Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 9, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit pour l’ensemble de la fratrie jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.

« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit pour l’ensemble de la fratrie jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Les élus du groupe CRCE-K proposent de rétablir l’article 1er de cette proposition de loi dans la rédaction de l’Assemblée nationale.

Avec cet amendement, nous défendons nous aussi la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite, non seulement pour l’enfant victime, mais aussi pour les autres enfants de la fratrie.

Nous le savons : les faits de violences, notamment sexuelles et incestueuses, ne touchent pas le seul enfant subissant les faits. Les autres enfants de la fratrie en sont tous les victimes collatérales.

Un parent qui commet un crime sur l’un de ses enfants commet très souvent un crime sur un autre membre de la fratrie. L’extension de la suspension de l’autorité parentale à toute la fratrie éviterait d’avoir à mener une procédure longue et coûteuse pour protéger chacun des enfants. Tous seraient protégés du même coup.

Dans le cas où les autres enfants n’ont pas été victimes de crime de la part du parent accusé, la protection de l’ensemble de la fratrie permettrait d’éviter que le parent maltraitant ne maintienne son emprise sur les autres enfants ou ne réitère sur eux ses agissements passés : ces enfants auront été soustraits à sa violence.

Enfin, en procédant ainsi, l’on éviterait une mise à l’écart de l’enfant victime par rapport au reste de la fratrie : dans de telles situations, briser le silence, c’est faire exploser la cellule familiale. Il convient de protéger autant que possible toutes les victimes, toute la famille.

Mme la présidente. Les cinq amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme Tetuanui, M. Dhersin, Mmes Sollogoub, Guidez et Antoine, M. Laugier, Mme O. Richard, MM. Longeot, Kern, Delcros, J.M. Arnaud, Levi et Folliot, Mme Herzog, MM. Maurey et Pillefer, Mme Romagny et MM. Hingray, Courtial et P. Martin.

L’amendement n° 2 est présenté par Mmes Harribey, Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Chaillou et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 3 rectifié bis est présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Masset, Bilhac, Cabanel, Daubet, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Roux, Mme Pantel, M. Fialaire et Mme Girardin.

L’amendement n° 7 est présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 13 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.

« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié ter.

Mme Annick Billon. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er dans sa version transmise par l’Assemblée nationale.

J’entends les inquiétudes qui s’expriment quant au respect de la présomption d’innocence, mais cette rédaction permet justement au parent poursuivi de saisir le JAF.

Les désaccords manifestes entre nos deux chambres et dans notre hémicycle le prouvent : il n’est pas évident de trouver un équilibre entre la protection de l’enfant et le droit de mener une vie familiale normale. Nous devons donc nous demander ce qui prime ; ce à quoi nous entendons donner la priorité.

Je rappelle que, dans notre pays, un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours en moyenne. Les parents représentent 86 % des auteurs présumés de maltraitance et 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles. Qu’allons-nous dire à toutes ces victimes ? Qu’au regard de la présomption d’innocence, il était disproportionné de les maintenir éloignés de leurs parents violents ? Pourquoi sacrifier la vie, la sécurité et le bien-être des enfants ?

Par ailleurs, les dispositions proposées permettent de prendre en considération les condamnations pour violences conjugales au-delà des seuls crimes commis par l’un des parents à l’égard de l’autre parent en présence de l’enfant.

En 2020, huit femmes victimes de violences sur dix avaient des enfants. En 2021, douze enfants ont été tués dans un contexte de violences conjugales ; mais, cette disposition étant peut-être satisfaite, je souhaite entendre Mme la rapporteure sur ce second point.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 2.

Mme Laurence Harribey. Nous demandons nous aussi le rétablissement de l’article 1er dans la version adoptée par l’Assemblée nationale.

Cette proposition de loi – je le rappelle – part d’un constat simple : les chiffres des violences commises envers les enfants sont particulièrement alarmants et nous ne pouvons plus détourner le regard.

Mes chers collègues, les enfants sont ce qu’une société a de plus précieux.

J’ai été assez sensible à l’argumentation développée par M. Szpiner lors de la discussion générale. Nous sommes bel et bien face à une question d’équilibre : il faut préserver les libertés individuelles tout en assurant la protection des uns et des autres.

Or, en la matière, la liberté individuelle ne me semble pas mise en cause : je le souligne à mon tour, le parent poursuivi pourra demander au juge de surseoir à cette suspension de l’autorité parentale.

Non seulement l’équilibre évoqué existe, mais on ne saurait, au nom de la liberté individuelle, dont je ne sous-estime nullement l’importance, mettre en péril la protection, voire la vie même des enfants.

Nous devons tout simplement raisonner autrement en adoptant une nouvelle approche juridique. En somme, le mouvement est le même que pour le renversement de la charge de la preuve : ce n’est pas à la victime, mais à la personne soupçonnée d’apporter la preuve de son innocence en demandant au juge de revenir sur sa décision.

J’y insiste, le présent texte est équilibré : M. le garde des sceaux l’a d’ailleurs démontré dans son propos liminaire. Il est important de revenir à la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.

Mme Nathalie Delattre. J’abonde dans le sens des oratrices précédentes : comme l’a souligné Maryse Carrère, présidente de notre groupe, lors de la discussion générale, nous soutenons nous aussi la rédaction de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale.

Il est bon de le rappeler : cette version prévoit la suspension de l’exercice de l’autorité parentale dès le stade des poursuites, pour les agressions sexuelles incestueuses, les crimes commis contre l’enfant et les crimes commis contre l’autre parent, ce jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, saisi par le parent poursuivi, la décision de non-lieu du juge d’instruction ou la décision de la juridiction de jugement.

Nous parlons d’un sujet majeur et ce mécanisme nous semble aller pleinement dans l’intérêt de la protection de l’enfant.

Nous ne saurions faire preuve de timidité ou nous contenter d’un entre-deux. Il ne peut pas y avoir de compromis en la matière, d’autant que ce dispositif – M. le garde des sceaux l’a bien dit et Mme Harribey l’a rappelé – est assorti d’un garde-fou : le parent mis en examen conserve la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales.

Or la durée maximale de six mois, proposée par la commission, me donne précisément l’impression d’être un choix de compromis. Comment justifier ce délai auprès d’un enfant qui a subi de telles violences ou en a été le témoin ?

À nos yeux, la lenteur des procédures, encore aggravée par l’accumulation des dossiers sur les bureaux des juges, ne saurait être un argument ; à cet égard, il faut avant tout assurer un renforcement des moyens.

J’espère que notre assemblée reviendra au texte de l’Assemblée nationale…

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Nathalie Delattre. Ce faisant, elle aboutira à un vote conforme, qui permettra la nécessaire accélération de ce travail législatif.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 7.

M. Thani Mohamed Soilihi. Ces dispositions ont été parfaitement défendues par les oratrices successives.

Afin de compléter le travail formidable accompli par Mme la rapporteure, nous souhaitons revenir, sur ce point précis, au texte voté par l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, ces dispositions permettent de sécuriser la situation de l’enfant ; elles sont plus protectrices. En particulier, elles prévoient la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale dans les conditions qui ont été rappelées.

C’est afin de poursuivre notre œuvre de coconstruction législative que nous souhaitons revenir à cette rédaction de compromis, conciliant les deux objectifs visés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 13.

M. Jacques Fernique. Nos deux assemblées s’accordent sur la nécessité de permettre la suspension de l’autorité parentale du parent inculpé pour des violences sexuelles incestueuses ou pour un crime commis sur la personne de l’autre parent. Mais, comme en première lecture, la majorité sénatoriale souhaite toujours limiter cette suspension à six mois.

Or les juges aux affaires familiales sont débordés et, dans ces conditions, il leur est difficile de statuer sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale dans un tel délai. Les statistiques du ministère de la justice le confirment : en la matière, la décision du juge aux affaires familiales n’est prise, en moyenne, qu’après sept mois ; ce délai dépasse même dix mois dans certains tribunaux.

En pareil cas, que se passerait-il ? L’exercice de l’autorité parentale serait suspendu pour protéger l’enfant pendant six mois, puis cette suspension serait levée. Le parent poursuivi pour violences graves retrouverait alors le plein exercice de tous les droits dont il disposait auparavant. Il se peut qu’il soit condamné peu après : ses droits lui seraient de nouveau retirés, toujours dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais pendant quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois, ce dernier risque de se retrouver dans une situation dangereuse et d’être exposé à des violences.

C’est précisément le type de situation que nous devons éviter. Pour protéger l’enfant de potentielles violences, il faut permettre une suspension provisoire au-delà de six mois, comme l’ont prévu nos collègues députés. De plus, il faut suspendre provisoirement l’exercice de l’autorité parentale du parent condamné pour des violences majeures sur l’autre parent en attendant la décision définitive. Cette mesure a elle aussi été adoptée à deux reprises, à l’unanimité, par l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit pour l’ensemble de la fratrie jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal. »

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement de repli, les membres du groupe CRCE-K proposent une nouvelle fois de revenir au texte de l’Assemblée nationale.

Se retranchant derrière la présomption d’innocence et le droit de chacun de mener une vie normale, la commission des lois du Sénat a supprimé la suspension de l’autorité parentale sans limite dans le temps jusqu’à la décision du juge ; elle l’a réduite à une suspension décidée en urgence, pour une durée de six mois.

Une telle mesure ne suffit pas à ériger la protection des enfants en priorité absolue. Elle signifie qu’au bout de six mois un enfant victime d’inceste ne serait plus protégé ; qu’il pourrait se retrouver sous l’emprise de son parent violent, l’exposant à maints dangers ; qu’il serait soumis au contrôle de son bourreau et, dès lors, pourrait cesser de parler des violences qu’il subit !

Non seulement ces dispositions entraveraient la libération de la parole des victimes de violences, mais elles entraîneraient la mise en danger de celles-ci.

Mes chers collègues, en cas d’inceste, les violences se déploient presque toujours de manière insidieuse. Je vous pose la question : selon vous, combien de temps faut-il à un enfant pour prendre conscience qu’il subit des violences, notamment de nature incestueuse, de la part de quelqu’un en qui il a entière confiance et pour qui il ferait tout ? Ne lui faut-il que six mois et pas un jour de plus ?

Il nous semble bel et bien nécessaire de rétablir la rédaction votée par l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme Billon, MM. Lafon et Longeot, Mme Tetuanui, M. Dhersin, Mme Antoine, MM. Pillefer, Laugier et Kern, Mme Herzog et MM. Maurey, Hingray, Courtial et P. Martin.

L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme Vérien, M. Bonneau, Mmes Sollogoub, Guidez et O. Richard, MM. Delcros, J.M. Arnaud, Levi et Folliot, Mme de La Provôté, MM. Capo-Canellas et Delahaye et Mmes Romagny et Jacquemet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal. »

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.

Mme Annick Billon. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 1 rectifié ter, qui avait surtout pour objet de demander des précisions à Mme la rapporteure.

Il tend à ne rétablir qu’un alinéa de la version de l’Assemblée nationale, afin d’inscrire dans le code civil la recommandation n° 52 de la Ciivise : la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse sur la personne de son enfant.

Comme je l’ai dit précédemment, la protection des enfants doit nous guider ; le bien-être supérieur de l’enfant doit être notre boussole. Un Français sur dix a été victime d’inceste durant son enfance, soit plus de 5 millions de femmes et d’hommes. Les chiffres et les statistiques font écho au quotidien et au passé traumatique de millions de Français et Françaises.

Les enfants victimes ne sont pas les seuls concernés par ce dispositif : les frères et sœurs d’une même fratrie seraient également protégés, et ce jusqu’à la décision du juge. La suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement s’appliquera nécessairement à tous les enfants sur lesquels le parent poursuivi ou condamné exerce son autorité.

Au-delà des violences physiques, nous devons traiter l’ensemble des traumatismes au sein d’une même famille. En réintégrant cette disposition, nous changerions de logiciel dans la manière d’aborder les violences sur des enfants et les violences intrafamiliales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.

Mme Dominique Vérien. Pour compléter les propos de Mme Billon, est-il nécessaire de saisir automatiquement le juge aux affaires familiales, dès lors qu’un avocat peut tout à fait conseiller à son client de le faire ?

Par ailleurs, M. Szpiner a relevé que le juge mettait entre huit et quatorze mois pour statuer : que se passe-t-il entre la fin du délai de six mois et le moment où ce dernier prononce sa décision ?

Le juge aux affaires familiales pouvant être saisi, la suspension que nous proposons répond totalement au besoin de liberté et, très clairement, protège beaucoup mieux l’enfant.

En revanche, nous ne reprenons pas l’alinéa 3, qui est redondant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Tous ces amendements visent à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, selon diverses variantes.

L’amendement n° 9 tend à rétablir le texte des députés en précisant que la suspension concerne tous les enfants de la fratrie.

Les amendements identiques nos 1 rectifié ter, 2, 3 rectifié bis, 7 et 13 visent à rétablir purement et simplement le texte de l’Assemblée nationale.

L’amendement n° 10 de Mme Corbière Naminzo est un amendement de repli par rapport à son amendement n° 9, sans le mécanisme de suspension spécifique en cas de violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. Je rappelle que la commission juge ce mécanisme à la fois très complexe et superfétatoire puisque, en cas de condamnation, le tribunal devrait se prononcer directement sur l’autorité parentale.

Les amendements identiques nos 4 rectifié bis et 12 rectifié sont des amendements de repli qui tendent à ne rétablir que le mécanisme de suspension en cas de crime et d’agression sexuelle incestueuse.

La commission a réaffirmé son attachement au fait qu’un juge aux affaires familiales soit systématiquement saisi pour prolonger la suspension au-delà de six mois. Voilà l’objectif : que le JAF puisse prolonger cette suspension, après l’avoir prononcée pour six mois dans un premier temps, et non qu’il y mette fin à l’issue de ce délai.

La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Toutefois, si le Sénat devait adopter certains de ces amendements, je conseillerais, à titre personnel, d’opter pour les amendements nos 4 rectifié bis et 12 rectifié, qui ne reprennent que le dispositif principal, et non le mécanisme spécifique de suspension en cas de condamnation pour violences volontaires ayant occasionné une ITT de plus de huit jours.

En ce qui concerne la question de la fratrie, il semble, madame Corbière Naminzo, que tous les enfants sur lesquels le parent exerce son autorité parentale soient concernés par le dispositif, le but étant une mise à l’abri. Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, le confirmer ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bien sûr ! Cela figure déjà dans le droit positif.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Dont acte !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, mon propos sur l’ensemble de ces amendements ne sera pas bref, mais il ne sera pas long. (Sourires.)

Au préalable, je signale à M. le sénateur Szpiner qu’il ne dispose pas des derniers chiffres sur les délais de décision en matière d’affaires familiales ; ce sont là de vieilles statistiques. Sachez que, depuis que des contractuels ont été massivement envoyés dans les juridictions, nous avons assisté à l’échelle nationale à un phénomène de déstockage très important. Les décisions sont désormais rendues beaucoup plus rapidement.

Ensuite, la présomption d’innocence ne peut être traitée comme une tarte à la crème : on ne peut pas, si j’ose dire, mettre un principe aussi important à toutes les sauces. Lorsque l’on décide d’un placement en détention, on peut dire que cela viole la présomption d’innocence ; lorsque l’on prépare une ordonnance d’éloignement, comme nous sommes en train de le faire – la première lecture du texte en question interviendra dans les jours qui viennent –, on ne peut pas dire que l’on viole la présomption d’innocence.

Enfin – dernière remarque avant de donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements –, madame Harribey, vous avez évoqué un inversement de la charge de la preuve… Comme vous y allez ! (Mme Laurence Harribey sourit.) Je le dis de façon très claire : il n’est aucunement question que l’on puisse inverser la charge de la preuve !

Je sais que c’est une revendication de plus en fréquente, en particulier dans les affaires de mœurs, mais le jour où nous le ferons, alors, comme le disait Émile Pollak, justice est morte et nous irons nous coucher.

Mme Laurence Harribey. C’est surtout le cas en droit de l’environnement !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’entends bien, mais je ne vous ai pas interrompue.

M. Jean-François Husson. Oui, ne vous laissez pas interrompre, monsieur le garde des sceaux !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il n’est pas question d’envisager une seconde l’inversion de la charge de la preuve.

Mme Laurence Harribey. C’était un abus de langage !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous proposez, par ces multiples amendements, de rétablir la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale, qui crée deux mécanismes de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et de droit de visite et d’hébergement.

Le premier interviendrait en cas de poursuites ou de condamnation du parent pour un crime commis sur l’autre parent ou pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur l’enfant.

Ce mécanisme s’appliquerait jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, celle de non-lieu du juge d’instruction ou celle du juge pénal.

Le second concerne les cas de violence sur l’autre parent ayant occasionné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits. Il s’appliquerait jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, saisi dans un délai de six mois à compter de la décision pénale.

Je vous rejoins évidemment sur la nécessité de prévoir que le mécanisme de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale s’applique aux crimes et aux agressions sexuelles incestueuses dont peut être victime un enfant. C’est d’ailleurs une demande de la Ciivise, et le Gouvernement y voit un moyen efficace pour protéger les enfants d’un parent potentiellement violent ou abuseur dans l’attente de la décision du juge.

Il n’est pas nécessaire de préciser que le mécanisme s’applique à l’ensemble de la fratrie, car le droit positif le prévoit déjà.

Par ailleurs, vous souhaitez supprimer l’obligation pour le procureur de saisir le juge aux affaires familiales, afin qu’il statue sur cette suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale. Ce point fait débat entre les deux assemblées : la rédaction de la commission des lois du Sénat est plus protectrice des droits du parent que celle du texte adopté à l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout est question de proportionnalité. À mon sens, la prudence nous invite à conserver un minimum de garanties au bénéfice de l’enfant, le parent pouvant toujours saisir – dans des délais qui ne sont pas ceux que vous avez indiqués – le juge aux affaires familiales pour demander à être rétabli dans ses droits.

En ce qui concerne la suspension pour des violences commises sur l’autre parent et ayant occasionné une ITT de plus de huit jours, vous proposez de rétablir la version votée par les députés, que j’ai soutenue, en veillant à préserver les équilibres, s’agissant des faits de violence les plus graves auxquels l’enfant a assisté.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat sur l’ensemble de ces amendements. (Ah ! sur diverses travées. – M. Francis Szpiner applaudit.)