Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Les propos de M. le ministre de l’intérieur ayant instillé le doute dans mon esprit, j’ai consulté des archives sur la fameuse réforme de M. Joxe, portée par M. Marchand, puis par M. Quilès, avant d’être annulée par M. Pasqua en 1993.

Si cette réforme prévoyait effectivement une territorialisation, celle-ci concernait non pas quatre, mais trois corps de police, à savoir la police aux frontières, la sécurité publique et les renseignements territoriaux. La police judiciaire n’a jamais été évoquée dans les rapports que vous avez mentionnés. Elle n’a jamais été concernée par les réformes portées par les gouvernements socialistes de l’époque. Je tenais à le préciser, monsieur le ministre. (M. le ministre sexclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Kanner, vous avez vous-même indiqué que plusieurs ministres se sont succédé. La réforme imaginée par M. Joxe – je vous renvoie sur ce point à son discours de 1989 – n’a effectivement pas été celle de M. Marchand, même si ces deux ministres partageaient la même couleur politique.

Quoi qu’il en soit, je trouve que vous défendez désormais avec beaucoup d’énergie l’héritage de M. Pasqua ! (Sourires.) Par un retournement de l’histoire, vous vous trouvez aujourd’hui dans la même position que lui à l’époque. C’est sans doute l’effet de l’expérience qui conduit à se droitiser (Protestations sur les travées du groupe SER. – Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), même s’il me semble que jusque très récemment, ce n’était pas votre cas.

Par ailleurs, monsieur Kanner, j’ai évoqué les sénateurs qui ont porté des réformes proches de celle que je défends. Je vous renvoie notamment au rapport sénatorial de M. Boutant, de 2018, dans lequel il évoquait l’unification départementale.

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai très bien connu MM. Joxe, Marchand et Quilès…

M. Gérald Darmanin, ministre. Notre difficulté est de centrer notre discussion sur l’intérêt général. M. Kanner, qui me connaît assez bien, sait que je peux aussi faire de la politique de mauvaise foi.

M. Gérald Darmanin, ministre. À mes yeux, je le précise, ce n’est pas une insulte. Ce n’était pas une attaque ad hominem.

En tout état de cause, il s’agit d’un sujet très important pour la Nation et pour la sécurité de nos concitoyens. Vos interrogations, de même que celles des acteurs concernés, n’ont rien de médiocre, elles sont légitimes. Dans ce contexte, nous nous efforçons d’avancer en encadrant la discussion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour la troisième fois, je vous propose de modifier ma propre réforme, notamment afin d’y inclure les critères que vous souhaitez. Je ne peux pas faire mieux ! Vous portez de graves accusations : vous nous accusez de porter atteinte à l’indépendance de la justice, voire de remettre en cause l’État de droit et la démocratie.

Permettez donc que je défende le garde des sceaux, qui est responsable des libertés individuelles, mais aussi le ministre de l’intérieur que je suis, qui est chargé des libertés publiques. Je dispose d’ailleurs d’une direction des libertés publiques représentée ici même, sur le banc du Gouvernement. Comme tout démocrate et tout républicain, je suis très attentif aux libertés publiques.

C’est pourquoi je vous dis : chiche ! Pour vous montrer qu’il n’y a aucun problème et qu’une grande partie des arguments avancés reposent sur des fake news – pour le dire en bon patois tourquennois –, je vous propose de modifier l’amendement afin que vous soyez assurés que l’article 12-1 du code de procédure pénale demeure inchangé. Les magistrats conservent évidemment le libre choix du service d’enquête, leur indépendance n’est nullement remise en cause. En outre, aucun OPJ, aucun service ne fera autre chose que ce qu’il fait actuellement.

Je déduis de vos propos, monsieur Sueur, que la gendarmerie nationale et la préfecture de police évoluent dans un état de droit parallèle qui est une forme de dictature et que nous ne nous en étions pas rendu compte ces deux cents dernières années. Dans ce cas, il est urgent de réformer l’une et l’autre, mais ce n’est pas ce que propose la Haute Assemblée. Ou alors, vous menez un combat politique à la suite des manifestations qui ont été organisées, ce que je peux très bien comprendre.

Puisque vous ne saisissez pas la balle au bond et que vous n’acceptez pas ma proposition, je me vois contraint, comme le rapporteur Daubresse, d’émettre un avis défavorable sur ces amendements de suppression, alors que j’aurais souhaité que nous puissions travailler ensemble.

Je pense profondément, monsieur Sueur, que la police nationale a été créée, non pas pour le ministre de l’intérieur, pour les directeurs ou pour les policiers eux-mêmes, mais pour protéger les gens et pour lutter contre la délinquance.

Nous faisons le constat que cela ne fonctionne pas : sachons en tirer les conséquences, car c’est notre travail, même si cela bouscule des habitudes.

Nous pouvons défendre des visions différentes de ce qu’il faudrait faire. Le groupe écologiste défend notamment une conception particulière, et je le respecte. Mais n’opposez pas de faux arguments à cette réforme, car le sujet mérite un véritable débat. Pour notre part, nous sommes convaincus que cette réforme sera une réussite.

J’ajoute que, en dépit de l’avis défavorable que j’émets, je m’engage à présenter devant la Haute Assemblée le rapport que j’ai demandé à trois inspections, dont celle de la justice, et à débattre avec vous avant le moindre changement réglementaire des textes du ministère de l’intérieur.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour explication de vote.

M. Gilbert Favreau. La commission fera le nécessaire pour préserver la séparation des pouvoirs et pour trouver une solution qui aille dans le bon sens. Je retire donc mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 171 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 18.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. Les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 1 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 93
Contre 242

Le Sénat n’a pas adopté.

Je vais mettre aux voix l’amendement n° 19.

M. Jean-Pierre Sueur. Je retire la demande de scrutin public, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets donc aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 75.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 179.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 133.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 20, présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou, Meunier, Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 101, deuxième phrase

Après le mot :

conforté

insérer les mots :

notamment en utilisant les nouvelles possibilités permises par l’intelligence artificielle

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Par cet amendement, nous proposons de compléter l’alinéa 101 du rapport annexé : « La transparence et l’exemplarité de l’action des policiers et gendarmes seront mieux garanties. Le travail des inspections sera conforté et rendu plus lisible pour les citoyens. »

Nous avons débattu précédemment des nouvelles technologies et de leur usage par les forces de sécurité intérieure dans le cadre de leurs activités.

Nous ne sommes pas par principe hostiles aux nouvelles technologies, qu’il s’agisse de la vidéosurveillance ou de l’intelligence artificielle. Nous pensons même qu’elles peuvent contribuer à l’accomplissement de leurs missions par les forces de l’ordre. Elles peuvent ainsi permettre la pacification des actions de police administrative, faciliter la conduite des enquêtes, accroître la qualité des investigations. En cas de litiges ou d’allégations de mauvais comportements, elles peuvent également améliorer le contrôle par les inspections, lorsque des sanctions doivent être prises.

Nous estimons donc utile de compléter l’alinéa 101 afin qu’il puisse être possible de faire appel à l’intelligence artificielle, laquelle peut être utile à la résolution des enquêtes, mais aussi à la défense des usagers des forces de police en cas de litige.

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Comme je l’ai indiqué en commission, j’estime que cet amendement aurait davantage sa place dans le projet de loi relatif à l’image qui nous sera prochainement soumis en vue de l’organisation des jeux Olympiques, comme l’a confirmé précédemment le ministre.

Il me semble qu’un tel texte serait le véhicule législatif adéquat, mais si le ministre émettait un avis favorable sur cet amendement, je ne verrais pas de difficulté à ce que la disposition soit introduite dans le présent texte. Dans ce cas, je m’en remettrais à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je souscris aux attendus du sénateur Durain. Les caméras, notamment les caméras-piétons, contribuent non seulement à la résolution des enquêtes et à la protection des policiers, mais aussi au contrôle des actions de la police.

Je suis donc favorable à un recours encadré à l’intelligence artificielle, même si, à ce stade, une telle disposition reste purement déclarative et qu’il nous faudra la décliner en « dur » dans le cadre de la future loi relative à l’image.

J’émets un avis favorable sur cet amendement, si la commission n’est pas trop vexée par cette position ministérielle.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat. À titre personnel, j’émets un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 144, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 101

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans un souci de transparence et d’exemplarité, le ministère de l’intérieur récoltera, analysera et publiera les statistiques relatives aux opérations de contrôle de la population, notamment par zone géographique et par classe d’âge.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Quoi qu’en disent certains dans cet hémicycle, les citoyens et les citoyennes ne sont pas forcément égaux dans leurs rapports avec la police. Selon son lieu de résidence et son âge, le nombre de contrôles d’identité, notamment, est très variable.

À cet égard, je vous invite, mes chers collègues, à interroger les élèves des collèges et des lycées que vous rencontrez dans vos territoires et à leur demander qui a déjà été contrôlé. Vous constaterez que les réponses sont assez variables.

Certains jeunes des quartiers populaires sont contrôlés plusieurs fois par mois, parfois sans aucun motif apparent. Or ces contrôles répétés, voire abusifs, dégradent l’image que ces jeunes ont de la police et de l’État.

Nous proposons donc que les statistiques sur les contrôles d’identité soient rendues publiques par tranche d’âge et par zone géographique. Cela permettrait d’objectiver les faits, de cesser de faire l’autruche et de se référer à des caricatures.

Peut-être que si l’on se rend compte qu’un jeune vivant à La Courneuve a infiniment plus de risques de se faire contrôler qu’un jeune vivant dans le VIe arrondissement de Paris, les politiques et les pratiques sur le terrain commenceront à changer.

Mais peut-être aussi que ces statistiques démontreront l’inverse.

En tout état de cause, seule la publication d’indicateurs objectifs pourra nous éclairer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Les modalités de réalisation des contrôles d’identité sont précisées à l’article 78-2 du code de procédure pénale, qui est très bien rédigé. Les cas dans lesquels les contrôles peuvent être effectués y sont listés de manière limitative.

Il n’y a donc pas lieu d’ajouter des statistiques et des analyses qui ne feraient qu’accroître les tâches administratives des policiers, alors que nous attendons d’eux qu’ils soient présents au maximum sur le terrain.

Avis défavorable.

M. Thomas Dossus. Tout va bien alors ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je suis ébahi d’entendre que tout est parfait et que les contrôles d’identité ne posent aucun problème dans notre pays, alors que tout le monde sait que des difficultés existent, comme en attestent de nombreux témoignages.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas lieu d’effectuer plus de contrôles d’identité à certains endroits en cas de situations délictueuses, mais aujourd’hui aucun critère ne nous permet d’évaluer si ces contrôles d’identité sont réalisés de manière homogène et circonstanciée. Nous demandons simplement de disposer de tels critères.

De fait, une des raisons de la perte de confiance d’un grand nombre de citoyens s’explique par l’impression qu’ils ont que les contrôles d’identité ne sont pas effectués de manière cohérente, qu’ils varient en fonction des différences sociales, raciales, etc. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Disons-le, c’est la vérité ! Tout le monde le sait !

M. Stéphane Ravier. Le mot est lâché !

M. Guy Benarroche. J’utilise les mots qui me viennent, ceux qu’utilisent les gens !

Je vous le dis, les contrôles d’identité ne sont pas effectués comme ils devraient l’être. En tout cas, même s’ils le sont, monsieur le rapporteur, nous souhaiterions disposer des éléments statistiques nous permettant d’en juger afin de réaliser une étude sociologique et d’en tirer des conclusions utiles à tout le monde, y compris au ministère de l’intérieur et à la police ! (M. Stéphane Ravier proteste.)

M. Laurent Burgoa. Peace and love !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, je pense que vos propos ont dépassé votre pensée, car vous dites clairement qu’une partie de la police de la République est raciste.

Fonder les contrôles que vous dénoncez sur des critères raciaux serait effectivement raciste. Ces propos sont profondément blessants et insultants pour les policiers de la République. Vous ne devez d’ailleurs pas en voir beaucoup pour imaginer, comme vous semblez le faire, que tous ont la même couleur de peau. C’est une insulte à tous ceux qui, issus eux-mêmes de l’immigration, contribuent par leur courage au maintien de l’ordre, et qui, en acceptant d’être gardiens de la paix ou gendarmes, ont épousé les couleurs bleu-blanc-rouge de notre drapeau.

Il est d’ailleurs un peu facile, monsieur le sénateur, de ne pas tenir compte, dans votre discours, des insultes racistes dont ils font l’objet – ce point est tout à fait vérifié. (M. Guy Benarroche sen amuse.)

Cela n’a rien de drôle, monsieur le sénateur. Vous ne devriez pas vous amuser d’accuser les gens de racisme.

Et ne me tenez pas le discours sur les quartiers populaires, j’en viens. Il me semble que vous n’avez pas l’expérience humaine et politique que j’ai acquise dans ma commune, dont je suis d’ailleurs toujours élu.

Les discours bien-pensants, cela suffit, monsieur le sénateur ! Il est très grave d’accuser les fonctionnaires de la République de racisme.

M. Thomas Dossus. Personne n’a dit cela !

M. Gérald Darmanin, ministre. Bien sûr que vous l’avez dit ! Vous avez une liberté de parole dans cet hémicycle ; permettez-moi pour ma part de défendre les policiers et les gendarmes de la République !

Vos propos sont conformes à ceux de M. Mélenchon de manière générale. Je constate une filiation politique manifeste. Vous êtes toutefois bien isolé au sein de cet hémicycle, car un certain nombre de collègues de votre groupe se sont démarqués de cette prise de position.

Aujourd’hui, monsieur le sénateur, lorsque des policiers ou des gendarmes ont une couleur de peau différente de ceux qu’ils contrôlent, ils sont traités de « harkis ». Pour certains, ce terme est une insulte, mais pour moi ce n’en est pas une. Ils sont traités de « traîtres » alors qu’ils ne font qu’appliquer les lois de la République et qu’ils s’efforcent de protéger leurs concitoyens.

Vous avez tendance à l’oublier, mais c’est d’ailleurs pour cela qu’une grande partie des Français aime sa police nationale. Loin d’être désavouée, celle-ci est l’administration la plus aimée de toutes, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. Thomas Dossus. Par la jeunesse ? Vous dites le contraire dans votre rapport.

M. Gérald Darmanin, ministre. Ce qui est sûr, c’est que votre gauche a abandonné les forces de l’ordre, alors qu’elles protègent avant tout les couches populaires, les plus pauvres, qui sont souvent issues de l’immigration et les premières à souffrir des difficultés causées par la délinquance. Les plus riches ont, eux, les moyens d’avoir leurs propres caméras de vidéoprotection, de vivre entre eux dans leurs quartiers et de disposer parfois de leur propre police.

Vous avez abandonné les policiers et les gendarmes de la République, en tenant des discours wokistes et racialistes, et vous leur faites un procès inacceptable, monsieur le sénateur ! (Protestations sur les travées du groupe GEST. – Mme Nadine Bellurot et M. Jean-Raymond Hugonet applaudissent.)

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est ignorer le droit, monsieur le sénateur, vous qui prônez pourtant l’action de la justice, car pas un policier, pas un gendarme de la République n’effectue de contrôle d’identité sans l’autorisation d’un procureur de la République. Vos propos sont non seulement blessants, mais aussi profondément erronés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, vos propos et votre outrance sont eux aussi profondément blessants.

Par cet amendement, nous demandons simplement de disposer de statistiques. Cela nous permettrait de débattre et d’espérer l’apaisement.

Je comprends à vous entendre que ce n’est pas l’apaisement que vous recherchez, et c’est bien dommage, car je pense que nous en avons besoin. Nous avons besoin de rassembler les Français et nous avons besoin qu’ils renouent avec leur police. Or disposer de statistiques et d’une évaluation précise le permettrait.

Les propos que vous avez tenus ne sont pas de nature à apaiser la situation. Je le regrette d’autant plus que je n’ai pas entendu d’argument permettant d’expliquer le rejet de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Hervé Gillé applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 144.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du rapport annexé à l’article 1er, aux amendements en discussion commune nos 183 et 142.

Article 1er et rapport annexé (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Article 1er et rapport annexé (interruption de la discussion)

Article 1er et rapport annexé (suite)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 183, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 103

Rédiger ainsi cet alinéa :

La formation des policiers et gendarmes s’appuiera sur des moyens renforcés, avec le triplement de ses crédits.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il est retiré, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 183 est retiré.

L’amendement n° 142, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 103, dernière phrase

1° Au début, remplacer le mot :

Le

par la phrase et les mots :

Cette utilisation de la vidéoprotection pourra être évaluée par le monde universitaire, aussi bien dans ses finalités que dans sa mise en œuvre ou que dans son aspect relatif aux respects des libertés publiques, à qui il sera garanti un accès aux données et aux documents nécessaires. C’est pourquoi, à ce sujet, mais également pour le reste de ses activités, le

2° Supprimer le mot :

également

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre, nous allons évoquer un sujet qui vous est cher, dans tous les sens du terme, à savoir la vidéosurveillance. Il est rappelé, tout au long du rapport, que les crédits consacrés au déploiement des caméras de surveillance par les collectivités seront doublés.

Si les moyens sont largement documentés, l’efficacité et les finalités de ces dispositifs ne sont en revanche mentionnées à aucun moment. Permettez-moi de vous rappeler que la Cour des comptes s’interroge sur ce sujet : dans son rapport d’octobre 2020, l’institution de la rue Cambon pointe l’absence de lien entre vidéosurveillance et baisse de la délinquance. Elle remet ainsi en cause des dispositifs dont le coût est très élevé et dont l’efficacité reste à démontrer.

Une autre étude récente menée en Isère, à la demande du Centre de recherche de l’école des officiers de la gendarmerie nationale, conclut à un apport très marginal de la vidéosurveillance, que ce soit en matière de résolution d’enquêtes judiciaires ou de dissuasion. Plusieurs pistes d’amélioration sont proposées dans ce rapport, mais il est temps d’évaluer sérieusement cette politique de vidéosurveillance.

Il est prévu dans le rapport annexé d’ouvrir les données du ministère et de faire la part belle aux recherches académiques. Nous vous proposons donc de permettre aux chercheurs qui le souhaitent de s’intéresser à la politique de vidéosurveillance du ministère. Leur éclairage est de nature à améliorer la décision et l’évaluation de nos politiques publiques.

Tel est l’objet de cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous avons eu le même débat avant la suspension ; pour les mêmes raisons, j’émets un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 142.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 109

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

S’agissant d’un service public essentiel, le ministère de l’intérieur pose ici un principe clair qu’il s’engage à respecter : aucun commissariat ou brigade de gendarmerie ne pourra être fermé sans que le maire de la commune siège soit préalablement consulté.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Le recul des services publics touche l’ensemble des politiques publiques françaises. Dans le cas qui nous concerne – cela a été justement rappelé dans le rapport que nous étudions –, de nombreux commissariats ont été fermés : 500 brigades de gendarmerie ont été supprimées en quinze ans, 20 commissariats fermés depuis 2008, 10 arrondissements supprimés et 9 jumelés depuis 2014… Ce constat devrait tous nous interpeller.

Il est fait preuve dans ce rapport annexé d’une prise de conscience salutaire. Nous proposons d’enrichir le rapport par une simple formule : pas de fermeture de commissariat ou de brigade de gendarmerie sans consultation du maire. Ce principe a été appliqué aux classes d’enseignement primaire et a été chaleureusement accueilli par les élus locaux – sans toutefois, hélas ! avoir été pérennisé.

Pour l’école comme pour la sécurité, les maires connaissent les besoins de leur commune et les problèmes des habitants. Ils sont donc à même d’éclairer la politique d’implantation décidée par l’État central. Si un maire insiste pour garder un commissariat ouvert, c’est qu’il sait que ses moyens en matière de police municipale sont insuffisants pour faire le travail et que la sécurité de ses administrés peut en pâtir.

Le dialogue entre élus locaux et ministère de l’intérieur doit être amélioré : c’est ce que nous vous proposons par cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J’avais demandé en commission que cet amendement soit rectifié, car il tendait à soumettre la décision à un accord préalable du maire. Il vise désormais à prévoir une simple consultation du maire.

La consultation du maire ou, en cas de fermetures de classes, du conseil municipal, me semble constituer une bonne mesure. Ensuite l’exécutif décidera ce qu’il doit décider.

J’émets donc – pour une fois ! – un avis favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?