M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer la volonté des auteurs de cette proposition de loi. Celle-ci répond à un objectif que nous partageons et à une nécessité : le renforcement de la culture citoyenne.

La création d’un statut pour les étudiants élus ou encore le souci de vouloir ancrer dans notre temps le processus électoral en le modernisant constituent des avancées.

L’enseignement moral et civique doit en effet s’attacher à transmettre les valeurs et les principes de la République, qui fondent le pacte républicain. C’est une œuvre d’intégration républicaine et un devoir de l’institution scolaire vis-à-vis de chaque élève : il faut le dire, nous en avons grandement besoin.

Je pense à nos enseignants en général, et à nos professeurs d’histoire et de géographie en particulier, qui sont aujourd’hui en grande souffrance, jusque dans leurs classes…

Oui, il faut enseigner à notre jeunesse le sens profond de notre République, car c’est à cette condition - et seulement à cette condition - qu’elle s’engagera elle-même pour la valoriser et la défendre.

Mais, comme le disait si bien le grand Jaurès dans son discours de 1903 à la jeunesse : « L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir. »

Nous ne parviendrons pas à relever cet immense défi par quelques mesures symboliques, qui rappelleraient d’ailleurs, par quelques aspects, les heures glorieuses d’un passé où la journée scolaire commençait par la leçon de morale, écrite au tableau noir, et se clôturait parfois par une leçon d’instruction civique à apprendre par cœur.

Instituer la République, c’est proclamer que des millions d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action, qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre. Or cette proposition de loi apparaît moins ambitieuse, précisément sur cette question de la liberté pleinement assumée.

Sachons aussi nous rappeler que notre République n’est pas née de la transposition de ce que fut la République romaine ! Notre République est celle d’un grand peuple qui ne compte que des citoyens et où ceux-ci sont réputés égaux. Notre République issue de la Révolution est aussi celle de la démocratie et du suffrage universel. C’était d’ailleurs une nouveauté magnifique et émouvante. C’est de cette nouveauté magnifique et émouvante qu’il faut instruire notre jeunesse !

Non, nous ne préconisons pas de proposer à notre jeunesse un rêve décevant ou affaiblissant. Nous souhaitons simplement lui enseigner le rêve éveillé de notre République, en lui montrant qu’il faudrait la défendre contre toute menace et toute humiliation.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Gérard Lahellec. En votant cette proposition de loi, nous continuerons donc à nourrir cette grande ambition, qu’il convient d’enseigner et de faire partager à notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe RDSE vous présente aujourd’hui une proposition de loi visant à renforcer la culture citoyenne, c’est-à-dire le lien entre le citoyen et les institutions. Elle comporte six mesures d’ajustement législatives, qui se veulent pratiques et pragmatiques. Henri Cabanel, l’auteur de ce texte, vient de vous les présenter.

Voilà plusieurs années, voire des décennies, que nous inventons des dispositifs pour tenter de réaffirmer sans cesse ce qu’est la citoyenneté et l’appartenance à la République.

La France, pays des Lumières, mère patrie de la Révolution, pays des droits de l’homme et du citoyen, a porté au regard du monde des valeurs telles que la laïcité, l’égalité, la fraternité ou encore la liberté. Mais elle fait face aujourd’hui à un problème majeur : les héritiers de cette histoire, de ces combats, de ces victoires s’en détachent et méconnaissent totalement la valeur de cet héritage.

Le constat de la perte de connaissance, de compréhension de la construction de notre République et du fonctionnement de nos institutions, tout comme celui de la défiance envers la politique, n’est pas nouveau. Même la volonté de vivre ensemble et de faire nation est aussi en perte de vitesse.

La citoyenneté ne peut se construire qu’au quotidien et nous pouvons même dire que cette construction doit être continue au travers d’un parcours de vie. Mais encore faut-il en avoir les bases.

Il faut dire que nous ne nous facilitons pas la tâche. À une époque où la synthèse est privilégiée face à l’exhaustivité, nous avons, depuis des années, réussi à complexifier le contenu de nos apprentissages et la capacité d’accéder aux expériences citoyennes. C’est le cas des contenus de l’enseignement moral et civique ; celui-ci aborde de trop nombreux sujets en oubliant la priorité initiale : l’enseignement à la citoyenneté.

C’est aussi le cas pour la journée défense et citoyenneté. Pour rappel, c’est l’ex-journée d’appel, qui visait à remplacer le service militaire. Dans le contexte géopolitique complexe que nous connaissons aujourd’hui, il n’est pas normal que la part consacrée à l’enseignement de la défense et de la sécurité se retrouve diluée dans un saupoudrage conduisant à des messages superficiels et peu audibles.

La citoyenneté, c’est aussi l’expérience et l’engagement. Pour cela, les dispositifs sont nombreux : les conseils de la vie lycéenne, les écodélégués, le service national universel, le service civique, le volontariat international en administration (VIA), le volontariat international en entreprise (VIE), les conseils municipaux des jeunes, les multiples conseils d’administration étudiants, etc.

Alors pourquoi ne sont-ils pas suffisamment plébiscités ? La réponse est sans doute liée au manque d’accompagnement et aux difficultés rencontrées par les jeunes pour y accéder. La réponse est également que certains de ces dispositifs ne sont pas suffisamment complémentaires sur le plan pratique des apprentissages initiaux. J’ai entendu, madame la secrétaire d’État, ce que vous, ainsi que les ministres de l’éducation nationale et de la défense, souhaitez mettre en place. J’espère que l’on pourra répondre effectivement à toutes ces questions. Mais il faut aller vite, très vite.

Être citoyen, c’est aussi faire des choix politiques. Ces choix passent par le vote et par la participation à la décision. La progression de l’abstention – nous serons certainement nombreux à le souligner – lors de toutes les échéances électorales nous oblige à réagir : il convient, par exemple, de permettre la double procuration, de recourir à l’envoi électronique des professions de foi électorales, etc. Il s’agit d’autant de mesures de bon sens que le groupe RDSE vous propose d’adopter aujourd’hui. Avançons !

Voter cette loi, c’est aussi favoriser la participation des jeunes à la vie démocratique, en accordant une protection aux étudiants qui exercent un mandat d’élu local, ou encore accompagner les jeunes sans diplôme dans la consolidation de leur insertion, en prolongeant l’accompagnement de l’Épide. Nous pourrions sans doute nous inspirer du service militaire adapté, dispositif qui est en vigueur dans les territoires d’outre-mer et qui est très en pointe en matière d’engagement. L’outre-mer peut inspirer la Nation davantage.

C’est avec beaucoup de fierté que le groupe RDSE propose et soutient cette proposition de loi, qui, je l’espère, sera aussi votée par l’ensemble de nos collègues ici présents.

Je tiens à saluer le travail de mes collègues Henri Cabanel, auteur de cette proposition de loi, et Bernard Fialaire, qui en est le rapporteur.

Enfin, je pense intimement que ce travail devra se poursuivre par l’élaboration d’un parcours citoyen, qui se déroulerait tout au long de la vie afin de consolider un socle civique commun.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Annick Girardin. Ce parcours pourrait, à terme, prendre la forme d’un passeport et ainsi sceller les droits et les devoirs des citoyens français vis-à-vis de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la culture citoyenne est cruciale pour le renforcement du lien entre les citoyens et les institutions, une préoccupation que nous partageons pleinement au sein du groupe RDPI. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui découle des recommandations émanant de la mission d’information sur le thème : « Comment redynamiser la culture citoyenne ? »

Cette mission avait pour objectif d’explorer les fondements actuels de la culture citoyenne et de trouver des moyens de renforcer l’adhésion des citoyens à un projet commun reposant sur des références partagées.

Elle a identifié cinq étapes essentielles pour permettre aux citoyens de s’inscrire dans un projet collectif à travers un « parcours citoyen » tout au long de la vie. Ces étapes comprennent l’école, la journée défense et citoyenneté, les dispositifs d’insertion sociale, l’engagement citoyen et les élections.

Les auteurs de cette proposition de loi ciblent la formation à la citoyenneté, qu’ils nous proposent d’améliorer, les modalités électorales, qu’ils souhaitent moderniser, et l’engagement des jeunes dans les mandats locaux, qu’ils désirent faciliter.

Permettez-moi de souligner les principales dispositions de cette proposition de loi, dont je considère qu’elles constituent des avancées significatives.

Tout d’abord, la révision de l’enseignement moral et civique prévue par l’article 1er vise à resserrer son contenu, notamment sur une meilleure connaissance du fonctionnement des institutions françaises et européennes. Cela représente un pas essentiel vers la formation de citoyens informés et engagés.

À l’article 2, relatif à la journée défense et citoyenneté, il est proposé un recentrage sur des thèmes spécifiques, tels que la défense, la sécurité, les métiers accessibles aux jeunes qui voudraient servir leur pays, l’orientation des jeunes en difficulté et la présentation des différentes formes d’engagement. Cela contribuera sans aucun doute à une meilleure compréhension des enjeux cruciaux auxquels notre nation est confrontée.

L’article 3 prolonge de trois mois le contrat d’accompagnement de l’Épide, pour offrir aux jeunes volontaires une période supplémentaire pour s’adapter et parfaire leur développement, ce qui facilitera leur intégration dans la société.

Si le rétablissement, à l’article 4, de la double procuration peut représenter pour certains une avancée vers une plus grande participation citoyenne aux scrutins, une partie des membres du groupe RDPI est défavorable à cette mesure, compte tenu de l’importance du caractère dérogatoire du vote par procuration et au regard du principe du secret du vote.

Par ailleurs, la transition vers la propagande électorale électronique reflète une volonté d’adapter nos pratiques démocratiques aux évolutions technologiques. Cette disposition, matérialisée dans un cinquième article, vise à offrir aux électeurs la possibilité de choisir le format qui leur convient le mieux, avec l’espoir de favoriser ainsi une participation accrue. Mais est-il si certain que cela y contribue ? Permettez-moi de rappeler le risque de marginalisation de ceux qui n’ont pas accès à internet ou dont les nouvelles technologies ne sont pas familières. D’après l’Insee, 15,4 % des personnes de 15 ans ou plus résidant en France étaient en situation d’illectronisme.

Enfin, la création du statut de l’élu étudiant, à l’article 6, est une mesure qui mérite d’être saluée. Elle reconnaît l’engagement des jeunes étudiants dans la vie politique locale, régionale et départementale, en leur garantissant les aménagements nécessaires.

Cependant, je tiens à exprimer un regret partagé par bon nombre de sénateurs du groupe RDPI. Alors que le Conseil supérieur des programmes a été consulté sur l’enseignement moral et civique, et que la lettre de saisine l’invite à dépasser le cadre de l’enseignement du fonctionnement des institutions, n’aurait-il pas été nécessaire d’attendre la diffusion de ses travaux pour éclairer encore plus cette proposition de loi ?

Dans cette lettre, le ministre lui demande de réfléchir à la rénovation des programmes de l’enseignement moral et civique, depuis le cours préparatoire jusqu’à la classe de terminale. Il exprime une ambition renouvelée pour cet enseignement et souligne son rôle crucial dans la formation des élèves en tant que citoyens éclairés.

Cette lettre souligne également l’importance de transmettre une conception de la citoyenneté mettant l’accent à la fois sur l’autonomie du citoyen et sur son appartenance à une communauté politique. Cela inclut la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la lutte contre toutes les formes de discrimination. De plus, la connaissance des institutions de la République et de l’Union européenne est mise en avant.

Dans cette logique, elle annonce déjà le doublement de l’horaire de l’enseignement moral et civique au cycle 4 du collège. Elle vise à l’enrichir avec des modules d’éducation aux médias et à l’information, notamment dans l’espace numérique et sur les réseaux sociaux, avec un seul objectif : l’apprentissage du discernement.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, bien que cette proposition soit porteuse d’une vision ambitieuse pour la culture citoyenne, son absence d’articulation avec la lettre de mission du Conseil supérieur des programmes n’est pas sans nous interroger. Par ailleurs, comme nous l’évoquions précédemment, les articles 4 et 5 soulèvent de nombreuses interrogations, qui ne permettent pas à notre groupe d’exprimer un vote unanime.

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Adel Ziane. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il nous est donné l’occasion aujourd’hui de débattre d’un concept ô combien essentiel pour le ciment de notre République : la citoyenneté. Dans notre pays, celle-ci s’est forgée dans les luttes et les aspirations de notre peuple au cours des siècles.

Souvenons-nous quand même que ce concept de citoyenneté, qui est inspiré de l’Antiquité, qui a été mûri par les Lumières et s’est concrétisé avec la Révolution de 1789, revêtait autrefois un caractère d’exclusion pour l’ensemble des femmes ainsi que pour les hommes qui ne pouvaient pas s’acquitter du cens. Je pense à la classe laborieuse, qui, à la suite d’une longue lutte politique, a dû attendre 1848 pour voir le passage du scrutin censitaire au scrutin dit « universel ». Il n’était d’ailleurs alors qu’imparfaitement universel : il ne le deviendra pleinement que près de cent ans plus tard, à la suite d’une lutte encore plus longue et âpre, avec l’obtention du droit de vote des femmes en 1945.

La construction européenne apportera aussi sa pierre à l’édifice en 1992, avec la citoyenneté européenne et le traité de Maastricht.

Aujourd’hui, en 2023, ce combat, cette lutte, continue. La citoyenneté est bien plus qu’un simple statut administratif. Elle est confrontée à de nouveaux défis et enjeux, dont ce débat nous permet de discuter.

Au concept d’individu citoyen, au sens d’un individu qui détient des droits, des devoirs et participe à la vie politique de la cité, à la recherche d’un idéal commun, tend à se substituer lentement celui de l’individu consommateur, qui délaisse la production d’idées et de convictions, l’engagement, la solidarité, au profit d’un intérêt tourné quasi exclusivement vers sa propre consommation de biens et de services.

La mondialisation, les crises environnementales, les avancées technologiques remettent en question le rôle des individus en tant que citoyens.

L’abstention interroge quant aux failles de notre modèle actuel de citoyenneté. Elle est révélatrice d’un désintérêt complet pour la politique dans toutes ses composantes chez une partie des abstentionnistes, tandis qu’une autre partie d’entre eux ne considère plus que le vote assure un débouché démocratique et s’organise donc en conséquence, utilisant d’autres modes d’action, à l’image du mouvement des « gilets jaunes ».

Dans le passé, notre modèle de citoyenneté a su changer, comme je le disais, et s’adapter aux époques dans lesquelles les acteurs évoluaient.

L’enjeu est majeur, et nous en parlerons aujourd’hui : il s’agit de l’adhésion aux valeurs de la République, d’égalité, de liberté, de fraternité, qui ne peuvent être mises en péril.

C’est le sens de cette proposition de loi, qui, si elle n’apporte pas, de toute évidence, de changements substantiels ou d’avancées significatives dans la promotion de la citoyenneté, doit être saluée, tout comme les propositions qu’elle comporte et qui sont toutes issues des recommandations d’un rapport d’information.

Je remercie notre collègue Henri Cabanel, qui a eu le mérite et la volonté de prendre l’initiative de contribuer à ce débat.

On peut toutefois se demander si cette proposition de loi permettra de répondre aux défis contemporains de la citoyenneté. Malheureusement, elle sera imparfaite et ne sera pas forcément positive, car les enjeux, comme je le disais, nécessitent une approche plus ambitieuse et des mesures plus substantielles pour renforcer l’engagement citoyen.

Toutefois, le groupe socialiste reconnaît les quelques avancées que contient cette proposition de loi.

Les mesures proposées à l’article 1er visent à renforcer l’enseignement moral et civique, afin qu’il soit opérationnel, en replaçant les enjeux institutionnels en son cœur, en permettant aux jeunes apprentis citoyens d’appréhender au mieux les outils démocratiques qu’ils auront en leur possession à leur majorité.

L’article 4 pérennise la double procuration mise en place lors de la pandémie de covid-19, afin d’assouplir les conditions de participation matérielle des électeurs au scrutin. Nous appellerons cependant également à une grande vigilance dans sa mise en œuvre opérationnelle, pour éviter tout usage frauduleux.

Enfin, l’article 6, le plus ambitieux, a pour objet de favoriser la participation des jeunes à la vie démocratique – c’est le cœur du sujet. Il prévoit des aménagements pour les étudiants dépositaires d’un mandat municipal, départemental ou régional, dans le déroulement de leurs études. Être citoyen, c’est aussi avoir la capacité d’exercer des droits. Nous nous réjouissons que la commission ait étendu le champ de cette mesure aux mandats nationaux et européen.

En tant que partisans du progrès et de l’égalité, nous ne pouvons ignorer les possibilités offertes par ce texte pour renforcer la pratique citoyenne, même si, je le répète, elles restent modestes sur un certain nombre de points.

Pour aborder de manière plus approfondie les enjeux de la citoyenneté, il semble dès lors impératif que nous explorions, ici même au Sénat, dans les années à venir, des pistes complémentaires.

Nous devons envisager des réformes éducatives plus audacieuses, afin d’intégrer davantage les questions de citoyenneté et de participation civique dans les programmes scolaires.

De plus, une réflexion sur la représentativité des institutions et la participation citoyenne directe pourrait être envisagée pour renforcer la légitimité démocratique. Hier, lors de notre niche parlementaire, la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Yan Chantrel, visant à faciliter le déclenchement du référendum d’initiative partagée, a été examinée et malheureusement rejetée : elle allait dans le sens que je viens d’évoquer et je regrette que nous n’ayons pu l’adopter.

Enfin, dans un monde où la communication et l’information sont omniprésentes, où il devient de plus en plus difficile de traiter et d’analyser les données, nous devons également – j’insiste sur ce point – nous attaquer à la désinformation et promouvoir une éducation aux médias et à la pensée critique.

Ainsi, le groupe socialiste, fidèle à ses principes et à son engagement envers le bien commun, votera la présente proposition de loi. Nous considérons que même les petites avancées peuvent être les premiers pas vers des changements plus importants. Cependant, nous appelons nos collègues à ne pas perdre de vue l’urgence d’une réflexion plus approfondie sur les défis actuels de la citoyenneté, dont nous avons pu débattre hier encore. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sabine Drexler. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 1789, nous sommes tous reconnus comme des citoyens et nous faisons partie d’une même nation, une nation démocratique où la souveraineté appartient au peuple, qui est appelé à donner son avis, à travers son vote, sur les décisions qui le concernent.

Nous vivons de nos jours une profonde crise démocratique, qui se manifeste notamment par une lente érosion de la participation à toutes les élections. L’abstention est même devenue ce que d’aucuns appellent le premier parti de France. Elle a atteint un record en 2021, lors des élections départementales et régionales, avec seulement un tiers de votants.

Cet état des lieux interpelle et inquiète, évidemment. Au Sénat, nous réfléchissons aux causes de ce phénomène, mais aussi aux solutions à apporter pour réenchanter la politique et renouer les fils de la confiance entre les citoyens et leurs représentants.

Faut-il pourtant être défaitiste ? Je ne le pense pas et il ne le faut pas, car les citoyens, en fait, ne demandent qu’à y croire.

Cet état des lieux est la traduction d’un mécontentement, celui des électeurs désabusés, mais aussi le signe d’une méconnaissance des institutions due aux réformes successives, qui ont rendu le paysage institutionnel de notre pays illisible pour les citoyens.

En effet, et c’est regrettable, le problème majeur du système d’administration français est la répartition incohérente et complexe des compétences entre les collectivités territoriales entre elles, d’une part, et entre celles-ci et les services de l’État, eux-mêmes organisés sur plusieurs niveaux, d’autre part. Périodiquement, des lois cherchent à rationaliser la distribution des compétences, mais leur seul résultat est de compliquer encore davantage le paysage institutionnel.

Cet émiettement des responsabilités pour gérer des affaires qui sont fortement interdépendantes présente d’innombrables défauts, à commencer par l’opacité du système pour les citoyens, ce qui contribue à leur démotivation lors des élections et à leur méfiance à l’égard d’un ensemble incompréhensible, avec ses multiples acteurs aux responsabilités mystérieuses.

Cette situation est également le fruit d’une longue dégradation du débat public, qui a vu la parole être remplacée par l’invective.

Cet essoufflement démocratique, nous pouvons l’endiguer par des mesures comme celles qui nous sont aujourd’hui soumises dans cette proposition de loi. Celle-ci constitue une première étape, qui devra en appeler d’autres, pour continuer à retisser les fils de la confiance perdue.

Si je devais qualifier le texte dont nous allons débattre ce matin, je proposerais trois mots : recentrer, faciliter et encourager.

Pourquoi recentrer ?

L’école et l’éducation sont les terreaux qui forgent les citoyens de demain. Mais pour cela, encore faut-il que l’instruction civique dispensée dans les classes de notre République soit, comme autrefois, une discipline à part entière et non un enseignement « strapontin », comme le qualifie très justement notre rapporteur Bernard Fialaire.

L’EMC est devenu un fourre-tout, qui a perdu de vue ses objectifs initiaux. Nous devons le recentrer sur ses fondamentaux : l’esprit républicain, les valeurs démocratiques, mais aussi la morale.

Il est également essentiel – fondamental, même - de former les élèves à la connaissance des institutions, des mécanismes de vote et des élections, au fonctionnement administratif, au fonctionnement de la justice et des instances de gouvernement. Cette refonte devra passer par des supports pédagogiques repensés, recentrés et simplifiés.

La journée défense et citoyenneté, quant à elle, est une occasion de nouer un contact direct avec les militaires, et de sensibiliser aux enjeux de défense mondiaux et nationaux, dans un monde où les conflits armés se multiplient. Il est vraiment nécessaire de recentrer son contenu sur les enjeux de sécurité et de défense, ainsi que sur les différentes formes d’engagement, ce qui contribuera à faire de nos jeunes des citoyens responsables et éclairés, capables de réfléchir et de penser par eux-mêmes, d’avoir un avis personnel sans se laisser manipuler, car ce sont bien l’ignorance ou le déni qui font le lit des guerres, en mobilisant les plus influençables autour de causes qui ne sont pas les leurs.

Et pourquoi faciliter ?

Les centres de l’Épide sont des structures qui, depuis dix-huit ans, ont fait la preuve de leur performance. Avec près de cinquante mille jeunes qui en sont sortis et un taux d’insertion dans l’emploi de plus de 40 %, c’est une solution qu’il faut continuer à développer et à soutenir.

En cela, la proposition qui est faite par le rapporteur d’ouvrir la possibilité de prolonger la durée d’hébergement et l’accompagnement des jeunes travailleurs de trois mois est sans nul doute une excellente chose dans le contexte actuel où l’accès au logement est l’une des principales difficultés rencontrées par les jeunes travailleurs.

J’en arrive aux mesures qui concernent le processus électoral et l’amélioration de l’information délivrée aux électeurs. Là encore, et pour commencer par ce qu’il y a du plus simple, je pense que nous ne pouvons qu’adhérer au principe et à la nécessité de faciliter les démarches pour inciter les électeurs à voter.

Faciliter, c’est aussi encourager.

En ouvrant la possibilité d’une double procuration, nous répondons aux attentes exprimées par les citoyens. De même, ouvrir la possibilité de diffuser la propagande électorale par voie électronique me semble être une réponse qui devrait permettre de faire repartir la participation électorale à la hausse.

Ces deux éléments répondent à une attente forte notamment des jeunes générations et de celles qui sont les plus éloignées du vote dans sa forme traditionnelle, tel que nous l’avons, nous, toujours connue.

Nous élargissons ainsi une technique de vote directe, qui ne nécessitera pas de se déplacer, et nous évitons le gâchis, qui nous questionne tous, de milliers de tonnes de papier et d’encre. Sans même parler de l’organisation logistique qu’implique la mise sous pli de la propagande électorale, par ailleurs chronophage pour les préfectures ou les collectivités, et des difficultés liées à sa distribution – nous avons notamment pu les constater lors des derniers scrutins.

En mettant en place un système mixte d’envoi de la propagande électorale par voie écrite et électronique, nous ne pourrons que davantage inciter les électeurs à voter.

Enfin, pourquoi encourager ?

Nous savons que les jeunes générations se détournent de plus en plus de l’engagement associatif ou politique faute de temps, mais aussi parce qu’il est difficile pour eux de concilier un tel engagement avec leurs études ou le début de leur vie active.

À l’heure où l’engagement politique est de plus en plus chronophage et complexe et où nous vivons une crise profonde des vocations qui se traduit en particulier par un record jamais connu de démissions de maires et d’élus locaux, je me réjouis que l’on puisse ouvrir la voie à ce droit particulier, très incitatif, pour les étudiants. Je ne doute pas qu’ainsi nous inciterons de nouveau une partie de nos jeunes à s’engager dans la vie locale.

Pour finir, mes chers collègues, il me semble que, sur ces sujets, il nous faut dépasser les clivages politiques, car la santé de notre démocratie est en jeu.

Cette première étape, je l’espère, en appellera d’autres et, en tout état de cause, poursuivons ensemble cet objectif ambitieux de proposer des solutions et de susciter de nouveau l’envie : l’envie de s’exprimer, en sachant être entendu ; l’envie de s’engager, en sachant que sa mobilisation a de la valeur et est reconnue en tant que telle ; et, surtout, l’envie et la fierté d’être en toute connaissance de cause un citoyen français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Henri Cabanel et Claude Kern, ainsi que M. le rapporteur, applaudissent également.)