M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, enfin, l’État reconnaît que, face à la très grave crise énergétique que nous vivons, nous n’avons qu’une seule solution : le développement rapide et massif des énergies renouvelables, notamment pour la production d’électricité ! (« Et le nucléaire ! » sur des travées du groupe Les Républicains.) Enfin !

Toutefois, cette loi arrive malheureusement bien tard, presque huit ans après que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé à l’horizon 2025 le rééquilibrage du mix énergétique français entre le nucléaire et les énergies renouvelables.

Huit années auraient suffi pour développer une réelle stratégie territoriale et industrielle et pour mettre les politiques publiques en cohérence avec les objectifs fixés par la loi. Force est de constater que ce temps a été gaspillé, au détriment de notre économie et du pouvoir d’achat des Français. Nous sommes aujourd’hui le seul pays européen à ne pas atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables prévus dans la directive-cadre de 2009.

En urgence, le Gouvernement nous dit son intérêt, voire son empressement, en faveur des énergies renouvelables, que Mme la ministre a qualifiées hier matin sur une grande radio nationale d’« ultracompétitives ».

L’État s’étant rallié à l’analyse de notre groupe Écologiste – Solidarité et Territoires selon laquelle notre salut passait par les énergies renouvelables – Mme la Première ministre a même évoqué « une question de survie » –, nous accueillons favorablement ce projet de loi, mais – car il y a un « mais » – nous nous interrogeons tout de même sur son efficience.

Pour commencer, le retard du développement des énergies renouvelables nous semble d’abord lié au prix trop bas proposé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui empêche le succès complet des appels d’offres. Si ces dispositifs produisent clairement l’électricité la moins chère, les tarifs sont trop peu élevés.

Madame la ministre, j’entends votre préoccupation de ne pas créer de superprofits injustifiés pour les entreprises du secteur – que vous vous interdirez en outre de taxer ensuite –, mais avec quelques euros de plus sur les tarifs d’achat garantis, les énergies renouvelables resteront de loin les moins onéreuses. (Mme Sophie Primas sexclame.)

Ensuite, une autre cause de retard relève de la prudence des investisseurs, qui attendent que tous les recours, même ceux qui ne sont pas suspensifs, soient purgés. Sur ce point, un amendement du rapporteur de la commission du développement durable, dont je salue l’engagement sur ce texte, a très opportunément conduit à créer un fonds de garantie mutualisant les risques liés aux recours contentieux. Il s’agit probablement de la disposition qui nous permettra de gagner le plus de temps dans la mise en œuvre des projets. Les gains à espérer sur les simplifications administratives apparaissent assez secondaires en comparaison.

Notre groupe reste très vigilant pour s’assurer que ce texte ne détricote pas le droit de l’environnement et ne s’applique pas en dehors des énergies renouvelables, au risque d’affaiblir le principe de non-régression de ce droit.

Le Gouvernement a entendu l’avis négatif très ferme du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et le texte a été modifié dans le bon sens depuis sa première présentation. Certains points sont néanmoins toujours problématiques, s’agissant, notamment, des enjeux de biodiversité. Nous y reviendrons durant le débat.

Restent les lignes rouges allègrement franchies par la majorité sénatoriale, laquelle a fait de ce projet de loi un texte de ralentissement plus que d’accélération. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le droit de veto accordé aux maires sur des aménagements reconnus, par ailleurs, comme relevant de l’intérêt général est étonnant ; il s’agit d’une mesure proche de l’oxymore. Elle constitue d’ailleurs un revirement historique de la part d’un mouvement aux racines gaullistes et jacobines,…

M. Olivier Paccaud. Démocratiques, tout simplement !

M. Ronan Dantec. … toujours fier de mettre en avant les épopées industrielles du pompidolisme.

Dans le cas qui nous occupe, c’est l’inverse qui se produit : l’intérêt national s’efface devant les enjeux locaux. Il s’agit d’une première, qui ouvrira la porte à l’interdiction par décision locale, ici d’un bout de ligne de TGV, là-bas – pourquoi pas ? – d’un petit réacteur nucléaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Et la participation citoyenne ?

M. Ronan Dantec. Il va devenir très compliqué de mettre en place une stratégie nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Olivier Paccaud. Écolo-dictature !

M. Ronan Dantec. De même, renvoyer les éoliennes en mer à 40 kilomètres des côtes en interdit le développement sur la majorité du littoral.

M. Ronan Dantec. Je veux bien qu’un léger inconfort pour des propriétaires de résidence secondaire avec vue sur mer (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) soit plus important que l’avenir de notre industrie et que la facture énergétique des Français, mais je m’interroge tout de même sur le sens de certaines priorités.

M. Rémy Pointereau. C’est minable !

M. Ronan Dantec. Le maintien de ces deux barrières nous conduirait à ne pas voter ce texte, mais nous espérons que le bon sens collectif l’emportera. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre maison brûle, nous l’avons constaté cet été avec les 66 000 hectares de forêt partis en fumée en Gironde, dans les Landes, et même dans le Finistère.

Le mois d’octobre qui vient de s’achever aura été le plus chaud de notre histoire. Face à cette réalité, à cette menace d’un réchauffement climatique de près de trois degrés, l’Organisation des Nations unies, par l’intermédiaire de son programme pour l’environnement, a rappelé que l’unique option était la transformation rapide, urgente, de nos sociétés.

À l’occasion du lancement du Conseil national de la refondation (CNR) Climat et biodiversité, la Première ministre a également alerté sur la radicalité des changements à effectuer afin de franchir la marche, avec pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en milieu de siècle. Le défi à relever est colossal et la fenêtre d’opportunité est en train de se refermer.

À plus court terme, face à des circuits d’approvisionnement en pétrole et en gaz mis à mal par la guerre en Ukraine, il est essentiel d’activer tous les leviers. Nous devons développer toutes les sources d’énergie décarbonée, notamment renouvelable : l’éolien, le photovoltaïque, ou encore la méthanisation. Nous devons accélérer ; c’est une nécessité, alors que notre pays est en retard.

En 2020, la part de ces énergies dans la consommation finale brute était d’environ 19 %, soit trois points de moins que la moyenne de l’Union européenne. Sur la base de ce constat, ce texte apporte une réponse, à laquelle il faut bien entendu ajouter l’entretien et le développement de notre parc nucléaire pour défendre notre souveraineté, maîtriser les coûts et atteindre la neutralité carbone.

Il y a une semaine, notre commission a adopté 129 amendements. Je veux saluer ici l’engagement sur ce texte de notre rapporteur Didier Mandelli, qui nous a permis d’assister aux auditions, ainsi que les qualités d’écoute dont a fait preuve Mme la ministre.

Le titre Ier du projet de loi tend à apporter des mesures d’urgence, notamment procédurales, visant à accélérer les projets relatifs aux énergies renouvelables et les projets industriels.

Notre commission a ajouté et précisé des dispositions utiles aux premiers articles du texte. Je pense notamment à la désignation des référents préfectoraux dans chaque département pour l’instruction des autorisations relatives aux projets d’EnR.

D’autres modifications ne nous conviennent pas – j’y reviendrai.

Afin d’accélérer le développement de l’énergie solaire, qui est l’objet du titre suivant, le texte rend notamment possible l’installation de ces ouvrages aux abords des autoroutes et des routes à grande circulation. Il nous faudra également la rendre possible aux abords des voies ferrées. Un travail d’inventaire est en cours en ce sens.

Par ailleurs, lorsque nous avions débattu de votre proposition de loi en février dernier, monsieur le rapporteur, j’avais rappelé la nécessité d’offrir à nos élus locaux des zones littorales un cadre juridique protecteur, mais adapté aux enjeux contemporains. Dans cette logique, je soutiendrai en séance plusieurs amendements à l’article 9.

Nous avons également fait adopter en commission une dérogation, sur le modèle des dispositions relatives aux antennes relais prévues dans la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, afin de rendre obligatoire un avis simple de l’architecte des Bâtiments de France pour tout projet d’installation à des fins d’autoconsommation sur les bâtiments situés en zone classée. Un décret fixera les conditions d’application de cette disposition. Je m’en expliquerai lors des échanges à venir, mais j’ai eu de très bons retours des élus de mon territoire sur cette proposition.

La même philosophie préside aux dispositions relatives à l’agrivoltaïsme, qui constitue une grande réserve de foncier, sous réserve que la pratique en soit régulée de manière à ne pas mettre en cause l’activité agricole.

À ce propos, mon groupe tient à remercier nos collègues pour leur travail qui a abouti à une proposition de loi équilibrée et raisonnée, adoptée il y a deux semaines, dont les dispositions ont été introduites dans le texte.

En ce qui concerne le développement de l’éolien, ensuite, dans le pacte signé il y a quelques mois, l’État a confirmé sa volonté d’un déploiement ambitieux, avec un objectif d’attribution de 40 gigawatts d’ici 2050.

La filière s’est engagée pour sa part à quadrupler le nombre d’emplois directs et indirects liés à l’éolien en mer d’ici 2035 et à investir plus de 40 milliards d’euros en quinze ans. Cette filière structurée et en forte croissance a besoin de visibilité et de planification. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors du débat.

Cette filière a aussi besoin d’être confortée. C’est pourquoi nous voterons contre le seuil des 40 kilomètres, qui interdirait tout nouveau projet sur la côte d’Opale, sauf à l’implanter sur le territoire britannique… Plus sérieusement, une telle distance au large de nos littoraux serait contraire à une planification territoriale équilibrée de cette énergie.

En matière d’éolien terrestre, nous avions trouvé un juste équilibre dans la loi 3DS. Or les dispositions qui ont été votées en commission reviennent à donner un coup d’arrêt aux projets de construction et d’exploitation.

S’il faut naturellement que des concertations locales soient menées et que les élus locaux puissent intervenir sur des projets d’implantation dans le cadre d’un échange encadré avec le porteur de projet, nous sommes opposés au droit de veto qui a été introduit. Cette position est partagée par l’Association des maires ruraux de France, comme celle-ci l’indique dans son communiqué de presse en date du 2 novembre.

Parmi les dispositions relatives au financement et au partage de la valeur, il nous est apparu nécessaire de soutenir des mesures d’appropriation et des modèles de financement locaux au service des territoires. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à faciliter le développement de l’autoconsommation du gaz renouvelable.

Dans le même esprit d’efficacité et de diversification, nous avons déposé un amendement de séance tendant à permettre aux acheteurs publics de recourir en toute sécurité juridique aux nouveaux modes de commercialisation de l’électricité d’origine renouvelable que sont l’autoconsommation et les contrats d’achat d’électricité renouvelable. Ces mesures facilitatrices mais simples pourront se révéler très utiles pour nos collectivités et nos PME.

En conclusion, notre groupe suivra toutes les propositions susceptibles de soutenir et de renforcer le développement des énergies décarbonées. A contrario, nous nous opposerons à toutes les mesures défensives qui se traduiront par une décélération. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout le monde s’accorde à dire que nous devons accélérer le développement des énergies renouvelables, en particulier pour faire face à la demande croissante en électricité qui se substituera, notamment dans les transports et l’industrie, aux énergies fossiles.

Rappelons tout de même que notre production actuelle d’électricité, grâce à son mix énergétique, est faiblement carbonée.

La crise énergétique liée à l’agression de l’Ukraine par la Russie nous fait mesurer combien il est urgent d’agir. Elle nous fait aussi regretter que les grandes orientations stratégiques et la planification qui en découle n’aient pas été anticipées au cours du précédent quinquennat.

Ce projet de loi est certes bienvenu, mais il aurait été plus logique de procéder de façon rationnelle, en élaborant de manière concertée la stratégie française pour l’énergie et le climat. Cette stratégie globale doit certes tenir compte de la production, mais aussi de la sobriété, de l’efficacité énergétique grâce à l’intensification des procédés industriels, de l’isolation thermique des bâtiments et enfin de la captation par les puits de carbone.

Tout cela nous est annoncé pour 2023 au travers d’une loi de programmation pour l’énergie et le climat, d’une troisième loi de programmation pluriannuelle de l’énergie qui couvrira la période 2024-2033, d’une troisième stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et enfin d’un plan national d’adaptation au changement climatique.

Dans ce contexte, nous devons analyser ce projet de loi avec pragmatisme, en essayant d’anticiper tout ce qui peut l’être et en posant des accroches qui pourront servir d’appui à la future stratégie, en ayant pour boussole le principe selon lequel l’accélération ne doit se faire au détriment ni de la concertation ni de l’environnement.

La concertation et les procédures qui en découlent sont souvent perçues comme un boulet qui freine les projets. Au contraire, plus la concertation est menée en amont, plus elle associe la population et les élus et plus elle facilite le déroulement des projets. La concertation fluidifie les procédures ; son absence les crispe et les grippe. L’avis du Conseil économique, social et environnemental, intitulé Acceptabilité des nouvelles infrastructures de transition énergétique : transition subie, transition choisie ?, est éloquent dans ce domaine.

Le texte qui nous est soumis a été profondément remodelé par les commissions sénatoriales – je salue d’ailleurs à mon tour l’implication des rapporteurs.

Cette réécriture comporte de nombreuses avancées : l’introduction d’une planification territoriale, même si l’on doit se poser la question de l’échelle pertinente et de la méthode ; la mise en place d’une concertation préalable systématique ; la désignation d’un référent départemental préfigurant un guichet unique, mais qui renvoie aux moyens dont l’État dispose pour instruire et accompagner les projets ; la création d’un fonds de garantie ; l’extension à de nombreux bâtiments de l’intégration d’un procédé de production d’énergies renouvelables sur une surface de leur toiture ; la prévention des pratiques de dumping social sur les navires dans les parcs éoliens en mer ; la création d’un mécanisme de suramortissement ; enfin, la mise en place d’un nouveau dispositif de partage de la valeur.

Hélas ! ce qui a été accordé d’une main pour faciliter les projets semble avoir été repris de l’autre par l’ajout de verrous qui compliqueront le déploiement de ces projets. La majorité sénatoriale, mue sans doute par un tropisme vendéen, risque de transformer la vie des porteurs de projet en épreuve de Fort Boyard ! (Sourires sur les travées des groupes SER et UC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Fort Boyard, ce n’est pas en Vendée !

M. Jean-Michel Houllegatte. Le rejet implicite de l’éolien en mer au-delà des 40 kilomètres condamne l’éolien posé en Méditerranée, il exclut la quasi-totalité de la Manche et de la mer du Nord et fragilise de la sorte la filière industrielle française qui s’est implantée en créant des emplois au Havre, à Cherbourg et même à Saint-Nazaire, car la technologie française de l’éolien flottant n’est pas encore parvenue à une totale maturité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

M. Jean-François Husson. Tant pis pour le nucléaire !

M. Jean-Michel Houllegatte. Dans un autre domaine, même si l’on comprend et que l’on partage l’exaspération des élus locaux auxquels on a quasiment imposé des champs d’éoliennes terrestres, il est légitime de s’interroger sur l’opportunité de trouver des moyens consensuels, fondés sur l’intelligence collective des territoires, pour substituer une décision collégiale à la décision individuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Je ne doute pas que ces sujets animeront nos débats. En tout état de cause, notre groupe déterminera sa position en fonction des amendements adoptés et du texte définitif qui sera soumis au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) alerte sur la nécessité de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

S’il identifie des solutions pour y parvenir dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’industrie et de l’usage des terres, il insiste sur la nécessité d’une transition juste, tant les inégalités sont flagrantes au niveau mondial. En effet, les 10 % les plus riches sont à l’origine de 36 % à 45 % des émissions, quand les pays les plus pauvres ne sont responsables que de 3 % à 5 % de celles-ci.

En matière de déploiement des EnR, nous faisons figure de mauvais élève, puisque nous sommes le seul pays à ne pas avoir atteint notre objectif de 23 % dans notre consommation finale d’énergie. Je rappelle que cet objectif est de 33 % à l’horizon 2033.

Si le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est favorable au développement des énergies renouvelables au côté de notre mix énergétique historique d’origine nucléaire et hydraulique, il considère cependant qu’elles ne doivent pas être génératrices de nouvelles dérégulations et que leur essor exige la structuration de véritables filières par la puissance publique. Nous savons en effet que la théorie qui consiste à laisser faire le marché se révèle extrêmement coûteuse pour les usagers.

Ce projet de loi, en promouvant une accélération intensive des projets plutôt qu’une planification réfléchie en amont, propose la manière forte, qui comporte le risque de se révéler contre-productive en radicalisant les oppositions et en éloignant les citoyens des enjeux de la transition énergétique.

À l’occasion de la concertation que vous n’avez pas manqué d’organiser autour de ce texte, madame la ministre, nous n’avons pas manqué non plus de nous faire l’écho des élus, associations et citoyens de nos territoires qui, face à des implantations quasi imposées, exigent légitimement de prendre toute leur place en amont des projets.

Dans le rapport présenté au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notre collègue rapporteur Didier Mandelli, qui a remanié ce projet de loi au moyen de 129 amendements, insiste sur les avancées nécessaires en matière d’acceptabilité et de planification des projets.

Il demeure cependant dans ce texte des adaptations de procédures administratives qui constituent des reculs démocratiques, comme la consultation des citoyens par la voie électronique alors que ce sont précisément les territoires concernés par ces implantations qui sont les plus éloignés du numérique.

Dans son avis sur le sujet, le Conseil économique, social et environnemental recommande justement « d’aller chercher la contribution des personnes “silencieuses”, des “invisibles” », « en veillant à prendre en compte l’illectronisme ». Il prône également l’évaluation a posteriori de la concrétisation des engagements des porteurs de projet.

La procédure simplifiée de modification des documents d’urbanisme est de nature à faciliter les atteintes à l’environnement.

Par ailleurs, et vous le savez, madame la ministre, ces nouvelles procédures accélérées ne pourront être efficientes sans un renforcement des moyens humains alloués aux services de l’État, ce que le Conseil d’État n’a pas manqué de relever.

Ce projet de loi défend un modèle visant à décarboner la production qui selon nous doit aller de pair avec la notion de sobriété, au travers notamment du soutien aux transports collectifs dans le ferroviaire et de l’isolation thermique des bâtiments.

Face au prix de l’énergie, face aux attentes des Françaises et les Français, nous devons être le plus efficaces possible. Quelque 13 millions de familles vivent aujourd’hui dans des « passoires thermiques » et se chauffent souvent dans des conditions déplorables. Les 3 000 intoxications au monoxyde de carbone qui ont lieu chaque année nous le rappellent. Il y a urgence à soutenir un grand plan de lutte contre la précarité énergétique susceptible de créer des emplois non délocalisables, avec de vrais résultats en termes de confort et de pouvoir d’achat des ménages.

Par ailleurs, mon groupe ne soutiendra pas les modèles de financement hybride promus dans ce texte en matière de partage de la valeur. Ce système aboutit à différencier le prix de l’énergie en fonction de la localisation des clients, contrevenant ainsi gravement au principe d’égalité entre les usagers. S’il doit y avoir un retour économique lié à la présence de ces installations, celui-ci doit revenir aux collectivités locales qui gèrent l’intérêt général.

L’énergie est un bien commun, un droit fondamental et universel, car il permet l’accès aux autres droits que sont l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à la sécurité, à l’égalité entre les hommes et les femmes.

La libéralisation des marchés de l’électricité, engagée en 1996, a conduit à l’éclatement du service public de l’électricité et du gaz. Les EnR doivent être sorties des griffes du marché pour être développées là où elles sont les plus efficaces, en ayant pour critère l’intérêt collectif et celui de la protection de l’environnement.

Si ce projet de loi amendé par la commission comporte effectivement quelques avancées, notre vote dépendra des débats et des amendements qui seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul et M. Franck Montaugé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui revêt une importance toute particulière alors que nous connaissons une crise énergétique sans précédent.

À l’heure où le spectre d’une pénurie d’énergie resurgit, d’autant plus menaçant que notre parc nucléaire est pour moitié indisponible, il est en effet plus nécessaire que jamais d’accélérer notre production d’énergies renouvelables.

Cela permettrait d’éviter à nos ménages, nos entreprises et nos collectivités locales de subir délestages, rationnements ou blackout, tout en garantissant notre souveraineté énergétique et en s’inscrivant dans la lutte contre le changement climatique.

Il ne s’agit pas pour autant de négliger le nucléaire : nous sommes tous bien conscients de ses atouts. Cependant, la construction de nouveaux réacteurs s’inscrit dans le long terme, alors que les énergies renouvelables peuvent répondre à nos besoins énergétiques dès maintenant.

Le Gouvernement semble avoir pris la mesure de l’urgence avec ce projet de loi qui prévoit de nombreuses mesures de simplification et d’accélération des procédures. Je m’en réjouis, mais ce texte reste perfectible.

Je tiens à saluer le travail accompli au Sénat par les différentes commissions impliquées. Il montre l’attention portée par notre Haute Assemblée à ce que la transition énergétique menée par l’État ne se fasse pas contre les collectivités territoriales, mais bien avec elles.

Ma collègue Daphné Ract-Madoux détaillera le point de vue de notre groupe sur les avancées proposées par la commission des affaires économiques, notamment grâce à l’engagement de notre collègue rapporteur pour avis Patrick Chauvet.

Pour ma part, j’accueille favorablement plusieurs propositions présentées par mon collègue rapporteur Didier Mandelli lors des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je pense par exemple à la limitation de la phase d’examen de la demande d’autorisation environnementale à quatre mois, ou encore au référent préfectoral chargé de l’instruction des projets d’énergies renouvelables et des projets industriels nécessaires à la transition énergétique.

Par ailleurs, j’estime que les amendements du rapporteur visant à démultiplier les possibilités d’implantation du photovoltaïque introduisent des dispositions indispensables pour maximiser le déploiement de cette énergie.

Je déplore toutefois que certaines dispositions introduites par voie d’amendement en commission mettent en péril l’édifice que nous avons coconstruit. Comment pouvons-nous ainsi proposer de revenir sur le dispositif équilibré de la loi 3DS sur l’éolien en envisageant aujourd’hui un veto des élus municipaux sur les projets ?

Mme Denise Saint-Pé. Cela ralentirait la procédure, ce qui serait contre-productif. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST. – M. Frédéric Marchand applaudit également.)

Plus dangereux, cela mettrait les projets éoliens terrestres à la merci de critères politiques, et donc subjectifs, un risque d’autant plus grand si toutes les communes en covisibilité sont concernées.

M. Olivier Paccaud. C’est la démocratie !

Mme Denise Saint-Pé. C’est pourquoi je ne crois ni raisonnable ni responsable d’instaurer un tel dispositif.

De même, comment soutenir des mesures visant à gêner l’implantation d’éoliennes offshore à moins de 40 kilomètres des côtes, quand, dans le même temps, l’éolien flottant qui permet d’aller au-delà de cette distance n’est pas encore mature ? C’est à se demander si nous avons tous la même conscience de la gravité du moment, en pleine crise climatique et énergétique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mon groupe n’étant pas unanime sur ces questions, l’avis que j’exprime est celui d’une partie de mes collègues. Toutefois, nous comptons tous sur le débat d’aujourd’hui et des jours à venir pour que le Gouvernement et le Sénat s’accordent sur des solutions de compromis satisfaisantes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)