M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. C’est un sujet complexe, car il pose l’enjeu de la préservation du patrimoine.

Pour autant, du terrain me remontent des cas où il m’est difficile d’expliquer les positions prises, d’autant plus qu’elles changent d’une fois sur l’autre ou d’un dossier à l’autre.

M. Pierre Ouzoulias. Non, vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avec le ministère de la culture, nous avons entamé un travail sur la méthodologie pour nous doter d’un guide, mais encore faut-il qu’il y ait un partage de bonnes pratiques entre les ABF et, sans doute, une ligne ferme séparant ce qui relève de la protection du patrimoine et de l’appréciation plus personnelle.

Le travail vient d’être commencé, il est encore dans sa phase préliminaire – je ne veux pas vendre du rêve aujourd’hui –, mais il faut lui donner sa chance. Il est important que notre politique de protection du patrimoine soit mise en œuvre de façon homogène.

Je donnerai un avis favorable à ces amendements, car je souhaite que ce travail se déroule dans les meilleures conditions.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je souhaite rassurer notre collègue Monier : bien sûr, je vais soutenir ces amendements ; je n’ai rien contre les ABF – bien travailler avec eux est l’occasion de faire de belles choses.

J’en veux plutôt aux décisions parfois solitaires de certains ABF avec qui l’on ne peut presque pas parler.

Aussi, je suis ravie de prendre acte des améliorations que vous avez citées et de savoir qu’un travail a été engagé – je l’ai appelé de mes vœux hier. Il faudra d’ailleurs regarder si ce guide pourra ou non être opposable – c’est un sujet –, car si c’est un guide et seulement un guide, non opposable, comment pourra-t-on l’utiliser ?

Il ne faut pas se voiler la face : il existe tout de même dans nos territoires des projets – nous en connaissons tous, sur quelque travée que nous siégions ou quelle que soit notre commission – qui sont bloqués, voire arrêtés définitivement, sans que, franchement, on sache pourquoi.

L’amélioration me semble vraiment souhaitable – nous avons besoin des ABF pour protéger notre patrimoine –, mais elle doit être cohérente. De plus, nous devons avoir les explications des ABF et travailler en commun avec eux – en fonction des ABF c’est possible ou non, ce qui est justement regrettable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je ferai un petit rappel historique. Mes chers collègues, vous avez déjà supprimé l’avis conforme des ABF pour un certain nombre d’installations, dont les antennes de téléphonie mobile. (Mme Sylvie Robert le confirme.)

Avec ma collègue Anne Ventalon, nous avons récemment rendu un rapport sur l’état des édifices religieux à l’occasion duquel nous avons appris que des antennes de téléphonie avaient été installées dans les clochers d’église de nombre de communes.

Mme Sophie Primas. À L’intérieur !

M. Pierre Ouzoulias. C’est la conséquence immédiate du travail de sape que vous avez entrepris contre l’avis conforme des ABF.

Nous pouvons – bien sûr ! – continuer ce travail en ajoutant désormais des panneaux photovoltaïques sur les églises !

J’aimerais vous rappeler toutefois que la France est la première destination touristique mondiale. Le patrimoine est non pas une charge, mais un investissement – j’insiste sur ce point ! Il nous permet d’accueillir chaque année de plus en plus de touristes. Il faut donc travailler sur cet aspect essentiel.

Mme Sylvie Robert. Exactement !

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, vous êtes au banc du Gouvernement, vous défendez également les intérêts du ministère de la culture. (Mme la ministre opine.) Aussi, je suis surpris de vous entendre attaquer les positions divergentes des ABF. (Murmures sur les travées du groupe RDPI.)

M. Julien Bargeton. C’est une position d’équilibre !

M. Pierre Ouzoulias. Cela va dans le sens des élus qui attaquent les ABF ; je ne crois pas que ce soit le rôle du Gouvernement.

M. Frédéric Marchand. Et quand les ABF attaquent les élus ? Il faut arrêter !

M. Pierre Ouzoulias. Par ailleurs, le ministère de la culture est en train de préparer des instructions nationales très précises, qui correspondent tout à fait à ce que demande la présidente Primas.

J’ai cru comprendre que ce travail est achevé du côté du ministère de la culture, madame la ministre…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Non !

M. Pierre Ouzoulias. Non, il n’est pas achevé… Parce que vous le bloquez ! (Mme la ministre proteste.) C’est ce que nous a dit le ministère de la culture : aujourd’hui, le travail est rendu ; le problème est donc de votre côté ! (Mme la ministre marque son agacement. – Rires sur les travées des groupes CRCE et SER.) C’est de votre côté qu’il faut avancer sur le travail qui est en cours !

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. J’avais prévu d’intervenir pour défendre ces amendements, mais, d’après ce que j’ai compris, je viens au secours de la victoire – c’est assez agréable.

L’objectif de ce projet de loi est de développer les énergies renouvelables ; l’objectif de cet article est de revenir sur le mode de fonctionnement des architectes des Bâtiments de France. Le développement des énergies renouvelables dans les périmètres classés et dans les zones de covisibilité, qui entraînerait un avis défavorable de l’ABF, soulève moins d’enjeux qu’avec les ombrières, les toitures des bâtiments existants ou futurs, etc. – tout ce que l’on vient d’étudier.

La filière chinoise a déjà suffisamment à faire dans le développement des énergies renouvelables que l’on a voté pour ne pas ajouter une règle lui permettant d’investir dans quelques projets supplémentaires qui poseront plus de difficultés qu’ils n’en résoudront !

Je rejoins le propos de notre collègue Ouzoulias : on n’investit plus dans le patrimoine. Combien avons-nous construit, depuis vingt ans, de bâtiments, parfaitement étanches et isolés, qui seront encore dignes d’être visités dans un ou deux siècles ? Aucun ! Alors, préservons au moins ceux que nos prédécesseurs ont édifiés. Ils font partie de notre bien commun, du patrimoine que nous devons conserver, ils sont l’une des richesses de notre pays. C’est donc un enjeu majeur.

Nous sommes favorables au développement des panneaux photovoltaïques, mais il y a d’autres endroits pour les installer que les villages médiévaux ou les autres sites patrimoniaux.

Nous rencontrons également ce type de problème à propos de l’isolement par l’extérieur : les maires se retrouvent en difficulté face à des pétitionnaires ; l’appui – et l’avis éclairé – de l’ABF est important. Bien sûr, j’ai souvent été aux prises avec l’ABF, c’est normal, mais on discute. Néanmoins, son rôle est important dans beaucoup de situations, celle-ci en fait partie.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.

M. Rémy Pointereau. C’est vrai, les architectes des Bâtiments de France émettent parfois des avis qui diffèrent d’un département à l’autre, ce qui pose des problèmes, car les projets sont alors arrêtés durant un certain nombre d’années avant d’aboutir.

Les maires de petit village de caractère ou de commune qui abritent des patrimoines protégés ont peur de voir fleurir des toitures équipées de panneaux photovoltaïques. Cela risque de nuire à la préservation de notre patrimoine, lequel est important en France.

Je soutiendrai évidemment l’amendement de notre collègue Laurence Garnier, car il est possible de déroger à un avis simple. D’ailleurs, un comité de concertation a été mis en place à l’échelon départemental, en lien avec les services de la préfecture, pour déroger parfois aux avis des architectes des Bâtiments de France – cela permet déjà d’avancer !

Nous avions déjà eu une discussion importante à ce sujet, lors de la loi Élan, je crois.

M. Rémy Pointereau. Constatant que, parfois, les choses « déviaient », nous avions retenu, pour avancer, le choix de la concertation avec les architectes des Bâtiments de France.

En revanche, pour revenir sur ce qu’a dit notre collègue Ouzoulias, souvent les antennes sont installées à l’intérieur des clochers, ce qui ne pose pas forcément de problème.

M. Rémy Pointereau. En revanche, il serait très dommageable d’installer du photovoltaïque dans les petites cités de caractère !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Notre débat soulève différents problèmes.

Le premier est que le système tel qu’il fonctionne actuellement donne un pouvoir discrétionnaire à des individus sans qu’un cadre ait été clairement défini, alors qu’il y a manifestement des injonctions contradictoires. Ce système, Sophie Primas l’a dit, soulève de nombreuses difficultés.

Il faudrait avoir un cadre fixé par l’État, mais, cela a été dit, les différents services ne défendent pas exactement les mêmes priorités.

À mon sens, en rester, faute de mieux, à l’avis conforme revient à fragiliser l’avenir du système des ABF. Il faudrait un cadre clair, défini en concertation par les services des ministères concernés, validé par le Gouvernement et applicable à tous. Pour l’instant, nous ne l’avons pas !

M. Christian Redon-Sarrazy. Et la loi Littoral ?

M. Ronan Dantec. Deuxième point : Mme Garnier indique dans l’objet de son amendement que « cette mesure n’apparaît pas justifiée au regard des gains extrêmement limités en termes de production d’énergie qu’on peut en attendre […] ». Cela sous-entend que, dans ces cas-là, l’enjeu patrimonial, tel qu’il est défendu par l’ABF, peut rester la priorité puisque la production d’électricité à partir de panneaux photovoltaïques n’est pas nécessaire à l’équilibre du réseau français. Soit, mais expliquez-moi, dans ce cas-là, l’avis conforme que l’on a voté hier… Il s’agit d’injonctions contradictoires ! Je me permets de le dire, c’est du grand n’importe quoi !

M. Laurent Lafon. Ce n’est pas croyable !

M. Ronan Dantec. Nous avons donné à des individus la capacité de décider de la stratégie énergétique de régions entières, puisqu’il est écrit dans l’amendement – et non dans l’objet – que la zone couverte est celle qui se situe dans un rayon de dix kilomètres autour du bâtiment historique. En Bretagne, où l’on trouve nombre de chapelles ou de calvaires – c’est le produit de l’Histoire –, si l’on retient un tel périmètre, c’est toute la région qui sera englobée !

Notre collègue Corbisez l’a très bien montré pour le nord de la France, où des territoires entiers sont concernés. On ne fera plus d’éolien !

Ce n’est pas possible de donner à quelques individus… (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et CRCE. – M. Cédric Vial manifeste son impatience.)

M. Laurent Lafon. C’est incroyable !

M. Ronan Dantec. … le droit de décider de la stratégie énergétique d’une région entière, alors que l’État demande aux régions, dans le même temps, d’atteindre des objectifs quantitatifs.

Justifier l’avis conforme au prétexte que les sites classés ne comptent pas beaucoup dans la production électrique s’entend, mais, hier, nous avons voté strictement l’inverse.

M. Laurent Lafon. Incroyable !

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. Mon cher collègue, pardon, mais il y a des choses que l’on ne peut pas entendre. Traiter des agents de l’État d’« individus »… Comme s’ils prenaient des décisions seuls !

Vous savez qu’il y a un historique de la législation du patrimoine en France, mon cher collègue ! C’est une fierté d’avoir construit, au fil du temps, des dispositifs de protection de notre patrimoine.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Laurent Lafon. Toutes les communes les ont saisis, on le voit bien, puisque nombre d’entre elles sont en train de protéger leur patrimoine pour mieux mettre en valeur leur identité et développer leurs capacités touristiques.

Je veux bien que nous discutions entre nous de tous les avantages de l’énergie renouvelable – j’y suis favorable –, mais ayons conscience que les installations qu’elle nécessite se heurte à des réactions fortes de nos concitoyens, notamment dès lors qu’elles touchent au patrimoine.

Dans le texte initial du Gouvernement, l’équilibre qui avait été trouvé consistait, me semble-t-il, à développer l’énergie renouvelable, mais de faire attention au patrimoine en ne touchant pas aux mesures de protection. Au sein de la commission de la culture, nous en avons débattu, c’est normal, et je comprends tout à fait que nous ayons réfléchi à un moment donné sur le rôle des ABF. Néanmoins, il faut, je crois, revenir à l’équilibre de départ en ne touchant pas aux dispositifs de protection existants.

C’est tout le sens de ces deux amendements, que je soutiens pleinement.

Ce qu’a dit la ministre sur l’instruction, en cours d’élaboration, visant à harmoniser les points de vue est un aspect extrêmement important. Il ne faut pas tomber dans des débats excessifs.

Le problème n’est pas le rôle de l’ABF – il joue un rôle primordial dans la protection du patrimoine – ; c’est le fait que les positions, d’un département à l’autre, ne sont pas comprises. Telle est la question que vous posez, mes chers collègues.

Or passer d’un avis conforme à un avis simple ne répond pas à cette question. (Marques dapprobation sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Éliane Assassi. Je suis d’accord !

M. Laurent Lafon. La réponse, c’est l’instruction sur laquelle les services de l’État sont en train de travailler et à laquelle la commission de la culture sera très attentive. J’invite vivement chacun à soutenir les deux amendements de suppression. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias et Mme Victoire Jasmin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Oui, c’est effectivement un sujet. Je suis un peu rassuré d’entendre que nous sommes sur le point de fixer des règles, mais surtout un cadre national, pour préserver le riche patrimoine de nos territoires.

Je voudrais toutefois soulever un autre point : je ne suis pas sûr que ces mesures de protection de notre patrimoine soient forcément, systématiquement, incompatibles avec le développement des énergies renouvelables. (M. Laurent Lafon approuve.)

Je le dis, car il faut dépassionner le débat. Nous vivons non pas à part, mais bien dans une société qui évolue. Ce patrimoine – cette richesse patrimoniale – évolue aussi dans ce contexte-là, comme nos territoires.

Bien sûr, cela ne remet pas en cause le bien-fondé de ces deux amendements ; le débat que nous avons à cet instant est, je trouve, sincère et apaisé. Sur le terrain – nous y sommes tous –, chacun de nous connaît ces cas, d’où l’importance d’établir des règles.

Ce sujet ne doit pas être opposé à celui de la protection du patrimoine et de l’avis de l’ABF. C’est pourquoi, j’insiste, le renouvelable peut parfois très bien se conjuguer avec le patrimoine. Une réflexion pourrait être menée à ce propos.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. J’étais, au début, partagée sur les amendements qui nous sont proposés. Nous avons tous rencontré, dans nos départements, des difficultés pour faire avancer ces sujets. J’ai ensuite repris le dossier. Je suis sénatrice de la Vendée, j’habite aux Sables-d’Olonne, où le patrimoine a été saccagé, à une époque, pour construire des logements.

Aujourd’hui, je suis persuadée que l’on peut concilier les énergies renouvelables avec le patrimoine. Il faut absolument arrêter de les opposer, comme le disait notre collègue Gremillet.

Aussi, la question n’est pas tant de savoir si l’avis est conforme ou simple que de savoir comment l’on peut réussir à gérer, dans les départements, non pas les avis en tant que tels des ABF, mais bien les avis à géométrie variable, certains projets, disons-le, s’en trouvant alors retardés.

On ne peut pas imaginer aujourd’hui que les « petites cités de caractère », évoquées par notre collègue Rémy Pointereau tout à l’heure et chères à notre collègue Françoise Gatel, soient saccagées à cause d’un avis simple. Elles sont des outils de dynamisme économique de nos territoires, de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.

Ayant fait mon cheminement, je voterai, bien entendu, ces deux amendements identiques. (M. Pierre Ouzoulias sen félicite.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Corbisez. Puisqu’il a été question du territoire dont je suis l’élu, je prends la parole. Auparavant, je veux dire – et je vais dans le même sens que Mme Primas – que, une fois, j’ai soumis, en tant que maire, un permis de construire auprès de l’ABF pour transformer une ancienne fermette en logement social. Celui-ci le retoque et me donne ses prescriptions. Deux mois après, je soumets un deuxième projet intégrant lesdites prescriptions, mais il est de nouveau refusé. L’ABF me donne ses nouvelles prescriptions… Je reviens avec un troisième projet, identique au premier, et, cette fois-ci, il est validé par l’ABF ! (Rires au banc des commissions.)

On peut se poser des questions sur la réflexion des ABF, à moins que je n’aie eu celui-ci qu’à l’usure…

Par ailleurs, j’ai évoqué hier soir, à la suite de l’intervention de mon collègue de la Somme, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Or la commune dont j’ai été maire se trouve dans le Pas-de-Calais, cependant que la cité minière est située dans la commune voisine, elle-même située dans le département immédiatement voisin du Nord, juste de l’autre côté de la rue. Or l’ABF du Pas-de-Calais n’est pas du même avis que l’ABF du Nord ! (Rires sur les travées du groupe CRCE.) Dans ces conditions, quelles couleurs choisir pour la rénovation des logements quand deux avis divergent ?

M. Jean-Pierre Corbisez. Vivement une charte à l’échelle nationale, comme l’a dit Mme la ministre, pour que les ABF de chaque département puissent accorder leurs violons !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. La France est la première destination touristique au monde. C’est le résultat de ce qui a été fait, depuis des décennies, par nos anciens. Nous avons tous en mémoire la loi Malraux, qui a changé beaucoup de choses dans notre pays. C’est une loi fondatrice, qui a permis de prendre conscience de la nécessité de préserver le patrimoine.

C’est un enjeu essentiel, et je rejoins ce qu’ont dit tout à l’heure nombre de nos collègues, notamment Pierre Ouzoulias.

Dans ces conditions, il est important de pouvoir nous projeter avec une vision unique. D’autres pays, parce qu’ils n’ont rien fait, ont saccagé tout leur patrimoine – je pense à la Chine, mais il y en a d’autres –, car ils n’avaient pas ces outils juridiques de protection du patrimoine. Ces derniers me semblent donc essentiels.

La cité épiscopale d’Albi – pour prendre un exemple tiré de mon département – n’aurait jamais été inscrite au patrimoine mondial de l’humanité sans les dispositions législatives prises à l’époque – de manière un peu stricte parfois, c’est vrai – pour protéger le patrimoine.

Nous avons peut-être subi dans nos communes des décisions des architectes des Bâtiments de France que nous n’avons pas toujours comprises – les uns et les autres se sont exprimés à ce sujet –, mais faisons-leur confiance ! À plusieurs égards, ils sont dépositaires de certains biens communs et donc garants de l’objectif – essentiel – de préservation du patrimoine.

Il y a des situations qui sont différentes. On ne pourra pas tout harmoniser à l’échelle nationale, pour la simple et bonne raison que les situations sont très différentes d’une commune à l’autre, d’un département à l’autre et d’une région à l’autre. Faisons confiance aux ABF sur ce point. Je ne souscris pas à l’idée selon laquelle les architectes des Bâtiments de France abuseraient de leur pouvoir : ils essayent simplement de s’inscrire de manière positive dans une démarche collective, fondamentale et essentielle, à savoir la préservation de notre patrimoine.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Je voudrais remercier M. le rapporteur et Mme la ministre pour leur avis favorable.

Si le travail interministériel en cours, qui est susceptible d’aboutir à une forme de charte permettant d’homogénéiser et d’harmoniser le cadre, a permis d’emporter cet avis favorable, alors je m’en réjouis.

Je voudrais quand même dire que j’ai l’impression de revivre les débats de la loi Élan,…

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Eh oui !

Mme Sylvie Robert. … que j’ai l’impression de revivre les débats sur votre proposition de loi, cher collègue Pointereau, portant pacte national de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. On trouvait déjà cette opposition entre protection du patrimoine et autres politiques publiques.

Bien sûr, nous avons tous eu des expériences malheureuses ou douloureuses avec nos ABF, mais arrêtons de généraliser à partir de cas particuliers.

Monsieur Dantec, j’ai été extrêmement choquée par vos propos,…

M. Ronan Dantec. C’était l’objectif !

Mme Sylvie Robert. … selon lesquels ils ne seraient que des « individus » n’en faisant qu’à leur tête.

Il s’agit d’un corps d’État, qui travaille avec son ministère de tutelle. Sur le patrimoine, son rôle est bien de poser des garde-fous, mais aussi de discuter avec les élus.

J’aurais aimé que nous disposions de tels garde-fous s’agissant des entrées de villes, que certains élus pourraient envisager autrement. Souvenez-vous de cet article de presse évoquant « la France moche » : nous savons tous qu’il y a un travail à mener sur ce sujet. (M. Jean-Michel Houllegatte renchérit.)

Ces débats ne cessent pas depuis la loi Élan, et ils continueront, parce que celle-ci a ouvert une brèche quant à la place des ABF. Félicitons-nous plutôt de disposer de ces agents dont la mission est d’imposer un cadre.

Alors, mettons-nous autour de la table avec eux, sans considérer qu’ils ne sont là que pour mettre des vetos. Ils doivent rendre un avis conforme, certes, mais dans l’échange avec les élus ou les porteurs de projet, ils peuvent aussi convenir qu’il existe des possibilités d’agir.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Nous avons un devoir de préservation du patrimoine, dont nous avons hérité, pour ceux qui viendront après nous. Cela relève de notre responsabilité.

L’attractivité de mon département, le Lot, repose sur son patrimoine, comme la ville de Figeac ou le village de Rocamadour. La France est la première destination touristique mondiale ; cette question représente donc un enjeu économique important.

Qui sommes-nous, alors que nous avons une histoire vieille de 2 000 ans, pour tout sacrifier au prétexte de notre consommation d’électricité ? La situation dans laquelle nous nous trouvons est complètement nouvelle : nous allons voir apparaître beaucoup d’installations, parce que ces énergies renouvelables ne produisent pas en grande quantité.

Nous, en tant qu’humanité, sommes donc soumis à un très important devoir de préservation. Nous avons besoin de lieux exempts de cette modernité et il nous revient de protéger des espaces de beauté, des îlots intemporels, de ces implantations qui vont être mises en œuvre partout.

Nous devons laisser nos enfants jouir de l’expérience que nous avons faite nous-mêmes de ces espaces sauvegardés.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous sommes tous ici très attachés à notre patrimoine. Ainsi, quand nous, écologistes, avons essayé de sortir les voitures du cœur des centres-villes, il s’agissait aussi de préserver un patrimoine, même si nous en avons sans doute une vision différente.

Il y a donc un patrimoine vivant et un autre un peu fossilisé, parfois muséifié. Prêtons-y attention, parce que des gens habitent autour des bâtiments historiques, qui font partie de la société et attendent souvent des évolutions. Les défis que nous devons relever aujourd’hui sont colossaux, il nous faut avancer de concert.

J’ai bien entendu Mme la ministre expliquer que la charte était en cours de réalisation, mais nous ne savons pas quand cette réflexion aboutira. Pendant ce temps, nous allons confier le développement des énergies renouvelables à quelques personnes, qui font sans doute très bien leur travail, mais avec une focale qui me semble parfois un peu étroite. (M. Pierre Ouzoulias sexclame.)

Je continue d’affirmer que nous devons nous contenter d’un avis simple, parce qu’un avis conforme s’inscrirait dans une approche trop restrictive.

Combien de fenêtres de toit, combien d’isolations par l’extérieur, combien de doubles vitrages ont été interdits, pendant des années ? Ces décisions ne préservent pas l’avenir et placent de nombreux habitants dans l’inconfort. Nous devons prendre cela en compte, parce qu’il y a une société qui vit autour des bâtiments historiques.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Je voterai des deux mains l’amendement de Laurence Garnier, parce que la notion de préservation ne doit pas être sélective.

Notre collègue Dantec, avec verve, cherche en quelque sorte à opposer préservation du patrimoine et préservation de l’environnement (M. Ronan Dantec le conteste.) ; or le patrimoine fait partie de l’environnement ! Nous pourrions donc nous retrouver en faisant preuve d’un peu d’ouverture d’esprit.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.

M. Frédéric Marchand. Pour conclure notre débat, j’en appellerai à Jaurès : il faut aller à l’idéal, mais il faut comprendre le réel. Comprendre le réel, c’est aussi garder à l’esprit que la préservation de notre patrimoine est l’affaire de tout le monde, en particulier de tous les élus locaux, que nous avons été.

Je donne crédit aux propos de Mme la ministre et du rapporteur sur cette mission conjointe qui est menée pour rapprocher les points de vue des uns et des autres et conjuguer deux priorités : les énergies renouvelables et la préservation de notre patrimoine.

M. Jean-Michel Houllegatte. Nous sommes d’accord.

M. le président. Avant de passer au vote, je voudrais rappeler que Jean Jaurès n’a jamais opposé réel et idéal ; il ne plaçait pas de « mais » entre les deux. (Sourires.) C’est un commentaire strictement personnel…

Je mets aux voix les amendements identiques nos 197 rectifié sexies et 519.

(Les amendements sont adoptés.)