Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Nous tenons à souligner que cet article 10, selon nous insuffisant, représente toutefois une avancée. Nous allons donc le voter.

M. Laurent Duplomb. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 109.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 10.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 10 - Amendement  n° 38 rectifié

Après l’article 10

Mme le président. L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Longeot et Laugier, Mme Vermeillet, M. Henno, Mmes Gacquerre et Jacquemet, MM. Lafon, Moga, P. Martin et Le Nay, Mme Herzog, M. Duffourg, Mme Morin-Desailly, M. Delahaye, Mme Férat, MM. Détraigne et Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. Canévet et Hingray, Mmes Perrot et de La Provôté, M. J.M. Arnaud et Mmes Sollogoub, Billon et Doineau, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les premier et second alinéas du II de l’article L. 412-9 du code de la consommation sont complétés par les mots : « au plus tard le 1er janvier 2024 ».

La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Cet amendement représente, à la fois, une remontée dans le temps et un rappel à l’ordre aimable, mais exigeant.

Je rappelle que nous avions voté en 2021 une disposition de la loi Égalim 2 qui rendait obligatoire l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance pour les viandes utilisées en tant qu’ingrédient dans des préparations de viandes et des produits à base de viande lorsque l’opérateur a connaissance de cette information en application d’une réglementation nationale ou européenne.

Il n’aura échappé ni à votre vigilance, monsieur le ministre, ni à la nôtre qu’aucun décret d’application n’a été publié à ce jour. Nous vous invitons donc à y remédier. Cet amendement vise en effet à ce que les modalités d’application soient fixées par décret au plus tard le 1er janvier 2024.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Par cet amendement judicieux, Mme Gatel rappelle à juste titre que l’article 14 de la loi Égalim 2 n’est toujours pas applicable, faute d’un décret d’application qui était pourtant prévu pour la mi-juillet 2022. Or il aurait permis de rétablir une égalité de traitement entre la restauration hors foyer et les dark kitchens, ces établissements qui livrent à domicile, mais n’ont pas de salle pour consommer sur place.

Un décret a bel et bien été pris pour rendre obligatoire l’indication de l’origine des viandes en restauration hors foyer, le décret n° 2022-65 du 26 janvier 2022 modifiant le décret n° 2002-1465 du 17 décembre 2002 relatif à l’étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration : il étend l’obligation qui valait de longue date pour la viande bovine aux viandes « porcines, ovines et de volailles ».

Il est étonnant que ce décret n’ait pas couvert les dark kitchens, puisqu’il est postérieur de trois mois à l’entrée en vigueur de la loi Égalim 2. Nous vous invitons donc, monsieur le ministre, à le prendre dans les meilleurs délais.

L’avis est donc favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Gatel, j’ai compris le rappel à l’ordre, car je sais entendre les messages du Sénat… (Sourires.)

La plupart des décrets d’application de la loi Égalim ont été pris, comme l’a rappelé Mme la rapporteure. Mais nous avons dû, sur ces textes, organiser une concertation un peu plus large que prévu, ce qui a pris du temps. Je prends l’engagement devant vous de finaliser rapidement cette publication.

J’émets un avis défavorable non sur le fond de votre demande, mais sur la forme. En effet, mieux vaut ne pas entrer dans la logique qui consiste à présenter un amendement tendant à ce que le Gouvernement prenne un décret… Vous avez cependant raison d’exiger que les décrets d’application soient pris dans les délais impartis. En l’occurrence, j’y veillerai et vous en informerai personnellement.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Pour vous montrer que nous ne sommes pas dogmatiques, nous allons voter cet amendement qui va dans le bon sens, celui de la transparence. (Marques de satisfaction sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendement n° 26 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article 11

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.

L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme Préville, MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mme Monier, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 412-12 du code de la consommation, il est inséré un article L. 412-… ainsi rédigé :

« Art. L. 412-… – Les aliments ultratransformés désignent tout aliment vendu dans le commerce ou utilisé par un service de restauration, ayant subi d’importants procédés de transformation et dont la formulation contient des substances industrielles ou des ingrédients technologiques, et des additifs non nécessaires à la sécurité sanitaire visant à en améliorer les qualités sensorielles ou à imiter les aliments naturels, dans le but de masquer les défauts du produit mis à la vente.

« Le ministère en charge de l’économie se charge de la mise en place, pour le 1er janvier 2024, d’un étiquetage supplémentaire sur les denrées alimentaires informant le consommateur sur le caractère ultratransformé d’un aliment. »

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement est proposé par Angèle Préville.

Le déséquilibre de l’alimentation est l’une des premières causes de l’épidémie de maladies chroniques constatée en France, dont les conséquences sont lourdes en termes de mortalité et de morbidité. L’alimentation ultratransformée est en grande partie responsable de ce fléau et l’état actuel des connaissances appelle à la mise en place de premières actions préventives de santé publique.

En s’appuyant sur l’usage du Nutri-score, qui ne fait plus débat aujourd’hui, des actions ambitieuses visant les produits trop gras, trop salés et trop sucrés pour lesquels des preuves de nocivité sont indubitables et communément admises doivent être mises en place.

D’après l’OCDE, une réduction de 20 % de l’apport calorique des aliments riches en sucre, en sel, en calories et en graisses saturées permettrait de prévenir 582 000 cas de maladies non transmissibles d’ici à 2050 en France.

Pour que le consommateur puisse facilement et rapidement faire le tri dans les rayons de supermarchés, les denrées alimentaires présentées à la vente doivent comporter un étiquetage permettant de bien l’informer, en particulier lorsque celui-ci s’apprête à consommer un aliment ultratransformé.

À ce jour, ces aliments représentent dans notre pays probablement de 40 % à 50 % de l’offre actuelle en supermarché, et seraient, selon les chercheurs, la première cause indirecte de mortalité précoce dans les grandes villes, responsable en grande partie de la stagnation de l’espérance de vie en bonne santé, laquelle est inférieure à 65 ans pour les hommes et les femmes.

Les ingrédients et additifs cosmétiques utilisés dans ces aliments sont en réalité des substances alimentaires non habituellement utilisées en cuisine, que les industriels utilisent pour limiter les qualités organoleptiques d’un aliment brut et de leurs préparations culinaires, ou pour masquer les défauts d’un produit.

En outre, on ne sait encore que peu de choses des effets cocktail potentiellement délétères de ces additifs sur le long terme, ainsi que de leur action sur la flore microbienne.

Il est donc urgent de réguler un tel commerce, mais via des dispositions transitoires afin de ne pas perturber les acteurs du commerce et de la distribution, pour aboutir à une limitation de leur consommation.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Les auteurs de l’amendement considèrent que l’ultratransformation est un facteur de risque pour la santé humaine. C’est peut-être aller un peu vite en besogne en l’état de nos connaissances. Ainsi, je puis témoigner qu’au stand de l’Inra, lors du salon de l’agriculture, la démonstration nous a été faite de l’intérêt de la fermentation, en vue par exemple de faire consommer davantage de fruits et légumes : ce processus de transformation semble plutôt bénéfique pour la santé publique.

J’ajoute que nos collègues Fabien Gay, Françoise Férat et Florence Blatrix Contat avaient pointé, dans leur rapport d’information intitulé Information du consommateur : privilégier la qualité à la profusion, le risque d’une dilution de cette information, alors même que le Nutri-score pourrait être rendu obligatoire prochainement dans toute l’Europe et intégrer bientôt les aliments transformés.

Invitant mes collègues à faire preuve d’un peu de patience, j’émets un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement vise à définir les aliments ultratransformés et à rendre obligatoire leur étiquetage. Je justifierai en trois points l’avis défavorable du Gouvernement.

Premier point : dans le cadre du programme national nutrition santé (PNNS), l’Anses a été saisie afin de caractériser les aliments ultratransformés, d’évaluer les définitions existantes et leur impact sur la santé. Dans l’attente des conclusions de ces travaux, prévues pour l’été 2024, il est difficile de s’avancer sur une définition.

Deuxième point : nous devons poser collectivement la question de l’étiquetage. On assiste en effet à la multiplication des étiquetages : Nutri-Score, score carbone, score bien-être animal, Éco-score, etc. Pour que le consommateur s’y retrouve, il faut une lisibilité de l’étiquetage.

Troisième point : ne prenons pas, de grâce, des mesures réglementaires dont nous savons qu’elles ne s’appliqueraient, par nature, qu’aux produits français et qu’on ne pourrait pas imposer aux autres pays européens et à leurs produits – c’est précisément le problème que nous rencontrons avec le Nutri-score.

La première étape serait de nous mettre d’accord, à l’échelle européenne, sur le Nutri-score, qui est un élément d’étiquetage intéressant, avant d’en inventer de nouveaux, que nous serions peut-être les seuls à appliquer.

Nous devons laisser l’Anses travailler et nous fonder sur les résultats de leurs travaux pour améliorer la lisibilité des produits pour les consommateurs et œuvrer à la cohérence entre pays européens.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émet un avis défavorable.

Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Je comprends votre réponse, monsieur le ministre, et la partage même, d’un certain point de vue.

Mme la rapporteure a cité un rapport ; pour ma part, j’en évoquerai un autre, intitulé Surpoids et obésité, lautre pandémie, qui met en cause les aliments ultratransformés (AUT) de manière assez claire. Vous dites qu’il n’existe pas de définition claire des AUT, mais il existe tout de même une classification. Nous ne partons donc pas de rien.

Les deux points de vue ne sont pas forcément opposables : si nous parvenons à limiter les AUT au profit d’aliments peu ou pas transformés, l’agriculture peut s’y retrouver.

Une question de santé publique se pose avec force, notamment au sujet des maladies chroniques. Nous devons travailler pour définir la bonne ligne de crête pour que l’incorporation de produits « nobles » affecte positivement notre agriculture tout en incitant fortement à limiter les AUT, qui sont à l’origine de maladies chroniques constituant une véritable épidémie.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Nous soutenons cet amendement, car, comme vient de le dire François Bonhomme, il s’agit d’une question de santé publique.

Nous savons que les produits ultratransformés sont plus gras, plus sucrés, plus salés, plus nocifs pour la santé. J’entends vos arguments, monsieur le ministre, mais ce n’est pas parce que nous ne parvenons pas à avancer à l’échelle européenne que nous devons balayer le sujet d’un revers de main.

La question est la suivante : la France est-elle un précurseur sur cette question et poussons-nous vers moins de produits ultratransformés ? Un débat européen existe sur le Nutri-score, puisque 320 scientifiques, dont le professeur Hercberg, le père du Nutri-score à la française, viennent de signer une tribune sur l’étiquetage nutritionnel. Vous avez raison, monsieur le ministre, nous devons aller vers une harmonisation du Nutri-score, mais elle doit se faire vers le haut.

Nous devons défendre le Nutri-score à la française, qui s’appuie sur une réalité scientifique et a fait progresser les industriels, dont certains produits notés E ou D sont passés à C, B ou A. Quelle est votre position sur cette question ? Défendrez-vous le Nutri-score à la française ? (M. le ministre fait mine de soffusquer.)

Je vous pose simplement une question ; vous disposerez vous aussi de deux minutes pour y répondre… (Sourires.) Pousserez-vous pour que nous intégrions les produits ultratransformés aux étiquetages nutritionnels ?

Nous voterons donc cet amendement, dont l’adoption vous donnera de la force dans les négociations européennes.

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Merci, monsieur Gay, de vouloir me donner de la force dans les négociations européennes !

M. Fabien Gay. Vous en avez bien besoin ! (Sourires.)

M. Marc Fesneau, ministre. Vous n’êtes pas tombé dans la caricature, tâchons de continuer dans cette voie.

M. Fabien Gay. Pas à moi !

M. Marc Fesneau, ministre. Justement, monsieur le sénateur, je dis que vous n’êtes pas tombé dans la caricature !

Premièrement, bien sûr que nous soutenons le Nutri-score, qui est une question portée par la France. Toutefois, si nous ne sommes que 6 pays européens à le faire, contre l’avis des 21 autres, c’est très sympathique, mais nous ne pouvons pas avancer. N’ayons pas l’arrogance, toute française, de penser parfois que nous avons raison tout seuls, alors que nous sommes minoritaires à l’échelle européenne.

Deuxièmement, nous partageons tous des préoccupations relatives à la santé publique, monsieur Bonhomme, qu’il s’agisse de l’affichage, de la pédagogie ou de l’éducation à l’alimentation, sur lesquelles nous devons continuer de travailler. Mais ce que je tente d’expliquer, monsieur Gay, c’est non pas que je ne veux pas d’un affichage de la nature de la transformation des produits, mais que, si nous le décidions seuls et que nos 26 partenaires n’étaient ainsi pas soumis à la même obligation, seuls les produits français seraient concernés.

Qu’aurons-nous alors gagné ?

M. Marc Fesneau, ministre. Nous n’aurons rien gagné !

M. Marc Fesneau, ministre. Les produits français seront montrés du doigt parce que nous aurons imposé un affichage, tandis que les produits européens ne seront pas soumis à cette obligation.

L’affichage du Nutri-score n’est pas obligatoire pour les Italiens. Or, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais les produits italiens passent la frontière ! On peut bien essayer de fermer notre frontière aux produits italiens,…

M. Fabien Gay. Ce serait dommage !

M. Marc Fesneau, ministre. J’en conviens…

Donc, plutôt que de fermer notre frontière aux produits italiens, il semble préférable de nous montrer un peu cohérents.

Si vous me dites que nous devons défendre une harmonisation à l’échelle européenne, nous nous retrouverons. Mais évitons de mettre, comme d’habitude, la charrue avant les bœufs en adoptant une réglementation qui pénaliserait les produits français, sans égard pour la position européenne.

Ma première préoccupation est d’obtenir un Nutri-score européen.

M. Marc Fesneau, ministre. Avant d’ajouter un nouvel étiquetage, nous devons solder la question du Nutri-score, que, je le répète, je défends !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 10 - Amendement  n° 38 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 11 - Amendements n° 56 rectifié bis et n° 83 rectifié bis

Article 11

Le I de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° (nouveau) Au premier alinéa, la date : « 2022 » est remplacée par la date : « 2025 » ;

2° Après le 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Ou bénéficiant d’une démarche de certification de conformité des produits, si cette démarche est subordonnée au respect de règles destinées à favoriser la qualité des produits agricoles ou des denrées alimentaires ou la préservation de l’environnement, sous le contrôle du ministre chargé de l’agriculture ; ».

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. J’essaierai de faire une synthèse de cet article 11, qui élargit la liste des produits durables et de qualité à privilégier en restauration collective publique – qui est un secteur stratégique – aux produits bénéficiant d’une démarche de certification de conformité.

Le législateur se réfère à la loi Égalim et à la loi Climat et résilience, avec un objectif de 50 % de produits de qualité durable. Sont concernés : l’État, les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics.

L’article 11 assouplit la définition des produits durables et de qualité qui doivent composer une part significative de l’offre alimentaire en restauration collective publique. Sous l’autorité de M. le ministre de l’agriculture, le but est également de réduire les importations.

De plus, dans un contexte de forte inflation alimentaire, il s’agit, comme l’a souligné Mme le rapporteur, de répondre à un appel à l’aide des collectivités territoriales. Il y a urgence à soutenir ces dernières et à favoriser l’achat de produits durables et de qualité.

Surtout, il convient d’accompagner et de préserver la production de ces denrées sur l’ensemble du territoire et de promouvoir le savoir-faire de l’ensemble de nos agriculteurs en votant cet article.

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 39 rectifié est présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mme Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 61 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 110 est présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n 39 rectifié.

M. Thierry Cozic. Cet amendement vise à supprimer l’article 11, qui élargit la liste des aliments autorisés dans les 50 % de produits durables et de qualité dans la restauration collective, définie par la loi Égalim.

Plus précisément, cet article intègre tous les produits faisant l’objet d’une certification de conformité, ce qui nous semble incompatible avec l’esprit de la loi.

Mme Sophie Primas, rapporteur. Non, pas tous !

M. Thierry Cozic. Le ministère de l’agriculture précise ainsi que, pour être reconnus, ces produits doivent respecter « des exigences et des recommandations fixées au préalable, au niveau de la production, de la transformation ou du conditionnement », et que ses services s’intéressent à « la composition du produit, à ses caractéristiques visuelles, olfactives et gustatives ou à certaines règles de fabrication ».

Ainsi, le champ retenu est beaucoup trop large et n’offre pas les mêmes garanties de durabilité et de qualité que les produits estampillés d’un signe de qualité, d’un écolabel, d’une mention « fermier » ou « produit à la ferme », ou encore issus de l’agriculture biologique.

Ce n’est pas la première fois que nous débattons de cette liste dans cet hémicycle. À vouloir trop élargir celle-ci, nous risquons, au bout du compte, de totalement dénaturer l’esprit de la loi, car, demain, tous les produits pourraient y figurer.

Si nous avons conscience que les objectifs sont parfois difficiles à atteindre dans certains territoires, notamment en matière de circuits courts, nous considérons que la solution ne consiste pas à les abandonner tout simplement, alors que nous nous les sommes fixés collectivement.

Il faut parfois se donner du temps. À cet égard, je rappelle que le dispositif issu de la loi Égalim reste très récent, plus encore si l’on considère les années mouvementées que nous venons de traverser et que nous traversons encore.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 61.

M. Fabien Gay. Je me pose une question.

Nous avons voté la loi Égalim en 2019, qui prévoit d’intégrer 50 % de produits durables et de qualité en restauration collective, dont 20 % issus de l’agriculture biologique. L’horizon fixé était 2022, c’est-à-dire hier. Nous n’avons pas eu le temps de faire le bilan que nous proposons déjà d’en rabattre sur nos ambitions !

Pour ma part, je propose une autre méthode : laissons la loi s’appliquer pendant deux ou trois ans pour disposer d’un bilan ; regardons sérieusement les contraintes qui peuvent peser sur certaines filières et nous empêchent d’atteindre l’objectif de 50 % ; renforçons les aides aux collectivités mises en difficulté financièrement.

En un mot, laissons à la loi le temps de se mettre en place ! Cela me semble du bon sens. Nous n’avons même pas eu le temps de faire un bilan ! Je demande donc à ceux qui veulent modifier l’objectif : quels sont les chiffres ? où en sommes-nous ? pouvez-vous nous en dire plus avant que nous ne corrigions la loi ?

En revanche, je trouve sensé que, une fois le bilan dressé, dans deux ou trois ans – cela reste à déterminer –, nous procédions au cas par cas. Nous pourrons alors décider, pour les filières en difficulté, d’aller vers des produits bénéficiant d’une démarche de certification de conformité – pas de problème ! – tandis que là, constatant que la contrainte est d’ordre financier, le débat devra être budgétaire.

Ainsi, nous estimons qu’il faut supprimer cet article 11.

Mme le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 110.

M. Joël Labbé. Dans le même ordre d’idées, nous estimons que la loi serait affaiblie par l’intégration des produits bénéficiant d’une démarche de certification de conformité, qui n’est pas un label exigeant. Il s’agit d’un retour en arrière par rapport à la loi Égalim.

Nous souhaitons donc évidemment que cet article soit supprimé.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Nous savons que nous sommes, à l’heure actuelle, très loin des objectifs qui ont été fixés pour ce qui concerne le pourcentage de produits bio et de produits sous signe de qualité.

De même, nous savons que nombre de collectivités se sont approprié ces objectifs en mettant en place des dispositifs logistiques tels que des cuisines centrales. Il faut donc, en effet, laisser du temps au temps pour que les collectivités progressent.

Que faisons-nous lorsque nous ajoutons la certification de conformité de produit ? Tout d’abord, je remarque que l’ensemble des produits qui sont sous signe de qualité ont des cahiers des charges très différents les uns des autres. Nous agrégeons donc déjà, dans ces 50 %, des produits divers.

Les produits faisant l’objet d’une certification de conformité, auxquels nous vous proposons d’élargir la liste, sont des produits de qualité. De plus, ils ne sont pas nombreux ; cela n’élargit pas considérablement la liste. Il ne s’agit pas du tout d’une dilution des produits. Comme son nom l’indique, le certificat de conformité des produits offre des garanties de qualité.

Je prendrai deux exemples.

Le certificat « agneau de qualité », de la Fédération bétail de qualité Bourgogne, domiciliée en Côte d’Or – chez Anne-Catherine Loisier –, garantit que l’agneau est élevé avec sa mère pendant 60 jours, avec une alimentation complémentaire, et qu’il est élevé pendant 270 jours au maximum.

De même, le certificat « jeunes bœufs et génisses » de la société vitréenne d’abattage Jean Rozé, domiciliée à Vitré, atteste que les bêtes sont alimentées, après sevrage, avec au moins 80 % d’herbe conservée et de foin, et que leur âge est compris entre 16 mois et 30 mois.

Ces produits sont donc soumis à des cahiers des charges en matière de qualités requises. De plus, ils sont très majoritairement issus du territoire français. Il s’agit donc de produits de qualité, dont l’intégration ne dénature pas l’esprit de l’objectif de 50 %, et ne conduit pas, étant donné leur nombre réduit, à une dilution.

En revanche, je partage l’avis de Fabien Gay et de plusieurs autres collègues : nous avons besoin de temps, à la fois pour mettre en place le dispositif et pour apprécier les résultats obtenus.

La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements, pour les raisons invoquées par les sénateurs Gay et Labbé.

Il me semble qu’une évaluation est nécessaire. L’échéance était fixée en 2022 ; nous sommes à la mi-2023. Il ne me semble donc pas inutile de déterminer ce qui a fonctionné.

Par ailleurs, nous savons qu’il y a une montée en puissance. Les programmes alimentaires territoriaux sont un formidable moteur pour déterminer les modes de production et d’organisation, par exemple pour ce qui concerne les cuisines centrales, comme l’a évoqué Mme la rapporteure.

Les questions qui se posent sont les suivantes : dispose-t-on de suffisamment de producteurs et de logistique ? l’organisation, dans les collectivités, est-elle efficace ?

Ce n’est pas parce que nous n’avons pas atteint les objectifs que nous nous étions fixés – il faut bien le reconnaître, et chacun doit prendre sa part, l’État comme les collectivités –, que nous devons reprendre rendez-vous dans trois ans. Nous devons d’abord analyser les causes de cet échec (M. Laurent Duplomb sexclame.) et regarder si le dispositif a été bien calibré pour parvenir à atteindre l’objectif – que nous partageons, me semble-t-il.

En effet, nous sommes d’accord sur le fait que la commande publique peut constituer un levier puissant pour développer la filière bio et pour valoriser les produits de qualité ou issus de circuits courts.

Le Gouvernement a la volonté d’évaluer le dispositif et d’étudier les pistes qui nous permettraient de nous améliorer pour atteindre enfin les objectifs fixés par la loi Égalim. Au reste, je ferai des propositions sur ce sujet dans les prochaines semaines.