Mme Sophie Primas. Pour rien du tout !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … examiner dans le détail ce projet de loi de finances.

Je retire de ces discussions…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … des convergences, que celles-ci portent sur la politique de l’offre, sur la baisse de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), sur le C3IV (crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte). Vous avez validé tout cela,…

M. Thierry Cozic. Et la Fifa ?

M. Mickaël Vallet. Hors sujet ! Hors-jeu !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … comme vous avez validé le taux d’impôt minimal sur les sociétés ou la politique de lutte contre la fraude fiscale – et c’est une bonne nouvelle ! (La Fifa ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez également voté le soutien à la transition écologique. Vous avez voté la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance pour financer la décarbonation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons donc eu l’occasion de voir quels étaient nos points de convergence.

Sur les plus de 3 700 amendements qui ont été examinés, vous en avez adopté plus de 600 ; nous en avons retenu 120. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. C’est trop ! On s’y perd !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Et je ne parle pas d’amendements anecdotiques : la taxe streaming a été défendue à une très large majorité par les sénateurs ; le fonds d’urgence climatique pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais a été défendu ici même ; il en est de même pour le soutien aux communes nouvelles ou pour la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), qui a été construite quasiment en séance publique avec la ministre déléguée Dominique Faure.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons donc de grands sujets d’accord sur lesquels nous avons construit avec vous de nouveaux dispositifs. Toutefois, nous avons aussi des points de désaccord, monsieur le rapporteur général.

Ainsi, nous n’avons pas souhaité augmenter de 20 % le prix de l’électricité et nous nous en sommes expliqués. (La Fifa ! sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

Je pourrais revenir sur la Fifa, mais j’ai peur de ne pas avoir le temps de le faire ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)

Notre plus grand point de désaccord porte sur les économies. (Mêmes mouvements.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Vous avez supprimé 50 milliards d’euros portant sur l’audiovisuel public, la politique du logement, la politique de cohésion des territoires.

Le débat se poursuivra l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées des groupes Les Républicains, GEST, SER et CRCE-K.)

M. Mickaël Vallet. Carton rouge !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, sauf votre respect : aucune considération de la part du Gouvernement. Le ministre de l’économie et des finances a été le grand absent de l’examen du projet de loi de finances. C’est scandaleux ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, GEST et SER.) C’est un manque de respect. Il n’est même pas là aujourd’hui !

M. Michel Savin. Il est à Matignon !

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, je vous l’ai dit : le travail que l’on accomplit en 150 heures vaut mieux que les propositions en tout genre issues de colloques, d’Assises des finances publiques, de Dialogues de Bercy. Le dialogue, c’est ici, ce n’est pas à Bercy !

M. Michel Savin. Très bien !

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, ne demandez pas aux Français de faire des efforts et de consentir à l’impôt quand vous voulez en exonérer la Fifa. C’est tout simplement inacceptable ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, GEST et SER.)

assurance pour les collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Allo ? Allo ?

M. Ludovic Haye. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Depuis près d’une décennie maintenant, nos élus se retrouvent confrontés à des blocages grandissants dès lors qu’ils cherchent à souscrire une assurance pour leur collectivité.

Mme Françoise Gatel. C’est vrai !

M. Ludovic Haye. En effet, de nombreux maires, adjoints, conseillers municipaux, directeurs généraux des services (DGS) me font quotidiennement part de leurs difficultés à cet égard et, souvent, de leur amertume vis-à-vis de leur assureur historique.

Je crois d’ailleurs pouvoir associer de manière transpartisane bon nombre de mes collègues sénateurs à ce constat, tant cette sollicitation est devenue récurrente et malheureusement banale.

Pas plus tard qu’hier, une commune de près de 5 000 habitants de mon département m’a adressé un message d’appel à l’aide à la suite d’un énième appel d’offres assurantiel infructueux.

Quotidiennement, les sénateurs, aidés par leurs collaborateurs, deviennent de véritables courtiers en assurances, afin de ne pas laisser leurs élus seuls et sans solution.

La situation est connue et plusieurs constats s’imposent à nous.

Ne rejetons la faute ni sur les assureurs ni sur l’État. Nous savons que, sur le long terme, les assureurs ne pourront pas agir seuls et que l’État ne pourra pas intervenir sans les assureurs. Ce sujet est latent et ne fait que s’aggraver d’année en année.

L’assurance des collectivités est déficitaire et le restera. J’en veux notamment pour preuve les plus de 250 millions d’euros de recapitalisation de la Maif (Mutuelle assurance des instituteurs de France) en direction de son entité Smacl, la société mutuelle d’assurance des collectivités locales, ces deux dernières années.

Croire en l’apaisement social à court et moyen termes et à une diminution des catastrophes naturelles est, sinon une chimère, à tout le moins une hypothèse extrêmement risquée.

Considérer que les communes pourront s’auto-assurer pour tous les sinistres sans causer de déroutes financières et démocratiques majeures, alors que leur budget est déjà extrêmement contraint, est tout aussi illusoire.

In fine, le modèle adopté pour l’assurance « récolte » en 2022 me semble être une bonne base de travail, à partir de laquelle chaque acteur joue son rôle en fonction du degré de sinistralité.

En politique comme en assurances, la véritable grandeur réside dans la capacité à protéger et à assumer la responsabilité. C’est en effet en anticipant les risques que nous assurons un avenir sûr pour notre société.

Nos maires n’attendent qu’une chose : être réassurés, pour être rassurés ! (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Ludovic Haye. Madame la ministre, je souhaite connaître vos intentions pour accompagner les communes dans cette quête assurantielle semée d’embûches. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. (Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Haye, vous avez absolument raison. (Ah !sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Nous voilà rassurés !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Un certain nombre d’événements récents, notamment l’épisode de violences urbaines au début du mois de juillet dernier, ont de nouveau démontré l’absolue fragilité du système d’assurances de nos collectivités territoriales. Comme vous l’avez souligné, le sujet est structurel : un nombre significatif d’appels d’offres sont infructueux, les prix et les franchises augmentent.

Ce phénomène est lié, d’une part, aux risques émergents, que l’on connaît et qui sont appelés à se poursuivre, qu’ils soient climatiques et sociaux, mais aussi juridiques et judiciaires ; d’autre part, à l’équilibre d’un marché de l’assurance qui est difficile, resserré. Vous l’avez rappelé, la Smacl a été recapitalisée à hauteur de 250 millions d’euros : heureusement d’ailleurs, sans quoi elle n’aurait pas pu honorer les remboursements qu’elle va opérer auprès des collectivités qui ont subi des dégradations à la suite des émeutes.

Le marché de la réassurance, dont les acteurs sont à 90 % Groupama et la Smacl, s’est durci lui aussi.

Vous avez raison d’opérer une distinction entre la réponse que nous devons apporter à court terme et celle qui est attendue à moyen terme, monsieur le sénateur.

Sur le moyen terme, Christophe Béchu, Bruno Le Maire…

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … et moi-même serons attentifs aux préconisations qui seront émises par un quatuor composé de deux inspecteurs, du maire de Vesoul, Alain Chrétien, mais aussi d’un assureur, Jean-Yves Dagès, ancien président de la Fédération nationale Groupama, à qui il revient d’esquisser un cadre permettant aux collectivités de s’assurer contre les risques auxquels elles sont exposées. Nous devrons discuter le cas échéant avec le Parlement, avec les sénateurs, avec vous-même si vous le souhaitez, des mesures à prendre pour y parvenir une fois son rapport remis.

Sur le court terme, il s’agit de rassurer les collectivités, qui, au quotidien, sont inquiètes. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous avons mis en place un petit groupe de travail et nous suivons le rythme des dédommagements et des résiliations sèches. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Une voix à droite. Un numéro vert !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous avons également étendu le champ de compétences du médiateur des assurances. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

barrages hydroélectriques

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique.

Madame la ministre, je veux vous interroger sur la mise en concurrence des concessions des barrages hydroélectriques imposée par la Commission européenne à la France depuis une mise en demeure du 22 octobre 2015.

M. Daniel Chasseing. L’hydroélectricité, énergie renouvelable, flexible et stockable, que nous connaissons bien en Corrèze, demande de la visibilité et de la stabilité.

L’étude Futurs énergétiques 2050, publiée par Réseau de transport d’électricité (RTE), rappelle que son développement constitue une ressource indispensable, quel que soit notre futur mix énergétique. Ce sont ainsi près de 5 gigawatts supplémentaires qui doivent être développés à l’horizon de 2050.

Avec le président Gérard Larcher, lors de sa visite corrézienne, Claude Nougein et moi-même en avons vu un exemple sur un barrage sur la Dordogne. Le potentiel pour ces développements existe, qu’il s’agisse de modernisation des ouvrages existants, de nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage (Step) ou de nouvelles installations.

Cependant, les investissements sont toujours bloqués en raison du contentieux à l’échelon européen.

Le 12 octobre 2022, devant le Sénat, Mme la Première ministre a annoncé vouloir promouvoir l’hydroélectricité en proposant « un nouveau cadre législatif qui permettra de relancer rapidement les investissements dans nos barrages sans passer par une mise en concurrence ».

Le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat devrait être présenté en début d’année. Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre dans ce texte pour enfin libérer les investissements pour nos barrages, sans passer par une mise en concurrence ? Est-ce possible en passant d’un régime de concession à un régime d’autorisation d’exploitation ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – Mme Sophie Primas applaudit également.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les barrages hydroélectriques font partie de notre patrimoine national. Ils sont d’abord la fierté de nos vallées et matérialisent la France des bâtisseurs.

Je le dis sans ambages : je suis engagée sans aucune réserve dans le développement de l’énergie hydroélectrique. Aujourd’hui, la France compte 2 600 installations hydroélectriques : cela représente 26 gigawatts. C’est notre première énergie renouvelable : celle-ci est pilotable et permet de renforcer la résilience de notre système électrique. Elle sera donc essentielle pour atteindre nos objectifs climatiques et pour sécuriser notre approvisionnement en énergie.

Comme vous le rappelez, monsieur le sénateur, la Commission européenne a engagé un précontentieux contre la France, ce qui bloque un certain nombre d’investissements dans des concessions aujourd’hui échues.

C’est pourquoi je travaille sur plusieurs pistes, qui doivent répondre à cinq objectifs clairs.

Premièrement, relancer rapidement les projets de développement actuellement bloqués, notamment des projets de Step.

Deuxièmement, garder la pleine maîtrise de notre parc hydroélectrique en évitant les mises en concurrence.

Troisièmement, favoriser les synergies sur les usages de l’eau – agricoles, touristiques… –, compte tenu de la raréfaction de la ressource. L’ensemble de ces éléments doivent être pris en compte.

Quatrièmement, faire en sorte que l’ensemble des bénéfices résultant de l’exploitation des concessions bénéficient in fine à la collectivité.

Cinquièmement, disposer de contrats souples avec des possibilités de modifications relativement vastes pour adapter ces derniers aux évolutions des besoins.

Sur ces points, Bruno Le Maire… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel samuse.)

M. Michel Savin. Il est où ?

M. Jean-François Husson. Avis de recherche ! Il serait près de Matignon… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je suis ravie que vous saluiez sa participation ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Bruno Le Maire et moi-même avons engagé avec les entreprises concernées des discussions avec la Commission européenne – je ne vous cache pas qu’elles ne seront pas simples – sur le principe de l’autorisation d’exploitation, laquelle permet une transmission du patrimoine aux opérateurs avec un cahier des charges très sécurisé pour permettre à la collectivité locale de reprendre la main.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Certains d’entre vous sont prêts à porter le projet à Bruxelles, je les en remercie. Nous allons parallèlement engager les premiers investissements, comme le permet la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, depuis cette mise en demeure européenne, nous avons perdu dix ans dans le financement de modernisations permettant l’augmentation de production des barrages et la mise en place de Step.

M. Daniel Chasseing. Sans prorogation des concessions, EDF ne pouvait en effet pas investir.

M. Michel Savin. Tout à fait !

M. Daniel Chasseing. Si le régime d’autorisation permet d’exclure la mise en concurrence en attribuant ces infrastructures à EDF, c’est une bonne nouvelle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

insuffisance de la réponse pénale aux faits signalés par les maires

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, ce week-end, fait inédit, soixante maires du département des Alpes-de-Haute-Provence de toute sensibilité politique vous ont directement interpellé ; soixante élus, alors que notre département en compte cent quatre-vingt-dix-huit, c’est énorme.

Ensemble, ils ont dressé le constat que la plupart de leurs signalements à la justice de faits délictueux survenus dans leurs communes n’étaient pas assez suivis d’effets et que cette absence de réponse créait chez les individus concernés un sentiment d’impunité inacceptable.

M. Michel Savin. C’est vrai.

M. Jean-Yves Roux. Que demandent ces maires ? Ils demandent justice pour ne plus être seuls, en première ligne, face à des individus qui se considèrent au-dessus des lois. Ils rapportent une accumulation de menaces, intimidations, insultes à leur égard, qui les mettent en danger.

La loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression, dont Nathalie Delattre est à l’origine et qui a été présentée par le groupe RDSE, a constitué, avec votre soutien, monsieur le garde des sceaux, une étape importante pour protéger les élus. Nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin, dans le plus strict respect du principe de séparation des pouvoirs qui fonde notre Constitution.

Notre démocratie est vivante, la démocratie locale particulièrement. La violence n’y aura jamais sa place : il n’y a de place, et cette place est grande, que pour la loi, le débat démocratique et le suffrage universel.

Monsieur le garde des sceaux, depuis 2020, plus de 1 300 maires ont jeté les gants. L’agressivité permanente qu’ils subissent en est une explication. Le climat doit s’apaiser ; à défaut, les hussards bleu blanc rouge de la République tomberont les uns après les autres, ce qui affaiblirait notre démocratie locale.

Être élu de la République, c’est un engagement, pas un sacrifice. Monsieur le garde des sceaux, que répondez-vous à ces maires qui demandent, dans les Alpes-de-Haute-Provence comme ailleurs, des réponses pénales plus adaptées pour exercer sereinement leur mandat et qui réclament le soutien le plus entier de l’institution judiciaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je le dis depuis le premier jour de façon solennelle : s’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

C’est pourquoi j’ai placé la justice de proximité au cœur de mon action. Vous avez d’ailleurs rappelé le travail que nous venons d’accomplir, avec Mme Delattre, pour mieux accompagner les élus victimes.

La justice de proximité repose sur cinq piliers essentiels, d’abord sur une ambition inédite pour lutter plus efficacement contre la délinquance. Nous demandons ainsi aux procureurs d’apporter systématiquement une réponse pénale ferme et rapide.

Elle s’appuie ensuite sur des moyens historiques. C’est ainsi que 2 000 contractuels, 1 500 magistrats et 1 800 greffiers ont déjà été recrutés. En outre, 1 100 nouveaux contractuels sont en cours de recrutement. Vous savez cela aussi bien que moi, vous avez voté le texte prévoyant ces moyens.

La justice de proximité se fonde également sur une meilleure coordination des acteurs locaux – j’insiste beaucoup sur ce point. Préfectures, parquets, élus : nous sommes tous dans la même barque républicaine.

Par ailleurs, elle implique le déploiement d’une justice au plus près de nos concitoyens partout sur le territoire, grâce à la création, notamment, de 1 700 point-justice.

Enfin, et bien sûr, elle suppose une réponse pénale implacable contre tous ceux qui s’en prennent à nos élus.

Cette politique claire doit être déclinée partout – je dis bien : partout ! – sur le territoire.

J’ai reçu l’appel des maires que vous relayez, monsieur le sénateur, et je vous remercie de le faire. Les élus doivent évidemment être entendus et nous devons être à leurs côtés, comme l’est le ministère de la justice.

Je me méfie toutefois des attaques ad hominem. Ma priorité, c’est que le dialogue se poursuive partout avec toutes les composantes de l’État. À cet effet, je me rendrai au mois de janvier prochain dans votre département, afin que le dialogue reprenne, car la sécurité de nos compatriotes impose que tous les acteurs se mettent autour de la table et que chacun fasse de son mieux pour que vive notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

dialogue social

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat. Madame la Première ministre, comme le disait en substance un célèbre chanteur français : mais quelle pagaille dans cette famille !

Loin de moi, madame la Première ministre, l’idée de comparer un gouvernement à une famille, mais force est de constater qu’en matière de dialogue social et de respect du paritarisme, c’est un peu la pagaille dans ce gouvernement.

Il est vrai que l’on a bien progressé depuis Muriel Pénicaud, qui renvoyait dos à dos, avec son big bang, les organisations syndicales et les organisations patronales. Vous semblez toutefois, madame la Première ministre, reprendre d’une main ce que vous donnez de l’autre.

M. Olivier Véran, ministre délégué. Non !

Mme Frédérique Puissat. Vous donnez d’une main en transposant l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, texte que nous avons adopté dans cette assemblée, mais vous reprenez de l’autre en signant un décret de jointure concernant l’assurance chômage, laquelle est de ce fait gérée depuis 2019 non plus par les partenaires sociaux, mais de façon verticale par le Gouvernement.

D’un côté, le ministre Olivier Dussopt semble vouloir agréer le protocole d’accord sur la nouvelle convention d’assurance chômage, mais, de l’autre, le ministre Le Maire, dont tout le monde aura noté l’absence aujourd’hui, court les plateaux de télévision pour y dire l’inverse de ce que vous avez écrit dans votre lettre de cadrage, semblant indiquer qu’il n’y aura pas de ratification de cet accord.

Madame la Première ministre, allez-vous agréer ce protocole d’accord ? Comprenez-vous que l’on ait le sentiment d’une certaine pagaille au sein du Gouvernement ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. (Exclamations amusées.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Je savais bien que j’allais finir par vous manquer, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Sourires.)

Madame la sénatrice, vous interrogez Mme la Première ministre sur le dialogue social, notamment sur les suites que nous entendons donner aux discussions des partenaires sociaux relatives à la convention de gestion de l’Unédic. Ces discussions s’inscrivent dans un calendrier classique, puisque les effets des décrets de carence pris après l’échec des négociations en 2019 arrivent à terme le 31 décembre.

Le 1er août dernier, Mme la Première ministre et moi-même avons adressé une lettre de cadrage aux partenaires sociaux dans laquelle nous leur avons demandé de consolider les différentes réformes que nous avons menées, celle de 2019 sur le salaire journalier de référence et celle de 2022 sur le principe de contracyclicité. Ces engagements ont été tenus et en cela la lettre de cadrage a été respectée.

Nous avons aussi demandé aux partenaires sociaux de respecter une trajectoire financière. La convention qu’ils nous présentent respecte cette trajectoire en prévoyant notamment une économie sur ce que l’on appelle parfois la filière seniors de l’Unédic.

Nous avons enfin demandé aux partenaires sociaux de tenir compte de la réforme des retraites et de modifier les deux bornes d’âge à partir desquelles la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi considérés comme des seniors, c’est-à-dire 53 ans et 55 ans, sera décalée de deux ans, conformément à la réforme des retraites. De même, nous souhaitions que la filière de maintien des droits, qui commencent à 62 ans, soit décalée à 64 ans.

Les économies inscrites par les partenaires sociaux dans le projet de convention correspondent à ces éléments.

En revanche, les partenaires sociaux nous ont dit envisager l’inscription de ces propositions et de cette modification des bornes d’âge dans l’accord national interprofessionnel sur les seniors dont nous leur avons confié la discussion jusqu’au 15 mars prochain.

Aussi, nous prenons aujourd’hui un décret de jointure afin de proroger les règles actuelles de l’assurance chômage. Il s’agit de laisser le temps aux partenaires sociaux de négocier l’accord sur l’emploi des seniors.

Si le décalage des bornes d’âge apparaît dans l’accord sur l’emploi des seniors et « documente », si je puis dire, les économies inscrites dans la convention de l’Unédic, nous pourrons alors agréer cette dernière. Elle aura valeur légale et sera conforme au cadrage. La volonté des partenaires sociaux sera ainsi respectée.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. Madame la Première ministre, monsieur le ministre, je pense que vous êtes victimes de deux choses : d’une part, de la verticalité du pouvoir qu’a imposée le Président de la République dès son arrivée ; d’autre part, du fait que, ayant enjambé l’élection présidentielle, il vous laisse sans cap, voire sans boussole.

C’est ce qui explique que vous soyez parfois obligés, pour les textes les plus compliqués, comme celui que nous avons examiné hier, de chercher une majorité, de consolider votre gouvernement et de préserver vos ministres.

Nous avons très honnêtement le sentiment que c’est la pagaille dans le Gouvernement et dans cette famille politique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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