M. Daniel Salmon. Je reviens sur un point : ce texte ne propose pas de qualifier l’alimentation en eau potable ou le fonctionnement des milieux aquatiques comme étant d’intérêt général majeur. Il y a pourtant une hiérarchie dans les usages de l’eau, que tout le monde connaît.

Il propose plutôt de prendre en compte « dès que possible » un usage partagé et raisonné de l’eau. Je trouve cette approche peu sérieuse, compte tenu de l’exacerbation des tensions sur les usages de l’eau et de la nécessité de réfléchir collectivement à sa répartition dans la perspective du réchauffement climatique.

En tant qu’écologistes, nous alertons sur le réchauffement climatique depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, nous devons nous adapter et continuer de lutter. Nous savons bien que le stockage de l’eau le plus pertinent, c’est celui des nappes phréatiques, qui peut être favorisé grâce à un travail sur les sols et les haies.

Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’article, afin de replacer le stockage de l’eau pour l’agriculture dans le cadre d’une politique démocratique permettant la sobriété et un partage équitable de l’eau inscrit dans des projets de territoire.

Actuellement, sur le terrain, on refuse souvent l’accès à l’irrigation pour de faibles volumes à de petits maraîchers bio, ce qui empêche parfois leur installation. Pendant ce temps, des centaines de milliers de mètres cubes d’eau sont consacrés à des quasi-monocultures de maïs, qui sont néfastes pour l’environnement et qui ne contribuent pas à une véritable souveraineté alimentaire. En effet, pour cultiver du maïs, il faut du soja, et ce soja provient de l’autre côté de l’Atlantique, du Brésil plus précisément, ce qui n’est pas neutre en termes d’aggravation des problématiques liées au réchauffement climatique.

Dans ce contexte, cet amendement propose d’établir les bases d’un véritable encadrement du stockage de l’eau à des fins agricoles, afin que celui-ci contribue à une utilisation sobre et partagée de cette ressource commune.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. La rédaction actuelle du 5° bis du paragraphe I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement pose d’ores et déjà l’exigence d’un usage partagé de l’eau. C’était l’objet des amendements que j’ai déposés en commission. Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 98.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 15.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 288 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 226
Contre 117

Le Sénat a adopté.

Article 15
Dossier législatif : proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France
Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 99

Après l’article 15

Mme le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Duffourg, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Burgoa, Decool, Pellevat, Kern, Chasseing, Le Nay, Bonhomme, Mizzon, Henno et Moga, Mme Lopez, M. Chatillon, Mmes Muller-Bronn et Loisier, MM. Médevielle, Canévet, Hingray et J.M. Arnaud, Mme Ventalon, M. Somon, Mme Malet, MM. Folliot, Chauvet et Cigolotti, Mmes Doineau et Saint-Pé et M. Klinger, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du II de l’article L. 214-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont notamment soumises à déclaration les retenues collinaires de moins de 150 000 mètres cubes d’eau. »

La parole est à M. Alain Duffourg.

M. Alain Duffourg. Cet amendement vise à simplifier la création de retenues collinaires inférieures à 150 000 mètres cubes d’eau, soumises à déclaration. Contrairement aux bassines dont il a été fait état tout à l’heure, ces retenues ne consistent pas à aller puiser l’eau dans les nappes phréatiques, mais seulement à la retenir pendant les périodes pluvieuses ou durant l’hiver.

Cet amendement peut, à mon sens, faire consensus, étant précisé que les agriculteurs conventionnels, les agriculteurs biologiques, les maraîchers et les éleveurs pourront bénéficier de ces dispositifs. Un certain nombre de produits pourront ainsi être cultivés au bord de la Méditerranée, ce qui est tout de même préférable à aller les chercher à l’autre bout du monde.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’amendement n° 17 rectifié, dont je comprends la finalité, mériterait d’être plus longuement expertisé, puisque les ouvrages de prélèvement et de stockage de l’eau sont soumis à la nomenclature des installations, ouvrages, travaux, activités (Iota). Cette nomenclature permet de savoir si un ouvrage doit faire l’objet d’une autorisation ou d’une déclaration.

L’amendement mentionne le volume de la réserve, qui est certes un critère de la nomenclature, mais d’autres éléments doivent être pris en compte tels que la superficie du plan d’eau, sa hauteur, son mode d’alimentation ou encore la zone dans laquelle la retenue est installée.

Au-delà du fait qu’il mériterait d’être expertisé, cet amendement n’est pas de nature à produire les effets escomptés. La commission demande donc son retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement soulève une question assez juste et s’inscrit dans le prolongement des travaux que vous avez menés vous-même sur ces sujets, monsieur le sénateur, et que je voudrais saluer.

Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été indiqués par Mme la rapporteure, le Gouvernement demande néanmoins le retrait de l’amendement n° 17 rectifié. À défaut, son avis sera défavorable. Cet amendement soulève trop de questions pour que l’on puisse le laisser passer ainsi.

Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Dans le prolongement de cet amendement, je crois que nous devons nous poser la question du curage des retenues collinaires existantes. Selon les spécialistes, cette opération permettrait de récupérer de 25 % à 30 % de la capacité initiale de stockage de ces ouvrages. Or la réglementation rend de telles opérations de curage extrêmement compliquées à mettre en œuvre. Les dossiers sont quasiment aussi lourds que pour la création d’une retenue collinaire, ce qui est tout à fait regrettable.

Il y a peut-être là matière à simplification. On s’éviterait de la sorte d’avoir à construire des retenues collinaires neuves, sachant à quelles difficultés nous sommes confrontés parfois – et même souvent – dans ce cadre.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Je voudrais soutenir l’amendement défendu par Alain Duffourg.

Pour ce qui concerne l’énergie, nous essayons de trouver des mesures permettant de simplifier la réalisation des projets. Il en ira sans doute de même pour l’industrie.

Or, sur un sujet aussi important que celui de l’eau, un gain de simplification apparaît également indispensable. Cet amendement va dans ce sens. Je trouve donc regrettable qu’il ne soit pas soutenu.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Discussion d'article après l'article 15 - Amendement n° 17 rectifié
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Article 16

Mme le président. L’amendement n° 99, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La construction de tout ouvrage de stockage d’eau étanchéifié, rempli au moins partiellement par pompage en nappe ou en rivière, et à usage quasi exclusif agricole, d’une capacité et d’une surface supérieure à un seuil défini par décret est suspendue sur l’ensemble du territoire national.

II. – Un décret définit les modalités d’application du présent article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Nous estimons que les mégabassines ne constituent pas un modèle efficace et durable. Nous pouvons d’ailleurs le constater, comme je le disais tout à l’heure, en Espagne, où le recours aux réserves de substitution est important et où les ouvrages peinent à se remplir et semblent mettre à mal les milieux naturels.

Alors que plusieurs projets de mégabassines ont été jugés illégaux, nous pouvons nous interroger sur la conformité de ces structures au droit européen, en particulier à la directive-cadre sur l’eau.

Pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, il est nécessaire de mettre en place un moratoire sur les projets de mégabassines. C’est l’objet de l’amendement n° 99. Ce moratoire doit permettre l’organisation d’un véritable débat serein et éclairé, s’appuyant sur l’expertise scientifique – il en existe une – et associant les citoyens sur la gestion de ce bien commun qu’est l’eau.

La priorité est d’organiser une convention citoyenne sur l’eau pour repenser et démocratiser les choix de restriction et de hiérarchisation en temps de sécheresse, que nous pourrons avoir à faire dans les années à venir, et engager une réflexion démocratique sur le partage de l’eau. C’est ce que nous appelons de nos vœux.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’amendement n° 99 entre en totale contradiction avec les objectifs de cette proposition de loi. Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable. La seule réponse que vous nous proposez face aux difficultés qui sont devant nous, c’est un moratoire – c’est-à-dire d’attendre.

Or certains projets, y compris ceux que nous avons évoqués tout à l’heure, sont en discussion depuis des années, jusqu’à parfois dix ans. De plus, comme l’a très bien souligné votre collègue des Deux-Sèvres, les personnes qui apposent leur signature au bas des documents ne la respectent pas. Pour que les démarches territoriales soient crédibles, il faut que les gens considèrent qu’ils sont engagés, lorsqu’ils signent au bas d’un document. (M. Laurent Duplomb approuve.)

Ce n’est pas la peine de faire des moratoires, si les procédures durent de sept à dix ans et si la parole donnée – y compris par le biais d’une signature – n’est même pas respectée !

Pour répondre par ailleurs au sénateur Montaugé, je suis tout à fait d’accord avec vous sur la question de la réutilisation des ouvrages. Il y a de nouveaux ouvrages à construire, mais il en est aussi d’existants – des canaux ou des barrages – et ils ont besoin d’entretien. Je ne crois pas que cela relève de la loi. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet, par exemple dans le Tarn-et-Garonne. Des questions de même nature se présentent dans votre département. Tout cela relève davantage de la réglementation.

S’il s’avérait nécessaire de légiférer sur cette question, nous reviendrions évidemment devant vous. Il est vrai néanmoins que cette question est importante. On estime ainsi que nous pourrions mobiliser de cette façon un tiers de capacité de stockage d’eau supplémentaire sur un certain nombre d’ouvrages existants.

M. Franck Montaugé. C’est énorme, et ce n’est pas la première fois qu’on en parle !

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis d’accord avec vous, mais ce sujet ne date pas de l’actuel gouvernement. J’ai dit que j’essaierai de trouver un chemin pour améliorer les choses. La question qui se pose est celle du statut des boues.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. En effet, un moratoire décale un peu les projets. (M. le ministre, Mme le rapporteur et M. Laurent Duplomb sexclament.) Néanmoins, je crois qu’il est parfois nécessaire de prendre du temps. Cela évite de commettre certaines bêtises.

Les études du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui ont été mises en avant pendant longtemps sur les mégabassines s’appuient sur le climat et les données hydrologiques que nous connaissions il y a vingt ans. Or les choses ont bien évolué depuis lors. Cela va même très vite, et beaucoup plus vite que nous ne le pensions.

Ce qui était vrai hier ne le sera plus demain. C’est bien pour cela qu’il faut réfléchir à cette question. Nous devons nous assurer que l’on ne construit pas, à grand renfort d’argent public – il représente souvent 70 % du financement total –, des ouvrages qui seront à sec. Il n’y a pas de honte à attendre et à étudier. Il ne s’agit pas de mettre en place un moratoire ad vitam aeternam, mais de tenir compte de l’évolution de la situation.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 15 - Amendement n° 99
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Article 17

Article 16

Après le premier alinéa de l’article L. 213-7 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le préfet coordonnateur de bassin définit les situations dans lesquelles, en France métropolitaine, la conduite des projets de territoire pour la gestion de l’eau doit être encouragée, à l’exception du bassin de Corse où la collectivité de Corse est compétente. »

Mme le président. L’amendement n° 65 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Il est défendu !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. Avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Tissot et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le processus de conception et de mise en œuvre des dispositifs de gestion partagée de l’eau à l’échelle des bassins hydrographiques concernés prend en compte les préconisations de l’instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative aux projets de territoire pour la gestion de l’eau. »

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Il s’agit d’un amendement d’appel ayant pour objet de développer davantage de projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) sur le territoire national. Ces projets ont la vertu de mettre autour de la table toutes les parties prenantes à l’usage de l’eau : les agriculteurs en premier lieu, mais aussi les consommateurs et toutes les autres parties prenantes.

Il existe un PTGE sur mon territoire, le Gers, dans le secteur de l’Adour. Son évaluation a montré qu’il avait produit des effets positifs, même si nous aurions pu en espérer davantage. Il a surtout permis à des personnes qui ne se seraient pas parlé a priori de le faire et d’envisager un plan d’action en rapport avec la question de l’utilisation de la ressource en eau.

Ne serait-ce que pour cela, et eu égard à ce que l’on a pu constater sur des projets qui ont donné lieu à des polémiques voire à des affrontements – ce que je regrette –, je pense qu’il y a lieu de promouvoir le développement de ces PTGE.

Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ont analysé une quinzaine de PTGE et ont formulé des recommandations à leur sujet, après avoir constaté qu’il s’agissait d’une démarche vertueuse.

Nous n’avons rien à perdre à développer ces projets de territoire. C’est la demande que je présente au Gouvernement. Nous avons tous les éléments nécessaires pour les poursuivre et les développer, et je crois qu’il ne faut pas nous en passer.

Mme le président. L’amendement n° 100, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Ces projets permettent une concertation large et équilibrée associant les représentants des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics locaux, des usagers non professionnels dont les associations de consommateurs, des associations de protection de l’environnement, des usagers professionnels des secteurs de l’agriculture, notamment l’ensemble des syndicats agricoles représentatifs, des représentants des pratiques agricoles agroécologiques, et notamment des représentants des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, des représentants de l’agriculture biologique, de la sylviculture, de la pêche, de l’aquaculture, de la batellerie et du tourisme et des usagers professionnels du secteur industriel et de l’artisanat, des représentants de l’État ou de ses établissements publics concernés.

« Ils prévoient une concertation avec les citoyens des territoires concernés.

« Ils permettent d’envisager, à partir d’un diagnostic de la situation hydrologique et de l’état des prélèvements, l’ensemble des modalités permettant de construire une gestion de l’eau et de ses usages à la fois sobre, équitable et transparente, et ne se construisent pas sur la base d’un projet préétabli.

« Ces projets prévoient également le suivi de la mise en œuvre des modalités définies. »

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à donner un cadre juridique aux projets de territoire pour la gestion de l’eau. Il s’agit de créer les conditions d’une concertation large et équilibrée pour ces PTGE pour qu’ils soient de vrais outils de dialogue dans les territoires et de démocratie autour de l’eau.

Au sens des instructions ministérielles du 7 mai 2019, les PTGE ne concernent pas uniquement les ouvrages et usages agricoles de l’eau – ce que nous inscrivons ici dans le code de l’environnement.

Les modalités actuelles de concertation sur les PTGE ne permettent pas de penser de façon partagée l’usage de l’eau. C’est pourquoi nous ouvrons leur composition à un maximum d’acteurs d’un territoire, notamment à l’ensemble de la diversité des voix agricoles, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui : agriculture paysanne, agriculture biologique, agroforesterie, etc.

Afin de rendre les PTGE plus efficaces, nous donnons toute leur place aux mesures que sont la recherche de la sobriété des usages, les changements de pratiques agricoles et les solutions fondées sur la nature aux multiples cobénéfices : restauration des fonctionnalités des sols et des zones humides, plantation de haies, etc.

Un rapport du CGAAER portant sur les haies vient d’ailleurs de paraître. Il faudra se pencher sérieusement sur ce sujet. La haie est certainement le couteau suisse de la transformation de l’agriculture et constitue sans doute l’un des éléments permettant de restaurer la biodiversité. En lien avec la question de l’eau, il me paraît donc essentiel de travailler sur ce sujet et d’avancer à grands pas.

Il s’agit également de garantir que les modalités de mise en œuvre des PTGE sont compatibles avec les lois existantes sur l’eau ou les espèces protégées et avec les orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ou du schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage). Le PTGE ne doit pas être vu comme un dispositif de contournement de ces réglementations.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Primas, rapporteur. L’amendement n° 42 rectifié – j’ai bien entendu qu’il s’agissait d’un amendement d’appel – ajoute inutilement à l’article 16 la référence à l’instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative aux PTGE. La loi n’a pas vocation à renvoyer à des instructions gouvernementales l’application d’une mesure.

Par ailleurs, cet amendement est incomplet dans la mesure où l’instruction susmentionnée a d’ores et déjà été complétée par un additif en date du 17 janvier 2023. Son adoption aurait donc pour effet de figer dans la loi une référence à un document obsolète.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 42 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 100, l’ensemble des acteurs entendus lors des auditions m’ont invitée à ne surtout pas rigidifier les PTGE, qui sont des outils agiles de concertation locale.

Cet amendement entend dresser une longue liste des parties prenantes aux PTGE, ce qui n’est pas souhaitable. Il faut laisser à l’intelligence des territoires le soin d’organiser leurs propres concertations. Cela semble fonctionner, puisque environ soixante-dix PTGE ont été finalisés à ce jour et qu’une centaine est en construction. L’intervention d’acteurs étrangers aux problématiques du territoire serait sans doute de nature à freiner le déploiement des PTGE.

Pour ces raisons, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 100.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. J’entends que l’amendement n° 42 rectifié est un amendement d’appel qui tend à souligner que les PTGE forment une voie intéressante pour développer des projets dans les territoires. Il ne me semble toutefois pas nécessaire d’en dire plus que cela dans la loi. Il faut essayer de le faire concrètement.

Par ailleurs – cela rejoint ce que j’ai dit tout à l’heure –, les PTGE constituent un outil territorial de gestion et de concertation. De grâce, ne les rigidifions pas et ne faisons pas intervenir des gens qui n’ont rien à voir avec le territoire en question.

Je ne me sens pas légitime pour aller dire aux élus de tel ou tel territoire ce qu’ils doivent faire sur la question de l’eau. Selon les territoires, les sujets ne sont pas de la même nature et les regards que l’on porte les uns et les autres sur eux varient également. Il faut laisser les acteurs locaux s’emparer de ces questions. On ne peut pas ici, dans la Chambre des territoires, les dessaisir de leurs responsabilités.

Enfin, je répète ce que j’ai dit précédemment : il faut aussi que l’on accepte, y compris dans le cadre des PTGE, que la majorité s’impose à la minorité. Quand bien même la minorité a été écoutée, à la fin, il faut que les projets se déploient. Si les PTGE se terminent au contentieux, on se demande à quoi ils servent ! On a le droit d’aller au contentieux, mais les PTGE sont justement des procédures de partage d’informations et de recherche de consensus. Ce n’est pas forcément votre position qui l’emporte, mais c’est bien cela, la concertation. La concertation ne consiste pas à ce que chacun impose son point de vue – sinon, on n’y arrive pas !

S’il me semble en effet intéressant de développer les PTGE, l’amendement n° 42 rectifié est un amendement d’appel, que je prends comme tel – et j’ai bien entendu votre message. L’amendement n° 100 me semble quant à lui apporter une rigidification excessive à ce dispositif. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 16.

(Larticle 16 est adopté.)

Article 16
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Article 18

Article 17

Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de justice administrative est complété par un article L. 311-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-14. – Les cours administratives d’appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des recours dirigés contre les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 du code de l’environnement relatives aux projets d’ouvrages de prélèvement d’eau à usage d’irrigation et infrastructures associées, dans les conditions prévues à l’article L. 214-10 du même code.

« La cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle l’autorité administrative qui a pris la décision a son siège. »

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 15 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 43 rectifié est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mmes Bonnefoy et S. Robert, M. Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Redon-Sarrazy, J. Bigot et Devinaz, Mme Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 66 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 15.

M. Daniel Salmon. Cet amendement tend à supprimer l’article 17 qui attribue aux cours administratives d’appel (CAA) une compétence directe, en premier et dernier ressort, pour connaître des projets d’ouvrages de prélèvement et de stockage d’eau.

Alors que les questions relatives à la création de ces ouvrages sont source de nombreuses tensions dans les territoires, il n’apparaît pas opportun de limiter l’accès à la justice. Le véritable outil pour éviter l’extension des contentieux est une concertation large et sincère – nous en parlions tout à l’heure.

De plus, cet article présente un risque d’asphyxie des CAA, ce qui serait contraire à l’objectif affiché de réduction de la durée des contentieux relatifs à ces projets.

Les dossiers présentés directement en CAA ne font pas l’objet de l’éclairage d’une première instruction et décision en tribunal administratif. Leur instruction est donc plus difficile, ce qui aggrave encore le phénomène d’asphyxie.

Il convient avant tout de donner des moyens à la justice, et ce n’est pas en supprimant un échelon que nous gagnerons du temps.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.