M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Non !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. C’est vrai, on paiera à l’entrée.

M. Serge Babary. Ce calcul va donc à l’encontre de la vision traditionnelle du Sénat sur cette contribution.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, votre remarque est légitime et pertinente, et il faudra évidemment veiller à ce que cela ne s’applique qu’aux litiges entre grandes entreprises. Toutefois, j’y insiste, cette contribution expérimentale sera très utile pour l’attractivité de la place de Paris en matière économique.

Ainsi, je comprends vos réserves et j’entends coconstruire avec vous les remparts permettant d’éviter avec certitude les écueils que vous évoquez très justement. Construisons ensemble ces frontières, car il ne s’agit évidemment pas que, au sortir d’une procédure devant le tribunal des activités économiques, une petite entreprise soit démolie ! Ce n’est nullement le but !

Simplement, il existe aussi des contentieux qui durent cinq, six, sept ans, en raison parfois de manœuvres dilatoires, et qui mobilisent la justice et ses acteurs, notamment les juges consulaires, qui interviennent gracieusement, ce pour quoi il faut d’ailleurs leur rendre hommage.

Par conséquent, il n’est – pardonnez-moi de le dire – ni injuste ni indigne d’envisager une contribution ; à nous, ensuite, dans le cadre d’une coconstruction, puisque nous avons les mêmes préoccupations, de définir les mesures permettant que soient protégés les plus faibles, qui méritent de l’être.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. M. Bonnecarrère a raison et j’aurais dû le souligner : il est vrai que si l’on règle son litige à l’amiable, on n’est pas assujetti à cette contribution. Une telle disposition est importante pour encourager ce mode de résolution des conflits.

Par ailleurs, vous avez également raison, monsieur Babary : le dispositif n’est pas parfait et il nous faut encore connaître le barème proposé, que nous attendons depuis quelque temps déjà.

Cela dit, j’appelle votre attention sur un point, mon cher collègue : si nous n’adoptons pas ce dispositif, nous n’aurons plus aucune chance ensuite de le modifier. C’est pourquoi je vous propose d’en accepter le principe, avant éventuellement de l’amender, afin de le travailler plus avant. Supprimer purement et simplement l’article aujourd’hui, c’est ôter toute chance à cette contribution d’être expérimentée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il reste l’Assemblée nationale, tout de même.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 rectifié bis, 41, 130 et 194.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 297 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 97
Contre 242

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini, est ainsi libellé :

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Seuls les litiges supérieurs à 500 000 euros sont assujettis à la contribution mentionnée au présent alinéa.

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Cet amendement très simple de M. Jean-Yves Roux a pour objet de préciser que seuls les litiges supérieurs à 500 000 euros seront assujettis à la contribution financière prévue à l’article 7.

Nous tenons à rappeler d’emblée notre attachement au principe de gratuité de la justice, mais nous entendons également que tout principe puisse connaître des dérogations, en particulier pour ce qui concerne les procès commerciaux, et largement « économiques », opposant des entreprises entre elles.

Seulement, nous considérons qu’instituer une telle contribution indépendamment du montant du litige risque de pénaliser les petites entreprises, aux moyens modestes.

M. le garde des sceaux parlait de remparts à instituer : en voilà un.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous étions défavorables initialement à cet amendement, car les litiges dont l’enjeu dépasse 100 000 euros ne représentent que 16 % des affaires, ce qui est assez peu, mais l’idée est maintenant de retravailler le dispositif pour l’améliorer.

Toutefois, la commission maintient tout de même son avis défavorable, mais il reste un travail important à fournir d’ici à la fin de l’examen de ce texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne peux pas dire que je suis défavorable à cette mesure, puisque nous souhaitons instaurer un certain nombre de seuils. Simplement, elle est un peu prématurée à ce stade, dans la mesure où nous voulons travailler de manière plus approfondie sur ces questions afin de mettre devant les bons mots les bons chiffres et d’éviter ainsi les effets de bord indésirables.

Ainsi, en cohérence avec ce qui vient d’être dit, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.

M. le président. Monsieur Fialaire, l’amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

M. Bernard Fialaire. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

L’amendement n° 195, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer les mots :

de son chiffre d’affaires annuel moyen sur les trois dernières années,

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement vise à nous permettre de réfléchir avec vous, monsieur le garde des sceaux, à différents critères pertinents.

La notion de chiffre d’affaires ne nous semble pas constituer le meilleur critère, car une entreprise peut avoir un chiffre d’affaires important sans réaliser de bénéfice.

Réfléchissons à autre chose !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. La commission a déjà introduit la notion de bénéfice dans le texte, afin de nuancer le critère de chiffre d’affaires, puisque, en effet, on peut avoir un chiffre d’affaires important et un bénéfice minime ou nul, voire négatif.

Votre amendement est donc satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Une supplique, monsieur le sénateur : accepteriez-vous de retirer votre amendement ? Nous travaillons sur cette question pour affiner le dispositif. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 195 est-il maintenu ?

M. Pierre Ouzoulias. Sensible aux suppliques, je le retire, monsieur le président. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Monsieur le garde des sceaux, votre influence est considérable dans cet hémicycle ; ne partez pas, je vous en conjure… (Mêmes mouvements.)

L’amendement n° 195 est retiré.

Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7 (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Discussion générale

3

Hommage aux victimes d’une attaque à Annecy

M. le président. Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous venons d’apprendre avec beaucoup d’émotion la terrible attaque portée par un individu armé d’un couteau contre plusieurs personnes, dont des enfants, dans une aire de jeux à Annecy. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le garde des sceaux, se lèvent.)

L’individu a pu être interpellé grâce à l’action rapide des forces de l’ordre, mais on dénombre, parmi les enfants, plusieurs blessés dans des conditions extrêmement graves, le pronostic vital de certains d’entre eux étant engagé.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite exprimer tout mon soutien aux victimes et à leurs proches, ainsi qu’aux forces de l’ordre et aux équipes de secours. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le garde des sceaux, observent un instant de silence.)

4

Article 7 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 8

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons l’examen, dans le texte de la commission, du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 8.

Chapitre II

Diverses dispositions relatives à la formation et à la responsabilité des juges non professionnels

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 248

Article 8

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1441-11 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– après le mot : « placiers », sont insérés les mots : « et les salariés qui exercent à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement » ;

– sont ajoutés les mots : « et dans les ressorts limitrophes » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « ou dans le ressort duquel est situé leur domicile » ;

– à la fin, les mots : « ou dans celle du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé leur domicile » sont supprimés ;

2° Après l’article L. 1442-14, il est inséré un article L. 1442-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1442-14-1. – La cessation des fonctions pour quelque cause que ce soit ne fait pas obstacle à l’engagement de poursuites et au prononcé de sanctions disciplinaires.

« Dans ce cas, les sanctions disciplinaires applicables sont :

« 1° L’interdiction d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme pour une durée maximale de dix ans ;

« 2° L’interdiction définitive d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme. »

M. le président. L’amendement n° 233, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

mots : «

insérer les mots :

, les salariés dont le contrat de travail autorise le télétravail pour au moins 30 % de leur durée de travail hebdomadaire

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Difficile de reprendre la parole après cet hommage…

Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps cet amendement et les trois suivants, bien qu’ils ne soient pas en discussion commune, s’agissant de quatre amendements relatifs aux conseils de prud’hommes.

M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 234, 235 et 236.

L’amendement n° 234, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… La dernière phrase du second alinéa de l’article L. 1441-23 est supprimée ;

L’amendement n° 235, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…°La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1442-1 est complétée par les mots : « et forme aux méthodes de conciliation » ;

L’amendement n° 236, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…°L’article L. 1453-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pendant la période d’ouverture des candidatures à la fonction de conseiller prud’homme dans le cadre d’un renouvellement prud’homal, cette limite est majorée de dix heures. »

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Mélanie Vogel. L’amendement n° 233 vise à assouplir les limitations géographiques aux candidatures aux conseils de prud’hommes.

Nous le savons, le fonctionnement de ces juridictions est mis à mal par un manque désormais chronique de conseillers prud’homaux. Les conséquences en sont lourdes : d’un côté, on observe des délais excessivement longs – il n’est pas rare que neuf mois s’écoulent entre la saisine et l’audience de conciliation, qui n’est que la première étape de la procédure –, ce qui dissuade souvent les salariés de saisir les conseils de prud’hommes ; de l’autre, les conseils sont surchargés et croulent sous les dossiers, surtout dans certaines sections. Cela n’est pas durable et décourage les prochaines générations de déposer une candidature. Le problème est donc d’ampleur…

Certains sénateurs préconisent de renforcer les sanctions contre l’abandon de poste. Nous pensons pour notre part que la solution réside ailleurs et que, plutôt que de sanctionner, nous devrions faciliter les candidatures à la juridiction prud’homale.

En particulier, les dispositions déterminant les salariés qui peuvent se porter candidats et pour quelle section sont assez strictes : en règle générale, on ne peut être candidat que pour le conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé son lieu de travail. Or le monde du travail a évolué, nous le savons ; en particulier, le télétravail s’est répandu dans certains secteurs depuis la crise du covid-19, surtout pour les cadres, disons-le, et 55 % des salariés recourent désormais à cette faculté au moins une heure par semaine, selon l’Insee.

Dans ce contexte, cet amendement vise à permettre aux salariés dont le contrat de travail offre la faculté de télétravailler au moins 30 % de leur temps de travail de postuler aux conseils de prud’hommes non seulement du ressort de leur lieu de travail, mais encore de celui de leur domicile.

L’amendement n° 234 tend à permettre aux délégués syndicaux d’exercer la fonction de mandataire de liste des candidats au conseil de prud’hommes sur leur temps de travail, sans que cette activité soit décomptée de leur crédit de temps syndical. Le droit comporte parfois des autorisations paraissant, a priori, accorder plus de libertés, mais qui se révèlent en réalité constituer une source de contraintes. La disposition que nous proposons de supprimer en fait partie.

Je m’explique. Chaque liste de candidats aux élections prud’homales est gérée par un mandataire de liste. C’est ce mandataire qui doit collecter les pièces justificatives et les télécharger au moment du dépôt, notifier formellement l’employeur des salariés candidats et c’est encore lui qui reste disponible pour faire le lien quand des documents manquent ou quand des pièces additionnelles doivent être fournies. Or, nous le savons bien dans cet hémicycle, au moment où certains d’entre nous sont occupés à constituer eux-mêmes des listes, cette activité prend du temps.

C’est là qu’apparaît le droit qui n’en est pas un : actuellement, aux termes de la loi, les mandataires de listes qui sont par ailleurs délégués syndicaux peuvent utiliser le crédit d’heures dont ils disposent au titre de leur mandat pour constituer ces listes, mais nous considérons qu’il s’agit d’un autre travail et que ce temps additionnel devrait s’ajouter, et non être imputé, au crédit d’heures relatif aux activités syndicales.

L’amendement n° 235 a pour objet d’inscrire dans la loi le principe selon lequel les formations initiales et continues comprennent obligatoirement des séances sur les procédures de conciliation.

Dans leur rapport d’information intitulé La justice prudhomale au milieu du gué, nos collègues, Mmes Canayer, Delattre, Gruny et Féret, avaient dressé le constat d’un manque de formation à ces procédures. Il s’agit de la première étape d’une procédure devant le conseil de prud’hommes, mais seulement 8 % des affaires y sont résolues.

Ce qui est inefficace, c’est moins l’étape en elle-même que la formation des conseillers prud’homaux, qui, force est de le constater, ne reçoivent qu’une information rudimentaire en la matière, quand ils en reçoivent une. Comment organiser une conciliation quand on n’y est pas formé ? Comment espérer une intervention pertinente des conseillers prud’homaux dans une procédure à laquelle on ne les forme guère ?

C’est pour cela que nous proposons, au travers de cet amendement, de former les conseillers prud’homaux à la procédure de conciliation dès la formation initiale qui suit leur élection.

Je conclus avec l’amendement n° 236, qui a pour objet d’accorder plus de temps aux défenseurs syndicaux pour l’exercice de leur mandat en période de renouvellement, dans le but d’encourager les candidatures.

Les 4 600 défenseurs syndicaux sont essentiels pour le bon fonctionnement des conseils de prud’hommes. Leur rôle premier est bien évidemment d’assister les salariés tout au long de la procédure ou de les représenter devant la juridiction, mais ils ont également une fonction d’« ambassadeur » du conseil de prud’hommes : ils peuvent raconter leur expérience aux salariés et les encourager à se présenter aux élections. Or, si nous voulons combler le déficit de candidatures et remédier à l’encombrement des conseils de prud’hommes, il nous faut plus de candidats.

Cette mission potentielle n’est pas pleinement utilisée aujourd’hui et l’un des freins identifiés est que les défenseurs syndicaux bénéficient d’une autorisation d’absence non flexible et limitée à dix heures par mois. Nous proposons de doubler ce volume horaire, non pas en permanence, je vous rassure, mais uniquement en période de renouvellement des conseils de prud’hommes. Cette période doit donner lieu à un travail important des défenseurs syndicaux pour expliquer aux salariés en quoi consiste cette fonction, ce qui la rend intéressante et pourquoi s’y engager. Cette mesure serait de nature, selon nous, à accroître le nombre de candidatures.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’amendement n° 233 a pour objet d’ouvrir la possibilité d’être candidat aux fonctions de conseiller prud’homme sur son lieu de résidence aux salariés dont le contrat de travail autorise le télétravail pour au moins 30 % de la durée de travail hebdomadaire.

Cela permettrait certainement d’accroître le vivier des candidatures, mais la rédaction de cet amendement nous semble imprécise et son adoption créerait une inégalité entre salariés.

Si nous partageons l’idée de faciliter les candidatures, nous ne sommes pas certains que la solution proposée soit réalisable. La commission demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

L’amendement n° 234 vise à restreindre les possibilités offertes aux délégués syndicaux d’utiliser leur crédit d’heures pour s’occuper de l’activité de mandataire de liste aux élections des conseils de prud’hommes.

Cette proposition nous semble contre-productive, puisque limitative, mais je comprends qu’elle s’articule avec l’amendement n° 236 qui vise à doubler le crédit d’heures des défenseurs syndicaux. Néanmoins, même si l’article 40 de la Constitution ne s’applique qu’aux dépenses publiques, je ne pense pas qu’il soit bienvenu de faire peser des charges supplémentaires sur les entreprises. C’est pourquoi la commission est défavorable à l’amendement n 236 et par conséquent à l’amendement n° 234.

Enfin, s’il est vrai que le rapport d’information du Sénat que vous avez mentionné pointait du doigt le manque de formation à la conciliation des conseillers prud’hommes, ce rapport date de 2019 et, depuis lors, les choses ont changé, si bien que l’amendement n° 235 me semble satisfait. C’est pourquoi nous en demandons le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’un des objectifs de cette réforme est de mieux former les conseillers prud’homaux – une nécessité que les États généraux de la justice ont très clairement mise en avant. Pour autant, cela relève davantage du pouvoir réglementaire que de la loi.

En ce qui concerne l’amendement n° 233 relatif au choix du lieu du domicile ou du lieu de travail en cas de télétravail, je crois que nous devons étudier cette question plus attentivement, y compris pour affiner le seuil éventuel de déclenchement d’une telle mesure, car j’ai l’impression que le seuil de 30 % a été un peu fixé au doigt mouillé, si vous me permettez cette familiarité, et qu’il ne correspond pas nécessairement à une réalité tangible.

Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission sur l’amendement n° 233 ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 233.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 234.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 235.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 236.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8.

(Larticle 8 est adopté.)

Après l’article 8

Article 8
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 8 bis (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 248, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1442-17 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1442-17. – Le conseiller prud’homme frappé de l’incapacité prévue à l’article L. 1441-10 du code du travail peut, d’office ou à sa demande, en être relevé. » ;

2° Au troisième alinéa de l’article L. 1442-18, le mot : « décret » est remplacé par le mot : « arrêté ».

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement a pour objet de permettre à un conseiller prud’homme réputé démissionnaire en raison du non-respect de l’obligation de formation initiale de faire une demande de relèvement d’incapacité.

Le dispositif que nous vous proposons d’adopter part du constat que certains conseillers prud’homaux disposent de motifs légitimes justifiant le non-suivi de la formation initiale.

Par ailleurs, nous proposons que le relèvement de l’interdiction soit prononcé par arrêté et non par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement prévoit un mécanisme similaire à celui des juges consulaires en matière de relèvement d’incapacité en cas de non-respect de l’obligation de formation initiale. Nous y sommes favorables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 248.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 248
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 8 ter (nouveau)

Article 8 bis (nouveau)

Après l’article L. 1421-2 du code du travail, il est inséré un article L. 1421-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1421-3. – I. – Dans un délai de deux mois à compter de leur prise de fonctions, les conseillers prud’hommes remettent une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts :

« 1° Au président ou au vice-président du conseil, pour les conseillers prud’hommes ;

« 2° Au premier président de la cour d’appel, pour les présidents des conseils de prud’hommes du ressort de cette cour.

« La déclaration d’intérêts mentionne les liens et les intérêts détenus de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions que le déclarant a ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions.

« La remise de la déclaration d’intérêts donne lieu à un entretien déontologique du conseiller prud’homme avec l’autorité à laquelle la déclaration a été remise, ayant pour objet de prévenir tout éventuel conflit d’intérêts. L’entretien peut être renouvelé à tout moment à la demande du conseiller ou de l’autorité. À l’issue de l’entretien, la déclaration peut être modifiée par le déclarant.

« Toute modification substantielle des liens et des intérêts détenus fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes et peut donner lieu à un entretien déontologique.

« La déclaration d’intérêts ne peut pas être communiquée aux tiers.

« Lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée, la commission nationale de discipline et le ministre de la justice peuvent obtenir communication de la déclaration d’intérêts.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de remise, de mise à jour et de conservation de la déclaration d’intérêts.

« II. – Le fait, pour une personne tenue de remettre une déclaration d’intérêts en application du premier alinéa du I, de ne pas adresser sa déclaration ou d’omettre de déclarer une partie substantielle de ses intérêts est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.

« Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des informations mentionnées au présent article est puni des peines mentionnées à l’article 226-1 du code pénal. » – (Adopté.)

Article 8 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article additionnel après l'article 8 ter - Amendement n° 213 rectifié bis

Article 8 ter (nouveau)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1441-9 est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Dans un conseil de prud’hommes où il a déjà exercé cinq mandats. » ;

2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 1442-3, après le mot : « droit », sont insérés les mots : « à la fin de l’année civile au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de soixante-quinze ans ou ». – (Adopté.)

Après l’article 8 ter