M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où le commerce international de produits agroalimentaires n’a jamais été aussi dynamique, la France est l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent.

M. Laurent Duplomb. C’est vrai !

Mme Anne-Catherine Loisier. Elle est ainsi passée du deuxième au cinquième rang des exportateurs mondiaux en vingt ans. Les deux tiers de ses pertes de marché s’expliquent par son manque de compétitivité.

La France décroche en raison de plusieurs facteurs : la hausse des charges, liée au coût de la main-d’œuvre, aux surtranspositions, à une fiscalité trop lourde ; une productivité en berne, du fait de moindres investissements dans l’agroalimentaire et de l’effet de taille d’exploitation, la ferme France reposant historiquement sur un modèle familial, à la différence de bon nombre de nos concurrents ; enfin, l’agribashing, qui vitupère un modèle agricole comptant pourtant parmi les plus vertueux au monde en matière environnementale.

Face à ces constats, notre responsabilité politique est dès lors d’adapter notre modèle agricole et nos politiques publiques nationales, afin de concilier compétitivité, innovation, transition environnementale et attractivité, mots d’ordre réalistes qui doivent désormais guider notre action à court, moyen et long terme.

La proposition de loi issue de l’initiative transpartisane de nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, que je salue, présente de premiers éléments de réponse déterminants pour l’avenir de la ferme France et offre aussi des perspectives aux générations d’agriculteurs qui vont s’engager.

Ce texte comporte plusieurs mesures stratégiques aux yeux du groupe Union Centriste : facilitation du financement des investissements agricoles grâce au livret Agri ; soutien aux filières ayant recours aux TO-DE en raison de leurs spécificités ; augmentation des seuils d’exonération de l’impôt sur les revenus agricoles afin de redonner des marges de manœuvre aux agriculteurs ; fin de mesures discriminatoires comme les surtranspositions ou la non-application des clauses miroir.

Le travail en commission et l’investissement de la rapporteure Sophie Primas ont permis d’enrichir le texte, afin de mieux protéger notre agriculture des distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne et avec le reste du monde, de modérer les charges pour que le revenu des agriculteurs ne soit plus la variable d’ajustement de la compétitivité et que nos atouts relevant de la compétitivité hors prix soient mieux pris en compte et, enfin, de faciliter l’innovation agricole, clef de la transition énergétique et écologique.

En commission, nous avons clarifié le rôle du haut-commissaire à la compétitivité, chargé de coordonner, planifier et structurer les politiques agricoles. Nous avons également validé l’usage des drones, afin de permettre une pulvérisation aérienne de précision des produits phytosanitaires et approfondi le sujet décisif des clauses miroir, tant attendues. Il nous a enfin paru déterminant de redonner la main au politique en permettant au ministre de l’agriculture de suspendre temporairement une décision de l’Anses de retrait de mise sur le marché de produits phytosanitaires dans des conditions déterminées.

Avec plusieurs de mes collègues centristes, nous présenterons des amendements visant à mettre un terme à la concurrence déloyale qui sévit dans le commerce des miels, à soutenir l’emploi de saisonniers dans les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers, à accélérer la prise du décret d’application de la loi Égalim 2 visant à rendre obligatoire l’indication du pays d’origine ou le lieu de provenance des viandes utilisées en ingrédients, à mieux valoriser le stockage de carbone dans les sols agricoles ou encore à renforcer les fonds propres des coopératives.

Alors que le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles sera présenté à l’automne prochain au Parlement, le Sénat prend date avec ces propositions, qui engagent notre modèle pour les quinze années à venir. Nous souhaitons non pas opposer, mais concilier pour assumer les défis sociétaux de décarbonation et de gestion de l’eau qui sont devant nous.

La survie et la prospérité de nos entreprises agricoles dépendront de notre capacité à concevoir des modèles multifonctionnels qui servent les trois piliers – économie, environnement, société – du développement durable.

Avec ma collègue Nadia Sollogoub, qui complétera mes propos, nous saluons les avancées présentes dans le texte et confirmons qu’une grande majorité des membres du groupe centriste voteront en sa faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Yves Bouloux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi qui, je le souhaite vivement, fera date pour la compétitivité de notre agriculture et notre souveraineté alimentaire. Je tiens d’ailleurs à saluer ici le travail de ses trois auteurs : Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou.

Issue d’un excellent rapport d’information sur la compétitivité de la ferme France, adopté au mois de septembre 2022 par la commission des affaires économiques, cette proposition de loi transpartisane vise à inverser le déclin de notre puissance agricole.

Le Sénat alerte le Gouvernement à ce sujet depuis plusieurs années. La situation est véritablement alarmante : la France importe plus de produits alimentaires qu’elle n’en exporte, et la concurrence européenne et internationale lui a fait perdre des parts de marché très importantes.

Comme le pointent très justement nos collègues, nous nous sommes repliés sur une production de denrées haut de gamme qui fait, certes, la fierté de la France, mais qui n’est pas suffisamment rémunératrice pour nos agriculteurs. Beaucoup de nos concitoyens, notamment les plus modestes, se trouvent ainsi contraints de consommer des produits importés, sans même évoquer la restauration hors domicile. Ce n’est plus concevable.

Nous connaissons les causes de cette perte dramatique de compétitivité : surréglementation, charges excessives, productivité faible, coût de la main-d’œuvre, fiscalité trop lourde, manque d’investissements, prix élevés… Ce à quoi s’ajoutent aujourd’hui la crise des prix de l’énergie et l’inflation.

Or la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine ne nous ont que trop bien rappelé l’importance géostratégique de la souveraineté alimentaire. Il est grand temps de réagir et de rendre du souffle à l’agriculture française dans son ensemble, notamment par des investissements d’avenir et des innovations en matière de transition des pratiques agricoles. C’est l’esprit de cette proposition de loi.

Le texte, composé de vingt-six articles, a plusieurs objectifs : assouplir le cadre normatif, lutter contre les surtranspositions, améliorer le cadre fiscal pour susciter l’investissement, encourager l’innovation pour la productivité et accompagner l’agriculture dans sa transition écologique. Mme la rapporteure Sophie Primas, dont je salue également le travail, y a ajouté des dispositions visant à alléger les charges pesant sur les agriculteurs et à préserver davantage l’agriculture française des distorsions de concurrence européenne et internationale.

La ligne d’horizon de ce texte reste le triptyque que nous défendons ardemment au Sénat : bien manger, prix abordables pour le consommateur français, juste rémunération des agriculteurs.

Parmi les mesures phares, la création d’un haut-commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises auprès du ministre de l’agriculture et la mise en œuvre d’un plan quinquennal vont permettre de définir de véritables objectifs agricoles avec de vrais responsables.

La rapporteure a également introduit une disposition permettant au ministre de l’agriculture de suspendre de nouveau une décision technique du directeur général de l’Anses.

Par ailleurs, le fonds de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté et l’augmentation des plafonds de la déduction pour épargne de précaution viendront soulager les producteurs, notamment les éleveurs en difficulté.

Enfin, dans la mesure où l’accompagnement de nos agriculteurs face au dérèglement climatique est crucial – je pense notamment au défi du partage de l’eau –, au risque de perdre encore en compétitivité, ce texte rend possible la réalisation d’un diagnostic carbone et de performance agronomique des sols pour les structures agricoles, cofinancé par l’État.

Le rôle de l’agriculture dans notre transition écologique est – faut-il le rappeler ? – décisif. À ce titre, il est nécessaire de donner à nos agriculteurs les moyens d’agir encore plus pour la préservation de la biodiversité, notamment de notre bocage.

En somme, au travers cette proposition de loi, il s’agit d’être cohérent : si nous voulons défendre notre puissance agricole et retrouver notre souveraineté alimentaire, il faut nous en donner les moyens. Ne soyons pas naïfs, sans compétitivité nouvelle, nous ne parviendrons ni à rendre leur pleine attractivité et une rémunération juste aux métiers agricoles ni à enrayer l’érosion du potentiel de production que nous constatons dans nos territoires. En Mayenne, par exemple, entre 2010 et 2020, nous avons perdu plus de 1 000 fermes. Dans le même temps, le nombre de chefs d’exploitation a diminué de 17 %.

Ne perdons pas de temps et saisissons l’occasion que nous offre cette proposition de loi ambitieuse pour construire une agriculture française forte, dynamique et durable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la compétitivité de la ferme France, quelques heures à peine après le sommet Choose France organisé à Versailles par le président Macron.

La terre de France, nos agriculteurs l’ont choisie ; ils la travaillent tous les jours. À l’instar des autres entrepreneurs auxquels s’adresse le chef de l’État, ils font chaque jour de la production et du négoce. Comme les autres chefs d’entreprise, ils font face à des obligations de rentabilité, à des problématiques de cours nationaux et internationaux, à des soucis de recrutement, à des galères administratives. Ce sont des businessmen farmers. Mais leurs clients, nationaux et internationaux, les consommateurs de leurs produits, eux, choisissent de moins en moins la France…

Très conscients de cette forme de décroissance, nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, à la suite de leur rapport d’information, nous proposent un texte aux mesures concrètes, opérationnelles, inspirées des difficultés identifiées dans les exploitations.

Les politiques publiques doivent d’urgence se décider à donner un cap à une reconquête stratégique nationale. N’attendons pas de devoir un jour réagricoliser la France, comme nous devons aujourd’hui essayer de la réindustrialiser. Espérons ne pas avoir à pleurer notre agriculture perdue comme nous pleurons notre industrie perdue.

Créer un haut-commissariat à la compétitivité agricole, lui donner des outils, du pouvoir et des moyens est un signe fort, à condition que ce ne soit pas un « machin » de plus ou une coquille vide.

Oui, la compétitivité agricole doit être surveillée avec la plus grande attention. Il ne faut pas se contenter de la constater a posteriori, ou plutôt d’en constater l’absence, à l’aune des disparitions d’exploitations ou des décapitalisations de cheptel.

Oui, nous devons éradiquer la surtransposition des normes, qui entravent, là comme ailleurs, le fonctionnement des entreprises. Ce qui est particulièrement grave en l’espèce, c’est que l’on demande à l’agriculture de s’adapter aux changements de l’environnement tout en l’enfermant dans un carcan rigide et chaque jour plus contraignant.

Depuis l’apparition de la vie sur terre, l’agriculture n’a cessé d’évoluer selon les besoins des hommes et le contexte naturel. Elle a suivi l’évolution du monde, poursuivant constamment sa mission nourricière. Si elle ne l’avait pas fait, l’homme aurait disparu.

En France, cependant, pour des raisons qui ne sont pas les bonnes, on enchaîne l’agriculture, on la ligote dans des injonctions contradictoires, prenant le risque insensé de l’affaiblir gravement.

Nous devons lui rendre la liberté d’évoluer, accorder plus de moyens à son soutien plutôt qu’à son contrôle et encourager massivement l’innovation, comme le prévoit cette proposition de loi.

Ce n’est pas le champ qui fait la moisson ; c’est le labour, dit justement un proverbe espagnol. Sanctuariser des parcelles agricoles n’est pas une fin en soi s’il n’y a pas de bras pour les exploiter. Il n’est pas inutile de rappeler ce prérequis face aux risques d’excès du « zéro artificialisation nette ».

La folie administrative, les surtranspositions malvenues, quoique pétries de bonnes intentions, mais aussi les distorsions de concurrence par rapport aux autres pays producteurs sont autant de vers qui rongent la ferme France.

Il faut, avec bon sens et de toute urgence, éradiquer les inepties, décréter un vrai plan de relance d’une production agricole compétitive et concurrentielle. La fiscalité est un vieil outil, qui sait souvent être efficace ; utilisons-la à bon escient.

La transmission des exploitations et le renouvellement des générations sont aussi des enjeux essentiels. De manière générale, une entreprise déficitaire ne trouve pas de repreneur : l’enjeu de prospérité et compétitivité en est donc d’autant plus vital.

Nous déplorons aussi qu’il soit aujourd’hui beaucoup plus facile de s’agrandir que de reprendre une exploitation. C’est une dérive dont nous risquons de faire très vite les frais.

Enfin, je souhaite vous faire partager ma réflexion sur la non-valorisation des apports de l’agriculture à notre société. Celle-ci doit s’adapter aux évolutions climatiques ; elle est chargée de notre souveraineté alimentaire ; elle s’inscrit désormais comme un producteur d’énergie ; c’est l’acteur essentiel de la décarbonation ; elle est dépositaire des enjeux de biodiversité… Il est temps de comprendre que l’on ne peut pas avoir tout pour rien ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda.

Mme Muriel Jourda. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de Jean Pierre Vogel, président de la section Cheval du groupe d’études Élevage, qui ne peut pas être présent parmi nous.

Je m’attarderai assez peu sur l’économie générale de cette proposition de loi, qui a très largement été exposée. Nous connaissons tous la situation de nos agriculteurs, perclus de charges et de normes, qui sont une forme particulière de charges. Notre agriculture se trouve aujourd’hui dans un environnement juridique si contraint qu’elle a perdu en compétitivité.

Qui connaît la démographie agricole sait combien il était urgent de provoquer un choc de compétitivité pour notre agriculture, qui brille par son excellence unanimement reconnue. J’en remercie les trois auteurs de cette proposition de loi.

Je souhaiterais plus particulièrement évoquer l’article 25 de ce texte, qui vise à appliquer un taux de TVA intermédiaire de 10 % à la filière équine. Nous nous félicitons de cette mesure, qui émane de la section Cheval et de son président. Il s’agit d’un élément technique dont Mme Primas et M. Duplomb ont parfaitement saisi l’importance.

Rappelons que, entre 2004 et 2012, la filière équine a bénéficié d’un taux de TVA de 5,5 % particulièrement favorable à son développement. En 2012, la CJUE, s’appuyant sur une directive européenne, a imposé de porter ce taux à 20 %, ce qui a été extrêmement préjudiciable à la filière.

Tous les gouvernements successifs se sont engagés à revenir sur cette mesure, qui nuit à la compétitivité de notre filière équine, si le cadre européen évoluait. Or cet engagement peut désormais être tenu, ledit cadre européen ayant été modifié sous la présidence française de l’Union européenne.

Monsieur le ministre, allez-vous répondre à cette attente importante de la filière équine en maintenant le taux de TVA de 10 % retenu dans cette proposition de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Je voudrais tout d’abord remercier M. Requier de son engagement continu sur les sujets agricoles ; j’ai bien noté les points qu’il a soulevés.

Monsieur Gremillet, nous avons franchi une première étape en stabilisant le dispositif de l’épargne de précaution sur trois ans dans le projet de loi de finances pour 2023. Il s’agit d’un sujet important de compétitivité, mais il faut aussi travailler à la définition de cette notion et de ses objectifs. Prolonger par principe un dispositif qui a montré son intérêt ne suffit pas.

Monsieur Menonville, cela fait au moins vingt-trois ans que nous perdons en compétitivité. Nous devons assumer collectivement ce qui a été réalisé sous plusieurs septennats et quinquennats : le principe de précaution a été introduit dans la Constitution sous la présidence de Jacques Chirac, et le Grenelle de l’environnement s’est tenu sous celle de Nicolas Sarkozy.

Soit on décide de s’inscrire en rupture totale avec le passé, soit on assume collectivement le cadre qui a été construit. Notre pays est le seul à avoir inscrit le principe de précaution dans sa Constitution : assumons collectivement ce cadre et essayons d’avancer sans nécessairement remettre en cause une œuvre commune, qui peut présenter des défauts, mais qui correspond aussi à notre tempérament particulier.

Monsieur Labbé, ne caricaturons pas sur la question des drones. Les auteurs de la proposition de loi ne veulent pas épandre davantage : c’est tout l’inverse ! Nous nous engageons sur la voie de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, ce que nous souhaitons tous, me semble-t-il. Le drone peut, certes, avoir d’autres usages, mais il peut aussi se révéler très intéressant pour l’agriculture, notamment pour sécuriser le travail des agriculteurs sur des terrains escarpés.

Par ailleurs, monsieur Labbé, une tomate bio et une tomate conventionnelle ont besoin de la même quantité d’eau ; idem pour le maïs. Bien sûr, nous devons réfléchir aux façons de mieux utiliser l’eau et de mieux la stocker dans les sols. Mais, de grâce, essayons de ne pas tomber dans la caricature : oui, l’agriculture a besoin d’eau, mais évitons tout propos excessif. Nous sommes l’un des pays utilisant le moins d’eau et comptant le moins de surfaces irriguées ; nous en comptons moins, par exemple, que les Pays-Bas.

M. Laurent Duplomb. Et moins qu’au début du XXIe siècle !

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Schillinger, vous avez évoqué des sujets qui peuvent faire l’objet de réserves. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements. Je vous remercie de vos propos.

Monsieur Tissot, je récuse l’idée d’un jeu politique. Nous ne nous faisons pas la courte échelle. Ce serait faire grief à Mme Primas, à M. Duplomb et à moi-même que de laisser croire que nous serions capables de nous influencer les uns les autres : nous sommes des esprits suffisamment libres et indépendants pour vivre nos vies séparément ; parfois, nos points de vue convergent, parfois, non, mais toujours dans la liberté du débat démocratique.

Certains des sujets de ce texte proviennent des concertations. Il faut savoir les entendre, quand bien même vous ne seriez pas d’accord. Les sujets concernant l’eau, par exemple, sont remontés des concertations. Il faut essayer de dépassionner le sujet et d’avancer concrètement.

Monsieur Gay, vous connaissez les grands auteurs, et je ne puis que vous remercier de m’avoir cité… « Pas tout, pas tout le temps » : voilà ce que j’ai dit sur les avis de l’Anses. Je ne retire rien, comme je l’ai rappelé au sénateur Salmon, qui m’a parfois demandé de revenir sur des avis de l’Anses. Il ne s’agit pas de propos révolutionnaires, même si je commence à m’interroger compte tenu des reproches qui me sont adressés ! Toujours est-il qu’il n’est nullement question d’en rabattre sur les questions de santé !

Par ailleurs, viser la neutralité carbone en 2050, c’est tout sauf faire une pause ! En revanche, changer les règles en permanence ne permet pas de bien organiser les filières.

Madame Loisier, vous avez raison d’insister sur le financement agricole et sur l’importance des innovations. Je crois beaucoup à ce dernier sujet.

Monsieur Chevrollier, la situation alarmante que vous décrivez est juste et nous la partageons tous. Vous avez évoqué un triptyque ; j’y ajouterais un quatrième élément : la transition écologique. Il ne s’agit pas de produire davantage de normes. À la vérité, si nous n’agissons pas, l’érosion du potentiel de production des sols se poursuivra. Il faut y réfléchir de manière apaisée.

Madame Jourda, j’ai compris vos préoccupations. Nous reparlerons dans la discussion des articles de ce sujet spécifique, mais la volonté du Gouvernement est d’avancer,

Madame Sollogoub, je partage vos remarques sur la fiscalité. Toutefois, certaines entreprises qui ne sont pas déficitaires ne sont pas non plus reprises : certains sujets vont au-delà de la rentabilité. La question de la mise à disposition des terres se pose.

Penchons-nous sur les sujets ouverts et évitons les caricatures. Je voudrais plus particulièrement m’adresser à M. Labbé, dont je doute qu’il s’agisse de la dernière intervention lors d’une discussion générale ; nous ne sommes qu’au mois de mai ! (Sourires.)

Pour ma part, j’essaie toujours, dans le débat public, d’écouter mes contradicteurs, considérant qu’il y a peut-être des choses dont il faut tenir compte. Je ne vous fais pas grief, monsieur Labbé, de penser ce que vous pensez, car je ne crois pas que votre seule motivation soit d’être en désaccord avec le Gouvernement. Souffrez que l’inverse soit vrai, et que je puisse défendre des positions avec lesquelles vous pouvez ne pas être d’accord, mais qu’il ne faut pas refuser d’écouter par principe.

Essayez donc d’écouter notre position sur la productivité ! Vous me trouverez toujours sur le chemin d’une agriculture française souveraine. Vous me trouverez aussi toujours sur le chemin du refus des démagogies, d’où qu’elles viennent. Et il y en a partout ! Certains vous disent « y’a qu’à, faut qu’on » et qu’il faut donner des injonctions aux agriculteurs quand d’autres préconisent de les laisser faire et de continuer comme avant. Vous ne me trouverez sur aucun de ces deux chemins.

En effet, selon moi, ce serait une erreur de dire aux agriculteurs que les contraintes climatiques ne sont pas puissantes. Ce serait une erreur de ne pas dire aux agriculteurs que nous avons intérêt à décarboner notre agriculture. Quatre degrés de plus, c’est le drame absolu pour nos agriculteurs. Nous avons donc besoin de penser des systèmes plus résilients. J’essaie de trouver un équilibre sur chaque point du texte, afin de faire en sorte que nous ne tombions ni d’un côté ni de l’autre. Et ce n’est pas du « en même temps » !

Je ne me satisferais pas d’une situation ne nous permettant pas d’exercer nos prérogatives de souveraineté. Je ne me satisfais pas que plus de 50 % des fruits et légumes consommés en France ne viennent pas de France. Nous avons besoin de regagner en compétitivité et en souveraineté, en posant la question de l’accès à l’eau.

Dire aux agriculteurs que rien ne changera, c’est une autre position démagogique à laquelle je me refuse. Tenir de tels propos, c’est confortable quand on s’exprime à la tribune. Mais cela conduit à la disparition de la souveraineté agricole française. Si nous ne répondons pas à la question de la résilience du système, nous perdrons en souveraineté.

J’étais voilà peu dans les Pyrénées-Orientales. Je dois pouvoir répondre à la contrainte sans dire aux agriculteurs qu’il suffit de changer de modèle. Nous devrons accompagner des gens qui font de la vigne, de l’arboriculture, de l’élevage et un peu de maraîchage, loin des caricatures de l’agriculture que vous qualifiez parfois d’« industrielle » ! La résilience, ce n’est pas la disparition de l’agriculture. Il s’agit de savoir comment nous continuons à exercer nos prérogatives de souveraineté sous les contraintes climatiques.

Il faut décrire les contraintes et trouver les solutions. Nous le devons aux agriculteurs, il convient d’avoir un débat apaisé sur ces questions. Nous n’avons aucun intérêt à ce que la société se dresse contre les agriculteurs ou à ce que les agriculteurs soient dressés contre une partie de la société. Nous avons besoin de construire un tel débat. J’écoute en effet le témoignage de nombreux agriculteurs qui, tous les jours, ont le sentiment de ne pas être compris, qu’il s’agisse de leurs contraintes ou de leurs pratiques. Nous avons donc besoin de décrire les pratiques agricoles sans les caricaturer. Nous rendrions un service non seulement aux agriculteurs et à l’agriculture, mais aussi aux transitions que nous serons amenés à mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme france

TITRE Ier

FAIRE DE LA COMPÉTITIVITÉ DE LA FERME FRANCE UN OBJECTIF POLITIQUE PRIORITAIRE

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 1er

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 70 rectifié quinquies est présenté par Mmes Noël, Pluchet et Bonfanti-Dossat, M. Joyandet, Mmes Thomas, Muller-Bronn et Berthet, MM. Bacci, Belin, Sido et D. Laurent, Mme Belrhiti, M. Bouloux, Mme Garriaud-Maylam, MM. Meurant et Bouchet, Mme Micouleau, M. Somon, Mmes Malet, Bellurot et Joseph, M. B. Fournier, Mme Imbert et MM. Klinger et Gremillet.

L’amendement n° 79 rectifié est présenté par MM. Menonville et Chasseing, Mme Loisier, MM. Kern et A. Marc, Mmes Guidez et Férat, MM. Decool, Médevielle, Hingray et Maurey, Mmes N. Delattre et Gacquerre, MM. Verzelen, P. Martin et Wattebled, Mme Perrot, M. Chauvet, Mme Saint-Pé, M. Marseille, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Moga, Folliot, Longeot, Duffourg et Malhuret.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l’article 410-1 du code pénal. »

La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié quinquies.

M. Daniel Laurent. L’article 1er vise à intégrer la souveraineté alimentaire à la liste des intérêts fondamentaux de la Nation, au même titre que son indépendance, l’intégrité de son territoire, sa sécurité, la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, et de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique, économique et de son patrimoine culturel.

À la lumière de la crise liée au covid-19, qui a révélé la vulnérabilité de nos approvisionnements dans de nombreux domaines, il est apparu, avec une évidence renouvelée dans l’opinion publique et dans l’action des pouvoirs publics que la souveraineté alimentaire figurait bien au nombre des intérêts fondamentaux de la Nation.

Pour autant, à ce jour, la notion de souveraineté alimentaire n’est consacrée dans aucun code ni aucune loi.

Par cet amendement, nous proposons de corriger cette anomalie, en donnant enfin toute sa portée symbolique à ce principe, qui recouvre la capacité de production agricole et le taux d’auto-approvisionnement alimentaire, mais diffère de l’autosuffisance alimentaire, qui ne serait ni possible ni souhaitable.

Cet amendement permet de resituer la recherche de compétitivité, érigée en priorité par la présente proposition de loi, comme un moyen parmi d’autres d’atteindre la souveraineté alimentaire, objectif consensuel partagé sur toutes les travées du Sénat.