M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Sonia de La Provôté. Enfin, le troisième point concerne la situation du patrimoine, confronté à l’arrivée du DPE. Si la transition écologique et l’amélioration énergétique du bâti sont des nécessités, cela ne doit ni nuire au patrimoine ni détériorer la qualité de nos communes.

En écho à l’intervention de notre rapporteur pour avis Sabine Drexler, je ne peux que vous alerter sur ce qui se passe en ce moment. Le DPE suit des règles inadaptées au bâti conçu avant 1949 ; il est lui-même délétère. Nul besoin d’être spécialiste pour comprendre que l’isolation par l’extérieur sur un bâti ancien en pierre ou un torchis, par exemple, est une erreur technique ! C’est aussi une faute vis-à-vis de l’identité de nos villes et villages, car cela efface les particularismes locaux et nuit à la qualité du cadre de vie.

Il y a donc urgence à faire évoluer les critères vers du bon sens. La machine à défigurer par un enlaidissement systémique est en marche.

Pour conclure, madame la ministre, vous l’avez compris : dans ces moments où tout confine à l’urgence, où il est nécessaire de faire des choix et de dégager des priorités, où le temps du dialogue est vite raccourci, voire inexistant, le ministère de la culture doit être fort. Sa voix doit être entendue et ses propositions retenues, que son interlocuteur soit un autre ministère, le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) ou encore l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Trop nombreuses sont les annonces ou décisions où la culture et le patrimoine sont concernés et où le sentiment est pourtant donné que le ministère n’est que peu consulté !

Madame la ministre, le groupe UC votera favorablement ce budget, mais, parce que nous soutenons ardemment la culture et le patrimoine, et parce que l’essentiel est bien là, il veut témoigner ici de sa vigilance et de ses inquiétudes.

Préservons la poésie de notre pays ! Le patrimoine et les paysages en sont l’écrin ; la culture est l’air que l’on y respire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, défendre le budget de la culture pourrait seulement consister à relever ses externalités positives sur l’économie, en particulier touristique, et son rôle social. En réalité, l’État doit se comporter en promoteur, sans attendre l’exacte contrepartie comptable de son investissement.

Notre pays a la responsabilité de soutenir la culture, qui fait tout simplement partie de notre système de valeurs républicaines. Elle nous oblige. Elle est l’expression de la liberté, selon une formule kantienne. En cela, si j’ose dire, la culture est, par essence, essentielle.

À ce titre, elle a d’ailleurs trouvé sa place dans le plan de relance, qui a permis à nos acteurs et aux institutions du monde culturel de traverser la crise liée à la pandémie de covid-19.

Je salue cet effort et sa pérennisation à travers le programme de commandes publiques « Mondes nouveaux », qui se poursuivra avec un premier soutien de 10 millions d’euros en 2023 en direction du spectacle vivant et des arts visuels.

J’en profite pour rappeler que notre amendement de bonification du crédit d’impôt pour le spectacle vivant a été adopté en première partie du projet de loi de finances. Nous espérons qu’il survivra à la navette parlementaire, madame la ministre.

En attendant, mes chers collègues, la culture devra affronter d’autres difficultés. Je pense bien entendu au coût de l’énergie, ainsi qu’à la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens, qui pourrait les contraindre à sacrifier les activités culturelles.

En outre, la question des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est un sujet d’inquiétude, madame la ministre. Le monde culturel attend des réponses, car certains de ses acteurs ont besoin de se projeter dans le temps, pour des raisons évidentes de programmation.

Pour faire face à tout cela, le projet de loi de finances pour 2023 affiche une progression globale d’environ 7 % des crédits de la mission « Culture ». C’est un effort significatif, mais l’action publique doit respecter l’objectif d’équité. La culture, c’est pour tous et sur tous les territoires.

À cet égard, je souhaite tout d’abord évoquer la question du patrimoine, qui est un levier essentiel du dynamisme local et, surtout, un marqueur fort de l’identité de nos villes, départements ou régions. Les crédits du programme 175 augmenteront de 7,5 % en 2023. C’est une bonne chose, mais ce programme ne reflète pas l’ensemble de l’effort de l’État en faveur du patrimoine.

J’ajoute qu’il est fortement concentré sur les monuments historiques et les musées. Par conséquent, il n’est pas inutile de souligner l’action très volontaire des collectivités locales. Selon la Cour des comptes, ces dernières investissent en moyenne chaque année, 650 millions d’euros en direction du patrimoine, avec un regard appuyé sur le petit patrimoine de proximité, qui est aussi essentiel.

Mais tous les moyens réunis, y compris ceux de la fondation du patrimoine et de la mission Bern, dont le fameux loto, suffiront-ils à couvrir les défis auxquels est confronté notre patrimoine ?

Le renchérissement des chantiers de restauration et la nécessité d’accélérer la transition énergétique sont deux enjeux imminents. Le premier va clairement oblitérer une partie de la hausse des crédits budgétaires.

J’en viens à la transition énergétique. Il convient d’éviter de renvoyer dos à dos patrimoine et développement durable. Dans les deux cas, il s’agit de conserver notre héritage.

Aujourd’hui, nous disposons des outils technologiques pour concilier les mesures de protection du patrimoine et les objectifs du développement durable.

Il faudra évidemment bien former les architectes. Pour cela, les moyens déconcentrés de l’État destinés au patrimoine doivent être à la hauteur. Or ils sont actuellement très contraints.

Je souhaite à présent aborder la démocratisation de la culture.

L’égal accès à la culture est un objectif de la politique publique du ministère, à travers le programme 361.

Dans ce cadre, le pass Culture focalise beaucoup l’attention, pour ne pas dire les crédits, puisqu’il absorbe jusqu’à 25 % du programme. Je me réjouis de sa montée en puissance et de son ouverture à de nouvelles classes d’âge. Mais je m’interroge également sur le fait que le spectacle vivant et les musées recueillent une bien moindre attention.

Il y a donc un effort à faire pour inciter les jeunes à plus de diversité dans leurs pratiques culturelles. Il faut, comme l’avait rappelé André Malraux en 1966, « faire ce que la IIIe République avait réalisé, dans sa volonté républicaine, pour l’enseignement ; il s’agit de faire en sorte que chaque enfant de France puisse avoir droit aux tableaux, au théâtre, au cinéma, etc., comme il a droit à l’alphabet. »

Dans cette perspective, il me semblerait souhaitable que nous ne négligions pas les autres volets du programme, dont les actions plus traditionnelles d’éducation artistique et culturelle.

Mes chers collègues, je le répète, parce que la culture est au cœur de notre projet républicain, elle doit toujours être soutenue. Le groupe RDSE approuvera donc les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi de finances vient le temps des promesses. Celui de 2023 n’échappe pas à la règle.

Les moyens de la mission « Culture » sont abondés de 250 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 7,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Il s’agit évidemment d’un motif de satisfaction, et nous aurions tort de considérer cet effort budgétaire comme négligeable. Mais est-il pour autant suffisant ? Je n’en suis pas certaine.

Tous ceux qui sont investis de la mission essentielle qui consiste à préserver le patrimoine, à favoriser l’acte de création et à promouvoir la culture pour tous s’alarment de l’augmentation exponentielle des coûts énergétiques. La filière du spectacle et le patrimoine sont particulièrement impactés.

Certes, l’État est intervenu puissamment, dans un passé récent, afin d’aider le monde de la culture à faire face aux conséquences de la crise sanitaire par un certain nombre de mesures transversales.

Le ministère de la culture a, pour sa part, apporté une réponse forte et singulière, qu’il faut saluer et qui se prolongera en 2023, afin notamment de permettre aux structures de surmonter les difficultés actuelles. Mais l’augmentation des crédits apparaît d’ores et déjà absorbée par l’inflation.

Chaque programme de la mission bénéficie d’un abondement par rapport à l’an dernier.

Le programme 175, consacré aux patrimoines, finance, comme vous le savez, les politiques de préservation et d’enrichissement du patrimoine culturel français.

Dans ce cadre est prévu l’accroissement des moyens alloués au fonds incitatif et partenarial pour les collectivités à faible potentiel financier, le renforcement du plan de sécurité des cathédrales, et un soutien renforcé à la politique d’archéologie préventive. Ce sont des propositions que nous pouvons approuver.

L’action de l’État se traduira également par un investissement accru dans la rénovation et la modernisation des établissements culturels, avec notamment l’augmentation de 3 millions d’euros de la subvention d’investissement du Centre des monuments nationaux (CMN) ou le renforcement des capacités d’investissement du musée d’Orsay, avec 1,5 million d’euros supplémentaires. Je m’en réjouis à titre personnel.

La création, à travers le programme 131, bénéficie d’une attention particulière avec l’ambition de soutenir l’emploi artistique et les artistes auteurs. Près de 13 millions d’euros sont consacrés à cette action. Je veux aussi souligner le renforcement des moyens alloués aux opérateurs de la création et la poursuite des projets d’investissements ambitieux dans les institutions emblématiques de ce secteur, à hauteur de 13,5 millions d’euros.

Enfin, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, qui doivent être au cœur de notre pacte républicain, bénéficient elles aussi d’un soutien renouvelé.

Le pass Culture a désormais trouvé son rythme de croisière, et il est essentiel que chaque jeune, collégien ou lycéen, puisse bénéficier d’une offre diversifiée sur l’ensemble du territoire. L’effort en faveur de ce dispositif ne doit cependant pas se traduire par la diminution concomitante des moyens alloués aux territoires prioritaires et à l’éducation artistique et culturelle. Or tel ne semble pas être le cas concernant cette dernière.

À ce jour, l’EAC recouvre des réalités très hétérogènes par les formes qu’elle revêt, la pluralité des acteurs impliqués et la diversité des territoires où elle se déploie. Parce qu’elle est indispensable à la démocratisation de la culture et renforce l’égalité des chances, elle doit être soutenue sans réserve.

Je suis par ailleurs heureuse de constater les efforts budgétaires destinés à améliorer l’attractivité de l’enseignement supérieur « Culture », son insertion dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, et l’insertion professionnelle des jeunes diplômés.

Pour autant, des difficultés persistantes affectent la création.

Je pense au spectacle vivant privé, confronté à de fortes contraintes conjoncturelles, notamment la hausse généralisée des coûts, mais aussi des contraintes structurelles, avec des pénuries de main-d’œuvre récurrentes. Après deux années catastrophiques en termes d’activités et de recettes, l’année 2022 a été synonyme de reprise en demi-teinte.

L’équilibre économique des festivals est, quant à lui, particulièrement dégradé. C’est toute une filière qui s’interroge sur son avenir et son modèle de développement.

Dans ce contexte, il a été demandé, malheureusement sans succès, une prolongation du crédit d’impôt spectacle vivant.

Au-delà de ce crédit d’impôt, il sera judicieux et nécessaire de réfléchir au renforcement de la filière musicale et du Centre national de la musique (CNM). Cependant, je n’anticiperai pas sur les propositions que notre collègue Julien Bargeton pourrait être amené à formuler dans le cadre de la mission parlementaire que lui a confiée Mme la Première ministre.

Je ne veux pas conclure mon intervention sans exprimer un regret à propos des réserves du Gouvernement sur les crédits d’impôt destinés aux différentes filières de la culture, que j’ai défendus en séance voilà huit jours. En raison d’une orthodoxie budgétaire poussée à l’extrême, la plupart d’entre eux n’ont pu être prolongés, mettant à mal de nombreux acteurs.

Il s’agit d’un véritable sujet d’inquiétude, même si j’ai obtenu une avancée importante pour les éditeurs de services de vidéo à la demande. Avouez toutefois, madame la ministre, que c’est une bien maigre consolation !

Telles sont, brossées à grands traits, les réflexions que je souhaitais vous soumettre.

Compte tenu des mesures positives que comporte le budget de la mission « Culture », les sénateurs du groupe Les Républicains voteront en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le budget du programme « Création » dépasse pour la première fois 1 milliard d’euros. C’est une excellente nouvelle, à l’image de la hausse de 7 % des crédits dédiés à la mission « Culture ». Les aides exceptionnelles arrivent à leur fin, mais plusieurs mesures fiscales sont pérennisées jusqu’à 2024, comme le crédit d’impôt pour les représentations théâtrales d’œuvres dramatiques.

La fréquentation moyenne des lieux de spectacle vivant et des arts visuels reste inférieure au niveau observé en 2019. Il est essentiel de consolider la reprise d’activité après la crise de la covid-19 et pendant la crise de l’énergie.

Je souligne les 10 millions d’euros destinés au dispositif « Mondes nouveaux », dont l’un des objectifs est de faciliter l’accès à la culture en milieu rural, ce qui nous importe à tous ici. Notre groupe est particulièrement attaché à la démocratisation de l’offre culturelle pour tous et partout.

Je rejoins en revanche les rapporteurs de la commission, qui alertent sur la multiplication des objectifs et des labels. Ce phénomène vient souvent brouiller l’action du ministère auprès des professionnels de la culture.

Nous devons également rester en alerte sur la possibilité d’annulations ou de reports de festivals et grands événements de la culture en 2024 du fait de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Les établissements publics dédiés au patrimoine nous alertent également sur leur probable fermeture pendant les jeux. Ces événements majeurs ne doivent pas causer une crispation de l’offre culturelle. Je sais que mes collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sont particulièrement mobilisés en ce sens.

Concernant les mesures en faveur de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture, je souligne les 50 millions d’euros de mesures nouvelles, qui ciblent principalement la jeunesse. C’est une très bonne chose, car la jeunesse est notre priorité.

La revalorisation des subventions destinées aux écoles nationales est un point très positif : elle permettra de participer à la rénovation thermique des bâtiments. Il ne faut pas oublier les écoles d’art territoriales, qui nécessitent des mesures similaires. Les collectivités qui en sont les propriétaires n’ont en effet pas toujours les moyens d’engager d’importantes rénovations. C’est très important pour nos territoires, madame la ministre.

Je me réjouis de la progression du pass Culture, dont la dotation augmente de 9,5 millions d’euros, pour atteindre 208,5 millions d’euros pour 2023. Rien n’est plus précieux que d’offrir à nos jeunes les moyens d’assouvir leur curiosité en matière d’offre culturelle. Les élèves des classes de sixième et de cinquième, qui s’ajouteront à la liste des bénéficiaires en 2023, pourront en témoigner.

Le programme « Patrimoines » sera doté de 1,10 milliard d’euros en crédits de paiement pour 2023, soit une augmentation de 7,5 %. C’est considérable.

Parmi les derniers crédits de paiement qui restent du plan de relance, 10 millions d’euros sont destinés au plan cathédrales. Comme l’ont souligné les rapporteurs, le financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris provient quasi exclusivement du mécénat.

Cette situation, madame la ministre, m’amène à mentionner la reconversion du site de l’abbaye de Clairvaux, dans le département de l’Aube, dont je suis élue. Vous le savez, un appel à manifestation d’intérêt a été lancé, et trois candidats ont été retenus ; ils sont encore en lice, dans le cadre d’un dialogue compétitif. L’État prend en charge une partie des travaux, avec 2 millions d’euros engagés dans le PLF pour 2023 pour restaurer le grand cloître, mais cet exemple nous appelle à réfléchir sur les moyens de mobiliser davantage les donateurs privés dans le cadre de la rénovation du patrimoine.

Aussi, j’ai défendu deux amendements concernant le financement de la culture dans le présent PLF ; ils n’ont malheureusement pas prospéré. Le premier visait à mobiliser l’épargne des Français par la création d’un livret C – C comme culture –, pour financer la création artistique et le patrimoine culturel en région. Le second tendait à lancer une souscription nationale, un peu sur le modèle de ce qui a été fait pour Notre-Dame, afin de soulager le coût des travaux engagés par l’État pour la reconversion de l’abbaye de Clairvaux. J’appelle de mes vœux une réflexion sur le sujet dans les prochains mois.

Enfin, je souligne l’urgence à soutenir la rénovation thermique des bâtiments du patrimoine, qui doivent bénéficier de l’engagement de l’État en faveur de la sobriété énergétique. Vous le savez, le coût de l’inaction en matière de transition écologique est astronomique. Et plus on attend, plus le coût est élevé. Les chantiers s’annoncent colossaux, mais essentiels.

Pour conclure, l’augmentation des crédits est bienvenue. Face aux défis, nombreux, j’appelle de mes vœux un engagement fort de la part du ministère de la culture, notamment pour réduire les inégalités territoriales en matière d’accès à l’offre culturelle et à la création. Nous devons également rester vigilants sur les conséquences de l’inflation et de la flambée des coûts de l’énergie sur les acteurs culturels les plus fragiles.

Notre groupe Les Indépendants – République et Territoires accueille favorablement les crédits de la mission « Culture ». (M. Didier Rambaud, rapporteur spécial, applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Culture » s’établit une nouvelle fois dans un contexte d’extrême fragilité d’un secteur en pleine convalescence.

La crise de la covid-19 a profondément bouleversé les pratiques et les fréquentations du public. Si les fermetures totales, les jauges et les débats entre activités essentielles et non essentielles sont aujourd’hui un mauvais souvenir, la fréquentation n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise. Elle a baissé de 15 % par rapport à 2019, que ce soit pour les musées ou les spectacles vivants ou les arts de la scène. Et ce chiffre n’est qu’une moyenne.

Des écosystèmes culturels déjà fragiles sont toujours en pleine incertitude. Les menaces que font peser les JO sur la saison culturelle 2024 n’aident pas à retrouver des perspectives rassurantes.

À cette situation déjà difficile est venue s’ajouter une autre crise, non plus sanitaire, mais énergétique et d’approvisionnement : l’explosion des coûts des factures d’électricité et de gaz, ainsi que des matériaux de construction impacte aussi très durement les équipements culturels et leurs opérateurs. Et là encore, les plus petits sont les plus exposés.

Face à cet état de crise multiple, il faut reconnaître que l’État a répondu présent. En témoignent les 2 milliards d’euros débloqués pour la culture durant le plan de relance, ainsi que les budgets successifs de la mission « Culture » à proprement parler, en constante augmentation. C’est d’ailleurs toujours le cas cette année, avec une augmentation de 7 % des crédits alloués.

Bien sûr, ce soutien est loin d’être parfait. On ne peut que regretter le fait que les efforts de relance soient plus importants sur le patrimoine que sur la création, l’absence de prise en compte de la relation systémique entre acteurs, surtout pour les petites structures associatives culturelles, ou encore la place de la rénovation énergétique, encore limitée dans les budgets.

Détaillons maintenant thème par thème les grandes composantes du budget.

J’évoquerai tout d’abord le patrimoine. Près de la moitié de l’augmentation du budget du programme 175 est due à la hausse des coûts et de l’inflation sur toute la chaîne de valeur culturelle. Il s’agit ainsi de financer des coûts en augmentation très forte pour les chantiers de plusieurs sites, comme les cathédrales de Soissons ou de Saint-Louis de Versailles, ainsi que des dépenses d’électricité, qui pourraient augmenter entre +128 % et +285 %, selon les estimations des rapporteurs.

Sur la création, l’effort, là aussi, est présent. Pour la première fois, le budget dépasse désormais la barre symbolique du milliard d’euros ; il faut le saluer. L’augmentation vise aussi bien à préserver les marges artistiques des opérateurs et des acteurs culturels face à l’inflation qu’à soutenir l’emploi via la revalorisation du Fonpeps, ou encore à financer plusieurs projets d’investissement et d’aménagement, comme ceux du Théâtre national de Chaillot ou de la Cité du Théâtre.

Vient enfin la transmission des savoirs, programme dont 25 % du budget est consacré au pass Culture, à hauteur de 208,5 millions d’euros. Certes, cette politique du chèque, y compris dans la culture, n’est pas l’idéal. Le dispositif pourrait en effet être mieux ciblé, mieux accompagné. L’enveloppe pourrait aussi être plus importante. Mais tout ce qui concourt à l’éveil culturel de la jeunesse, à lui offrir un accès simple à la diversité culturelle du pays, même sans médiation, doit être salué.

Nous l’avons vu, dans chacun des programmes, la crise énergétique est une donnée majeure. Et puisque l’on parle de facture énergétique, il ne faut pas oublier les collectivités territoriales. Celles-ci représentent en effet 75 % de l’investissement public en direction de la culture : 9,8 milliards d’euros en tout, contre 3,5 milliards d’euros pour l’État. Or les directeurs des affaires culturelles des collectivités anticipent des cadrages budgétaires stricts pour l’exercice 2023 et redoutent une baisse du budget des collectivités dédié à la culture de 10 à 20 %. Cette situation fait craindre que le volet culturel ne soit une variable d’ajustement pour les collectivités si celles-ci ne sont pas suffisamment soutenues, en raison de la faible reprise du secteur et malgré les filets de sécurité et autres plans de soutien.

Voilà pourquoi nous vous proposerons par le biais d’un amendement de soutenir davantage les collectivités pour absorber l’augmentation des factures de leurs équipements culturels.

Nous ne nous contenterons pas de gérer la casse, puisque nous vous proposerons également d’aller plus loin dans la planification, ce que ne fait pas ce budget. Nous souhaitons l’émergence d’un fonds correctement doté pour enclencher enfin la rénovation énergétique des équipements culturels. Plusieurs acteurs culturels ont fait part de leur volonté de s’engager dans cette voie, et nous voyons, au-delà de l’aspect climatique, que la crise énergétique leur a donné raison. Nous soutiendrons naturellement leurs revendications.

Enfin, madame la ministre, je tiens ici à me faire le relais de plusieurs inquiétudes concernant la planification culturelle à long terme de l’État. Même s’il n’est formellement pas rattaché à cette mission, le plan France 2030 est aussi un levier stratégique culturel. Or on y voit beaucoup de références aux jetons non fongibles – les non fungible tokens (NFT) –, au métavers et à d’autres gadgets technoculturels qui, à l’heure où nous parlons, au-delà de l’effet bulle médiatique, se sont souvent révélés soit des arnaques grossières, soit des gouffres financiers sans fin, comme en témoigne aujourd’hui la situation de Meta, la firme mère de Facebook.

Madame la ministre, il y a mieux à faire, ne serait-ce que pour la musique. Nous en parlerons tout à l’heure, mais le soutien au CNM doit être renforcé, que ce soit par le biais d’une fiscalité affectée plus diversifiée ou par un soutien de l’État renforcé. Nous attendons ainsi les conclusions de la mission confiée à notre collègue Julien Bargeton.

Le budget que nous examinons aujourd’hui est un budget de rémission, un budget qui tente encore de pallier les difficultés d’un secteur dont l’écosystème est riche dans notre pays, mais qui se révèle aussi d’une infinie fragilité.

Il lui manque le souffle d’une grande relance culturelle. Par conséquent, nous déterminerons notre vote sur les crédits de la mission en fonction des débats sur les amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton. (M. Didier Rambaud, rapporteur spécial, applaudit.)

M. Julien Bargeton. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce budget est inédit. Il connaît une hausse très forte, qui fait suite à de précédentes augmentations.

Les crédits de paiement s’élèvent à 3,7 milliards d’euros, soit une hausse record de 255 millions d’euros, presque 7,5 %.

D’ailleurs, tous les crédits augmentent. Il n’y a pas de hausses d’un côté et de baisses de l’autre. La hausse est globale : +7,6 % pour le patrimoine, +10 % pour la création – pour la première fois de l’existence de ce programme, et pour la première fois depuis que le ministère de la culture existe, l’enveloppe qui lui est allouée dépasse le milliard d’euros –, +6,7 % pour la transmission et la démocratisation et +4,7 % pour le soutien aux politiques transversales.

Cette hausse globale des crédits du ministère, qui concerne tous les secteurs, intervient alors même que, l’an dernier, les crédits étaient déjà en augmentation de 8 %. Nous nous réjouissons de cette hausse structurelle du budget du ministère de la culture.

Certes, il est vrai que cette augmentation s’inscrit dans un contexte d’inflation et de crise énergétique ; cela a été souligné par tous.

Certaines mesures ciblées visent à répondre à ces problèmes, notamment pour faire face au surcoût des chantiers. Ainsi, le chantier de la cathédrale de Soissons voit une augmentation de 20 % de ses crédits, et 13 millions d’euros supplémentaires sont alloués au château de Villers-Cotterêts. De fait, en raison de la hausse des coûts de l’énergie et de l’inflation, les chantiers culturels sont de plus en plus chers.

D’autres mesures visent le pouvoir d’achat des agents du ministère, qui bénéficieront de 15,2 millions d’euros consacrés à la poursuite du plan de rattrapage indemnitaire en direction des corps de catégorie A+, à la mise en œuvre de la revalorisation de la rémunération des agents contractuels et à la mise en place d’un régime indemnitaire pour les enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d’architecture.

Marqué par une hausse globale et par des hausses pour faire face au contexte, le budget finance aussi des mesures innovantes.

Il en va ainsi de la deuxième phase de « Mondes nouveaux », programme novateur en direction des créateurs dans tous les champs de la création contemporaine – spectacle vivant, arts visuels, musique, design… –, qui recevra 10 millions d’euros supplémentaires en 2023.

Le plan finance également le plan d’action pour les métiers d’art, auquel 5,5 millions et demi de plus sont accordés.

En outre, au-delà des crédits stricto sensu du ministère, le budget apporte son soutien à des dispositifs innovants et utiles pour le secteur culturel, comme le loto du patrimoine, qui a permis de lever 100 millions d’euros en quatre ans pour le patrimoine dit « de proximité. »

Cela permet la poursuite d’investissements dans des institutions emblématiques. Comme sénateur de Paris, je me dois de citer les 5 millions d’euros consacrés à la salle Jean Vilar du Théâtre national de Chaillot, les 2 millions d’euros affectés à l’extension et au réaménagement de l’Institut du monde arabe ou encore les 15 millions d’euros destinés au palais de la Cité. Bref, les grands chantiers, qui restent importants, se poursuivent et gagnent en ampleur en 2023 grâce à cet effort.

Le pass Culture a beaucoup été évoqué. Je ne peux toutefois que constater que ses crédits sont souvent ponctionnés pour gager certains amendements et assurer ainsi leur recevabilité financière.