M. le président. La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.

M. Laurent Somon, rapporteur. L’article 9 crée une nouvelle procédure accélérée de mise en compatibilité des documents de planification et des documents d’urbanisme pour les projets dits d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique.

Vous le savez, les associations d’élus ont exprimé leurs plus vives réticences à l’égard de cet article, lequel, après la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, après le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, met un nouveau coup de canif dans les compétences d’urbanisme du maire et bafoue le principe de subsidiarité qui devrait pourtant toujours guider la répartition des compétences dans le cadre de la décentralisation.

Pour la commission aussi, l’intervention unilatérale de l’État dans les documents de planification et d’urbanisme est une ligne rouge. Il y a d’ailleurs une incohérence à donner aux régions une compétence en matière de planification industrielle à l’article 1er et à leur refuser tout rôle pour les grands projets à l’article 9.

Cependant, la commission a également été sensible à l’objectif d’accélération des implantations de très gros projets industriels, qui peuvent représenter des milliards d’euros d’investissements et des milliers d’emplois. En outre, au vu du cahier des charges, le nombre de projets concernés chaque année devrait se compter sur les doigts d’une seule main.

C’est pourquoi elle n’a pas souhaité supprimer purement et simplement cet article, mais l’a profondément remanié, de manière à garantir la participation effective des collectivités à toutes les étapes de la procédure.

M. Laurent Somon, rapporteur. Premièrement, pour sortir de la logique jacobine et purement descendante promue par le Gouvernement, nous avons permis aux régions, en lien avec les collectivités locales, de faire reconnaître, elles aussi, des projets industriels d’intérêt national majeur, alors que le texte initial réservait cette possibilité à l’exécutif.

Deuxièmement, nous avons prévu une phase de dialogue d’un mois entre l’État et les collectivités avant engagement de la mise en compatibilité et conditionné cette dernière à l’accord des collectivités concernées.

Le Gouvernement vous dira certainement que notre système est compliqué et chronophage ; nous lui répondrons que l’acceptation locale est essentielle au succès du déploiement d’industries vertes dans les territoires : il serait contre-productif de limiter la concertation avec les élus et les habitants pour accélérer les projets, car c’est ainsi que naissent les Notre-Dame-des-Landes et autres zones à défendre (ZAD) ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, sur l’article.

M. Bernard Buis. Nous considérons, quant à nous, que la nouvelle procédure mise en place par l’article 9 est parfaitement justifiée, compte tenu de l’importance des projets concernés, qui se chiffrent en milliards d’euros, et de la concurrence internationale féroce pour l’implantation de grands sites industriels.

Mes chers collègues, notre partenaire allemand a ainsi annoncé lundi un accord avec Intel pour l’installation d’une « mégafab » à Magdebourg, représentant un investissement de 30 milliards d’euros, pour lequel l’Allemagne versera une aide de 10 milliards d’euros : 1 euro d’argent public pour 2 euros d’argent privé.

Cette annonce démontre, si cela était nécessaire, que nous devons adopter des mesures drastiques si nous entendons accueillir sur notre territoire des activités industrielles du futur et ne pas manquer le train de l’industrie du XXIe siècle.

L’article 9 apporte une partie de la réponse à ce défi. En plus d’accélérer les procédures, il offre stabilité et prévisibilité aux porteurs de projet, deux éléments fondamentaux pour les entreprises industrielles. Il ne s’agit pas de passer au-dessus des élus, mais bien de renforcer l’attractivité de nos territoires pour attirer les implantations industrielles.

Nous sommes attentifs à ce que celles-ci ne se fassent pas contre les élus ; c’est pourquoi nous proposerons d’instaurer un mécanisme de recueil du consentement du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concerné par l’implantation, avant engagement de la procédure ici instaurée.

Nous présenterons également un amendement visant à revenir sur le dispositif introduit en commission permettant aux régions d’inscrire de droit des projets dans la liste des projets d’intérêt national majeur.

Monsieur le rapporteur, nous n’avons pas l’intention de créer des difficultés, mais il nous semble important que le Sénat veille à préserver l’équilibre de la répartition des compétences. Les régions ont tout à fait la possibilité d’être à l’initiative, et nous les y encourageons, mais il nous semble nécessaire d’établir une limite claire : elles ne sauraient déterminer l’intérêt national.

Nous reviendrons sur ce point lors de la discussion de nos amendements.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 142 est présenté par MM. Salmon, Fernique, Breuiller, Benarroche, Dossus, Dantec, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 145 est présenté par M. Montaugé, Mmes Briquet et Préville, MM. Marie et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Houllegatte et Lurel, Mme Monier, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 274 est présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 142.

M. Daniel Salmon. La commission a, fort heureusement, modifié cet article qui était particulièrement problématique : il soustrayait à la compétence du droit commun des collectivités les autorisations d’urbanisme concernant des projets d’intérêt national majeur, afin de confier à l’État la décision de leur implantation.

Une telle mesure constituait une nouvelle et grave atteinte à la libre administration des collectivités, pourtant concernées au premier chef, et à leurs compétences locales en matière d’urbanisme. La rédaction initiale témoignait ainsi d’une méconnaissance de la part du Gouvernement de la réalité des dynamiques industrielles territoriales et des conditions nécessaires à une implantation réussie sur le territoire.

Cependant, malgré ces modifications, cet article continue de poser un certain nombre de problèmes et met à mal le principe de non-régression du droit de l’environnement. Il vise ainsi à réduire les délais afférents aux autorisations d’urbanisme, en complément des dispositions des articles 2 et 3, qui limitent les délais relatifs à la procédure d’autorisation environnementale et réorganisent les modalités de consultation du public.

Cela ne nous semble pas acceptable, d’autant que le texte étend le bénéfice de l’accélération à l’ensemble de la chaîne de valeur, renvoyant à une définition réglementaire du secteur concerné, pour plus d’adaptabilité et d’agilité – attention à ces deux mots ! En l’absence d’encadrement, nous ne pouvons souscrire à cette mesure. Pour ce qui est des projets d’énergies renouvelables (EnR), je rappelle que les activités concernées avaient été clairement listées.

De plus, la commission a prévu que les projets qualifiés d’intérêt national majeur puissent bénéficier d’une présomption de reconnaissance de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour la délivrance d’une dérogation à l’obligation stricte de protection de certaines espèces. Le Conseil d’État estime qu’il est nécessaire d’encadrer cette reconnaissance automatique par des critères pertinents ; or le texte n’en contient aucun à ce stade.

Le qualificatif « vert » n’y change rien : il n’y a pas d’industrie sans effets sur l’environnement ; ceux-ci doivent être pleinement pris en compte.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 145.

M. Franck Montaugé. Même revu par la commission, l’article 9 met en place une nouvelle procédure dérogatoire de mise en compatibilité des documents de planification et d’urbanisme locaux pour des projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique identifiés par décret.

Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a émis un avis défavorable sur cet article, considérant que l’implantation d’industries d’intérêt national majeur ne saurait justifier que l’on déroge à la répartition des compétences entre l’État et les collectivités locales pour la délivrance des autorisations d’urbanisme.

Les associations d’élus y sont également opposées dans la mesure où cet article porte atteinte aux pouvoirs des maires et, plus largement, aux compétences locales en matière d’urbanisme. Il transfère en effet à l’État la compétence de délivrance des permis de construire et impose le préfet comme interface unique du porteur de projet.

Ce texte organise ainsi clairement l’ingérence de l’État dans les compétences des collectivités territoriales en matière d’aménagement du territoire.

Nous avons dès lors besoin d’une clarification : comment peut-on afficher l’ambition de territorialiser davantage la politique industrielle, de faire travailler ensemble État et collectivités, d’organiser la planification industrielle à l’échelle des territoires – ce qui suppose une concertation d’ampleur – tout en prévoyant que l’État, in fine, reprendra la main, sans consulter les élus locaux ?

Pour ces raisons, notre groupe propose également la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 274.

M. Fabien Gay. Nous avons besoin d’une discussion qui dépasse largement ce texte et cet amendement. Je remercie notre rapporteur d’avoir tenté de trouver un point d’équilibre, mais il nous faut un débat sur la notion d’intérêt national majeur qui débouche sur une règle claire.

Dans trois textes que nous avons examinés, sur l’implantation des énergies renouvelables, sur le nucléaire et, maintenant, sur la réindustrialisation, chacun ici, y compris les membres de notre groupe, selon nos sensibilités, a entendu soit conférer la primauté à l’État aux dépens des collectivités soit placer les collectivités au premier plan. Certains de nos collègues ont même envisagé d’accorder un droit de veto sur certaines implantations.

Nous ne pouvons nous satisfaire d’une définition à géométrie variable. Il est donc nécessaire de débattre de ce que nous considérons comme relevant de l’intérêt national majeur.

À mon sens, c’est le cas de la réindustrialisation du pays, comme du développement des énergies, via un grand service public et un monopole public – et non pas comme vous l’entendez, monsieur le ministre !

Donnons-nous une règle claire : soit nous décidons que l’État a la main sur tout, et donc que les collectivités sont mises de côté, soit nous considérons que les collectivités, les maires et les conseils municipaux doivent donner leur avis, sinon être décisionnaires.

Nous devons trouver un point d’équilibre. Un projet d’intérêt national majeur ne peut se faire sans les élus locaux et la population : sans cette implication, ce projet est voué à l’échec, que ce soit en matière énergétique ou industrielle. Sans cette implication, il ne peut y avoir d’implantation réussie.

M. Fabien Gay. Nous proposons donc de supprimer cet article, même s’il a été réécrit. J’y insiste, monsieur le ministre : il nous faut un débat d’ampleur sur l’intérêt national majeur. (Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur. Compte tenu de mon intervention liminaire, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous abordons un sujet d’une importance majeure. Ces amendements de suppression me donnent l’occasion de vous faire part de la position du Gouvernement sur la procédure que nous avons envisagée et intégrée dans le cadre de ce projet de loi. Nous sommes, bien entendu, disposés à la faire évoluer lors des débats parlementaires.

Nous traitons ici d’un nombre restreint de projets : il s’agit d’un ou deux, voire de trois projets par an qui engagent notre nation industrielle dans la compétition mondiale.

La plupart des projets que nous avons abordés ces dernières heures relèvent davantage d’un championnat de France ou d’Europe : nous alignons l’équipe de France et chacun a des responsabilités bien définies. J’observe quotidiennement que l’industrie française n’a pas plusieurs couleurs de maillot : l’État, la région, le département, les EPCI ou les communes sont tous alignés pour la développer sur nos territoires.

Ici, il est question d’un ou deux projets par an qui nous font passer dans la ligue mondiale, pour lesquels nous sommes en compétition avec le monde entier et pour lesquels chaque détail compte.

M. Fabien Gay. Restons modestes !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Dans ces cas particuliers, nous estimons nécessaire de fournir une visibilité aux investisseurs internationaux et de leur proposer un interlocuteur unique.

C’est la raison pour laquelle, pour ces projets de souveraineté, ces projets d’accélération de la réindustrialisation et de la décarbonation, nous avons suggéré une procédure, sur laquelle, en effet, le Conseil national d’évaluation des normes a émis un certain nombre de réserves. Je le répète : nous sommes prêts à faire évoluer notre position. Nous avons ainsi jugé que l’État devait avoir le dernier mot, et surtout, apposer sa signature sur le permis de construire.

La raison en est que nous souhaitons pouvoir dire aux investisseurs intéressés par ces projets que le préfet s’occupera d’eux de A à Z.

Vous souhaitez que les élus locaux puissent s’opposer à ce type de décision s’ils considèrent que ce projet d’intérêt national n’a pas sa place sur leur territoire. C’est bien naturel, et nous devons trouver une formulation qui nous permette de le faire.

Quelles que soient les dispositions que nous serions prêts à adopter aujourd’hui, si un maire ou un président d’EPCI était vent debout face à un projet, nous aurions du mal à le mettre en œuvre et à convaincre l’investisseur international concerné de le mener à bien.

M. Fabien Gay. En effet !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous cherchons simplement à trouver, dans le cadre de cet article, une formulation qui nous permettra de vous assurer que le maire ou le président de l’EPCI pourra s’opposer à un projet qu’il juge inutile ou contre-productif pour son territoire, tout en garantissant que la procédure soit visible, transparente et efficace pour ceux qui souhaitent choisir la France dans la compétition mondiale.

À la suite d’échanges avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), une rédaction de l’article a été proposée par le sénateur Buis en commission ; elle vous est de nouveau soumise à l’occasion de l’examen de ce texte en séance, par le biais de l’amendement n° 293. Je m’engage par avance à lui donner un avis favorable.

Cet amendement vise à mettre en place une procédure de « stop ou encore » dès le début du processus : le maire ou le président de l’EPCI aura ainsi la possibilité de trancher et de décider si nous avançons pour gagner ensemble, ou non.

Une fois que le maire ou le président de l’EPCI aura dit « banco ! », toute une logique se mettra en place dans laquelle, en effet, l’État, par le biais du préfet, prendra en main le dossier pour s’assurer que l’interlocuteur unique soit aussi efficace que possible. Nous sommes donc favorables à cette rédaction.

Dans celle que vous avez adoptée en commission, on ne sait pas bien si on y va ou non, c’est remis à plus tard, et le maire pourrait décider d’arrêter tout à la fin du processus. Le risque est que l’investisseur potentiel se dise que, dans ces conditions, il est préférable d’aller voir ailleurs.

Plus que sur le principe, nos approches divergent sur les modalités. Nous sommes favorables à donner le dernier mot aux territoires sur ces grands projets d’intérêt national, mais plutôt au début du processus. Alignons l’équipe de France de l’industrie pour gagner la compétition mondiale ; la rédaction proposée par le sénateur Buis doit nous permettre d’y parvenir.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Notre collègue Fabien Gay jette des petites pierres dans nos jardins, mais il a raison : la cohérence est essentielle.

Dans notre groupe, nous nous efforçons de la respecter en veillant à ne jamais négliger les collectivités territoriales. Ainsi, dans la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, nous avons été cohérents : l’échelon régional était à notre sens le plus pertinent, car les régions disposent de la compétence économique par le biais des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

Nous nous sommes, en outre, opposés à l’idée de conférer des droits de veto sans fondement, qu’il s’agisse de covisibilité ou de bâtiments historiques, aux architectes des Bâtiments de France (ABF), toujours au nom de la cohérence.

Pour autant, celle-ci ne peut être atteinte qu’avec l’implication des collectivités territoriales et l’appropriation par nos concitoyens de la nécessité d’une industrie vraiment durable emportant le moins possible d’effets.

Aujourd’hui, nous connaissons des divergences ; prenons garde de ne pas alimenter la tension par des projets qui tombent d’en haut. Privilégier la rencontre entre les collectivités territoriales et la planification nationale est un enjeu décisif pour les années à venir.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Je caricature un peu, mais j’ai le sentiment que nous discutons de l’implantation de sites industriels comme si modifier trois procédures administratives et le droit de l’urbanisme suffisait à résoudre la question. Or ce n’est pas du tout ainsi que les choses se passent, et vous le savez parfaitement, monsieur le ministre.

Il faut parfois construire des logements pour les salariés, développer des infrastructures ou des services publics de transport ; il faut souvent attirer des médecins, dans des territoires qui deviennent progressivement des déserts médicaux ; il est parfois nécessaire de former des employés, qui ne possèdent pas toujours le niveau requis pour les postes proposés. De plus, il faut travailler à l’acceptation de ces projets en dépit des éventuels désagréments qui pourraient en découler pour les habitants.

Toutes ces tâches constituent le cœur de métier des collectivités. Il ne s’agit donc pas de leur accorder du pouvoir pour leur faire plaisir, mais bien de travailler ensemble à cette réindustrialisation.

Vous proposez un « stop ou encore », mais les collectivités ne souhaitent pas seulement pouvoir dire oui ou non, elles voudraient pouvoir créer, au nom des habitants qu’elles représentent, les conditions propices à l’accueil de ces projets industriels, lesquels renforceront notre souveraineté, créeront des emplois et nous permettront de reconquérir certains secteurs stratégiques.

C’est pourquoi nous saluons le travail accompli par la commission, concernant notamment l’inscription, par les collectivités elles-mêmes, de projets industriels parmi les grands projets nationaux d’intérêt majeur.

Toutefois, il nous semble qu’il faut aller plus loin dans le partenariat entre les collectivités, l’État et l’ensemble de la communauté nationale pour accueillir les projets que nous souhaitons tous.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je n’ai pas obtenu de réponse à la question que j’ai posée, mais je souhaite réitérer le point de vue exprimé en discussion générale. Notre société, la nation française, a besoin d’un grand récit en lien avec le monde émergent dont nous dépendrons pour vivre ensemble à l’avenir.

Ce grand récit englobe évidemment les questions relatives à l’économie dont nous avons besoin. Il est essentiel de le construire ; pour le moment, il est distillé par bribes, chacun devant reconstituer le puzzle pour comprendre la direction que nous souhaitons ou que nous pouvons adopter.

Dans ce contexte, les collectivités locales, les maires, les présidents d’EPCI constituent des relais de sens essentiels pour aider à comprendre et faire accepter ces grands projets.

Le texte proposé, même celui de la commission, place ces acteurs locaux dans une situation difficile. L’objectif semble être de gagner du temps pour monter rapidement ces projets. Pour autant, je crains qu’en dessaisissant ainsi les élus locaux on n’obtienne l’effet inverse, c’est-à-dire des blocages, que nous connaissons déjà trop souvent pour des motifs divers.

Il est donc indispensable d’impliquer les élus locaux dès le début, comme la loi le permet actuellement, dans la construction et l’explication de ces projets. Je suis convaincu que l’efficacité et la performance dans la gestion des dossiers résident dans cette approche et non dans une autre.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous affirmez que nous sommes en ligue mondiale.

Faisons preuve toutefois d’une certaine humilité : il ne suffit pas de claquer des doigts pour attirer les investissements. Prenez l’exemple d’Elon Musk, que vous avez reçu : il nous a trouvés si bien installés dans la ligue mondiale qu’il va sans doute investir en Espagne ou ailleurs !

La question n’est donc pas simplement de déclarer que nous allons prendre des décisions et que le seul problème réside dans les délais administratifs ou dans les réglementations environnementales. Nous devons créer un écosystème.

Je suis d’accord avec Franck Montaugé sur la nécessité d’un récit pour savoir où nous allons, ce que nous voulons produire, ce que nous voulons consommer, sur quoi nous souhaitons regagner une pleine souveraineté française ou européenne, voire française et européenne, comment nous recréerons une chaîne de valeur, quelles formations nous entendons proposer à nos travailleurs.

Comme le soulignait Céline Brulin, il ne s’agit pas d’aller contre les collectivités, mais de travailler avec elles. Lorsqu’une entreprise envisage de s’implanter quelque part, elle examine d’abord le bassin d’emplois, l’existence de lycées professionnels dans lesquels elle pourrait recruter des travailleurs, les services publics qu’elle peut proposer à ses salariés, ainsi que la desserte des lieux par les transports : c’est tout un écosystème.

C’est pourquoi nous avons répété à plusieurs reprises que nous avions besoin d’un débat global ; nous ne pouvons continuer de découper le sujet en silos. La question de la réindustrialisation, comme tant d’autres, appelle une réponse complète. L’association des élus locaux et de la population est primordiale ; nous ne pouvons nous en passer. Réduire les délais administratifs ou les enquêtes publiques serait une erreur.

En ce sens, par cet amendement, nous vous interpellons et vous appelons à un grand débat public sur cette question.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur le sénateur Gay, je ne retirerais aucun mot à vos propos : vous décrivez exactement l’objectif de ce projet de loi.

Il est vrai qu’il y a des points sur lesquels le Gouvernement et une vaste majorité des sénateurs ne s’accordent pas. Au cours de l’année écoulée, j’ai assisté à de nombreux débats passionnants concernant le bouclier tarifaire, le financement des collectivités territoriales, etc. Cependant, sur cette question, nous sommes tous d’accord.

Nous convenons évidemment qu’un tel projet d’intérêt national majeur est global. Dans ce cadre, d’ailleurs, nous allongeons la durée des débats publics et nous souhaitons discuter de manière globale d’une zone industrielle cohérente, plutôt que de l’aborder brique par brique. C’est exactement ce que ce projet de loi permet.

Je le répète, cet article n’a pas pour but de fragiliser la vie des collectivités territoriales, celles-ci seront bien évidemment associées, comme c’est déjà le cas, à toutes les étapes de ces projets.

Nous souhaitons simplement offrir une visibilité sur la procédure et nous préférons que les collectivités territoriales qui s’opposent à un projet le fassent dès le début, avant que nous ne nous engagions ensemble dans un travail de grande envergure qui mobilisera beaucoup d’énergie et de moyens, au risque d’être finalement refusé.

Nous souhaitons qu’une éventuelle opposition intervienne au début plutôt qu’à la fin, voilà tout.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 142, 145 et 274.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 312 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l’adoption 91
Contre 238

Le Sénat n’a pas adopté.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 175 rectifié bis, présenté par MM. Levi, Bonhomme, Decool, Burgoa, Tabarot, Laugier, Folliot et Bonneau, Mme Saint-Pé, M. Kern, Mme Vermeillet, MM. Pellevat, Sautarel et Henno, Mme Gosselin, MM. Détraigne, Mizzon et J.M. Arnaud, Mme F. Gerbaud, MM. Belin, S. Demilly, Canévet et Le Nay, Mme Gatel et MM. Cigolotti, Duffourg et P. Martin, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Après le mot :

industriel

insérer les mots :

ou d’infrastructure concourant à la gestion de l’eau, à la décarbonation des mobilités, à la protection des territoires face aux changements climatiques ou permettant la gestion et le stockage de déchets

2° Après le mot :

industries

insérer les mots :

et infrastructures

II. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. – Les projets industriels ou d’infrastructures mentionnés au I du présent article peuvent également être qualifiés par décret de projet d’intérêt national majeur, à l’initiative des régions, dans les conditions fixées au présent II.

III. – Alinéas 32 et 33

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. François Bonhomme.