compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Catherine Conconne.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

déplacement du président de la république en israël

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonneau. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos pensées volent vers l’Orient ensanglanté par les terroristes du Hamas, nourris par la haine, la barbarie et les actes génocidaires.

Depuis 2007, la bande de Gaza est sous la coupe de ce mouvement islamiste qui veut détruire l’État d’Israël. Ses habitants subissent depuis le 7 octobre dernier, à la fois un blocus et des frappes qui font de nombreuses victimes civiles prisonnières des caciques du mouvement. Comment recréer l’espoir d’un monde meilleur chez toute une jeunesse palestinienne, rongée par la corruption d’une partie de ses élites et dont l’horizon se heurte aux murs de l’indifférence ?

La solution à deux États, position exprimée avec constance par la France, paraît dépassée à l’époque où la Cisjordanie est devenue un immense gruyère du fait de la colonisation massive.

À l’heure où le Président de la République veut non seulement soutenir la population et la démocratie israélienne traumatisée et fragilisée par une crise institutionnelle, mais aussi desserrer l’étau mortifère sur Gaza, des questions se posent.

En particulier, l’idée d’une large coalition contre le Hamas interroge. De quelle nature serait-elle ? Avec qui ? Avec quels moyens ? La constituer ne suppose-t-il pas d’intégrer le Hamas à la résolution déjà votée par les Nations unies contre l’État islamique ? L’ONU voterait-elle cette résolution ?

Surtout, comment une telle coalition pourrait-elle protéger l’État d’Israël de ses voisins hostiles et éviter l’embrasement, pour créer à terme les conditions d’un retour à la paix ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Monsieur le sénateur François Bonneau, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui est sur le chemin du retour après une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies à New York.

Le Président de la République l’a rappelé, nous exprimons notre solidarité et notre émotion après la terrible épreuve que le peuple d’Israël a subie le 7 octobre dernier, une attaque terroriste sans précédent dans l’histoire de ce pays.

Le Président de la République a tenu à rencontrer les familles des victimes et des disparus français. En effet, trente de nos compatriotes sont décédés et neuf manquent encore à l’appel. La libération de tous les otages, parmi lesquels on compte au moins une Française, est une priorité.

Israël a bien évidemment le droit de se défendre face à un groupe terroriste qui a pour objet sa destruction. Dans le combat contre le terrorisme, les démocraties doivent être unies et solidaires, et c’est d’ailleurs pour cette raison que le Président de la République a évoqué l’idée d’une coalition internationale, à l’instar de celle qui existe pour lutter contre Daech.

Je le rappelle, une coalition internationale concerne non seulement des actions de terrain, mais aussi des échanges d’informations dans le cadre du renseignement, ainsi que la lutte contre le financement du terrorisme et le djihadisme en ligne. Tous ces sujets peuvent faire l’objet d’un travail au sein d’une coalition.

Le Président de la République a aussi rappelé que toutes les actions devaient être menées dans le respect du droit international, du droit de la guerre et du droit humanitaire.

La France soutient les populations palestiniennes, en apportant une aide à hauteur de 20 millions d’euros.

Elle soutient également – je vous remercie de l’avoir rappelé – la solution à deux États, qui est la seule permettant durablement d’imaginer deux peuples vivant côte à côte, en paix et en sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.

M. François Bonneau. Monsieur le ministre, sans réponse claire à ces questions, l’écho des pleurs et des lamentations hantera longtemps nos consciences. Il est urgent d’agir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

projet d’autoroute A69

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre Clément Beaune, resterez-vous sourd aux appels à arrêter le projet d’autoroute A69 entre Toulouse et Castres ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous annoncez depuis des mois que plusieurs projets routiers seront arrêtés parce que, à l’heure de la planification écologique, on ne peut plus faire comme avant : c’est vous qui le dites, et vous avez raison ! Alors, comment pouvez-vous refuser de remettre en cause l’A69, ce projet autoroutier daté, typique d’un temps révolu où étaient clairement sous-estimés les enjeux écologiques ?

Votre ministère délégué est rattaché à celui de la transition écologique, pour lequel le Conseil national de la protection de la nature est chargé de l’expertise sur la biodiversité. Or ce dernier a émis un avis défavorable sur ce projet autoroutier.

L’autorité environnementale compétente pour ce projet a aussi rendu son avis : elle a jugé ce projet anachronique, car reposant sur des données obsolètes. (Brouhaha à droite.) Par ailleurs, au moins 1 500 scientifiques, certains comptant parmi les plus respectés à l’échelle internationale sur le climat, vous disent que l’A69 est l’un de ces projets auxquels il faut renoncer.

Monsieur le ministre, que vous faut-il de plus ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Ils ne savent même pas où c’est !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Jacques Fernique, vous connaissez bien ce dossier. Nous avons échangé ensemble en toute honnêteté à de nombreuses reprises sur plusieurs sujets, et je connais votre honnêteté intellectuelle. Mais peut-on rester sourd aux besoins des habitants du Tarn ?

Peut-on rester sourd à la parole de la grande majorité des élus de ce département et de l’ensemble du tracé de l’autoroute A69, qui attendent et réclament cette autoroute depuis de nombreuses années, voire des décennies ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Peut-on rester sourd, quand on est un républicain comme vous l’êtes, Monsieur Fernique, à l’impatience des élus de plusieurs sensibilités politiques – Mme Carole Delga et M. Christophe Ramond, du parti socialiste, le maire de Castres, du parti Les Républicains –, que le préfet du Tarn a réunis à ma demande voilà quelques jours ? J’ai même entendu des écologistes, qui font partie de la majorité régionale de Mme Delga, dire qu’il ne s’agissait pas d’un motif de rupture avec cette dernière. C’est donc le signe que l’on peut discuter, même si leur opinion est connue sur ce sujet.

Peut-on rester sourd à tout cela quand, dans une démocratie, on est chargé, comme moi, de faire respecter la décision publique, qui m’importe tout comme elle vous importe ?

Il y a eu 500 réunions publiques, et les élus, dans leur immense majorité, ont confirmé leurs attentes et leurs avis, présentés lors des procédures juridiques que vous avez évoquées. Tous les recours – une dizaine –, et encore un référé voilà quelques jours, ont été écartés par le juge.

Nous sommes dans une démocratie et dans un État de droit : tout le monde a le droit d’avoir une opinion, et la vôtre est respectable ; on peut même manifester pour défendre son opinion.

Mais il y a deux choses qu’on ne peut pas faire. Premièrement, céder à la violence : à cet égard, j’aimerais que vous condamniez les débordements et les violences graves qui ont eu lieu samedi dernier, dans le Tarn, face à nos forces de l’ordre, aux agents de l’État, au service public. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – MM. Hussein Bourgi et Rachid Temal applaudissent également.)

M. François Bonhomme. Et Notre-Dame-des-Landes ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Deuxièmement, un républicain et un démocrate – et vous l’êtes – ne peut pas accepter qu’une minorité dicte sa loi à la majorité qui a affirmé et répété sa position. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

M. Jacques Fernique. Que ce soit bien clair, monsieur le ministre, mon groupe déplore, réprouve et condamne ces actes de violence, qui ne sont pas tolérables. Je vous en prie, ne les laissons pas nous empêcher d’être à la hauteur du débat de fond !

Certes, il y a la légitimité d’élus qui ont porté ce vieux projet depuis longtemps. Bien sûr, il y a l’État de droit. Mais il y a aussi l’état d’urgence pour le climat et la biodiversité, la légitimité des générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Exclamations ironiques à droite.)

Admettre que l’on a pu se fourvoyer, se tromper, fait l’excellence de la démocratie. Il n’est pas trop tard pour être à la hauteur de celle-ci ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

assurance des collectivités

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Saïd Omar Oili applaudit également.)

M. Laurent Somon. Madame la ministre, les maires et les élus locaux expriment de plus en plus un sentiment de lassitude, voire de désespoir, avec pour corollaire un nombre important de démissions. Selon eux, tout devient trop compliqué, trop difficile, et ils sont amputés des moyens que nécessiteraient leurs compétences, lesquelles elles-mêmes se réduisent. « Tout ce qui, hier, était simple devient inaccessible ! », disent-ils.

La liste des difficultés qu’ils rencontrent est longue, mais un nouvel obstacle surgit, avec prégnance, lorsqu’il s’agit de contracter une assurance susceptible de les protéger. Face à la hausse de la sinistralité, les primes d’assurances et les cotisations flambent.

En Meurthe-et-Moselle, Laxou, commune de 15 000 habitants ayant souffert des émeutes de juin, reçoit, sans contact préalable, un courrier de résiliation pure et simple dès le 1er janvier 2024.

Dans le Nord, à Mont d’Halluin, un maire dont la commune est reconnue en état de catastrophe naturelle peine encore, des années plus tard, à obtenir réparation.

Le maire d’Arcueil reçoit, bien que sa commune ne fasse pas partie des villes franciliennes les plus touchées par les émeutes, un avenant faisant passer de 1 500 euros à 2 millions d’euros la franchise à acquitter par la collectivité en cas de dommage !

Alors que les risques se multiplient – émeutes, saccages, inondations, retrait-gonflement des argiles et autres risques climatiques –, des communes, notamment dans la Somme, se retrouvent démunies pour protéger leurs biens. Lorsqu’elles recherchent une assurance susceptible de les protéger, les compagnies – peu nombreuses, et dont le nombre ne cesse de se réduire – leur font faux bond, ne répondent pas aux appels d’offres et affichent des tarifs prohibitifs.

Certaines communes se retrouvent sans assurance et seules face au risque. En effet, sans assurance, elles ne peuvent bénéficier du régime de catastrophe naturelle. On imagine les conséquences financières en cas de sinistre grave…

Face à cette situation, Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre à l’avenir pour que toutes les collectivités puissent s’assurer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison, de nombreuses collectivités rencontrent de plus en plus de difficultés à s’assurer, pour tout ou partie de leurs biens et de leurs activités. C’est un problème, surtout pour celles qui n’ont pas les moyens de s’autoassurer et de payer les dégâts en cas de sinistre.

Les assureurs sont des entreprises, avec leur modèle économique et leurs contraintes. S’il ne répond pas à un appel d’offres ou s’il résilie un contrat, l’assureur le fait sur la base d’une analyse économique que l’on ne peut pas lui reprocher de faire. C’est généralement lié au fait que le taux de sinistralité de la collectivité est élevé et s’est dégradé.

J’ai récemment reçu la Smacl, un assureur important des collectivités : elle a dû faire face cette année, à la suite des émeutes, à 46 millions d’euros de dégâts au lieu de 4 millions d’euros en temps normal. Heureusement, la Maif a abondé son capital à hauteur de 100 millions d’euros. (M. Fabien Genet sexclame.)

Le sujet est complexe. Il est urgent, dans une première étape, de créer le dialogue. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Didier Marie ironise.)

Nous avons obtenu en septembre la mise en place d’une médiation de l’assurance, qui est déjà à l’œuvre sur certains dossiers liés aux émeutes. Elle nous a permis, dans certains cas, comme celui de la commune de Mont-Saint-Martin où je me suis rendue la semaine dernière, d’obtenir le report de certaines résiliations et d’esquisser des solutions.

Il nous faudra ensuite mettre des solutions sur la table, comme vous l’appelez de vos vœux. Comment les assureurs pourront-ils trouver leur équilibre sur un marché où la sinistralité, comme vous l’avez dit, explose à cause des catastrophes naturelles ?

Par ailleurs, je me suis saisie de nombreux petits sujets opérationnels, sur lesquels il convient de travailler afin de développer la prévention bâtimentaire et de diminuer cette sinistralité. Pour ce faire, nous avons, avec Bruno Le Maire, demandé un rapport (Exclamations ironiques sur de nombreuses travées.)

M. Mickaël Vallet. Un observatoire !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … aux inspections générales et à deux personnalités qualifiées, Alain Chrétien, maire de Vesoul, que je salue, et Jean-Yves Dagès, ancien président de la Fédération nationale Groupama.

Nous aurons le résultat de ce travail d’ici à février prochain, et je viendrai vous le présenter en priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.

M. Laurent Somon. Cette situation, difficilement acceptable par les maires, contribue à leur découragement dans l’exercice de leurs fonctions.

Déjà, en 2019, notre collègue Sylviane Noël interrogeait le Gouvernement sur cet état de fait. Rien n’a évolué ! Les maires, notamment ceux des plus petites communes, attendent un réel soutien de l’État. Sinon, ils n’auront d’autre choix que d’abandonner.

J’aurais pu citer d’autres communes ayant subi les mêmes constats de désassurance, comme Saint-Brieuc ou Saint-Omer. Ne leur restera-t-il qu’à se vouer aux saints pour se protéger ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

question de l’eau à mayotte

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, la population mahoraise souffre depuis plusieurs mois d’une crise majeure de l’eau, dans un territoire où déjà plus de 100 000 habitants, selon l’Insee, n’ont pas l’eau courante.

J’ai pu mesurer concrètement la semaine dernière, sur le terrain, les premières mesures que le Gouvernement a mises en place et qu’il faudra amplifier en 2024, car la crise est loin de se terminer.

Je veux dire solennellement qu’en période de crise majeure tous les acteurs doivent « tirer dans le même sens ». J’ai pu constater la forte mobilisation des mairies et des centres communaux d’action sociale (CCAS), mais aussi des fonctionnaires de l’État, parmi lesquels les militaires de la sécurité civile.

En période de crise, on doit se serrer les coudes, loin des querelles de chapelle et des ego de chacun.

Pour illustrer mon propos, je rappellerai que les élus de Mayotte, en sortant de leur rencontre avec le Président de la République vendredi dernier, lui ont adressé un courrier commun : nous demandons que de véritables efforts soient faits en faveur des infrastructures de notre territoire, qui souffre d’un retard important s’accompagnant d’une démographie en forte hausse, la plus importante de la République.

Monsieur le ministre, quels investissements le Gouvernement prévoit-il pour sortir de cette crise structurelle de l’eau, avec quelles échéances et quels moyens financiers ?

Pouvez-vous rassurer les collectivités locales, qui s’inquiètent de certaines rumeurs évoquant une reprise en main par l’État de leurs compétences dans le domaine de l’eau ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Saïd Omar Oili, je vous prie d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur et des outre-mer ainsi que du ministre délégué chargé des outre-mer. Toutefois, vous le savez, Gérald Darmanin se rendra le 1er novembre prochain à Mayotte, et Philippe Vigier y était le 27 septembre dernier.

Je veux associer à mon propos le ministre de la santé et de la prévention, Aurélien Rousseau, et la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, qui sont également très engagés sur cette question.

Comment en sommes-nous arrivés là ? La situation actuelle est liée à trois facteurs.

Le premier est un déficit pluviométrique, auquel nous devons nous habituer, et qui est la conséquence d’un dérèglement climatique qui s’accentue.

Le deuxième est un afflux de population. Sur ce point, vous avez utilisé des mots qui sont en deçà de la réalité. Les infrastructures d’eau potable de Mayotte n’ont pas été prévues pour un nombre de personnes en situation irrégulière comparable à celui que nous constatons.

Le troisième facteur est un manque de célérité de la part des autorités responsables dans la conduite des travaux, malgré les moyens existants, et ce depuis 2017.

Que faisons-nous face à la crise, face à l’urgence, et pour la pérennité ?

Face à la crise, nous avons mis en place une cellule interministérielle pilotée par la Première ministre, et organisé des distributions de bouteilles d’eau. Je n’insiste pas sur ces points.

Face à l’urgence, nous devons lancer quantité de travaux avant l’été prochain, et nous nous y attelons d’ores et déjà.

Pour la pérennité, nous mettons en place un plan 2024-2027 à hauteur de 400 millions d’euros, comprenant des usines de dessalement, des forages, d’éventuelles retenues collinaires et la réutilisation d’eaux usées. Tous les moyens seront mis en œuvre, tant l’ampleur des travaux nécessaires est importante, avec des taux de fuite oscillant entre 20 % et 35 % sur une partie des réseaux.

Quelle gouvernance mettons-nous en place ?

Monsieur le sénateur, la compétence eau relève des collectivités territoriales. Mais la vérité oblige à dire que tout ce qui aurait dû être fait au cours des dernières années ne l’a pas été.

Il n’y a pas de tabou. Nous n’avons pas décidé une renationalisation, mais nous considérons que nous ne pourrons pas faire face à la crise que nous connaissons sans un appui exceptionnel de l’État. Je pense à cet égard aux sept agents dédiés de mon ministère, ainsi qu’aux moyens du ministère de la santé et de celui des outre-mer. Au-delà, nous devrons nous demander quel est le bon niveau de soutien et d’accompagnement de l’État aux collectivités territoriales. Merci pour votre engagement ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

maladie hémorragique épizootique

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre de l’agriculture, depuis début septembre, les cheptels bovins du Grand Sud-Ouest sont atteints d’une maladie virale à forte contagiosité, la maladie hémorragique épizootique (MHE), transmise par un moucheron du type culicoïde.

Les premières études engagées pour consolider nos données sur la mortalité de cette maladie fournissent des chiffres dans une fourchette allant de 0,3 % à 3 %. Nous notons également de nombreux avortements.

Dans une majorité des cas, la guérison survient au bout de quelques jours, en traitant avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens très coûteux.

Dans certains cheptels, plus de 50 % des animaux sont touchés. Les mesures de confinement mises en place dans un rayon de 150 kilomètres autour des foyers n’ont fait qu’aggraver les conséquences économiques de cette crise, puisque les éleveurs se sont vu interdire les marchés italien et espagnol.

Depuis la mi-octobre, ces marchés sont de nouveau autorisés, sous certaines conditions. Cependant l’épizootie progresse, en affectant très lourdement les finances de nos éleveurs.

Monsieur le ministre, nous devrons faire face, dans quelques semaines, à un problème national. Quelles mesures prophylactiques pourraient-elles être mises en place ?

Le Gouvernement a-t-il prévu des mesures financières compensatoires afin d’aider les acteurs de cette filière bovine déjà rudement éprouvée ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Pierre Médevielle, je veux tout d’abord vous remercier de poser cette question. Vous l’avez dit, nos éleveurs sont confrontés pour la première fois à ce virus MHE depuis son apparition avérée, le 19 septembre dernier, avec trois cas, dans les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées. La situation de crise s’aggrave, puisque 39 foyers étaient recensés le 29 septembre dernier, et 1 200 foyers au 20 octobre dernier.

Je veux d’abord adresser un message de solidarité aux éleveurs de ces départements. Je pense en particulier à ceux des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées, qui sont particulièrement touchés.

Notre priorité a été d’agir immédiatement sur les marchés et d’engager des discussions avec les principaux pays importateurs, notamment l’Italie et l’Espagne. À cet égard, je tiens à remercier publiquement mes homologues italien et espagnol. Nous avons en effet pu débloquer la situation en moins de quinze jours, via un certain nombre de mesures sanitaires de précaution que vous avez évoquées, notamment le confinement dans un rayon de 150 kilomètres, ce qui a permis de crédibiliser la démarche sanitaire de la France pour ce qui concerne cette maladie épizootique.

Au-delà de ces éléments essentiels qui ont permis de débloquer 95 % de l’export, nous devons poursuivre notre travail de diplomatie sanitaire avec d’autres pays.

J’en viens aux conséquences économiques, que nous voyons apparaître au fur et à mesure. Elles sont liées aux frais vétérinaires, aux pertes liées à la morbidité et à des déficits de production. Il nous faut encore évaluer avec précision ces pertes pour examiner les dispositifs que nous pourrions mobiliser.

En outre, depuis l’apparition de cette maladie, un comité de crise assure au quotidien le suivi de quarante fermes tests afin d’étudier les risques et l’impact sur les exploitations.

Dans les jours ou les semaines qui viennent, nous disposerons d’un certain nombre de résultats qui nous permettront de construire avec les professionnels les dispositifs dont ils auront besoin pour surmonter la crise.

Au-delà, cet épisode montre que nous avons besoin de repenser notre système sanitaire et son financement. Les MHE vont se multiplier, remontant du sud vers le nord, puisqu’il s’agit d’un effet du dérèglement climatique. Il s’agit là d’un travail de moyen et long terme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

M. Pierre Médevielle. Je vous remercie, monsieur le ministre, de prendre en compte cette situation urgente. Bien sûr, il est trop tôt pour évaluer ses conséquences financières, car elle évolue très rapidement. Et la crise ukrainienne nous a douloureusement rappelé notre besoin de souveraineté énergétique et, surtout, alimentaire.

La filière bovine est sujette à de nombreuses attaques, depuis trop longtemps. Les cheptels diminuent et les éleveurs souffrent. C’est un nouveau coup dur pour ce fleuron de notre agriculture. Je compte sur le Gouvernement pour aider cette filière et nos éleveurs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

expérimentation des territoires zéro chômeur