M. André Reichardt. Très bien !

M. Max Brisson. Bref, monsieur le ministre, au ministère de l’éducation nationale, l’entrée dans la modernité, c’est pour quand ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Max Brisson, je m’associe bien sûr à l’hommage que vous venez de rendre à Agnès Lassalle, assassinée dans l’exercice de ses fonctions. Elle consacrait sa vie à ses élèves et mes pensées vont à sa famille, à ses collègues et à ses élèves. Toute atteinte contre un professeur porte atteinte à la République. C’est ce que j’ai dit sur place avec Stanislas Guerini, le ministre de la transformation et de la fonction publiques – vous étiez présent vous-même, ainsi que Mme la sénatrice Frédérique Espagnac et le maire de Saint-Jean-de-Luz, Jean-François Irigoyen.

La carte scolaire tient compte, d’une manière générale, de la baisse des effectifs scolaires, qui s’annonce très importante l’année prochaine. Cela nous amène à fermer des classes ici et à en ouvrir là. Dans votre département des Pyrénées-Atlantiques, nous compterons environ 450 élèves de moins l’an prochain, mais nous veillons à ce que le taux d’encadrement, particulièrement dans les régions rurales, continue de s’améliorer – et ce sera le cas dans votre département.

Des ajustements auront lieu d’ici au mois de juin, en particulier sur les points sensibles que vous connaissez, tout en donnant la priorité aux regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), et donc aux zones rurales.

Grâce aux statistiques qui nous sont fournies par le ministère de l’éducation nationale et par les rectorats, nous portons un regard pluriannuel sur les évolutions démographiques. Nous devons toutefois tenir compte des variations annuelles, des migrations, des installations de familles et des déménagements, qui nous imposent de construire une carte scolaire annuelle.

M. le président. Il faut conclure !

M. Pap Ndiaye, ministre. Nous en sommes donc encore au stade des ajustements. (MM. François Patriat et Dominique Théophile applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas parlé des Pyrénées-Atlantiques, mais de la procédure d’élaboration de la carte scolaire.

Il est grand temps de travailler avec les associations d’élus pour entrer dans une démarche pluriannuelle ! Les maires n’en peuvent plus de voir arriver, chaque année dans leurs écoles, un comptable venu calculer le nombre d’élèves scolarisés, alors qu’ils savent qu’un lotissement est en cours de construction et que les enfants reviendront un ou deux ans plus tard !

C’est cette vision comptable que nous vous demandons d’abandonner au profit d’une démarche pluriannuelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP, RDSE, GEST, CRCE et SER.)

devenir de l’agriculture biologique

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’agriculture biologique a longtemps été favorisée par les pouvoirs publics au nom de l’impératif écologique, elle est aujourd’hui à la marge des priorités gouvernementales : le plan national stratégique, dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), supprime l’aide aux agriculteurs bio, l’Agence Bio est sous-financée et les dispositifs de soutien sont largement insuffisants.

Depuis quelques décennies, les pouvoirs publics promettaient un soutien massif aux pratiques vertueuses, une souveraineté alimentaire accrue et de meilleurs débouchés pour nos agriculteurs. Quelle est la situation réelle aujourd’hui ?

Les modes de production sobres en énergie et respectueux de la biodiversité sont peu reconnus et nous constatons une baisse des ventes des produits bio, depuis la crise sanitaire notamment.

Le contexte économique ne conforte en aucun cas les conditions de travail de ceux qui nous nourrissent : hausse insupportable des coûts de production, freinage des exportations, signature de traités de libre-échange comme celui avec le Mercosur, qui sont souvent synonymes de concurrence déloyale.

Le marché bio est en situation de surproduction et la demande est toujours plus morose au regard de l’inflation actuelle.

Ce déclin est comme un ver dans la pomme : il ne faut pas laisser pourrir la situation.

Que compte faire le Gouvernement pour remédier à la situation particulièrement difficile des 60 000 exploitants agricoles bio de ce pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, j’ai répondu précédemment à votre collègue Joël Labbé sur le bio.

Nous aimons le bio ! Nous avons besoin de nourrir l’ensemble des Françaises et des Français, mais aussi de développer notre filière bio, pour la consommation nationale comme pour l’export.

À cet égard, l’un des leviers – j’y consacrerai d’ailleurs l’essentiel de ma réponse – est la restauration collective. La loi dite Égalim 1 (loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous) a fixé un objectif de 50 % de produits de qualité et durables dans la restauration collective, dont 20 % de bio.

Nous souhaitons actionner plus fortement ce levier majeur, que ce soit dans les écoles, collèges et lycées, mais aussi dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou dans les entreprises.

C’est aussi une manière de changer durablement les pratiques de consommation alimentaire que d’introduire massivement le bio dans la restauration collective.

Il se trouve que, depuis 2018, nous avons fait face à des événements et vents contraires. D’abord, la crise du covid-19 a fait perdre transitoirement à la restauration collective 40 % de son chiffre d’affaires, du fait des mesures sanitaires.

Ensuite, le contexte d’inflation que nous connaissons depuis plusieurs mois rend difficile un bilan précis pour cette année. Néanmoins, grâce aux résultats Égalim que les gestionnaires de restaurants collectifs doivent renseigner sur la plateforme « Ma cantine » nous disposerons prochainement de données plus détaillées, qui seront naturellement communiquées au Parlement.

Il faudra également accompagner la filière, car l’amélioration de la qualité des repas en restauration collective passe aussi par la lutte contre le gaspillage alimentaire et par une réflexion sur les quantités servies ou sur les recettes utilisées.

La Première ministre a publié le 29 septembre dernier une circulaire, qui permet d’aider tous les établissements publics à renégocier leurs contrats, et donc à acheter au juste prix.

En outre, les différents ministres concernés réfléchissent à des dispositifs adaptés à chaque segment de la filière de restauration collective.

Nous voulons atteindre l’objectif Égalim. Il représente un potentiel d’augmentation du chiffre d’affaires de la filière d’environ 10 %, qui viendra plus que compenser les baisses des ventes en bio constatées pour l’année 2022. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, il nous faut une politique ambitieuse de promotion de la filière bio et de soutien de l’agriculture biologique.

Il nous faut également clarifier les labels existants ou encore inclure systématiquement l’agriculture biologique – vous l’avez rappelé – dans les projets alimentaires territoriaux.

La souveraineté alimentaire doit aussi passer par une meilleure attractivité du métier d’agriculteur. Je pense particulièrement en cet instant aux arboriculteurs. Alors que le groupe Carrefour met en tête de gondole des pommes polonaises, nos arboriculteurs ne s’en sortent pas : il leur manque 20 centimes de marge. Les marges ne sont pas aujourd’hui à la hauteur des coûts de production.

Tout comme l’agriculture conventionnelle, l’agriculture biologique est confrontée à l’impossibilité de lutter contre les espèces invasives. Alors que nombre de traitements sont homologués à l’échelle européenne, la France maintient, par le biais de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), une interdiction générale de plusieurs traitements, y compris bio, qui se cantonne à des dérogations successives et envoie un message négatif aux clients.

Comme je l’ai souvent entendu dans les travées du salon international de l’agriculture voilà quelques heures maintenant : « En France, nous avons trop souvent le droit de manger ce que nous n’avons pas le droit de produire. » (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

financiarisation des terres agricoles

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, mais je sais, monsieur Véran, que c’est vous, aujourd’hui, qui avez chaussé les bottes. (Sourires.)

M. Olivier Véran, ministre délégué. Avec bonheur !

M. Éric Bocquet. L’association Terre de Liens a publié hier un rapport très intéressant sur la propriété des terres agricoles en France.

En pleine semaine du salon de l’agriculture, les constats présentés sont de nature à susciter de grandes inquiétudes sur l’avenir de notre agriculture : on compte en France 496 000 chefs d’exploitation agricole, mais seulement 35 % des terres cultivées appartiennent aux agriculteurs.

Le rapport présente un phénomène nouveau : on voit se développer des sociétés agricoles, dont certaines sont financiarisées. Alors que ces dernières possédaient 7 % de la surface agricole voilà vingt ans, elles en détiennent aujourd’hui 14 %. On découvre ainsi que de grands groupes comme Auchan, Chanel ou L’Oréal achètent des terres agricoles.

Les capacités de l’innovation financière sont décidément illimitées, nous le savions. Nous connaissions la finance des villes ; nous découvrons aujourd’hui la finance des champs !

Ces sociétés possèdent aujourd’hui 640 000 hectares. Ces pratiques font flamber le prix à l’hectare, rendant par conséquent l’accès aux terres difficile pour les petits agriculteurs et favorisant les exploitations de très grande taille.

Au cours des quarante dernières années, deux enquêtes statistiques ont été menées par le service statistique du ministère de l’agriculture en vue d’étudier la structure de la propriété des terres agricoles. Or depuis trente ans, le ministère ne recueille presque plus aucune donnée en la matière.

Monsieur le ministre, ma question est double : premièrement, n’est-il pas temps de procéder à un audit complet afin de prendre la mesure de ce phénomène nouveau ? Deuxièmement, nous pensons qu’il y a urgence à renforcer la régulation foncière agricole. La future loi d’orientation agricole ne devrait-elle pas être l’occasion de lancer ce chantier ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, vous m’interrogez sur la financiarisation des terres agricoles et vous avez raison… (Exclamations.)

L’usage du foncier fait l’objet d’une concurrence et la préservation des terres agricoles est une priorité que le Gouvernement partage. C’est en effet un sujet de souveraineté agricole et de souveraineté alimentaire.

Grâce aux outils de régulation – contrôle des structures, actions des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), statut du fermage – qui ont été mis en œuvre dans l’après-guerre, nous bénéficions, en France, d’un prix du foncier parmi les moins élevés d’Europe. Cela permet de maintenir la diversité des modèles et c’est un élément essentiel.

Par ailleurs, deux avancées législatives importantes ont eu lieu, cette fois-ci lors de la législature précédente. Vous les connaissez : il s’agit d’abord du « zéro artificialisation nette », sur lequel le Sénat est très engagé. (Rires.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Heureusement que nous sommes là !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Des dispositions prévoient en effet que les documents de planification régionale intègrent des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.

Je citerai en outre la mise en œuvre d’un contrôle renforcé des opérations sociétaires issu de la loi dite Sempastous du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, qui instaure un dispositif d’autorisation administrative préalable en cas de cession de titres sociaux, uniquement si l’opération confère le contrôle de la société au cessionnaire, et lorsque les surfaces ainsi contrôlées dépassent un seuil d’agrandissement significatif.

Enfin, vous le savez, nous avons lancé une grande concertation sur le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles.

L’objectif est d’installer des agriculteurs en leur donnant les moyens de s’adapter aux conditions climatiques, techniques et économiques de demain.

Les questions relatives au foncier seront évoquées à cette occasion. Le levier n’est pas seulement législatif : nous devons naturellement construire ce dispositif, comme vous l’avez appelé de vos vœux, avec les élus locaux.

Notre objectif commun est d’agir rapidement, avec des outils opérationnels.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, il y a véritablement urgence : une ferme sur dix est aujourd’hui une société financiarisée.

En conclusion, je citerai la première phrase du rapport de Terre de liens : « Le jour où nos ancêtres ont fait de la terre une marchandise est un jour noir pour l’humanité. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

situation du monde agricole (i)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains.

M. Laurent Somon. Monsieur le président, monsieur le ministre, nous achetons à l’étranger des œufs qui ont été pondus dans des cages que nous avons vendues.

Nous y achetons des cerises, parce qu’on a arraché nos cerisiers, et bientôt nos pommiers et noisetiers.

Nous achetons du poisson déchargé de bateaux battant pavillon étranger, parce qu’on a détruit et que l’on continue de détruire notre flotte, alors que nous nous targuons de posséder le deuxième domaine maritime mondial.

Déjà, les fruits et légumes, faute de main-d’œuvre – et demain peut-être les endives – sont laissés en terre, faute à une énergie trop chère, que l’on brade aux concurrents d’EDF.

Malgré le plan Protéines, le sucre ou les lentilles sont importés de pays, où sont autorisés des traitements qui sont interdits ici.

Ajoutez à cela l’angoisse des règlements, des contrôles, des injonctions contradictoires, des charges administratives et l’incertitude des revenus soumis aux négociations annuelles… Vous le voyez, le « compte de faits » ne fait pas rêver la profession agricole, qui s’interroge sur la place réelle et sur l’avenir que vous lui réservez.

Exposée à ces vents contraires, la ferme France s’affiche cette semaine en lettres capitales, pour proclamer la qualité des productions et l’engagement des hommes et des femmes pour des produits respectueux des exigences sanitaires et durables, pour protéger les consommateurs et notre environnement.

Croyez-vous que les agriculteurs refusent de se lancer dans des cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) et préfèrent répandre plus de nitrates, dont les coûts ont plus que triplé ?

Croyez-vous que les agriculteurs ou les industriels ont attendu les déclarations du Président de la République évoquant la fin de l’abondance au sujet de l’eau pour économiser cette ressource, alors que des entreprises comme Cristal Union, dans la Somme, utilisent l’eau même des betteraves pour leur cycle de production de sucre et ne puisent rien dans les nappes pour gagner en compétitivité et répondre aux exigences environnementales ?

M. Olivier Véran, ministre délégué. C’est vrai !

M. Laurent Somon. L’agriculture est soumise à la nature et au temps.

Monsieur le ministre, faites-vous, résigné, le choix de son déclin ou celui d’une agriculture vitrifiée et d’importation, voire in vitro ?

La ferme France a besoin de connaître le cap pour adapter son évolution, dépendante de la recherche technique et génétique, ainsi que les moyens alloués et le pas de temps nécessaire.

Ce temps politique, c’est maintenant, monsieur le ministre ! Quelle est votre ambition ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Jacquemet et Françoise Férat, ainsi que M. Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Laurent Somon, je partage votre constat selon lequel les agriculteurs ne nous ont pas attendus pour identifier des solutions.

Vous citez l’entreprise Cristal Union et l’usine de betteraves, capable de recycler l’eau en totalité. Figurez-vous que je me suis rendu sur place pour constater, avec les responsables de ladite usine, qu’ils avaient mis, dans le bon sens du terme, la charrue avant les bœufs, en réduisant fortement leur consommation énergétique et en réduisant considérablement leur consommation d’eau. C’est donc possible !

En tant que représentants de l’État, nous devons être capables, d’abord, de colliger ces bonnes pratiques, de les enregistrer, de les reconnaître et de les soutenir, mais aussi de les faire essaimer dans l’ensemble des entreprises du secteur agricole et sur l’ensemble du territoire national.

Voilà ce que nous appelons restaurer la compétitivité de la ferme France. Il faut aussi partir de ce qui fonctionne sur le terrain et de l’exemple que nous montrent celles et ceux qui aiment profondément la terre, qui aiment la cultiver et nourrir les Français. Telle est véritablement notre ambition.

Un rapport du Sénat a montré que, depuis 1990, la compétitivité de la ferme France s’était progressivement effritée. C’est la raison pour laquelle nous tenons fermement à identifier des solutions.

Depuis 2017, des choses ont été faites. Nous avons mis par exemple le revenu agricole au cœur de notre politique, au travers notamment de la loi dite Égalim 2 (loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs). Vous l’avez votée, mesdames, messieurs les sénateurs, et je vous en remercie !

Cette loi vise à ce que le juste prix ne soit plus seulement le prix bas, mais tout simplement celui qui permet à nos agriculteurs de vivre. Il s’agit d’une véritable rupture avec la loi de modernisation de l’économie de 2008, dite LME.

Vous aurez par ailleurs prochainement l’occasion d’assurer la prolongation du SRP+10, qui est un des leviers du dispositif Égalim.

Nous avons également engagé des transitions ambitieuses dans le cadre, par exemple, du Varenne de l’eau. Il est important de regrouper les parties prenantes et de discuter ensemble pour identifier les bonnes solutions. Je pense encore à la réforme de l’assurance récolte ou au travail mené sur la réutilisation des eaux usées.

Les agriculteurs, qui sont bien souvent les premières victimes, le savent parfaitement : l’adaptation au changement climatique et la souveraineté alimentaire sont un seul et même combat.

Voilà ce que nous appelons la logique de planification écologique, qui rejoint la logique de planification agricole. Ce projet est porté à bras-le-corps par le ministre en charge de l’agriculture et, évidemment, par la Première ministre. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.

M. Laurent Somon. Monsieur le ministre, en vingt ans, la France a vu son industrie décliner. Nous importons désormais voitures, médicaments, jusqu’à notre électricité.

Demain, si vous ne remettez pas en cause vos choix, nous perdrons nos agriculteurs, les vocations et notre souveraineté alimentaire.

Nous avons laissé notre industrie décliner, n’en faisons pas de même avec notre agriculture !

Redonnez confiance à nos agriculteurs, que nous n’ayons pas à répéter au président ce que Fénelon écrivait en 1694 à Louis XIV : « La France entière n’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provision. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

situation du monde agricole (ii)

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, hier puissance agricole et deuxième exportatrice mondiale de produits agroalimentaires, la France est passée au cinquième rang en vingt ans.

Ses importations ont suivi le sens inverse et représentent aujourd’hui près de la moitié des produits consommés par les Français chaque jour.

Nous ne sommes plus le grenier de l’Europe : nous sommes déficitaires en matière alimentaire depuis 2015, le nombre d’exploitations – tout comme les cheptels – ne cesse de diminuer et l’on observe un taux inquiétant de déconversion dans l’agriculture biologique.

Après cinq ans et demi d’action gouvernementale, la situation des agriculteurs ne s’est pas améliorée, loin de là.

Le taux de suicide chez les exploitants agricoles est le plus élevé de toutes les catégories socioprofessionnelles. La transmission des exploitations reste un problème majeur : en vingt-cinq ans, le prix des terres agricoles aura doublé et, dans dix ans, 50 % des chefs d’exploitation seront en droit de partir à la retraite.

La profonde crise des vocations s’explique avant tout par l’absence d’un revenu décent et par le coût de plus en plus élevé du foncier agricole.

La proposition de loi pour lutter contre l’accaparement du foncier agricole déposée par votre majorité avant l’élection présidentielle de 2022, n’a en rien répondu au problème de concentration du foncier et des outils de production. À l’heure actuelle, l’État démontre un manque total d’ambition. Or les crises se succèdent et se multiplieront très rapidement.

L’été 2022 a montré à quel point notre agriculture était fragile et la France est déjà, depuis un mois, en situation de sécheresse.

Le véritable modèle agricole français que nous voulons défendre doit être pérenne, familial, respectueux des humains, des animaux et des sols et c’est celui qu’il faut préserver à tout prix.

Nos territoires comme nos citoyens ont besoin de la polyculture-élevage, de la multiplication des circuits courts, de relocalisations avec des chaînes d’approvisionnement alimentaire sûres, non soumises aux aléas climatiques et géopolitiques.

Préserver notre souveraineté et notre sécurité alimentaire est un gage d’indépendance et de survie. À cet égard, les intentions de l’État quant à la ratification des accords entre l’Union européenne et le Mercosur, du Ceta (accord économique et commercial global) et de l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande – autant de portes ouvertes à une concurrence déloyale – ne sont toujours pas claires.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d’une trajectoire d’adaptation précise et cohérente face à tous ces enjeux. Le temps presse ! Quand proposerez-vous une véritable politique agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Christian Redon-Sarrazy, on ne peut que partager votre constat : vous avez raison de rappeler que, d’ici une dizaine d’années, près de la moitié des agriculteurs sera partie à la retraite et que nous devons absolument entrer dans une logique de renouvellement des générations.

Vous avez raison également de souligner qu’il faut profiter de ce renouvellement des générations – cela avait été le cas, d’ailleurs, dans les années 1960, lorsqu’un grand renouvellement générationnel avait eu lieu dans le monde agricole et qu’une planification avait été mise en place – pour accompagner les transitions.

Cela signifie répondre à la demande des jeunes agriculteurs, qui sont des gens qui aiment la terre, qui aiment cultiver, qui veulent être propriétaires de leurs moyens de production et qui veulent vivre décemment de leur travail. Ainsi, la question du revenu est une question qui compte. Elle n’est pas unique, mais elle est centrale.

Avec les lois Égalim 1 et 2, nous avons mis fin à la spirale déflationniste et à la destruction de valeur pour nos agriculteurs. Ces lois sont récentes ; nous devons travailler à leur pleine application.

Au-delà, nous devons surtout assumer collectivement un discours clair : nous voulons une alimentation saine, sûre, durable, respectueuse de l’environnement et de la biodiversité. Oui, monsieur le sénateur, cela a un prix !

Nous voulons garder un outil de production agricole en France, ne pas dépendre des produits importés, qui ne respectent pas les mêmes standards. C’est ce qu’on appelle la souveraineté alimentaire française. Oui, monsieur le sénateur, cela a un prix !

La logique de la réciprocité des normes, que nous avons ancrée dans le débat européen depuis la présidence française du Conseil de l’Union européenne, est identique.

Le revenu agricole suppose aussi une retraite digne. En la matière, des avancées ont été faites et je salue notamment les lois Chassaigne 1 (loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer) et Chassaigne 2 (loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles), mais aussi la loi Dive (loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses), que le Sénat vient d’adopter et qui prévoit que le Gouvernement travaille aux conditions d’une pension calculée sur les vingt-cinq meilleures années à partir de 2026.

Avec la réforme des retraites dont vous vous saisissez à présent, nous revaloriserons concrètement 350 000 retraites, en les améliorant de 100 euros supplémentaires en moyenne pour une carrière complète.

Enfin, monsieur le sénateur, l’avenir de l’agriculture, c’est assumer et accélérer les transitions. Vous l’avez dit, je partage votre point de vue et je n’insiste pas. (M. François Patriat applaudit.)

lutte contre la sécheresse