M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite de nouveau remercier le président de notre commission, Laurent Lafon, d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi.

C’est une proposition de loi sénatoriale, ce qui veut dire qu’elle est très équilibrée. (Sourires.) Le caractère limité du temps imparti à la discussion des propositions de loi imposait de faire des choix, en ce qui concerne tant les sujets traités que le nombre de dispositions retenues.

Comme nous l’a dit un acteur reconnu du monde des médias, le Sénat a montré qu’une réforme très ambitieuse pouvait être conduite au moyen d’un texte ne comportant qu’un nombre restreint d’articles.

Le débat pour savoir si une réforme de la loi de 1986 est possible ou non est clos. Non seulement cette réforme est possible, mais elle est indispensable, et le plus tôt sera le mieux !

Si notre texte a reçu un si bon accueil de la part des grands acteurs français de l’audiovisuel, c’est aussi, madame la ministre, parce qu’il a pu bénéficier du travail réalisé par votre collègue Franck Riester voilà trois ans. Ce texte est donc aussi un peu le vôtre…

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cela se discute ! (Sourires.)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Pourquoi sommes-nous tant attachés à ce texte ? Parce qu’il permet d’abattre quelques mythes et de rappeler certaines réalités, sur lesquelles je souhaiterais maintenant revenir.

Premier mythe, nous entendrons encore ce soir, je n’en doute pas, de la part de ceux qui ont fait si peu pour accompagner les transformations de l’audiovisuel public, que nous serions opposés au service public et que notre projet aurait pour objectif d’en réduire les moyens.

La réalité est très différente, comme le démontre la proposition de loi. Nous sommes, au contraire, très attachés à l’existence d’un audiovisuel public fort, indépendant et s’adressant à tous les Français.

S’il nous arrive de formuler des regrets, voire quelques critiques, c’est que nous considérons, comme le Président de la République en son temps, que l’audiovisuel public n’est pas exemplaire, ou tout du moins qu’il conserve des marges de progression pour développer des programmes plus originaux, pour veiller à l’impartialité de son information et pour s’astreindre à une gestion économe des deniers publics.

Nous sommes également opposés, c’est un fait, à la politique du « quoi qu’il en coûte », y compris en matière d’audiovisuel public.

Pour autant, nous ne sommes pas hostiles à la préservation des moyens de l’audiovisuel public, à condition, cependant, que ceux-ci soient utilisés au mieux. Cela signifie que l’audiovisuel public doit continuer à se réformer, en allant plus loin sur les évolutions de structures et en renouvelant profondément son offre de programmes.

L’objectif de cette proposition de loi est de permettre l’émergence de trois ou quatre grands groupes français des médias, qui pourront tenir leur rang en Europe. L’audiovisuel public doit faire partie de ces champions.

Deuxième mythe, les mutualisations entre les sociétés de l’audiovisuel public donneraient satisfaction et il ne faudrait surtout rien changer.

Ce deuxième mythe a peu de partisans parmi ceux qui connaissent la réalité des coopérations menées par les sociétés de l’audiovisuel public. Lors de son audition, le président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre, a ainsi déploré l’absence de coopérations éditoriales entre les équipes de France 3 et celles de France Bleu dans les matinales communes. Il a aussi regretté la persistance de programmes distincts pour la radio et la télévision s’agissant de France Info.

J’ajouterai, pour ma part, qu’il est de plus en plus incompréhensible de maintenir autant de rédactions distinctes au sein de Radio France et de France Médias Monde. De même, on peine à comprendre pourquoi, à une exception près, les équipes de France 3 et de France Bleu en région n’ont toujours pas été regroupées dans des locaux communs.

Les mutualisations ne peuvent continuer à avancer à ce rythme. Or, pour changer de tempo, rien de tel que de nommer un chef d’orchestre.

J’en viens donc au troisième mythe : le regroupement de l’audiovisuel public serait inutile, coûteux et chronophage.

Ce troisième mythe est évidemment le plus facile à démonter. L’éparpillement de l’audiovisuel français est un fait unique en Europe. Il montre chaque jour ses limites. Pourtant, certains n’ont de cesse de trouver cela formidable. Il est vrai que cette structuration n’a pas que des défauts, puisqu’elle permet la multiplication des présidences, des directeurs, des rédactions, des correspondants à l’étranger, des sites internet, des directions régionales et locales. Abondance de biens ne nuit pas, dit le proverbe…

Toutefois, qui peut croire, à un moment où on leur demande autant d’efforts, que les Français vont accepter éternellement un tel laisser-aller ?

Les appels à la privatisation se multiplient, il n’est plus possible de le nier. Pourtant, aucun compte n’est demandé à France Télévisions pour l’échec de Salto, qui a coûté au moins 80 millions d’euros, ni pour l’audience dérisoire de la chaîne France Info, qui coûte également des dizaines de millions d’euros chaque année.

Nous reviendrons sur le prétendu coût de la holding. J’observe cependant que les partisans du statu quo surestiment ce coût, sans jamais le chiffrer, tandis qu’ils oublient toujours d’évoquer les économies considérables qu’elle permettrait de réaliser. (Exclamations sur les travées des groupes SER et RDPI.)

M. David Assouline. Lesquelles ?

M. Julien Bargeton. Dites-nous en plus !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je terminerai en évoquant un quatrième mythe : les éditeurs de programmes français seraient très satisfaits de leur situation actuelle et ne demanderaient aucune réforme.

Pour les avoir tous rencontrés de nombreuses fois au cours des derniers mois, je puis vous assurer qu’il n’en est rien. (M. David Assouline sexclame.)

Qu’il s’agisse de la réglementation concernant la visibilité appropriée, les événements d’importance majeure, la production indépendante, la publicité ou le développement du DAB+, l’impatience a depuis longtemps cédé la place à l’exaspération, quand ce n’est pas à la colère pour les plus exposés à la concurrence des plateformes.

Le Sénat ne peut se résigner à voir un secteur d’excellence français sombrer dans l’indifférence avec la complicité de tous ceux qui trouvent intérêt à s’allier avec les plateformes.

Nous croyons, au contraire, à l’action publique et nous formons le vœu, madame la ministre, que l’élan réformateur porté par le Président de la République pourra également atteindre les rivages de l’audiovisuel français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication – cher Laurent Lafon –, monsieur le rapporteur – cher Jean-Raymond Hugonet –, mesdames, messieurs les sénateurs, l’audiovisuel public et la souveraineté audiovisuelle sont deux enjeux majeurs.

Aussi, je suis ravie que cette initiative nous donne l’occasion d’en débattre aujourd’hui. Il s’agit, j’y insiste, de deux fortes priorités du Gouvernement, sur lesquelles nous œuvrons avec détermination depuis six ans.

Cette proposition de loi témoigne, je le crois, de notre attachement commun à un audiovisuel public fort. Il est important de le rappeler à l’heure où certains remettent en cause son existence et plaident pour sa privatisation.

Rappelons tout d’abord que, à l’issue de l’ambitieux plan de transformation mis en œuvre ces dernières années, les résultats de l’audiovisuel public sont meilleurs que jamais. Celui-ci s’impose en effet comme le premier média des Français, en radio comme en télévision : 50 millions de téléspectateurs regardent les programmes de France Télévisions chaque semaine ; Radio France est écoutée chaque jour par plus de 15 millions d’auditeurs ; la part d’audience d’Arte a atteint un niveau historique ; chaque semaine, à travers le monde, Radio France internationale (RFI), France 24 et Monte-Carlo Doualiya rassemblent 260 millions de personnes.

Bien sûr, il est toujours possible de faire mieux, et nous ne manquons pas d’ambition à cet égard.

Le développement numérique de l’audiovisuel public s’est aussi accéléré, avec des résultats remarquables, qui s’appuient notamment sur le développement des coopérations. J’y reviendrai.

En 2020, c’est vrai, le Gouvernement avait présenté un projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Avec ce texte, il entendait favoriser les coopérations entre France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) au travers de la création d’une holding.

La crise sanitaire a interrompu ce projet, mais pas l’accélération des coopérations. Cette démarche a porté ses fruits. Le média global France Info, qui est devenu le premier site d’information en ligne en France, est le fruit de la coopération entre toutes ces entreprises. Sa couverture quotidienne a doublé en cinq ans.

En ce qui concerne la proximité, France Bleu et France 3 ont lancé une plateforme commune sous la marque « Ici » et ont groupé leurs forces.

Depuis 2020, la plateforme Radio France rassemble toute l’offre de podcasts du service public. Elle est passée voilà un an devant Apple Podcasts. Un podcast sur deux qui est écouté aujourd’hui en France est un podcast de l’audiovisuel public.

Les entreprises ont créé ensemble Culture Prime, offre culturelle commune sur les réseaux sociaux, et l’offre d’éducation Lumni. Il y a aussi des coopérations moins visibles, dites de gestion, mais qui n’en sont pas moins très importantes, par exemple la mise en place d’un club pour des achats groupés ou la coopération en matière de cybersécurité.

Ces projets communs reposent sur une gouvernance souple et agile, qui permet aux équipes de définir ensemble les modalités les plus pertinentes de coopération, projet par projet. Cette agilité est un atout pour répondre aux nouveaux défis, devenus plus pressants. En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé, depuis l’examen du projet de loi porté par Franck Riester, le contexte a beaucoup changé.

Je pense tout d’abord à la crise de l’information, face à la multiplication des fausses nouvelles et des manipulations. Ce « chaos informationnel », pour reprendre les mots de Christophe Deloire, de Reporters sans frontières, s’est accéléré depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Je pense aussi à la place prise par les plateformes, qui ont encore gagné du terrain depuis la crise sanitaire. Il y a donc urgence à accélérer également sur le numérique.

Dès mon arrivée au ministère de la culture, en mai dernier, j’ai souhaité poursuivre et amplifier une dynamique qui porte ses fruits, en engageant rapidement les travaux de préparation des nouveaux contrats d’objectifs et de moyens. J’ai fait part de ma volonté de signer des contrats synchronisés entre eux et sur la durée de la mandature, à savoir cinq ans, de 2024 à 2028, au lieu de trois ans précédemment, afin de garantir aux sociétés la visibilité dont elles ont besoin pour faire face à ces défis.

J’ai souhaité bâtir ces contrats en m’appuyant sur des concertations approfondies avec l’ensemble des acteurs : les dirigeants de l’audiovisuel public français et européen et les organisations professionnelles, mais aussi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vos collègues de l’Assemblée nationale et l’Arcom.

J’ai relevé un large consensus sur cinq enjeux prioritaires : information, proximité, création, jeunesse et numérique. J’ai aussi pu constater l’engagement et la disponibilité totale des entreprises pour coopérer au service de ces priorités. L’approfondissement des coopérations sera donc un axe majeur des nouveaux contrats.

Les parties prenantes que j’ai consultées ont formulé énormément de propositions très précises sur la détection des fausses informations, les investissements technologiques, la recherche et le développement, la mutualisation de la formation, etc.

Pour la première fois, un contrat spécifique signé par toutes les entreprises sera consacré aux coopérations dans les COM, avec un calendrier de mise en œuvre, des objectifs précis et des indicateurs.

Des leviers pour renforcer le pilotage peuvent être identifiés. Un conseil stratégique des présidents de l’audiovisuel public pourrait se réunir mensuellement et se décliner avec des réunions des membres des comités exécutifs sur les sujets majeurs. La part variable de la rémunération des dirigeants pourrait par ailleurs davantage dépendre de leur capacité à mener à bien les chantiers de coopération.

Voilà, concrètement, comment encourager les coopérations entre les entreprises au service d’une ambition forte pour lutter contre la désinformation, pour rapprocher les offres numériques, pour développer l’offre de proximité et pour toucher de nouveaux publics, notamment les jeunes.

Les coopérations ne sont pas une fin en soi, et leur succès dépend avant tout de la clarté des objectifs. Un grand meccano institutionnel ne m’apparaît ni nécessaire ni prioritaire. Je suis convaincue qu’une véritable ambition pour l’audiovisuel public peut reposer sur des coopérations par projet et sur la confiance dans les dirigeants nommés par l’Arcom et dans leurs équipes, sans accroître les rigidités ni courir le risque de perdre en souplesse organisationnelle.

Les travaux avancent très bien, et mon souhait est que ces contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 soient soumis pour avis au Parlement et au régulateur à l’automne prochain, pour les finaliser avant la fin de cette année.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous esquissez un changement de méthode par la création d’une holding, dont je comprends qu’il s’agirait d’une première étape vers la fusion.

À mon sens, cela reviendrait à retarder des projets indispensables en mobilisant l’énergie des entreprises sur des réorganisations de structure au détriment des priorités urgentes. Bref, c’est « une machine à perdre son temps », pour reprendre les mots de Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

Dans le rapport que vous avez publié en juin 2022, lequel préconisait une fusion, monsieur le rapporteur, vous indiquiez vous-même avoir « entendu les avis de nombreux experts auditionnés, qui s’interrogeaient sur l’intérêt de créer une holding compte tenu de la complexité de ce type de structure, qui ajoute une couche supplémentaire, avec le risque de multiplier le nombre des décideurs au lieu de le réduire. »

Voilà qui est très clair ! Vous l’avez très bien dit vous-même, la création d’une holding induirait très certainement une complexification des processus et des coûts supplémentaires. J’ai moi aussi échangé avec de nombreux experts, et tous étaient plutôt sceptiques sur la holding, craignant que cette couche supplémentaire ne ralentisse finalement l’élan engagé en matière de coopération, qui s’approfondit et s’accélère.

Monsieur le sénateur Hugonet, votre rapport évoquait la nécessité de « changer de cap », mais j’ai l’impression que c’est vous qui avez changé de cap depuis lors. (Sourires.)

Pour ma part, je ne serai pas favorable aux dispositions qui créent une société holding, car, si je partage l’ambition que vous nourrissez pour l’audiovisuel public, je ne partage pas le chemin que vous proposez pour servir cette ambition.

La proposition de loi comporte un second volet relatif à la souveraineté audiovisuelle. C’est une priorité de notre action, et je veux rappeler ici quelques-unes des avancées majeures enregistrées depuis six ans dans ce domaine.

Remportant une victoire historique pour la souveraineté audiovisuelle, nous avons tout d’abord intégré les plateformes étrangères dans notre modèle de financement de la création. Nous avons ainsi étendu, en 2017, la taxe sur la vidéo qui alimente le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à toutes les plateformes numériques.

Par ailleurs, depuis juillet 2021, les plateformes américaines, comme Netflix, Disney + Amazon Prime Video, doivent financer la création française et européenne à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires qu’elles réalisent en France.

Leur investissement devrait représenter, chaque année, un surcroît de financement de l’ordre de 300 millions d’euros, qui viendra s’ajouter à la contribution, encore majoritaire et, bien sûr, déterminante, des chaînes historiques.

Puisque c’est l’un des objectifs de ce texte, je rappelle que nous avons également donné plus de marges de manœuvre aux chaînes traditionnelles : en les autorisant à faire de la publicité segmentée, ainsi que, à titre expérimental, de la publicité pour le cinéma ; en assouplissant l’encadrement de la diffusion de cinéma à la télévision ; en leur donnant les moyens de mieux rentabiliser leurs investissements dans la création.

Vous le savez, monsieur le rapporteur, notre réforme des obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique résulte d’un accord politique récent sur la définition de la production indépendante.

Cet équilibre est issu de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, dont vous étiez également rapporteur, monsieur Hugonet. De nombreux acteurs ont signé des accords en se fondant sur cet équilibre. Nous ne souhaitons pas le remettre en cause.

Nous avons apporté des réponses à de nouveaux défis qui menacent la souveraineté audiovisuelle.

Vous le savez, les grandes plateformes étrangères concluent des contrats avec les constructeurs d’équipements pour être mises en avant, que ce soit sur l’écran d’accueil des téléviseurs connectés ou sur la télécommande. Notre service public et nos acteurs nationaux, qui contribuent au pluralisme et à la diversité culturelle, sont de moins en moins visibles et accessibles dans ces nouveaux environnements.

C’est pourquoi nous avons introduit des obligations de mise en avant des services audiovisuels d’intérêt général dans ces environnements.

La mise en œuvre de ces obligations par l’Arcom, notamment la définition des services d’intérêt général, est en cours, dans la concertation. Vous proposez de figer les choses dans ce texte. Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure voie.

Comment ne pas évoquer aussi rapidement la modernisation de la régulation et la création de l’Arcom, le renforcement de la lutte contre le piratage des œuvres et programmes audiovisuels, la protection des catalogues cinématographiques et audiovisuels en cas de cession à un acteur étranger, ou encore le droit voisin des éditeurs de presse, combat que la France a porté avec beaucoup de force ?

Enfin, j’ai annoncé récemment, à Cannes, l’identité des lauréats de l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », dans le cadre du plan d’investissement France 2030. Cette initiative inédite, dotée de 350 millions d’euros, doit faire de la France un leader des tournages, de la production de films, séries et jeux vidéo, de la postproduction, des effets visuels et de la formation aux métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Il s’agit, là encore, de défendre pleinement notre souveraineté audiovisuelle et culturelle.

C’est donc une action d’une ambition sans précédent que nous avons menée et que nous continuons de mener en faveur de notre souveraineté audiovisuelle.

D’autres réformes sont en cours. Ainsi, le Gouvernement a engagé une révision de la liste des événements d’importance majeure, pour garantir l’accès du plus grand nombre de téléspectateurs aux manifestations sportives, en particulier féminines. Je salue, sur ce sujet, l’engagement de David Assouline.

Nous devons aller plus loin, et je partage pleinement avec vous l’objectif de soumettre les plateformes numériques aux mêmes obligations que les services de télévision. Comme vous le savez, cela nécessite une révision de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA), mais plusieurs États membres semblent disposés à l’appuyer. En attendant, le texte adopté en commission apporte une première réponse intéressante, que le Gouvernement soutient.

Je partage aussi certaines propositions en faveur de la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT). La diffusion hertzienne demeure le seul mode de diffusion gratuit, souverain et anonyme, et les chaînes de la TNT portent encore l’essentiel du financement de la création.

C’est pourquoi je soutiens les dispositions adoptées en commission, sur l’initiative de Mme Morin-Desailly, sur l’ultra-haute définition. J’ai moi-même récemment saisi l’Arcom pour permettre à France Télévisions d’offrir à nos concitoyens une diffusion des jeux Olympiques de 2024 en ultra-haute définition.

Je soutiens aussi, en matière de radio, le déploiement du DAB+, cette norme de diffusion souveraine plus économe en ressources.

Le texte qui vous est soumis nous paraît soulever quelques difficultés juridiques, mais le sénateur Julien Bargeton a proposé une rédaction de substitution qui permettrait de les surmonter. Nous aurons l’occasion de reparler de ces articles, ainsi que de ceux que je n’ai pas mentionnés.

Je veux conclure en vous remerciant toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre mobilisation constante – pour certains d’entre vous, depuis de nombreuses années – sur ces enjeux : vos travaux, votre expertise et votre engagement ont apporté une contribution précieuse et déterminante à l’évolution de l’audiovisuel, et ils continuent de le faire.

Je me réjouis d’en débattre avec vous ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

(M. Pierre Laurent remplace M. Roger Karoutchi au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

Organisation des travaux

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Mes chers collègues, la discussion générale ayant commencé plus tôt que prévu, je propose aux membres de la commission que nous nous retrouvions, à son issue, en salle 245, pour examiner l’ensemble des amendements de séance déposés sur cette proposition de loi.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais notre société n’a eu autant besoin de repères clairs et innovants dans la diffusion d’informations, de culture et de divertissement.

L’audiovisuel public a cette lourde tâche de fournir une information indépendante, indispensable à la vie démocratique, ainsi que des divertissements qui doivent permettre la diffusion de contenus culturels, sportifs et éducatifs vers une population qui en serait éloignée. Il doit prolonger l’enseignement public dans l’élévation des individus au rang de citoyens éclairés.

Depuis la loi Léotard de 1986, s’il y a eu quelques évolutions, il n’y a pas eu de grande réforme qui aurait permis à l’audiovisuel public de mieux répondre à la révolution numérique et aux offensives des grands groupes privés étrangers, qui ont su bien mieux exploiter les nouvelles technologies numériques.

Dès 2015, le rapport sénatorial d’information Leleux-Gattolin appelait à une réforme des missions, de l’organisation et du financement de l’audiovisuel public.

En 2019, Franck Riester, alors ministre de la culture, proposait une réforme ambitieuse. Cette dernière aurait été victime du covid – un covid long, semble-t-il, puisqu’elle ne s’en est pas relevée… (Sourires.)

Enfin, voilà un an, nos collègues Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi ont rendu un rapport d’information « pour renforcer la spécificité, l’efficacité et la puissance de l’audiovisuel public. »

Aussi cette proposition de loi de Laurent Lafon propose-t-elle une réforme attendue et nécessaire de l’audiovisuel public et de sa souveraineté.

Elle soulève les inquiétudes et les oppositions de tous les conservatismes du secteur, qui devrait, au contraire, avoir l’ambition de s’adapter au contexte d’avancées technologiques et de concurrence qu’imposent les nouveaux modes de « consommation culturelle », comme on les appelle, et de recherche d’intégrité des informations.

L’ambition du texte est grande. Il s’agit de retrouver une stratégie et une capacité d’innovation depuis longtemps perdues. En rassemblant les quatre entreprises nationales de l’audiovisuel public dans une même structure, nous obligerons les différentes grammaires à se rencontrer et à apprendre à faire sens commun.

Sensibles à un développement structurel de l’audiovisuel public, les auteurs de la présente proposition de loi entendent supprimer les contrats d’objectifs et de moyens pour créer des conventions pluriannuelles stratégiques.

En assumant le choix de détenir la totalité du capital de ce groupement, l’État réaffirme son engagement pour la pérennité et son souci de sécurité pour nos médias publics.

Il est certain qu’une telle proposition bousculera les habitudes et les méthodes de travail. L’enjeu est alors de respecter la subsidiarité et de faire confiance. La diversité de la composition du conseil d’administration permet d’y veiller.

Enfin, faire œuvre pour l’audiovisuel ne peut se faire sans un travail collaboratif avec le secteur privé. En demandant aux chaînes payantes de laisser une place à l’audiovisuel public, notamment lors des événements sportifs, cette proposition fait place au commun et amorce la fin de l’égoïsme concurrentiel.

Pour ma part, si j’ai applaudi à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, qui était injuste et insuffisante, j’estime qu’il faut clairement définir la ressource pérenne et rassurante promise pour ce secteur, qui doit être soutenu, même si c’est avec vigilance, et à tout le moins sécurisé, afin qu’il affronte avec confiance les nouveaux défis qu’il doit relever.

Parce que cette proposition de loi reconnaît, dans l’audiovisuel public, un vecteur de connaissances, de créativité, de critiques, de divertissements et d’enseignements, le groupe RDSE ne se prononcera qu’à l’issue des débats sur ce texte que, pour ma part, je soutiens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi.

Cependant, dire que je le ferai avec un enthousiasme délirant serait excessif (Sourires.), d’autant plus, madame la ministre, que vous allez à mon avis soigneusement veiller à ce que son parcours parlementaire s’arrête au Sénat. Au demeurant, cela nous fournit l’occasion de vous pousser dans vos retranchements et, ainsi, d’obtenir un certain nombre d’informations, ce qui est intéressant pour nous.

Dans le même temps, nous ne ferons que constater l’échec du Gouvernement. En 2017, le Président de la République nous avait promis le Grand Soir en matière d’audiovisuel. Cela allait être la révolution ; on allait voir ce qu’on allait voir ; on avait l’audiovisuel public, non pas le plus détestable, mais le moins abouti ! Par conséquent, il fallait tout changer.

Un certain nombre de choses ont été réalisées. À cet égard, le texte du ministre Franck Riester n’était pas négligeable, tant s’en faut, puisqu’il comportait quelques évolutions, même si l’on pouvait ne pas être d’accord avec tout. D’ailleurs, son abandon n’a rien à voir avec la covid-19 : c’est un peu avant la pandémie qu’il a sombré dans les sables mouvants… En réalité, je pense que la détermination élyséenne à faire une réforme de l’audiovisuel public avait disparu en 2019.

Dès lors, la situation devenait extrêmement difficile. Madame la ministre, ce n’est pas du tout votre propre action qui est en cause : les ministres de la culture précédents ne pouvaient faire plus. Dans un domaine aussi sensible que l’audiovisuel public, à partir du moment où l’Élysée n’est pas totalement déterminé, il ne peut y avoir de réforme.

Dans les faits, que se passe-t-il ? La plupart des acteurs de l’audiovisuel public et, désormais, les membres du Gouvernement, au moins en partie, appellent à corriger à la marge, à chercher ici ou là des rapprochements et de petites évolutions, sans toucher au système, ni à l’ensemble des chaînes, ni au périmètre, ni à l’organisation et à la structure même de l’audiovisuel public.

Or, quand Jean-Raymond Hugonet et moi-même les avons reçus, tous les acteurs de l’audiovisuel public, même ceux qui ne voulaient pas de réforme, ont reconnu que non seulement le système actuel présentait des imperfections, mais qu’il ne permettrait plus, à un moment ou à autre, d’assurer le service public.

En réalité, ce que nous demandons dans ce texte, et je remercie infiniment le président Laurent Lafon de l’avoir dit, c’est un débat sur les missions d’un service public en France. Il n’est tout de même pas surréaliste de s’interroger sur ce que doit être la mission de l’audiovisuel public dans notre pays !

Par ailleurs, quid de la structure ? Depuis la réforme de 1986, soit depuis trente-sept ans, on aménage à la marge, mais on n’a pas voulu regarder les choses en face. Or le paysage a changé, en Europe, dans le monde, avec les plateformes, avec la concurrence du privé. Tout a changé ! Et nous, nous continuons de penser que l’on va aménager à la marge. Cela ne suffira pas. Cela ne suffira plus !

Je voterai en faveur de la holding. Dans le rapport d’information que j’ai cosigné avec Jean-Raymond Hugonet, j’étais favorable à la fusion, mais, si la holding peut être une étape, j’y souscris.

De fait, rien n’est pire que l’immobilisme.