Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

crise agricole (i)

M. Franck Menonville ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

situation agricole

M. Daniel Salmon ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Daniel Salmon.

mobilisation des agriculteurs (I)

M. Laurent Duplomb ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

situation à mayotte

M. Saïd Omar Oili ; M. Gabriel Attal, Premier ministre.

filière de la pêche

M. Pierre Médevielle ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Pierre Médevielle.

crise agricole (ii)

M. Henri Cabanel ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

mobilisation des agriculteurs (ii)

M. Jean-Claude Tissot ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Jean-Claude Tissot.

moyens de l’enseignement

M. Pierre Ouzoulias ; Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques ; M. Pierre Ouzoulias.

maîtrise des finances publiques

M. Jean-François Husson ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Jean-François Husson.

situation de l’hôpital public

Mme Annie Le Houerou ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; Mme Annie Le Houerou.

mobilisation des agriculteurs (iii)

Mme Kristina Pluchet ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Kristina Pluchet.

crise de la filière de la pêche

Mme Annick Billon ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Annick Billon.

transport des céréales sur la seine pendant les jeux olympiques

M. Pierre Cuypers ; Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques ; M. Pierre Cuypers.

financement de la ligne ferroviaire lyon-turin

Mme Florence Blatrix Contat ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Florence Blatrix Contat.

violences envers les maires et les pompiers

Mme Catherine Belrhiti ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Catherine Belrhiti.

situation des pêcheurs

Mme Florence Lassarade ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Florence Lassarade.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

3. Protéger le groupe électricité de France d’un démembrement. – Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances

M. Christian Bilhac

M. Didier Rambaud

M. Victorin Lurel

Mme Catherine Belrhiti

M. Christopher Szczurek

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Michel Canévet

M. Thomas Dossus

M. Pascal Savoldelli

M. Franck Montaugé

M. Laurent Somon

Clôture de la discussion générale.

Article 2

Amendement n° 6 de M. Christopher Szczurek. – Rejet.

Amendements identiques nos 1 rectifié ter de M. Victorin Lurel et 12 rectifié de M. Christian Bilhac. – Adoption, par scrutin public n° 112, des deux amendements.

Amendements identiques nos 2 rectifié ter de M. Victorin Lurel et 11 rectifié de M. Christian Bilhac. – Devenus sans objet.

Amendement n° 9 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Devenu sans objet.

Amendement n° 14 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 8 rectifié quater de M. Michel Canévet. – Adoption.

Amendement n° 5 de M. Christopher Szczurek. – Retrait.

Amendement n° 3 rectifié ter de M. Victorin Lurel. – Rejet.

Amendement n° 15 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 bis

Amendement n° 4 rectifié ter de M. Victorin Lurel. – Rejet.

Amendement n° 13 rectifié de M. Christian Bilhac. – Retrait.

Amendement n° 7 rectifié bis de M. Victorin Lurel. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3 ter – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Mickaël Vallet

M. Victorin Lurel

M. Bruno Le Maire, ministre

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

4. Décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Mme Solanges Nadille

Mme Annie Le Houerou

Mme Agnès Evren

Mme Corinne Bourcier

Mme Nadia Sollogoub

Mme Anne Souyris

M. Ian Brossat

M. Philippe Grosvalet

M. Marc Laménie

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 3 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 6 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 4 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 5 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 2 rectifié de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2

Amendement n° 7 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 1 rectifié de Mme Anne Souyris. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Vote sur l’ensemble

M. Rémi Féraud

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

5. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin,

M. Philippe Tabarot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

crise agricole (i)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – M. Philippe Mouiller applaudit également.)

M. Franck Menonville. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Elle porte sur la colère des agriculteurs, qui se propage de façon très inquiétante dans notre pays. Avant de la poser, je voudrais toutefois avoir une pensée émue pour Alexandra Sonac et sa fille, qui ont tragiquement perdu la vie dans l’Ariège.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, la colère des agriculteurs ne tombe pas du ciel. Elle sanctionne une longue évolution. Au fil des années, les attentes écologiques et sociétales pesant sur le monde agricole n’ont fait que croître, tandis que les charges administratives et financières de ces professionnels n’ont cessé d’exploser. À tout cela s’ajoutent des politiques publiques françaises et européennes inadaptées aux réalités quotidiennes de leur métier.

De moins en moins compétitive, notre agriculture subit un véritable déclassement. Résultat, nos importations sont 2,2 fois plus importantes qu’en 2000. À l’horizon de 2027, nous pourrions même perdre notre indépendance laitière…

Pour enrayer cette évolution, il faut agir vite et fort ! Pour ce faire, vous devez prendre des mesures de court terme aux effets immédiats : défiscalisation du gazole non routier (GNR) ; octroi d’une année blanche pour les agriculteurs les plus fragilisés ; allégements de charges fiscales et sociales ; suppression des surfaces non productives.

Vous devez aussi vous attacher à veiller à la stricte application des lois dites Égalim : la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, et la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.

Quant aux mesures de long terme, il faut un alignement des réglementations françaises sur les standards européens et un choc de simplification.

Monsieur le ministre, vous disposez d’un véhicule législatif, la loi d’orientation agricole (LOA). Comptez-vous y intégrer des mesures fortes pour restaurer la compétitivité de notre agriculture et soutenir cette profession aujourd’hui désespérée, et en quête de sens depuis tant d’années ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Menonville, je vous remercie de votre question.

Je voudrais tout d’abord m’associer à l’émotion qui est la vôtre et celle de toute la profession en ayant une pensée pour cette jeune femme et sa très jeune fille, ainsi que pour son époux et sa famille.

Cette jeune femme et cette jeune fille ont été victimes, hier, d’un accident terrible dans l’Ariège. Je sais que l’émotion est très grande dans ce département et dans la communauté agricole, comme dans l’ensemble de la communauté nationale. Je souhaite me joindre à cet hommage.

Cette jeune femme défendait la fierté de son métier et la nécessité d’un revenu. Elle protestait contre ce qui est vécu par de nombreux agriculteurs comme des incohérences. Nous allons travailler, afin d’apporter des réponses, de court terme, mais aussi de moyen terme et de long terme.

Le premier sujet que je veux aborder concerne la rémunération. Il faut que la loi Égalim de 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous soit respectée dans son entièreté. Je veux parler du respect des matières premières agricoles, des clauses – sachant que des opérateurs détournent celles-ci ici ou là – et de la nécessité de contractualiser, ainsi que de la responsabilité que doivent assumer les distributeurs et un certain nombre d’opérateurs.

Le deuxième sujet porte sur les mesures à prendre pour répondre aux crises déclenchées par les questions fiscales, ainsi qu’à des crises auxquelles nous avons commencé à apporter des réponses, comme la crise viticole et celle de la maladie hémorragique épizootique (MHE). Pour ce qui concerne la crise viticole, les périodes de gel et la grippe aviaire, des réponses ont été apportées de façon continue depuis des années.

Enfin, nous devons parvenir à nous projeter dans l’avenir.

Premièrement, nous devons retrouver au niveau européen la cohérence entre une transition qui est nécessaire et une souveraineté qui l’est tout autant et qu’il nous faut réaffirmer en tant qu’Européens, alors même que l’Europe aura, en 2023, importé 40 millions de tonnes de céréales. Il convient d’ailleurs de s’interroger : répond-on bien aux objectifs de souveraineté au niveau européen, comme on le fait dans d’autres domaines, notamment dans ceux de l’énergie, des médicaments et des technologies ? Pour l’agriculture, la réponse doit être du même niveau.

Deuxièmement, il s’agit de dégager au niveau national plus d’un milliard d’euros de fonds supplémentaires consacrés à la transition, car nos agriculteurs ont besoin d’être accompagnés à cet égard, y compris pour faire face aux défis climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation agricole

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde agricole est endeuillé, et je m’associe pleinement à la peine des proches de l’agricultrice et de sa fille décédées hier.

L’agriculture française est en crise. Le malaise est palpable depuis des décennies. Il se cristallise aujourd’hui, car la coupe est pleine : le revenu agricole chute inexorablement, alors que les prix alimentaires augmentent. Jamais la question du partage de la valeur n’a été aussi cruciale. Les marges de l’agro-industrie ont atteint 48 % en 2023 ! La problématique n° 1 est bien la faiblesse du revenu agricole, qui épuise les agriculteurs.

Le Gouvernement et le syndicat majoritaire font de la diversion en réduisant la contestation à celle des normes environnementales, à la question des jachères.

Le syndicat majoritaire agite l’écologie comme un épouvantail, pour mieux masquer les échecs sinistres des politiques menées depuis des décennies : organisation d’une concurrence déloyale, confiscation de la politique agricole commune (PAC) par une minorité et dérégulation des marchés.

Vous avez fait du budget alimentaire la variable d’ajustement pour les plus modestes. Le résultat en est la malnutrition pour les uns, le désespoir pour les autres. Ce système craque de tous les côtés.

Quand ferez-vous œuvre de justice sociale et agirez-vous pour que les paysans et les paysannes soient rétribués à la hauteur de leur travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, à l’instar de votre collègue Menonville, vous connaissez bien ces sujets.

Premièrement, pour ce qui concerne la rémunération, il faut que les lois Égalim – des textes votés à une large majorité sur ces travées – soient respectées. Ce sera l’objet des prochaines réunions auxquelles je participerai avec le Premier ministre et le ministre de l’économie et des finances.

Nous devons également lancer un appel, auquel vous pourrez vous associer, à la responsabilité de l’ensemble des opérateurs.

Deuxièmement, vous dites que nous avons fait de l’écologie un épouvantail… Mais cela a été une œuvre collective, monsieur Salmon ! En effet, lorsque l’on accumule les normes et les contraintes, comment voulez-vous que les agriculteurs perçoivent cela ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. C’est vous qui êtes au pouvoir. Assumez !

M. Marc Fesneau, ministre. Nous avons besoin collectivement, monsieur Salmon, de réconciliation ! Or les agriculteurs vivent en permanence leur situation comme une punition ou une mise en accusation.

M. Yannick Jadot. Nous n’accusons personne !

M. Marc Fesneau, ministre. Même si ce n’est pas vous qui les accusez, la question est posée comme cela ! Mais je sais, monsieur Salmon, que vous êtes sans doute l’un de ceux qui essaient de l’exprimer avec le plus de pondération. (Mme Laurence Rossignol sexclame.)

Il y a, enfin, un sujet en termes d’image. Il faut cesser de dire du mal de l’agriculture française dans les médias, à longueur d’émissions, en en donnant une image qui ne correspond pas à la réalité.

L’agriculture française est vertueuse, performante, de qualité et plutôt fondée sur un modèle familial ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Et ce n’est pas le cas partout en Europe !

M. Marc Fesneau, ministre. Oui, les transitions sont nécessaires, et vous ne m’avez jamais entendu dire le contraire. Je ne me défausserai pas à cet égard, pas plus que le Gouvernement. Mais il faut considérer celles-ci à l’aune de notre souveraineté et de la capacité des agriculteurs à les prendre en charge. Sinon, la situation sera complètement bloquée, et nous n’aurons avancé sur aucun de ces deux sujets ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.

M. Daniel Salmon. Vous oubliez quelque peu, monsieur le ministre, que cela fait sept années que vous êtes au pouvoir ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Qu’avez-vous fait sur les clauses miroirs, dont on entend parler en permanence ?

Qu’avez-vous fait pour assurer une autre répartition de la PAC et pour tous les oubliés de cette politique ?

Qu’avez-vous fait pour accompagner massivement la transition agroécologique, dont on a besoin absolument ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Daniel Salmon. Les agriculteurs sont en première ligne. Ils savent parfaitement que nous devons agir sans tarder pour limiter le réchauffement climatique et pour nous adapter, mais il faut les accompagner. Voilà ce qui manque aujourd’hui dans votre politique, qui est insignifiante à ce niveau-là. On comprend donc bien l’émoi de toute la profession.

Sept ans ont déjà passé, il vous reste quelques années : agissez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Yannick Jadot. Bravo !

mobilisation des agriculteurs (I)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, entendez-vous le cri de colère de nos agriculteurs ? Ce cri, je vais le faire mien, car je partage tous les jours les mêmes angoisses, les mêmes incompréhensions, les mêmes révoltes. Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils ne comprennent plus ce que la France et son gouvernement veulent : nourrir sans produire, cultiver sans cultures, élever sans élevage.

Ils n’acceptent plus les messages de condamnation de tous ces pseudo-experts – Caron, Clément, Rousseau – qui leur donnent des leçons dans les médias !

Ils n’acceptent plus d’être verbalisés pour écobuage alors que, durant les émeutes, des milliers d’incendies criminels sont restés impunis ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Cela reste à voir !

M. Laurent Duplomb. Ils n’acceptent plus ces interdictions qui les empêchent de faire leur travail, comme celle des néonicotinoïdes, alors que l’on importe des milliers de tonnes d’aliments qui en contiennent !

Ils n’acceptent plus les contrôles acharnés lorsqu’ils traitent pour protéger leurs vergers ou leurs cultures, alors que sont signés toujours plus d’accords de libre-échange, sans contrôle à nos frontières ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Qui les a signés ?

Mme Raymonde Poncet Monge. C’est l’œuvre de la droite !

M. Laurent Duplomb. Ils n’acceptent plus qu’on les bassine avec ces soi-disant mégabassines. C’est le fruit de la stigmatisation par une minorité de la majorité qu’elle terrorise ! (M. André Reichardt opine.) En un mot, ils n’acceptent plus le poids de cette folie administrative et de cette technocratie abrutissante qui empêchent tout, qui interdisent tout, qui tuent peu à peu les paysans.

Monsieur le Premier ministre, je n’ai pas de question à vous poser, car l’accumulation des problèmes que l’agriculture rencontre résume à elle seule le mal français. Les mots ne suffisent plus à calmer ce mal ; il faut des actes !

Faites rentrer et retenez vos tigres, qu’ils soient de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), de la direction départementale des territoires (DDT), de l’Office français de la biodiversité (OFB) de la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP), de l’inspection du travail ou de la police de l’eau, afin qu’ils mettent fin à cette pression insupportable ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

Faites taire, par des arbitrages favorables à l’agriculture, tous ces soldats verts du ministère de l’écologie punitive !

Faites cesser ce « en même temps » dans votre propre majorité, avec un Canfin promoteur de la décroissance et du Green Deal ! Car le « en même temps » ne peut se conjuguer en agriculture. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yannick Jadot proteste.)

Faites confiance au bon sens, plutôt qu’à cette gauche bobo, qui n’a de cesse de donner des leçons et de produire des interdits ! (Marques dimpatience sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Inscrivez dans la prochaine loi d’orientation des mesures qui détendent la situation normative ! (Protestations et claquements de pupitres sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Arrêtez les surtranspositions et redonnez les moyens de produire !

M. le président. Il faut conclure !

M. Laurent Duplomb. Libérez les paysans de toutes ces contraintes et laissez-les travailler ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Veuillez conclure !

M. Laurent Duplomb. Ils ne vous demandent pas de travailler moins, mais au contraire de pouvoir, sans entraves, continuer de travailler plus ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Duplomb, ce n’est pas la première fois que nous discutons de sujets agricoles, tant vous êtes engagé sur ces sujets au sein de votre groupe, comme plusieurs de vos collègues qui siègent dans cet hémicycle.

Vous le dites avec vos mots ; ce ne sont pas les miens, mais il y a bien un ras-le-bol qui s’exprime, et il faut l’entendre.

Vous l’aviez très bien dit dans votre rapport, rédigé avec d’autres sénateurs, ce ras-le-bol résulte de la sédimentation de dizaines d’années de réglementations superposées. Chacun doit en prendre sa part, et je n’ai pas de difficulté à reconnaître la mienne.

Pour autant, je ne suis pas d’accord, monsieur Duplomb, avec la façon dont vous jetez à la vindicte populaire, ou agricole, les administrations de l’État, de niveau national comme territorial. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Faisons attention et prenons nos responsabilités ! Peut-être le législateur devrait-il donner des outils pour appréhender les réglementations ? J’entends parfois des contrôleurs dire qu’eux-mêmes ne comprennent pas ces textes… Il faut l’entendre !

Je tiens à saluer le travail réalisé au Sénat sur la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France. On nous dit parfois que nous n’écoutons pas assez le Sénat – le président Larcher est vigilant à cet égard. En l’occurrence, nous avons repris les dispositions de ce texte relatives à la compétitivité, que nous avons intégrées dans le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes.

Je pense aussi aux dispositions, inscrites dans un autre texte, sur les groupements fonciers agricoles (GFA), ou celles qui sont relatives aux garanties sur le foncier ou aux garanties d’emprunt. Toutes ces mesures rejoignent la dynamique que vous avez évoquée et qui a été portée au Sénat.

Nous devons aller plus loin. Pour compléter ma réponse à M. Menonville, j’ajouterai que nous devons prévoir des dispositions en faveur de la souveraineté alimentaire et portant sur la question des normes dans la loi d’orientation agricole,…

M. Jean-François Husson. Et dans le budget !

M. Marc Fesneau, ministre. … ainsi que dans la loi de finances, comme m’y invite M. le rapporteur général de la commission des finances.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 le Sénat a voté 1,2 milliard d’euros supplémentaires de crédits pour l’agriculture, en faveur de la transition, de la souveraineté protéique et de la modernisation des appareils de production.

Ce sont toutes ces mesures qui permettront de répondre, à court, moyen et long termes, aux problèmes que vous avez évoqués. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

situation à mayotte

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Saïd Omar Oili. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Avec mon collègue Thani Mohamed Soilihi, j’ai déjà eu l’occasion dans cet hémicycle d’alerter le Gouvernement sur le climat social fortement dégradé de Mayotte. Nous voulons aujourd’hui, solennellement, tirer la sonnette d’alarme sur ce qui se passe dans notre île.

À Mayotte, nous subissons depuis plusieurs années des vagues d’immigration venant des pays voisins, les Comores et Madagascar, dans un territoire de 374 kilomètres carrés qui connaît une augmentation de près de 5 % de la population par an et dont la densité est de 2 500 habitants au kilomètre carré.

Un nouveau flux de migrants venant de l’Afrique des Grands Lacs et de la Somalie est venu s’y ajouter ces dernières années. Un camp s’est installé dans le stade de la capitale, Mamoudzou, où séjournent plus de 700 personnes, dont des familles avec des enfants.

Ce camp, où vivent des Africains dans des conditions indignes, cristallise le désarroi de la population mahoraise, qui subit crise sur crise : crise de la ressource en eau, crise de l’insécurité, crise liée aux intempéries ces derniers jours… Sur les réseaux sociaux, certains évoquent des risques de guerre civile et d’affrontements entre la population et les migrants.

Nous ne faisons pas partie des gens qui soufflent sur les braises, mais il est de notre responsabilité de vous alerter sur une situation dramatique qui peut dégénérer.

Depuis lundi dernier, les services publics sont fermés, des barrages sur les routes bloquent l’accès au travail des Mahorais et perturbent les établissements scolaires. Mayotte sera au bord du chaos si des initiatives fortes ne sont pas prises très rapidement.

Monsieur le Premier ministre, face à cette situation explosive au cœur d’un territoire de la République, quelles actions concrètes le Gouvernement entend-il mener pour évacuer le camp qui s’est formé au cœur de Mamoudzou et enrayer ces flux migratoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le sénateur, Mayotte est une terre de défis, où la jeunesse a envie de prendre son destin en main et où la biodiversité est exceptionnelle. Elle rencontre aussi des difficultés immenses en termes de sécurité, d’accès à l’eau, de services publics, d’école et d’immigration.

Je vous le dis de manière extrêmement claire et forte, mon gouvernement et moi-même sommes déterminés à continuer à agir pour Mayotte, à œuvrer avec vous, avec l’ensemble des élus et avec les Mahorais pour l’avenir de cette île.

Mayotte connaît une immigration forte, source de tensions très graves ; nous avons régulièrement eu l’occasion d’en parler dans cet hémicycle.

Notre premier objectif reste de prévenir les arrivées irrégulières à Mayotte en luttant contre les filières de l’immigration illégale. Vous le savez, une antenne de l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) y a été créée au début de l’année dernière, afin de renforcer la lutte contre les filières de passeurs, et en priorité les filières africaines. Les premiers résultats sont là. En 2023, six filières ont été démantelées et de lourdes condamnations, allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement, ont été prononcées.

Notre deuxième objectif est de traiter beaucoup plus rapidement les demandes d’asile des migrants qui arrivent à Mayotte. En effet, on le sait, durant le délai nécessaire pour obtenir une réponse, des installations ont lieu. Nous avons renforcé les moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui dispose désormais d’une antenne à Mayotte. Nous avons également accru les capacités d’hébergement des demandeurs d’asile.

Notre troisième objectif est d’expulser plus rapidement ceux qui n’obtiennent pas le statut de réfugié et qui n’ont plus rien à faire sur notre sol. Les déboutés de l’asile font systématiquement l’objet d’une décision d’éloignement, qu’il faut exécuter dans les meilleurs délais. Nous savons que l’enjeu est là.

Pleinement mobilisés sur ce sujet, nous obtenons, là aussi, de premiers résultats encourageants, mais il faut aller plus loin. Les échanges internationaux que nous avons nous permettent d’être plus efficaces en la matière.

L’ensemble de ces mesures seront renforcées dans le cadre du plan interministériel Shikandra de lutte contre l’immigration irrégulière, qui est en cours de refonte.

Vous avez décrit, monsieur le sénateur, une situation spécifique : le campement informel de migrants dans le stade de Cavani, à Mamoudzou. Là encore, je vous le dis de manière très claire, l’État est déterminé à évacuer ce camp, en lien étroit avec les élus concernés. Les premières démolitions, qui commenceront dès demain, se poursuivront les jours suivants, jusqu’à la disparition complète de ce campement.

Nous apporterons une réponse adaptée à chacune des personnes présentes sur le campement. J’ai bien conscience que des mouvements sont nés en réaction à l’installation de celui-ci, sous forme de manifestations, de blocages de route et de services publics.

Je le dis clairement, le démantèlement de ce camp doit permettre le retour à un fonctionnement normal de l’ensemble des activités ; c’est une attente forte des Mahorais, et nous le leur devons.

Je tiens aussi à dire que les violences à l’encontre des migrants ne sont pas acceptables. Onze auteurs de violences ont été interpellés et seront jugés.

Monsieur le sénateur, Mayotte, c’est la République. Avec mon gouvernement, avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, je suis déterminé à agir pour les Mahorais et pour Mayotte, et j’aurai l’occasion de me rendre prochainement sur place. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

filière de la pêche

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Pierre Médevielle. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Tout d’abord, mes pensées vont bien sûr vers la famille Sonac, si durement éprouvée.

Monsieur le ministre, ma question porte sur les crises concomitantes de l’agriculture et de la pêche.

Comme prévu, le blocage routier de l’A64 dans mon département, sur l’initiative d’éleveurs victimes de la crise bovine liée à la maladie hémorragique épizootique (MHE), est en train de se généraliser à l’ensemble du pays.

Nos agriculteurs et nos éleveurs ne peuvent plus vivre de leur métier. Devant tant de désespérance, des mesures concrètes et immédiates sont aujourd’hui indispensables. Le gel du prix du gazole non routier (GNR) à un niveau acceptable pendant trois ans permettrait aux exploitants les plus durement touchés de se refaire une trésorerie. Envisagez-vous cette option ?

Aujourd’hui, le bashing agricole et l’inflation normative ne sont plus supportables. L’agriculture doit devenir grande cause nationale pour 2024.

Maintenant, que dire de la décision ahurissante du Conseil d’État revenant sur l’arrêté dérogatoire du Gouvernement, qui se résume à une interdiction de la pêche pendant trente jours dans le golfe de Gascogne ? Les pêcheurs ont subi cet hiver de nombreuses tempêtes les obligeant à rester à quai. Cette nouvelle punition les met dans une situation tout à fait insupportable.

Alors que la gestion des quotas de pêche et de la ressource halieutique a été déléguée à Bruxelles, le Conseil d’État est-il vraiment compétent pour prendre ce type de décisions ?

La réalité des faits, c’est qu’il n’y a jamais eu autant de dauphins, dont personne évidemment ne souhaite la mort, dans le golfe de Gascogne. Doit-on sacrifier toute une filière pour satisfaire les associations comme Sea Shepherd, France Nature Environnement (FNE) ou la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ?

Où les mareyeurs s’approvisionneront-ils ? L’écologie punitive a fait suffisamment de dégâts dans notre pays. Tournons vite cette page !

Monsieur le ministre, nos territoires et nos ports sont en détresse absolue. Ne pensez-vous pas qu’il faut en urgence se pencher au chevet de ces filières, sous peine d’abandonner toute ambition en matière de souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Pierre Médevielle, vous évoquez la situation des agriculteurs et celle des pêcheurs ; la seconde partie de votre question justifie que je vous réponde, compte tenu des responsabilités que j’ai été amené à assumer ces derniers jours et du fait que je suis l’interlocuteur de ces professionnels.

Je n’insisterai pas sur le sujet de l’agriculture ; Marc Fesneau a répondu sur ce sujet.

Vous avez évoqué l’attente d’une mesure. Nous attendons de recevoir, au cours de cet après-midi, les revendications précises des agriculteurs. Le sujet du GNR n’est pas le seul ; il y en a manifestement d’autres.

L’examen que nous devrons faire de ces revendications sera minutieux et ne portera pas seulement sur les mesures à prendre. Il s’agira aussi d’éviter de manquer de considération à l’égard de nos interlocuteurs, ce qui procéderait des mots que nous emploierions, ou de manifester une forme d’hypocrisie écologique consistant à continuer à appliquer des normes à ceux qui produisent ici, et non pas aux producteurs étrangers qui veulent faire venir leurs produits dans notre pays.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. Nous devons être capables de suivre la même logique pour ce qui concerne la pêche.

Pourtant, le point de départ de la colère, en l’occurrence, est très différent : il s’agit, vous l’avez dit, d’une décision du Conseil d’État datant du mois de décembre dernier et rendue à partir d’une réalité qui n’est pas contestable, à savoir le nombre des dauphins, appartenant donc à une espèce menacée, qui se sont échoués sur les plages. Selon les spécialistes, avec 1 482 dauphins échoués lors de la seule période hivernale, c’est la survie de l’espèce des dauphins communs et des marsouins communs qui est en jeu. (M. Pierre Médevielle le conteste.)

Dès lors, une position de compromis, visant à mettre en place un dispositif de conciliation et prévoyant des dérogations, avait été prise. Le Conseil d’État a annulé ces dérogations, dans un délai trop bref pour que nous puissions faire autre chose que d’appliquer strictement cette mesure.

J’ai rencontré le « patron » des pêcheurs il y a quelques jours et je dialogue de façon constante avec ces professionnels. Nous envisageons une batterie de mesures.

Tout d’abord, nous garantissons en urgence des indemnisations, pour que personne ne reste sur le carreau. Ensuite, nous prenons des mesures d’équité, pour éviter que des navires non français ne viennent pêcher dans nos eaux. Enfin, nous mettons en place des mesures de contrôle.

J’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet en répondant à une prochaine question d’actualité. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

M. Pierre Médevielle. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

De grâce, ne laissons pas la situation s’envenimer : le temps des réponses concrètes est arrivé ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

crise agricole (ii)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, Alexandra et Camille sont décédées hier. Le monde paysan, dont je suis, les pleure, et la France est en deuil. Au nom des membres de mon groupe, j’exprime toute notre compassion à leur famille.

Elles sont mortes en défendant le métier d’agriculteur et notre agriculture, l’une des plus sûres au monde. Dans ce contexte de tristesse et de colère, la décence s’impose à nous. Stop à la politique politicienne !

Ce mal-être, on le connaît depuis longtemps. Le rapport d’information que j’ai cosigné avec notre ancienne collègue Françoise Férat en 2021 en pointait les causes multifactorielles.

Nous ne découvrons pas le problème du revenu : une majorité des agriculteurs gagne 4,80 euros de l’heure. Est-ce décent quand le Smic est à 11,65 euros ?

Nous ne découvrons pas le problème de la surtransposition des normes, de la lourdeur administrative, du dénigrement de nos paysans par une minorité – une minorité, j’y insiste, car 85 % des Français aiment les agriculteurs et considèrent qu’ils jouent un rôle majeur dans leur alimentation.

Soyons dignes, n’opposons pas une agriculture contre une autre. Cette diversité, c’est notre richesse et notre force.

Notre agriculture doit s’adapter aux clauses environnementales, mais sans jamais déséquilibrer l’économie. Ces mutations prennent du temps, et il ne faut pas qu’elles créent une concurrence déloyale. Les politiques publiques doivent être pensées avec, par et pour les agriculteurs.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé davantage de contrôles pour l’application de la loi Égalim. C’est un minimum que de faire appliquer les lois ! Mais comment le faire, et avec quels moyens pour la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), entre autres ?

Vous êtes d’accord avec l’objectif de simplification ; nous aussi. Comment entraîner l’administration dans cette voie, à l’heure où le conseil a été remplacé par la défiance et le contrôle ?

Je serai auditionné demain au Parlement européen, à Bruxelles, sur le mal-être des agriculteurs. Je réaffirmerai l’obligation des clauses miroirs. Comment convaincre vos homologues sur cet objectif que nous défendons tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Cabanel, vous êtes agriculteur, et nous avons souvent échangé sur ces questions. Par ailleurs, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu aux deux victimes de l’événement tragique qui s’est produit en Ariège.

Il est vrai que les sujets que vous évoquez ne sont pas tout à fait nouveaux.

Le premier point que je veux évoquer est l’accélération des procédures. Pour ce qui concerne l’eau, les bâtiments d’élevage ou un certain nombre d’investissements engagés et d’initiatives prises par les agriculteurs, il n’est pas acceptable que les procédures durent trois, cinq, sept ou même dix ans…

Au fond, ces procédures sont utilisées non pas pour s’assurer du bon droit ou prévenir un certain nombre de risques, mais pour empêcher – certains l’assument – que les projets puissent naître. Cette question de la durée est un élément important, sur lequel il faut nous pencher.

Le deuxième point, c’est la cohérence. On ne peut pas à la fois demander à un éleveur d’agrandir son élevage pour assurer le bien-être de ses animaux et en même temps lui imposer une procédure qui, par sa longueur et sa lourdeur, l’empêcherait d’agrandir son élevage. On ne peut demander à un agriculteur de maintenir le pastoralisme – nous en avons débattu la semaine dernière – et ne pas trouver les voies et moyens pour répondre aux difficultés que pose la prédation du loup.

Sur tous ces sujets, il nous faut mettre fin aux incohérences et aux injonctions contradictoires auxquelles les agriculteurs, dans la diversité de leurs métiers, sont confrontés.

Le troisième point, c’est la nécessité de répondre aux crises. Dans votre région, monsieur le sénateur, nous avons commencé à le faire, notamment pour ce qui concerne la crise de la maladie hémorragique. Le Gouvernement a déjà mis des moyens sur la table, ainsi que des éléments complémentaires pour rassurer les viticulteurs, notamment.

Il nous faut également travailler sur les transitions. Certains territoires, singulièrement le vôtre, monsieur le sénateur, sont en grande difficulté du fait du dérèglement climatique ou de leur modèle agricole.

Nous avons mis 200 millions d’euros sur la table dans le cadre du budget pour 2024 pour accompagner ces transitions. Il faut non seulement investir, mais aussi faire évoluer les modèles d’agriculture.

Il nous faut enfin travailler, à l’échelon européen, sur les clauses miroirs, mais d’abord et avant tout, prévenir, avec nos partenaires européens, la création de normes qui entravent les capacités de production européennes. Sans cela, nous n’y arriverons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

mobilisation des agriculteurs (ii)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques jours, le mouvement agricole qui a émergé en Europe il y a plusieurs semaines prend de l’ampleur en France, où il a malheureusement été terriblement endeuillé.

Il existe non pas un malaise, mais des malaises dans le monde agricole, tant les différences entre les régions et les filières peuvent être importantes.

Ces malaises s’expliquent bien sûr par des éléments conjoncturels, comme les aléas climatiques et sanitaires ou la situation en Ukraine, mais aussi, monsieur le ministre, par l’incapacité d’un exécutif, qui, après plus de six ans au pouvoir, semble être davantage le spécialiste des réponses d’urgence que le porteur d’un véritable projet. Nous le constatons encore avec le énième report du projet de loi d’orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture, dont le contenu actuel est en deçà des attentes des agriculteurs.

Aujourd’hui, face à cette mobilisation, il importe que nous ne nous trompions pas de diagnostic, mes chers collègues. À l’heure où les géants de l’agroalimentaire s’opposent dans une guerre des prix toujours plus forte et dont les agriculteurs sont toujours les grands perdants, la crise est avant tout économique.

Et ce n’est pas en cédant au lobby agro-industriel sur l’abaissement des normes ni en revenant sur les avancées environnementales du Pacte vert européen que nous répondrons à la situation. Il est au contraire plus que temps d’accompagner le monde agricole dans cette indispensable transition.

Pour cela, rémunérons l’ensemble des services environnementaux rendus par les agriculteurs, retravaillons les aides de la politique agricole commune (PAC), agissons pour une loi foncière qui permette l’installation et la transmission et encourageons l’agroécologie, qui se développe depuis 2014.

Il faut bien sûr également reprendre la main sur la régulation des prix. À cet égard, les lois Égalim ont été des échecs. Seuls un travail à l’échelon européen et un encadrement des traités de libre-échange permettront de reprendre la main sur la régulation des prix.

Ma question est simple et sincère, monsieur le ministre : comment comptez-vous engager cette indispensable évolution de notre modèle agricole ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Tissot, ne voyant pas malice à toutes les questions qui me sont posées, y compris par vous, je m’efforcerai de vous répondre.

Vous dites que les problèmes sont divers. N’éludez pas les questions relatives à la simplification et aux normes pour autant, car elles comptent parmi les problèmes qui sont posés sur la table. Ne voir qu’un pan du sujet serait faire erreur, me semble-t-il.

Vous me demandez ce qu’a fait le Gouvernement. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais je n’ai pas entendu un seul agriculteur souhaiter que l’on revienne sur les lois Égalim. Les agriculteurs nous demandent au contraire d’aller plus loin et de vérifier que ces lois sont appliquées. Or je rappellerai que c’est ce gouvernement, et pas un autre, monsieur Tissot, qui a fait ces lois. Telle est la vérité !

Vous me demandez ensuite d’accompagner les agriculteurs dans les transitions. Mais qui, sinon ce gouvernement, a mis les moyens pour accompagner ces transitions, y compris pour ce qui concerne les produits phytosanitaires ? Vous avez pour votre part soutenu un gouvernement qui a interdit les néonicotinoïdes sans allouer un sou à la recherche de produits de remplacement. Le résultat est que l’on s’est trouvé dans une impasse. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Ma collègue ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et moi-même avons mis les moyens : 250 millions d’euros ont été consacrés à la recherche de produits alternatifs.

Les transitions se feront non pas à coups de déclamations et de déclarations, mais avec des moyens, monsieur le sénateur. Sans moyens, nous n’y arriverons pas ! Tel est l’objet de la création d’un fonds de souveraineté alimentaire et de transition écologique.

Nous devons enfin travailler à l’échelon européen, en nous efforçant de ne pas opposer les modèles, car nous sommes une puissance exportatrice qui doit également satisfaire ses besoins domestiques. Il nous faut donc mener ces travaux à l’échelon européen tout en continuant de travailler sur les transitions et sur la suite des lois Égalim.

S’il nous faut certes aller plus loin – je vous rejoins sur ce point, monsieur Tissot –, je ne peux pas laisser dire que nous n’aurions rien fait. Ce gouvernement a au contraire beaucoup avancé tant sur la rémunération que sur les transitions.

Je vous propose d’essayer d’aller plus loin et plus vite, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour la réplique.

M. Jean-Claude Tissot. Je vous prends au mot, monsieur le ministre : allons plus loin ! Telle est la raison pour laquelle le président de notre groupe a proposé aujourd’hui même au président du Sénat la création d’une commission d’enquête sur la construction du revenu agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

moyens de l’enseignement

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, l’enseignement privé sous contrat perçoit près de 13 milliards d’euros de subventions publiques, qui représentent 75 % de son budget total.

La Cour des comptes a dénoncé les défaillances de votre ministère dans le contrôle de l’utilisation de cet argent public, madame la ministre. Elle alerte aussi sur l’accroissement des disparités sociales entre les établissements privés et publics.

Les dérives d’un établissement privé parisien, que je ne nommerai pas pour vous permettre de me répondre, madame la ministre, ont révélé que certains de ces établissements ne respectent pas leurs obligations légales et leur contrat d’association.

Certains de ces établissements ne respectent pas la liberté de conscience des élèves et des professeurs.

Certains acceptent en leur sein des enseignements contraires à la laïcité et aux valeurs de la République.

Certains laissent libre au cours à des propos contre la contraception, l’avortement et l’homosexualité et séparent les filles et les garçons.

Certains refusent d’organiser la vaccination contre le papillomavirus ou la journée d’hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard, nos martyrs de la laïcité.

Certains ne respectent pas les principes de Parcoursup.

Enfin, certains choisissent de ne scolariser que les enfants des familles les plus favorisées et n’acceptent pas les élèves en situation de handicap.

M. Max Brisson. Caricature !

M. Pierre Ouzoulias. Alors que le Président de la République fait du réarmement civique de la Nation la priorité du Gouvernement, des établissements subventionnés par l’État organisent un séparatisme social et scolaire.

Madame la ministre, il faut mettre fin à toutes ces dérives. On ne peut accepter que deux jeunesses vivent dans des mondes qui s’ignorent. L’école doit être le cœur du projet républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Ouzoulias, depuis quelques jours, j’entends parler de ce séparatisme scolaire au profit de l’école privée.

Je le redis, n’opposons pas l’école publique et l’école privée, qui concourent ensemble au service public de l’enseignement. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Hussein Bourgi. C’est la réalité ! Ouvrez les yeux !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. En parlant pour le privé de séparatisme scolaire, vous stigmatisez les choix de millions de parents, monsieur le sénateur. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Je suis très claire : la République ne tolère aucun séparatisme, encore moins à l’école, encore moins entre ses enfants.

Les règles qui s’appliquent aux établissements privés sont celles de la République, et je serai intransigeante sur le respect de la laïcité comme sur celui de la liberté de l’enseignement. (M. Hussein Bourgi sexclame.)

Nous contrôlons sur le plan pédagogique les enseignements de ces établissements et nous travaillons aussi pour que toutes les écoles soient engagées au service de l’égalité des chances, ce qui, oui, implique de progresser en matière de mixité sociale et scolaire.

Plusieurs expérimentations ont été engagées en ce sens. À titre d’exemple, toute nouvelle ouverture de dispositifs dits d’excellence, comme les sections internationales, est désormais soumise à ce critère de mixité sociale.

Pour les dispositifs de soutien comme « Devoirs faits », nous posons cette obligation et nous privilégions l’école publique, que nous dotons des moyens adéquats.

Un protocole a par ailleurs été signé avec le secrétariat général de l’enseignement catholique, lequel prévoit des mesures très concrètes en faveur de la mixité. L’ensemble de ces établissements seront associés à cette démarche.

Ne faisons pas de procès d’intention. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Jugez-moi sur mon action de ministre. Jugez-moi sur mon ambition pour l’école publique. Jugez-nous sur nos résultats au service de l’égalité des chances et de la réussite de toutes les écoles et de tous les enfants de ce pays. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.

M. Pierre Ouzoulias. Je ne fais pas de procès d’intention, madame la ministre.

M. Pierre Ouzoulias. De nombreux établissements privés sont toutefois aujourd’hui hors la loi. Vous devez impérativement exercer pleinement votre mission de contrôle, pour l’intérêt de toute la République. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Je le fais !

maîtrise des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, lors de vos vœux aux acteurs économiques, vous avez fait part, recyclant ainsi une idée déjà évoquée auparavant, de votre intention de procéder à un désendettement accéléré de la France,…

M. Albéric de Montgolfier. Vaste programme !

M. Jean-François Husson. … en réponse, je pense, à la dérive continue de nos finances publiques et à la croissance irrémédiable de notre dette publique.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, selon quelle méthode vous comptez procéder et nous préciser tant le calendrier que le contenu de votre plan d’action ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Rachid Temal. Et avec quelle croissance ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (« Ah ! » sur de nombreuses travées.)

Monsieur le ministre, mes collègues semblent heureux de vous entendre ! (Sourires.)

M. Rachid Temal. Bienvenue au Sénat !

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je suis pour ma part toujours heureux lorsque je suis au Sénat, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)

Mme Sophie Primas. Répondez à la question !

M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai envie de vous retourner la question, monsieur Husson, car au-delà des méthodes et des plans de désendettement et de réduction des déficits, il faut prendre des décisions.

M. Jean-François Husson. Vous n’allez pas être déçu !

M. Bruno Le Maire, ministre. Or je dois dire que je suis un peu perdu face à l’attitude des Républicains.

Nous venons d’annoncer des milliards d’euros d’économies : nous avons eu pour cela le courage de rétablir une partie de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et de sortir progressivement du bouclier tarifaire sur l’électricité. Nous avons tenu parole : comme nous l’avions annoncé, nous prenons les décisions nécessaires pour rétablir les finances publiques.

J’aimerais dans ce cadre pouvoir compter sur l’engagement ferme et uni des Républicains, mais il faudrait pour cela que vous accordiez vos violons avec vos amis députés, monsieur le sénateur !

M. Jean-François Husson. Ne nous jouez pas de la mandoline !

M. Bruno Le Maire, ministre. En décembre dernier, Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Vous êtes au Sénat !

M. Bruno Le Maire, ministre. … déposait un amendement au projet de loi de finances pour 2024 visant à rétablir la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité à 32 euros le mégawattheure, soit son niveau d’avant la crise.

Mme Sophie Primas. Mais vous, que faites-vous ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Tout en saluant l’effort d’économie qu’il proposait, j’ai indiqué à M. Marleix qu’il était trop tôt et qu’il convenait de rétablir cette taxe de manière plus progressive, comme nous proposions de le faire.

Mais un mois plus tard, le même Olivier Marleix, toujours président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale (« Vous êtes au Sénat ! » sur les travées du groupe Les Républicains.), déclarait qu’il fallait surseoir au rétablissement de la TICFE. Où est la cohérence des Républicains ?

Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, où habitez-vous ? Au Sénat ou à l’Assemblée nationale ? (« Au Sénat ! » sur les travées du groupe Les Républicains.)

François-Xavier Bellamy, votre candidat aux élections européennes, emboîte le pas au président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale et nous demande de surseoir à cette décision courageuse, qui permettra de réaliser 9 milliards d’euros d’économie.

J’estime que quand on est perdu, la seule solution est de s’en remettre à la sagesse du président du Sénat, Gérard Larcher (Rires.), qui, le mardi 23 janvier, déclarait sur France Info que l’abaissement de la TICFE de 32 euros à 1 euro ayant un coût de 9 milliards d’euros, il était indispensable de rétablir cette taxe.

Je vous remercie, monsieur le président. Nous avons suivi votre recommandation ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Franck Montaugé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Vous accumulez les déclarations contradictoires et non suivies d’effets, monsieur le ministre.

Au-delà de la magie du verbe, l’ardoise, elle, n’est pas magique. Elle est même, au goût des Français, particulièrement salée !

Depuis 2017, et alors que vous êtes à la tête de Bercy de façon ininterrompue depuis lors, monsieur le ministre, la France est devenue le bonnet d’âne de l’endettement en Europe. Alors que six pays étaient derrière la France en 2016, Eurostat indique que, depuis, Chypre, la Belgique, l’Espagne et le Portugal nous ont relégués en queue de peloton.

M. Rachid Temal. Même Chypre !

M. Jean-François Husson. Seules la Grèce et l’Italie sont encore plus endettées que la France.

Vous dites vouloir accélérer le désendettement, mais vous n’avez jamais commencé à le faire. Vous contribuez au contraire à l’accélération du déclassement de la France, monsieur le ministre.

Comment en effet parler de souveraineté quand la dette est passée de 33 000 euros par Français en 2016 à près de 50 000 euros par Français en 2023 ? Comment pouvez-vous tenir ces propos avec une telle assurance quand vous et la majorité à laquelle vous appartenez aurez bientôt fait du service de la dette le premier poste de dépenses de l’État, devant l’éducation nationale ? Vous abusez les Français ! Vous vous en moquez, comme vous vous moquez du Parlement !

Pendant des mois, vous avez été l’apôtre des économies et du dialogue avec le Parlement, à qui vous demandiez de proposer des économies. Au Sénat, nous avons fait mieux : nous avons voté 7 milliards d’euros d’économies.

M. Max Brisson. Très bien !

M. Jean-François Husson. Mais vous, inflexible, n’en avez accepté aucune ! Zéro ! Rien ! Pas même un euro symbolique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.) Empêché à l’Assemblée nationale, faute de majorité, vous déniez au Sénat la possibilité de proposer des économies.

Je vous le dis, monsieur le ministre, ce double langage sur l’endettement de la France et sur le Parlement, ça suffit ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

situation de l’hôpital public

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, dès sa prise de fonctions, le Premier ministre a fait une annonce spectaculaire : 32 milliards d’euros supplémentaires pour le système de santé.

Cette annonce a suscité de grandes attentes et mérite des éclaircissements. Qu’en est-il exactement ? S’agit-il vraiment de 32 milliards d’euros supplémentaires ou bien des 31,5 milliards d’euros déjà engagés au titre de la loi de programmation des finances publiques ?

Je crains qu’il ne s’agisse que d’un recyclage de crédits déjà alloués, autrement dit d’un flop. Si tel était le cas, il ne ferait qu’accroître la déception et le désarroi des personnels soignants, auxquels je tiens à rendre hommage.

La santé mérite mieux que des « coups de com’ ». Les Français sur tous les territoires sont préoccupés par l’accès aux soins. La médecine de ville et les hôpitaux font face à une pénurie alarmante de médecins et de personnels soignants.

Il ne se passe pas une semaine sans qu’une manifestation réunisse des milliers de soignants, d’usagers, d’élus, que ce soit à Guingamp, à Lannion, à Pontivy ou à Carhaix. Partout en France s’exprime la détresse face au risque avéré d’accoucher sur les routes ou de ne plus être pris en charge pour un accident vasculaire cérébral (AVC). La perte de chance et la prise en charge tardive sont dénoncées par tous les médecins.

Quelle est votre stratégie pour garantir l’accès aux soins à tous et partout ? Vous allez probablement me répondre que cette stratégie passe par les mesures prises par vos prédécesseurs et évoquer le Ségur de la santé, qui a permis des mesures d’urgence nécessaires, mais insuffisantes face à l’effondrement de notre service public.

Le Premier ministre a appelé à transformer le financement de l’hôpital de manière plus intelligente. Nous sommes impatients de connaître vos propositions concrètes, que lui-même qualifie d’« intelligentes », madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, je rappelle que les milliards d’euros de dépenses de santé que vous évoquez sont l’argent de nos concitoyens – tel était du reste l’objet de la question de votre collègue M. Husson.

M. Mickaël Vallet. Sans blague !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Nos dépenses d’assurance maladie ont augmenté de pas moins de 55 milliards d’euros – une somme extrêmement importante –, dont la moitié au bénéfice des établissements de santé.

Vous le savez, le Ségur de la santé a apporté une réponse forte à la crise du covid-19. Il ne sert à rien, madame la sénatrice, d’évoquer sans cesse les soignants avec la main sur le cœur si l’on ne leur apporte jamais de réponse concrète. Le Ségur de la santé a permis d’augmenter de 8 milliards d’euros les dépenses de fonctionnement. Ces 8 milliards d’euros, c’est du concret ! Ils ont été versés aux personnels de santé, dont la rémunération a ainsi augmenté.

M. Rachid Temal. Et les 32 milliards d’euros ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est tellement vrai que, depuis le mois de janvier dernier, la prise en compte tant attendue des week-ends et des gardes de nuit est effective.

Il nous reste à présent à mettre en œuvre le second volet du Ségur, qui prévoit d’allocation de 19 milliards d’euros d’investissements à des travaux de rénovation et de construction sur l’ensemble du territoire.

M. Rachid Temal. Cela ne fait toujours pas 32 milliards d’euros !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Alors que cela fait dix jours que j’ai pris mes fonctions, vous m’interpellez sur les projets des hôpitaux de vos circonscriptions, mesdames, messieurs les sénateurs. Oui, nous avons besoin de ces crédits, et ma feuille de route consiste à faire en sorte qu’ils deviennent une réalité sur le terrain au plus vite.

Mme Cathy Apourceau-Poly. On vous attend !

M. Rachid Temal. Et les 32 milliards d’euros ?

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.

Mme Annie Le Houerou. Force est de constater que les conditions de travail des professionnels se dégradent et que les difficultés d’accès aux soins persistent, madame la ministre. Plus de bla-bla, mais des actes : voilà ce que demandent les Français !

Comme vous l’avez souligné dans la presse régionale, la santé n’est pas gratuite pour les Français, madame la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Eh non !

Mme Annie Le Houerou. Les Français contribuent chaque mois, par la contribution sociale généralisée (CSG) et les cotisations, au financement des soins. Ils attendent un service public à la hauteur de leur engagement.

Pourtant, les listes d’attente avant de pouvoir subir une opération s’allongent et le nombre de déprogrammations d’interventions s’accroît, mettant en danger la santé de millions de Français.

La désertification médicale a conduit de nombreux hôpitaux à recruter des médecins hors de l’Union européenne. Or les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) sont menacés de perdre leur poste en raison de l’extinction légale de certains statuts. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) La régularisation des médecins diplômés à l’étranger s’impose de manière urgente ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)

mobilisation des agriculteurs (iii)

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

Mme Kristina Pluchet. Monsieur le Premier ministre, j’entends depuis plusieurs années les déclarations du Président de la République et des ministres de l’agriculture successifs, qui promettent, la main sur le cœur, de défendre l’agriculture française et la souveraineté alimentaire.

Mais j’entends surtout, sur le terrain, le monde agricole qui gronde, toujours plus oublié, asphyxié, méprisé.

Depuis dix ans, nous alertons sur les inepties idéologiques qui sont devenues le nouveau credo de votre majorité et de nos institutions, jusqu’à la Cour des comptes, devenue curieusement compétente en matière de déjections bovines.

Monsieur le Premier ministre, qui a soutenu la stratégie européenne Farm to Fork et sa surenchère normative, malgré les alertes répétées des parlementaires européens ? C’est Renaissance, c’est votre majorité au Parlement européen !

Qui a soutenu au Parlement européen la proposition de règlement relatif à la restauration de la nature, qui prévoit 10 % de jachère agricole ? C’est encore Renaissance !

Qui a refusé d’activer la clause de sauvegarde sur le poulet ukrainien ? C’est votre gouvernement, monsieur le Premier ministre !

Qui a approuvé au Parlement européen l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande ? Toujours Renaissance !

Et qui a refusé de soumettre au vote du Sénat le projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global (Ceta) ? Encore votre majorité, monsieur le Premier ministre !

Je m’arrêterai là, mais la liste est encore longue. Et pourtant notre survie dépend bien de celle du monde agricole.

Cette crise met un coup de projecteur sur votre absence de cap et sur les effets délétères du « en même temps ». Comment pouvez-vous assumer un discours à Paris et des votes inverses à Strasbourg ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : qu’attendez-vous pour dénoncer les délires de vos représentants à Bruxelles et soutenir réellement l’agriculture et les agriculteurs français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Pluchet, je crains d’être obligé de rappeler quelques vérités sur le vote d’un certain nombre de textes au Parlement européen.

Le groupe du Parti populaire européen (PPE), au sein duquel siègent vos représentants, madame la sénatrice, a en effet voté une grande partie des textes que vous évoquez. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Et tous les accords de libre-échange !

M. Marc Fesneau, ministre. Sur un certain nombre de sujets, en particulier sur le cadre réglementaire de la PAC, vos représentants se sont associés aux textes qui ont été votés. Il faut assumer ! On ne peut pas tenir de double discours, madame la sénatrice. (Rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous vous désolidarisez des votes des représentants de votre groupe au Parlement européen !

M. Marc Fesneau, ministre. Je vous accorde qu’il faut que nous allions plus loin, sur plusieurs sujets, madame la sénatrice. Mais nous devons avancer différemment, en particulier sur le Green Deal. Lorsque celui-ci a été décidé, personne n’y a trouvé grand-chose à redire. Nous aurions pourtant dû – c’est valable pour nous tous – nous interroger davantage sur la compatibilité entre les exigences environnementales du Green Deal et les capacités productives de la France.

Je rappelle au passage que la présidente de la Commission européenne elle-même appartient à une obédience politique qui est proche de la vôtre, madame la sénatrice.

M. Bruno Retailleau. Proche de Macron !

M. Marc Fesneau, ministre. Mais chacun doit assumer sa part, et il est vrai que nous devons travailler sur ce sujet.

Qui s’est opposé au Mercosur et au traité de libre-échange entre l’Australie et l’Union européenne ? C’est la France ! Or je rappelle, car je ne voudrais pas qu’on laisse accroire que l’agriculture n’a pas besoin de débouchés, que 50 % de nos céréales sont exportées, que les recettes tirées de l’exportation de nos fromages s’élèvent à 3 milliards d’euros et que nous avons besoin d’exporter nos vins et spiritueux.

Nous avons donc besoin de ce commerce, madame la sénatrice, mais nous avons besoin qu’il soit encadré par des règles mieux coordonnées à l’échelon européen.

Autrement dit, il nous faut plutôt plus d’Europe que moins d’Europe et nous devons nous garder de la tentation du repli, voire de l’autarcie que certains proposent. Il convient surtout de se garder de dénoncer des mesures que l’on soutient par ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.

Mme Kristina Pluchet. Ce que je sais, monsieur le ministre, c’est que la délégation française a défendu avec force l’agriculture au Parlement européen.

Sur les barrages, les agriculteurs sont très en colère. Ils en ont ras le bol du bal des faux culs. Faites votre job, monsieur le ministre ! Sortez les dents à Bruxelles et défendez enfin les intérêts de l’agriculture française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Fesneau, ministre. On va vous montrer les votes !

crise de la filière de la pêche

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Billon. Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, j’associe à cette question le président Hervé Marseille et les cinquante-deux collègues qui ont cosigné notre lettre ouverte sur l’interdiction de la pêche dans le golfe de Gascogne.

Depuis deux jours, 500 navires français restent à quai à la suite d’une ordonnance prise par le Conseil d’État pour limiter les prises accidentelles de dauphins. Ce chômage forcé d’un mois, renouvelable en 2025 et en 2026, aggrave la crise de la pêche française, laquelle est déjà éprouvée par la pandémie de covid-19, l’explosion du coût des énergies, le Brexit, le conflit ukrainien ou encore les quotas européens.

Ce mois de fermeture va représenter une perte de 3 300 tonnes de pêche, soit 14 millions d’euros. L’absence de pêche va affecter directement les criées, le maraîchage, les poissonneries, les coopératives de producteurs et les entreprises de maintenance. Un pêcheur en mer, c’est quatre emplois à terre. C’est tout un écosystème qui se retrouve en cale sèche.

Les pêcheurs français sont pourtant sensibles au problème des prises accidentelles. Ils ont du reste investi 30 millions d’euros dans des systèmes répulsifs.

Vous avez annoncé des aides pour dédommager les pêcheurs, monsieur le ministre, mais il ne s’agit là que de réponses partielles. Le monde de la pêche ne demande pas des indemnisations, il ne demande pas l’aumône : il demande à faire son métier.

Je vous poserai deux questions, monsieur le ministre. Sans capitaine à bord du navire pêche, quel cap envisagez-vous de prendre pour éviter le naufrage d’une filière tout entière ? Comment pouvez-vous prendre l’engagement que les poissons consommés seront conformes aux normes aussi contraignantes que celles qui sont imposées à nos pêcheurs français ? À l’instar des agriculteurs, les pêcheurs sont en colère. Ce sont les acteurs de notre souveraineté alimentaire qui s’expriment. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Annick Billon, nous avons dû prendre cette décision dans l’urgence, l’ordonnance du Conseil d’État datant du 22 décembre. J’aurais préféré, comme les pêcheurs, disposer de plus de temps afin de trouver une solution permettant à la fois d’éviter cette fermeture et de respecter la biodiversité marine. Je sais d’ailleurs l’attachement des pêcheurs à l’absence de capture accidentelle – je n’ai pas rencontré un seul professionnel de la mer qui se réjouisse d’une telle pêche.

Toutefois, compte tenu des risques pesant sur la biodiversité, il était nécessaire de chercher un équilibre qui permette à tout le monde de s’y retrouver.

À très court terme, un soutien sera apporté aux pêcheurs concernés par cette interdiction, ceux dont les bateaux mesurent plus de 8 mètres, à hauteur de 80 % à 85 % de leurs pertes de chiffre d’affaires. Les dispositifs de soutien seront élargis aux mareyeurs, qui ne doivent pas être oubliés. Nous avons également engagé un dialogue avec les collectivités territoriales qui, la plupart du temps, ont la responsabilité des ports, et nous prévoyons la mise en œuvre de mesures de chômage partiel pour les criées.

Nous garantissons bien sûr l’équité à nos pêcheurs par l’activation de l’article 13 du règlement relatif à la politique commune de la pêche, qui nous permet d’interdire aux navires non français de pêcher dans le golfe de Gascogne. Nous nous assurons du respect de cette interdiction grâce aux contrôles que nous effectuons avec l’appui de bâtiments de la marine nationale, avec l’accord du ministre des armées et sous l’autorité du Premier ministre. Telles sont les mesures que nous prenons, madame la sénatrice.

En matière de pêche, notre souveraineté alimentaire n’est, hélas ! qu’un concept. Quelque 70 % du poisson qui est consommé dans notre pays provient de l’étranger.

La sidération provoquée par cette fermeture spatiotemporelle doit nous amener, dès la fin de la période concernée, soit dès le début du mois de mars, à réfléchir avec les pêcheurs aux enjeux que sont la soutenabilité de la pêche, la souveraineté alimentaire et la question d’un juste revenu, ainsi qu’aux moyens de concilier dans un an, mais aussi dans deux ans, non pas des injonctions contradictoires, mais des nécessités additionnelles. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – MM. Vincent Louault et Louis Vogel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. Ce n’est pas en interdisant aux pêcheurs français de pêcher que nous améliorerons notre balance commerciale, monsieur le ministre !

Il y a urgence à prendre des mesures, mais aussi à nous doter d’une véritable stratégie à moyen et à long termes et d’un capitaine pour la porter. La filière de la pêche est en train de couler et nous sommes responsables de ce naufrage. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

transport des céréales sur la seine pendant les jeux olympiques

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Cuypers. Monsieur le Premier ministre, le 26 juillet prochain, nous aurons l’honneur d’inaugurer les jeux Olympiques à Paris sur la Seine. D’un claquement de doigts, on fermera donc le fleuve à toute navigation. Après tout, les touristes peuvent se passer de bateaux-mouches !

Mais ce que la mairie de Paris, la préfecture, les ministères concernés et le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques n’ont absolument pas anticipé, c’est que 60 % des flux permettent d’acheminer 600 000 tonnes de céréales, de biocarburant et d’autres marchandises vers le plus grand port céréalier d’Europe qu’est le port de Rouen.

Une solution a bien été proposée par la haute administration : elle consiste à décaler les moissons et les récoltes ! Pour un peu, la technocratie nous proposerait de décaler l’été ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Quelles réponses concrètes le Gouvernement entend-il apporter à ces difficultés, qui pourraient porter le coup de grâce à nos agriculteurs dans cette période de crise majeure ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Cuypers, le déroulement de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques sur la Seine, le 26 juillet prochain, sera une première, car aucune autre n’a été organisée hors d’un stade ni sur un fleuve. Son organisation impose de prendre des mesures pour tenir compte de ce cadre très singulier.

La fermeture à la navigation de la Seine est nécessaire, avant la cérémonie, pour effectuer le déminage des ponts, des quais et des bateaux, ainsi que pour monter le décor du spectacle.

Une concertation approfondie a été engagée par le préfet de la région Île-de-France avec l’ensemble des personnes concernées,…

M. Jean-François Husson. Pour décaler l’été ?

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. … non pas pour décaler les moissons, les récoltes ou l’été, mais pour trouver, avec les représentants des céréaliers, des solutions aux demandes qui ont été formulées.

Premièrement, la durée de la période de fermeture du fleuve à la navigation avant la cérémonie a déjà été réduite de huit à sept jours (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) et un travail d’optimisation se poursuit en liaison avec toutes les parties prenantes.

Deuxièmement, la demande faite à Voies navigables de France d’allonger les horaires d’ouverture des écluses est d’ores et déjà satisfaite.

Troisièmement, les premiers résultats sur l’identification de zones de stockage supplémentaires en aval et en amont de la zone fermée à la navigation, obtenus en lien avec Haropa, ont été transmis à la profession.

Quatrièmement, il fallait un point d’entrée unique auprès des autorités pour résoudre les difficultés éventuelles qui interviendront pendant les jeux. Cette demande aussi est satisfaite.

Cinquièmement, concernant les préjudices que l’on pourrait constater, une méthode de travail a été définie pour en assurer le traitement.

Les épreuves qui se dérouleront sur la Seine – je pense à la natation ou au triathlon – ne poseront pas de difficultés aux céréaliers puisque les bateaux pourront circuler tous les jours après le 26 juillet.

M. Jean-François Husson. Ils nageront entre les péniches.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que les conséquences de l’organisation des jeux sur le quotidien de nos concitoyens et sur la vie économique de notre pays font l’objet de toute notre attention. Nous les prenons en compte et nous veillons à en atténuer le plus possible les effets. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.

M. Pierre Cuypers. Madame la ministre, j’entends ce que vous dites, mais les jeux Olympiques auront lieu dans cinq mois et, en réalité, notre souveraineté alimentaire et énergétique est encore une fois menacée. Elle est fragilisée dans un contexte de colère et de contestation : les agriculteurs et l’ensemble des filières en ont ras le bol !

Par conséquent, un arrêt complet de la navigation du 18 au 27 juillet prochains serait une erreur fatale, même si je peux comprendre que trois jours de fermeture soient nécessaires pour le déminage et pour le montage des installations.

En outre, il nous a été dit que les autorités refusaient la circulation fluviale, même partielle, par peur d’accidents sur les décors lors du montage et des cérémonies. Il ne faut tout de même pas prendre les bateliers pour des marins d’eau douce. (Sourires.)

Madame la ministre, si la navigation est interdite, cela représentera une perte de plus de 500 millions d’euros pour les filières françaises. Comprenez bien que chaque jour de retard supplémentaire prendrait des proportions exponentielles.

Vous savez aussi que nous sommes, en France, les stockeurs de nos clients africains, indiens ou égyptiens, et que si nous ne les livrons pas, les conséquences humaines seront dramatiques.

Madame la ministre, il est impératif – j’y insiste – de trouver une solution viable dans les quinze prochains jours pour que les filières puissent s’organiser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

financement de la ligne ferroviaire lyon-turin

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin revêt une importance capitale pour l’avenir du réseau ferroviaire européen. En reliant stratégiquement Lisbonne à Kiev, elle contribuera à la réduction des émissions de CO2 et permettra d’écarter chaque année un million de poids lourds des routes, notamment dans les vallées alpines. Elle répond également à l’urgence du désengorgement de l’Est lyonnais, aujourd’hui saturé.

D’ici à 2032, le tunnel de base international sera achevé. Fort de ses 57,5 kilomètres, il sera le plus long tunnel ferroviaire au monde.

L’Italie s’est engagée à fournir 60 kilomètres d’accès. Qu’en est-il de la France ? Ses hésitations risquent de faire dérailler le projet, car le financement de l’étude des 150 kilomètres d’accès français n’est toujours pas bouclé.

Pourtant, l’échéance cruciale du 30 janvier approche à grands pas, qui correspond à la date limite pour la demande de subventions auprès de l’Union européenne. Celles-ci permettraient de financer 50 % des études.

Des élus de toutes les sensibilités politiques tirent le signal d’alarme depuis longtemps. Mais les tentatives pour trouver le reste du financement par l’État et les collectivités territoriales ont de nouveau échoué lors de la réunion du 18 janvier dernier : il manque encore 40 millions d’euros.

Devant l’urgence de la situation, nous ne pouvons que regretter l’absence d’un ministre des transports et les atermoiements de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais cela ne doit en aucun cas compromettre l’obtention de ces financements indispensables.

Monsieur le ministre, la France va-t-elle rester à quai ? Va-t-elle renier sa parole et rater son rendez-vous avec l’Europe et ses territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Blatrix Contat, la liaison Lyon-Turin est d’une importance majeure non seulement pour favoriser le report modal de la route vers le ferroviaire, mais aussi pour diminuer la pollution dans les vallées alpines et pour développer les liens entre nos pays.

La date du 30 janvier prochain est bien évidemment inscrite dans mon agenda – elle l’était déjà avant le dernier remaniement ministériel –, puisque c’est celle à laquelle nous devrons notifier à la Commission européenne le bouclage de la partie française des financements prévus pour les études en vue de l’aménagement des accès alpins et du raccordement au contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise.

Laissez-moi vous donner quelques chiffres : 220 millions d’euros, tel est le coût global de ces études extrêmement ambitieuses que nous devons mener pour réaliser l’ensemble des raccordements. L’Union européenne les financera à 50 %, soit à hauteur de 90 millions d’euros puisqu’il faut tenir compte de la part non éligible de 38 millions d’euros. Pour faire simple, il faut donc encore trouver 130 millions d’euros.

Très rapidement, l’État s’est engagé à financer 50 % de la somme non subventionnée par l’Europe, soit un montant de 65 millions d’euros. Sur les 65 millions d’euros restant, les collectivités territoriales apporteront 25 millions d’euros.

M. Yannick Jadot. Et 30 milliards d’euros derrière !

M. Christophe Béchu, ministre. Le delta est donc, comme vous venez de le dire, de 40 millions d’euros.

Compte tenu du montant de ce delta, la contribution de la région Auvergne-Rhône-Alpes, à hauteur de 13 millions d’euros, nous semble faible, surtout si l’on considère la capacité financière de la région et les retombées économiques qui sont attendues.

M. Loïc Hervé. Il suffirait de passer un coup de téléphone !

M. Christophe Béchu, ministre. Vous dites que les discussions ont échoué ; je dirai plutôt, sans plaisanterie aucune, qu’elles n’ont pas abouti. En effet, il est impossible d’envisager que la négociation du 30 janvier prochain puisse échouer. Ce qui se joue, c’est non pas un bouclage financier, mais la réalisation d’un projet qui nous permettra de bénéficier de subventions massives de la part de l’Union européenne. Grâce à lui, nous pourrons porter une ambition écologique concrète, qui ne sera pas seulement de papier. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. Loïc Hervé. Trouvez une solution, enfin !

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le ministre, il est impératif de réussir cette étape pour éviter une gabegie, c’est-à-dire un tunnel sans train ou fonctionnant à la moitié de sa capacité.

M. Loïc Hervé. Évidemment !

Mme Florence Blatrix Contat. Ce serait un échec pour la décarbonation des transports. Ce serait l’échec de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Loïc Hervé et Laurent Somon applaudissent également.)

violences envers les maires et les pompiers

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, caillassage de pompiers à Mantes-la-Jolie, agressions d’enseignants à Angoulême, policiers de la brigade anticriminalité (BAC) assaillis à Marseille : plus que jamais, la crise de l’autorité sévit dans notre République.

Les agressions contre les sapeurs-pompiers ont augmenté de plus de 30 % depuis 2020. En ce qui concerne les enseignants, pour avoir exercé ce métier, je sais l’ampleur de la crise des vocations qui touche la profession. Aujourd’hui, enseigner, ce n’est plus seulement dispenser un savoir à la jeune génération, cela consiste aussi à préserver sa liberté d’expression face aux menaces verbales et physiques.

Enfin, que dire des policiers et des gendarmes, dont les démissions se comptent par milliers chaque année compte tenu du manque de reconnaissance, de moyens et de respect pour leur action au service de tous.

Je n’oublie pas non plus les élus locaux, dont le mandat tend à être un engagement civique. Eux aussi sont trop souvent menacés, désormais, dans leur intégrité physique. Je tiens à rappeler que le Sénat a voté à l’unanimité, en octobre dernier, la proposition de loi de la majorité sénatoriale renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires. Le volet pénal de ce texte prévoit notamment d’aligner les peines encourues sur le régime existant pour les dépositaires de l’autorité publique.

Toutes ces professions font l’honneur de la France et si les vocations de ceux qui les exercent sont différentes, leurs maux ont une même racine, à savoir le rejet croissant de l’autorité de l’État par une partie de la population.

Je vous poserai deux questions, monsieur le ministre. Tout d’abord, à quelques mois des jeux Olympiques, comment le Gouvernement compte-t-il empêcher que n’aient lieu des incidents plus graves encore ? Ensuite, quand nos élus locaux pourront-ils bénéficier de la protection renforcée que le Sénat leur a accordée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, l’année 2023 vient de se terminer et le décompte commence dans un certain nombre de domaines.

Vous avez évoqué les pompiers. Permettez-moi de rappeler les chiffres les concernant. On ne peut pas se satisfaire d’avoir enregistré cent agressions de moins en 2023, même si l’on peut saluer cette baisse, quand 1 400 sapeurs-pompiers se font agresser chaque année et quand 70 % des agresseurs – le chiffre donne à méditer – sont ceux auxquels les pompiers portent secours ! C’est dire combien certains comportements relèvent de l’irrationnel : comment comprendre, en effet, qu’une personne agresse celle qui vient la secourir ?

À bien des égards, les violences contre les élus résultent de la même déconstruction mentale, de la même absence de bon sens, de cohérence, de rationalité, et aussi d’une absence de respect.

Vous avez rappelé la proposition de loi qui a été votée à l’unanimité tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale. Je veux saluer le dépôt, il y a quelques jours, sur l’initiative des présidents Retailleau et Marseille, ainsi que de la présidente Gatel, d’une proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local. En effet, nous savons que ce qui motive l’engagement des élus, c’est non pas le fait de se savoir protégés, mais c’est la perspective d’avoir les moyens d’aider leurs concitoyens, malgré le ras-le-bol normatif qui s’exprime parfois. Et c’est aussi le fait que cet engagement n’aura pas de conséquences trop lourdes sur leur vie personnelle, de sorte qu’ils pourront concilier leur projet avec une vie familiale normale.

Dans la continuité du texte qui a été voté au Sénat, ainsi que des travaux menés par Dominique Faure, dont je salue l’action, quelque 3 400 policiers et gendarmes ont été désignés référents « atteintes aux élus ». Le centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus a enregistré, à la fin de l’année passée, 2 500 inscriptions d’élus souhaitant bénéficier d’un suivi particulier. Les formations se poursuivent et se multiplient. Les instructions envoyées au préfet, notamment par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, dont je vous prie d’excuser l’absence, sont de plus en plus nombreuses. Mon collègue vous présentera bientôt un bilan plus complet.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, vous faites le même constat que moi, mais ce que vous venez de dire illustre une nouvelle fois l’incapacité de l’exécutif à répondre concrètement aux problématiques quotidiennes des Français et l’inventivité que le Gouvernement déploie pour formuler des promesses qui me semblent être sans lendemain. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

situation des pêcheurs

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les agriculteurs souffrent, les pêcheurs aussi. En effet, dans le golfe de Gascogne, la pêche est interdite à tous les bateaux de plus de huit mètres pendant un mois.

Cet arrêt d’un mois doit se répéter pendant les hivers de 2025 et 2026 au nom de la protection des dauphins. Ainsi, plus de 450 navires resteront à quai pendant la période la plus propice pour les pêcheurs. C’est toute une filière qui est menacée.

Une décision du Conseil d’État visant à protéger les dauphins des captures accidentelles par des marins-pêcheurs est à l’origine de cette mesure radicale.

Pourtant, des dérogations avaient été initialement prévues et de nombreux pêcheurs avaient consenti à investir pour s’équiper de dispositifs de dissuasion acoustique et de caméras embarquées. En outre, d’autres solutions existaient. Les représentants de la filière avaient, par exemple, proposé la fermeture tournante des zones de pêche.

Mais l’interdiction de pêcher a été étendue à tous les navires européens et – cela était prévisible – a suscité de vives réactions. L’Association européenne des organisations de producteurs de poissons a appelé la Commission européenne à trancher. Elle estime, en effet, que cette décision unilatérale pénalise toute la filière pêche de l’Union européenne et considère que cette jurisprudence ne devrait s’appliquer qu’aux navires français. En attendant la décision de la Commission européenne, pendant un mois, les pêcheurs espagnols pourront tranquillement continuer de pêcher et concurrencer les Français.

Enfin, comble de l’absurdité, la communauté scientifique européenne estime que, depuis vingt ans, la population des dauphins communs est stable et ne court aucun risque à court terme dans le golfe de Gascogne.

Dans la mesure où l’on prélèvera moins de produits de la mer, les prix sur les étals des poissonniers risquent de s’envoler et la part des poissons importés de progresser.

Monsieur le ministre, face à cette décision radicale, absurde, injuste et dispendieuse, que proposez-vous pour sauvegarder la filière de la pêche française et pour permettre aux pêcheurs professionnels de continuer d’exercer leur métier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, la décision que vous contestez avec force relève non pas du politique, mais de la justice : c’est celle du Conseil d’État. Vous êtes libre, bien évidemment, de dénoncer le consensus scientifique sur lequel cette décision s’appuie. Dans les fonctions qui sont les miennes, il est de ma responsabilité d’appliquer les décisions de justice.

Je précise que les arrêts temporaires de la pêche n’ont rien de nouveau et ne se limitent pas à la protection des dauphins. En effet, il y a eu des arrêts temporaires pour la sole ou pour les civelles. Dans certains cas, des interdictions de pêche ont été prononcées.

Le Gouvernement a travaillé avec les pêcheurs pour éviter une fermeture spatiotemporelle pure et pour permettre des dérogations. Mais ces mesures ont fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’État.

Face à cette situation, notre responsabilité est de soutenir la totalité de la filière, de l’amont jusqu’à l’aval. Au-delà de la période de crise dans laquelle nous sommes, il nous faut aussi réfléchir à plus long terme et anticiper la situation dans un an.

En revanche, je ne peux pas vous laisser dire que nous sommes en Absurdie parce que le dispositif varie en fonction de la nationalité des bateaux. En effet, l’article 13 a été appliqué sans délai : l’interdiction vaut pour tous les navires de plus de huit mètres et pas seulement pour les navires français. Le dispositif est entré en vigueur lundi dernier, à la première heure, et il est contrôlé non seulement par les préfectures maritimes, mais également par les navires et les avions de la marine nationale.

Les sanctions auxquelles s’exposent les navires de plus de huit mètres sont liées non pas à la couleur de leur pavillon, mais au fait de croiser dans les eaux du golfe de Gascogne.

Le comité des pêches tenait, bien évidemment, à ce que le dispositif n’entraîne aucune distorsion. Cette mesure est désormais effective. Nous pouvons débattre du principe de fermeture de la zone, des délais ou des indemnisations à prévoir, mais nous ne pouvons certainement pas remettre en cause le respect de cette interdiction ou bien son étendue. En effet, le Gouvernement a pris ses responsabilités et la situation est claire.

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.

Mme Florence Lassarade. Comme pour l’agriculture, en reprenant les arguments erronés des ONG anti-pêche, vous conduisez le pays à l’insurrection, ni plus ni moins. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. C’est une décision de justice !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

J’informe le Sénat que, mercredi prochain, à quinze heures, nous entendrons une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de notre Constitution. La conférence des présidents confirmera cet après-midi l’inscription de ce point à l’ordre du jour.

En conséquence, la prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 7 février, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Discussion générale (suite)

Protéger le groupe électricité de France d’un démembrement

Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Article 2

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (proposition n° 579 [2022-2023], texte de la commission n° 248, rapport n° 247).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai concis et clair : il n’a jamais été question de démembrer le groupe Électricité de France (EDF).

Nous allons examiner la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement, mais je veux rassurer tout le monde ici et, en dehors de cet hémicycle, tous nos compatriotes : aucun démembrement d’EDF n’est prévu.

Nous avons définitivement abandonné le projet Hercule, qui avait suscité l’inquiétude des salariés d’EDF.

Le Président de la République et moi avons pris une décision radicale – prendre le contrôle de 100 % d’EDF –, qui devrait suffire à rassurer tout le monde puisqu’elle nous donne les mains libres pour conduire une politique ambitieuse pour la nation française et pour EDF.

Lors de mon premier déplacement comme ministre de l’énergie, je me suis rendu à Gravelines, site de la centrale nucléaire la plus importante d’Europe. À cette occasion, j’ai dit aux salariés de Gravelines, et, à travers eux, à tous les salariés d’EDF, que j’étais le garant de l’unité de cette grande entreprise française, dont dépend une grande partie de notre avenir.

Je profite de cette discussion générale pour répondre à trois questions essentielles, auxquelles je suis confronté au moment où je prends mes fonctions de ministre de l’énergie.

Que demandons-nous à EDF ? Que voulons-nous pour la Nation ? Que voulons-nous pour les Français ?

Nous demandons précisément trois choses à EDF.

Premièrement, EDF doit produire davantage. Chacun connaît les difficultés qu’a rencontrées l’entreprise au cours des mois qui se sont écoulés, notamment à la suite des problèmes de corrosion sous contrainte. Elles ont été résolues, et je tiens à remercier ici les salariés d’EDF.

Notre objectif commun doit être qu’EDF produise 400 térawattheures par an d’ici à 2030. Nous consommons plus d’électricité ; EDF doit donc en produire massivement. Voilà ce dont nous avons d’abord besoin.

Deuxièmement, nous demandons à l’entreprise publique d’investir à la fois dans le nucléaire, notamment pour réaliser six nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR) – huit autres seront mis à l’étude –, et dans les énergies renouvelables. Ce sont deux technologies complémentaires : l’énergie nucléaire garantit la stabilité et les énergies renouvelables viennent en surcroît. Aussi, nous attendons d’EDF qu’elle augmente les capacités de production des éoliennes offshore et terrestres, des panneaux photovoltaïques et des centrales hydroélectriques.

J’aimerais que chacun mesure le défi industriel que représente la réalisation de six nouveaux EPR. Il s’agit d’un défi financier considérable – il se chiffre en dizaines de milliards d’euros –, un défi en termes d’ingénierie, de technologie, de terrassement et de génie civil.

On se rend bien compte que pour réaliser de nouvelles tranches à Gravelines, il faudra d’abord creuser des fondations à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, traverser les couches sablonneuses et argileuses avant d’atteindre un sol solide, pour ensuite construire des piliers d’acier d’une dizaine de mètres de hauteur, capables de supporter une charge de deux millions de tonnes, et enfin installer des réacteurs.

Puis il faudra faire le design le plus simple possible pour qu’il soit reproductible de manière régulière sur des réacteurs têtes de série et, ensuite, sur des séries entières de réacteurs.

Tout cela nécessite une ingénierie industrielle que nous n’avons pas mobilisée depuis près d’un demi-siècle en France.

Il s’agit donc d’un défi considérable pour EDF. Je veillerai à ce qu’il soit relevé, de sorte que les ambitions affichées par le Président de la République puissent se traduire par des réalisations concrètes.

Troisièmement, nous voulons pour EDF la stabilité financière ; nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de ce débat.

J’entends bien ceux qui arguent qu’EDF ayant été nationalisée – ses capitaux sont désormais à 100 % publics –, l’entreprise n’a qu’à proposer des prix cassés pour les ménages comme pour les entreprises. Mais si EDF est ruinée, c’est le contribuable qui devra recapitaliser l’entreprise et l’on ne sera guère plus avancé ! Il est donc essentiel de garantir la stabilité financière d’EDF.

La dette d’EDF s’élève à 65 milliards d’euros, ce qui en fait l’entreprise émettant le plus de dettes en Europe, alors même que les taux d’intérêt sont élevés. Il est donc essentiel de garantir la soutenabilité financière d’EDF. Cela aussi relève de ma responsabilité.

Que voulons-nous pour la Nation ?

Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie et du climat.

Je le sais, le retrait du volet programmatique du projet de loi sur la souveraineté énergétique a fait couler beaucoup d’encre. Je veux toutefois rassurer tout le monde : je l’ai fait pour mettre le sujet non pas sous le tapis, mais en pleine lumière, afin que nous puissions en discuter sereinement.

On ne fait pas une programmation pluriannuelle de l’énergie et du climat en quelques jours, dans la précipitation. Ce serait, selon moi, une erreur.

J’ai eu l’occasion de dire aux associations, aux ONG, aux élus locaux que je souhaitais que nous prenions le temps d’en discuter ensemble, mais aussi avec nos compatriotes, car une telle programmation emporte des choix technologiques, industriels et financiers, mais également sociaux et territoriaux.

Il n’a échappé à personne dans cette assemblée qui représente les territoires que près d’un tiers des capacités d’énergie produites par les éoliennes terrestres se situent actuellement soit dans les départements du nord de la France, soit dans la région Grand Est. Un certain nombre de nos compatriotes qui habitent dans le Nord ou dans la région Grand Est se demandent pourquoi les éoliennes terrestres sont toujours installées chez eux ! Pourquoi la répartition n’est-elle pas plus équitable ? Il faut en débattre avec les Français.

On veut avancer non pas contre les Français, mais avec eux,…

M. Mickaël Vallet. Et les retraites ?

M. Bruno Le Maire, ministre. … surtout lorsqu’il s’agit d’établir la stratégie énergétique qui engage l’indépendance de la Nation.

Aussi, nous voulons faire de la France la première économie décarbonée d’Europe à l’horizon de 2040.

Cela suppose d’avancer dans trois directions.

Premièrement, il nous faut d’abord viser la sobriété et l’efficacité énergétiques. Je commence par ce point, car je tiens à saluer les efforts qu’ont réalisés les ménages et les entreprises, avec lesquels nous avons gagné la bataille de la sobriété lors de l’hiver 2022-2023. Chacun fait des efforts, chacun fait attention à sa consommation d’énergie, et c’est la meilleure façon d’être indépendant.

Faire plus attention à l’énergie que nous consommons et récupérer l’énergie produite, par exemple, par les cimenteries ou les autres grandes usines consommatrices, pour alimenter le réseau de chauffage d’une ville ou d’une communauté d’agglomérations, voilà ce qu’est l’efficacité énergétique. Selon moi, la sobriété et l’efficacité énergétiques sont les éléments clés de notre stratégie.

Deuxièmement, il nous faut construire de nouveau des réacteurs nucléaires, afin de retrouver la grande ambition nucléaire qui a été au cœur de la souveraineté et de l’indépendance nationale au cours des dernières décennies.

Troisièmement, enfin, les énergies renouvelables font partie intégrante de notre stratégie. Nous devons accélérer dans ce domaine, car nous entrons dans une période où les réacteurs existants sont en fin de vie, alors même que les nouveaux ne sont pas encore disponibles, le premier d’entre eux devant être construit à partir de 2035.

Qu’on le veuille ou non, la réalisation d’un parc d’énergies renouvelables plus important est indispensable à l’indépendance de la Nation.

Que voulons-nous pour les Français ?

D’abord, nous voulons leur garantir la sécurité énergétique. Chacun l’a bien vu à l’occasion de la guerre en Ukraine, la dépendance énergétique à d’autres nations est la plus terrible des folies économiques. Par conséquent, nous devons renforcer notre indépendance.

Le défi, c’est de renforcer notre indépendance tout en étant capable d’augmenter massivement la part de l’électricité dans notre mix énergétique.

Nous le savons, la part du nucléaire dans l’électricité produite s’élève à 70 % ou à 75 %, ou plutôt à 60 % ou à 62 % désormais, mais nous oublions que 60 % du mix énergétique français – et c’est le chiffre sur lequel nous devrions fonder notre réflexion – est encore constitué d’énergies fossiles, alors même que nous n’en produisons plus !

Il faut donc réduire notre dépendance aux nations productrices, augmenter la part de l’électricité, c’est-à-dire doubler la part de l’électricité dans le mix énergétique français – elle s’élève actuellement à 27 % –, pour atteindre la neutralité carbone.

Cela suppose de réaliser des investissements absolument considérables, qui garantiraient toutefois à nos compatriotes la sécurité énergétique, la production sur notre territoire, l’indépendance en matière énergétique et la capacité à réindustrialiser la Nation.

Ensuite, nous devons garantir aux Français le coût le plus bas possible de l’électricité. Mesdames, messieurs les sénateurs, croyez-moi, ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai annoncé le rétablissement d’une partie de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité. Simplement, si nous voulons garantir aux Français une capacité d’investissement, notamment dans les énergies renouvelables, il nous faut mettre fin au bouclier tarifaire sur l’énergie que nous avons mis en place pendant deux ans.

Nous ne pouvons pas faire reposer sur les épaules de l’État, c’est-à-dire sur les contribuables, le financement d’EDF ou des énergies renouvelables, qui était assuré auparavant par la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité.

Le montant de cette taxe s’élevait à 32 euros le mégawattheure avant la crise, nous l’avons baissée à 1 euro pendant deux ans. Nous la remontons progressivement, en la fixant à 21 euros au 1er février prochain. Nous sortirons définitivement du bouclier énergétique à compter du 1er février 2025.

À l’occasion de l’examen de cette proposition de loi contre le démantèlement d’EDF, je m’engage à ce que le prix de l’énergie soit stable pour les Français, lesquels seront moins exposés aux énergies fossiles, et à ce que le prix de l’électricité soit l’un des plus bas de tous les pays européens.

Je le redis, aucun démantèlement n’est prévu ; je suis le garant de l’unité de ce grand service public énergétique français. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le ministre, la discussion de la proposition de loi déposée par le député Philippe Brun avait suscité, lors de son examen en première lecture au Sénat, voilà neuf mois, un « enthousiasme général », selon le trait malicieux du rapporteur de l’époque, Gérard Longuet.

Neuf mois plus tard, le même enthousiasme semble toujours accompagner l’examen de ce texte, au moins chez ceux qui siègent à la gauche de cet hémicycle, puisqu’ils ont réinscrit le texte, en deuxième lecture, à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale puis du Sénat.

Toutefois, en neuf mois, le contexte a évolué. L’entreprise Électricité de France a été retirée de la côte le 8 juin dernier, dix-sept ans après son introduction en bourse. Certaines dispositions du texte initial n’ont donc plus lieu d’être. C’est pourquoi nous n’avons plus qu’à nous prononcer sur trois articles.

L’article 3 ter, qui prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur l’intérêt de nationaliser Électricité de Mayotte, dont le capital est, je le rappelle, détenu conjointement par l’État, EDF et le conseil départemental de Mayotte, ne pose aucune difficulté.

L’article 3 bis prévoit l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) à toutes les petites et moyennes entreprises (PME) sans seuil de puissance souscrite. Depuis longtemps, le Sénat demande aux gouvernements successifs de revenir sur la surtransposition de la directive européenne du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

La directive permet d’octroyer le bénéfice des TRVE à toutes les microentreprises. Pourquoi donc avoir introduit une distinction entre les commerçants, les artisans, les restaurateurs selon la puissance qu’ils ont souscrite ?

La suppression de ce seuil de puissance, aujourd’hui fixé à 36 kilovoltampères, permettra demain à toute collectivité ou entreprise réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros et employant moins de dix équivalents temps plein travaillé de bénéficier des tarifs réglementés de vente. Je le rappelle, il n’est pas possible d’élargir le périmètre des entités éligibles au-delà de cette définition sans contrevenir au droit européen.

Soyons honnêtes, un tel déplafonnement aurait pris tout son sens au moment de la flambée des prix de l’électricité sur les marchés de gros. Si un tel plafond, à hauteur de 36 kilovoltampères, n’avait pas existé, nombre de nos très petites entreprises (TPE) ou de nos commerçants n’auraient pas été confrontés à de telles difficultés financières. Le Gouvernement, lui, n’aurait pas eu à déployer des dispositifs de soutien, parfois difficilement accessibles.

Compte tenu du prix actuel, un tel déplafonnement a moins de sens, les offres de marché concurrençant désormais les TRVE.

J’ai gardé pour la fin le sujet le plus sensible, soulevé par l’article 2. Comme l’avait déjà souligné avec justesse notre ancien collègue Gérard Longuet, la crainte d’un démembrement d’EDF pose en creux des questions sur le futur du marché européen de l’électricité. Or le ministre nous a rassurés : de démembrement, il n’est plus question !

Depuis 2002, le marché européen de l’électricité est ouvert à la concurrence ; personne ne songe à remettre en cause ce principe, me semble-t-il.

En vertu du principe de liberté d’accès au marché, les tiers doivent pouvoir accéder au réseau électrique. En raison de l’évident monopole en la matière, multiplier les réseaux de transport et de distribution serait une véritable gabegie, aussi bien d’un point de vue financier qu’écologique, vous en conviendrez, monsieur le ministre.

Il faut donc accepter que Réseau de transport d’électricité (RTE) et Enedis soient indépendants d’EDF, même si cette dernière en est actionnaire, parce qu’elle n’est que l’un des multiples utilisateurs des réseaux.

Conformément à l’alinéa 9 du préambule de 1946, le capital des deux sociétés, Enedis et RTE, demeure public à 100 %.

Afin de ne pas figer l’organisation du groupe et pour permettre l’évolution des actifs détenus par EDF, qu’ils soient localisés sur le territoire national ou à l’étranger, la commission des finances a substitué à la liste des activités exercées par l’entreprise une disposition prévoyant la signature d’une convention décennale avec l’État, révisée tous les trois ans.

En effet, le plus important est moins de figer les moyens dont dispose l’entreprise que de s’intéresser à ses résultats. Il est également indispensable de lui donner de la visibilité sur les orientations à moyen terme de l’État actionnaire, au-delà de la seule question de la soutenabilité financière, monsieur le ministre !

Mme Christine Lavarde, rapporteur. Or en matière de stratégie, reconnaissons que les besoins sont criants !

Comment a-t-on pu décider de fermer Fessenheim, puis, quelques mois plus tard, d’augmenter le volume d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et remettre en fonctionnement des centrales à charbon ? (M. Thomas Dossus proteste.)

Ces trois décisions manquent de cohérence. Pourtant elles ont été prises par la même majorité !

Mme Christine Lavarde, rapporteur. Ce contrat devra préciser la manière dont l’entreprise EDF répondra, dans les prochaines années, à trois grands défis.

Le premier défi, c’est la décarbonation de la production de l’électricité, condition sine qua non de la décarbonation de l’économie. Elle ne peut reposer que sur le retour d’une politique de développement du nucléaire ambitieuse.

Le deuxième défi, c’est la maîtrise des prix de l’électricité, pour les ménages et pour les entreprises. Que se passera-t-il après la disparition du mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, le 31 décembre 2025 ? Quelle place occupera EDF, le principal producteur et gestionnaire d’actifs de production financé par des fonds publics ?

Le troisième défi, c’est l’adaptation des capacités de production à l’évolution de la demande d’électricité.

Monsieur le ministre, il ne vous a pas échappé que l’électricité se stocke difficilement : la possibilité d’installer des stations de transfert d’énergie par pompage (Step) est limitée ; la production de batteries dépend de la disponibilité des matières premières qui les composent et ses effets environnementaux soulèvent des questions. Par ailleurs, celle-ci sera de plus en plus décentralisée et individualisée.

Au travers de ce contrat, l’État doit affirmer qu’il fait de l’indépendance énergétique l’une de ses principales préoccupations.

Du reste, j’ai bien entendu que vous partagez ces mêmes objectifs, même si vous les exprimez en d’autres termes, monsieur le ministre.

Enfin, la commission des finances a souhaité revenir à la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture de la disposition tendant à ouvrir le capital de l’entreprise aux salariés actuels et anciens. En choisissant d’employer un verbe à l’indicatif, elle réaffirme que cette ouverture devra se faire.

Les débats sur la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, nous avaient donné l’occasion d’exprimer de nouveau notre soutien à l’actionnariat salarié. Depuis lors, notre position n’a pas changé !

Sur ce sujet, il n’est pas acceptable de faire du « en même temps », c’est-à-dire d’offrir cette possibilité à certaines entreprises et, en même temps, de la refuser à d’autres, au motif qu’elles sont publiques !

Pour autant, le capital social ne doit pas être ouvert à n’importe quel moment ni de n’importe quelle façon, et ce dans l’intérêt des futurs actionnaires minoritaires.

La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ainsi que certains amendements qui seront défendus cet après-midi, soulève plusieurs difficultés. Je pense notamment à la valorisation des actions et au renouvellement des opérations d’ouverture en capital.

Aussi, la rédaction issue des travaux de la commission des finances me semble équilibrée : elle inscrit dans la loi le principe de l’ouverture, tout en laissant ouvertes les modalités d’ouverture.

À plus court terme, il pourrait être intéressant qu’EDF mette en place l’intéressement des salariés aux résultats de l’entreprise.

Le calendrier d’étude de cette proposition de loi n’est peut-être pas le plus opportun : le marché de l’énergie est en plein bouleversement, les règles du jeu pour les prochaines décennies sont en train d’être établies à l’échelle européenne et nationale.

Nous aurons donc l’occasion de débattre de ce sujet de nouveau très prochainement, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui compte pour les Français, c’est l’augmentation de 9 % des tarifs de l’électricité au 1er février 2024,…

M. Christian Bilhac. … après la hausse de 10 % en août dernier et ce alors qu’ils n’entrevoient pas la fin de l’inflation. Peut-être nos débats leur semblent-ils futiles, mais c’est EDF qui assure l’indépendance énergétique de la France.

Après avoir débattu du fonctionnement du marché de l’électricité la semaine dernière, sans que cela nous ait permis d’avoir des perspectives plus claires, la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement nous est aujourd’hui soumise en deuxième lecture.

La liste explicite d’activités appartenant à EDF, inscrite dans la loi, se heurte à la position de la commission, laquelle invoque la non-conformité du texte au droit de la concurrence de l’Union européenne.

Ces controverses juridiques n’ont plus lieu d’être, car l’article 1er du texte initial n’a pas été conservé. Ce dernier prévoyait de nationaliser EDF plutôt que de conserver le statut de société anonyme de l’entreprise, nonobstant son caractère d’intérêt national.

Depuis un an, les intentions de l’exécutif sur l’avenir d’EDF ne sont pas plus claires, malgré l’abandon du projet Hercule. Mais nous devons rester vigilants. Il ne faudrait pas que le pauvre Hercule, abandonné sur le bord de la route, soit recueilli demain par un gouvernement compatissant.

Le texte, examiné en deuxième lecture au Sénat, a de nouveau été largement modifié par la commission des finances.

La vente par appartement, si je puis dire, des branches les plus rentables du premier opérateur européen d’électricité n’est pas totalement exclue à mon sens. Selon la formule consacrée, il ne faudrait pas socialiser les pertes et privatiser les profits.

Cela étant dit, la mise en place d’une convention décennale renouvelable entre EDF et l’État va dans le bon sens. Elle devrait améliorer la transparence sur la gestion de l’entreprise publique.

La demande d’électricité va continuer d’augmenter, sous l’effet du développement d’activités très énergivores, qu’elles soient liées au secteur numérique, avec sa cohorte de serveurs informatiques, ou qu’elles résultent du choix du tout électrique pour les véhicules automobiles et pour le chauffage.

Dans un contexte marqué par des crises internationales, l’État doit garder la maîtrise des infrastructures stratégiques sensibles de production, de transport et de distribution d’électricité, afin de garantir l’indépendance énergétique du pays, ainsi que la sécurité et la sûreté des centrales nucléaires, qu’il ne faut pas oublier.

L’interaction entre les métiers de la filière doit aussi être garantie par la puissance publique, notamment pour assurer la coordination entre la gestion des barrages hydroélectriques et le refroidissement des centrales nucléaires, en lien avec les énergies renouvelables. Nous avons eu des problèmes.

Il faut avoir à l’esprit que lorsque les rivières sont au plus bas, la production photovoltaïque est au plus haut.

La version finale de la proposition de loi risque de se limiter à régler certains sujets moins stratégiques, comme la part de l’actionnariat salarié, malgré les déconvenues subies par les petits actionnaires depuis l’ouverture du capital.

Mon groupe se contentera de proposer quelques amendements, puisque la règle de l’entonnoir interdit de revenir sur les dispositions supprimées en première lecture.

Concernant l’accès aux tarifs réglementés, le groupe du RDSE proposera le rétablissement de mesures en faveur des très petites entreprises et des collectivités.

En première lecture, le groupe du RDSE avait majoritairement voté contre le texte issu des travaux du Sénat. Pour cette deuxième lecture, nous nous positionnerons en fonction du sort qui sera réservé aux différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-François Husson. Ça progresse ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une navette parlementaire aussi électrique que longue, nous voilà de nouveau réunis pour examiner cette proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement.

Fondé en 1946, EDF est en réalité bien plus qu’un simple groupe. Il s’agit d’un véritable fleuron de notre économie, d’un maillon essentiel de la mise en œuvre de la politique énergétique de la France, notamment de la relance du nucléaire engagée par le Président de la République et votée par le Parlement en 2023.

Vu les difficultés financières du groupe et la situation inquiétante de la disponibilité du parc nucléaire, l’État a pris une décision historique pour protéger l’entreprise tricolore : nationaliser de nouveau EDF.

Monsieur le ministre, le 23 mai 2023, vous avez annoncé la finalisation de ce processus, marquée par la prise de contrôle, le 8 juin, de 100 % du capital du groupe par l’État, une opération dont le coût total avoisine les 9,7 milliards d’euros.

Depuis le 8 juin 2023, l’État est donc redevenu le seul actionnaire du producteur d’électricité EDF.

Mes chers collègues, nous sommes toutes et tous inquiets de l’avenir de ce groupe, mais le Gouvernement a pris des engagements à de nombreuses reprises et vous l’avez fait une nouvelle fois aujourd’hui, monsieur le ministre : l’État préservera le groupe EDF. Nous sommes donc à des années-lumière d’un hypothétique démantèlement.

Dès lors, pourquoi devrions-nous voter cette proposition de loi ? Le ferions-nous pour adopter un texte vidé de sa substance, juridiquement bancal, et sûrement coûteux pour nos finances publiques ?

Mes chers collègues, vous l’avez compris, notre groupe votera contre ce texte, …

M. Didier Rambaud. … tout d’abord parce que cette proposition de loi avait initialement pour objet de nationaliser EDF ; or c’est chose faite, comme nous l’avons rappelé ; ensuite, parce que ce texte introduit un dispositif coûteux pour nos finances publiques.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. Le Gouvernement est d’accord, il l’a dit à plusieurs reprises !

M. Didier Rambaud. Nous sommes bien sûr tous favorables à l’extension des bénéficies liés aux tarifs réglementés de vente de l’électricité, mais quel serait le coût d’une telle mesure ?

M. Jean-François Husson. Près de 7 milliards d’euros d’économies !

M. Didier Rambaud. Nous sommes ici au Sénat très vigilants sur l’évolution des finances publiques.

D’ailleurs, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, M. le rapporteur général a lui-même interrogé M. Le Maire à ce sujet, en lui faisant même un peu la leçon !

Par ailleurs, il faut admettre que la version finale de ce texte est défigurée au regard de sa première version : sur les quatre articles initiaux, trois ont été supprimés. Deux nouveaux ont été ajoutés.

En cohérence avec notre position en première lecture, notre groupe votera donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Victorin Lurel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà en train d’examiner un texte puissant, si j’ose dire, bientôt arrivé – en un temps record – au terme de la navette parlementaire.

Manifestement, le contexte a évolué depuis la première lecture, en avril dernier, à la suite de la finalisation de l’offre publique d’achat simplifiée d’EDF, de l’accord européen pour réformer le marché communautaire de l’électricité, de la constitution de la commission d’enquête, présidée par Franck Montaugé, portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050.

Pour autant, notre détermination à protéger EDF de tout démantèlement et à préserver le pouvoir d’achat des Français reste strictement la même, en dépit des engagements pris par M. le ministre.

C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a tenu à inscrire de nouveau à l’ordre du jour du Sénat le texte proposé par notre collègue député Philippe Brun.

Sanctuariser le fleuron EDF, reprendre le contrôle de notre souveraineté énergétique et protéger les Français face à la précarité énergétique qui les accable, tous ces enjeux d’intérêt supérieur commandent aux parlementaires de dialoguer et de s’entendre, si j’ose dire, pour que le texte aboutisse.

À l’issue de la navette parlementaire, j’ose espérer que nous parviendrons, avec sagesse, à un compromis.

Même si je ne peux avaliser l’ensemble des modifications apportées par notre rapporteure en commission des finances, je tiens tout de même à saluer le précieux travail légistique qu’elle a mené. À mon sens, celui-ci est toutefois trop prudent, trop précautionneux s’agissant de l’interprétation du droit européen et des obligations du droit communautaire.

Fidèles à la position qui a été la leur en première lecture, et en parfaite congruence avec la volonté exprimée par nos collègues députés, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendront plusieurs amendements afin de tenter d’améliorer encore cette proposition de loi.

Nous défendrons, tout d’abord, un retour des actionnaires salariés d’EDF et, ensuite, l’incessibilité d’Enedis et de RTE – contrairement à ce que j’ai pu entendre, tout risque n’est pas écarté. En outre, nous proposerons l’extension du périmètre de l’éligibilité aux TRVE.

Nous le savons tous ici : la discussion entamée l’an dernier ne nous permettra jamais de trancher le débat idéologique et philosophique qui peut nous opposer. Cela étant, cette proposition de loi nous offre l’occasion rare de retrouver l’esprit qui, un temps, nous a rassemblés autour de choix stratégiques pour la souveraineté et l’indépendance de notre pays, pour faire d’EDF le moteur de notre résistance.

Mes chers collègues, je suis de nature optimiste et je nous crois capables de faire émerger des convergences pour nous accorder sur l’essentiel : la sauvegarde de notre service public collectif de l’énergie et l’impérieuse nécessité de protéger nos concitoyens face à la flambée des prix de l’électricité.

Nous aviserons selon la tournure que prendra ce débat : si l’équilibre est atteint, nous voterons ce texte. Je crois en notre sagesse ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe EDF est l’un des fleurons de l’économie française et cette proposition de loi démontre plus que jamais son importance pour notre pays.

À sa création, Électricité de France répondait au besoin d’une production massive et centralisée d’électricité afin d’alimenter un pays exsangue, qui sortait à peine de la Seconde Guerre mondiale. Depuis, le groupe a activement participé à toutes les transformations de la France et a largement contribué à son redressement.

Néanmoins, les temps ont changé. EDF est désormais un acteur mondial, le deuxième plus gros fournisseur d’électricité au monde et le premier en Europe. Fondée sur la capacité de production énergétique de notre parc nucléaire, sa puissance économique n’est plus à prouver. Nos exportations d’électricité ont d’ailleurs battu un nouveau record en 2023.

L’intérêt national que représente cette entreprise est donc plus que jamais caractérisé. L’État l’a récemment confirmé en engageant une offre publique d’achat simplifiée, qui a abouti à la détention de 100 % du capital d’EDF par l’État.

Or, en seconde lecture, nos collègues députés ont décidé de rigidifier le cadre d’action du groupe EDF : il s’agit à mes yeux d’une erreur. Plus que jamais, l’entreprise doit conserver une marge de manœuvre à l’égard du marché, pour y saisir les occasions qui s’y présentent, et se départir des filiales les moins rentables. Elle doit, en toute circonstance, pouvoir continuer à remplir sa mission de service public : fournir à tous une électricité bon marché et décarbonée.

Afin de prévenir certaines dérives, Mme le rapporteur, Christine Lavarde, propose néanmoins par le biais d’un amendement de fixer une limite : Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité par EDF, ne pourra en aucun cas être cédé. Conformément au préambule de 1946, dont cette proposition de loi est conforme à l’esprit, Enedis demeurera, de fait, propriété de la collectivité.

Ainsi bâti, ce texte redonne une forte dimension symbolique à EDF et reste fidèle à son histoire, tout en préservant les marges de manœuvre nécessaires à son développement et à son évolution.

Toutefois, cette proposition de loi ne saurait être seulement symbolique. La commission des finances du Sénat n’a pas oublié ceux qui sont les premiers à souffrir de l’augmentation des tarifs de l’électricité : les TPE et les petites communes.

Dans mon département de la Moselle, je ne compte plus les communes qui ont subi l’augmentation incontrôlée des prix de l’électricité, lesquels ont bondi de 50 %, 60 %, voire 80 % dans certains cas. Nos TPE sont placées dans une situation comparable.

Dans un territoire majoritairement rural comme le mien, les boulangers et les petits restaurateurs jouent un rôle essentiel. Principaux vecteurs du lien social, ils assurent parfois à eux seuls la survie d’un territoire déjà dépouillé de services publics et de commerces de proximité.

Pourtant, bien souvent, la consommation électrique de ces entreprises est particulièrement élevée, à cause des contraintes inhérentes à leur activité. Or, jusqu’à présent, les tarifs réglementés de vente d’électricité ne bénéficient qu’aux TPE et petites communes disposant d’un compteur électrique d’une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères.

Le texte que le Sénat propose aujourd’hui étend le bénéfice des tarifs réglementés de vente de l’électricité à l’ensemble des TPE et des petites communes, sans considération de puissance. Cette extension, qui pourrait être effective dès le 1er février 2025, est sans aucun doute la disposition dont l’effet est le plus fort et le plus direct pour les Français.

Loin d’être inédite, une telle solution a été proposée dès l’automne 2022 par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) : il est regrettable que les TPE et les communes durement touchées par l’inflation n’aient pu bénéficier d’une telle mesure plus tôt, faute d’action gouvernementale en ce sens.

Aujourd’hui, les élus du groupe Les Républicains du Sénat prennent leurs responsabilités en se prononçant pour ce texte, qui, s’il ne révolutionne pas le marché de l’électricité en France, permettra au moins de préserver nos TPE et nos petites communes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue député Philippe Brun ne manquait pas de mérite et constituait un acte de contrition qu’il faut saluer.

En effet, nous devons aux gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays l’effondrement de notre système énergétique. Auparavant, EDF, monopole national sous strict contrôle public, assurait aux ménages et aux entreprises l’accès à une énergie abondante et bon marché. Grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité, symboles de l’État stratège et du génie français, notre pays disposait de l’énergie la plus décarbonée d’Europe. Cette situation offrait à notre pays un avantage compétitif déterminant face à ses concurrents, particulièrement face à l’Allemagne.

En 1996 a été voté le principe de l’ouverture du marché de l’électricité. Cette ouverture insensée d’un monopole naturel à la concurrence allait être poursuivie et confirmée. Et la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome) de 2010 a enfoncé les derniers clous sur le cercueil de notre système énergétique souverain.

Loin de pousser l’investissement dans d’autres énergies renouvelables ou de soutenir le pouvoir d’achat de nos compatriotes, ces réformes ont enrichi des traders de l’énergie et endetté EDF, mettant à mal la stabilité de notre système électronucléaire tout en aggravant la facture énergétique des ménages et des entreprises.

La proposition de loi de notre collègue député était sans doute incomplète ; les chambres se seraient grandies de l’enrichir, de l’améliorer davantage, car son principe était le bon.

Le texte issu des travaux de notre commission des finances nous inspire quelques regrets : il supprime la mention explicite de la nationalisation d’EDF, qu’il ne protège pas assez, à notre sens, d’un saucissonnage futur, qui était d’ailleurs prévu par le projet Hercule du Gouvernement.

Certes, le présent texte conserve le principe d’une propriété publique complète du groupe EDF ; certes, il permet d’étendre les tarifs régulés à de nouvelles entreprises et collectivités territoriales ; mais ni les directives bruxelloises sur le marché de l’énergie ni cette proposition de loi ne suffiront à assurer à la France un renouveau énergétique.

Un tel effort repose sur notre capacité de production, donc sur le nucléaire, plus que jamais nécessaire pour relever les défis de l’avenir et protéger le pouvoir d’achat de nos compatriotes.

Enfin, ce texte laisse au seul pouvoir réglementaire le soin de fixer la participation des salariés au capital de l’entreprise : on ne peut que regretter que les héritiers du gaullisme ne défendent plus le principe de la participation.

Mes chers collègues, notre assemblée s’apprête à adopter des amendements solides pour garantir une part déterminante, et non pas symbolique, des salariés dans le capital de l’entreprise.

Face à la crise du pouvoir de vivre que nous traversons, garantir un réel partage de la valeur et une implication de ceux qui font vivre nos secteurs industriels est un impératif, dont nous devrons assurer le respect au cours des débats à venir.

Nous voterons ce texte par pragmatisme. Les sénateurs issus du Rassemblement national défendront toujours le principe d’une énergie souveraine et durable, base, comme le disait le général de Gaulle, « d’un développement industriel nouveau et par conséquent du progrès ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités », disait le général de Gaulle : cela peut paraître décevant, mais c’est fatidique. Le législateur doit agir sur le réel, c’est-à-dire sur ce qui existe déjà. Telle est notre condition. L’oublier, c’est faire preuve de vanité. L’ignorer, c’est verser dans l’hubris.

Une chose est certaine : les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en seconde lecture n’ont pas cédé à ces tentations, bien au contraire. Ils font preuve d’une grande humilité en se donnant pour projet d’écrire, et même de décrire, dans la loi ce qui existe déjà. (Mme le rapporteur acquiesce.)

En effet, l’essentiel du texte tient à son article 2, qui prévoit que le capital social d’EDF est détenu à 100 % par l’État. Il y a quelques mois, la puissance publique en détenait déjà 84 %, bien au-delà du seuil de 70 % prévu par la loi. L’État possédait déjà plus de capital que ce à quoi il était tenu. Il en détient désormais la totalité et la loi viendrait, par la suite, l’y obliger : dont acte. Mais restons modestes : il est toujours plus facile de modifier la loi que de construire un réacteur nucléaire. L’industrie ne se paie pas de mots.

À titre personnel, je ne vois pas d’un mauvais œil la reprise en main d’EDF par l’État. Je n’estime pas que la puissance publique soit la mieux indiquée pour décarboner notre mix énergétique : les acteurs privés y contribuent d’ores et déjà de façon massive, notamment grâce à leur capacité d’innovation, à leurs capitaux et à leur agilité. Mais la relance du nucléaire est nécessaire et c’est à l’État de s’en charger.

Grâce à l’atome, notre mix électrique est déjà l’un des moins carbonés au monde. Toutefois, au-delà de la production d’électricité, la France reste gravement dépendante du pétrole.

Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, renforcer notre souveraineté énergétique et stabiliser les coûts, il faudra augmenter la production nucléaire et opérer des transferts d’usage afin d’électrifier notre consommation finale. Il faudra aussi continuer d’investir pour innover dans ce domaine, en déployant des solutions de stockage, de régulation et de pilotage des réseaux et en développant les SMR (Small Modular Reactors), voire, plus tard, les réacteurs à fusion.

Monsieur le ministre, je saisis cette occasion pour vous rappeler que le site de Nogent-sur-Seine, dans l’Aube, qui a été conçu pour accueillir quatre réacteurs, n’en compte actuellement que deux. Les élus locaux, au premier rang desquels la maire de Nogent-sur-Seine, Mme Estelle Bomberger-Rivot, dont je tiens à saluer l’action, sont volontaires pour accueillir de nouveaux réacteurs, avec mon entier soutien.

Notre département, qui a tant souffert des délocalisations industrielles, sait tout ce que cette activité peut apporter. Nous irons plus loin, notamment avec des formations ad hoc de tous niveaux dans ce domaine.

À l’avenir, les problèmes d’acceptabilité sociale mettront sans doute encore en question la relance du nucléaire : il n’est pas inutile de pouvoir compter sur des collectivités territoriales volontaires.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, on peut rester sceptique quant à l’utilité de cette proposition de loi tout en étant attaché à l’actif industriel que consolide EDF.

Je tiens toutefois à saluer le travail de notre rapporteur, qui a considérablement amélioré le présent texte. Si les dispositions relatives au capital d’EDF paraissent redondantes, celles sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont de bonnes nouvelles – je le souligne à mon tour –, à la fois pour nos TPE et pour nos petites communes.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé dimanche ce que nous savions déjà : les tarifs de l’électricité vont augmenter de près de 10 %. La fin du « quoi qu’il en coûte » nous ramène brutalement à la réalité. Elle nous rappelle aussi qu’une énergie stable, décarbonée et compétitive est un atout stratégique pour notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. Monsieur le ministre de l’économie, des finances, de la souveraineté industrielle, numérique et sans doute énergétique, ce texte n’est pas majeur, mais il nous donne l’occasion de vous recevoir au Sénat : j’espère que vous resterez parmi nous jusqu’à la fin de son examen ! (Sourires.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Michel Canévet. Nous avons en effet un certain nombre de messages à vous faire remonter du terrain – comme vous pouvez le constater, notre pays se trouve aujourd’hui placé dans une situation particulièrement difficile.

Je le répète, ce texte n’est pas majeur, mais le sujet l’est. C’est précisément pourquoi les élus du groupe Union Centriste, particulièrement attentifs à ces questions, ont demandé la formation d’une commission d’enquête sénatoriale.

Placée sous la houlette de notre collègue Vincent Delahaye, cette commission d’enquête doit non seulement examiner les perspectives d’évolution du marché de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, mais aussi analyser le prix de cette énergie.

En la matière, la France dispose, de longue date, d’un atout considérable. On le sait : notre énergie a joué un rôle majeur dans la compétitivité de nos entreprises. Elle était à la fois décarbonée et peu chère. Il faut qu’elle le demeure.

Or nos concitoyens expriment, à cet égard, des inquiétudes de plus en plus fortes. L’an passé, ils ont subi une augmentation de 25 % du coût de l’électricité. À présent, on leur annonce une hausse, très significative, de 10 %, alors même que l’on s’efforce de juguler l’inflation dans notre pays. C’est dire l’ampleur du défi qui nous attend ! Nos concitoyens doivent pouvoir continuer à régler leurs factures – c’est, je le répète, une grande source d’inquiétude de leur part.

Monsieur le ministre, au début de cette semaine, je me suis penché sur le dossier d’extension d’un méthaniseur destiné, précisément, à produire de l’énergie ; mais dans notre pays tout n’est pas simple, loin de là… Ce dossier a été déposé le 13 octobre dernier, c’est-à-dire il y a plus de trois mois, et il n’a encore fait l’objet d’aucun retour de la part de l’administration.

Malgré les textes adoptés pour assurer une accélération de la production énergétique, sur le terrain, les choses ont encore beaucoup de mal à se concrétiser. Il est urgent d’avancer.

Il en est de même sur un autre sujet, que je connais bien : la décarbonation de la production énergétique dans les îles.

Ces espaces naturels d’une qualité tout à fait remarquable sont une richesse pour notre pays. Or, à titre d’exemple, l’île d’Ouessant, au large du Finistère, doit aujourd’hui faire face au dépôt de bilan de la société Sabella, laquelle était chargée de l’exploitation d’une hydrolienne.

Cette installation permet d’alimenter l’île en énergie et, ce faisant, évite la consommation de carburants fossiles : sinon, il faut recourir à des générateurs fonctionnant au gazole. Je forme le vœu qu’EDF reprenne cette exploitation et, ainsi, poursuive la démarche de décarbonation de l’île d’Ouessant.

En tout cas, j’appelle le Gouvernement à se pencher sur le sujet : nous avons là des terrains d’expérimentation non seulement utiles, mais nécessaires. Ils nous permettent de travailler avant, le cas échéant, d’appliquer les démarches engagées à des échelles beaucoup plus larges.

Si ce texte demeure d’une portée assez modeste, il comporte un certain nombre de dispositions importantes, auxquelles les élus du groupe Union Centriste sont particulièrement attachés.

Je pense notamment aux TRVE, au sujet desquels nous devons éviter à la fois le défaut de transposition et la surtransposition, en allant jusqu’où les autorités européennes nous le permettent.

Lorsque les montants des factures d’électricité ont commencé à s’envoler, un certain nombre de corporations sont venues devant nous pour nous expliquer qu’elles ne pouvaient plus assumer cette charge.

Monsieur le ministre, saisissons les possibilités que nous offre la réglementation européenne : c’est ainsi que les membres du groupe Union Centriste conçoivent les TRVE, tout en appelant très clairement à la modération tarifaire pour les particuliers. Les rémunérations – vous le savez bien – ne progressent pas aussi vite que les prix de l’électricité.

Enfin, la participation des salariés a toute son importance.

Au travers de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), adoptée sur votre initiative en 2019, vous entendiez poursuivre cette ambition du général de Gaulle : accroître la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises…

M. Bruno Le Maire, ministre. Tout à fait !

M. Michel Canévet. … et assurer un meilleur partage de la valeur.

Au sein du groupe Union Centriste, nous faisons pleinement nôtre cette ambition et nous souhaitons vivement la voir mise en œuvre. Il n’y a pas de raison que les salariés du groupe EDF ne puissent pas participer au capital de leur entreprise : un tel dispositif sera gage de succès futur pour EDF.

C’est dans cet esprit que nous abordons le présent texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, mes chers collègues, cette proposition de loi nous est soumise en seconde lecture dans un contexte particulier.

Monsieur le ministre, 9,8 %, c’est l’augmentation des prix de l’électricité que vous avez annoncée et à laquelle les Français, l’ensemble des Français, devront faire face cette année. Pourtant, les prix de gros de l’électricité sont revenus à leurs niveaux de l’été 2021. Nous sommes donc face à une décision purement politique du Gouvernement.

Il s’agirait, à vous entendre, de financer des investissements de transition énergétique : après avoir systématiquement balayé les solutions de financement de la transition qui étaient plus justes, mieux ciblées sur les hauts revenus ou sur les superprofits, vous choisissez de faire payer tout le monde de manière uniforme, pour des investissements qui – nous allons le voir – se révèlent pour le moins hasardeux.

Déposée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui porte sur notre politique énergétique et sur le rôle de l’État actionnaire. Elle traduit un objectif tout à fait rassembleur : assurer l’intégrité du groupe EDF, auquel les Français sont attachés et qu’il faut préserver, tant son intérêt est stratégique pour notre avenir.

Le besoin de protection de ce groupe n’est pas un fantasme. Rappelons la volonté, que traduit le projet Hercule, de procéder à une vente à la découpe, en vendant les activités les plus rentables du groupe EDF tout en gardant les dettes au public. Socialiser les pertes, privatiser les gains : on connaît la chanson… Il était urgent d’en finir avec ce funeste projet.

Que prévoit ce texte en seconde lecture et après son passage en commission au Sénat ? Une contractualisation des activités du groupe EDF avec l’État, un actionnariat public à presque 100 %, une petite part étant réservée aux salariés du groupe, et un élargissement des tarifs réglementés de vente de l’électricité. La navette parlementaire a abouti à ce compromis, qui – disons-le – a affaibli l’ambition initiale du texte.

Cette proposition de loi doit également être l’occasion de s’interroger sur la santé financière d’EDF et sur la responsabilité des gouvernements récents concernant sa dette abyssale.

Cette observation ne vous étonnera guère de ma part : quand on se penche sur les causes de cette dette, on ne peut que constater l’impasse économique du tout nucléaire.

Que ce soit pour la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire ou la construction de nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR), nous sommes face à un gouffre économique. La dette et les investissements à prévoir se comptent en dizaines de milliards d’euros ; les dérapages dans les coûts et les délais confinent même à la folie furieuse. C’est la face cachée d’un mix énergétique français totalement déséquilibré.

Prenons l’EPR de Flamanville : en 2020, la Cour des comptes estimait son coût final à 19,1 milliards d’euros, bien loin des 9 milliards d’euros prévus à l’origine, tout cela avec douze ans de retard. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, ce projet a abouti à la réouverture d’une centrale à charbon…

Censé prolonger la durée de vie du parc nucléaire au-delà de quarante ans, le grand carénage doit coûter 49,4 milliards d’euros. Et qu’en est-il de l’EPR anglais d’Hinkley Point ? Le contrat a été signé en 2016 pour un coût de 21 milliards d’euros. Ce montant, déjà record à l’époque, avait provoqué la démission du directeur financier d’EDF… In fine, le chantier devrait coûter quelque 40 milliards d’euros pour les deux réacteurs, 100 % des surcoûts étant assumés par EDF, donc par le contribuable.

Disons-le : la hausse de 9,8 % du prix de l’électricité que j’évoquais précédemment va payer l’énergie des Anglais. Applaudissons l’expertise française !

J’ajoute que, depuis le discours prononcé à Belfort par le Président de la République, il est prévu de multiplier par six, huit ou quatorze, selon les annonces, ce type de fiasco atomique…

En prenant un peu de recul, que constatons-nous ? Que l’industrie de l’atome, grevée par les retards et les surcoûts, recule dans le monde entier, et pas qu’un peu. En 2022, les investissements dans les énergies renouvelables ont atteint 495 milliards de dollars – c’est un record historique –, contre seulement 35 milliards de dollars pour le nucléaire. Le rapport est de un à quatorze.

Monsieur le ministre, il est temps de mettre un terme à la prédation nucléaire infligée aux crédits de la recherche énergétique et aux budgets d’EDF au détriment des énergies renouvelables.

Oui, il est encore temps de revenir à la raison et de rééquilibrer notre mix : nous attendons donc votre projet de loi de programmation avec une certaine impatience.

Cette version affaiblie du texte initial ne nous enthousiasme pas, mais nous la voterons par esprit de compromis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face aux annonces gouvernementales, la renationalisation d’EDF apparaît comme une énigme à déchiffrer ; un certain nombre d’entre nous s’interrogent d’ailleurs légitimement sur la pertinence du présent texte.

On s’efforce d’afficher des engagements en faveur d’une EDF publique, mais la détention du capital n’est qu’un voile fragile, insuffisant pour protéger l’entreprise des menaces de démantèlement.

En toile de fond de cette scène politique, le projet Hercule s’avance, annonçant un drame en deux actes : entre nationalisation nucléaire et ouverture sélective, il interroge l’avenir de notre principal fournisseur d’électricité.

Le fil conducteur de cette proposition de loi transcende la simple nationalisation. En effet, le présent texte s’érige en rempart pour préserver l’intégrité du groupe EDF contre tout risque de démembrement. Il se veut aussi une sentinelle vigilante, s’opposant à toute future réforme concoctée en coulisses, échappant ainsi au dialogue social, aux travailleurs, aux usagers et au débat parlementaire.

Cette proposition de loi prévoit également l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité aux très petites entreprises, indépendamment de leur puissance électrique, ainsi qu’aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour l’année 2023.

Or, en première lecture, le Sénat a fait preuve d’une myopie regrettable et même désolante, en occultant les missions essentielles du groupe EDF. Il s’est contenté d’afficher la détention publique de la société : cette omission est symptomatique d’une vision réductrice.

Le Sénat a réduit l’effet potentiellement positif de l’extension des tarifs réglementés de vente de l’électricité : il l’a abusivement restreint au consommateur final domestique, aux très petites entreprises et aux collectivités territoriales de taille équivalente.

À l’inverse, il est impératif d’insuffler une véritable ambition en reconnaissant pleinement les missions d’EDF dans la reconquête de la souveraineté énergétique, conformément au préambule de la Constitution de 1946, lequel assure – je le rappelle – que tout service public national ou monopole de fait doit appartenir à la collectivité.

EDF est une entreprise singulière : il est absolument crucial de détailler ses activités dans la loi pour la défendre contre d’éventuelles attaques. Je pense en particulier à ceux qui, depuis près de deux décennies, cherchent à affaiblir l’opérateur historique au nom d’une logique mercantile, promouvant une libre concurrence sauvage.

Contrairement à ce qui nous était promis, ce marché unique n’a permis ni de réduire les prix ni de stimuler l’innovation technologique, encore moins d’améliorer le service rendu aux consommateurs, bien au contraire.

Mes chers collègues, la hausse historique des prix que nous connaissons aujourd’hui, laquelle dépasse 44 % en deux ans, n’est pas seulement conjoncturelle : elle est l’aboutissement d’une crise structurelle.

Dans un contexte budgétaire asphyxiant, nous avons besoin d’une véritable planification énergétique.

L’an passé, faute d’une stratégie énergétique digne de ce nom, le Gouvernement, pressé par l’urgence, prenait des mesures d’austérité. Aujourd’hui, l’annonce d’une hausse des tarifs de près de 10 % pour tous les usages résonne comme un nouvel empêchement.

Monsieur le ministre, il est impossible de couper le chauffage lors des vagues de grands froids, comme nous venons d’en connaître. Or, à l’heure où le nombre de travailleurs au Smic ne cesse de progresser, la situation devient intenable pour de nombreuses familles, qui n’auront d’autre choix que de s’y résoudre. Que faudra-t-il sacrifier ensuite au nom de cette folie qu’est la dérégulation du marché de l’énergie ?

Un peu de sincérité : augmenter les tarifs de l’électricité tout en privant les PME, les ETI et la plupart des collectivités territoriales du TRVE est une décision politique contraire aux discours sur la relocalisation et la réindustrialisation.

Cette proposition de loi apparaît ainsi comme le prélude d’une vaste symphonie législative. Il nous faudra poursuivre la mélodie de la réflexion et orchestrer une loi d’envergure pour la renationalisation intégrale du secteur énergétique.

Les défis imminents, de l’électrification des usages à la décarbonation de notre mix énergétique, ainsi que la sortie de 15 millions de personnes de la précarité énergétique, nécessiteront une partition législative plus étendue.

Nous voterons cette proposition de loi, bien que nous regrettions qu’elle s’éloigne de son objectif initial. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, EDF doit garder une place centrale et stratégique dans notre système énergétique national, au bénéfice de toutes les catégories de consommateurs et pour être au rendez-vous des objectifs climatiques et environnementaux que nous nous sommes donnés.

La proposition de loi déposée par Philippe Brun et ses collègues du groupe socialiste de l’Assemblée nationale y contribuera de manière décisive, en protégeant le caractère intégré de l’entreprise et les activités développées dans l’intérêt national.

Notre débat en seconde lecture devrait aussi permettre d’acter, par la loi, l’incessibilité de RTE.

Dans ce contexte clarifié, nous souhaitons que l’actionnariat salarié antérieur à l’étatisation du capital soit préservé, sans coût supplémentaire induit pour l’État.

À nos yeux, il est d’intérêt général que les ETI, les collectivités territoriales de taille moyenne et les organismes d’HLM puissent bénéficier des tarifs régulés de l’électricité.

Monsieur le ministre, prenons quelques instants pour nous projeter vers ce que pourrait être, dans ce nouveau contexte, la relation entre EDF et l’État.

Notre commission des finances propose un contrat décennal, révisé tous les trois ans, permettant de fixer les objectifs en matière financière, d’investissements, de décarbonation de la production d’électricité et de maîtrise des prix pour les ménages et les entreprises ; une telle mesure est non seulement bienvenue, mais nécessaire. De même, le rapport d’exécution de ce contrat qui serait transmis au Parlement et à la CRE est opportun.

Mais si EDF doit rendre des comptes, l’État devra aussi assumer sa part de responsabilité. À cet égard, je citerai le financement des grands programmes d’investissements, parmi lesquels le nouveau nucléaire, le grand carénage, ainsi que les réseaux haute tension A (HTA) et très haute tension (THT), pour ne mentionner que ces trois postes de coûts.

Alors que l’État augmente une nouvelle fois les TRVE, nous sommes face à un enjeu national concernant toutes les catégories de consommateurs : la maîtrise des prix de l’électricité dans le temps long.

Ces grands programmes coûteront plus ou moins cher à la Nation et aux consommateurs, suivant que l’État apportera ou non sa garantie aux marchés financiers.

En toute hypothèse, et dans le cadre du marché européen tel qu’il se dessine, que l’on approuve ou pas les orientations annoncées, lever des fonds sur le marché des obligations assimilables du Trésor (OAT) avec la garantie de l’État français sera, pour la France, la solution la moins coûteuse. S’appuyer sur une base d’actifs régulés sera plus onéreux pour EDF ; recourir aux contrats pour la différence ou à la vente directe d’électricité (PPA) le sera encore davantage.

La trajectoire financière et la maîtrise des prix de l’électricité dont il est question dans le contrat décennal proposé aujourd’hui par le Sénat dépendront aussi du rôle qu’entendront jouer les gouvernements, en responsabilité.

Monsieur le ministre, l’État français détient désormais 100 % du capital d’EDF. Quels outils de financement des investissements entendez-vous privilégier pour contractualiser avec EDF ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’en est-il de la situation, de la trajectoire et de l’avenir d’EDF ?

Les chiffres sont vertigineux, voire éloquents : 17,9 milliards d’euros de déficit d’exploitation en 2022 pour le premier producteur et fournisseur d’électricité européen, l’entreprise EDF, qui prend l’eau, entre crise énergétique et libéralisation du marché, et ce en raison de l’obligation qui lui est faite de vendre son électricité à la concurrence à un tarif inférieur aux prix de marché, lequel a, reconnaissons-le, beaucoup évolué depuis l’adoption de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi Nome. Notons à cet égard que quasiment aucun des concurrents d’EDF ne produit l’énergie qu’il revend ni n’a d’ailleurs l’obligation de le faire.

Rappelons aussi deux faits importants : d’un côté, la dette d’EDF – 65 milliards d’euros – est sans précédent ; de l’autre, les prix de l’électricité vendue par EDF aux ménages vont augmenter de 9,8 % à compter du 1er février 2024 en raison du rétablissement progressif de la TICFE.

Alors que le projet Hercule n’a pas été validé, le Parlement examine aujourd’hui les mesures nécessaires pour protéger EDF d’un démembrement – tel est le titre originel de cette proposition de loi. Les sénateurs ont à cœur d’offrir à cette entreprise les conditions d’un développement stable et sécurisé, ce qui avait été proposé en première lecture, ici même, au Sénat.

Il est temps d’expliquer aux Français le pourquoi et le comment. Il est tout de même question de subventions publiques massives : EDF doit augmenter ses investissements d’environ 25 milliards d’euros par an, afin d’assurer la maintenance du parc nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs.

Pour mémoire, la loi du 8 avril 1946 a créé Électricité de France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte où notre pays avait besoin que l’on construise de nombreuses centrales. La nationalisation visait à redresser l’économie, à moderniser l’existant, à favoriser l’indépendance énergétique et à reprendre le contrôle sur la stratégie de la France.

Ces objectifs sont toujours au goût du jour.

Rappelons que, selon la Banque de France, l’économie française a évité de peu le scénario noir de la récession : après un troisième trimestre négatif, notre PIB a légèrement progressé – de 0,1 point – en fin d’année, le quatrième trimestre étant du même tonneau.

En ce début de troisième millénaire, l’entreprise EDF est confrontée à la nécessité de développer des solutions énergétiques innovantes et moins polluantes ; quant à nos gouvernements, ils sont contraints de discuter avec Bruxelles dans le cadre des différentes étapes de négociation de la refonte globale du secteur énergétique français et des contours du futur marché européen de l’électricité.

Le Parlement doit proposer un texte permettant à EDF de retrouver des marges de manœuvre financières pour garantir la fourniture d’une électricité bon marché et décarbonée au sein d’une économie ouverte et compétitive, dans un cadre réglementaire sécurisé.

Le travail de la commission des finances du Sénat, au travers du rapport de notre collègue Christine Lavarde, élaboré en lien avec notre rapporteur général Jean-François Husson, a permis d’aboutir à un texte équilibré.

Je tiens à cette occasion à rappeler les mots que nous a adressés le président du Sénat, Gérard Larcher – dont vous avez loué la sagesse il y a quelques instants, monsieur le ministre –, à l’occasion de ses vœux : « L’année 2024 doit conduire à un dialogue plus interactif entre le Parlement et l’exécutif. »

La stratégie énergétique de la France, via la question de la trajectoire d’EDF, est un sujet primordial du débat politique, lequel doit avoir lieu avec le Parlement.

La position du Sénat reste conforme à celle qui a été défendue par notre assemblée en première lecture le 6 avril 2023.

Notre Haute Assemblée rappelle l’importance pour EDF de pouvoir céder, si besoin était, certaines activités, à l’exception expresse du réseau de distribution publique, Enedis. Il y va des engagements économiques d’EDF en faveur d’une énergie décarbonée et compétitive. C’est ce qui lui permettra, ainsi qu’aux consommateurs - particuliers, collectivités et entreprises -, d’atteindre nos objectifs en la matière. Nous plaidons à ce titre en faveur de l’extension des TRVE aux TPE et aux PME sans considération de puissance électrique.

En outre, la commission des finances du Sénat a prévu un contrat décennal, révisable tous les trois ans, entre l’État et EDF pour définir les trois principaux objectifs de l’entreprise : décarbonation de la production, maîtrise des prix et adaptation des capacités de production à l’évolution de la demande d’électricité.

Je voudrais, pour conclure, évoquer la situation des ménages français. Au 1er février prochain, pour ceux d’entre eux dont la consommation annuelle d’électricité est de 8 500 kilowattheures, ce sont 200 euros qui s’ajouteront à une facture moyenne de 1 622 euros. La flambée des factures s’invite dans nos campagnes ! Et je pense tout naturellement aux élections européennes qui auront lieu au printemps prochain et aux grognes dont les maires de France se font l’écho.

Nous devons demeurer vigilants. Il est d’ailleurs dommage que les propositions de la majorité sénatoriale, qui souhaite que le soutien à l’approvisionnement des ménages fluctue en fonction des déciles de revenus, n’aient pas été retenues lors de l’examen de la loi de finances pour 2024. Elles auraient permis un effort proportionné de chacun, en vue de permettre à l’entreprise nationale de relever le double défi qui se présente à elle.

Pour moi, comme dans bien d’autres domaines où les productions n’ont pas la valeur marchande de biens de consommation usuels – je pense en particulier à l’eau –, il est temps de décliner des politiques publiques de long terme, de portée stratégique, pour la maîtrise de notre avenir énergétique, et ce afin de répondre à un triple objectif : assurer notre autoapprovisionnement, garantir un prix juste et acceptable et permettre à notre industrie de redevenir compétitive et de se réinstaller sur le sol national.

Monsieur le ministre, donnons-nous rendez-vous prochainement pour débattre de l’évolution, des transformations nécessaires, des cessions, des grilles tarifaires et de la taxe sur l’énergie,…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Laurent Somon. … et espérons que vous prêterez une oreille plus attentive cette année que celle que vous avez tendue l’an passé lors de l’examen de la loi de finances pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à protéger le groupe électricité de france d’un démembrement

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Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Article 3 bis

Article 2

I. – L’article L. 111-67 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Après le mot : « anonyme », sont insérés les mots : « d’intérêt national » et les mots : « plus de 70 % » sont remplacés par le taux : « 100 % » ;

2° Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :

« L’entreprise Électricité de France conclut avec l’État un contrat d’une durée de dix ans, actualisé tous les trois ans pour une durée de dix ans. Ce contrat détermine notamment les objectifs assignés à l’entreprise en matière de trajectoire financière, d’investissements, de décarbonation de la production d’électricité, de maîtrise des prix pour les ménages et pour les entreprises, ainsi que d’adaptation des capacités de production à l’évolution de la demande d’électricité.

« L’entreprise rend compte chaque année, dans son rapport d’activité, de la mise en œuvre du contrat mentionné au deuxième alinéa. Ce rapport est adressé au Parlement et à la Commission de régulation de l’énergie.

« Pour assurer le partage de la valeur au sein de l’entreprise Électricité de France, la part de la détention par l’État est minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l’entreprise.

« Le capital de la société gestionnaire des réseaux publics de distribution mentionnée au 1° de l’article L. 111-52 est détenu en totalité par l’entreprise Électricité de France.

« L’entreprise Électricité de France exerce ses activités conformément au présent code. »

II. – (Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le groupe EDF assure :

« 1° La production, le transport, la distribution, la commercialisation, l’importation et l’exportation d’électricité ;

« 2° Le développement, la construction, l’exploitation et la maintenance des sources d’énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ;

« 3° La prestation de services énergétiques. »

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Cet amendement vise à rétablir les dispositions initiales de l’article 2 qui ont, hélas, été supprimées, et qui tendent à préciser les compétences et les missions d’EDF, afin que celles-ci ne puissent être modifiées que par la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car il a pour objet de revenir sur le travail qu’elle a réalisé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par MM. Lurel, Cozic, Montaugé, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 12 rectifié est présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 5

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« L’entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et aux anciens salariés d’accéder à son capital. Cette opération doit porter au minimum sur 2 % du capital de l’entreprise, pour un prix de souscription hors rabais qui ne peut être supérieur à 12 euros. Elle a lieu dans les quatre mois suivant la date de publication de la loi n° … du … visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement.

« Un rabais est octroyé aux salariés et anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.

« Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les critères d’éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l’offre, les modalités d’ajustement de l’offre si la demande est supérieure à l’offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts pris en charge par l’État.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié ter.

M. Victorin Lurel. Nous souhaitons, par cet amendement, contribuer au retour des anciens actionnaires salariés d’EDF au sein du capital de l’entreprise, en leur proposant un prix de souscription a minima équivalent à celui de l’indemnité qu’ils ont perçue lors de leur – disons-le – expropriation, opérée en juin 2023.

Nous estimons que la loi peut, sans aucune difficulté, fixer un tel niveau de prix.

Nul problème de valorisation d’EDF ne se pose : même quand une entreprise n’est pas cotée, il existe, pour celles et ceux qui s’y connaissent un peu en matière de gestion, de comptabilité ou de fiscalité, un certain nombre de méthodes qui ont fait leurs preuves.

Nulle atteinte, si j’ose dire, à l’intérêt patrimonial de l’État ne se pose non plus. Au contraire, c’est une opération d’équité que nous vous demandons d’agréer !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.

M. Christian Bilhac. Je souhaite dire quelques mots, même si cet amendement est identique à celui qui vient d’être défendu par mon collègue Victorin Lurel.

On entend dire qu’il est très difficile d’évaluer le juste prix de souscription des titres d’EDF. Pourtant, quand le montant de 12 euros a été retenu pour indemniser les actionnaires salariés au moment de l’offre publique d’achat, aucune étude n’avait été réalisée en amont ! Aussi proposons-nous de nous en tenir à ce prix de 12 euros, qui correspond à celui auquel les salariés ont perdu leurs actions.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par MM. Lurel, Cozic, Montaugé, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 11 rectifié est présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un arrêté du ministre chargé de l’économie fixe les modalités de l’opération d’actionnariat salarié permettant de mettre en place cette détention minoritaire. Une première opération d’actionnariat salarié est initiée dans les quatre mois suivant la publication de la loi n° … du … visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement à un prix de souscription maximal de 12 euros.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.

M. Victorin Lurel. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à aboutir à un consensus sur toutes les travées de notre hémicycle. Il tend à prévoir que les modalités du retour des salariés au capital d’EDF seront fixées par arrêté ministériel.

Cela étant, ledit arrêté fixera bel et bien le prix de rachat des titres à 12 euros pour éviter, selon le point de vue que l’on adopte, toute moins-value ou plus-value, bref pour aboutir à un certain équilibre.

Cet amendement permet, à notre sens, de répondre à certaines des objections qui ont été formulées de l’autre côté de l’hémicycle.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.

M. Christian Bilhac. Il est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Longeot et Folliot, Mmes Jacquemet, Florennes et Carrère-Gée, MM. Bleunven, J.M. Arnaud et Cazabonne, Mme Havet, M. Duffourg, Mmes O. Richard et de La Provôté et M. Hingray, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Une opération d’actionnariat salarié par le biais d’une offre réservée aux salariés d’EDF ou de ses filiales et aux anciens salariés justifiant d’un contrat ou d’une activité rémunérée d’une durée accomplie d’au moins cinq ans avec EDF ou ses filiales est mise en œuvre dans le délai de trois mois à compter de la publication de la loi n° … du … visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement et, en tout état de cause, avant le 1er octobre 2024. Au moins 2 % du capital d’EDF sera proposé aux salariés et anciens salariés éligibles.

« Le prix de souscription hors rabais ne peut dépasser 12 euros.

« Un rabais est octroyé aux salariés et anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.

« Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l’offre, les modalités d’ajustement de l’offre si la demande est supérieure à l’offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts pris en charge par l’État.

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Mon amendement, de même nature que ceux qui viennent d’être présentés, est essentiel, car, comme je l’ai dit tout à l’heure dans mon propos liminaire, il est indispensable d’associer l’ensemble des salariés d’EDF à la bonne marche de l’entreprise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. Je m’étonne que les trois amendements suivants n’aient pas été joints à cette discussion commune, dans la mesure où ils traitent peu ou prou du même sujet, même s’ils ne sont pas incompatibles les uns avec les autres. De fait, l’adoption de l’un ou de l’autre des amendements qui viennent d’être défendus aura nécessairement une influence sur la suite de nos débats.

Dès lors que nous discutons des modalités d’ouverture du capital d’EDF à ses salariés, mon raisonnement vaut donc aussi bien pour ces cinq amendements en discussion commune que pour les trois amendements suivants, à savoir les amendements nos 14, 8 rectifié quater et 5.

Comme je l’ai déjà expliqué, la commission est favorable à une ouverture du capital d’EDF ; en revanche, elle se dit parfaitement incompétente pour définir le moment le plus opportun pour engager une telle opération, à la fois pour les futurs actionnaires et la stratégie de l’entreprise, qui, je le rappelle, est un actif national qui doit contribuer, demain, à fournir une énergie décarbonée à bas prix aux consommateurs, particuliers et industriels. Nous devons garder cet objectif en tête au moment de discuter de ce sujet.

La commission s’estime également totalement incompétente pour valoriser correctement une société non cotée comme EDF. Je ne sais pas vous dire aujourd’hui si le juste prix de souscription est de 12, 13 ou 14 euros. Il s’agit d’un exercice compliqué, qui nécessite un peu de travail – je vous ferai grâce de plus amples explications.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 1 rectifié ter et 12 rectifié, ainsi que, pour les mêmes raisons, aux amendements identiques nos 2 rectifié ter et 11 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 9 rectifié ter, défendu par notre collègue Michel Canévet, j’opposerai les mêmes arguments : avis défavorable.

À ce stade, l’essentiel, me semble-t-il, est d’entendre l’avis du Gouvernement sur cette opération d’actionnariat salarié.

Soit il considère que la rédaction issue du texte de la commission est satisfaisante, c’est-à-dire qu’il fait sienne l’idée qu’un jour – j’ignore si ce sera demain, dans six mois ou dans un an – le capital d’EDF pourra être ouvert aux salariés, ainsi qu’aux anciens salariés de l’entreprise – il est en effet important d’offrir la possibilité à ceux qui détenaient des actions, acquises en 2005 et vendues en 2023, de les racheter –, et, dans ce cas, un certain nombre des amendements, qui ont pour objet de « cranter » cette disposition « dans le dur » de la loi, en somme d’aller plus loin que le texte de la commission, n’ont plus lieu d’être ; soit l’exécutif réaffirme qu’il est opposé à cette rédaction et, dans ce cas, je suis obligée de vous dire que ces amendements ne me semblent pas techniquement satisfaisants. En les adoptant, on légiférerait en effet un peu les yeux fermés sur des critères qui, de mon point de vue, relèvent non pas de la loi, mais du domaine réglementaire, lequel offre beaucoup plus de souplesse.

Sur ce sujet, je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous éclairer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission sur ces cinq amendements en discussion commune.

Cela dit, je pense que le fait de passer un peu de temps sur la question de l’ouverture du capital d’EDF aux salariés est une bonne chose.

Je suis en effet l’un des grands défenseurs de l’actionnariat salarié. C’est mon côté gaulliste, un gaullisme que je partage d’ailleurs avec Mme la rapporteure. (M. Christian Bilhac sexclame.)

M. Jean-François Husson. Cette tendance est tout de même plus prononcée chez Christine Lavarde ! (Sourires.)

M. Mickaël Vallet. Que celui qui n’est pas gaulliste lève la main ! (Mêmes mouvements.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Dont acte.

Je rappelle à ce titre que nous avons considérablement renforcé les dispositions sur l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié au cours des sept dernières années.

Désormais, trois options se présentent à nous.

Première option, nous pourrions prévoir qu’EDF ouvre plus largement son capital aux salariés, tout en laissant l’entière liberté de décision sur la date, le montant et les modalités de l’opération à la direction de l’entreprise. Cette option minimale, la plus souple, est celle que propose le Gouvernement…

Mme Christine Lavarde, rapporteur. C’est aussi celle que défendra la commission !

M. Bruno Le Maire, ministre. … - et la commission… - au travers de son amendement n° 14, qui sera examiné dans quelques instants.

La deuxième option consiste à dire que cette ouverture de capital est, non plus une faculté, comme le Gouvernement le préconise, mais une obligation – c’est la position que défend la commission, qui va donc un peu plus loin que nous. Nous préférons, de notre côté, laisser la faculté à EDF de mettre en œuvre l’ouverture de son capital aux salariés, sans fixer de date ou de prix, quand votre commission des finances, madame la rapporteure, considère que cette opération doit être une obligation pour EDF, à charge pour l’entreprise de l’engager lorsqu’elle le décidera et suivant des modalités qu’elle fixera elle-même.

Enfin, la troisième option, celle que défend M. Canévet dans son amendement, va trop loin, car elle consiste à fixer une fraction minimale de capital à proposer aux salariés et anciens salariés d’EDF. En l’espèce, il s’agit de consacrer 2 % de ce capital à l’opération, là où nous étions à 1,3 % avant le lancement de l’offre publique, ce qui correspond, au cours actuel de l’action EDF, à un montant de 1 milliard d’euros. C’est une grosse somme ! Il faudra ensuite trouver suffisamment de souscripteurs…

D’une certaine manière, on crée là une obligation – plutôt qu’une faculté - de souscription pour les salariés d’EDF à hauteur de 1 milliard d’euros, ce qui, je le répète, représente un montant très élevé. C’est pourquoi j’estime que cette troisième option va trop loin et que je suis défavorable à l’amendement n° 9 rectifié ter.

En résumé, l’option du Gouvernement est celle d’une faculté laissée à EDF, suivant des modalités et un calendrier qu’elle définira, de mener cette opération d’actionnariat, quand l’option défendue par la commission est celle d’une obligation faite à EDF, tandis que la dernière, celle de M. Canévet, crée de facto une obligation chiffrée s’imposant aux salariés.

Peut-être parviendrons-nous à trouver un consensus ou à parvenir à un compromis autour de la deuxième option, l’option intermédiaire. En disant cela, j’offre quelques perspectives pour la suite sur ce sujet important.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Ce texte a pour objet d’offrir à la France un service public de l’énergie auquel elle n’aurait jamais dû renoncer. Les deux amendements nos 1 rectifié ter et 2 rectifié ter du groupe socialiste visent à permettre aux salariés d’EDF d’en devenir actionnaires à un prix d’achat du même montant que l’indemnité qu’ils ont perçue au moment de leur expropriation.

La nationalisation ne doit pas se réduire à une étatisation technocratique. L’actionnariat salarié garantit aux travailleurs de bénéficier du fruit de leur travail et d’être associés aux décisions. Tout ce qui tend à démocratiser nos entreprises doit être renforcé et prolongé : c’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. Madame la rapporteure, je vous ai écoutée attentivement en commission, ce matin, de même qu’en séance publique, cet après-midi, et – peut-être est-ce lié à mon grand âge – je n’ai toujours pas compris vos arguments.

Je vais vous poser, à vous et à M. le ministre, une question très simple : si vous aviez été salariés d’EDF et que l’on vous avait racheté vos actions contre 12 euros, trouveriez-vous normal d’avoir à sortir 15, 16 ou – pourquoi pas - 17 euros quelques mois après ? À leur place, trouveriez-vous cette situation normale ?

Pour ma part, je partage le point de vue des salariés, et je trouve qu’il est normal qu’ils rachètent leurs actions au prix où on les leur a achetées, autrement dit pas à un prix inférieur, car cela occasionnerait une perte pour la société, ni à un prix supérieur, parce qu’ils y perdraient.

La logique et la justice nous commandent, me semble-t-il, d’accepter ce prix de 12 euros, qui est le prix auquel les anciens actionnaires salariés ont dû vendre leurs actions.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. J’ai cru entendre dans les propos du ministre une forme d’ouverture ou un éclaircissement bienvenu de la position qui pourrait être la sienne dans la suite de notre discussion, à savoir l’abandon de ce que défendait le Gouvernement en première lecture, autrement dit l’ouverture optionnelle du capital d’EDF.

Il me semble que j’ai entendu le ministre nous dire que la principale difficulté résidait dans les problèmes que nous rencontrons pour définir avec exactitude la bonne date de l’opération et le juste prix de souscription des titres dans un contexte plein d’incertitudes.

Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, le fonctionnement du marché de l’énergie, tant européen que national, est en pleine redéfinition. Certes, un accord est intervenu au sein du Conseil sur le marché européen de l’électricité à la fin du troisième trimestre 2023, mais les négociations se poursuivent, et le trilogue n’a pas encore eu lieu. On ne peut donc pas savoir précisément ce qui ressortira de la réforme du marché européen de l’électricité.

À l’échelon national, nous aurons prochainement à discuter d’un projet de loi sur la souveraineté énergétique, mais le ministre lui-même vient de nous dire que son examen serait reporté, pour partie, à une autre date.

J’avoue que je ne comprends pas très bien, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles vous avez adopté cette position, alors même que vous prétendez défendre les salariés. Cela étant, je suis d’accord avec vous sur ce point : je suis prête à les défendre moi aussi. La preuve en est que j’ai soutenu, avec le rapporteur général, l’actionnariat salarié au cours de l’examen de la loi Pacte.

Pour autant, il ne me semble pas qu’il soit contradictoire de ne pas vouloir inscrire en dur dans la loi les modalités de cette ouverture du capital et d’affirmer que l’on est favorable à une telle ouverture. C’est exactement ce que nous faisons grâce au texte de la commission.

Je le redis ici, le fait d’employer le présent de l’indicatif et non pas le conditionnel a un sens : cela prouve que l’on tient à cette disposition ; en revanche, nous ne voulons que cette mesure soit mise en œuvre n’importe comment.

J’espère vous avoir convaincus qu’il me semble raisonnable de voter contre tous ces amendements et de poursuivre l’examen de l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai exactement le même avis que Mme la rapporteure.

Par ailleurs, le fait d’imposer une obligation de souscription aux salariés, pour un montant de 1 milliard d’euros, me pose un vrai problème de principe. Je rappelle qu’une telle opération obligerait chaque salarié à débourser 2 500 euros – c’est une somme considérable !

On peut certes considérer que le texte du Gouvernement ne va pas suffisamment loin – nous allons en discuter, d’autant que je pense que le texte de la commission est raisonnable et permet d’aboutir à un meilleur équilibre, en faisant obligation à EDF d’ouvrir davantage son capital –, mais n’empiétons pas pour autant sur la liberté des salariés de l’entreprise. Ce n’est pas le rôle des parlementaires de décider à la place des salariés où ils doivent investir leur argent – car c’est ce que vous faites à travers ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Selon vous, monsieur le ministre, le Gouvernement offre une faculté, quand nous proposons une obligation. Permettez-moi de préciser que cette obligation vise l’ouverture du capital d’EDF – nous rendons obligatoire l’opération de cession – et aucunement la souscription des salariés : c’est l’arrêté ministériel qui fixera, en fonction de la demande, les modalités de cette opération de cession. Si un salarié ne veut pas acheter ou racheter les titres de l’entreprise, il n’y sera évidemment pas contraint.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié ter et 12 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 112 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 173
Contre 168

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

En conséquence, les amendements nos 2 rectifié ter, 11 rectifié et 9 rectifié ter n’ont plus d’objet.

Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l’entreprise

par les mots :

le cas échéant, minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés de l’entreprise et par les anciens salariés adhérents du plan d’épargne groupe de l’entreprise

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux redire à quel point il me paraît préférable que l’ouverture du capital d’EDF soit fixée par l’entreprise selon des modalités décidées par la gouvernance de celle-ci. Je ne suis pas favorable à ce que la loi oblige à ouvrir le capital de l’entreprise aux salariés pour un montant déterminé à l’avance.

Je reste convaincu qu’en imposant par la loi le montant, la date et la nature exacte de l’opération d’ouverture du capital d’EDF, nous nous éloignons notablement de la manière dont devraient fonctionner le marché de l’électricité et l’entreprise EDF elle-même. Pour moi, ce n’est pas le rôle du législateur de prendre une telle décision : il empiète ainsi sur la bonne gouvernance de l’entreprise.

On peut certes en discuter – tout le monde n’aura pas le même avis sur le sujet –, mais je persiste et je signe : avec cet amendement, le Gouvernement offre la faculté à EDF d’ouvrir son capital.

En revanche, la volonté des parlementaires de gérer les entreprises publiques à la place des entreprises elles-mêmes…

M. Mickaël Vallet. Ce ne sera pas pire !

M. Bruno Le Maire, ministre. … constitue, d’après moi, un geste de défiance vis-à-vis de la direction et du corps social de ces entreprises – en l’espèce d’EDF. Je le dis avec beaucoup de fermeté et de conviction : c’est une erreur !

À mon sens, l’amendement du Gouvernement est mieux calibré, plus équilibré que le texte du Sénat, tout simplement parce qu’il respecte l’indépendance et la gouvernance de l’entreprise, et qu’il respecte davantage, dans le fond, le corps social et la négociation syndicale et sociale au sein d’EDF.

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié quater, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Longeot, Folliot et Kern, Mmes Jacquemet et Florennes, MM. Bleunven, J.M. Arnaud et Cazabonne, Mme Havet, M. Duffourg, Mmes O. Richard, de La Provôté et Carrère-Gée et M. Hingray, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret

par les mots :

jusqu’à 10 % du capital social de l’entreprise

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Il est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

des proportions inférieures à une limite fixée par décret

par les mots :

la limite de 10 % du capital

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. À la suite de l’adoption des amendements identiques nos 1 rectifié ter et 12 rectifié, la philosophie qui sous-tend l’article 2 a quelque peu évolué.

Avant ce vote, la commission avait une position claire : elle était très défavorable à l’amendement du Gouvernement, qui tendait à revenir sur les principes que nous avions réaffirmés dans le texte adopté ce matin.

Dès lors que notre assemblée a décidé qu’il fallait définir très précisément, par arrêté, les modalités d’organisation de cette opération, j’ai du mal à comprendre comment celle-ci pourrait devenir optionnelle. À mon sens, l’amendement du Gouvernement est désormais incompatible avec la version de l’article 2, telle qu’elle résulte du vote qui vient d’avoir lieu.

Pour autant, au regard de tout ce que j’ai pu dire, il pourrait être judicieux d’engager cette opération d’ouverture du capital si les critères que l’on a fixés en dur dans la loi se révélaient efficaces – ou de ne pas la lancer s’ils ne l’étaient pas – ou, en tout cas, cohérents avec le contexte économique.

La commission est favorable à l’amendement n° 8 rectifié quater, car il tend à fixer un objectif, qui figure déjà dans la loi Pacte, à savoir un pourcentage maximum de capital social de l’entreprise qui pourrait être ouvert aux salariés. S’il était adopté, il contribuerait à mettre en cohérence cette proposition de loi avec le cadre législatif en vigueur.

Enfin, nous demandons le retrait de l’amendement n° 5 au profit de l’amendement n° 8 rectifié quater, dont le dispositif est mieux rédigé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis défavorable aux amendements nos 8 rectifié quater et 5, car ils ne sont pas compatibles avec la position que j’ai défendue.

Je le répète, nous touchons là à une vraie question de principe : une entreprise publique se gère-t-elle elle-même, y compris lorsqu’il est question d’ouvrir son capital, ou est-ce à la loi qu’il revient de décider de sa gestion ? Il n’est vraiment pas de bonne politique de voter une loi définissant la gestion d’une entreprise publique. En règle générale, cela ne finit pas très bien…

Mme la présidente. Monsieur Szczurek, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Christopher Szczurek. Oui, je le maintiens, madame la présidente, car je considère qu’il s’agit là d’un prétexte pour ne pas avoir à le voter.

Pour autant, je voterai évidemment l’amendement n° 8 rectifié quater de M. Canévet.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, vous ne cessez de nous expliquer votre position quant au vote qui vient d’avoir lieu. Je vous rappelle simplement que, si vous avez parfaitement le droit d’exprimer votre opinion – c’est la vôtre –, vous êtes néanmoins tenu de respecter ce vote, qui plus est quand il s’agit d’un vote du Parlement, et ce nonobstant vos options personnelles. Du reste, c’est ce que, de temps en temps, nous sommes nous aussi amenés à faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, vous insistez lourdement sur le fait qu’il s’agirait d’une immixtion dans la gestion interne, le management, de la société. Dans votre philosophie, le Gouvernement et le Parlement ne pourraient pas fixer un cadre général, ce qui est le cas en l’espèce, et laisser les dirigeants de la société fixer les modalités d’application, après avoir organisé le dialogue social. Vouloir diriger à la place des dirigeants, ce n’est pas notre vision des choses ; en revanche, pourquoi le Parlement ne pourrait-il pas signifier à la technostructure – ce terme n’est pas péjoratif dans ma bouche – qu’un cadre a été fixé ?

Je demande au Sénat de respecter l’avis défavorable de la commission sur l’amendement du Gouvernement, et de rester en harmonie et en congruence avec ce que nous venons de voter tous ensemble ici.

Notre groupe ne votera pas l’amendement n° 14 et soutiendra l’amendement n° 8 rectifié quater de M. Canévet : nous sommes d’accord pour fixer un taux de 10 % du capital des entreprises à atteindre par l’actionnariat salarié, ce qui correspond d’ailleurs au texte et à l’esprit de la loi Pacte.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 5 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Lurel, Cozic, Montaugé, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

est détenu

par les mots :

du code de l’énergie et le capital des sociétés gestionnaires des réseaux de transport d’électricité sont détenus

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. En commission, Mme la rapporteure a introduit, par voie d’amendement, l’incessibilité d’Enedis, qui, si l’on examine bien les choses, est en situation de monopole naturel s’agissant des réseaux de distribution et des missions qui en découlent.

Il est reconnu qu’il existe également, de fait, un monopole naturel structurel pour le transport d’électricité. Nous proposons, avec cet amendement, d’en prendre acte en introduisant dans le texte le principe d’incessibilité de RTE.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. J’avais eu l’occasion d’exposer la semaine dernière, lors de la présentation du texte de la commission, l’ensemble des raisons pour lesquelles il n’est pas possible d’aligner le fonctionnement de RTE sur celui d’Enedis. C’est la raison pour laquelle mon avis sur l’amendement n° 3 rectifié ter est vraiment défavorable… Je vous invite donc, mes chers collègues, à écouter les arguments que je vais invoquer pour que vous preniez conscience des enjeux sous-jacents.

Comme le prévoit le préambule de la Constitution de 1946, l’actionnariat de RTE est à 100 % public. Si jamais vous demandiez, monsieur Montaugé, qu’EDF rachète les parts détenues aujourd’hui par la Caisse des dépôts et consignations, cela reviendrait à demander au groupe de sortir 10 milliards d’euros ! Je ne suis pas sûre que ce dernier ait une telle somme à dépenser pour ce rachat au regard des investissements très importants qu’il doit réaliser pour assurer une production d’énergie à bas prix pour les consommateurs, comme vous le réclamez.

Second argument, la mesure que vous proposez est contraire au droit européen. J’ai essayé de vous l’expliquer, cela figure dans le rapport de la Commission européenne. RTE, qui a un statut d’opérateur de transport indépendant, appelé ITO (Independent Transmission Operator), doit pouvoir passer à celui d’ownership unbundling (OU). La rédaction que vous proposez entraverait ce changement de statut, ce qui n’est pas envisageable.

Par ailleurs, l’article L. 111-42 du code de l’énergie dispose déjà que le capital de RTE « est détenu en totalité par Électricité de France, l’État ou d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public ». Il n’y a donc absolument aucune crainte à avoir sur l’évolution de l’actionnariat de RTE, dont les activités sont de toute façon strictement encadrées par le droit européen.

Je le répète, l’argument choc est celui des 10 milliards d’euros que vous imposeriez à EDF de sortir, en contradiction avec les autres politiques que vous souhaitez voir mises en place par l’entreprise.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, l’État ou d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Voilà un amendement qui devrait rassurer les membres de cette assemblée puisque sa rédaction permet d’empêcher toute cession du capital d’Enedis, qui restera une filiale d’EDF à 100 %.

Le texte de la commission laisse subsister une ambiguïté. L’amendement vise à aligner la rédaction de la disposition sur celle qui est en vigueur pour RTE, gestionnaire du réseau de transport. Ainsi, il serait garanti qu’EDF, RTE et Enedis restent sous contrôle public.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement puisque, dans le texte issu de la seconde lecture à l’Assemblée nationale, le démembrement d’EDF est un « point dur ». Comme j’ai essayé de vous l’expliquer dans la discussion générale, mes chers collègues, le démembrement d’EDF a déjà eu lieu - le rapporteur Gérard Longuet l’avait dit lors de la première lecture. Les activités de transport et de distribution, même si elles sont, de manière factice, rattachées au groupe EDF, sont des activités totalement indépendantes depuis l’ouverture du marché à la concurrence au début des années 2000.

Nous avons décidé de donner un avis défavorable pour ne pas « déshabiller » complètement le texte qui nous a été transmis, afin de respecter le travail des deux chambres. Néanmoins, comme je l’ai dit ce matin en commission, à titre personnel, mon avis est favorable : en effet, la rédaction du Gouvernement ne fait que conforter la rédaction du préambule de la Constitution de 1946.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je suis assez étonné par la rédaction de l’amendement présenté par le Gouvernement. Alors que nous venons d’émettre il y a quelques instants un vote défavorable sur notre amendement n° 3 rectifié ter, on constate, à la lecture de celui-ci, que, mutatis mutandis, il s’agit d’à peu près la même chose : un alignement sur le régime de RTE. Le Gouvernement admet en quelque sorte que l’interprétation de notre rapporteure est peut-être un peu exagérée. C’est la raison pour laquelle nous estimons, comme je l’ai dit, que, autant le rapport est excellent, autant nous ne partageons pas toutes les conclusions ou les propositions que la rapporteure en tire.

Il est envisageable de faire évoluer le statut juridique de RTE. Il s’agit aujourd’hui de ce que l’on appelle, par un sigle anglais, un ITO. Aucun article ne nous interdit d’empêcher la séparation entre la propriété de l’exploitation et la gestion des réseaux.

Le groupe socialiste votera contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

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Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Article 3 ter

Article 3 bis

I. – Le code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 337-7 est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « , pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères » sont supprimés ;

b et c) (Supprimés)

2° (Supprimé)

II. – Le I entre en vigueur le 1er février 2025.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par MM. Lurel, Cozic, Montaugé, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés

…° Le même I est ainsi modifié :

a) Après le mot : « moins », la fin du 2° est ainsi rédigée : « de 250 personnes et ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ainsi qu’aux collectivités et aux établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants ; » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

«…° Aux organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation. » ;

II. – Alinéa 6

Remplacer la date

1er février 2025

par la date

1er août 2024

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Cet amendement vise notamment à avancer la mise en œuvre du dispositif prévu dans la proposition de loi au 1er août 2024, alors qu’elle était initialement fixée au 1er février 2025.

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Le même I est ainsi modifié :

a) Après le mot : « moins », la fin du 2° est ainsi rédigée : « de 250 personnes et ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ainsi qu’aux collectivités et aux établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants ; »

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« …° Aux organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation. » ;

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Cet amendement tend à revenir à la version adoptée par l’Assemblée nationale.

Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, des orateurs siégeant sur toutes les travées alertaient le Gouvernement sur le sort des boulangers, qui n’étaient pas concernés par le bouclier tarifaire. C’est une des raisons pour lesquelles cet amendement est proposé.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Lurel, Cozic, Montaugé, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer la date :

1er février 2025

par la date :

1er août 2024

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. L’amendement n° 4 rectifié ter tend à permettre l’accès aux tarifs réglementés notamment des organismes d’habitations à loyer modéré dans les conditions définies à l’article L. 337-1 du code de l’énergie. Nous voulons revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Comme l’a indiqué Franck Montaugé, nous estimons, et la CRE est d’accord avec nous, que celle-ci a largement le temps de mettre au point les nouveaux TRVE. Aussi, il n’est pas nécessaire d’attendre février 2025 ; c’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, d’avancer la date d’entrée en vigueur au 1er août 2024. Nous avons le temps de rendre le dispositif opérationnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. Mes chers collègues, je vais essayer de continuer mon travail de pédagogie, même si je vois qu’il n’a pas toujours été très efficace !

En ce qui concerne les amendements nos 4 rectifié ter et 13 rectifié, vous avancez comme argument votre volonté d’en revenir au texte voté par l’Assemblée nationale : je suis obligée de vous dire que, parfois, ses votes ne sont pas conformes au droit européen. Vous pouvez contester le fait que le droit européen s’impose au droit national, mais je vous rappelle que le périmètre d’éligibilité aux tarifs réglementés de vente est strictement limité aux particuliers et aux microentreprises – la microentreprise étant définie comme une entité juridique réalisant au plus 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et employant moins de 10 équivalents temps plein travaillé.

Cette définition s’applique par ricochet aux collectivités et aux tout petits immeubles d’habitation collectifs qui remplissent ces critères. Les organismes d’HLM ne sont pas inclus dans cette définition.

J’entends votre volonté d’élargir le dispositif très largement aux PME, aux collectivités de moins de 50 000 habitants et à tous les organismes d’HLM. Il me semble que, ce faisant, vous faites parfois des confusions avec les dispositifs d’amortisseurs qui ont été mis en place pendant la période des crises de l’énergie – en effet, ces dispositifs visaient ces catégories.

Mais si l’on s’en tient strictement à la définition des TRVE, une telle extension n’est pas possible. Vous pouvez vous faire plaisir et voter une mesure non conforme au droit européen. Si la loi était promulguée et que le dispositif devenait effectif, la Commission pourrait alors engager une procédure de notification à l’encontre de celui-ci et les bénéficiaires seraient obligés de rembourser ce qu’ils auraient perçu.

Lors de la discussion de la loi de finances, vous avez été les premiers à vous élever contre le fait que l’on demande le remboursement des acomptes faits aux collectivités. Mais vous feriez courir demain exactement le même risque aux bénéficiaires que vous intégreriez dans le dispositif et qui seraient ensuite retoqués par les instances européennes !

En ce qui concerne l’amendement n° 7 rectifié bis, la date du 1er février 2025 a été fixée pour que le dispositif puisse être effectif. J’entends que vous voulez l’avancer au 1er août 2024, mais ce n’est techniquement pas possible. La CRE a besoin d’un délai de six mois pour essayer de définir un tarif pour les clients éligibles. Et il ne faut pas oublier les conséquences sur les systèmes d’information. Pour avoir mené des travaux de contrôle sur la mise en place des dispositifs de soutien à l’énergie pendant la période de crise, je peux vous dire que, plusieurs mois après l’inscription dans la loi de ces dispositifs, on observait encore des problèmes dans les systèmes d’information des fournisseurs.

Là aussi, vous pouvez vous faire plaisir, voter une mesure qui ne sera pas effective et qui sera difficile à mettre en place…

Par ailleurs, comme je vous l’ai dit dans la discussion générale, étendre les TRVE et faire sauter le plafond de 36 kilovoltampères, c’est utile pour protéger les consommateurs des fluctuations importantes sur les marchés de gros. Aujourd’hui, les TRVE ne sont pas compétitifs par rapport aux offres de marché. Il n’y a donc pas d’urgence à mettre en place ces dispositifs dès le mois d’août 2024. Prenons le temps d’installer un mécanisme robuste : c’est la raison pour laquelle nous avons choisi la date du 1er février 2025.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne peux pas mieux dire que Mme la rapporteure.

Je suis défavorable aux deux premiers amendements. Je respecte évidemment le vote du Parlement, mais je ne voudrais pas non plus que l’on fasse n’importe quoi. Voter une disposition contraire au droit européen n’est jamais une très bonne idée… D’autant que cette disposition répond à quelque chose de très concret. S’il y a des tarifs régulés de vente de l’électricité pour les très petites entreprises et les ménages, c’est que les profils de consommation sont identiques. S’il n’y en a pas pour les très grandes entreprises, c’est parce qu’une très grande entreprise des domaines de l’informatique, de l’aluminium ou de l’acier aura un profil de consommation radicalement différent.

Avoir un tarif régulé de vente de l’électricité qui soit le même pour une entreprise qui consomme beaucoup de mégawattheures et pour une entreprise qui en consomme très peu n’a absolument aucun sens.

J’y insiste, étendre les tarifs régulés de vente de l’électricité est non seulement contraire au droit européen, mais n’a pas de sens par rapport aux profils de consommation des entreprises.

Je suis du même avis que la commission sur l’amendement relatif à la date d’entrée en vigueur.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Christian Bilhac. Je retire l’amendement n° 13 rectifié !

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 bis.

(Larticle 3 bis est adopté.)

Article 3 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3 ter

(Non modifié)

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui présente de manière détaillée l’intérêt de nationaliser la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire. – (Adopté.)

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Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

Article 3 ter
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. Mickaël Vallet. Je tenais à faire une explication de vote pour dire d’abord ma satisfaction de voir ce texte poursuivre - en tout cas, je l’espère - son chemin parlementaire. Quelle qu’en soit l’issue, le sujet a été posé à plusieurs reprises, et notre travail aura compté.

Quel est au fond ce sujet ? C’est le fait que le Parlement se saisisse de ses prérogatives pour restreindre la capacité de nuisance de l’exécutif - c’est mon opinion - s’agissant de nos biens communs nationaux, dont EDF fait partie.

C’est aussi signifier que nous ne faisons pas confiance forcément aux gouvernements ordolibéraux, ces gouvernements qui se refusent déjà à jouer le rapport de force au sein des entreprises dans lesquelles l’État détient pourtant des participations. Je pense, par exemple, à ce qu’on a observé ces derniers mois chez Renault, avec la délocalisation des fonderies : on s’est demandé à plusieurs reprises à quoi cela servait d’avoir des participations.

Il ne faut pas non plus faire confiance à ces ministres qui laissent partir les turbines d’Alstom pour les racheter plus cher quelques années après… Chapeau ! Et on nous demanderait de faire confiance sur le maintien de l’intégrité d’EDF ? À d’autres !

De plus en plus de citoyens et d’élus en reviennent de l’européisme libéral, et je suis très fier que cette proposition de loi ait été déposée par un de mes camarades.

Vous connaissez, monsieur le ministre, la définition du socialisme par Lénine : les Soviets, plus l’électricité. Pour EDF, nous ne voulons pas prendre le risque de constater que le macronisme, ce sont des conventions citoyennes creuses, plus le démantèlement de l’entreprise. Si ce texte était adopté, vous seriez davantage contraint qu’aujourd’hui, et ce serait toujours ça de pris !

Enfin, puisqu’il me reste un peu de temps de parole et que vous invoquez de façon permanente et facile le général de Gaulle en vous référant à la participation, je vous conseille de relire plutôt les discours, plus récents, de Philippe Séguin. Il avait vu, comme Jean-Pierre Chevènement, où allait nous amener cette guerre faite aux monopoles publics, cette guerre systémique.

Puisse ce rappel vous amener à vous référer à des hommes d’État avec un peu plus d’économie, ce qui tombe bien puisque c’est l’intitulé de votre portefeuille !

Je voterai ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Mon intervention sera très brève. Au nom du groupe socialiste, j’aimerais féliciter notre assemblée, toutes celles et tous ceux qui ont compris l’importance de cette proposition de loi, qui n’était pas un texte mineur, puisque EDF est, si j’ose dire, le cœur même de notre politique énergétique, et qu’il faut le réarmer. C’est ce qui a été fait, alors merci !

Nous voterons avec enthousiasme ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je répondrai simplement à M. Vallet que le gaullisme n’est certainement pas le Soviet plus l’électricité, pas plus que le léninisme. C’est précisément un équilibre entre les intérêts des salariés et ceux du marché.

Par ailleurs, si vous appréciez l’intéressement, la participation et l’actionnariat salarié autant que moi, il aurait fallu voter avec ardeur, comme aurait dit le général de Gaulle, la loi Pacte, qui permettait de relever les seuils, d’avoir un accès plus facile à l’intéressement et à la participation, et de supprimer la taxation de 20 % qui existait à cet égard auparavant. Cela nous a permis d’augmenter très largement, à hauteur de plusieurs millions, les salariés qui sont désormais éligibles à l’intéressement et à la participation.

J’espère que vous soutiendrez toutes les dispositions que nous allons présenter dans les mois qui viennent visant à ce que les salariés des très petites entreprises - parce que c’est aussi notre objectif - aient accès à l’intéressement et à la participation.

Enfin, le choix que nous avons fait avec le Président de la République est effectivement la nationalisation d’EDF – le groupe est public à 100 %. Cela prouve que nous ne sommes pas des libéraux déchaînés qui nous en remettons entièrement aux forces du marché. Lorsqu’il y a un intérêt stratégique et que l’avenir de la Nation est en jeu, nous prenons nos responsabilités et nous confions le service public de l’électricité à la puissance publique pour garantir aux Français indépendance et souveraineté.

Un tout dernier point enfin, que j’ai évoqué en introduction de cette discussion, parce qu’il est essentiel : nous aurons le débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie et du climat, auquel j’attache beaucoup d’importance. Ces sujets sont extrêmement complexes, ils nécessitent de nombreux échanges et une grande transparence sur les choix qui sont faits, afin que chacun puisse s’exprimer sur les coûts, les intérêts, la permanence de certaines énergies et nos capacités technologiques.

Je me réjouis que nous puissions prolonger ce débat sur l’énergie à l’occasion de la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie et du climat.

Mme la présidente. Puisque le général de Gaulle est souvent convoqué dans cette discussion, je salue la présence dans nos travées du président de l’Amicale gaulliste du Sénat.

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement.

(La proposition de loi est adoptée.) (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
 

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Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune
Discussion générale (suite)

Décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues (proposition n° 861 [2022-2023], texte de la commission n° 244, rapport n° 243).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter cet après-midi prévoit : la mise en place d’un décompte annuel, sur l’ensemble du territoire, du nombre de personnes contraintes de dormir à la rue ; mais aussi l’élaboration d’un rapport comportant les éléments de ce diagnostic et une liste de recommandations, qui sera transmise chaque année à la représentation nationale.

Qu’on ne se trompe pas sur la nature de ce texte : il instaure un décompte, certes, mais avec un objectif, que ce décompte fasse bouger les choses et mette la question des sans-abri au premier rang des priorités politiques.

Ce texte doit être un outil qui fasse monter en puissance l’action publique en mobilisant tous les acteurs et en premier lieu l’État, dont c’est la responsabilité.

Il s’inscrit par ailleurs dans un double contexte d’urgence sociale et de crise profonde du logement dans notre pays. Car soixante-dix ans après l’appel de l’abbé Pierre, la situation se dégrade partout en France, et de manière dramatique.

Ce début d’année a été marqué par une vague de froid intense, durant laquelle plusieurs personnes sans abri sont mortes dans la rue. Le collectif Les Morts de la rue, dont je salue la présence en tribune ainsi que celle des Oubliés de la République, dénombre chaque année près de 700 décès de personnes sans abri.

Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France fait quant à lui état de plus de 4 millions de personnes mal logées, dont 1 million sont privées de logement personnel. Parmi ceux-ci, la Fondation estime à 330 000 le nombre de personnes sans domicile fixe, qu’elles vivent à la rue, dans un abri de fortune, à l’hôtel, en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) ou dans un centre d’hébergement généraliste.

L’année 2023 est aussi celle d’un triste record : celui du nombre d’enfants vivant à la rue, environ 3 000 d’après les estimations. Cette situation révoltante, contraire à nos lois, à nos valeurs universelles, est une réalité. Le Gouvernement ne peut pas continuer de la nier ou de la sous-estimer. Comme élus, nous le voyons dans nos écoles à Paris, à Lyon, à Toulouse et ailleurs.

Tous ces chiffres se traduisent concrètement par des situations de détresse sociale très concrètes : enfants vivant dans l’incertitude quotidienne de l’accès à une place d’hébergement, personnes sans abri, familles trouvant refuge dans des voitures, les urgences hospitalières ou des halls d’immeuble, sans compter des phénomènes comme la recrudescence de la précarité alimentaire ou la dégradation de la santé.

Il est d’autant plus difficile pour les associations de faire face à cette crise sociale, marquée par la recrudescence de la grande pauvreté, qu’elles ne sont pas suffisamment soutenues et qu’elles doivent accompagner des personnes aux parcours très divers : travailleurs précaires, migrants, personnes souffrant de troubles psychiatriques, jeunes en sortie de l’aide sociale à l’enfance (ASE), isolés et se retrouvant sans ressources à leur majorité.

La période actuelle conjugue par ailleurs plusieurs facteurs de fragilisation : crise climatique, migratoire et sociale ; inflation, en particulier des prix alimentaires ; insuffisance de logements sociaux et coût prohibitif du logement privé ; saturation des dispositifs d’hébergement d’urgence.

Or, face à cette crise du logement et de l’hébergement inédite depuis trente ans et qui rappelle – sans exagérer – l’hiver 1954, où en sommes-nous des actions mises en œuvre ?

Je vous ferai grâce des engagements pris par le président Macron lors de ses vœux pour l’année 2018, qui avait promis que plus une seule personne ne dormirait à la rue, ou des propos de l’ancien secrétaire d’État au logement la même année, lequel avait estimé à une cinquantaine de personnes le nombre de sans-abri dans toute l’Île-de-France…

En mai dernier – cela n’est pas très ancien –, le Gouvernement a annoncé, par la voix du ministre du logement, la création d’un observatoire du sans-abrisme à la suite des interpellations du Sénat à ce sujet. Qu’en est-il aujourd’hui ? À ma connaissance, rien ne s’est passé depuis la réunion d’installation au printemps 2023.

Par ailleurs, au cours de la dernière discussion budgétaire, un amendement du groupe Union Centriste prévoyant la création de 6 000 places d’hébergement d’urgence a été adopté dans cet hémicycle, mais le Gouvernement l’a fait disparaître avec le 49.3.

M. Rémi Féraud. Puis, quelques semaines plus tard, il a annoncé le déblocage d’une enveloppe de 120 millions d’euros, mais sans plus de précisions. Nous ne savons donc pas de quoi il retourne…

M. Rémi Féraud. Cette gestion « au thermomètre », surtout déterminée par des besoins de communication et des promesses non tenues, ne doit pas masquer une terrible réalité : des milliers de personnes dorment encore dehors dans notre pays.

Le nombre de places d’hébergement s’élève à environ 200 000, le double, certes, de ce qu’il était voilà dix ans, mais il n’empêche que cela reste largement insuffisant. Vous me direz sans doute, monsieur le ministre, que le plan Logement d’abord a permis à plus de 500 000 personnes d’accéder à un logement pérenne. C’est vrai, mais « le logement d’abord » ne doit pas être un simple slogan justifiant de laisser des hommes, des femmes et des enfants dormir dehors. Or le nombre de personnes sans domicile augmente : il est estimé à 330 000 aujourd’hui, contre moins de 150 000 il y a dix ans, et il a triplé en vingt ans. Les choses sont donc claires : la hausse réelle du nombre de places d’hébergement ne suit pas celle du nombre de personnes sans domicile.

C’est cette réalité qui a conduit, voilà un an, des maires de grande ville et des acteurs de la solidarité à signer une tribune appelant le Gouvernement à prendre plusieurs mesures pour lutter contre la grande pauvreté et ne laisser personne à la rue ou sans accompagnement. La présente proposition de loi s’appuie sur leur initiative.

En effet, des solutions existent pour enrayer la spirale négative de la précarité et de l’exclusion, sans mettre en concurrence entre eux les différents publics et les différents territoires, comme c’est trop souvent le cas. Ces solutions sont souvent mises en œuvre par des collectivités locales.

La Ville de Paris a ainsi lancé en 2018 la Nuit de la solidarité, une opération de décompte nocturne des personnes sans abri qui se tient chaque hiver et qui mobilise bénévoles, associations et travailleurs sociaux. Cette opération permet aussi de mieux appréhender les besoins des personnes décomptées, afin de faire progresser les dispositifs d’accompagnement, d’hébergement et d’insertion. Elle permet également d’interpeller l’État sur l’insuffisance de son action en matière d’hébergement.

Les informations qui en émanent sont d’autant plus précieuses que la connaissance du sans-abrisme reste insuffisante dans notre pays, qu’elles sortent ces personnes de l’invisibilité et qu’elles font appel à l’ensemble de la société, grâce à la mobilisation des citoyens bénévoles.

D’autres villes que Paris, partout en France, se sont emparées de cette initiative au cours des dernières années et le texte que je vous présente permet de prolonger cet élan en le généralisant ; c’est d’autant plus légitime que c’est à l’État que revient la responsabilité politique de l’hébergement d’urgence.

Pendant la période de confinement due au covid-19, alors que le mot d’ordre était de rester chez soi, l’État a ouvert, avec l’aide des communes, des places d’hébergement pour permettre à presque toutes les personnes sans abri de trouver un refuge. Et le défi a été relevé ! La Cour des comptes elle-même a reconnu l’efficacité de la dépense publique engagée à cette fin. C’est la preuve que nous pouvons y parvenir, mais à condition d’avoir une volonté politique, fondée sur le réel, c’est-à-dire sur un état des lieux chiffré de manière objective et partagée. En matière d’hébergement, c’est une obligation de résultat qui s’impose.

Permettez-moi enfin, mes chers collègues, de remercier le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et son président, Patrick Kanner, d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat. Je remercie également la commission des affaires sociales – son président, Philippe Mouiller, représenté aujourd’hui par la vice-présidente Gruny, et sa rapporteure, Laurence Rossignol – de son travail constructif sur ce texte. Adopter cette proposition de loi constituerait un progrès important vers le diagnostic et l’identification des moyens nécessaires sur chaque territoire, un levier pour que l’action publique soit à la hauteur de l’enjeu et que personne ne soit contraint, en 2024, de dormir à la rue dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mmes Nathalie Goulet et Marie-Pierre Richer ainsi que M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Rémi Féraud vise à instaurer sur tout le territoire français un décompte annuel des personnes sans abri pendant une nuit.

Avant de vous en présenter le contenu et la position de la commission, il me semble utile de rappeler ce qui, au sens de l’Insee, distingue les personnes sans domicile des personnes sans abri.

Une personne est considérée sans domicile lorsqu’elle a dormi la nuit précédente dans la rue, dans un lieu non prévu pour l’habitation – une tente, un bidonville, un parking, un parc – ou dans un hébergement généraliste, comme un lieu d’hébergement d’urgence, un hôtel ou un centre pour demandeur d’asile.

Une personne devient sans abri lorsqu’elle passe régulièrement la nuit dans la rue ou dans un lieu non prévu pour l’habitation.

Naturellement, ces catégories se recoupent partiellement et ne sont pas figées, elles sont même fluides dans le parcours des individus, une personne pouvant passer alternativement de l’une à l’autre.

Rappelons-le, la politique d’hébergement est une compétence de l’État, dont le pilotage est assuré par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal). Depuis 2017, des efforts ont été faits pour améliorer ce pilotage : priorité est désormais donnée à l’accès au logement des personnes sans abri via les plans Logement d’abord ; le nombre de places d’hébergement est ainsi passé d’environ 149 000 à 203 000 en 2022. En outre, le Gouvernement affiche depuis 2021 la volonté de rompre avec une gestion « au thermomètre », c’est-à-dire avec l’ouverture de places supplémentaires lors d’épisodes de grand froid, qui conduit à des ruptures de parcours lorsque ces moyens temporaires cessent d’être déployés.

En ce qui concerne le dispositif Logement d’abord, jugé positivement par les associations, j’appelle l’attention du Sénat sur le fait qu’il dépend globalement de l’offre de logement social ; pour qu’une personne quitte le dispositif et libère son hébergement, il faut qu’elle trouve un logement social. Par conséquent, la crise de la construction que nous vivons – il n’a jamais été construit aussi peu de logements que cette année – pèsera sur ce dispositif.

Les indicateurs et les données dont dispose l’État pour piloter ses politiques de prévention et de lutte contre le sans-abrisme ne permettent pas d’élaborer un diagnostic suffisamment précis. En effet, les sources sont plurielles : elles comprennent le recensement des habitations mobiles et des sans-abri qui est réalisé dans les communes tous les cinq ans, les remontées des services intégrés de l’accueil et de l’orientation – le 115 –, les rapports des associations, mais également les enquêtes de l’Insee.

Ces dernières, dites « sans domicile », sont trop irrégulières : la dernière remonte à 2012 et ne comporte pas de données territoriales, tandis que les résultats de la prochaine étude ne seront connus qu’en 2027. En quinze ans, vous en conviendrez, la situation a changé, dans le sens d’une dégradation. Par ailleurs, les données concernant les outre-mer n’y seront pas incluses.

À ceux qui s’étonneraient que l’on propose d’ajouter un décompte à celui de l’Insee, je répondrais que l’on fait face à de semblables enjeux avec les violences faites aux femmes. En la matière, il existe des enquêtes nationales, comme l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff) ou l’enquête Virage (Violences et rapports de genre) de l’Institut national d’études démographiques, mais il existe aussi, parallèlement, un décompte des féminicides réalisé en temps réel par des associations ou par les services du ministère de l’intérieur. Cela nous permet de disposer de chiffres précis et d’un tableau de bord mis à jour régulièrement, ce que ne permet pas, pour ce qui concerne les sans-abri, l’enquête de l’Insee. Le décompte des personnes sans abri sera donc complémentaire des enquêtes de l’Insee et des associations.

En janvier 2018, le secrétaire d’État chargé du logement, Julien Denormandie, avait déclaré sur une radio nationale – Rémi Féraud l’a rappelé, donc je ne veux pas insister trop lourdement pour ne pas enfoncer le clou, mais cela nous avait stupéfiés – qu’il y avait « une cinquantaine de personnes sans abri en Île-de-France ». Cela avait déclenché une polémique et entraîné l’organisation d’un décompte. La Ville de Paris avait organisé, un mois plus tard, sa première Nuit de la solidarité, suivant l’exemple de Madrid, Londres et Bruxelles.

Cette opération consiste à quadriller la ville afin de décompter le nombre de personnes sans abri une nuit donnée. Elle est pilotée par les services municipaux, en collaboration avec la Dihal et le secteur associatif, et mobilise depuis six ans plus de 2 000 citoyens bénévoles et travailleurs sociaux. Un questionnaire est soumis, lorsque cela est possible, aux personnes sans abri, afin de recueillir des éléments sur leur situation personnelle.

D’autres communes ont suivi le mouvement : en 2023, 27 villes de la métropole du Grand Paris et 15 communes de région ont organisé une nuit de la solidarité. Par ailleurs, 16 communes de plus de 100 000 habitants sur 42 se sont portées volontaires.

Cela étant, ce mouvement n’est pas linéaire : le total des villes participantes est passé de 48 en 2022 à 42 en 2023. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène : la démobilisation de certains bénévoles, le manque de moyens humains, le choix de certaines communes de ne pas procéder à cette opération tous les ans ou encore leur décision de faire une pause.

Bien que les points de vue des différents acteurs contribuant à la lutte contre le sans-abrisme puissent diverger quant à la méthodologie à employer, tous reconnaissent l’intérêt d’une extension de ces décomptes annuels et beaucoup ont plaidé pour une meilleure harmonisation des pratiques.

Pour ma part, j’y vois quatre intérêts principaux : cela permet d’améliorer la connaissance du public sans abri, d’un point de vue quantitatif et qualitatif, de renforcer la visibilité du sans-abrisme, de mobiliser, sensibiliser et informer les citoyens sur la question du sans-abrisme, et de créer une structure d’échanges entre les différents acteurs que sont l’État, les collectivités territoriales et les associations.

Enfin, même si l’hébergement est une compétence de l’État, les communes agissent au quotidien en faveur des personnes sans abri, notamment via les centres communaux d’action sociale (CCAS), que ce soit pour domicilier ces personnes afin de faciliter leurs démarches administratives ou pour installer des bains-douches, des bagageries, des tiers lieux dédiés à l’alimentation ou à l’insertion ou encore des espaces permettant de se reposer ou de charger son téléphone.

Pour répondre aux besoins des personnes sans abri et adapter les politiques publiques à leur égard, les communes ont besoin de disposer de données actualisées, tant quantitatives que qualitatives.

Je veux citer deux exemples démontrant l’utilité de ces décomptes. Le premier est celui des femmes sans abri.

L’Insee estime que celles-ci représentent 1 % de la population sans abri, alors que la Nuit de la solidarité parisienne de 2023 constate qu’elles représentent 9 %. Ce constat a permis à la Ville de Paris de créer des lieux dédiés à ces femmes.

Second exemple, qui me préoccupe particulièrement et qui peut conduire à des actions de prévention pour empêcher les gens de se retrouver à la rue : les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance. On estime que 40 % des jeunes sans abri sortent de l’ASE. Je ne peux pas croire qu’il soit impossible d’anticiper leur sortie de ce dispositif – rien n’est plus certain qu’une sortie de l’ASE – afin de préparer leur hébergement et d’éviter qu’ils ne se retrouvent à la rue.

Ces deux exemples concrets démontrent la nécessité de compter pour prévenir, afin d’adapter nos moyens d’action.

J’en viens au dispositif de la proposition de loi.

L’article 1er instaure, pour toutes les communes, une obligation de décompte annuel des personnes sans abri sur leur territoire, réalisé de nuit par des travailleurs sociaux et des bénévoles. Les modalités d’organisation des décomptes sont renvoyées à un décret. Il est prévu, à partir des données collectées, d’élaborer un diagnostic territorial relatif au sans-abrisme afin d’évaluer et de piloter la politique d’hébergement d’urgence et d’accompagnement social sur le territoire concerné.

La commission a adopté un amendement afin de tenir compte des spécificités des communes rurales et de taille moyenne, tout en conservant l’objectif d’un décompte annuel national. Ainsi, l’organisation des nuits de la solidarité ne concernerait que les villes de plus de 100 000 habitants. En effet, les communes rurales et de taille moyenne ne disposent pas toujours du tissu associatif et des ressources humaines nécessaires pour quadriller tout leur territoire. En outre, il appert que le phénomène du sans-abrisme concerne essentiellement – mais pas seulement, il est vrai – les métropoles : la ville d’Arras n’a, par exemple, relevé que 4 personnes sans abri lors de son dernier décompte, alors qu’elle est tout de même peuplée de 42 000 habitants. Nous avons donc assoupli le dispositif.

Pour les communes de moins de 100 000 habitants, l’obligation consisterait à transmettre chaque année au préfet de département les données relatives au nombre de personnes sans abri sur leur territoire. Elles auraient donc non pas à organiser une nuit de la solidarité, mais simplement à recenser ces personnes, comme elles doivent déjà le faire tous les cinq ans via le recensement des habitations mobiles et des personnes sans abri. Le préfet serait ensuite chargé d’établir un diagnostic territorial. Enfin, à l’échelon national, la Dihal coordonnerait et centraliserait les données.

En outre, la commission propose que le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) rende un avis sur le décret organisant les modalités d’organisation des décomptes.

L’article 2 oblige le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport annuel d’évaluation nationale des politiques de prévention et de lutte contre le sans-abrisme, à partir des données collectées lors des décomptes mentionnés à l’article 1er. Ce rapport comprendrait une présentation nationale des résultats du diagnostic et une liste de recommandations à mettre en œuvre en matière de planification et de développement de l’offre d’hébergement. La commission a souhaité que le CNLE rende un avis sur ces recommandations.

Mes chers collègues, la commission a adopté cette proposition de loi ainsi amendée ; je m’en félicite.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la rapporteure.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Alors que l’actualité nous rappelle, comme chaque année, combien la question du sans-abrisme mérite les politiques publiques les plus adaptées aux réalités et aux besoins, la commission vous invite à adopter ce texte. Pour bien agir, il faut d’abord connaître ; c’est ce que nous proposons au travers de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission – chère Pascale Gruny -, madame la rapporteure Laurence Rossignol, monsieur l’auteur de la proposition de loi Rémi Féraud, mesdames, messieurs les sénateurs, votre ordre du jour appelle aujourd’hui l’examen d’une proposition de loi du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune.

L’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Sénat est l’occasion de nous interroger sur la pertinence de la méthode actuelle d’estimation du nombre de personnes sans domicile ou sans abri.

Cette estimation est une boussole, nous en convenons tous. À cet égard, je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, comment fonctionne une boussole : pour que celle-ci soit utile, il est avant tout nécessaire de savoir où l’on veut aller.

Aussi me permettrez-vous de rappeler à titre liminaire quelques éléments clés de l’action du Gouvernement en matière de lutte contre le sans-abrisme, action qui repose sur deux principes : assumer la montée en puissance d’une politique d’hébergement d’urgence et de mise à l’abri immédiate des personnes vulnérables et accélérer les efforts de l’État en matière d’accès à un logement, non pas de fortune, mais pérenne, des personnes sans domicile.

En ce qui concerne la politique d’hébergement d’urgence, cela a été rappelé, il y a bien 203 000 places ouvertes, un nombre qui a doublé en dix ans et auxquelles il faut ajouter les 114 000 places du dispositif national d’accueil. Il y a donc 317 000 places – dans les Cada, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les hôtels, etc. – pour accueillir ceux qui se retrouvent sans domicile.

En outre, au cœur de l’hiver – cela s’est de nouveau produit voilà quelques jours –, l’activation du plan Grand froid permet de rehausser ce niveau.

Enfin, vous l’avez indiqué, Patrice Vergriete a annoncé au début du mois de janvier le déblocage d’une enveloppe supplémentaire de 120 millions d’euros pour créer 10 000 places d’accueil complémentaires pour les publics vulnérables.

Au-delà de la mise à l’abri, il est crucial d’accélérer les efforts de l’État en matière d’accès au logement dans la durée des personnes sans domicile. En l’espèce, notre outil principal est bien le plan Logement d’abord, dans sa première version d’abord, qui a permis de donner un logement pérenne à 440 000 personnes, puis dans sa seconde version, qui a d’ores et déjà permis de loger 110 000 personnes sans domicile fixe.

Telle est notre boussole.

Notre ambition est simple : il s’agit de poursuivre ce travail de mise à l’abri, afin qu’il n’y ait personne à la rue, tout en proposant parallèlement des logements durables à ceux qui ont vocation à rester sur notre territoire.

Voilà le chemin à suivre.

Dans ce contexte, vous nous proposez, monsieur le sénateur Féraud – je tiens d’ailleurs à saluer votre travail, ainsi que celui de la commission et de sa rapporteure, Mme Laurence Rossignol –, une méthode permettant de recenser avec plus d’exactitude la réalité des besoins. Oui, il est méthodologiquement compliqué de faire une estimation robuste, fiable, du nombre de personnes concernées par le sans-abrisme, et ce pour de multiples raisons.

D’abord – c’est tautologique –, une personne sans domicile fixe n’a pas de lieu dans lequel on peut la recenser. Ensuite, certains habitats de fortune ne sont pas connus des agents qui assurent le recensement. En outre, l’absence d’homogénéisation des processus et la part des bénévoles dans ce recensement empêchent que soit appliquée partout la même méthode. Enfin, le recensement de jour ne permet pas de mesurer complètement la réalité du phénomène.

Cela étant dit, nous ne sommes pas totalement aveugles face à ce phénomène. D’abord, un certain nombre de facteurs nous permettent d’estimer le volume des besoins d’hébergement ; c’est d’ailleurs tellement vrai que, chaque année, c’est bien sur le fondement de l’estimation du nombre de sans domicile fixe que nos débats reposent. Cette estimation quantitative s’appuie sur un modèle prenant en compte des données connues ou prévisionnelles et se déduit d’abord des facteurs de pression. Je pense évidemment à l’impact des politiques du logement et d’asile, qui déterminent le nombre de personnes potentiellement expulsées de leur logement dans l’année à venir.

À cette estimation quantitative s’ajoutent des facteurs de fluidité sur les flux entrants et sortants du parc d’hébergement, issus de la mise en œuvre du plan Logement d’abord, de l’attribution des logements sociaux ou encore, dans le sens inverse, des éloignements volontaires ou forcés des personnes à droits incomplets.

J’ajoute que l’observation sociale constitue un point essentiel du plan Logement d’abord. Une connaissance précise des situations et des besoins est impérative pour mieux planifier les politiques d’intervention et organiser le réseau d’acteurs en conséquence, pour une raison : jusqu’à maintenant, nous avons parlé de chiffres et de flux, mais aucun d’entre nous dans cet hémicycle et aucun des élus locaux de ce pays ne conçoit le phénomène des sans domicile fixe et du sans-abrisme comme une simple question de chiffres ; nous le voyons comme une réalité qui recouvre des visages, des prénoms, des parcours, des situations, des silhouettes.

La Dihal coordonne l’amélioration de nos politiques de recensement et les éléments qui peuvent nous aider à affiner ces politiques. Les nuits de la solidarité sont clairement un modèle qui inspire nos discussions ; vous les avez prises en exemple et vous souhaitez les généraliser. Elles sont organisées depuis plusieurs années dans différentes villes – assez peu à l’échelle de notre pays, soyons honnêtes, une quarantaine – et l’ambition de la Dihal c’est d’arriver à harmoniser les méthodes de ces décomptes, au travers d’une démarche de coordination entre les villes volontaires, afin d’aboutir à une méthodologie robuste.

Cela passe également par le lancement d’une nouvelle enquête de l’Insee sur les sans domicile fixe. Elle a déjà été réalisée par le passé et le sera encore en 2025, afin d’améliorer la connaissance à un instant donné de l’ensemble des personnes sans domicile et, au-delà de leur nombre, de leur parcours, car l’enquête va plus loin.

Son champ d’observation est par ailleurs plus large que celui du texte et des nuits de la solidarité. Elle est donc particulièrement exigeante et nécessite des années de préparation, afin d’arriver aux bonnes questions, car elle repose sur un principe : aller à la rencontre des personnes sans domicile dans les services d’aide qu’elles fréquentent, d’hébergement ou de restauration.

Par ailleurs, le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) s’assure que toutes les personnes identifiées comme sans domicile font l’objet d’une évaluation, en sollicitant si besoin les acteurs locaux.

Je n’en dirai que deux mots, faute de temps, mais je veux saluer le travail de ses agents et le chantier de fiabilisation des données dans son système d’information, le SI-SIAO.

Enfin, la plateforme résorption-bidonvilles fournit de son côté en continu des informations sur les personnes en bidonville et sur les sites dans lesquels elles vivent. Ces personnes ne sont pas sans toit, mais personne ne peut considérer qu’il s’agit d’une situation de logement enviable, durable ou qu’il conviendrait de pérenniser sans l’améliorer.

J’en arrive à votre initiative, qui vise à instaurer un décompte annuel des sans-abri dans chaque commune.

Je le dis d’emblée, j’émettrai un avis favorable sur ce texte, parce qu’il va dans le bon sens, sous réserve de l’adoption des amendements du Gouvernement. Or, en écoutant la rapporteure, j’ai eu le sentiment que nous n’étions pas si éloignés que cela. (Mme la rapporteure affiche une moue dubitative.)

Je m’explique.

En premier lieu, nous ne souhaitons pas imposer à l’ensemble des communes une obligation de transmission des données à l’État, parce que nous considérons qu’on ne peut pas traiter les communes de plus de 100 000 habitants comme les autres.

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. D’abord, la réalité du sans-abrisme dans ces territoires n’est pas la même. Ensuite, en imposant un dispositif aussi rigide, alors que nombre d’élus sont déjà exaspérés par l’augmentation des obligations qui s’imposent à eux, on risquerait d’être contre-productif, notamment pour les communes tellement petites que les chiffres sont connus sans avoir à organiser une nuit de la solidarité.

En second lieu, nous nous interrogeons sur la nécessité d’une obligation annuelle pour les communes de plus de 100 000 habitants. Cette interrogation n’émane pas du Gouvernement, elle émane de France urbaine. Un rythme biennal, compte tenu notamment du nombre de bénévoles et du risque d’essoufflement de ces derniers, conjugué à une obligation, pourrait constituer un compromis acceptable, quitte à revoir ultérieurement le seuil de population et la fréquence des décomptes. Il me semble nécessaire de trouver un équilibre au moment de passer d’un dispositif facultatif mis en œuvre dans moins de 50 communes de toutes couleurs politiques à un dispositif obligatoire pouvant concerner, si l’on n’y prend garde, à 36 000 communes. (M. Marc Laménie renchérit.)

L’ambition du Gouvernement est d’avoir une boussole robuste pouvant l’aiguiller dans ses choix, en allant à l’essentiel, en priorisant les endroits où le besoin est fort afin de renforcer les moyens d’accompagnement et d’accueil d’un nombre plus limité de communes. Ce sera plus efficace.

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2018, la politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme a connu un profond renouvellement, sous l’impulsion du Président de la République et des gouvernements successifs.

Les plans Logement d’abord, de 2018-2022 et de 2023-2027, ont fait de l’accès au logement des personnes sans abri et mal logées une priorité. Cette ambition a permis d’augmenter le nombre de places d’hébergement de 36 % entre 2017 et 2022, lesquelles sont passées de 149 000 à 203 000.

Par ailleurs, il a été mis fin à la gestion « au thermomètre » de l’hébergement d’urgence au profit d’une programmation pluriannuelle. Cette ambition a trouvé sa traduction dans les engagements financiers de l’État, le budget 2024 nous le rappelle, puisque près de 2,9 milliards d’euros y sont consacrés à la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, soit une augmentation de 65 % depuis 2017.

Malgré ces avancées notables, le nombre de personnes sans abri dans notre pays reste encore bien trop élevé. Il est estimé à 300 000 selon les dernières enquêtes. Pourtant, faute de régularité dans la collecte des données et d’harmonisation dans la méthode de décompte, la connaissance du sans-abrisme en France reste lacunaire, même si certaines communes ont pris des initiatives en organisant des nuits de la solidarité. La dernière enquête nationale de l’Insee, publiée en 2012, ne permet pas d’extraire des données par territoire. Les résultats de la prochaine étude seront connus en 2027, mais l’outre-mer n’y sera pas inclus, ce que je regrette.

Cette proposition de loi, déposée par Rémi Féraud et nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a le mérite de mettre sur la table un sujet essentiel. La connaissance du sans-abrisme est en effet un enjeu territorial, puisque, si l’hébergement est une compétence de l’État, les communes mettent aussi en place des politiques de soutien aux populations sans abri, via les CCAS. Sans données qualitatives et quantitatives territorialisées sur la population sans abri, les municipalités ne peuvent adapter leurs politiques de soutien à ce public.

Ce texte nous paraît utile, puisqu’il permet de mobiliser et de responsabiliser les communes sur le sujet de la lutte contre le sans-abrisme.

Les modifications apportées par la commission des affaires sociales sur l’initiative de la rapporteure nous semblent pertinentes, notamment celle qui consiste à insérer un seuil de 100 000 habitants sous lequel le décompte des personnes sans abri n’est pas obligatoire ; cela permettra d’exclure les communes rurales et les villes moyennes, beaucoup moins concernées par le sujet.

Madame la rapporteure, mes chers collègues, comme vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. Celui-ci est utile pour mener une politique publique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme qui soit pertinente. Toutefois, afin que la charge des opérations de dénombrement ne soit pas trop importante pour les communes et que leur efficacité en soit accrue, nous soutiendrons les cinq amendements du Gouvernement. Je vous invite à les considérer avec beaucoup d’attention.

Au-delà de ce texte, monsieur le ministre, je souhaite que nous travaillions prochainement sur le sujet plus vaste du mal-logement. Si je salue l’augmentation du budget qui lui est consacré dans la dernière loi de finances, ce problème touche encore près de 4 millions de Français et trois personnes sur dix en outre-mer. Nous ne pouvons le tolérer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont notre collègue Rémi Féraud a pris l’initiative avec le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, vise à mettre en place dans l’ensemble des communes du territoire français un décompte des personnes sans abri, une fois par an et de nuit.

En ce début d’année 2024, la vague de grand froid a eu des conséquences mortelles pour les personnes sans abri, avec au moins quatre décès enregistrés. Ces tragédies ne sont pas des cas isolés. Le collectif Les Morts de la rue publiait en 2022 un rapport qui répertoriait au moins 624 décès de personnes sans abri ou résidant dans des structures d’hébergement temporaire.

Le sans-abrisme est une réalité déchirante et persistante, qui ne peut être ignorée. L’auteur de la proposition de loi chiffrait à 3 000 ces femmes, ces hommes et surtout ces enfants, souvent en bas âge.

Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, la France compte actuellement 330 000 personnes sans domicile, soit une augmentation de 130 % depuis 2012. La situation du logement est alarmante. Au total, 4,15 millions de personnes sont considérées comme mal logées.

En 2018, la Ville de Paris avait pris l’initiative de lancer la première édition de la Nuit de la solidarité, suivant l’exemple d’autres capitales européennes telles que Madrid, Londres ou Bruxelles. L’objectif est de recenser, en parcourant la métropole, le nombre de personnes sans abri au cours d’une nuit donnée, sous la coordination des services municipaux, en lien avec la Dihal et de nombreuses associations. Cette opération mobilise plus de 2 000 bénévoles et travailleurs sociaux depuis six ans.

D’autres municipalités ont emboîté le pas. En 2023, vingt-sept villes du Grand Paris et quinze communes en région ont organisé leur nuit de la solidarité. Seize villes de plus de 100 000 habitants ont participé volontairement à l’événement.

À Paris, la Nuit de la solidarité 2024 se déroulera demain soir, dans la nuit du 25 au 26 janvier. L’année dernière, 3 000 personnes sans solution d’hébergement, dont 105 mineurs, ont été recensées à Paris, soit 417 sans-abri supplémentaires par rapport à 2022.

Bien que la politique d’hébergement relève de la compétence de l’État, je tiens à saluer l’action et le dévouement des communes, des élus locaux et des associations de solidarité et de leurs bénévoles.

J’attire l’attention sur la situation des femmes à la rue, particulièrement vulnérables et faisant face à de multiples dangers. Le Samu social de Paris pointe une augmentation de la proportion de femmes sans abri dans l’agglomération parisienne, passée de 2 % en 2012 à 10 % en 2022.

Ces chiffres doivent être interprétés avec prudence, car les femmes sans domicile fixe se réfugient dans des endroits où elles se sentent plus en sécurité, notamment les parkings.

Il ne faut pas négliger les communes plus petites, car le sans-abrisme s’étend aussi en milieu rural. La généralisation de ce recensement à l’échelle de toutes ces collectivités permettrait une meilleure compréhension de l’exclusion et une appréhension plus précise du sans-abrisme, y compris en milieu rural.

Invisibilisées, les personnes sans domicile fixe dorment souvent dans des voitures, dans des garages ou dans des lieux abandonnés. Dans les territoires ruraux, les structures d’accueil et d’hébergement manquent.

La lutte contre le sans-abrisme ne se limite pas à la question du logement. Les causes qui conduisent à devenir sans domicile ou sans abri sont entremêlées : difficultés d’emploi, ruptures familiales et problèmes de santé. Un accident de la vie peut conduire à l’isolement et à la marginalisation.

Le risque de se retrouver à la rue n’est pas le même pour tous. Permettez-moi de rappeler ces chiffres : 23 % des sans domicile fixe de 18 à 25 ans sont des anciens de l’aide sociale à l’enfance. Quelque 86 % des sans domicile fixe ont vécu dans leur enfance au moins un événement douloureux lié à leur environnement familial.

Face à l’urgence de la situation, l’ancien ministre chargé du logement a proposé le recrutement de 500 personnes au Samu social, visant à soulager le 115, le numéro d’urgence pour les personnes sans abri.

Le 8 janvier 2024, le même ministre a annoncé le déblocage de 120 millions d’euros pour « renforcer le système d’hébergement d’urgence ». Ces annonces sont bienvenues, mais malheureusement insuffisantes. Elles ne traduisent aucune ambition à long terme pour lutter contre le fléau du mal-logement ou du non-logement. Nous devons élaborer une politique structurelle d’accompagnement des personnes qui subissent ces situations, en lien avec les associations.

Je tiens à saluer la rapporteure, notre collègue Laurence Rossignol, pour son travail et pour avoir fait évoluer ce texte dans le sens d’une plus grande souplesse dans l’application et de la recherche d’un consensus sénatorial. L’idée de rendre obligatoire pour les communes de plus de 100 000 habitants exclusivement le recensement annuel des personnes sans abri, sur le modèle de la Nuit de la solidarité, est judicieuse. Les communes rurales et de taille moyenne ne possèdent pas toujours les structures associatives ni les ressources humaines nécessaires pour réaliser cette opération.

En revanche, j’émets des réserves sur les amendements du Gouvernement, notamment ceux qui tendent à supprimer la collecte et la transmission annuelle de données imposées à toutes les communes, ainsi qu’à faire passer d’une fois par an à une fois tous les deux ans la fréquence du décompte dans les communes de plus de 100 000 habitants. Ces propositions altèrent la nature du texte initial et semblent traduire une sous-estimation de l’ampleur du phénomène ainsi que des mesures nécessaires pour lutter contre la précarité du logement.

Je remercie Rémi Féraud d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi. Il faut compter pour mieux connaître et pour mieux combattre la précarité, et ainsi éviter que les personnes vulnérables ne basculent dans la grande pauvreté, au risque de se retrouver à la rue.

Une fois le recensement effectué, il s’agira d’en tirer les conséquences en matière de prévention et d’offres d’accompagnement. Nous plaidons en faveur d’une réévaluation des minima sociaux en réponse à l’inflation, de l’extension du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes et d’une vraie politique de protection de l’enfance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de traiter de la crise du logement, qui touche un nombre croissant de Français.

Les chiffres sont connus et ont été rappelés par Rémi Féraud et par Mme la rapporteure. La Fondation Abbé Pierre estime à 330 000 le nombre de personnes sans domicile fixe en France. Les sans-abri sont actuellement estimés à 40 000 sur l’ensemble du territoire, contre 27 000 en 2016. En 2022, 624 d’entre eux sont morts dans la rue en France et ce chiffre, déjà épouvantable, serait encore fortement sous-évalué.

Dans la seule ville de Paris, la dernière Nuit de la solidarité a permis de décompter 3 015 personnes sans solution d’hébergement, soit 400 de plus que l’année précédente. Parmi elles, 77 % n’appelaient même plus le 115. Ce numéro reçoit entre 5 000 et 15 000 appels par jour, mais ne peut répondre qu’à un quart d’entre eux, faute de solution à proposer.

L’hébergement d’urgence est une compétence de l’État. Cette politique est à un tel point de saturation que des écoutants du 115 orientent désormais, en plein froid polaire, des femmes vers des squats ; de plus, l’État a fixé de façon inédite des critères de priorité aberrants pour l’accès à l’hébergement d’urgence.

Cette concurrence entre les publics vulnérables est insupportable. Les femmes en sont les premières victimes. Une femme à la rue est violée toutes les vingt-quatre heures ! Environ 90 % de ce public subit des violences. Est-il normal de considérer une femme enceinte, si elle n’est pas à neuf mois de grossesse, ou un bébé de 4 mois comme non prioritaires, et ainsi de laisser cet enfant dormir dehors ? Combien de ces femmes enceintes perdent leur bébé ou accouchent à la rue ? C’est une violence insupportable.

L’État – hélas ! – s’est montré incapable sur le long terme de traiter les causes profondes de ces situations d’exclusion extrêmes, causes que nous connaissons et qui sont accentuées par la précarisation énergétique et par la flambée des prix alimentaires. Elles se fondent sur la paupérisation d’une partie des ménages modestes, qui peuvent finir par se retrouver à la rue, et sur l’occupation de places d’hébergement d’urgence par des personnes qui pourraient prétendre à d’autres formes de logement, notamment social. Las, le Samu social gère la pénurie.

L’augmentation du nombre de sans-abri est donc révélatrice d’un échec plus large de notre politique du logement. Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à subir le mal-logement, confrontés à la hausse des prix des habitations et des loyers. Cette dernière, faut-il le répéter, est particulièrement catastrophique à Paris !

Dans ce contexte, la lutte contre le sans-abrisme doit certes passer par l’ouverture de places d’hébergement d’urgence supplémentaires, en premier lieu pour les femmes seules, et par la mise en place de mesures de protection renforcées, pour assurer leur sécurité et celle des autres publics très vulnérables, mais elle doit s’inscrire aussi dans un combat plus large contre toutes les formes de mal-logement.

Il est vrai que cette proposition de loi permettra de dresser des états des lieux précis dans tous les territoires. Pourtant, nous n’avons pas besoin d’attendre les résultats des décomptes et encore moins la remise d’un rapport pour savoir quelles sont les zones tendues.

Paris en est une. Plus que de nouveaux chiffres, la capitale a surtout besoin d’un changement profond du fonctionnement de ces dispositifs. À défaut, elle court vers une paupérisation continue de sa population à laquelle nous assistons déjà, la voyant peu à peu devenir la ville des très aidés et des très aisés.

Au-delà de la hausse du nombre d’hébergements d’urgence, qui ne peut être qu’une solution de première nécessité, il faut fixer à nos politiques publiques un cap. Nous devons viser collectivement un dessein plus ambitieux : donner à chacun la possibilité d’accéder à son propre logement, notamment à la location, et réinsérer activement les personnes en situation de grande exclusion. Cet objectif vaut pour Paris et tout autant pour l’ensemble des villes de France.

Aussi, je pose la question suivante : quelle sera la portée concrète de ce texte alors que la mise en œuvre des solutions proposées est subordonnée, comme l’a indiqué le ministre, à la remise d’un rapport par le Gouvernement ? Par l’examen des amendements, nous chercherons à améliorer la portée et l’efficacité réelle de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Rémi Féraud applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mesurer l’évolution du nombre de personnes sans abri en France demeure difficile, car il est particulièrement complexe d’appréhender avec précision le cas de cette population en extrême précarité.

Si la dernière enquête de l’Insee datant de 2012 fait état de 12 500 sans-abri, à savoir des personnes qui ont passé la nuit précédant l’enquête à la rue ou dans un lieu non prévu pour l’habitation, le recensement de la population, quatre ans plus tard, porte leur nombre à 27 000. Quant à la Cour des comptes, elle évaluait en 2019 cette population à 40 000 individus.

Ces estimations en constante augmentation demeurent effrayantes, car, derrière tous ces chiffres, se cachent des drames humains : des hommes et des femmes, mais aussi des enfants qui vivent ou plutôt survivent dans le plus grand dénuement sur notre territoire.

Recenser les sans-abri se révèle néanmoins indispensable : la connaissance précise de leur nombre constitue le préalable à toute élaboration de politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme. Aussi, l’organisation annuelle de la Nuit de la solidarité présente l’intérêt de procéder à un tel recensement dans plusieurs villes volontaires à une date identique et d’obtenir ainsi un ensemble de données territorialisées. C’est pourquoi la proposition de loi que nous examinons cet après-midi est la bienvenue.

Son article 1er vise à instaurer, sur le modèle de la Nuit de la solidarité, un décompte systématique dans chaque commune du nombre de personnes sans abri. Ce type de recensement, dont les modalités seront définies par décret, permettra d’élaborer un diagnostic territorial.

Quant à l’article 2, il a pour objet que, à la suite du décompte, le Gouvernement remette au Parlement un rapport comprenant le diagnostic et une liste de recommandations.

Néanmoins, je partage pleinement la position de la commission concernant son souhait de procéder à quelques ajustements.

Ainsi, instaurer un seuil de 100 000 habitants pour l’organisation des nuits de la solidarité tout en maintenant une obligation de collecte de données pour toutes les communes constitue une mesure raisonnable et équilibrée. En effet, le sans-abrisme concerne plus particulièrement les métropoles ; l’organisation d’une nuit de la solidarité nécessite des moyens humains que les petites et moyennes communes rurales n’ont pas.

Par ailleurs, associer le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale me semble pertinent. Cette instance sera consultée sur les conditions de réalisation des décomptes et donnera sur les recommandations formulées un avis, qui sera annexé au rapport.

Avant de conclure, je tiens à saluer la rapporteure, notre collègue Laurence Rossignol, pour la qualité de ses travaux, qui ont permis d’apporter de pertinentes modifications en commission.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet du sans-abrisme nous concerne tous. Il touche à l’humain et dépasse les clivages politiques. Les mesures introduites par cette proposition de loi et utilement modifiées en commission contribueront à une meilleure connaissance tant quantitative que qualitative du phénomène. Elles conduiront à rendre plus efficaces les politiques publiques prises en direction de ces personnes très vulnérables.

Le groupe Les Indépendants votera avec conviction cette proposition de loi, à la fois pragmatique et opportune. (Mme Laurence Harribey et M. Marc Laménie applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er décembre dernier, je présentais devant l’hémicycle le rapport pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Les auditions ayant permis d’établir ce texte avaient été édifiantes et sans appel.

La situation décrite est dramatique et s’aggrave, ce que chacun de nous peut constater puisque, sous nos yeux, chaque jour, partout en France, des hommes, des femmes et des enfants passent la nuit dans la rue.

Nous étudions aujourd’hui une proposition de loi qui vise à faire établir un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune, rendant possible la remise d’un rapport au Parlement afin d’évaluer et de planifier les politiques de prévention et de lutte contre le phénomène.

Un dispositif appelé Nuit de la solidarité a été mis en place durant la nuit du 26 au 27 janvier 2023 dans 42 communes. Le principe est que les participants, professionnels et bénévoles, posent cette nuit-là leur regard sur ces ombres de la rue. Ils vont au-devant d’elles afin de les recenser, de comprendre leur parcours autant que faire se peut et de les rendre visibles pour tous, en particulier pour les décideurs des politiques publiques.

Évidemment, les associations et les travailleurs sociaux font au quotidien cette démarche empreinte d’une grande humanité. Je salue à cette occasion leur travail, car ces acteurs dressent déjà un tableau assez précis des sans-abri. Ils établissent des profils psychologiques et décrivent un public qui évolue, de plus en plus fragile et précaire, parfois sans situation administrative, comprenant de plus en plus de personnes âgées et, ce qui est le plus terrible, de familles, notamment avec enfants.

La Croix-Rouge, premier opérateur de maraudes professionnelles et bénévoles dans 85 départements, indiquait en fin d’année avoir comptabilisé jusqu’à 6 200 demandes non pourvues ; de nombreux enfants sont concernés. Ces chiffres sont établis en lien avec le 115. Toutefois, ils ne comprennent pas toutes les personnes qui, sachant les places d’hébergement embolisées et se trouvant certaines d’essuyer un refus, faute de moyens de communication parfois, ne font pas ou plus appel au 115. Environ 87 % des personnes rencontrées par ces maraudes déclaraient ne pas avoir appelé. Face à l’énorme taux de non-recours, nous ne voyons qu’une partie de l’effrayante réalité !

En conséquence, le principe d’une forme de recensement systématique annuel présente un intérêt certain. Pour cette raison, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi à la condition qu’elle n’induise pas une charge de travail supplémentaire pour les plus petites communes, dépourvues de services et disposant de peu de ressources humaines pour mener à bien une opération du type Nuit de la solidarité.

De fait, une seconde raison explique pourquoi le groupe Union Centriste votera ce texte. Si Bercy ne comprend que les chiffres, alors produisons des chiffres ! Hélas ! les centaines et les milliers d’enfants qui ont fait leur rentrée scolaire dans la rue ne sont pas des statistiques. Ils ne pèsent pas lourd, les pauvres !

Avec ou sans chiffres, que ces derniers soient exacts ou sous-estimés, personne ne peut prétexter que nous ne connaissons pas la situation. Tout le monde la connaît ! Nous ne devrions pas avoir besoin d’aller compter ces malheureux pour obtenir les moyens nécessaires à leur mise à l’abri.

Actuellement, l’écart est tel entre l’offre d’hébergement d’urgence et les besoins que des systèmes de priorisation, qui sont en fait du tri, se mettent en place. Il a été porté à notre connaissance le cas d’une ville, dont je tairai le nom, où il n’y a de places que pour les femmes battues ayant porté plainte et menacées de mort. Tous les autres demandeurs sont refoulés. Là aussi, personne ne l’ignore.

À ce stade, je souhaite faire mention des travaux en cours menés par la délégation aux droits des femmes sur le sujet spécifique du sans-abrisme chez ces dernières. Ils seront une contribution précieuse afin de cerner un phénomène social en pleine évolution et qu’il est essentiel de comprendre.

Comme nous le savons, le secteur du logement subit une crise majeure. Ceux qui voudraient accéder à la propriété, faute de pouvoir le faire, embolisent le secteur locatif. Ceux qui sont dans l’hébergement d’urgence, même lorsqu’ils travaillent, ne peuvent pas accéder à un logement social et restent bloqués, parfois des années, dans ce qui devrait être une solution transitoire. Ceux qui sont dans la rue y restent, faute de place, s’enracinant dans la pauvreté.

Cette crise est l’une des raisons – il en existe d’autres – pour lesquelles de plus en plus de personnes se trouvent dehors. Certes, il faut comprendre et analyser, mais il faut surtout faire vite et se donner les moyens. Pourtant, la volonté politique n’est pas là. Des places supplémentaires d’hébergement d’urgence ont été ouvertes, mais pas à la hauteur des enjeux. Force est de constater que l’État n’est pas au rendez-vous.

Pour cette raison, le Sénat a refusé de voter, au mois de décembre 2023, les crédits pour l’année 2024 du programme 177 manifestement insincères et d’une criante insuffisance. Faire reposer la prise en charge de cette catégorie de la population sur un tissu associatif au bout de ses capacités n’est pas raisonnable. Les associations sont le dernier filet de sécurité face au sans-abrisme, mais il est en train de se défaire. Quand il aura craqué, que se passera-t-il ?

Il n’est plus possible de renvoyer la balle aux communes qui la renvoient elles-mêmes à l’État, ce n’est tout simplement pas humain ! J’en veux pour preuve un nouveau témoignage, recueilli hier. Des personnes tentant de venir en aide à une jeune femme dans la rue, tout près d’ici, ont appelé les services de la mairie de Paris. Il leur a été répondu que, pour des raisons de compétence, il fallait s’adresser au Gouvernement. Finalement, il valait donc mieux voir avec… personne ! C’est indigne !

Je tiens à évoquer également ici les souffrances des travailleurs sociaux qui prennent les appels et qui n’ont que des refus à opposer.

Je vote alors pour que nous ayons en main un rapport chiffré à agiter comme un chiffon rouge ! Je vote pour que nous travaillions enfin à la prévention ! Je vote pour que nous arrêtions de faire semblant ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes la rapporteure et Marie-Pierre Richer ainsi que M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, demain, à la nuit tombée, je parcourrai, comme de nombreux élus parisiens, les rues de la capitale aux côtés de plus de 2 000 bénévoles et professionnels du secteur social.

Comme chaque année depuis 2018, et à l’image de plus de quarante villes de France, Paris organise ainsi un effort collectif en faveur de la solidarité.

Comme vous l’avez toutes et tous indiqué, mes chers collègues, la situation du sans-abrisme en France demeure dramatique, insupportable et inhumaine. Pis, elle s’aggrave. Sans répéter ceux qui ont été donnés, de multiples chiffres vont dans le même sens.

Je me souviens de la Nuit de la solidarité de l’hiver 2020. Je maraudais avec des bénévoles, convaincus que la fraternité se vivait par un tel élan de solidarité ; pourtant, beaucoup travaillaient déjà dans le secteur social au nom de cette même fraternité, souvent en Seine-Saint-Denis. Ce soir-là, nous étions arrivés aux urgences de l’hôpital Saint-Louis dans le Xe arrondissement de Paris. J’ai été marquée d’y voir des gens venir dormir dans la salle d’attente des urgences toutes les nuits. Cet endroit était le seul où ces personnes étaient parvenues à trouver refuge. Des femmes s’y trouvaient, lesquelles, heureusement, s’abritaient parfois dans d’autres lieux. À l’époque, les enfants étaient absents de l’hôpital, car ils étaient pris en charge rapidement.

Ces femmes et ces hommes étaient accueillis par le personnel soignant avec solidarité, dignité et humanité. En 2020, l’hôpital était devenu un asile, un refuge de dernier recours grâce aux soignantes et aux soignants, qui permettaient de donner un abri à ceux qui n’en avaient pas et de donner réalité à la valeur républicaine de fraternité.

L’hôpital demeure ce refuge. Les sans-abri continuent d’arriver dans les hôpitaux pour dormir quelques heures sur un brancard. Les soignantes et les soignants continuent de leur accorder de passer cette courte nuit en sécurité. Ce phénomène a même un nom. Il est appelé « tri 5 », en référence au niveau 5 de la classification infirmière des malades aux urgences : « pas d’atteinte fonctionnelle ou lésionnelle évidente », installation en « box ou salle d’attente ».

Personne – je vous l’assure – ne dort de gaieté de cœur dans la rue un soir d’hiver ou sur un brancard. La situation s’aggrave : de plus en plus de femmes et d’enfants dorment dehors, comme nous l’avons déjà relevé dans cet hémicycle.

Ainsi, il y a quelques semaines, j’étais devant l’école Félix-Faure pour soutenir des parents et des professeurs des écoles. Ils revendiquaient un hébergement d’urgence pour les familles de la quinzaine d’enfants à la rue du XVe arrondissement. La Ville de Paris a ouvert plusieurs centres à cet effet, dernièrement dans le XVIIIe.

L’État doit prendre ses responsabilités et ouvrir des hébergements pour tous les enfants, quel que soit leur statut administratif. Le groupe écologiste l’avait invité à débloquer des crédits en ce sens lors de l’examen de la loi de finances pour 2024. Nous, parlementaires de nombreux bords, n’arrêtons pas de vous alerter, monsieur le ministre.

Ma collègue Mathilde Ollivier vous l’avait dit en novembre : « Réveillez-vous ! » Il y a urgence pour la dignité de ces femmes, de ces enfants et de ces hommes, ainsi qu’au nom de la fraternité.

Je salue chaleureusement mon collègue parisien Rémi Féraud, lequel a déposé cette proposition de loi, et la rapporteure Laurence Rossignol, ainsi que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain pour avoir inscrit le texte dans son espace réservé.

Je remercie les élus locaux ainsi que les citoyennes et citoyens engagés partout en France, que ce soit à Paris avec Anne Hidalgo ou dans de nombreuses autres villes, comme à Bordeaux, à Rennes, à Lyon, à Grenoble, à Nantes, à Poitiers, à Nancy, à Rouen, à Tours ou à Besançon. Je suis sûre d’en oublier !

Comme vous l’aurez compris, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Pierre, à Toulon, une femme, dite Nana, à Marseille, une femme, 34 ans, à La Rochelle, Cédric Roué, 43 ans, au Grau-du-Roi, Didier, 52 ans, ainsi qu’un bébé de 4 mois, à Paris, Elton, 44 ans, à Rosselange… Ces noms sont ceux de quelques personnes sans abri qui ont perdu la vie lors de la dernière vague de froid. La liste ne fait que s’allonger ; plus de 40 victimes sont dénombrées depuis le 1er janvier. Elles ne constituent qu’une part d’un alarmant tableau.

Certains pourraient souligner que ces réalités humainement dramatiques ne sont pas nouvelles en rappelant l’appel de l’abbé Pierre sur les ondes de Radio Luxembourg, il y a tout juste soixante-dix ans. Néanmoins, le sans-abrisme a pris une ampleur inquiétante au cours de la dernière décennie. Le phénomène n’a fait que s’amplifier au cours des derniers mois et des dernières semaines. Selon la Fondation Abbé Pierre, notre pays compte désormais 330 000 personnes sans domicile. Elles étaient 143 000 en 2012, soit un doublement de leur nombre en dix ans et un triplement par rapport à 2001.

Une question se pose à nous : comment en sommes-nous arrivés là ? Pour expliquer une évolution aussi inquiétante, nous nous devons de poser le constat suivant : il y a eu ces dernières années, singulièrement depuis sept ans, une forme d’aveuglement sur cette question.

Je n’ai pas besoin de rappeler les propos en 2018 du secrétaire d’État chargé du logement, Julien Denormandie, sur la « cinquantaine » de personnes sans abri en Île-de-France, Rémi Féraud l’ayant fait lors de son intervention. Je n’ai sans doute pas non plus besoin d’évoquer les mots du député de Paris Sylvain Maillard, alors simple membre de la majorité présidentielle et désormais président du groupe, qui expliquait que les sans-abri l’étaient par choix. Ce sont des propos qui ont été tenus en public. Ils disent l’ampleur de l’aveuglement et du déni.

Comme l’a rappelé à l’instant ma collègue Anne Souyris, souvenons-nous des débats lors de la discussion de la loi de finances : certains proposaient 6 000, d’autres 10 000 places d’hébergement supplémentaires. Le ministre de l’époque, Patrice Vergriete, nous avait assuré que ces dernières n’étaient pas nécessaires pour mieux accorder, quelques semaines plus tard, des crédits supplémentaires à l’hébergement d’urgence.

Il existe donc bien une forme de déni et il est nécessaire d’y remédier.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi nous paraît si juste et si nécessaire. En effet, ce décompte, qui existe d’ores et déjà à Paris et dans d’autres collectivités, nous permettra de prendre en compte une telle réalité. Nous pourrons voir, territoire par territoire, les besoins en matière d’hébergement d’urgence.

Sur cette base, l’État, dans un domaine qui relève de sa compétence, pourra mettre en place les moyens nécessaires, afin qu’on n’entende plus jamais un ministre nous expliquer que l’Île-de-France compte 50 sans-abri ou bien que ces derniers le sont par choix !

Ainsi, les collectivités locales et l’État, ensemble, pourront mettre en place les moyens nécessaires pour faire cesser le scandale de centaines de milliers de personnes sans abri ou sans domicile fixe, alors même que nous sommes la septième puissance économique du monde. Nous voterons évidemment cette proposition de loi de Rémi Féraud et du groupe socialiste, que nous remercions de cette excellente initiative. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. « Monsieur le ministre, le petit bébé de la cité des Coquelicots, à Neuilly-Plaisance, mort de froid dans la nuit du 3 au 4 janvier, pendant le discours où vous refusiez les “cités d’urgence”, c’est à 14 heures, jeudi 7 janvier, qu’on va l’enterrer. Pensez à lui. »

C’est en ces termes que l’abbé Pierre interpellait le ministre Maurice Lemaire, au matin du 5 janvier 1954. « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple », nous a-t-il enseigné.

Sans doute cet impératif a-t-il guidé les premiers pas du Président de la République en 2017, quand il déclarait de façon quasi militaire que « la première bataille, c’est de loger tout le monde dignement ». Il s’était engagé à ce qu’il n’y ait plus d’« hommes et de femmes dans la rue ». Sept ans plus tard, cette « première bataille » s’apparente déjà à une véritable Bérézina. Et, au vu de l’ampleur du drame, il y a fort à craindre que ce soit la guerre contre ce terrible fléau que le Président de la République ait déjà perdue.

Cela a été dit, il y a en France, selon la Fondation Abbé Pierre, 330 000 personnes sans abri, et ce chiffre a doublé en dix ans. Derrière ce constat affolant, vous l’avez dit, monsieur le ministre, ce sont des hommes, des femmes, parfois des enfants, avec une identité et une histoire : Sofia, qui s’est retrouvée à la rue à la suite de la perte de son emploi, sans pouvoir se tourner vers sa famille ; le petit Quentin, qui est scolarisé, mais fait ses devoirs dans les cages d’escalier, et suit sa mère aux urgences le soir pour y passer la nuit ; Irina, une femme courageuse, qui souhaite trouver du travail, mais n’y parvient pas faute de disposer d’un toit.

À ces quotidiens brisés et sans issue s’ajoute la réalité sanitaire de ces situations. La rue siphonne l’espérance de vie de ceux qui y vivent : elle est de 50 ans en moyenne pour un homme et de 46 ans pour une femme. La rue tue. Des centaines de personnes meurent chaque année dans nos rues. En 2022, elles ont été au nombre de 624.

Il ne faut pas aller bien loin pour se rendre compte de ces drames. À quelques pas de ce palais de la République, dans les pôles urbains comme dans les territoires ruraux, ces drames humains s’inscrivent dans le paysage de nos villes et même de nos villages, avec ce paradoxe terrible : les personnes dans la rue deviennent invisibles à mesure que leur nombre grossit.

Si la puissance publique n’apporte toujours pas de solution à la hauteur du problème, nous souhaitons saluer le travail formidable des associations et des ONG. Elles prennent le temps, accompagnent, comblent les lacunes de nos politiques publiques, et nous rappellent justement à notre devoir de fraternité.

Ces individus qui vivent dans une souffrance permanente, aussi bien physique que psychique, sont le reflet de notre échec commun à garantir dans notre pays le strict minimum, à savoir la dignité par le logement.

Cette proposition de loi, bien qu’elle mentionne dans son titre le terme « décompter », qui ne me paraît pas approprié lorsque l’on parle de personnes – et je le déplore –, recevra le soutien du RDSE.

Recenser les personnes sans abri doit participer à inscrire dans tous les esprits l’urgence des situations, leur caractère inacceptable et profondément indigne. Disposer de données régulièrement actualisées permettra de suivre les évolutions au plus près, de maintenir une vigilance forte et de conserver au cœur du débat public un sujet qui doit nous toucher dans notre humanité.

La remise d’un rapport annuel au Parlement viendra également renforcer la place que doit occuper dans nos débats parlementaires le sujet des sans-abri.

Monsieur le ministre, jamais je n’aurais imaginé un jour soutenir à cette tribune une proposition de loi visant à décompter les sans-abri…

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Grosvalet. Il est grand temps que, dans notre pays, chacun ait, pour la nuit, un toit au-dessus de sa tête. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier, comme l’ont fait l’ensemble des collègues qui se sont exprimés à cette tribune, l’auteur de cette proposition de loi, Rémi Féraud, ainsi que ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de cette initiative, qui va dans le sens de la solidarité, même si, techniquement, le décompte envisagé n’est pas simple à réaliser.

Les grandes villes, comme Paris, sont vraiment en première ligne. Toutefois, il convient de n’oublier personne. Tous les territoires sont aujourd’hui concernés, y compris le département que je représente, les Ardennes, qui compte 280 000 habitants, mais ne possède pas de très grande ville. N’oublions pas la ruralité dans le cadre de ces problématiques sociales !

Je remercie également nos collègues de la commission des affaires sociales et Mme la rapporteure, qui ont travaillé sur ce sujet. Rémi Féraud a fait référence à l’histoire, avec l’appel de l’abbé Pierre. Je reprends à mon compte l’expression « mobiliser tous les acteurs », car c’est, selon moi, essentiel.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé le rôle important de l’État, avec 317 000 places d’hébergement d’urgence. Le plan Grand froid fait partie des compétences de l’État.

Je me tourne également vers mes collègues de la commission des finances et vers les deux rapporteurs spéciaux, Arnaud Bazin et Éric Bocquet, de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui représente plusieurs milliards d’euros. Si l’aspect financier existe, l’aspect humain doit primer, comme cela a été rappelé par toutes et tous, dans le cadre d’une véritable solidarité.

Je rappelle également le travail mené par la délégation aux droits des femmes, dont plusieurs membres sont présents ce soir dans cet hémicycle. Il convient en effet de protéger et d’aider les femmes victimes de violences. L’État, les collectivités territoriales, les communes, les associations et les bénévoles ont un rôle très important à jouer.

Je soutiendrai bien entendu la position de la commission. Je remercie chacun d’entre vous de son engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune
Article 2

Article 1er

Chaque commune collecte et transmet annuellement au représentant de l’État dans le département les données relatives au nombre de personnes sans abri sur son territoire.

Les communes de plus de 100 000 habitants procèdent une fois par an, de nuit et dans des conditions précisées par décret, pris après avis du conseil mentionné à l’article L. 143-1 du code de l’action sociale et des familles, au décompte des personnes sans abri sur leur territoire, auquel participent des travailleurs sociaux et des bénévoles. Ce décompte contribue à l’élaboration par les services départementaux de l’État d’un diagnostic territorial permettant d’évaluer les moyens à mettre en œuvre en matière d’hébergement d’urgence et d’accompagnement social.

Les services de l’État chargés de la politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme centralisent les données mentionnées au premier alinéa et coordonnent les décomptes mentionnés au deuxième alinéa.

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

II. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les services de l’État chargés de la politique de prévention et de lutte contre le sans-abrisme coordonnent les décomptes mentionnés au premier alinéa. Chacune des communes visées au premier alinéa transmet au représentant de l’État dans le département les données collectées relatives au nombre de personnes sans abri sur son territoire.

III. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement, très simple, vise à supprimer le premier alinéa de l’article, dans la continuité de la philosophie que je viens de présenter.

L’état actuel du texte donne le sentiment que le dispositif vaut pour toutes les communes, y compris pour celles de moins de 100 000 habitants. En outre, on observe un décalage concernant l’harmonisation des décomptes, ce qui me semble aller à l’encontre de ce qui est proposé.

Je le répète, aujourd’hui, une quarantaine de communes seulement pratiquent un tel décompte dans notre pays. Certaines communes de plus de 200 000 ou 300 000 habitants n’ont jamais organisé de nuit de la solidarité. Autant il est nécessaire de la systématiser dans les communes de plus de 100 000 habitants, autant il me paraît excessif d’instaurer un autre mode de calcul pour les communes de moins de 100 000 habitants.

Par ailleurs, le message envoyé va bien au-delà des quelques chiffres qui seraient remontés par le biais d’un tel dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. La commission a examiné ce matin l’amendement déposé par le Gouvernement.

Tout d’abord, elle remercie le Gouvernement de se préoccuper des charges des communes et de leur capacité à faire ce que la loi préconise. Elle espère que le Gouvernement continuera de se préoccuper de la vie des communes, comme il le fait déjà.

Toutefois, il se trouve, monsieur le ministre, que nous nous sommes préoccupés de la vie des communes dans le cadre de l’élaboration de cette proposition de loi. En particulier, nous avons adopté en commission un amendement visant à créer deux systèmes parallèles. Le premier tend à stimuler la solidarité pour les villes de plus de 100 000 habitants. Le second vise à instaurer, pour les communes de moins de 100 000 habitants, un recensement. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Il faut avoir confiance dans la capacité des uns et des autres à se saisir d’un tel dispositif !

Selon nous, l’adoption de l’amendement du Gouvernement n’enverrait pas un bon message aux communes de moins de 100 000 habitants et aux communes rurales. Nombre de collègues sont intervenus cet après-midi pour rappeler que le sans-abrisme est désormais un sujet qui s’inscrit dans la ruralité, les villes moyennes et les chefs-lieux de canton.

À mon sens, indiquer que nous nous préoccupons simplement de ce qui se passe dans les villes de plus de 100 000 habitants n’est pas un bon message envoyé aux communes plus petites. Ces dernières ont également besoin d’être entraînées dans une dynamique nationale de comptage. Surtout, elles ont besoin qu’on leur dise que les chiffres qu’elles feront remonter seront pris en compte. À partir de ces décomptes, elles pourront introduire un dialogue avec les représentants de l’État et le préfet, afin de mettre en place des solutions ou des préventions.

Ainsi la commission considère-t-elle qu’elle a d’ores et déjà pris en compte la différence entre les tailles des communes, en adoptant un amendement en commission.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la rapporteure.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. J’avais oublié, madame la présidente, que le rapporteur est également limité dans ses prises de parole ! Seul le ministre peut parler autant qu’il le veut !

Permettez-moi un dernier mot, madame la présidente, ce qui me permettra d’aller plus vite sur les amendements suivants.

Les communes moyennes demanderont tout simplement à la police municipale, à la gendarmerie et au CCAS, combien de SDF se trouvent sur leur territoire. Il s’agit donc uniquement de faire remonter les chiffres !

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je voterai ces amendements du Gouvernement, ce qui est tout de même assez rare de ma part. J’estime en effet qu’il s’agit d’amendements de bon sens.

Tout d’abord, on n’est pas obligé de tout écrire dans la loi et de tout transformer en contrainte.

Ensuite, s’il existe un vrai sujet, complexe, pour les villes de plus de 100 000 habitants, nécessitant un décompte précis, il convient de laisser les communes moins importantes faire ce qu’elles savent faire, sans les y contraindre par la loi.

Je suis donc tout à fait favorable à ces amendements du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour explication de vote.

Mme Catherine Di Folco. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette proposition. Finalement, il vous sera resté, de votre passage sur les travées du Sénat, ce bon sens sénatorial, grâce auquel nous évitons de créer de nouvelles contraintes pour les communes, notamment les plus petites d’entre elles.

Je voterai également cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Je ne voudrais pas être redondante. Simplement, même si je veux saluer le travail de fond mené par Mme la rapporteure, je voterai le premier amendement du Gouvernement. Certes, les communes de petite taille peuvent faire remonter leurs données, si elles en disposent. Une périodicité de cinq ans est déjà prévue par la loi. En la ramenant à un an, on créerait une nouvelle obligation, qui leur semblera lourde.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. J’apprécie la position ouverte de M. le ministre sur notre proposition de loi, à condition de ne pas trop dénaturer le texte.

D’ores et déjà, la commission a fait évoluer la proposition de loi que nous avions déposée. J’estime que le compromis trouvé par la commission est un bon compromis. Ainsi, une nuit de la solidarité serait organisée, comme c’est en partie le cas aujourd’hui, dans les villes de plus de 100 000 habitants, soit une quarantaine de communes sur le territoire métropolitain. Parallèlement, les autres communes disposeraient d’une plus grande marge de manœuvre en matière de décompte. Par exemple, dans une toute petite commune, le maire connaît le nombre de personnes qui sont à la rue, et un décompte n’est donc pas nécessaire.

Je le rappelle, dans les communes moyennes, le sans-abrisme se développe. Or la proposition de loi telle que la commission l’a modifiée n’oblige absolument pas à organiser une nuit de la solidarité. Elle ne l’interdit pas non plus. Cette version me paraît donc apporter la plus grande garantie de souplesse, tout en respectant l’esprit du texte. J’espère donc que nous pourrons en rester au compromis trouvé par la commission des affaires sociales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour explication de vote.

Mme Corinne Bourcier. Le groupe Les Indépendants est favorable à cet amendement de bon sens. Les communes pourront s’emparer de ces décomptes, sans que ceux-ci soient explicitement prévus dans la loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes bien évidemment d’accord avec la position que vient de défendre Rémi Féraud.

Pour ma part, je ne pense pas que le dispositif dont il est question créerait des contraintes supplémentaires dans les communes. En effet, dans ces dernières, notamment dans les plus petites d’entre elles, nous connaissons généralement ceux et celles qui sont recensés comme sans-abri, parce qu’ils sont généralement inscrits dans les CCAS, pour pouvoir bénéficier des aides.

Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre amendement, qui vise à introduire un seuil de 100 000 habitants. J’habite le Pas-de-Calais, qui comprend la ville de Calais et ses 80 000 habitants, la ville de Coquelles et la ville de Sangatte. Vous le savez, les sans-abri y sont très nombreux, très nombreux. Or ils ne seraient pas concernés par le dispositif que vous proposez !

Je suis donc en désaccord avec cet amendement, qui, à mes yeux, n’a pas de sens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Je pense également que ces amendements du Gouvernement altèrent la nature du texte initial. En effet, son objet est d’évaluer au plus près les besoins non seulement dans les villes, mais aussi en milieu rural.

Dans la mesure où ce phénomène se développe, il est important, à mes yeux, de faire remonter les décomptes. C’est vrai, dans les petites villes, les personnes sont connues et il est facile de les compter. L’important, c’est de faire remonter les informations, afin de prévenir et d’obtenir des moyens, en lien avec les communes et les services de l’État, pour répondre aux difficultés et éviter que le sans-abrisme ne perdure.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Pour ma part, je suivrai l’avis de la commission.

En effet, tous les CCAS de France, qu’il s’agisse d’une commune de 100 habitants, 10 000 habitants ou 100 000 habitants, ont une obligation d’observation des personnes fragiles et vulnérables…

Mme Nadia Sollogoub. Tous les cinq ans !

Mme Élisabeth Doineau. Oui, tous les cinq ans !

Ils doivent réfléchir à la façon dont ils peuvent aider et accompagner ces personnes. Je ne vois donc pas en quoi cette proposition de loi ajoute une contrainte, dans la mesure où il s’agit d’ores et déjà d’une obligation. En réalité, il s’agit simplement de préciser dans la loi ce qui devrait être fait au quotidien.

Il me paraît dommage d’opposer les communes entre elles ! Il est nécessaire de faire un décompte le plus exhaustif possible, dans le cadre d’un véritable observatoire, pour apporter des réponses aux personnes sans abri, qu’elles soient en milieu rural ou en milieu urbain.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Ce matin, en commission des affaires sociales, je me suis abstenu sur cet amendement, qui nous est arrivé un peu tardivement, monsieur le ministre, ce que l’on ne peut que vous pardonner dans le cadre d’un remaniement ministériel – je n’oublie pas non plus que votre ministère est plus important qu’auparavant.

Au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, nous répétons, les uns et les autres, que les contraintes pesant sur les collectivités territoriales doivent se desserrer.

Par ailleurs, le Président de la République affirme, ce qui pourrait aller dans le bon sens, qu’il faut de plus en plus de simplification.

Dans ce contexte, est-il opportun d’imposer une contrainte supplémentaire aux communes de moins de 100 000 habitants ?

En effet, je le rappelle, les communes de plus de 100 000 habitants disposent d’un personnel important, alors que les communes rurales n’ont parfois à leur disposition qu’un secrétaire de mairie, qui reçoit 200 mails par jour. Si on lui demande en plus de compter les sans-abri, il va craquer !

Personnellement, pour une fois, je voterai votre amendement, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.

M. Philippe Grosvalet. Qui peut imaginer qu’aller recenser des personnes à la rue dans toutes les communes de France soit une contrainte pour les maires et les élus locaux ?

Dans ma ville de 70 000 habitants, j’étais, un soir, avec le maire. Nous avons essayé de trouver, l’un et l’autre, une solution pour un jeune individu que nous avions trouvé à la rue. Nous n’en avons pas trouvé ! Le maire me disait que jamais, dans une ville qui connaît le plein emploi, il n’y avait eu autant de soucis de logement, pour les travailleurs, mais aussi pour les personnes à la rue. Pour sa part, il n’était pas en mesure de chiffrer le phénomène.

M. Laurent Burgoa. Je parlais de la ruralité !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. Dans la foulée de ce qu’ont dit nos collègues Élisabeth Doineau et Philippe Grosvalet, je veux redire que le dispositif prévu ne constitue pas une contrainte.

En effet, les CCAS font déjà ce travail. Dans chaque commune, on connaît à peu près le nombre de sans-abri dont il faut s’occuper.

Bien au contraire, il s’agit non pas d’une contrainte, mais d’une reconnaissance d’un phénomène qui se développe partout, y compris en milieu rural. En l’officialisant, nous prenons le problème à bras-le-corps et reconnaissons qu’il s’agit d’un problème non pas simplement urbain, mais de toutes les communes.

Je suis dans une commune de 7 000 habitants, où l’on connaît très bien le nombre de sans-abri. Nous demandons simplement la prise en compte de ce phénomène.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je voterai le texte de la commission. Au moins, les travaux parlementaires seront très clairs sur un point : il ne s’agit pas d’exiger des petites et des moyennes communes qu’elles se transforment en succursales de l’Insee, en effectuant un travail scientifique de collecte !

Cela a été dit à plusieurs reprises, le fait que, chaque année, un chiffre soit publié au niveau national participera d’une prise de conscience, salutaire dans la période que nous traversons. Si nous avons chaque année un débat aussi approfondi sur le logement, y compris les années où il n’y a pas une crise du logement aussi marquée qu’aujourd’hui, c’est grâce à la publication annuelle du rapport de la Fondation Abbé Pierre.

Le même type d’événement sur le sans-abrisme me paraît salutaire. Je le répète, il n’est pas dans l’esprit de la commission de demander aux petites et aux moyennes communes de se transformer en succursales de l’Insee.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, j’ai un peu de mal à comprendre votre amendement, quand bien même il irait dans le sens d’une plus grande facilité.

Rappelons-le, en France, seulement 40 communes, sur 34 816 communes, comptent plus de 100 000 habitants. Ces 40 communes représentent à peu près 9 millions de personnes. (M. le ministre manifeste son désaccord.)

En l’espèce, au vu des enjeux qui sont ceux du sans-abrisme, avec des typologies différentes selon les territoires, on ne peut pas faire comme si cet échantillonnage de 9 millions de personnes était suffisant.

Par ailleurs, je ne crois pas que la contrainte soit aussi forte que vous le dites sur les communes les moins peuplées. En outre, même dans les communes intermédiaires, et sans qu’il soit nécessaire, comme l’a répété mon collègue Rémi Féraud, d’organiser des Nuits de la solidarité, l’Insee produit déjà des aides – je peux vous en parler en tant que président de la Commission nationale d’évaluation du recensement de la population (Cnerp) – pour faciliter ces repérages, en proposant des méthodologies.

Nous devons nous inscrire dans la perspective d’une exhaustivité permettant de mesurer l’ampleur du phénomène. Or votre amendement, monsieur le ministre, revient sur le cœur de la proposition de loi, en voulant trop la simplifier.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Parfois on croit bien faire – j’imagine que tel est le souci du Gouvernement – et on ne fait pas forcément bien.

Si cet amendement était adopté, quel serait le message envoyé au pays et aux communes de moins de 100 000 habitants ? Selon moi, le message serait le suivant : le sans-abrisme est un sujet qui concerne les villes de plus de 100 000 habitants.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Or les élus des communes moyennes et même des zones rurales rencontrent aujourd’hui un problème auquel ils n’étaient pas forcément habitués, et face auquel ils sont seuls.

En effet, tous ceux qui travaillent sur le sans-abrisme et veulent aider les autres traversent toujours, à un moment donné, un grand moment de solitude. Je crains que l’adoption de cet amendement ne renforce la solitude des petites communes et des communes moyennes sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Ce n’est pas le Gouvernement qui a imaginé un seuil à 100 000 euros… (Mme la rapporteure sesclaffe.) Pardon, à 100 000 habitants ! C’est M. le sénateur Rémi Féraud, dans le cadre du texte que vous avez adopté.

M. Rémi Féraud. Non, c’est la commission !

M. Christophe Béchu, ministre. Vous avez vous-même décidé de faire une distinction entre les communes de plus de 100 000 habitants et les communes de moins de 100 000 habitants…

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Oui, pour la méthode !

M. Christophe Béchu, ministre. Les villes n’organisant pas, aujourd’hui, la Nuit de la solidarité n’ont-elles aucun intérêt pour les sans-abri ? Personne ne le croit ! Quelqu’un souhaite-t-il ici jeter l’opprobre sur la maire de Nantes, le maire de Grenoble ou la maire de Strasbourg, au motif que, dans ces villes, il n’y a pas de nuit de la solidarité ?

Or, avec ce texte, ce qui relevait d’une faculté deviendra obligatoire.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. La méthode n’est pas la même !

M. Christophe Béchu, ministre. Que l’on impose ce décompte dans toutes les villes de France, avec des méthodes différentes selon qu’elles possèdent plus de 100 000 habitants ou moins de 100 000 habitants, alors que l’on prétend rechercher des chiffres fiables, soulève une difficulté de bon sens !

Autrement dit, non seulement on demandera aux communes de toute taille, du village de 10 habitants à la commune de 99 999 habitants, de faire remonter des chiffres selon des modalités et des temporalités différentes de celles que l’on impose aux villes de plus de 100 000 habitants. Nous cassons ainsi la fiabilité de la méthode !

L’adoption de cet amendement, je le dis de manière extrêmement simple, est la condition que pose le Gouvernement pour apporter son soutien à l’ensemble du texte. Il s’agit d’avoir une méthode harmonisée, sans envoyer un contre-message dans un contexte de recherche de simplification, avec la conviction que les Nuits de la solidarité, qui relèvent d’actions militantes, devront être fiabilisées et systématisées. Dans quelques années, compte tenu de leur succès, elles seront élargies à un certain nombre d’autres communes.

Cependant, les deux méthodologies que je viens d’évoquer, l’une pour les communes de plus de 100 000 habitants, l’autre pour les communes de moins de 100 000 habitants, vont à l’encontre de la fiabilité du système et n’envoient pas le bon message.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

une fois par an

par les mots :

tous les deux ans

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous relayons la proposition de France urbaine, qui suggère que ce décompte soit organisé une nuit tous les deux ans dans les communes de plus de 100 000 habitants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Monsieur le ministre, personne ne prétend que les chiffres qui remonteront des communes seront des chiffres exhaustifs et absolument certains.

Ce qui importe, c’est le tableau de bord : il s’agit de savoir comment, en matière de sans-abrisme, les choses évoluent d’une année sur l’autre. C’est bien pourquoi nous prévoyons que le décompte soit effectué chaque année, et non tous les deux ans.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

de nuit

par les mots :

une nuit donnée

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement n’est pas strictement rédactionnel : il s’agit d’harmoniser la méthodologie des opérations de décompte afin, précisément, d’éviter les doubles comptes. Ainsi seulement pourrons-nous obtenir des tendances.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont je pourrais me contenter de remarquer qu’il n’est pas très cohérent avec celui sur lequel nous venons de passer un moment.

Avec l’amendement n° 3, il s’agissait d’alléger les contraintes pesant sur les communes ; désormais, on propose de mettre tout le monde au carré en imposant aux communes qu’elles réalisent toutes ce décompte la même nuit. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, même en se limitant, comme le souhaite le Gouvernement, aux communes de plus de 100 000 habitants.

Un encadrement de ce recensement sera de toute façon assuré par la Dihal et un travail sera effectué en amont : les communes ne décideront pas seules de la façon dont elles procéderont au décompte ; elles seront soutenues, encadrées et incitées à toutes le réaliser lors d’une même séquence.

Il ne faut pas non plus fantasmer sur l’itinérance des personnes sans abri, qui les ferait passer d’une ville à l’autre en l’espace de quarante-huit heures juste pour embêter le Gouvernement avec de mauvais chiffres !

M. Christophe Béchu, ministre. Vous me faites dire des choses que je n’ai pas dites…

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, je ne peux pas vous laisser dire que, pour avoir des données fiables, il faudrait avoir moins de données, et des données recueillies à un seul endroit. On peut postuler, justement, qu’adviendra une normalisation de la méthode, notamment dans les communes moyennes, et que cela suffira largement.

Moi non plus je ne comprends pas comment s’articulent ces deux amendements du Gouvernement, l’amendement n° 4 et l’amendement n° 3.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

auquel participent des travailleurs sociaux et des bénévoles

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. La commission a considéré que cet amendement n’était pas tout à fait rédactionnel : il ne s’agit pas simplement de changer une virgule ou de mieux écrire ce qui est écrit.

Nous avons écrit, dans le texte de la proposition de loi, que des travailleurs sociaux et des bénévoles participent aux Nuits de la solidarité. Cette précision n’est nullement exclusive de l’intervention d’autres personnes, d’autres professions, d’autres acteurs. Pour autant, il est bon d’écrire que les travailleurs sociaux et les bénévoles sont associés au décompte, car c’est une des conditions de la réussite du dispositif.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les données sont publiées, sous la forme d’une cartographie pour les communes de plus de 100 000 habitants.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à ce que les données récoltées dans le cadre du décompte soient publiées sur internet sous la forme d’une cartographie pour les communes de plus de 100 000 habitants.

À Paris, un bilan détaillé des résultats avait été publié à l’issue de la Nuit de la solidarité. Ce bilan prend notamment la forme d’une cartographie des données relatives au nombre de personnes rencontrées par arrondissement. Il ne s’agit évidemment pas de communiquer les positions géographiques individuelles des personnes rencontrées : l’enjeu est d’en finir avec les fake news et de permettre la tenue d’un débat démocratique éclairé, fondé sur une représentation claire des évolutions par quartier au fur et à mesure des années.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. La commission a considéré que cette disposition, pour intéressante qu’elle fût, n’était pas du domaine législatif : elle relève plutôt du décret et une telle cartographie pourrait figurer dans le rapport prévu à l’article 2.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis totalement d’accord avec Laurence Rossignol : ce n’est pas du domaine législatif.

Les communes ont objectivement tout intérêt à procéder selon la méthode qui est ici préconisée. Néanmoins, il me semble inopportun de poser une telle règle au moment où nous expliquons par ailleurs qu’il faut limiter le nombre de normes : cette mesure ne mérite pas un article de loi.

Avis défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation à la suite d’un diagnostic établi au niveau national chaque année, issu des décomptes mentionnés à l’article 1er, présentant les éléments de ce diagnostic et établissant une liste de recommandations de mesures à prendre, en termes de planification du développement de l’offre d’hébergement ou de logement adapté pour répondre aux défis constatés. Le conseil mentionné à l’article L. 143-1 du code de l’action sociale et des familles émet un avis sur ces recommandations, qui est annexé au rapport.

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

chaque année

par les mots :

tous les deux ans

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport précise le nombre de femmes et d’enfants sans abri dans chaque commune et au niveau national.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement a pour objet que soit précisé, dans le décompte, le nombre de femmes et d’enfants sans abri. En France, nous l’avons dit, 2 822 enfants, dont près de 700 de moins de 3 ans, sont refusés chaque soir par le 115 – et l’on sait que ces chiffres sont sous-estimés, car ils ne concernent que les enfants qui ont contacté le 115.

À Paris, au moins 700 mineurs dormiraient à la rue, selon des estimations qui, là encore, sont en deçà de la réalité.

S’il est indispensable que nous disposions de chiffres clairs et différenciés, c’est aussi pour une autre raison : il faut se donner les moyens de répondre au besoin d’hébergements adaptés, séparés, pour les enfants et pour les familles, ce qui est particulièrement difficile.

Les violences de la rue touchent spécifiquement – on le sait – les femmes et les enfants. La situation actuellement constatée à Paris, notamment, est relativement inédite : dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI) que j’ai visités, on me parle de femmes qui tournent dans le métro toute la journée pendant tout l’hiver afin de tenir au chaud leur bébé de moins de 3 mois.

Voilà qui n’est pas acceptable dans un pays comme la France ! Il est à cet égard extrêmement important de récolter des chiffres précis, genrés, et des renseignements relatifs au nombre de familles et de mineurs concernés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

En effet, le but de ce recensement n’est pas simplement de recueillir des chiffres : il est aussi de disposer d’informations sur la vie des personnes, sur leur genre, sur leur sexe. Le fait que des femmes et des enfants vivent à la rue est aujourd’hui l’un des enjeux majeurs du problème du sans-abrisme.

Par ailleurs, j’informe M. le ministre que la délégation aux droits des femmes procède actuellement à l’élaboration d’un rapport sur la situation des femmes dans la rue. La disposition dont il est ici question apparaît absolument nécessaire ; dans l’hypothèse où elle ne serait pas adoptée cet après-midi, elle compterait à n’en pas douter parmi les préconisations que nous formulerons.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avis très favorable.

Le sujet n’est pas seulement celui du nombre : la qualité des personnes recensées importe, bien sûr, si nous voulons pouvoir ajuster les dispositifs. On sait que toutes les places de mise à l’abri ne se valent pas et que l’on ne peut pas nécessairement placer dans le même espace des publics différents.

Nous avons donc besoin de telles informations et le Gouvernement émet – j’y insiste – un avis très favorable sur cet amendement.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Surenchère du Gouvernement ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Je me félicite de la tenue de ce débat, mes chers collègues, et tiens à remercier la commission des affaires sociales, à laquelle je n’appartiens pas moi-même, du travail très important qu’elle a accompli sur le texte que j’avais déposé.

J’ai bien entendu, lors de l’examen des amendements, quelles restrictions le Gouvernement souhaitait apporter au dispositif. Mais je retiens avant tout de notre discussion que le ministre, en la matière, s’est dit ouvert, déclarant qu’il était important de disposer d’un décompte annuel et de chiffres objectivés pour pouvoir mieux agir.

Ce texte, qui relève véritablement d’une opposition constructive, est aussi un soutien au ministre du logement et un appel à ce qu’il obtienne, à l’issue des arbitrages budgétaires, des crédits qui soient à la hauteur des besoins. Nous avons d’ailleurs essayé d’œuvrer en ce sens lors de la dernière discussion budgétaire.

En posant l’obligation d’un recensement annuel du nombre de personnes sans abri, nous sortons ces personnes de l’invisibilité, nous mobilisons la société et nous garantissons qu’un débat sera organisé à ce propos chaque année, étant entendu que les budgets sont votés annuellement. Bref, nous nous dotons d’un outil pour agir conformément aux besoins.

Le ton apaisé et constructif de nos débats de l’après-midi ne saurait masquer, en effet, combien la situation actuelle est catastrophique : la crise du logement reste devant nous et le sans-abrisme est une question que nous devons prendre à bras-le-corps. J’espère que le vote de ce texte pourra y contribuer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – MM. Philippe Grosvalet et Olivier Henno applaudissent également.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune
 

5

Conférence des présidents

Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Jeudi 25 janvier 2024

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

- Débat sur les pratiques des centrales d’achat de la grande distribution implantées hors de France

• Temps attribué au groupe Union Centriste : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

• 2 minutes, y compris la réplique

• Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Union Centriste : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 24 janvier à 15 heures

- Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neuro-développement, l’accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants, présentée par Mme Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 246, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 24 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 24 janvier à 15 heures

À l’issue de l’espace réservé du groupe UC

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales, présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 261, 2023-2024) (demande du groupe UC)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier à 14 heures

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 22 janvier à 12 heures

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance sur l’article 15 dont l’examen selon la procédure normale a été demandé : lundi 22 janvier à 12 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 24 janvier à 15 heures

Mardi 30 janvier 2024

À 15 heures et le soir

- Lecture d’une déclaration du Gouvernement

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 259, 2023-2024)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 29 janvier à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 30 janvier à 12 h 30

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte de la commission n° 253 rectifié, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 26 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 janvier début d’après-midi et mercredi 31 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 29 janvier à 15 heures

Mercredi 31 janvier 2024

À 15 heures et le soir

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution

• Intervention des orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non-inscrits

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 30 janvier à 15 heures

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte de la commission n° 253 rectifié, 2023-2024)

Jeudi 1er février 2024

À 9 h 30

- Désignation :

- des vingt-trois membres de la commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères visant notre vie démocratique, notre économie et les intérêts de la France sur le territoire national et à l’étranger afin de doter notre législation et nos pratiques de moyens d’entraves efficients pour contrecarrer les actions hostiles à notre souveraineté (droit de tirage du groupe SER) ;

- des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur la paupérisation des copropriétés immobilières (droit de tirage du groupe CRCE - Kanaky).

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à ces commissions d’enquête : mercredi 31 janvier à 10 heures

- Questions orales

À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Land du Bade-Wurtemberg relatif à la création d’une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin (procédure accélérée ; texte de la commission n° 274, 2023-2024)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice et la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice (texte de la commission n° 276, 2023-2024)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 30 janvier à 15 heures

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte de la commission n° 253 rectifié, 2023-2024)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 6 février 2024

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France (texte de la commission n° 253 rectifié, 2023-2024)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 5 février à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 6 février à 12 h 30

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au contentieux du stationnement payant (texte n° 162, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 janvier après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 5 février à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale (pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission) : vendredi 2 février à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 5 février à 15 heures

- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales (texte n° 98, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 6 février matin ou début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 février à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au régime juridique des actions de groupe (texte de la commission n° 272, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 19 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 24 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 1er février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 6 février en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 5 février à 15 heures

Mercredi 7 février 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 7 février à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au régime juridique des actions de groupe (texte de la commission n° 272, 2023-2024)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (texte n° 161, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 31 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 6 février à 15 heures

- Projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (procédure accélérée ; texte n° 229, 2023-2024) et projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte n° 230, 2023-2024)

Ces textes ont été envoyés à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques.

Il a été décidé qu’ils feraient l’objet d’une discussion générale commune.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 31 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 7 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 6 février à 15 heures

Jeudi 8 février 2024

À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Suite du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (procédure accélérée ; texte n° 229, 2023-2024) et du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte n° 230, 2023-2024)

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 13 février 2024

À 14 h 30 et le soir

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (procédure accélérée ; texte n° 229, 2023-2024) et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte n° 230, 2023-2024)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 12 février à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 13 février à 12 h 30

- Débat sur l’avenir de notre modèle agricole (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 12 février à 15 heures

- Proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, présentée par M. Philippe Tabarot et plusieurs de ses collègues (texte n° 235, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 13 février après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 février à 15 heures

Mercredi 14 février 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 14 février à 11 heures

De 16 h 30 à 20 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)

- Proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, présentée par M. Louis Vogel et plusieurs de ses collègues (texte n° 126, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février à 15 heures

- Proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales, présentée par M. Dany Wattebled, Mme Marie-Claude Lermytte et plusieurs de leurs collègues (texte n° 4, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février à 15 heures

Le soir

- Proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, présentée par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi (texte n° 935, 2022-2023) (demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février à 15 heures

Jeudi 15 février 2024

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

- Proposition de loi visant à préserver des sols vivants, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (texte n° 66, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 février à 15 heures

- Proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail, présentée par Mme Hélène Conway-Mouret et plusieurs de ses collègues (texte n° 537 rectifié, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 février à 15 heures

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 19 au dimanche 25 février 2024

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 27 février 2024

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie

Ce texte sera envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 27 février en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 février à 15 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (texte n° 278, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 27 février après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 février à 15 heures

Mercredi 28 février 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 28 février à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (texte A.N. n° 1983)

Ce texte sera envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 14 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 28 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 27 février à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (procédure accélérée ; texte n° 278, 2023-2024)

Jeudi 29 février 2024

À 10 h 30 et, éventuellement, à 14 h 30

- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l’association des nations de l’Asie du sud-est, et l’Union européenne et ses États membres (procédure accélérée ; texte n° 180, 2023-2024)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant la démarcation et l’entretien de la frontière (texte n° 145, 2023-2024)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 27 février à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (procédure accélérée ; texte n° 278, 2023-2024)

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 5 mars 2024

À 14 h 30 et le soir

- Débat sur les finances des départements (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 4 mars à 15 heures

- Débat sur le thème : « JO 2024 : la France est-elle prête ? » (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 4 mars à 15 heures

- Proposition de loi relative au financement des entreprises de l’industrie de défense française, présentée par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues (texte n° 191, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances et avec une saisine pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 5 mars après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 mars à 15 heures

- Proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et Hervé Marseille (texte n° 263, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 5 mars en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 mars à 15 heures

Mercredi 6 mars 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 6 mars à 11 heures

À 16 h 30

- Débat sur le thème : « Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l’enseignement supérieur » (demande du groupe CRCE-K)

• Temps attribué au groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 mars à 15 heures

- Débat sur le thème : « Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l’État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l’enseignement public ? » (demande du groupe SER)

• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 mars à 15 heures

Le soir

- Suite de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et Hervé Marseille (texte n° 263, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)

Jeudi 7 mars 2024

À 10 h 30

- Questions orales

Éventuellement, l’après-midi

- Suite de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et Hervé Marseille (texte n° 263, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 12 mars 2024

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 11 mars à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé (texte A.N. n° 1959)

Ce texte sera envoyé à la commission des lois. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 1er mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 11 mars à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale (pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission) : vendredi 8 mars à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 11 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (texte n° 160, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 mars en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques (texte n° 183, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 mars en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 mars à 15 heures

Mercredi 13 mars 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 13 mars à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française (procédure accélérée ; texte n° 279, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 7 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 mars à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative (procédure accélérée ; texte A.N. n° 1601)

Ce texte sera envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 mars à 15 heures

Jeudi 14 mars 2024

À 10 h 30

- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge (texte n° 665, 2021-2022)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol (texte n° 938, 2022-2023)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 12 mars à 15 heures

- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (procédure accélérée ; texte n° 255, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 mars à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales (procédure accélérée ; texte A.N. n° 1817)

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 mars à 15 heures

- Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé (procédure accélérée ; texte n° 140, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 mars à 15 heures

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

mercredi 14 février 2024, à 18 heures

La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création :

- d’une commission d’enquête sur « les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères visant notre vie démocratique, notre économie et les intérêts de la France sur le territoire national et à l’étranger afin de doter notre législation et nos pratiques de moyens d’entraves efficients pour contrecarrer les actions hostiles à notre souveraineté » (droit de tirage du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) ;

- d’une commission d’enquête sur « la paupérisation des copropriétés immobilières » (droit de tirage du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky).

6

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 25 janvier 2024 :

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

Débat sur les pratiques des centrales d’achat de la grande distribution implantées hors de France ;

Proposition de loi visant à améliorer le dépistage des troubles du neurodéveloppement, l’accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants, présentée par Mme Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 246, 2023-2024).

À l’issue de l’espace réservé du groupe UC :

Explications de vote puis vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales, présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 261, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER