une proposition de France Nature Environnement, nous paraît logique et de bon sens. En effet, les poids lourds ont un impact très fort sur le réseau routier et le dégradent beaucoup plus fortement que les voitures individuelles. Il est donc normal qu’ils participent davantage au financement de l’aménagement des infrastructures. Il s’agit également de faire payer les pavillons étrangers utilisant nos infrastructures.

L’adoption de cet amendement permettra de mieux financer l’Afitf.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Gontard, je ne dis pas que cet amendement n’est pas inspiré par le bon sens. Toutefois, vous le savez, il faut faire attention. En effet, dès qu’on touche à ce dispositif, qui est alimenté par les sociétés concessionnaires d’autoroute sur le fondement de l’article 32 des contrats de concession, il y a automatiquement un droit à compensation susceptible d’entraîner une hausse des péages autoroutiers.

Je ne suis pas sûr que cette mesure soit, à ce stade, de première urgence. Je vous invite donc à retirer cet amendement. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 493 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 493 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 2 - Amendements n° 406 rectifié ter et n° 402 rectifié bis

Mme le président. L’amendement n° 248, présenté par MM. Jacquin, Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section … ainsi rédigée :

« Section …

« Contribution des chargeurs à la transition énergétique

« Art. .… – Les entreprises qui font appel à un service de livraison afin d’expédier la marchandise qui leur a été commandée sont soumises, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, à une taxe sur la livraison de biens à destination de toute personne physique ou morale.

« La taxe est acquittée par l’entreprise qui fait appel au service de livraison. Elle est assise sur la volumétrie carbone du transport, selon les modalités fixées par la section 1 du chapitre Ier du titre III du livre IV de la première partie réglementaire du code des transports. »

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Par cet amendement, il s’agit d’appliquer le principe pollueur-payeur, en prévoyant que les donneurs d’ordres soient soumis à une redevance en fonction de la volumétrie CO2 du transport auquel ils recourent.

L’idée est aussi de protéger les transporteurs, non pas en leur imposant une taxation, mais en orientant celle-ci vers les donneurs d’ordres, qui commandent aux transporteurs.

La mesure consiste à faire remonter le signal prix au niveau de celui qui commande la prestation de transport.

Cette taxe est une incitation immédiate à utiliser des solutions de transport plus écoresponsables. Elle n’a pas d’impact direct sur le transporteur. La logique de cet amendement est de rendre la fiscalité verte plus juste et de faire adopter le principe pollueur-payeur.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, on peut s’étonner de votre proposition, qui revient à créer une taxe. Je n’ai pas l’impression que l’opinion soit très en attente d’une telle mesure… Quoi qu’il en soit, chacun assume ses choix, et c’est bien ainsi.

Je veux surtout attirer votre attention sur le risque de censure de votre proposition par le Conseil constitutionnel, pour incompétence négative du Parlement, au titre de l’article 34 de la Constitution. En effet, l’assiette de la taxe serait déterminée, mais pas le taux.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Défavorable.

Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. J’entends les arguments de M. le rapporteur général. Toutefois, je veux souligner tout le bien que je pense du principe de l’amendement déposé par mon collègue Olivier Jacquin. Il s’agit de faire fonctionner le principe pollueur-payeur pour le transport routier de marchandises, en remontant aux donneurs d’ordres, aux chargeurs, et non pas aux transporteurs, afin de ne pas compromettre les nécessaires capacités d’investissement de ces derniers pour la décarbonation de leurs flottes de camions.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 248.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 248
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 528 rectifié ter

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune, que j’appellerai concomitamment.

L’amendement n° 406 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Grand, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot et MM. Menonville, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La taxe annuelle sur les surfaces de stationnement instituée au profit de la région Ile-de-France par l’article 1599 quater C du code général des impôts est supprimée pour les entreprises de transport public routier.

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

L’amendement n° 402 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Grand, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot et MM. Menonville, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les entreprises de transport public routier sont exonérées pour l’année 2022 de la taxe annuelle sur les surfaces de stationnement instituée au profit de la région Ile-de-France par l’article 1599 quater C du code général des impôts.

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Les entreprises de transport routier, déjà fragilisées par la crise sanitaire, subissent depuis plusieurs mois la hausse du coût des carburants. Dans ce contexte, la taxe annuelle sur les surfaces de stationnement pénalise encore davantage ces entreprises.

Afin de contribuer à la compétitivité du secteur, il est proposé, à l’amendement n° 406 rectifié ter, de supprimer la taxe annuelle sur les surfaces de stationnement, afin de ne pas les pénaliser davantage.

Quant à l’amendement n° 402 rectifié bis, il concerne les entreprises de transport public en Île-de-France, déjà fortement impactées par la crise. Il s’agit de les exonérer de la taxe annuelle sur les surfaces de stationnement, afin de ne pas les pénaliser davantage en 2022.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de ces deux amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.

Mme le président. Les amendements nos 406 rectifié ter et 402 rectifié bis sont-ils maintenus, monsieur Chasseing ?

M. Daniel Chasseing. Non, je les retire.

Article additionnel après l'article 2 - Amendements n° 406 rectifié ter et n° 402 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 375 rectifié

Mme le président. Les amendements nos 406 rectifié ter et 402 rectifié bis sont retirés.

L’amendement n° 528 rectifié ter, présenté par MM. Gontard, Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre II du livre IV du code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :

1° Le paragraphe 2 de la sous-section de la section 1 est complété par un article L. 422-3-1 ainsi rédigé

« Art. L. 422-3-1. - Un siège vide s’entend par tout siège laissé vacant à bord d’un aéronef dont la vacance n’est pas justifiée par le bon déroulement du vol ou l’exécution des opérations inhérentes au vol. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 422-14, après le mot : « taxe », sont insérés les mots : « tout siège vide au sens de l’article L. 422-3-1 ou » ;

3° L’article L. 422-20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Le tarif de compensation carbone dans les conditions prévues à l’article L. 422-22-1. » ;

4° La section 2 est complétée par un article L. 422-22-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-22-1. - Le tarif de compensation carbone prévue au 5° de l’article L. 422-20 est déterminé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l’aviation civile dans les limites inférieures et supérieures suivantes, qui sont fonction du taux de remplissage de l’aéronef :

Taux de remplissage de l’aéronef

MINIMUM (€)

MAXIMUM (€)

Supérieur à 50 % de la capacité en sièges

10

20

Inférieur à 50 % de la capacité en sièges

100

200

 »

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Il s’agit encore d’une taxe, plutôt populaire cette fois !

De nombreuses compagnies aériennes effectuent des vols à vide ou très peu remplis, faute de passagers, contraints par la réglementation européenne sur la conservation des créneaux horaires aéroportuaires.

Voilà quelques jours, un vol Air France Agadir-Paris s’est effectué avec seulement deux passagers à bord, pour une capacité de 140 sièges, pour conserver son créneau. En janvier dernier, la compagnie Lufthansa a averti devoir faire 18 000 vols à vide si la réglementation ne s’assouplissait pas, émettant ainsi 700 000 tonnes de CO2, soit l’empreinte carbone annuelle de 175 000 Français.

La réglementation n’est pas seule responsable. Les compagnies pourraient conserver leurs créneaux sans voler à vide, en baissant leurs tarifs.

Un avion émet en moyenne 9 kilogrammes de CO2 pour 100 kilomètres par passager. On le sait, un vol vide émet autant de CO2 qu’un vol plein.

Cette taxe sur les sièges sans passagers dans les avions est assez simple à mettre en œuvre. Elle permettrait de lutter contre une aberration à la fois écologique et économique.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement. Je pense que nous reviendrons sur son objet lors de l’examen du PLF, où il a davantage sa place.

Permettez-moi néanmoins de formuler une remarque. Les compagnies aériennes, comme de nombreuses entreprises de transport de personnes, sortent de la crise fragilisées économiquement. Le fait de créer une taxe sur les places vacantes dans les avions en France risque de nuire à la compétitivité des pavillons français, en l’absence d’harmonie au niveau européen.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 528 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 528 rectifié ter
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 368 (début)

Mme le président. L’amendement n° 375 rectifié, présenté par MM. Dantec, Breuiller, Parigi et Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le tableau constituant le deuxième alinéa de l’article L. 422-22 du code des impositions sur les biens et services est ainsi rédigé :

« 

Destination finale du passager

Usage d’un jet privé

Passager pouvant bénéficier, sans supplément de prix, de services à bord auxquels l’ensemble des passagers ne peut accéder gratuitement

Passager bénéficiant du service minimum (autre passager)

Destination à moins de 2 200 km : France, un autre État membre de l’Union européenne, un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la Confédération suisse, pays du Maghreb

720 €

45 €

15 €

Destination à plus de 2 200 km

1 440 €

90 €

30 €

 ».

II. – Le I entre en vigueur dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Il s’agit tout simplement d’en finir avec une véritable aberration sociale et écologique.

Le Gouvernement a décidé, au cours du quinquennat précédent, de majorer la taxe Chirac sur les billets d’avion, créée en 2005 par la majorité gaulliste de l’époque. C’est d’ailleurs sur notre initiative que, par voie d’amendement, une telle majoration avait d’abord été proposée, mais l’amendement que nous avions déposé en ce sens n’avait pas été adopté par le Sénat.

L’idée est de rapprocher le montant de la taxe Chirac de celui de la taxe carbone. Cette taxe s’applique à tous les passagers « classiques », une modulation étant instaurée selon qu’ils voyagent en classe économique ou en classe affaires. En revanche, aucune taxation n’est prévue pour les utilisateurs de jets privés ! Il était question voilà un instant de l’opinion publique ; l’opinion publique, justement, se montre particulièrement sensible – nous en avons eu de nombreux exemples ces dernières semaines – aux cas de gens aisés, voire très aisés, qui prennent un jet privé pour aller passer un week-end à la mer ou même deux heures à Dinard…

L’amendement que nous vous proposons vise tout simplement à appliquer les mêmes barèmes – je vous passe les détails du calcul, que vous trouverez dans l’objet – aux passagers de jets privés, qui émettent environ dix fois plus de tonnes de CO2 par kilomètre parcouru que les usagers des lignes classiques.

Je rappelle que nous avons, mercredi dernier, auditionné l’ancien Premier ministre, M. Jean Castex, futur président de l’Afitf. Il s’est précisément félicité d’une augmentation du rendement de la taxe Chirac, qui va rapporter cette année une centaine de millions d’euros à l’agence.

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Ronan Dantec. Si l’on y ajoute la majoration que nous vous proposons, cela fera un peu plus de recettes pour l’Afitf…

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je propose au sénateur Dantec de nous soumettre à nouveau cet amendement à l’occasion de l’examen du prochain PLF – je sais qu’il le fera.

Je l’invite également à faire figurer, dans le tableau présenté, les tarifs actuels. J’ai pu observer en effet que les tarifs prévus pour les passagers des classes économiques augmentaient relativement plus fortement que ceux des classes affaires. Eu égard aux objectifs d’équité et de proportionnalité, cela me semble un peu surprenant.

Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Défavorable.

Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je maintiens évidemment mon amendement.

Merci de votre réponse, monsieur le rapporteur général ; je précise que c’est l’État qui fixe le barème, pas nous. J’espère que le Gouvernement a bien entendu qu’il faudrait relever le barème pour les classes affaires – nous pourrons en reparler, en effet, lors de la discussion du projet de loi de finances.

Nous avons eu un débat sur les mégaprofits. Nous savons que les jets privés sont utilisés par des gens extrêmement riches et, souvent, par des entreprises extrêmement riches. Le refus d’envoyer un tel signal d’équité sociale, à ce moment de notre débat, me paraît très périlleux, d’autant que le bénéfice escompté est nul, s’agissant de sommes qui seraient utiles à l’Afitf et à l’aménagement du territoire.

L’avis défavorable émis par le Gouvernement le montre sans ambiguïté : la priorité est de protéger les ultrariches, qui n’ont pas, dans la société française, à payer les mêmes taxes que les autres.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 375 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 375 rectifié
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 368 (interruption de la discussion)

Mme le président. L’amendement n° 368, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 312-58 du code des impositions sur les biens et services est abrogé.

La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. J’ai bien entendu ce qui a été dit de la situation financière des compagnies aériennes. Je vous propose pourtant d’abroger les exonérations de taxe sur le kérosène utilisé pour les vols intérieurs.

Certes, la convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale impose d’exonérer de toute taxe les carburants destinés aux vols internationaux – c’est d’ailleurs très discutable –, mais une directive européenne permet aux États membres de taxer les vols intérieurs.

Une telle taxation des seuls vols intérieurs est déjà pratiquée, d’ailleurs, par les États-Unis, le Brésil, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas ou la Suède.

Plus fondamentalement, en rétablissant la fraction correspondant au kérosène consommé sur les vols intérieurs de l’accise sur les énergies perçue en France métropolitaine sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons, il s’agit, plutôt que de continuer à mettre sous perfusion un secteur dont la taille est incompatible avec la biocapacité, d’inciter au report modal de l’avion vers le train – chacun souhaite voir cet effort aboutir, pour ce qui est du moins des déplacements intérieurs – et au développement des solutions moins polluantes.

Je précise que l’exonération dont il est ici question représente une subvention au secteur du transport aérien de près de 3,6 milliards d’euros par an.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme vous le mentionnez, mon cher collègue, supprimer l’exonération d’accise sur le kérosène aérien reviendrait à violer la convention internationale de Chicago.

Limiter la taxation aux vols intérieurs est certes conventionnellement possible ; mais, faute d’harmonisation européenne – j’ai déjà évoqué ce problème –, l’équilibre financier des compagnies aériennes serait fragilisé.

Je sais par ailleurs que le Gouvernement doit remettre au Parlement, d’ici quelques mois, un rapport visant à préciser les conditions de mise en œuvre de l’objectif que vous souhaitez voir atteindre. Je souhaite donc que M. le ministre nous éclaire sur l’avancée de ces travaux.

Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable également. Comme l’a dit M. le rapporteur général, nous travaillons activement sur ce sujet, dont nous pourrons reparler lorsque nous débattrons du prochain PLF.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je ne peux pas laisser passer un amendement comme celui-là ! Si l’on ferme les petites liaisons entre Paris et Brive, Limoges ou Clermont-Ferrand, qu’on a un mal de chien à maintenir, je ne peux tout simplement plus me rendre dans la capitale !

Je n’habite pas la région parisienne, moi ! Quant au train, c’est « Orangina, secouez-moi, secouez-moi ! » (Sourires.) : il faut cinq heures et demie pour rejoindre Paris, sans compter les retards, les travaux sur la ligne, etc. Le seul moyen de rallier Paris rapidement, c’est donc l’avion.

Si en plus on décide de nous pénaliser davantage, sachant que les collectivités territoriales financent déjà le déficit, autant mettre tout le monde dans les métropoles et rayer de la carte les trois quarts du territoire national ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 368.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, à l’issue de cette soirée, il est deux heures du matin et nous avons modérément avancé – je parle bien sûr du nombre d’amendements que nous avons examinés ; nous avons eu deux débats tout à fait importants.

J’ose même dire que nous n’avançons pas. Certes, il faut le reconnaître, le Sénat se trouve mis, en quelque sorte, « dans la seringue » : ce PLFR nous a été soumis tardivement. C’est ainsi ! Cependant, je vous indique que demain l’examen se poursuivra au moins jusqu’à 3 heures du matin – et encore, pour atteindre cet objectif, il nous faudra courir vite, c’est-à-dire examiner 35 amendements par heure, ce qui est pour le moins rapide…

Je vous encouragerai donc à présenter vos amendements avec célérité. Les amendements de seconde partie devront être examinés très rapidement, d’autant que, pour la plupart, ils relèvent du PLF. Si nous échouons à tenir un bon rythme, nous risquons de déraper complètement et d’avoir à prolonger nos travaux d’une semaine. Ayez pitié des membres de la commission des finances, qui, le cas échéant, se retrouveraient sans doute bien seuls… (Sourires.) Faites en sorte d’être synthétiques : il n’est pas nécessaire de lire chaque fois l’objet de l’amendement, que nous avons sous les yeux.

Mme le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 106 amendements au cours de la journée ; il en reste 354.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 368 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Discussion générale

8

Ordre du jour

Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 2 août 2022 :

À onze heures :

Vingt-cinq questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

Nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (texte n° 838, 2021-2022) ;

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2022, adopté par l’Assemblée nationale (texte n° 830, 2021-2022).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 2 août 2022, à deux heures.)

 

nomination de membres de commissions

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Ludovic Haye est proclamé membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Abdallah Hassani, démissionnaire.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Abdallah Hassani est proclamé membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Dominique Théophile, démissionnaire.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Dominique Théophile est proclamé membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale, en remplacement de M. Ludovic Haye, démissionnaire.

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2022 a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, M. Vincent Segouin, Mme Sylvie Vermeillet, MM. Rémi Féraud et Teva Rohfritsch ;

Suppléants : MM. Roger Karoutchi, Arnaud Bazin, Stéphane Sautarel, Jean-Marie Mizzon, Thierry Cozic, Éric Bocquet et Jean-Claude Requier.

 

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER