M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, plus de deux semaines après les attaques meurtrières du Hamas sur le territoire israélien, qui ont fait plus de 1 400 morts, nous sommes toujours profondément choqués.

Je tiens avant tout, au nom du groupe Union Centriste, à avoir une pensée pour toutes les victimes innocentes. Parmi elles, nous déplorons trente compatriotes tués. Nous comptons toujours également neuf Français portés disparus, dont une jeune femme qui a le statut d’otage. Nous soutenons les efforts du Gouvernement pour obtenir, en priorité, la libération de tous les otages.

Notre groupe exprime sa compassion aux blessés, aux familles des victimes, aux proches des otages enlevés, qui vivent dans l’angoisse.

Nous pensons aussi à toutes les victimes civiles, qu’elles soient en Israël ou à Gaza, et à tous ceux qui sont désormais dans la souffrance.

Nous imaginions avoir connu des sommets de monstruosité avec les attentats d’Al-Qaïda du 11 septembre 2001 ou ceux de Daech, le 13 novembre 2015, à Paris. Avec les exactions du 7 octobre dernier, en Israël, le Hamas s’inscrit dans cette barbare compétition des organisations terroristes islamistes.

Il a enchaîné massacres de masse, actes de torture d’une cruauté bestiale, mais aussi enlèvements de plus de deux cents civils, aujourd’hui séquestrés.

Les mots demeurent impuissants face à l’ignominie. Nous condamnons cette organisation terroriste et ses actes avec force. Israël est en droit de se défendre et de chercher à éliminer le Hamas, qui a pour objectif de faire disparaître l’État hébreu de la carte, dans un premier temps. Car ne nous y trompons pas : le Hamas, tout comme Daech ou Al-Qaïda vit dans la haine de nos valeurs et vise la destruction à terme de la civilisation occidentale. Les attentats d’Arras et de Bruxelles qui ont suivi nous l’ont douloureusement rappelé.

On comprend dès lors pourquoi le Président de la République a pu proposer, aujourd’hui, à Jérusalem, que la coalition internationale actuellement déployée en Irak et en Syrie pour lutter contre l’État islamique « puisse aussi lutter contre le Hamas ».

La population palestinienne de Gaza est aussi l’otage de cette organisation terroriste, qui mène ses attaques militaires depuis des installations civiles. Rien ne serait pire que de vouloir confondre le Hamas avec la cause palestinienne et sa légitime revendication à disposer d’un État autonome.

Le Hamas a franchi une ligne rouge pour qu’Israël ne puisse plus accepter le moindre accord. Dès lors, quelle solution adopter pour Israël à Gaza ?

Déplacer le Hamas au Qatar ou les Palestiniens vers l’Égypte ou la Jordanie ? Impossible ! Aucun État ne l’accepterait.

Faire une barrière avec une démarcation large de plusieurs kilomètres et minée, à l’image de la démarcation entre les deux Corées ? Ce serait condamner la population de Gaza à la misère et laisser la haine grandir en attendant la prochaine éruption.

Bombarder la bande de Gaza indistinctement en exposant toute la population palestinienne ? C’est le piège tendu par le Hamas, qui veut réussir là où Daech a échoué.

Nous souhaitons que la démocratie israélienne combatte en respectant le droit international humanitaire. Mais tout le monde voit bien la difficulté, car les terroristes se cachent au sein même de la population.

Une difficulté supplémentaire pour le gouvernement israélien vient de ce que l’organisation terroriste a le soutien de l’Iran. La déclaration récente du ministre des affaires étrangères iranien, appelant à éradiquer les juifs et à rayer Israël de la carte, en est une nouvelle illustration. Elle vient rejoindre en tout point la doctrine du Hamas.

La Russie jubile, la Chine est le banquier de l’attelage. Vous remarquerez que, pour ces trois États – Iran, Russie et Chine –, le Hamas n’est pas une organisation terroriste.

La situation est très préoccupante. Si Israël bombarde Gaza et élimine le Hamas, qui gérera Gaza en ruines ? Que deviendra alors ce qui ne sera plus qu’un immense bidonville ? Comment éviter que toute la jeunesse palestinienne ne tombe à son tour dans le panneau des sirènes du Hamas, avec l’effondrement de l’autorité palestinienne en Cisjordanie ? Comment ne pas craindre l’escalade régionale avec le Hezbollah, proxy de l’Iran, qui, non content d’étrangler le Liban, est susceptible de plonger de nouveau le pays du Cèdre dans un conflit avec son voisin ?

Hier, j’assistais à la prise d’armes, aux Invalides, présidée par le ministre des armées, Sébastien Lecornu, à l’occasion des quarante ans de l’attentat du Drakkar à Beyrouth, où 58 militaires français ont perdu la vie. Ne les oublions pas !

Quelque 700 militaires français sont déployés dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), à la frontière avec Israël. Ils seraient en première ligne d’une reprise des hostilités. Ne l’oublions pas !

Le rapport d’information de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de Christian Cambon, intitulé Israël-Palestine : redonner un horizon politique au processus de paix, avait anticipé, il y a un peu moins d’un an, l’embrasement que nous déplorons aujourd’hui.

La formation du gouvernement de M. Netanyahou, qui allie la droite avec une extrême droite composée de suprémacistes juifs, tenants d’une idéologie expansionniste et visant un État théocratique soumis à la loi religieuse, menace les fondements de la démocratie israélienne. Ce gouvernement pose un problème de morale et de conscience que les manifestations hebdomadaires dans l’État hébreu ont révélé.

De nombreux articles de presse ont sonné l’alarme. Dans une tribune du journal Le Monde, datée du 9 février dernier, Sophie Bessis écrivait, à la suite de la sanglante attaque d’une synagogue, intervenue deux semaines plus tôt : « D’un côté, les provocations délibérées de ministres israéliens pressés de montrer aux Palestiniens de quel côté se situe la force, de l’autre la montée d’un désespoir mortifère devant la dégradation des conditions de vie en Cisjordanie et l’absence de toute perspective de paix dans la justice ont conduit à l’explosion actuelle. Si rien n’est fait, elle risque de prendre des proportions que nul ne parviendra à contenir. »

Une addition de haines n’a jamais donné un bon résultat pour les peuples. Il est d’une importance majeure de se consacrer dès maintenant à la paix. L’escalade de violences en territoire israélo-palestinien vient nous rappeler que la solution à deux États – un État d’Israël et un État palestinien – est la seule solution viable pour la paix.

Je me réjouis que le Président de la République soit aujourd’hui à Tel-Aviv pour reprendre l’initiative politique et pour réaffirmer une exigence que le général de Gaulle évoquait déjà, de façon visionnaire, lors de sa conférence de presse du 27 novembre 1967.

Mais il est vrai que les accords d’Abraham ont permis des avancées majeures auprès des pays du Golfe. Ils ont apporté une nouvelle dynamique de normalisation israélo-arabe. Comme président du groupe interparlementaire d’amitié France – Pays du Golfe, je n’ai pu que m’en féliciter.

Ces avancées très concrètes se sont traduites par de réelles coopérations sécuritaires et militaires, comme j’avais pu le souligner en mai 2022 lors d’un colloque que j’ai accueilli au Sénat en compagnie du président Roger Karoutchi.

Mais si les accords d’Abraham ont vocation à promouvoir la paix aux frontières d’Israël, tous mes interlocuteurs du Golfe ont toujours affirmé que la résolution du conflit israélo-palestinien restait une priorité pour emporter l’adhésion des populations.

En ne s’alignant pas sur les États-Unis, en 2003, lors de leur intervention en Irak, la France a prouvé son indépendance au Moyen-Orient. La France est un tiers de confiance naturel pour amorcer un nouveau dialogue et pour donner un nouvel horizon au processus de paix.

Notre pays a soutenu sans discontinuer, d’une part, le droit d’Israël à exister et à vivre en sécurité, d’autre part, la création d’un État palestinien délimité par des frontières sûres et reconnues. Il est vital pour tous d’abandonner la stratégie de la cécité volontaire et du déni de réalité à l’égard de la situation palestinienne.

Pour Israël, cela consistera à abandonner sa stratégie de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Pour la Palestine, cela signifie la fixation d’un calendrier démocratique avec des garanties de déroulement des scrutins en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est.

La France doit jouer un rôle d’aiguillon afin que l’Europe mette en place un nouveau dialogue entre Israël et la Palestine.

L’Union européenne a débloqué 200 millions d’euros d’aide aux Palestiniens avant le conflit. Elle doit désormais investir le volet politique en plus du volet humanitaire.

Je salue le rôle de l’Égypte, qui a autorisé le passage d’une aide humanitaire vers Gaza après de longues journées de fermeture du poste-frontière. Il faut en effet porter secours aux civils gazaouis, qui manquent de produits de première nécessité.

La décision d’une aide supplémentaire de 10 millions d’euros, portée par la France, mérite d’être soulignée.

Vendredi prochain, un vol spécial convoiera du fret médical. Une fois de plus, la France répond présente et les sénateurs centristes soutiennent cette initiative.

Être en empathie avec les personnes qui souffrent et provoquer la désescalade par la promotion de la paix, pour apporter l’espoir d’une vie dans la sécurité et la sérénité au Proche-Orient, telle est la démarche d’apaisement qui, je l’espère, sera portée avec succès par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDSE. – MM. Rachid Temal et Rémi Féraud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour évoquer les tragédies qui se déroulent actuellement au Proche-Orient, où la situation est grave.

Cette région est, depuis plus de soixante-quinze ans, le théâtre de défis, de tensions et de conflits persistants.

Par sa résolution 181 du 29 novembre 1947, l’assemblée générale des Nations unies a adopté le plan de partage de la Palestine, qui pose le principe de la création de deux États souverains et indépendants. En 1948, l’État d’Israël a été institué et le conflit israélo-palestinien est né. Il y a eu les guerres israélo-arabes, notamment la guerre du Kippour. Il y a ensuite eu une première intifada en 1987. Les accords d’Oslo de 1993, appelant à une solution à deux États, ont apporté un vent d’espoir. Malheureusement, il s’agit d’un processus inachevé.

Depuis, l’histoire du conflit se poursuit. Elle est rythmée par de multiples épisodes de tensions, plus ou moins aigus et plus ou moins longs. Le dernier en date est survenu il y a trois semaines, quand les terroristes du Hamas et du Djihad islamique ont attaqué le peuple israélien. Il s’agit d’une « séquence nouvelle d’un conflit qui ne s’est pas éteint », pour reprendre les mots du politologue Bertrand Badie.

Mais ces événements sont inédits par la nature de leur violence. Depuis plusieurs semaines, nous sommes les témoins de nouvelles images d’une barbarie sans précédent. Nous sommes nombreux à exprimer notre colère, notre bouleversement, face à la tragédie qui se déroule sous nos yeux. Les mots ne seront jamais assez forts pour dénoncer ces atrocités.

Le groupe RDPI soutient le peuple israélien et condamne sans détour, avec la plus grande fermeté, ces attaques terroristes. Nous ne le martèlerons jamais assez : rien ne justifie le terrorisme, nulle part, jamais ! C’est une évidence, sauf pour certains…

Pourtant, notre pays a été frappé de nombreuses fois par le terrorisme et l’obscurantisme. Cela a encore été le cas récemment, avec l’assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras.

La présence du Président de la République en Israël aujourd’hui est un témoignage du soutien entier et sincère que la France apporte à Israël. Ce soutien prend racine dans l’amitié profonde et ancienne qui lie notre Nation au peuple israélien.

Nous avons également une pensée pour le peuple palestinien, qui est pris en étau entre les terroristes du Hamas et l’armée israélienne.

Madame la Première ministre, vous avez raison : les Palestiniens ne sont pas le Hamas, le Hamas n’est pas le peuple palestinien.

En juin 2022, je me suis rendue en Israël, à Gaza et en Cisjordanie avec d’autres membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, alors présidée par M. Cambon, que je salue. Cette mission avait pour thème l’avenir du processus de paix au Proche-Orient. À cette occasion, nous avons ressenti une très forte tension, à Gaza comme à Hébron, et perçu le danger que représentait l’absence de perspectives.

Dans son rapport d’information, où figurent douze recommandations, la délégation a estimé que la solution à deux États restait la seule voie acceptable et crédible, à condition de redonner un horizon politique et un agenda au processus de paix. C’est la seule voie à même de répondre aux aspirations légitimes des Israéliens et des Palestiniens à la sécurité, à l’indépendance, à la reconnaissance et à la dignité.

Malheureusement, un an plus tard, la situation, de plus en plus dégradée, a fini par s’embraser. Nous l’avions pressenti.

Aujourd’hui, le Hamas et le Djihad islamique anéantissent les espoirs et les aspirations légitimes de ces deux peuples à vivre en paix. Les terroristes balaient tous les efforts menés pour bâtir une paix durable ; ils ne sèment que la désolation et la mort. Le Hamas doit être éradiqué !

Le terrorisme n’a pas de frontières. Notre pays se trouve une nouvelle fois endeuillé. Le bilan est lourd pour nos compatriotes. Nous retenons notre souffle, dans l’espoir que les Français portés disparus soient retrouvés sains et saufs.

Le Président de la République a adressé depuis Israël un message fort aux Français victimes de ce conflit, ainsi qu’à leurs familles. Depuis trois semaines, les civils retenus dans les zones de conflit sont en proie à de nombreux périls : les dangers mortels de la guerre, le manque de nourriture, ou encore la pénurie de médicaments. Il faut éviter une nouvelle dégradation de la situation humanitaire.

Madame la Première ministre, comme vous l’avez rappelé hier à l’Assemblée nationale, la porte de Rafah doit être ouverte en permanence, tous les jours, pour permettre aux habitants de la bande de Gaza de recevoir l’aide humanitaire internationale. D’ailleurs, celle-ci doit être renforcée, en suivant l’exemple de la France, qui augmente de 10 millions d’euros l’aide qu’elle verse pour les Gazaouis.

Nous n’assistons pas aujourd’hui à une guerre conventionnelle ; il ne s’agit pas d’un conflit opposant deux armées régulières. Israël a le droit de se défendre contre ces attaques terroristes. Toutefois sa riposte ne peut être menée que dans le respect des obligations du droit international, notamment humanitaire. Le respect du droit est le devoir des démocraties.

À l’heure où le Hezbollah libanais et l’Iran menacent d’ouvrir un second front au nord de l’État hébreu, nous devons tout mettre en œuvre pour favoriser une désescalade de la violence au Proche-Orient. C’est l’un des buts de la présence du Président de la République en Israël.

La situation géopolitique actuelle du Proche-Orient ne se limite pas aux territoires palestiniens et israéliens, sur lesquels le monde entier a les yeux rivés. L’Iran a menacé de mener une action préventive contre Israël. Des menaces ont également été proférées à l’encontre de soldats américains. Ce contexte nous laisse craindre la multiplication des foyers de conflits et de guerres dans tout le Proche-Orient, voire au-delà. Il faut éviter un embrasement général !

Madame la Première ministre, vous avez affirmé dans cet hémicycle que la France est un artisan de la paix. Comme vous, avec vous, nous sommes convaincus que la France assume un rôle important, aux côtés de ses alliés, pour mettre fin à ce conflit. Les déclarations faites aujourd’hui par le Président de la République en témoignent.

Comme l’a rappelé notre ministre de l’Europe et des affaires étrangères lors du sommet du Caire pour la paix, qui s’est tenu samedi dernier, la solution à deux États est la seule solution viable. Elle seule permettrait aux peuples israélien et palestinien de vivre dans un climat de paix et de sécurité.

Madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui nous unir derrière la barrière commune de la paix. Nous devons rappeler au monde entier que le seul combat qui doit être mené est le combat pour la paix.

« La paix est une création continue », disait le Président Raymond Poincaré ; continuons donc d’en être les artisans ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, rien ne justifie l’horreur du samedi 7 octobre 2023. À l’heure où le soleil se lève, la barbarie s’est déchaînée sur Israël. Cette barbarie est le fruit de la volonté du Hamas, qui a revendiqué ces actes de terrorisme islamique.

Ces morts, ces blessés, ces otages, c’étaient des enfants, des femmes, des hommes. Ils ne demandaient qu’à vivre. Ils ont été sauvagement exécutés, violentés, blessés, meurtris à jamais, ou pris en otage.

En ce 7 octobre on fêtait Sim’hat Torah, c’est-à-dire « la joie de la Torah ». Mais le vacarme des actes terroristes a fait taire pour longtemps l’expression de la joie.

Les revendications du Hamas sont claires : tuer du Juif ! Elles nous renvoient à un antisémitisme assumé, multiséculaire au Proche-Orient comme partout dans le monde.

La douleur du peuple israélien est profonde ; nous nous y associons.

Depuis ce samedi 7 octobre, l’engrenage de la violence s’amplifie heure par heure. Nous ne pouvons accepter que l’État d’Israël, que le gouvernement de M. Netanyahou passe du droit de se défendre au droit de se venger.

Je fais miens les mots de Dominique de Villepin, qui rappelait, il y a bientôt quinze jours, que « le droit à la légitime défense n’est pas un droit à une vengeance indiscriminée ».

Un mort est un mort, quelle que soit son ethnie ou sa croyance. Nous refuserons toujours de les trier, de les opposer.

La situation de Gaza n’est ni acceptable ni soutenable : 1 million de personnes ont été déplacées, des missiles sont tirés quasiment en continu, faisant jour après jour des centaines de morts supplémentaires.

Cette situation n’est ni acceptable ni soutenable pour la population gazaouie, qui est aujourd’hui privée des biens indispensables à l’homme. Près de 2 millions de personnes sont privées d’eau potable, obligeant une partie d’entre elles à boire de l’eau de mer, nocive pour leur santé. À cela s’ajoute le manque de nourriture, de carburant et d’électricité. Toutes les organisations le disent : il est indispensable de faire entrer chaque jour à Gaza plusieurs centaines de camions d’aide humanitaire pour assurer la survie des 2 millions d’habitants, bien loin des vingt camions autorisés à circuler actuellement.

Ensuite, cette situation n’est ni acceptable ni soutenable pour le peuple israélien lui-même, car l’appauvrissement et les conditions de survie imposés aux habitants de Gaza sont – nous le savons tous – l’un des terreaux des organisations terroristes islamiques et de la radicalisation à venir d’une partie de la population.

Enfin, cette situation n’est ni acceptable ni soutenable pour la communauté internationale : c’est l’avenir de la sécurité au Proche-Orient et dans le monde qui se joue en ce moment pour plusieurs décennies.

Oui, nous devons combattre la guerre qui se déroule sous nos yeux.

La France doit faire entendre sa voix dans les arènes diplomatiques ; elle doit surtout jouer un rôle indispensable pour faire cesser cette guerre.

On ne peut pas dire : « oui, mais », comme nous l’entendons depuis plusieurs jours. Ce qui s’impose, c’est le respect du droit international et des différentes résolutions de l’ONU, qui requièrent que l’on crée deux États, mais aussi que l’on mette fin à l’occupation et à la colonisation. Ce respect est l’une des conditions fondamentales de la paix.

Cette volonté de paix s’est incarnée dans la remise conjointe, en 1994, du prix Nobel de la paix à Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin. Ce dernier le paya de sa vie, l’année suivante, exécuté par l’extrême droite israélienne qui ne voulait pas de la paix.

Oui, aujourd’hui, des actes forts doivent être pris par la France.

Nous saluons le déplacement du Président de la République Emmanuel Macron en Israël et en Cisjordanie. Si le « mais » nous sépare, le « et » nous rassemble.

Nous avons toutefois été surpris, madame la Première ministre, par les propos qu’a tenus le Président aujourd’hui, lesquels laissent croire à un nouvel engagement militaire de la France dans le cadre d’une extension du champ d’intervention de la coalition internationale contre Daech. Si cela devait se confirmer, un débat et un vote au Parlement seraient indispensables.

Nous devons aller au-delà de ces propos, de ce déplacement.

Ainsi, la France doit être à l’origine d’une nouvelle résolution de l’ONU, exigeant un cessez-le-feu et le respect des résolutions précédentes.

La France doit pouvoir redire à l’État israélien que la libération de Marwan Barghouti est nécessaire. Nombreux sont ceux qui le reconnaissent, en Israël ou en Palestine, comme l’un de ceux qui peuvent devenir des hommes de dialogue entre Israéliens et Palestiniens.

Enfin et surtout, la France doit, au-delà des mots, s’attaquer réellement au Hamas. Je le redis, le Hamas ne peut pas représenter, pour les progressistes que nous sommes, l’avenir du peuple palestinien : la barbarie du 7 octobre dernier le démontre aux yeux du monde entier. Ses liens avec le Djihad islamique et d’autres organisations le placent factuellement dans le camp des ennemis de la liberté.

Ces dernières années, peu nombreuses ont été les voix à s’élever pour dénoncer ses agissements ou pour renforcer le contrôle de l’utilisation des aides internationales et européennes à destination du peuple palestinien.

C’est dans un silence assourdissant que le Hamas a assis sa domination sur Gaza au cours de ces dernières années, affaiblissant par là même le poids de l’Autorité palestinienne.

Alors, soyons fermes en tout point, et reconnaissons que ce n’est pas la destruction de Gaza qui affaiblira le Hamas : ses principaux dirigeants sont actuellement au Qatar ! Du reste, si nous voulons réellement agir, alors cessons nos relations diplomatiques avec ce pays et invitons les autres pays à en faire de même, pour véritablement nous attaquer à cette organisation, qui a replongé le monde dans un temps que nous pensions révolu !

Oui, les auteurs et les instigateurs de ces attentats devront être traduits devant les juridictions internationales et jugés par celles-ci.

Madame la Première ministre, je le redis, nous demandons avec force et détermination un cessez-le-feu immédiat.

Le cessez-le-feu que nous exigeons, et en faveur duquel nous vous demandons d’agir, n’est pas le maintien de la situation actuelle. Il doit mettre fin aux massacres de civils et permettre de libérer tous les otages et de construire la sécurité indispensable à tous les peuples du Proche-Orient.

Nous savons tous ici que, sans cessez-le-feu immédiat, c’est malheureusement l’embrasement de tout Proche-Orient qui se prépare, très certainement. Personne ne domine la guerre et personne ne sait au profit de qui elle se termine.

Madame la Première ministre, la France n’est pas seule ; elle est attendue par de nombreux habitants d’Israël et de Palestine, qui veulent simplement, légitimement, vivre en paix, pouvoir sortir, écouter de la musique, voir grandir leurs enfants.

Je veux saluer ici les habitants de Haïfa, de Nazareth et d’ailleurs qui se regroupent au-delà de leurs origines pour assurer que leur ville, leur territoire ne sombrent pas dans des affrontements entre communautés, qui seraient mortifères pour leurs habitants.

Depuis cette tribune du Sénat de la République française, je veux dire aux enfants d’Israël et de Palestine que nous ne les oublions pas.

Nous serons toujours dans le camp de ceux qui veulent agir pour leur permettre de vivre et de grandir heureux, afin qu’ils voient chaque jour le soleil se lever.

Jean Jaurès déclarait avec force que « l’affirmation de la paix est le plus grand des combats ». Mon groupe et moi-même souhaitons qu’il devienne notre combat à tous. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne puis commencer cette intervention sans condamner, comme tous ceux qui m’ont précédé, l’effroyable massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre dernier ; sans dénoncer ceux qui, chez nous, refusent de le condamner ; sans exprimer notre compassion et notre solidarité envers ses victimes ; enfin, sans avoir une pensée particulière pour nos compatriotes assassinés et pour ceux qui sont aujourd’hui retenus en otages.

Mais quelle que soit notre colère et quelle que soit notre douleur, nous avons le devoir de comprendre pour agir.

Il y aura un avant et un après le 7 octobre 2023, comme il y a eu un avant et un après le 11 septembre 2001 et un avant et un après le 24 février 2022.

Touche par touche, le visage du monde actuel se dessine. Le XXe siècle a vu la lutte à mort des démocraties contre les totalitarismes, que nous avions cru avoir gagnée à jamais le jour de la chute du mur de Berlin.

Le 11 septembre 2001 a révélé comme un coup de tonnerre que les démocraties, jusqu’à la plus puissante, étaient vulnérables.

Le 24 février 2022 a vu se reformer l’internationale des dictateurs contre le monde libre : Russie, Chine, Corée du Nord et Iran se sont alliés dans la guerre contre l’Ukraine, contre l’Europe et l’ordre du monde libéral.

Le 7 octobre 2023 a vu les mêmes quatre cavaliers de l’Apocalypse des dictatures se montrer solidaires dans le refus de dénoncer le terrorisme islamiste. Ce jour a aussi vu le reste du monde ne plus choisir son camp, contrairement au siècle précédent, mais se déterminer au gré de ses intérêts. Le monde bipolaire du XXe siècle a vécu, le monde unipolaire des trente dernières années aussi ; celui d’aujourd’hui voit se recréer l’affrontement des démocraties et des dictatures, mais dans un univers multipolaire où rien n’est joué d’avance. Dans ce monde nouveau, il ne faut pas se le cacher, les démocraties ont perdu beaucoup de terrain en trente ans.

Mais la partie est loin d’être terminée. Et il faut d’abord tordre le cou à une propagande mensongère, qui fait florès grâce à la simplicité de son slogan et à la sous-intelligentsia des pseudo-experts : non, le Sud global n’existe pas.

Loin d’être global, ce prétendu Sud est parfaitement divisé. Une dizaine de pays africains, huit pays d’Amérique latine et surtout l’Inde, qui représente un sixième de l’humanité, ont partagé les condamnations des Occidentaux contre le Hamas.

Beaucoup d’autres n’ont pas pris position, parce qu’ils pensent que cette guerre n’est pas la leur, ou parce qu’ils craignent la fin de la sécurité de leur approvisionnement pétrolier. Ce Sud global allié aux dictateurs est le rêve de l’internationale des tyrans, comme le mouvement des non-alignés était la marionnette de l’URSS ; mais ce n’est aujourd’hui qu’un rêve. Notre responsabilité historique est de faire en sorte qu’il ne devienne pas réalité ; autrement, le XXIe siècle se transformerait en cauchemar.

On peut disserter sans fin des raisons qui ont poussé le Hamas à cet effroyable massacre. Elles sont nombreuses, mais il en est une qui domine toutes les autres : la volonté d’anéantir les accords d’Abraham. Et si les mains qui ont égorgé les enfants israéliens viennent de Gaza, le cerveau qui a conçu ce plan atroce et machiavélique est à Téhéran.

La première des réactions internationales a été celle de Joe Biden ; il faut l’en créditer. Il n’a pas hésité à traverser deux fois l’Atlantique en vingt-quatre heures pour s’entretenir en tête-à-tête avec ses alliés israéliens et tenter, sans succès pour l’heure, de rencontrer les dirigeants arabes modérés.

Seules quelques phrases en langue de bois figuraient dans le communiqué publié après sa rencontre avec le Premier ministre israélien, mais il n’est pas besoin d’être spécialiste de géopolitique pour savoir ce qu’a vraiment dit le président des États-Unis : « Le 11 septembre 2001 a été pour le peuple américain le même choc que le 7 octobre pour le peuple israélien. La colère et la soif de vengeance nous ont conduits à deux erreurs majeures : l’invasion de l’Afghanistan, dont nous sommes repartis vingt ans plus tard aussi humiliés qu’au Vietnam, et l’invasion de l’Irak, qui a embrasé tout le Moyen-Orient et a eu comme conséquence le pire qui pouvait arriver : la création de Daech. C’est exactement ce que souhaitait Ben Laden. Nous continuerons inlassablement de vous aider à assurer l’existence et la sécurité d’Israël, mais ne commettez pas la même erreur ! »

Ce conseil, au lendemain même des attentats abominables du Hamas, qui ne peuvent conduire qu’à un désir de vengeance indiscriminée, était sans doute l’un des plus difficiles que Joe Biden ait donnés de toute sa vie. Les alliés indéfectibles d’Israël que sont les Américains étaient sans doute les mieux placés pour le donner. Mais c’est aussi le seul conseil qui puisse demain faire échouer le plan du Hamas et de l’Iran, en tentant de sauver les accords d’Abraham. Les Européens l’ont relayé ; c’est aujourd’hui le Président français qui délivre le même message.

La nature de la riposte de Tsahal montrera si ces conseils ont porté leurs fruits, si Israël parviendra à distinguer la population palestinienne des terroristes qui la prennent en otage depuis vingt ans, et s’il parviendra, dans ce monde où seules les images comptent, à montrer au monde qu’il le fait. Ce sera effroyablement difficile.

Ne parlons même pas de la situation des otages et du risque de guerre au Nord, avec le Hezbollah et, pire, avec l’Iran.

Il faudra ensuite répondre à une question essentielle : quelles sont les options à moyen terme ? Aucune ne semble pour l’heure crédible. L’occupation est impossible dans la durée, le maintien du Hamas au pouvoir est inacceptable, son remplacement par son rival, le Fatah, est intenable, une force d’interposition arabe est inenvisageable et un gouvernement fantoche est inimaginable.

Une guerre totale contre le peuple palestinien et non pas uniquement contre le Hamas, outre qu’elle serait contraire au droit humanitaire, ruinerait la détente amorcée par Israël depuis les accords d’Abraham avec ses voisins – Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et, potentiellement, l’Arabie saoudite.

Cette détente est le seul espoir d’un Moyen-Orient apaisé et concentré sur son développement économique plutôt que sur l’affrontement des idéologies et les guerres de religion.

Elle vient de subir un coup terrible, et l’échec du sommet pour la paix qui vient d’avoir lieu au Caire entre États arabes et européens n’incite pas à l’optimisme.

À long terme, la seule façon d’éradiquer le terrorisme islamiste est, pour Israël et ses partenaires arabes, de trouver le chemin de la stabilité et, un jour, de la paix. Parvenir à une coexistence pacifiée avec ses voisins est pour Israël non pas un choix, mais une obligation. Cela suppose de résoudre enfin le problème laissé sans réponse depuis toutes ces années : comment réussir la cohabitation de deux peuples qui vivent sur cette même partie du monde et qui y resteront ?

Les accords d’Abraham avaient commencé d’établir une pierre à cet édifice de paix. La prise en compte de l’avenir des Palestiniens, qui constituaient la tache aveugle de ces accords, doit les compléter, si l’on veut que le Moyen-Orient ne reparte pas pour vingt ou trente ans de guerre, analogues aux soixante-quinze ans qui se sont écoulés depuis 1947.

Les massacres du 7 octobre semblent nous éloigner pour longtemps d’une telle réponse, mais l’histoire est faite de surprises. Et le vertige d’un nouvel embrasement dont les conséquences seraient dramatiques peut, sans doute, faire retrouver le chemin de la raison. C’est à cette très fragile espérance que notre pays doit se raccrocher. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SER, UC et Les Républicains.)