M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le rapporteur, ces dispositions partent évidemment d’une bonne intention. Mais, dans les faits, un tel dialogue existe déjà entre les équipes de la direction générale de l’armement (DGA) et les industriels.

Vous pourriez me répondre que cela va mieux en l’écrivant ; le problème, c’est que ces dispositions seraient source de contentieux. Nos services juridiques sont formels : elles fragiliseraient le dispositif prévu et avec lui la relation entre les industries de défense et la DGA, qui, dans un modèle de souveraineté comme le nôtre, doit être particulièrement étroite.

J’y insiste : si ce dialogue était formalisé en ces termes, telle ou telle interprétation risquerait in fine d’être soumise au juge. D’ailleurs, ni le ministère ni les industries de défense ne demandent une telle précision. Ce que ces dernières attendent réellement, ce sont des délais et de la prévisibilité. Le Gouvernement avait déposé un amendement en ce sens, mais le Sénat, qui est évidemment souverain, l’a rejeté la nuit dernière.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 300 est-il maintenu ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 300.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 25, modifié.

(Larticle 25 est adopté.)

Article 25
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 25 ter (nouveau)

Article 25 bis (nouveau)

I. – Après la section 7 bis du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier, est insérée une section 7 ter ainsi rédigée :

« Section 7 ter

« Livret d’épargne souveraineté

« Art. L. 221-34-2. – Le livret d’épargne souveraineté est ouvert par les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France.

« Ce livret peut être proposé par un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement qui s’engage à cet effet par convention avec l’État.

« Une même personne ne peut être titulaire que d’un seul livret. Un livret ne peut avoir qu’un titulaire.

« Le livret d’épargne souveraineté peut recevoir des versements en numéraire à compter de son ouverture dans la limite d’un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de fonctionnement du livret d’épargne souveraineté et notamment ses conditions d’ouverture et ses modalités de gestion.

« Art. L. 221-34-3. – Les versements dans un livret d’épargne souveraineté sont affectés à l’acquisition de titres financiers contribuant au financement de l’industrie de défense française.

« Ils peuvent être, en vue de leur placement, centralisés en totalité ou en partie auprès d’un établissement public dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Les titres dans lesquels le livret d’épargne souveraineté peut être investi, les principes d’allocation de l’épargne auxquels il est soumis et les stratégies d’investissement qu’il peut proposer sont définis par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre de la défense. »

II. – Le livre VII du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du titre IV, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 1 bis

« Livret d’épargne souveraineté

« Art. L. 742-12-1. – Sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions des articles mentionnés dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau :

 

«

Articles applicables

Dans leur rédaction issue de

L. 221-34-2 et L. 221-34-3

la loi n° … du … relative à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense

» ;

 

2° Après la sous-section 1 de la section 2 du chapitre III du titre IV, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 1 bis

« Livret d’épargne souveraineté

« Art. L. 743-12-1. – Sont applicables en Polynésie française les dispositions des articles mentionnés dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau :

 

«

Articles applicables

Dans leur rédaction issue de

L. 221-34-2 et L. 221-34-3

la loi n° … du … relative à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense

 » ;

 

3° Après la sous-section 1 de la section 2 du chapitre IV du titre IV, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 1 bis

« Livret d’épargne souveraineté

« Art. L. 744-11-1. – Sont applicables dans les îles Wallis et Futuna les dispositions des articles mentionnés dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau :

 

«

Articles applicables

Dans leur rédaction issue de

L. 221-34-2 et L. 221-34-3

la loi n° … du … relative à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense

»

 

III. – Après le 7° quater de l’article 157 du code général des impôts, il est inséré un 7° quinquies ainsi rédigé :

« 7° quinquies Les intérêts des sommes déposées sur les livrets d’épargne souveraineté ouverts dans les conditions prévues aux articles L. 221-34-2 et L. 221-34-3 du code monétaire et financier ; ».

IV. – La perte de recettes résultant pour l’État et les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

V. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2024.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 155 est présenté par M. P. Laurent, Mmes Gréaume, Apourceau-Poly et Assassi, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay, Lahellec, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

L’amendement n° 204 rectifié est présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 155.

M. Pierre Laurent. Nous proposons de supprimer une disposition introduite en commission par le président Cambon et la majorité sénatoriale, à savoir la création d’un livret d’épargne dit de souveraineté.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez déjà annoncé votre intention de voter le présent texte alors qu’il va contraindre énormément les dépenses de l’État dans un grand nombre de secteurs indispensables, qu’il s’agisse de nos politiques sociales ou de la transition écologique.

Je vous rappelle cette affirmation du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) : au total, 20 % des dépenses de l’État sont désormais couvertes par des lois de programmation sectorielles. Les dépenses restantes devront donc faire l’objet d’une maîtrise encore plus stricte pour permettre le respect de la trajectoire fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques.

Or, non contents de comprimer ces dépenses, vous voulez prélever une partie de l’épargne populaire pour financer les industries de défense.

Vous proposez de créer un produit que vous appelez livret de souveraineté. Mais rien ne nous assure qu’il couvrira des dépenses de souveraineté. Ce qui est certain, c’est qu’il financera des industries de défense, dont le modèle économique revendiqué est le financement par les exportations d’armement…

Le financement dit de souveraineté n’est absolument pas assuré par ce dispositif, qui nous paraît bancal. À l’évidence, la commission l’a improvisé à la dernière minute. Pour notre part, nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 204 rectifié.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise lui aussi à supprimer le livret d’épargne souveraineté, dont la création a été votée en commission, car cet article n’est assorti d’aucune étude d’impact.

On ne dispose pas d’information sur l’effet d’éviction qu’un tel produit pourrait entraîner aux dépens de produits existants, comme le livret A et le livret de développement durable et solidaire (LDDS).

Le livret A finance largement le secteur du logement social : au total, 60 % de ses ressources sont allouées par la Caisse des dépôts et consignations, qui les dédie notamment à la construction et à la rénovation de logements sociaux. Il permet aussi aux collectivités territoriales de financer des projets d’investissement public, comme la construction d’infrastructures ou d’équipements municipaux.

Ses fonds et ceux du livret de développement durable et solidaire sont également alloués au financement de prêts pour la rénovation énergétique des logements – il s’agit d’améliorer l’efficacité énergétique de ces derniers et de réduire leur impact environnemental. Ils permettent, enfin, de financer des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS).

Alors que, dans tous ces secteurs, des investissements massifs se révèlent indispensables, l’industrie de l’armement française est loin d’être à la peine. Ses problèmes de financement semblent largement surévalués.

Rappelons que France est la troisième exportatrice mondiale d’armes, derrière les États-Unis et la Russie. Avec un tel dispositif, l’on menacerait le financement du logement social et de la transition écologique pour financer des industriels qui n’ont aucunement besoin d’aide : ce n’est pas acceptable.

Enfin, j’observe que le taux de rémunération de cet hypothétique livret n’est pas précisé et que ce produit exposerait ses détenteurs à un véritable risque de perte en capital : la garantie des dépôts à 100 % n’est mentionnée nulle part.

Pour toutes ces raisons, les élus de notre groupe s’opposent à la création d’un tel livret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Le livret d’épargne souveraineté, dont la commission a voté la création à une large majorité, n’a rien de bancal ou d’improvisé. Il a pour seul but de répondre à des préoccupations réelles, dont nous avons d’ailleurs longuement débattu à de nombreuses reprises.

Les entreprises de défense – il ne s’agit évidemment pas des plus grandes d’entre elles, mais des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des petites et moyennes entreprises (PME), en particulier les sous-traitants – se voient de plus en plus souvent refuser l’accès au système bancaire. C’est la conséquence des règles de taxonomie imposées par Bruxelles et d’une grande frilosité du système bancaire envers ces industries. Or, en parallèle, l’on ne cesse de dire qu’il faut renforcer le lien armée-Nation.

Nos collègues Pascal Allizard et Yannick Vaugrenard se sont tous deux penchés sur ce problème, auquel ils ont consacré un rapport.

En réponse, ils ont proposé la création d’un livret de souveraineté, qui n’a évidemment pas la prétention de siphonner le livret A : il faut mettre un terme aux fantasmes ! Il s’agit simplement de permettre aux Français qui veulent soutenir leur industrie de défense et agir pour leur sécurité d’investir dans un tel livret.

Évidemment, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n’a pas vocation à assurer la mise en œuvre de ce produit, en fixant un quelconque taux de rémunération ou encore en détaillant les garanties apportées.

Avec cet amendement, nous lançons un appel fort au Gouvernement, qui, notamment par l’intermédiaire de la Banque de France, est à même d’adresser des instructions au système bancaire. Nous insistons sur les immenses difficultés auxquelles se heurtent les petites et moyennes entreprises de défense pour accéder au système bancaire.

Bien entendu, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Devant votre commission, je suis déjà revenu très longuement sur l’accès au financement bancaire de ces entreprises, en particulier les sous-traitants, et, au-delà, sur d’autres sujets comme la taxonomie européenne ; je n’y reviendrai pas ce soir.

C’est un sujet majeur, et il est grand temps de le prendre réellement en compte. Aux dispositions présentées par M. Cambon s’ajoute un enjeu de négociation à Bruxelles. Il y a mille combats à mener en la matière.

Bref, on ne peut pas nier l’existence de ces difficultés. Si nous estimions que tout va bien, nous passerions tout simplement à côté de ce projet de loi de programmation militaire…

Notre base industrielle et technologique de défense (BITD) est branchée sur notre modèle d’armée : il y va de notre souveraineté. Or – j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer devant vous – certaines entreprises peinent à accéder à tel ou tel produit bancaire, parce qu’elles travaillent en lien avec notre dissuasion nucléaire.

On leur oppose que « l’on ne peut pas aider ou accompagner financièrement une entreprise qui serait en lien avec des armes de destruction massive ». Une telle logique est à rebours de notre modèle historique, et le signal vital que la commission a décidé d’envoyer me semble le bienvenu.

Faut-il retravailler ces dispositions ? Sans doute. Depuis le début de nos travaux en séance publique, hier après-midi, je prends pour base la rédaction établie par la commission.

Ce que je souhaite, c’est que cet article puisse faire l’objet d’un véritable travail avec Bercy. En l’occurrence, le ministère des armées n’est évidemment pas compétent, et pour cause : il s’agit d’un produit financier.

Or si ces amendements de suppression sont adoptés, ce dispositif ne pourra même pas être examiné en commission mixte paritaire (CMP). Il s’agit en effet d’un article introduit par le Sénat.

Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques. Certes, Bercy a émis des doutes au sujet de ce livret, non pas pour des motifs d’opportunité politique, mais pour des raisons d’ordre technique.

Faut-il privilégier un autre biais ? Peut-être. Des discussions sont en cours entre nos deux ministères. Reste une réalité : si ces amendements de suppression sont adoptés, il n’y aura pas de discussion en commission mixte paritaire.

Je vais faire passer le message à mes collègues du pôle ministériel de Bercy…

M. Rachid Temal. Bon courage ! (Sourires.)

M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous sommes à la disposition de la Haute Assemblée pour étudier ces dispositions. Le cas échéant, peut-être les sénateurs membres de la CMP seront-ils invités à les retirer, s’il apparaît qu’elles posent problème. Mais, pour l’heure, laissons le processus se poursuivre.

Je le répète, j’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. Rachid Temal. Dites à Bercy que l’on vous soutient !

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.

M. Yannick Vaugrenard. Avec Pascal Allizard, j’ai en effet proposé la création d’un tel livret, non seulement pour les raisons financières que le président Cambon a évoquées, mais aussi pour des raisons pédagogiques et politiques, au sens noble du terme.

Nous le savons : nous traversons une période singulière dans le domaine des relations internationales et, pour quelque temps au moins, nous ne toucherons plus les dividendes de la paix. Il est important de faire comprendre à l’ensemble de nos concitoyens que des efforts sont nécessaires.

À ce titre, mieux vaut solliciter l’épargne, donc la contribution de ceux qui, a priori, sont les mieux à même de consentir de tels efforts, plutôt que de souscrire des emprunts excessifs, ce qui reviendrait à se défausser de nos responsabilités sur les générations futures.

Le livret A permet, depuis longtemps déjà, de financer le logement social. Depuis sa création en 1983, le compte pour le développement industriel (Codevi), devenu livret de développement durable et solidaire, a vocation à financer notre industrie. Dans la même logique, nous proposons de créer un troisième livret pour contribuer au financement de nos matériels militaires : le livret souveraineté.

Ce projet de loi de programmation militaire le démontre : aujourd’hui et demain, de tels efforts seront manifestement indispensables.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons proposé le présent article, dans un esprit de responsabilité.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.

M. Pascal Allizard. L’avantage de prendre la parole à ce stade du débat, c’est que presque tout a été dit… (Sourires.)

Monsieur Laurent, monsieur Gontard, j’y insiste, pour le moment, ce sont bien les petites entreprises du secteur de la défense qui subissent un effet d’éviction. Voilà plusieurs années que M. Vaugrenard et moi-même tirons la sonnette d’alarme face aux problèmes de financement que connaissent ces acteurs. Leurs difficultés sont absolument indiscutables.

Nous n’avons pas la prétention d’imposer un dispositif unique. Il peut y avoir plusieurs solutions : ce livret de souveraineté en est une parmi d’autres. Monsieur le ministre, sa mise en œuvre soulève peut-être des difficultés d’ordre technique. Toutefois, on ne peut pas nous opposer à la fois des problèmes techniques à Paris et des problèmes politiques à Bruxelles. Sinon, toute question devient insoluble.

Mes chers collègues, je souhaite que la création de ce livret de souveraineté soit débattue et, à la suite de M. Vaugrenard, j’insiste sur la dimension pédagogique – je dirai même patriotique – de la proposition qui vous est faite.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Nous vivons une situation somme toute assez paradoxale. On aurait pu penser que, depuis le 24 février 2022, date à laquelle la Russie est entrée en guerre contre l’Ukraine, un certain nombre de comportements avaient changé.

Un certain nombre de lobbies extrémistes bien financés auraient pu commencer à comprendre que, si l’on veut défendre le développement durable et la démocratie, si l’on veut tout simplement que notre société vive en harmonie, il faut a minima assurer la paix et la sécurité. Or, pour être en paix et en sécurité, nous devons a minima pouvoir financer notre défense. Nous devons être à même d’exister militairement en exerçant nos fonctions régaliennes.

Nous le constatons avec les PME, les ETI et même, de plus en plus, avec les grands groupes : pour les entreprises du secteur de la défense, il est chaque jour plus compliqué de trouver des financements sur la place.

En commission, nos collègues Vaugrenard et Allizard ont obtenu l’adoption de cet article, et je ne puis que m’en féliciter. Peut-être s’agit-il simplement d’adresser un appel au Gouvernement. Quoi qu’il en soit, ces dispositions sont absolument capitales, car nos concitoyens doivent prendre conscience de la nécessité d’investir dans la défense.

Si ce livret voit le jour, les Français pourront accompagner l’industrie de la défense – ils seront, j’en suis persuadé, bien plus nombreux qu’on ne le croit ! – et financer à proportion de leurs moyens ce secteur qui a grand besoin d’être soutenu.

Bref, il s’agit à mon sens d’un excellent article : nos débats doivent aller à leur terme, car nous devons déterminer les moyens de mettre en œuvre un tel dispositif.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour explication de vote.

M. Olivier Cigolotti. La suppression de ces dispositions est inconcevable pour nous, élus des territoires…

M. Christian Cambon, rapporteur. Tout à fait !

M. Olivier Cigolotti. Dans nos départements respectifs, nous sommes régulièrement saisis par des entreprises, notamment des sous-traitants, qui nous font état des difficultés d’accès aux prêts bancaires évoquées par M. le ministre.

Derrière le livret de souveraineté, c’est un certain nombre d’emplois directs et induits qui sont en jeu. Nous ne pouvons donc pas soutenir de tels amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Monsieur le rapporteur, vous me certifiez que votre livret souveraineté n’est pas improvisé, mais la réponse de M. le ministre est claire : ce dispositif n’est absolument pas prêt !

Vous invoquez le financement des PME, notamment dans l’industrie de la défense. Je suis tout à fait prêt à débattre de cette question et je suis évidemment preneur de nouveaux dispositifs en la matière.

Or de votre côté, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous ne voulez jamais traiter de la régulation des banques. Vous ne voulez jamais aborder la manière dont elles financent telle ou telle activité : ce n’est jamais le moment. Chaque fois que nous évoquons la critérisation des crédits bancaires, vous nous opposez une fin de non-recevoir.

Si l’on ne parvient pas à résoudre le problème que vous soulevez, ce n’est pas seulement à cause de Bruxelles : c’est à cause des stratégies des groupes bancaires, tels que vous les avez laissés se construire. Mais, je le répète, il est impossible de traiter cette question avec vous.

Le crédit d’impôt recherche (CIR) est absorbé par les plus grands groupes aux dépens des PME les plus innovantes, qui en auraient pourtant bien besoin. Nous vous alertons sur ce sujet, mais il ne faut pas le traiter ! De même, nous voulons traiter des grands problèmes de financements des très petites entreprises (TPE) et débattre des investissements les plus utiles, y compris les investissements souverains, mais ce n’est jamais le moment !

À présent, vous nous dites qu’il faut créer un livret d’épargne souveraineté. S’il s’agit d’ouvrir un débat sur le financement des PME, singulièrement des plus innovantes d’entre elles, y compris pour les innovations de rupture et pour la défense de notre souveraineté, nous sommes pour. Mais, si l’on continue d’éluder tous les problèmes structurels, l’on ne réglera aucune difficulté.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je ne suis pas du tout rassuré par ces quelques échanges. Je suis presque plus inquiet qu’au commencement de ce débat…

M. le ministre l’a clairement fait comprendre : ce dispositif n’est pas abouti. Il doit encore être travaillé, d’autant qu’il n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact et que ses effets pourraient être particulièrement dangereux.

J’entends que nous sommes face à une question de financement, mais cette dernière doit être examinée sous tous ses angles. Non seulement un tel dispositif viendrait concurrencer le financement du logement social et de la transition écologique, mais les difficultés d’accès aux prêts bancaires concernent tous les domaines de notre société.

Bien sûr, monsieur le rapporteur, nous pouvons réfléchir à cette proposition. Mais n’allez pas me dire que le livret de souveraineté permettra de résoudre tous les problèmes, qui plus est avec une rédaction aussi imprécise !

En tant qu’élus des territoires, nous sommes aussi directement confrontés à la crise du logement que notre pays est en train de vivre et qui est loin d’être terminée. Le livret A constitue l’un des premiers financements du logement social et il permet une intervention directe.

Par patriotisme ou pour d’autres motifs, un certain nombre d’épargnants choisiront de placer des fonds sur le livret de souveraineté, s’il est créé. Ce sera évidemment au détriment d’autres produits, donc d’autres dispositifs.

M. Christian Cambon, rapporteur. C’est n’importe quoi…

M. Guillaume Gontard. Voilà pourquoi cet article nous expose à un risque très important, surtout, je le répète, s’il est ficelé. Je vous l’avoue, je ne vois pas bien ce que l’on pourra faire de plus en CMP… Peut-être s’apercevra-t-on qu’il est inopérant et qu’il faut effectivement le supprimer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cambon, rapporteur. Je ne souhaite pas allonger inutilement le débat, mais il n’est pas juste de dire que ce sujet n’a jamais été abordé. La commission y travaille depuis trois ans !

Nombre de collègues, de toutes les sensibilités, nous ont alertés à ce propos. D’ailleurs, Olivier Cigolotti l’a rappelé, ceux qui représentent des territoires où se trouvent des PME de défense sont constamment confrontés à cette question. Moi-même, je suis saisi, presque chaque semaine, de demandes d’intervention en ce sens.

Nous avons procédé à des auditions au cours desquelles nous avons débattu de cette question et nous avons publié un rapport d’information qui formule des propositions à ce sujet.

Aussi, je pense qu’un projet de loi de programmation militaire est le moment idéal pour lancer ce débat. Mon cher collègue, si tel n’était pas le cas, à quel moment en parlerions-nous ? Au cours de questions de deux minutes adressées au Gouvernement, auxquelles il répondrait lui-même en deux minutes ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 155 et 204 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 190 rectifié, présenté par MM. Guérini, Guiol, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mme Guillotin et MM. Roux et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

, pour les besoins de l’armée française

La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. La commission a introduit un produit d’épargne réglementée destiné au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense. C’est une bonne chose au regard du montant particulièrement élevé de l’épargne des Français.

Nous sommes nombreux à avoir été alertés sur les difficultés rencontrées par notre industrie de défense, qui peine à mobiliser les financements dont elle a besoin, notamment pour mettre au point des technologies innovantes. Elle est confrontée à un phénomène qu’un ancien délégué général pour l’armement a qualifié de « frilosité bancaire », qui fragilise peu ou prou certaines entreprises, en particulier les PME et les start-up émergentes.

De surcroît, la décision récente de la Banque de France d’exclure l’armement des stratégies d’investissements responsables n’est pas non plus vécue comme un encouragement.

Pourtant, financer la défense, c’est investir dans l’avenir et assurer notre sécurité collective, ainsi que celles des Européens, au titre du partenariat entre les États membres.

Si nous nous félicitons de la création, par la commission, de ce livret de souveraineté destiné au financement de l’industrie de défense, qui complète les soutiens budgétaires de l’État, nous devrions tout de même y apporter quelques garde-fous. Il serait impensable que ce livret, aux objectifs louables, favorise les exportations au détriment des commandes nationales.

Cet amendement vise donc à préciser que le livret financera en priorité les besoins de l’armée française, compte tenu de sa dénomination faisant référence à la notion de souveraineté.

Comprenant toutefois la difficulté technique d’un tel fléchage, je suivrai l’avis de la commission sur cet amendement, et plus particulièrement celui de son président.