M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je m’en remettrai, sur cet amendement, à la sagesse du Sénat.

Je vais m’en expliquer, répondant, ce faisant, à la philippique que j’ai dû subir de la part de Francis Szpiner.

Mais enfin, nous a-t-il dit de sa voix si belle et si grave (Sourires.), une telle rétention de sûreté est acceptée depuis 2008, notamment pour les viols. Et on ne l’accepterait pas pour le terrorisme ?

Mais le problème n’est pas du tout là, monsieur le sénateur !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous n’avez pas bien examiné la question, ce qui m’étonne, car je sais combien vous êtes toujours minutieux et scrupuleux dans l’analyse que vous faites des textes.

En réalité, il manque un petit quelque chose dans votre exposé : c’est la condition de présence chez l’intéressé de troubles mentaux dûment constatés. Or, à vous suivre, la rétention de sûreté pourrait être prononcée à raison de la seule constatation d’une dangerosité criminologique – et rien d’autre.

Vous énumérez les infractions, dont le viol, auxquels s’applique, depuis 2008, la rétention ; dont acte. Et vous proposez de supprimer le critère de trouble mental, qui, à l’heure actuelle, conditionne le prononcé d’une peine de rétention de sûreté. Voilà qui n’est pas neutre : la différence est de taille !

Ces alinéas me semblent donc contestables sur le plan constitutionnel, mais le Sénat, dans la grande sagesse dont il est coutumier, dira ce qu’il a à dire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je pense qu’il faut poursuivre le raisonnement du garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour une fois que vous êtes d’accord avec moi…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sur les dispositions dont nous demandons la suppression, le Gouvernement se prononce défavorablement, et le fait de manière extrêmement argumentée ; c’est que nous sommes ici au cœur de la justice prédictive.

Le problème que nous avons, avec les infractions terroristes, c’est que nous sommes en réalité incapables d’identifier des troubles mentaux chez celles et ceux – plutôt ceux, d’ailleurs – qui les commettent.

Il a déjà été prévu – chacun en a pensé ce qu’il voulait – une entorse au principe en vertu duquel il ne peut y avoir de sanction post-sentencielle – au moins ladite entorse restait-elle cantonnée aux troubles mentaux.

Monsieur le rapporteur Daubresse, que dit le Pnat ? Il dit qu’il ne sait pas faire, qu’il ne sait pas encadrer ces situations de prévention de la récidive par la constatation de troubles mentaux. Si vous votez ce dispositif, mes chers collègues, vous mettrez le doigt dans la justice prédictive…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ça, c’est sûr…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … et, sur cette pente, vous ne vous arrêterez jamais ! Dès lors, vous considérerez que toute personne condamnée est vouée à récidiver.

C’est en cela que le problème est grave et c’est en cela que votre proposition est inconstitutionnelle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 1

Après l’article 2

Après l’article 2
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 13

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La section 7 du titre III du livre premier est complétée par un article 137-… ainsi rédigé :

« Art. 137-…. – La personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut bénéficier des mesures prévues aux sous-sections 1 et 2 de la présente section. » ;

2° Le second alinéa de l’article 729-2 est supprimé.

II. – Après l’article 132-1 du code pénal, il est inséré un article 132-1-… ainsi rédigé :

« Art. 132-1-…. – Une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut être condamnée à une peine nécessitant pour son exécution sa présence sur le territoire national, à l’exception de l’emprisonnement, la détention criminelle ou la réclusion criminelle effectifs au sein d’un établissement pénitentiaire.

« Aucun aménagement de peine nécessitant pour sa bonne exécution la présence du condamné sur le territoire français ne peut être accordé à une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire national ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français.

« Les peines d’emprisonnement, de détention criminelle ou de réclusion criminelle des personnes visées à l’alinéa précédent ne peuvent être aménagées que selon les modalités prévues à l’article 729-2 du code de procédure pénale. »

III. – Le chapitre IV du titre IV du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 264-… ainsi rédigé :

« Art. L. 264-…. – Les décisions d’éloignement d’un étranger faisant l’objet d’une décision de l’autorité judiciaire dont l’exécution nécessite sa présence sur le territoire français ne peuvent être mises à exécution en l’attente de la fin des obligations mises à sa charge. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est issu d’une proposition de loi déposée à la suite de différents incidents, en premier lieu le meurtre en 2021, en Vendée, du père Olivier Maire. Cet assassinat a été l’occasion de mettre en exergue ce qui me semble une incohérence de notre législation : la justice peut prononcer des mesures qui nécessiteront la présence de la personne sur le territoire national alors même que, légalement, elle n’a pas le droit d’y être et devrait le quitter immédiatement.

Il est donc proposé de prévoir que les personnes dépourvues de titre de séjour ou faisant l’objet d’une mesure d’éloignement ne pourront être condamnées à des peines qui nécessitent, pour leur exécution, une présence effective sur le territoire national.

La condamnation à un travail d’intérêt général, par exemple, empêche l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cela me semble une incohérence, je l’ai dit ; c’est pour la supprimer que j’ai déposé le présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Mme Goulet soulève un véritable problème, qui a ému toute la France au moment du drame qu’elle a évoqué : celui de la conciliation, lorsqu’un étranger en situation irrégulière est mis en examen, entre le déroulement de la procédure judiciaire et l’exécution de la procédure d’éloignement.

Nous avions eu ce débat lors de l’examen de la loi Séparatisme ; à l’époque, nous n’avions pas souhaité faire primer l’éloignement sur la procédure judiciaire, afin d’éviter qu’il ne devienne virtuellement impossible, pour les victimes, d’obtenir réparation.

Les arguments qui avaient été avancés dans ce contexte sont toujours valables aujourd’hui. Je demande néanmoins au Gouvernement de nous le confirmer ; le cas échéant, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. On ne peut pas éloigner les gens avant qu’ils n’aient été jugés, cela me paraît une évidence. Comment feraient les parties civiles ?

Cet argument avait nourri les discussions dans le cadre très particulier que vous avez rappelé, madame la sénatrice. Cette affaire n’étant pas terminée, il m’est d’ailleurs interdit de m’y pencher davantage.

En revanche, le débat public suscité par cette question – fallait-il éloigner l’intéressé ou le maintenir à la disposition de la justice ? – me paraît avoir été tranché dans un sens qui est évidemment favorable aux victimes.

Que n’aurait-on dit si ce monsieur avait été éloigné ! Qu’auraient dit les parties civiles ?

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, monsieur le président !

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 1
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Article 3

M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.

L’amendement n° 13, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de création de pôles judiciaires interrégionaux antiterroristes, juridictions spécialisées compétentes dans les affaires complexes liées aux infractions terroristes.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement d’appel a pour objet d’amener dans la discussion le sujet de l’organisation territoriale judiciaire de la lutte antiterroriste.

Parce que le pouvoir judiciaire nous paraît le parent pauvre de la lutte antiterroriste, dominé en la matière à la fois par les services de renseignement et l’administration, via les préfets, notre groupe demande la mise en place de pôles judiciaires interrégionaux antiterroristes, à l’image des juridictions interrégionales spécialisées actuellement compétentes en matière de lutte contre la criminalité organisée, qui ont fait leurs preuves dans le démantèlement des réseaux, comme les travaux de la commission d’enquête sénatoriale qui travaille actuellement sur le sujet sont en train de le confirmer.

La création de structures spécialisées dans la lutte contre le terrorisme au sein du tribunal de grande instance de Paris doit être étendue au niveau régional afin de contribuer au renforcement du renseignement territorial sur l’ensemble du territoire français, pour une meilleure prévention des projets criminels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à cette demande de rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis… sauf si c’est au ministre de l’intérieur et des outre-mer que vous demandez le rapport, monsieur le sénateur ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE II

RENFORCER LE SUIVI DES MINEURS RADICALISÉS ET ADAPTER L’ARSENAL PÉNAL APPLICABLE EN CAS DE COMMISSION D’ACTES DE TERRORISMES PAR DES MINEURS

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 13
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Article 5

Article 3

Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Après le 3° de l’article L. 331-1, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans pour une infraction à caractère terroriste. » ;

2° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 331-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette durée est portée à deux ans pour l’instruction des infractions à caractère terroriste. » ;

3° Après l’article L. 333-1, il est inséré un article L. 333-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 333-1-1. – Le mineur âgé d’au moins treize ans peut être assigné à résidence avec surveillance électronique par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et la détention, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 137 et 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale, lorsqu’il encourt une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans pour des infractions à caractère terroriste. Ces juridictions statuent après avis du service de la protection judiciaire de la jeunesse ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation si l’intéressé est majeur au moment de la décision.

« Il peut en outre être astreint aux obligations prévues aux 1° à 14° de l’article L. 331-2 du présent code.

« Les dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile ne sont pas applicables. » ;

4° Après l’article L. 433-5, il est inséré un article L. 433-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 433-5-1. – La durée totale de détention provisoire mentionnée au 1° de l’article L. 433-2 est portée à trois mois pour l’instruction du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal.

« La durée totale de détention provisoire mentionnée au 2° de l’article L. 433-2 du présent code est portée à un an pour l’instruction des crimes prévus au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-5 et 421-6 du code pénal. » ;

5° L’article L. 433-6 est ainsi modifié :

a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La durée totale de détention provisoire mentionnée au 1° de l’article L. 433-2 est portée à un an pour l’instruction des délits à caractère terroriste, à l’exception du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal. » ;

b) (nouveau) Après le mot : « instruction », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « des délits mentionnés aux articles 421-2-1 et 421-2-6 du code pénal. » ;

6° Le second alinéa de l’article L. 521-2 est complété par les mots : « , à l’exception des infractions à caractère terroriste ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 14 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 34 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 14.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement vise à supprimer l’article 3, qui a pour objet de déroger au droit pénal spécial des mineurs pour étendre la durée maximale du placement en centre éducatif fermé ou en détention provisoire des mineurs radicalisés ou en voie de radicalisation et placés sous main de justice.

Cet article va à l’encontre du principe de l’autonomie du droit pénal des mineurs délinquants, qui consiste à adapter la réponse pénale en tenant compte de la minorité de l’auteur de l’infraction.

Cette spécificité, qui autorise l’aménagement des règles procédurales, est sans cesse remise en cause par le groupe Les Républicains du Sénat. Ainsi, d’année en année, la procédure pénale des mineurs se rapproche de celle des majeurs.

Pourtant, les mineurs radicalisés et délinquants sont aussi victimes d’un environnement et en perte de repères. Ils sont par essence influençables et doivent être protégés contre les atteintes à leur libre arbitre.

La pauvreté et l’isolement social des mineurs sont, par exemple, des facteurs propices à leur radicalisation, qui peut même s’apparenter à un phénomène d’emprise sectaire.

À ce titre, le législateur a déjà prévu une incrimination d’incitation de mineurs à participer à un groupement terroriste. Cette incrimination, inscrite à l’article 421-2-4-1 du code pénal, sanctionne tout ayant droit faisant la promotion des mouvements sectaires ou radicaux auprès de mineurs.

Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires réaffirme l’intérêt d’une justice pénale des mineurs qui tienne compte des spécificités d’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge, de la primauté de l’éducatif sur le répressif, de la spécialisation des juridictions et des procédures.

Le tout-répressif et les mesures coercitives à l’égard des mineurs ont une incidence importante et néfaste sur leur avenir et sur leur construction. Une politique de prévention contre la radicalisation à la hauteur des enjeux serait bien plus efficace que la simple surenchère répressive pour lutter contre l’embrigadement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 34.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement tend lui aussi à supprimer cet article, qui nous semble contraire à l’esprit qui doit gouverner la justice des mineurs.

Je veux mentionner la note du ministère de la justice du 10 février 2017 relative à cette question.

Venant de passer quarante-huit heures d’immersion au sein du service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) de Gironde, j’ai pu mesurer le travail spécifique qui est mené sur cette question et qui reposer essentiellement sur le principe de la spécialisation.

Cet article est quelque peu contradictoire avec tout ce que nous tâchons de promouvoir et avec ce que le ministère de la justice essaie justement de développer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 34.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Josende, M. H. Leroy, Mmes Berthet, Drexler et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Pellevat, Frassa, D. Laurent, Belin, Chaize, Chatillon et Anglars, Mme F. Gerbaud, M. Reynaud, Mmes N. Goulet et Dumont, MM. Bouchet, Mizzon et Kern, Mme Schalck, M. Longeot, Mmes Herzog, Vermeillet, Borchio Fontimp, Sollogoub et Billon, M. Paccaud, Mme Jacquemet et M. Sido, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le 9° de l’article L. 331-2 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° S’abstenir d’utiliser certains réseaux électroniques d’information ou de messagerie spécialement désignés par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’y maintenir une présence ou une activité, de quelque façon que ce soit. »

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Compte tenu de l’utilisation courante des réseaux de communication ou d’information par les discours de radicalisation, il me paraît indispensable de permettre aux juridictions pour enfants d’interdire à certains mineurs, faisant l’objet de mesures de contrôle judiciaire, l’utilisation des réseaux sociaux et l’accès à ces derniers, comme je l’ai souligné dans la discussion générale.

Le présent amendement vise à inscrire cette mesure spéciale parmi les obligations susceptibles d’intégrer le contrôle judiciaire d’un mineur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous comprenons parfaitement l’intention de M. Reichardt, mais le dispositif proposé est difficilement opérationnel et particulièrement restrictif.

En outre, ainsi que je l’ai rappelé en commission, nous pensons, compte tenu des obligations existantes – nous avons proposé, à l’article 14, de reprendre une peine complémentaire de bannissement numérique –, que nous sommes déjà suffisamment armés et qu’il ne faut pas aller plus loin, sous peine de nous exposer à un problème de proportionnalité.

En conséquence, je sollicite le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je formule la même proposition.

Je rappelle, par ailleurs, que le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique doit être examiné en commission mixte paritaire et que ce texte est plus large que ce que vous préconisez.

M. le président. Monsieur Reichardt, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?

M. André Reichardt. Je confirme que M. le rapporteur m’a tenu le même discours en commission. Je veux lui dire que cet amendement ne me paraît pas manquer de proportionnalité.

Selon moi, il ne pose pas d’interdiction générale : il reviendrait naturellement au magistrat de prononcer l’interdiction concernée dans chaque affaire, selon chaque réseau. Il s’agit donc d’une faculté distincte et complémentaire de celle que vous évoquiez, monsieur le rapporteur, à savoir le bannissement numérique.

Monsieur le garde des sceaux, je vous ai bien entendu également. Il est clair que le projet de loi que vous évoquez est important. Toutefois, il serait dommage de priver le juge de la faculté de prononcer cette interdiction.

Je maintiens mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas lamendement.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 4

Le dernier alinéa de l’article L. 112-15 du code de la justice pénale des mineurs est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le placement peut se poursuivre après la majorité de l’intéressé, sur décision spécialement motivée du juge, lorsqu’il a été prononcé à l’égard d’un mineur pour l’instruction du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal ou des crimes prévus au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-5 et 421-6 du même code. » – (Adopté.)

Article 3
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Article 6

Article 5

(Supprimé)

TITRE III

COMPLÉTER ET AJUSTER LES MOYENS ADMINISTRATIFS ET LE CADRE PÉNAL POUR LUTTER PLUS EFFICACEMENT CONTRE LE TERRORISME

Chapitre Ier

Renforcer les moyens d’enquête et de surveillance à disposition des services de renseignement

Article 5
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Article 7

Article 6

Le 3° de l’article 230-46 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’objet des acquisitions et des transmissions est licite et que les nécessités de l’enquête l’exigent, le procureur de la République ou le juge d’instruction saisi des faits autorise, sur demande spécialement motivée et pour une durée qui ne peut excéder quarante-huit heures, toutes opérations portant sur une ou plusieurs catégories de contenu, produit, substance, prélèvement ou service déterminées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

Article 6
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Article 7 bis (nouveau)

Article 7

Après le chapitre VI du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure, il est inséré un chapitre VI bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI BIS

« Interdictions de paraître dans des lieux exposés à un risque de menace grave ou terroriste

« Art. L. 226-1-1. – Aux seules fin de prévenir la commission d’actes de terrorisme, le ministre de l’intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, prononcer à l’égard de toute personne ne faisant pas déjà l’objet de la même mesure au titre des obligations prévues aux articles L. 228-2 et L. 228-4 du code de la sécurité intérieure ou aux articles L. 332-11 et L. 332-16 du code du sport et pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste.

« Cette interdiction tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Sa durée est strictement limitée à celle de l’événement, dans la limite de deux mois. Sauf urgence dûment justifiée, elle doit être notifiée à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur.

« Cette interdiction peut être assortie d’une obligation de répondre, au moment de l’évènement objet de l’interdiction, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par le ministre de l’intérieur, dans la limite d’une fois par jour.

« La personne soumise à l’obligation mentionnée au premier alinéa du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. Ce recours s’exerce sans préjudice des procédures ouvertes aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code.

« Le fait de se soustraire aux obligations du présent article est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet article a pour objet de créer une nouvelle mesure administrative d’interdiction de paraître dans les grands événements, autonome des Micas.

Ces dernières, adoptées dans le cadre de la loi Silt, prévoient déjà l’obligation de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, l’obligation de signaler ses déplacements au-delà d’un périmètre déterminé et l’interdiction de paraître en un lieu déterminé.

Sous couvert du principe de précaution, l’adoption d’une énième mesure administrative créera inévitablement un risque d’arbitraire pour une partie de la population.

Dès lors que les aménagements apportés au droit pénal permettent de judiciariser de manière plus précoce les personnes susceptibles de passer à l’acte terroriste, de telles mesures, qui tendent à renforcer le millefeuille législatif et qui sont source de confusion, ne nous semblent pas nécessaires.

Enfin, la législation pénale en matière de lutte antiterroriste en France étant extrêmement développée, l’inscription, dans notre droit commun, d’une multitude de mesures administratives coercitives adoptées dans une logique prédictive fait peser des menaces sur notre État de droit.

Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.