M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’agenda du Conseil européen se trouve en partie bousculé par la situation dramatique au Proche-Orient.

Cet après-midi, lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement, la présidente du groupe RDSE, ma collègue Maryse Carrère, a fermement condamné les attaques terroristes du Hamas contre les Israéliens, en rappelant que cette violence aveugle ouvrait une nouvelle et terrible page du conflit israélo-palestinien.

À chaud, alors que l’émoi nous saisit tous, il est difficile de se projeter, d’avoir l’espoir d’une réconciliation. Pourtant, face à la douleur immense et immédiate des Israéliens, victimes d’une barbarie sans nom, et face à celle des civils palestiniens, qui vont payer le prix de la folie du Hamas, le processus de paix devra rapidement être remis sur les rails.

En attendant, je salue les efforts des responsables européens pour tenter d’enrayer l’escalade. À Bruxelles, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell a rappelé, dès samedi, la nécessité de ne pas accroître les tensions sur le terrain. Bien entendu, le pari est difficile, entre le droit d’Israël de se défendre, conformément au droit international, et l’obligation du devoir humanitaire envers les civils palestiniens, qui subissent le feu de la riposte de Tsahal et un siège total.

Mon groupe adhère à la voie choisie par l’Union européenne, entre solidarité à l’égard du peuple israélien et volonté de limiter les drames humains, qui signeraient l’impossible retour à la paix.

Mes chers collègues, ce front rouvert au Proche-Orient ne doit pas nous faire oublier le conflit qui se poursuit aux portes de l’Europe, comme pourrait cyniquement le souhaiter Moscou. Vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, l’Ukraine a encore besoin de la mobilisation sans faille de l’Union européenne.

Le groupe RDSE a toujours demandé le maintien d’un soutien militaire. La lassitude qui peut gagner certains pays ou certaines opinions face à un conflit qui dure ne doit pas trouver sa place. Je me réjouis qu’à chaque Conseil européen les États membres de l’Union européenne appellent à redoubler les efforts en direction de Kiev.

Faut-il rappeler aux sceptiques que ce sont aussi les intérêts de l’Europe en matière de sécurité et de défense qui sont en jeu au travers de l’agression de l’Ukraine ?

Certes, le contexte politique américain complique la situation, surtout si le Congrès ferme les vannes des aides, à l’instar de ce qu’il vient de faire, pour un montant de 24 milliards de dollars. Madame la secrétaire d’État, on a bien entendu lors du sommet de Grenade que l’Europe n’allait pas les compenser.

En attendant, soutenez-vous les eurodéputés qui demandent l’octroi d’une aide macrofinancière de 50 milliards d’euros, dont deux tiers de prêts préférentiels à l’Ukraine jusqu’en 2027 ?

Le Parlement européen souhaiterait que cette aide à la reconstruction soit adoptée le plus tôt possible dans le cadre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027. On peut partager cet objectif, tout en gardant à l’esprit les autres besoins humanitaires qui découleront nécessairement du conflit israélo-palestinien, mais aussi du drame au Haut-Karabagh.

J’en viens à présent à un autre point de l’agenda du prochain Conseil européen : la révision du cadre financier pluriannuel actuel. Nous le savons, plusieurs pays refusent d’abonder davantage encore le budget européen.

De son côté, mon groupe défend quelques principes assez simples. Il est important de trouver un équilibre entre la préservation des politiques fondatrices de l’Union européenne dites traditionnelles – je pense à la politique agricole commune (PAC), indispensable à la souveraineté alimentaire – et les besoins des politiques dites nouvelles, liées à des défis plus contemporains, en particulier dans les domaines climatiques et technologiques ou de la sécurité et de la défense. L’équation est difficile, je n’en doute pas.

Dans ces conditions, la question des ressources propres continue de se poser, d’autant plus que tous les instruments européens de flexibilité ont été mobilisés au cours de ces dernières années. Il reste peu de marges budgétaires pour absorber de nouvelles crises, alors que se profile également le remboursement de 450 milliards d’euros à compter de 2028.

Aussi, mes collègues du groupe RDSE ont toujours défendu l’urgente nécessité de diversifier les ressources propres. Je m’inscris dans leurs pas.

La Commission européenne a récemment déclaré que, sans nouvelles ressources propres, les programmes de financement de l’Union européenne devraient être réduits de 15 milliards d’euros par an ou que les contributions des États membres devaient augmenter. Faut-il prendre ce risque ?

Nous ne pourrons pas nous contenter des dernières mesures mises en œuvre, à l’instar de la taxe sur les plastiques. Bien qu’elle soit fondamentale – elle participe de la politique européenne de développement durable –, son rendement va mécaniquement décroître.

Je me réjouis aussi du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui est tout juste acté. Toutefois, lui non plus ne suffira pas à remplir les caisses de l’Union européenne.

Où en sont donc les autres propositions que la Commission européenne a présentées en 2021 ? Je pense en particulier à la redevance numérique ou à la taxe sur les transactions financières à grande échelle. Ces deux mesures ont le mérite d’en appeler à la solidarité financière et c’est pourquoi nous y sommes attachés. Au-delà des recettes qu’elles pourraient engendrer, ces taxes permettraient de mieux partager les richesses entre les différents agents économiques, de soutenir les politiques européennes nouvelles ou de gérer les crises.

Je terminerai en évoquant l’un des dossiers qui sera également discuté lors du Conseil européen les 26 et 27 octobre prochain, à savoir la politique migratoire.

Une fois encore, des tragédies se sont déroulées en mer Méditerranée. Ce sont des drames à répétition. Qu’on le veuille ou non, les flux migratoires vont durer et entraîner leurs cortèges de victimes.

L’Union européenne est parvenue à un accord au terme de trois ans de négociations. Cependant, il apparaît clairement en filigrane que le projet de pacte sur la migration et l’asile présenté la semaine dernière à Grenade, lequel tient compte des blocages de l’Italie et de la Hongrie en particulier, tend à durcir les conditions d’accueil.

Que penser en effet de l’extension de la durée de détention aux frontières extérieures et des procédures d’examen ramenées à cinq jours, qui sont donc plus expéditives ? Sans doute s’agit-il là de concessions faites à Giorgia Meloni…

Si elle ne peut pas ignorer les situations difficiles, comme celle de Lampedusa, l’Union européenne doit tout de même préserver ses valeurs fondatrices, au premier rang desquelles la solidarité et l’humanité. C’est en tout cas ce que souhaite mon groupe. J’en appelle à la vigilance du Parlement européen lorsqu’il sera saisi de ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Karine Daniel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Green Deal, lancé par la Commission européenne en 2019, est une réponse concrète et urgente aux défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Il s’agit d’une feuille de route audacieuse visant à transformer l’Union européenne en une économie neutre en carbone d’ici à 2050, tout en garantissant une croissance économique durable. C’est un plan ambitieux, qui nécessite une réponse énergique et un engagement de la part de chaque État membre. Il est de notre devoir, en tant que législateurs, de contribuer à sa réussite.

Nous saluons l’initiative de la Commission européenne, qui a adopté une série de propositions visant à adapter les politiques de l’Union européenne en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité, pour réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

Dans le flot des crises que traverse l’Union européenne – elles ont été beaucoup évoquées ce soir – et dans la perspective des choix budgétaires qu’il faudra effectuer, l’urgence climatique doit rester la priorité de notre agenda. Les rapports scientifiques nous alertent constamment sur les conséquences graves du changement climatique, telles que les vagues de chaleur mortelles, les incendies de forêt dévastateurs, les inondations catastrophiques et la montée du niveau de la mer menaçant nos côtes.

Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a réaffirmé ces menaces et a souligné l’importance cruciale de limiter le changement climatique à 1,5 degré Celsius pour éviter des conséquences catastrophiques.

L’Union européenne a montré la voie en adoptant un objectif de neutralité carbone d’ici à 2050. Cependant, pour que le Green Deal soit une réussite, il est essentiel que tous les États membres s’engagent pleinement dans sa mise en œuvre. L’Union européenne doit s’efforcer de collaborer étroitement avec d’autres acteurs mondiaux.

La crise climatique est un défi global. Il est impératif que l’Union européenne travaille avec d’autres pays pour trouver des solutions durables. Il est important de noter que l’Union européenne a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 32 % entre 1990 et 2020. L’Europe est ainsi responsable de 9,8 % des émissions de CO2, contre près de 63 % pour l’Asie.

Cela signifie qu’il faut renforcer nos partenariats avec des Nations telles que les États-Unis, la Chine et l’Inde et jouer un rôle moteur dans les négociations internationales sur le climat.

Quelles initiatives le Gouvernement va-t-il prendre en ce sens ? Telle est la question qui s’impose à nous.

En tant que Nation au cœur de l’Europe, la France doit jouer un rôle de premier plan dans cette initiative.

Nous devons accélérer nos efforts pour respecter nos engagements en vertu de l’accord de Paris. Le gouvernement français doit ainsi continuer à investir dans les énergies renouvelables et promouvoir l’efficacité énergétique dans tous les secteurs de l’économie, pour développer des transports publics écologiques et soutenir une agriculture durable. Ces mesures sont non seulement bonnes pour l’environnement, mais également créatrices d’emplois. De plus, elles stimulent l’innovation, dans laquelle nous devons investir.

Je ne reviens pas sur les enjeux budgétaires, que ma collègue Florence Blatrix Contat a évoqués : les financements devront être à la hauteur pour atteindre de tels objectifs.

Ensuite, l’éducation et la sensibilisation du public sont des éléments clés pour le succès des politiques environnementales de l’Union européenne. Nous devons expliquer, et réexpliquer, aux citoyens les enjeux de la crise climatique et les avantages d’une transition vers une économie verte.

Le Green Deal de l’Union européenne doit être rendu plus lisible dans les territoires afin que ces derniers puissent s’engager concrètement dans la transition écologique. Nous nous devons de soutenir ces territoires en élaborant des politiques nationales qui soient cohérentes avec les objectifs du Green Deal.

En outre, une coordination étroite avec les autorités locales et régionales est essentielle pour mettre en œuvre efficacement ces mesures et assurer une transition juste et équitable vers une économie plus respectueuse de l’environnement.

Cela signifie qu’il faut soutenir les travailleurs et les territoires qui seront les plus touchés par cette transformation, en les accompagnant dans leurs projets de recherche de financement.

Pourrons-nous offrir des opportunités de formation et de reconversion professionnelle, garantir des conditions de travail décentes dans les nouvelles industries vertes et veiller à ce qu’aucune personne ni aucun territoire ne soient laissés-pour-compte ?

En conclusion, l’Union européenne doit garder ses ambitions environnementales. En tant que membre de l’Union européenne, nous avons la responsabilité de soutenir ses efforts et ses initiatives, d’accélérer notre transition vers une économie verte et de garantir une transition juste pour toutes et tous. C’est une occasion unique de façonner un avenir plus durable pour nos concitoyens, nos économies et notre planète. En agissant avec détermination, en collaborant avec d’autres acteurs mondiaux et en investissant dans l’innovation, nous pouvons concrétiser cette vision d’un avenir meilleur pour toutes et tous.

Nous serons par ailleurs très attentifs à la position qu’adoptera la France vendredi prochain concernant la proposition de la Commission européenne de reconduire pour dix ans l’autorisation d’utilisation du glyphosate, malgré les dangers avérés de cet herbicide.

Plus globalement, il est inopportun de demander une pause réglementaire européenne sur les normes environnementales, ainsi que l’a fait le président Emmanuel Macron. Au contraire, nous devons conserver nos ambitions dans le but de rendre notre futur plus vert. N’est-ce pas notre devoir envers nos concitoyens, nos enfants et les générations futures ?

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de répondre à nos interrogations et à nos fortes préoccupations. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec l’arrivée en quelques jours de plus de 200 embarcations, transportant près de 12 000 personnes, Lampedusa a récemment été le théâtre d’un énième épisode de chaos migratoire.

Une nouvelle fois, bien malgré elle, cette petite île italienne est apparue aux Européens comme un symbole : le symbole, d’abord, de l’ampleur d’un choc migratoire dont l’accélération, périodiquement documentée par les chiffres de Frontex, engendre une situation désormais intenable ; le symbole, ensuite, de l’échec des gouvernements nationaux et des institutions européennes à faire front pour prévenir, contenir et gérer efficacement les flux qui se pressent aux frontières de notre continent.

Si le mois dernier, le dialogue entre États membres s’est révélé peut-être un peu moins acrimonieux que lors des précédents débarquements massifs, nous n’en avons pas moins assisté au même scénario qu’à l’accoutumée.

Ainsi les mêmes appels à une solution européenne ont-ils été suivis des mêmes querelles entre gouvernements. Aux mêmes déclarations martiales et fallacieuses de l’extrême droite ont répondu les mêmes injonctions irresponsables de l’extrême gauche en faveur d’un accueil inconditionnel et illimité.

La Commission européenne, elle, a produit, comme toujours, le même plan d’urgence creux, glanant ici et là quelques millions d’euros dans les marges du budget communautaire et se contentant de recycler des axes d’action déjà énoncés maintes et maintes fois.

En réalité, ce genre de plan, élaboré pour donner l’illusion de l’action, reste condamné à la vacuité, tant que n’auront pas été posés les fondements d’une politique européenne adaptée aux réalités du XXIe siècle.

Or l’actualité récente, si désespérante par certains aspects, nous offre peut-être cette fois quelques raisons d’espérer. En effet, la semaine dernière, les ministres de l’intérieur des Vingt-Sept ont enfin mis la dernière main à leur version du pacte sur la migration et l’asile, trois ans après sa présentation par la Commission européenne, et même sept ans après que la Commission Juncker a fait ses premières propositions de réforme… Il était plus que temps !

Pour autant, si l’Europe n’a jamais été aussi près d’aboutir à un résultat tangible, tous les obstacles ne sont pas levés, il s’en faut. La négociation avec le Parlement européen, dont la copie diverge largement de celle du Conseil, promet assurément d’être ardue.

Naturellement, la Commission européenne se dit confiante dans le fait que le paquet puisse être bouclé rapidement, en tout cas, avant les élections européennes de l’année prochaine ; c’est le moins qu’elle puisse dire !

Madame la secrétaire d’État, en votre âme et conscience, au vu de vos discussions avec vos collègues et avec les parlementaires européens, partagez-vous réellement cet optimisme et pouvez-vous nous dire pourquoi ?

Comme vous le savez, plusieurs États membres – Pologne et Hongrie en tête – expriment depuis 2016 de grandes réticences à l’égard des systèmes de relocalisation. Ces derniers se sont prononcés contre l’adoption du pacte et mènent depuis une campagne agressive à son encontre, en le qualifiant de « diktat », voire de « viol légal », et en assimilant à des amendes les contributions financières obligatoirement apportées aux pays de première ligne.

Cette rhétorique fait clairement planer le risque d’un défaut d’application de la législation communautaire ; or, en pareil cas, c’est le fonctionnement de l’ensemble du système tel qu’il est conçu qui, par réaction en chaîne, risque d’être rendu inopérant.

Madame la secrétaire d’État, ces États membres ayant déjà refusé par le passé de mettre en œuvre des mesures décidées à l’échelon européen sur la question migratoire, ne pensez-vous pas que cette question puisse de nouveau se poser pour la mise en œuvre du pacte ?

Je pense d’ailleurs que ces pays, après avoir vu – comme moi, comme vous –, tout récemment, des groupes de migrants retenus dans des centres de transit en Grèce se réjouir des massacres perpétrés ces derniers jours en Israël, ne manqueront pas d’être renforcés dans leur scepticisme concernant ces obligations de relocalisation.

Par ailleurs, les récents événements de Lampedusa nous invitent naturellement à nous interroger sur la dimension extérieure des migrations, notamment sur les partenariats conclus avec les pays du pourtour méditerranéen, hier la Turquie, aujourd’hui la Tunisie, demain l’Égypte ou le Maroc.

Ces accords, s’ils sont conclus et exécutés de bonne foi et avec sérieux, pourraient, à n’en pas douter, offrir des outils efficaces et avantageux à l’Europe pour la gestion des flux migratoires. Pour autant, ils soulignent en creux à quel point notre priorité absolue doit résider dans la mise en ordre de notre propre cadre juridique et de nos politiques européennes.

À défaut d’un tel aggiornamento, nous nous mettrons inévitablement dans la main de nos partenaires, qui pourront profiter à loisir de notre état de faiblesse collective sur ce sujet.

Comment, dès lors, ne pas voir dans le départ quasi simultané de centaines d’embarcations depuis la région de Sfax ou dans l’attitude récente du président Saïed, une sévère mise en garde à cet égard ?

Cela est d’autant plus flagrant que, plus au sud, la situation économique continue de se dégrader, avec la succession de coups d’État au Sahel et le départ consécutif des troupes françaises. La région connaît un fort regain de violence, les attaques terroristes s’y multiplient depuis plusieurs mois et viennent s’ajouter aux nombreuses crises que ces peuples, parmi les pauvres au monde, subissent déjà.

Or je doute que l’alliance des juntes qui se forme entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger soit en mesure d’apporter des progrès tangibles à leurs concitoyens, qui pourront, à n’en pas douter, être amenés à prendre plus massivement encore les routes de l’exil.

Le prochain Conseil européen devrait, si l’on se réfère au projet d’ordre du jour annoté, aborder également la question du Sahel.

Ce débat devrait être l’occasion, pour nos partenaires, de prendre davantage conscience de l’aspect stratégique de cette région, eux qui ont, il faut le dire, si peu soutenu la France dans les domaines politique, diplomatique et militaire tout au long de son engagement contre les groupes terroristes – bien que j’aie entendu dire l’inverse. Je souhaite que l’on s’interroge posteriori sur ce qu’a véritablement fait l’Europe à ce sujet.

L’Europe, comme le réaffirmait récemment le haut représentant Josep Borrell, ne doit pas abandonner le Sahel, malgré les immenses difficultés qui se posent actuellement. Formons le vœu que cet appel soit entendu : il s’agit d’un impératif moral, mais il y va aussi de notre intérêt bien compris.

Enfin, j’ai une dernière interrogation, et non la moindre, sur l’agression terroriste du Hamas contre Israël.

Bien que ce sujet n’ait, bien entendu, pas été inscrit à l’ordre du jour du prochain Conseil, nul doute qu’il en sera question, au vu de l’ampleur de ce drame, dont nous avons parlé tout au long de la soirée.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelles actions précises et concrètes la France va proposer à ses collègues pour à la fois tirer les leçons des massacres perpétrés ce jour et éviter qu’ils ne se renouvellent à l’avenir ?

Comment va-t-on, par exemple, procéder au contrôle des financements européens directs attribués aux Palestiniens et aux associations qui encouragent le terrorisme ? Quand le ferons-nous ? D’autres questions se posent, comme celle de l’inscription de ces associations ou groupuscules qui encouragent le terrorisme sur la liste des organismes terroristes et des conséquences qu’il faudra en tirer.

Je vous remercie de vos réponses les plus claires et les plus complètes possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi en préambule d’exprimer à cette tribune tout mon soutien au peuple israélien et aux Européens victimes de la barbarie et du terrorisme. Je fais toute confiance à la présidence espagnole, issue d’un des pays qui a le plus souffert du terrorisme islamiste en Europe, pour garantir à Israël un soutien nécessaire et vital contre l’obscurantisme.

Le commissaire hongrois Olivér Várhelyi a souhaité suspendre immédiatement tous les paiements à destination de la Palestine et effectuer une analyse de tous les programmes de financement. La question de l’aide au développement est posée. Jusqu’où la France ira-t-elle pour empêcher le plus possible, et dans le détail, qu’une organisation terroriste, le Hamas, en bénéficie ?

Plus largement, madame la secrétaire d’État, je rappelle que des associations fréristes se sont implantées à Bruxelles, capitalisant sur une proximité avec les institutions européennes.

Le Conseil de l’Europe peut-il garantir que l’on mène une lutte acharnée contre l’islamisme, alors même qu’il promeut des slogans comme « Mon voile, mon choix » ou encore « La beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le hijab » ? S’approprier ces mots sans chercher à en mesurer les conséquences revient à prendre des risques !

Dans la série des atrocités où l’humanité perd de sa substance, il faut évoquer l’attaque du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan. Je renouvelle ici tout mon soutien à la cause arménienne, à la défense des chrétiens d’Orient victimes, eux aussi, d’actes innommables en Artsakh, que certains qualifient déjà de crimes contre l’humanité.

J’appelle Mme Ursula von der Leyen à garder l’Union européenne de toute hypocrisie à ce sujet concernant les accords de partenariat avec l’Azerbaïdjan, y compris dans le domaine de l’énergie.

Relevons au passage la lâcheté de Vladimir Poutine dans ce conflit arménien, lui qui fut présenté si longtemps comme un défenseur du cessez-le-feu.

Mes chers collègues, de la guerre en Ukraine dépend notre salut ; il faut la gagner pour l’Ukraine, mais aussi pour la Finlande, pour la Pologne, pour les pays baltes et, plus largement, pour la démocratie et pour les valeurs que nous défendons. Il y va de notre crédibilité.

Aujourd’hui, celle-ci repose sur l’Ukraine. Son peuple a fait montre de pugnacité, d’ingéniosité, de vivacité d’action et de réflexion, de souplesse et de finesse ; il s’est présenté au monde comme résistant, fort, moderne, malin ; il a démontré sa volonté de déjouer en bloc et en détail l’hypocrisie russe, mais aussi celle du bloc occidental.

Et nous voudrions aujourd’hui lui faire savoir que l’intégration à l’Europe se mérite, qu’elle se gagne, qu’elle doit résulter d’efforts et de sérieux ?

Il me semble que le peuple de Kiev répond au moins à cette exigence de valeurs morales et qu’il en fait chaque jour la démonstration. Un peuple dont les hommes sont capables d’avancer à travers des champs de mines peut emporter son pays où il le souhaite, y compris au sein de l’Union européenne !

La question de l’intégration de l’Ukraine a une saveur particulière et je prie le Conseil de l’Europe de faciliter le rapprochement de l’Ukraine avec les Vingt-Sept, sans nécessairement déjà parler d’intégration. Le chef de l’État français promeut une nouvelle manière d’envisager cette étape : il prône une approche d’ensemble et une union construite sur la base de projets ou de politiques communes.

Le Conseil de l’Europe des 26 et 27 octobre prochain suivra-t-il la position française en faveur d’une intégration progressive, projet par projet, sans attendre que les États concernés remplissent toutes les conditions pour commencer à cheminer vers l’Europe ?

Madame la secrétaire d’État, notre pays ne regarde pas assez à l’Est. Depuis le Brexit, la Pologne est devenue le point d’entrée des États-Unis et de l’Otan, le chantre occidental d’une Europe dont la force est en train de se déplacer vers l’Est. Sa montée en puissance, notamment militaire, mais aussi dans d’autres domaines, contribuera – j’en forme le vœu – à attirer les regards des Français au-delà de l’Allemagne.

Cette dernière, longtemps présentée comme un modèle, doit désormais revenir sur de nombreux aspects de sa politique intérieure et extérieure, en matière d’énergie comme sur les plans militaire et diplomatique.

S’agissant de la question migratoire, madame la secrétaire d’État, elle devient le principal sujet de préoccupation des peuples européens.

Sur nos frontières méridionales, l’arrivée de 10 000 migrants au mois de septembre sur l’île de Lampedusa, venus principalement d’Afrique, mais également du Moyen-Orient, fait ressurgir dans nos populations défiance, inquiétude et malaise, malgré l’appel chrétien, humaniste et universaliste du pape François. Nous devons établir une doctrine en matière migratoire.

Les différences entre les politiques menées au Danemark et en France témoignent à la fois de la possibilité d’agir souverainement, différemment, mais également du manque de vision consensuelle sur ces sujets.

Madame la secrétaire d’État, quelques mots, pour conclure, sur l’environnement. L’Union européenne est la partie du monde la plus avancée sur ces questions ; c’est notre honneur, cela doit devenir, demain, notre force.

La présidence espagnole a proposé une feuille de route répondant aux exigences de l’Agenda 2030 et nous nous en réjouissons. De même, félicitons-nous du choix de promouvoir le train ou encore de financer une aide à la promotion et à la valorisation d’une alimentation locale.

Permettez-moi de saluer tous ceux qui se battent au quotidien, au sein des instances européennes, pour notre planète, pour la biodiversité, pour le climat, contre des lobbies puissants et organisés. Pour autant, le travail doit s’intensifier.

Les accords de libre-échange sont aujourd’hui fondamentalement contradictoires avec la politique environnementale de l’Union européenne ; ils sont très critiqués pour l’étendue de leur champ et pour les atteintes fondamentales qu’ils portent à des principes qui devraient être considérés comme non négociables.

Madame la secrétaire d’État, quel est le bilan environnemental de ces traités ? Devons-nous dire stop, ou encore ?