M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean Sol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec le réchauffement climatique, la question de l’eau est de plus en plus préoccupante. L’été 2022, marqué par une sécheresse record et généralisée, en atteste.

L’eau est indispensable à une multitude d’activités, comme elle est indispensable aux grands équilibres des milieux naturels.

Notre pays s’est doté d’une législation qui vise un équilibre entre les différents usages de l’eau. Il s’agit de répondre à nos besoins tout en préservant la ressource, au travers d’une série d’outils.

L’un de ces outils est le « débit réservé ». Pour préserver la faune et la flore aquatiques, la loi interdit de prélever de l’eau dans un cours d’eau si cela conduit à réduire son débit en dessous d’un certain seuil. Si le principe est vertueux, j’appelle votre attention sur ses difficultés d’application et sur les dérives auxquelles nous assistons.

Saisi par des associations de protection de l’environnement, le juge administratif est amené à fixer les débits réservés bien au-dessus de ceux qui ont été décidés par les préfectures.

Dans les Pyrénées-Orientales, des prises d’eau sur le fleuve côtier la Têt, qui servent à alimenter des canaux d’irrigation ancestraux faisant vivre une agriculture maraîchère familiale, sont ainsi condamnées à être inopérantes et donc fermées par décision du juge, ce dernier ayant estimé que les calculs des services de la préfecture, pourtant très compétents, étaient erronés.

Se fondant sur d’anciennes études de volumes prélevables, par ailleurs contestées, le juge fait ainsi une application maximale des textes, en s’écartant de l’objectif d’équilibre entre les différents usages de l’eau, au risque de condamner les activités maraîchères locales et de faire disparaître le système des canaux, qui contribue pourtant à la biodiversité locale.

Ailleurs, à Sallanches, en Haute-Savoie, cette même interprétation maximaliste du débit réservé pourrait conduire à la destruction d’une centrale hydroélectrique neuve.

Madame la ministre, ma question est simple : envisagez-vous de modifier les modalités d’appréciation du débit réservé pour éviter de décimer les agriculteurs en les empêchant d’accéder à l’eau ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sol, je vous prie de nouveau d’excuser l’absence de Christophe Béchu.

Nous partageons votre diagnostic : l’année 2022 a déjà été marquée par une sécheresse prolongée, intense et étendue. Ainsi, quatre-vingt-treize départements ont été contraints d’adopter des mesures de restriction d’eau et soixante-quinze ont subi des situations de crise.

Les perspectives pour 2023 sont donc suivies avec attention. D’ores et déjà, cinq départements font l’objet de restrictions.

En raison de la sécheresse de l’année dernière et du déficit de précipitations que nous connaissons actuellement, le niveau des nappes est globalement dégradé par rapport à l’année 2022 et nous accusons deux mois de retard sur le niveau de recharge.

Le niveau de précipitations des mois à venir sera crucial pour déterminer la situation de l’été prochain.

Notre rôle est bien sûr d’anticiper la situation et d’encourager, encore et toujours, la sobriété des usages. Christophe Béchu et moi-même sommes pleinement mobilisés et poursuivons ce travail absolument nécessaire.

Dès le mois de décembre dernier – je l’ai dit à Mme la sénatrice Carrère –, les préfets ont été chargés d’identifier les collectivités fragiles en matière d’alimentation en eau potable, pour les accompagner prioritairement.

En 2023, les agences de l’eau pourront mobiliser 100 millions d’euros d’aides supplémentaires en faveur des projets de résilience territoriaux.

Les préfets coordonnateurs de bassin ont également été réunis le 27 février dernier pour planifier des solutions liées au problème de raréfaction de l’eau. Leur prochaine réunion aura lieu le 6 mars 2023 et un plan sur l’eau sera présenté dans les prochaines semaines, dans le cadre de la planification écologique portée par la Première ministre.

Monsieur le sénateur, nous nous engageons à travailler sur les points que vous avez soulevés dans votre question. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.

M. Jean Sol. Madame la ministre, les acteurs de terrain de la politique de l’eau ne peuvent plus se contenter de réponses dilatoires.

Il y a urgence à modifier les textes sur l’eau pour prendre en compte les besoins légitimes de nos territoires. À défaut, les prochaines saisons s’annoncent explosives.

Je vous invite aussi à vous emparer du récent rapport de la délégation sénatoriale à la prospective, si vous voulez éviter une « panne sèche » généralisée. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

retenues collinaires contre la sécheresse

M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Alain Duffourg. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. En son absence, Mme Dominique Faure me répondra certainement.

Nous avons connu, en 2022 et au début de 2023, une sécheresse importante.

Interrogé à ce sujet lors de sa visite au salon de l’agriculture, le Président de la République a répondu qu’il fallait prendre des arrêtés préfectoraux de restriction, mais également proposer, dans le cadre d’infrastructures, le développement et la mise en place de retenues collinaires.

J’ai déposé à ce sujet une proposition de loi visant à soumettre à déclaration les retenues collinaires de moins de 150 000 mètres cubes. Cette expérience n’étant pas contraire aux règles de l’écologie, ma question vise à savoir, madame la ministre, si vous la soutiendrez.

Je présume que les territoires n’ont pas attendu le salon de l’agriculture pour vous poser cette question tout à fait pertinente.

En effet, les agriculteurs, les éleveurs et les vignerons de ce pays attendent de votre part une réponse particulièrement précise et efficace, de nature à les rassurer définitivement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Duffourg, je passerai brièvement sur les réponses que j’ai déjà apportées quant au diagnostic que vous posez sur les sécheresses estivales : elles nécessitent toute l’anticipation que je viens de décrire.

S’agissant des retenues collinaires, nous ne faisons preuve d’aucun dogmatisme : il faut les apprécier au cas par cas.

Tout projet respectant les critères exigeants que nous fixons pourra être validé. Lorsque les expertises techniques les jugent soutenables pour les milieux naturels, lorsqu’ils s’inscrivent dans un projet territorial largement concerté et lorsqu’ils participent d’un meilleur partage de la ressource, les stockages hivernaux font partie du panel de solutions à mobiliser.

Ils ne sauraient, en revanche, être la seule solution et dans nombre de territoires, le stockage hivernal est techniquement impossible.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que dans le contexte actuel particulièrement tendu, nous serons très vigilants sur le taux de remplissage de ces ouvrages. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour la réplique.

M. Alain Duffourg. Madame la ministre, nous serons vigilants, tout comme le seront les agriculteurs, quant à la mise en place de ce dispositif.

Aujourd’hui, il faut être non pas dans l’incantation, mais dans l’action. Les Français attendent, d’une manière générale, des résultats tangibles et vérifiables. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

réserves de gaz en lorraine

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains.

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, madame la ministre de la transition énergétique, mes chers collègues, la crise actuelle a mis en évidence la dépendance de la France, tant financière que quantitative, sur le plan énergétique.

Il me semble indispensable de consolider à la fois nos filières de production énergétique et de développement durable, sans y sacrifier notre indépendance.

Aujourd’hui, la Moselle nous en fournit les moyens et je vous ai écrit à ce sujet voilà déjà plusieurs mois. Trois forages de recherche ont en effet permis d’identifier un immense volume de gaz, certifié 2P.

Le gisement de gaz lorrain représente au total un volume de 190 milliards de mètres cubes de gaz, soit environ cinq années de consommation de gaz pour la France.

D’un point de vue technique, son exploitation présente, à la différence notable du gaz de schiste, l’avantage décisif de ne pas recourir aux techniques de fracturation hydraulique ou à d’autres procédés polluants. Ainsi, l’utilisation de ce gisement diviserait par dix l’empreinte carbone de la fourniture de gaz actuelle.

Aujourd’hui, une entreprise française se tient prête à assurer l’exploitation de ce gaz, à investir près de 20 millions d’euros et à créer de nouveaux emplois pour ce faire. Il serait même possible, après extraction du gaz, de réaliser des enfouissements de CO2 dans le sous-sol ainsi libéré.

Le temps de l’action est donc venu. Il est suspendu à l’accord du Gouvernement concernant l’attribution d’une concession d’exploitation à l’entreprise, qui se fait attendre depuis maintenant trois ans.

Cet accord renforcerait notre souveraineté énergétique au regard de nos relations extérieures avec d’autres pays et d’un contexte global imprévisible. Il contribuerait à stabiliser notre situation économique, marquée par une hausse du prix du gaz et du coût supporté par les entreprises et les ménages. Il traduirait enfin notre engagement sur le plan écologique et environnemental.

Si vous partagez ces objectifs, madame la ministre, l’exploitation du gaz lorrain peut-elle compter sur votre soutien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Madame la sénatrice Belrhiti, la politique énergétique que je mène au nom du Gouvernement vise à sortir notre pays de sa dépendance aux énergies fossiles – celles-ci pèsent encore pour deux tiers dans notre consommation énergétique finale.

Notre stratégie repose sur trois piliers.

D’abord, la sobriété et l’efficacité énergétique. Nous devrons réduire notre consommation de 40 % d’ici à 2050, si nous voulons tenir notre objectif de neutralité carbone. C’est tout le sens du plan de sobriété que j’ai présenté avec la Première ministre en octobre dernier et qui a permis de réduire notre consommation d’énergie de 10 % cet hiver – nous avons fait en trois mois ce que nous n’avions pas réussi à faire en trente ans !

Ensuite, la production massive d’énergies renouvelables. C’est tout l’objet du projet de loi qui a été largement adopté sur ces travées au mois de février.

Enfin, la relance – historique – de notre filière nucléaire. Là encore, vous avez adopté un projet de loi ad hoc qui est en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

Dans cette stratégie, madame la sénatrice, nous devons mobiliser toutes les ressources de production disponibles sur notre territoire, en privilégiant les moins carbonées.

C’est dans ce contexte que les services de l’État instruisent le projet d’exploitation de gaz de couche en Lorraine de la société Française de l’énergie, sur lequel vous m’interrogez.

Ce projet vise à extraire du méthane contenu dans les veines de charbon ; il a fait l’objet d’une enquête publique qui a mobilisé la population avec plus de cinq cents observations déposées, en majorité défavorables au projet. Les associations environnementales locales se sont également exprimées contre ce projet.

Il ne faut pas mettre sur le même plan le gaz de couche et le gaz de mine qui, lui, s’échappe de manière fatale dans l’atmosphère – il est donc important de le valoriser – et je suis particulièrement vigilante sur les projets d’exploitation de gaz de couche qui consistent à investir dans une énergie fossile.

L’instruction du projet que vous évoquez est en cours de finalisation conformément au code minier et je serai amenée à me prononcer dessus d’ici quelques semaines. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bruno Retailleau. Et on importe du gaz de schiste !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. L’enquête publique que vous mentionnez, madame la ministre, a été réalisée avant la crise actuelle et je pense qu’aujourd’hui la population préférerait certainement qu’on exploite le gaz mosellan plutôt qu’on importe du gaz de schiste des États-Unis ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

abus de l’intérim médical

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, malgré le Ségur de la santé et ses promesses d’attractivité pour l’hôpital public, ce dernier continue de faire face à un absentéisme important et à de nombreux postes vacants.

Si l’intérim médical est nécessaire pour répondre aux difficultés temporaires de recrutement, l’usage abusif qui en est fait conduit – je vous cite – à un « intérim cannibale qui rémunère injustement le nomadisme professionnel et détruit la cohésion des équipes ».

Certains professionnels sont devenus de véritables mercenaires de la santé : ils font monter les enchères du marché de l’intérim à 2 000 euros par jour, voire 3 000 euros dans certaines périodes tendues.

En comparaison, un jeune praticien à l’hôpital perçoit un salaire mensuel d’environ 4 500 euros pour un engagement sans limite auprès de ses patients.

Pour répondre à cette injustice, loi Rist de 2021 (loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification) a encadré les tarifs de l’intérim médical avec un plafond fixé par décret à 1 170 euros brut pour une mission de vingt-quatre heures. L’application de cette mesure, prévue pour octobre 2021, a été décalée afin de prévenir les dysfonctionnements.

À un mois de la nouvelle échéance, fixée au 1er avril, nous sommes alertés par les praticiens hospitaliers, notamment dans les services d’urgence, qui peinent à boucler les plannings faute d’intérimaires acceptant les nouveaux tarifs.

Avez-vous envisagé, pour éviter des fermetures de lits ou de services d’urgences, la réquisition de ceux qui profitent du système au mépris du serment d’Hippocrate ?

Quelles mesures avez-vous prises pour éviter un nouveau recul dans le respect du temps de travail des praticiens hospitaliers titulaires et des patients, qui ne doivent pas être les victimes collatérales de cette guerre de tranchées entre le ministère et ces mercenaires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Le Houerou, la régulation de l’intérim médical est une constante préoccupation du législateur depuis au moins deux mandatures.

Je sais que votre assemblée surveille de près l’application des lois et je me suis engagé à ce que les décrets d’application de l’article portant sur l’intérim médical de la loi Rist de 2021 – vous en avez parlé – entrent en vigueur dès le début du mois d’avril.

Naturellement, cela ne vise pas l’intérim médical de manière générale, mais bien ses dérives, qui sont – fort heureusement – minoritaires. C’est d’abord une question d’éthique !

Il faut rappeler quelques chiffres. Le coût de l’intérim médical pour les hôpitaux s’est élevé à 359 millions d’euros en 2021. Vous parliez de rémunérations allant jusqu’à 3 000 euros pour vingt-quatre heures ; sachez que cela va même jusqu’à 5 000 euros ! Pourtant, vous l’avez rappelé, le plafond actuel est de 1 170 euros.

Au-delà de l’aspect financier, ces dérives contribuent à détruire les équipes hospitalières et l’engagement des praticiens : deux médecins font le même travail, mais l’un est payé trois, quatre ou cinq fois plus que l’autre pour la même période !

Il y a plus d’un mois, j’ai demandé aux agences régionales de santé (ARS) d’animer des concertations locales, territoire par territoire, avec les préfets et les élus pour affiner les diagnostics, établissement par établissement.

Je leur ai également demandé de construire des solutions avec les professionnels de santé du territoire, mais également avec les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les établissements sièges de groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont c’est la responsabilité.

J’en ai enfin appelé aux acteurs du secteur privé, notamment les cliniques : ils se sont engagés envers moi à nous suivre sur la voie d’une rémunération raisonnée de ces périodes d’intérim médical.

Je suis bien sûr avec une attention très particulière l’ensemble des établissements, en particulier ceux qui connaissent des fragilités, et je peux vous assurer qu’aucun territoire ne sera laissé sans solution.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.

Mme Annie Le Houerou. Entendez le cri d’alarme des professionnels, monsieur le ministre !

Je crains qu’il soit impossible de mettre en œuvre le plafonnement de la rémunération de l’intérim comme vous l’envisagez. Cela démontrerait, une fois de plus, l’échec de votre politique de santé qui nécessite d’être revue de fond en comble avec les professionnels.

Je crains que le respect du nouveau tarif ne soit qu’un poisson d’avril au mépris de ceux qui s’engagent auprès des patients pour l’intérêt général et sans reconnaissance ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

production d’hydroélectricité

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique.

Alors que la France dispose du parc hydroélectrique le plus important de l’Union européenne, que ce parc produit 12 % de la production nationale d’électricité et qu’il est essentiel pour le mix énergétique, sa situation est aujourd’hui fragilisée par des années d’indécision.

Les trois cent quarante ouvrages exploités sous le régime de la concession de service public font face à l’absence de renouvellement des concessions échues, dont de nombreux ouvrages dans les vallées de la Truyère et du Lot en Aveyron.

La situation du parc hydroélectrique nécessite une action urgente et déterminée en raison des conditions de renouvellement des concessions échues, exploitées en « délais glissants », et du contexte juridique modifié par la réglementation européenne.

Alors que le projet Hercule – projet sur lequel je vous ai déjà interrogé ici même il y a deux ans et qui aura provoqué de nombreuses oppositions – prévoyait la privatisation et le démantèlement d’EDF, le Gouvernement est finalement resté dans l’expectative.

En ce sens, la Cour des comptes a adressé une véritable mise en garde au Gouvernement le 6 février dernier, en soulignant la nécessité de « sortir rapidement de cette situation afin d’éviter que la gestion d’ensemble du parc hydroélectrique ne se dégrade » plus encore.

Madame la ministre, il est urgent de vous intéresser à ce problème !

L’hydroélectricité n’a pas été abordée dans le récent projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, ni dans celui visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.

Vous pourrez toujours vous abriter derrière l’annonce d’un prochain grand texte sur le sujet, mais en attendant, les faits sont là !

Alors, madame la ministre, pouvez-vous nous dire si vous partagez le constat sévère de la Cour des comptes sur l’inaction du Gouvernement ?

Pouvez-vous nous dire si vous approuvez la solution consistant à ce que les concessions soient fondées sur un ensemble de considérations économiques et juridiques ?

Madame la ministre, dites-nous vos difficultés sur le sujet et nous pourrons vous aider, comme la Cour des comptes vient de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le sénateur Anglars, le Gouvernement porte une grande attention à l’énergie hydroélectrique et à son développement.

Cette énergie renouvelable et pilotable est essentielle à l’atteinte de nos objectifs climatiques, mais également à la sécurité d’approvisionnement des Français, ainsi qu’à la bonne gestion de la ressource en eau.

Aujourd’hui, la France compte plus de 2 600 installations hydroélectriques qui ont représenté près de 11 % de la production électrique française en 2022.

Le secteur hydraulique contribue aussi à l’économie locale au travers des emplois créés dans les vallées – vous avez cité celles du Lot et de la Truyère, mais on pourrait aussi parler de celles de la Dordogne ou des Pyrénées.

La Commission européenne a engagé un précontentieux vis-à-vis de la France portant notamment sur l’absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions échues.

Comme vous l’avez évoqué, la Cour des comptes a présenté un rapport sur ce sujet le 6 février dernier. En réponse à la Cour des comptes, le Gouvernement a indiqué qu’il explorait plusieurs scénarios pour le renouvellement des concessions qui doivent satisfaire cinq objectifs clairs : relancer rapidement des projets de développement actuellement bloqués par le contentieux européen, dont des projets de stations de transfert d’énergie par pompage (Step) ; garder la pleine maîtrise de notre parc hydraulique que pourraient fragiliser des remises en concurrence ; favoriser les synergies dans les usages de l’eau ; faire en sorte que l’ensemble des bénéfices dégagés par l’exploitation des concessions bénéficie in fine à la collectivité ; enfin, disposer de contrats souples avec des possibilités de modifications assez importantes pour pouvoir adapter les concessions aux évolutions des besoins.

À court terme – peut-être cela vous a-t-il échappé ? –, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, adopté le 7 février dernier, permettra de réaliser les investissements assurant la pérennité des ouvrages hydroélectriques dont la concession est échue.

Quelle que soit la solution retenue, le Gouvernement sera très attentif à la préservation du potentiel énergétique, technique et humain des sociétés hydroélectriques et à leur ancrage territorial. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Très bien !

effets de la hausse des prix de l’énergie sur les stations de ski

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cyril Pellevat. Ma question est le fruit d’une concertation transpartisane et je la pose au nom des sénateurs membres du groupe d’études Développement économique de la montagne, que j’ai l’honneur de présider.

Nous sommes tous vivement inquiets par la situation économique des stations de ski, particulièrement pour les plus petites, qui se trouvent aujourd’hui dans une situation intenable d’asphyxie financière du fait de la hausse des coûts de l’énergie.

L’ensemble des activités économiques et industrielles sont bien évidemment touchées, mais certaines sont plus pénalisées que d’autres, ce qui nécessite un accompagnement complémentaire de la part de l’État.

C’est le cas des domaines skiables, qui subissent actuellement une double peine.

Tout d’abord, ils font l’objet, de par leur activité, d’une discrimination tarifaire au regard du mode d’attribution de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) : les textes prévoient que le bénéfice de l’Arenh est calculé sur la période d’avril à octobre, alors que les plus gros pics de consommation des domaines skiables ont essentiellement lieu durant la période hivernale.

De plus, malgré la mise en œuvre d’aides appréciées et attendues par les acteurs économiques de la montagne, le dispositif d’écrêtement de l’Arenh vient sensiblement réduire l’effet attendu d’amortisseur des prix, ce qui fragilise les structures, notamment les plus petites comme les régies de remontées mécaniques.

Plus de 40 % des domaines skiables français ont récemment dû renégocier leur contrat d’électricité avec des prix pouvant être multipliés par dix et des pénalités exorbitantes en cas de rupture anticipée.

De nombreux petits domaines se trouvent donc, aujourd’hui, au bord de la faillite et pourraient déposer le bilan, si le Gouvernement n’agit pas.

Pour les collectivités supports de stations qui seraient défaillantes, la prochaine étape laisse peu de doute : la mise sous tutelle par la chambre régionale des comptes, ce qui serait dramatique pour tout l’écosystème montagnard.

Madame la ministre, j’avais alerté le ministre Bruno Le Maire au mois d’août du risque qui pesait sur les stations. Il y a maintenant urgence ! Comment peuvent-elles absorber une hausse des coûts de l’énergie qui passent de 3 % à 20 % du chiffre d’affaires ?

J’ai donc plusieurs questions. Comment comptez-vous adapter les dispositifs d’aides pour que l’écrêtement ne vienne plus annuler le bénéfice des aides, notamment pour les régies de remontées mécaniques ? Comment comptez-vous prendre en compte les spécificités des domaines skiables pour la future réforme de l’Arenh ? Qu’en est-il de la possibilité de renégocier les contrats maintenant que les prix se stabilisent ? Des annonces ont été faites il y a quelques semaines : qu’en est-il aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)