compte rendu intégral

Présidence de M. Mathieu Darnaud

vice-président

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage aux victimes des inondations, aux services de secours et aux élus locaux

M. le président. Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ces derniers jours, le sud de notre pays a été frappé par de très violents orages et de terribles inondations. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le garde des sceaux se lèvent.) Plusieurs personnes sont décédées ou portées disparues dans le Gard, l’Hérault et l’Ardèche.

Mes pensées vont d’abord à leurs familles et à leurs proches, dont la vie a basculé ce week-end, souvent après des heures d’attente et de recherches.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite leur adresser nos vives condoléances pour le drame qu’ils viennent de traverser.

Permettez-moi également de saluer le professionnalisme et la totale mobilisation des services de secours, notamment les nombreux sapeurs-pompiers et gendarmes qui, depuis ce week-end, se dépensent sans compter pour rechercher les personnes disparues et pour éviter que d’autres drames ne se produisent.

Je pense enfin aux élus locaux qui, une nouvelle fois, se sont trouvés en première ligne avec leurs agents.

3

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par courriers en date des 8 et 11 mars, M. Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, et Mme Cécile Cukierman, présidente du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, ont demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, inscrit à l’ordre du jour du jeudi 14 mars, soit examiné selon la procédure normale.

Acte est donné de ces demandes.

Par courrier en date de ce jour, le Gouvernement a demandé le report de l’examen de ce même projet de loi au mercredi 3 avril, en troisième point de l’ordre du jour.

Acte est donné de cette demande.

En conséquence, nous pourrions attribuer un temps de quarante-cinq minutes aux orateurs des groupes. Le délai limite pour l’inscription des demandes d’intervention serait fixé au mardi 2 avril, à quinze heures.

Il n’y a pas d’opposition ?

Il en est ainsi décidé.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Examen des conclusions de la commission mixte paritaire

Violences intrafamiliales

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales (texte de la commission n° 350, rapport n° 349).

La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, savoir que faire de l’autorité parentale en cas de violences intrafamiliales est une question éminemment complexe, que nous devons résoudre avec pour seule boussole l’intérêt de l’enfant.

La proposition de loi d’Isabelle Santiago visait essentiellement à mettre en place deux mécanismes : la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en phase présentencielle, créée par la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, et le retrait de l’autorité parentale par les juridictions pénales en cas de condamnation.

La navette parlementaire nous a permis de nous mettre d’accord sur la très grande majorité des articles, et même d’y ajouter des dispositifs complétant la protection de l’enfant.

Nous avons rendu plus automatique – sans toutefois l’imposer au juge pénal – le retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle sur l’enfant ou sur l’autre parent.

Par ailleurs, nous avons mis fin au décalage entre le code civil et le code pénal en matière de retrait de l’autorité parentale en introduisant une disposition générale dans le code pénal. Cette réécriture, sur l’initiative de la commission des lois, devrait grandement faciliter le travail des magistrats et des avocats pénalistes en les incitant à s’emparer de ces mécanismes de nature civile.

Une des dispositions ajoutées en cours de discussion me tient particulièrement à cœur : l’institution d’une période de stabilité minimale de six mois pour l’enfant, dénommée « répit », après une décision de retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement.

À l’issue des deux lectures successives par nos assemblées, le désaccord portait uniquement sur le régime de la suspension provisoire de l’exercice de l’autorité parentale avant tout jugement. Le Sénat avait décidé, dès la première lecture, d’étendre ce mécanisme aux cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant, en raison d’un manque évident qu’il convenait de combler.

Toutefois, la commission des lois souhaitait maintenir le principe d’une saisine systématique du juge aux affaires familiales (JAF) par le procureur de la République dans les huit jours pour que la situation de l’enfant puisse être examinée in concreto par un magistrat et pour que la suspension ne puisse se prolonger au-delà de six mois sans cet examen. Dans notre esprit, c’était là une sécurité pour l’enfant et une manière de vérifier que la mesure était bien appropriée et proportionnée.

Le 6 février dernier, le Sénat a finalement adopté la disposition dans la version de l’Assemblée nationale. Il a ainsi accepté que la suspension puisse courir au-delà de six mois, tout le temps de la procédure pénale, ou jusqu’à la décision du JAF, lequel serait éventuellement saisi par l’un des parents et non plus systématiquement par le procureur de la République.

En revanche, le Sénat a supprimé le régime spécifique de suspension en cas de condamnation, même non définitive, pour des violences volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT) de plus de huit jours lorsque l’enfant a assisté aux faits, considérant que ce cas était déjà pris en compte à l’article 2.

Telle est la version sur laquelle nous nous sommes accordés en commission mixte paritaire et que je vous invite à adopter.

Jusqu’à présent, les juridictions pénales étaient réticentes face à la question de l’autorité parentale, notion qui relève du droit civil. Le travail mené par nos deux assemblées leur donnera donc les outils pour se saisir de cette question fondamentale et ainsi mieux protéger les enfants.

Enfin, nous serons attentifs à la manière dont les JAF auront à se prononcer rapidement sur la suspension de l’exercice de l’autorité parentale dans le cadre présentenciel. La commission des lois est très attachée à l’intervention du juge, seul à même de vérifier l’intérêt de l’enfant et le caractère proportionné de la mesure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, après la belle semaine que nous venons de passer, placée sous le thème des droits des femmes, nous commençons celle-ci sous le thème de l’enfance.

Vous le savez, la protection de l’enfance constitue, comme celle des femmes, l’une des priorités de notre gouvernement. Aussi, je me félicite que les deux assemblées soient parvenues à un compromis dans le cadre des travaux de la commission mixte paritaire. Il faut dire que le texte que vous avez adopté le 6 février dernier était presque à maturité, puisque seul l’article 1er restait en débat entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Cet article, dans la version qui est soumise à votre vote aujourd’hui, modifie l’article 378-2 du code civil afin d’étendre le mécanisme de suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné.

Désormais, plus aucun risque ne sera pris : l’enfant n’aura plus de contact avec son agresseur présumé – soit le parent poursuivi pour crime ou agression sexuelle à son encontre – jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou la décision de relaxe ou d’acquittement de la juridiction pénale.

Certains ont pu penser que cette suspension portait une atteinte trop importante aux droits parentaux du parent poursuivi, d’autant que le texte, dans sa nouvelle rédaction, supprime l’obligation faite au procureur de la République de saisir le JAF dans les huit jours de la suspension. Or il n’en est rien : le parent mis en cause conserve la possibilité de demander la mainlevée de la suspension au JAF, et ce dès le lendemain de sa mise en œuvre.

S’il ne le fait pas, c’est la démonstration de son désintérêt pour son enfant ; s’il le fait, c’est l’occasion pour lui de démontrer à un juge sa capacité à assurer pleinement le bien-être et la sécurité de sa progéniture.

L’écriture à laquelle vous avez abouti permet donc d’atteindre nos objectifs de protection de l’enfant en amont de la décision pénale – je ne peux que m’en féliciter.

L’article 2, quant à lui, a très rapidement fait l’objet d’un large consensus en ce qu’il assure une avancée importante. En l’état du droit positif, le retrait de l’autorité parentale n’est qu’une simple faculté pour le juge, quelle que soit l’infraction ayant donné lieu à la condamnation.

Le second volet du dispositif concerne tous les délits commis sur l’enfant à l’exception de l’agression sexuelle incestueuse. En cas de condamnation, le juge pénal aura l’obligation de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de son exercice.

Le troisième et dernier volet concerne le cas du parent condamné comme auteur, coauteur ou complice d’un délit commis par son enfant. En cas de condamnation, le juge pénal pourra ordonner le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de son exercice.

Je le dis et le redis devant vous : ces deux premiers articles constituent une avancée indéniable en matière de protection des enfants. De la même manière que la protection des droits des femmes revêt une dimension universelle, celle des droits des enfants mérite d’être promue et défendue au-delà de nos frontières.

Aujourd’hui, la France s’engage résolument pour protéger les plus petits d’entre nous. En cela, elle rejoint l’Espagne et l’Italie, qui connaissent des cas de suspension de plein droit de l’autorité parentale pour certaines infractions ou peines principales ; en Italie, les juridictions vont même jusqu’à prononcer le retrait définitif de l’autorité parentale.

Pour autant, j’ose le dire, notre législation, une fois entrée en vigueur, sera sans doute la plus complète et la plus protectrice d’Europe, parce qu’elle prévoit, dès le début de l’enquête, une suspension automatique de l’exercice des droits parentaux et qu’elle contraint ou autorise le juge pénal à se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice pour toutes les infractions, de manière proportionnelle à leur gravité.

Nous pouvons être fiers de la qualité des travaux parlementaires et des échanges qui ont eu lieu entre les chambres et le Gouvernement. Cela démontre, s’il en était besoin, notre engagement commun au service de la protection de l’enfance.

Ce texte, n’en doutons pas, est très attendu par nos concitoyens : parce qu’il renforce la protection des plus vulnérables d’entre nous ; parce que c’est notre devoir de protéger l’enfant victime contre son parent agresseur ; parce que le foyer doit toujours rester un lieu où l’enfant peut grandir en paix et en sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme le rapporteur applaudit également.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales

Examen des conclusions de la commission mixte paritaire
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 1er

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public ou mis en examen par le juge d’instruction soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision de la juridiction pénale. »

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M. le président. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, déposée par notre collègue députée Isabelle Santiago, arrive au terme de son parcours législatif. Nous nous félicitons que la commission mixte paritaire ait été conclusive.

Ce texte constitue un pas de plus vers la protection des enfants et prend place dans un continuum législatif qui, peu à peu, se consolide. Notre groupe a toujours été au rendez-vous des avancées législatives acquises en la matière.

Tout d’abord, la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a opéré un changement, particulièrement attendu, dans l’appréhension pénale des violences sexuelles perpétrées sur des victimes mineures. Elle a ainsi inséré dans le code pénal de nouvelles infractions d’agressions sexuelles autonomes sur mineurs de moins de 18 ans dans le cas de l’inceste. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait d’ailleurs, par amendement, proposé de relever l’âge du non-consentement de 15 à 18 ans dans le cas du crime d’inceste.

Ensuite, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, est venue apporter des améliorations sur les conditions de repérage, d’accueil et d’accompagnement des enfants relevant de la protection de l’enfance.

Le présent texte prévoit une suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement pour un parent poursuivi ou mis en examen pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur son enfant, ou pour crime commis contre l’autre parent pendant toute la durée de la procédure.

Mme la rapporteure et M. le garde des sceaux n’ont pas manqué de souligner que ce dispositif était très attendu par les associations de protection des enfants. (M. le garde des sceaux opine.)

L’autorité parentale est trop souvent instrumentalisée par le parent auteur de crime ou d’inceste pour garder une emprise sur la ou les victimes. Par ailleurs, une procédure peut durer plusieurs années. Compte tenu de ces éléments, il nous semblait indispensable de protéger l’enfant et le parent victime pendant l’intégralité de cette période.

Bien entendu, notre groupe votera ce texte dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. Cependant, il faut dès à présent penser à l’après : nous espérons des évolutions en matière de droits de l’enfant et avons quelques pistes de travail.

Je pense tout d’abord à l’assistance d’un avocat lors de toute procédure judiciaire concernant un enfant. Celle-ci est obligatoire depuis 1993 dans toute procédure pénale, mais reste optionnelle dans les procédures civiles. La parole de l’enfant doit être aussi entendue dans les procédures civiles. À cet égard, je vous renvoie à la nouvelle pratique expérimentée dès le mois de mai 2020 par les avocats et les juges du tribunal pour enfants de Nanterre, qui va véritablement dans le bon sens.

Ensuite, la protection de l’enfant est primordiale pour assurer celle du parent victime – la mère, la plupart du temps. Il nous semble donc indispensable de renforcer l’ordonnance de protection.

Nous regrettons à cet égard que la proposition de loi de notre collègue Cécile Untermaier, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 9 février 2023, n’ait jamais été inscrite à l’ordre du jour du Sénat, alors même que les associations de protection des femmes et les professionnels du droit demandent régulièrement la mise en œuvre des dispositions qu’elle comporte.

Enfin, une évaluation globale de l’aide sociale à l’enfance (ASE) nous semble nécessaire avant de travailler sur les évolutions législatives, tant le chantier est vaste.

Pour finir sur une note positive, nous tenons à souligner les annonces gouvernementales du mois de mai dernier, notamment la création de pôles spécialisés, qui vont dans la bonne direction. Nous espérons que les moyens nécessaires seront mis en œuvre pour concrétiser ces annonces. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, aujourd’hui s’achève la navette parlementaire sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales après un an de débats riches, qui ont permis d’approfondir la construction du texte, sans procédure accélérée.

La protection des enfants fait partie de ces sujets à la fois complexes et sensibles qui nécessitent temps de réflexion, rigueur juridique et travail transpartisan, afin de légiférer de manière efficiente, surtout lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de modifier des dispositions importantes de notre code civil.

C’est désormais chose faite avec ce texte de la députée Isabelle Santiago. Permettez-moi de me réjouir, à mon tour, de l’accord auquel sont parvenus les membres de la commission mixte paritaire.

Je tiens également à saluer, au nom du groupe Les Républicains, le travail de notre rapporteure, Marie Mercier, ainsi que son implication bien connue au sein de cet hémicycle sur les sujets liés à la protection des enfants.

La présente proposition de loi met en œuvre plusieurs recommandations issues des travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et d’associations, dont je salue l’action.

Elle a pour finalité de mieux protéger les enfants victimes de parents violents, en particulier incestueux. L’article 1er prévoit la suspension provisoire de plein droit – dès le début des poursuites – de l’exercice de l’autorité parentale du parent poursuivi pour crime contre l’autre parent ou pour crime ou agression sexuelle commis sur son enfant.

L’article 2 pose le principe d’un retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour ces infractions.

Les chiffres démontrent la nécessité de légiférer. Je n’en citerai qu’un seul, aussi effroyable qu’éclairant : un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de l’un de ses parents.

Rappelons que l’autorité parentale est définie par notre code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». Nous savons combien l’autorité parentale est une notion fondamentale en droit de la famille.

Le principal sujet de débat entre l’Assemblée nationale et le Sénat s’est noué autour l’article 1er, relatif au régime même de la suspension de l’autorité parentale. Il a permis de mettre en exergue la recherche partagée d’équilibre entre les droits des parents et la protection des enfants.

Nous avons fini par nous mettre d’accord sur la suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale le temps de la procédure, c’est-à-dire jusqu’à la décision du JAF ou celle de la juridiction pénale. Je tiens à saluer ce compromis, convaincue qu’un parent violent ayant commis des crimes sur son conjoint ou sur son enfant ne peut être un bon parent.

Mme Marie Mercier, rapporteur. C’est certain !

Mme Elsa Schalck. Il appartiendra ainsi au parent poursuivi de saisir le juge et de prendre lui-même toutes ses responsabilités.

Je tiens à saluer le travail qui a été mené par notre assemblée pour réécrire les articles 2 et 3, animée par la volonté d’une meilleure cohérence entre les dispositions pénales et civiles, qui s’avère essentielle dans la pratique. L’article 2 constitue une avancée indéniable en instaurant l’obligation – et non la faculté – pour le juge pénal de retirer l’autorité parentale ou son exercice en cas de condamnation du parent.

Le groupe Les Républicains salue également l’introduction de l’article 2 ter par la rapporteure, qui prévoit qu’un parent privé de l’exercice de l’autorité parentale par le juge ne peut en demander la restitution avant l’expiration d’un délai de six mois, une fois le jugement devenu irrévocable.

En définitive, ce texte répond à un enjeu particulièrement important : protéger les enfants, faire en sorte que le foyer familial reste un espace de sécurité où l’enfant peut grandir en paix et préserver cette richesse si fragile qu’est l’insouciance de l’enfance.

Tel est l’objectif de ce texte ; tel est le souhait que nous partageons collectivement. Je me félicite aujourd’hui que nous y parvenions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI. – Mme le rapporteur applaudit également, ainsi que Mme Laurence Harribey.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les violences intrafamiliales constituent à la fois des drames intimes et un phénomène de masse : drames intimes, parce qu’elles brisent la cohésion des familles et chargent les individus d’un immense fardeau ; phénomène de masse, parce que des millions de nos concitoyens ont à en subir les conséquences.

On estime en effet que 10 % à 20 % des adultes ont été victimes de telles violences lorsqu’ils étaient mineurs – c’est considérable. Si l’on tient aussi compte de toutes les personnes indirectement concernées par ces violences – les proches, qui ont dû apporter leur aide, mais aussi les associations et les professionnels qui se sont impliqués pour protéger les victimes –, l’on comprend que ces situations concernent une proportion très importante de notre population.

Dès lors, comment expliquer qu’il soit si difficile de prendre des mesures fortes pour endiguer ce phénomène ? Précisément parce que les violences familiales, avant d’être un phénomène de masse, constituent des drames intimes. Celui qui commet la violence, parfois le crime, occupe un rôle central dans la structure familiale ; celui-là même qui devrait donner de l’amour finit par provoquer de la souffrance.

Condamner un parent – le plus souvent un père violent – pour protéger une victime – le plus souvent une mère ou ses enfants – n’est jamais une bonne solution, mais c’est souvent la moins mauvaise. C’est en tout cas celle qui permet de mieux protéger les plus fragiles et d’éviter un engrenage infernal.

Le sujet est si délicat qu’il s’avère difficile de prendre des mesures fortes, non par manque de volonté, mais simplement par souci d’équilibre. Après plus d’un an de navette parlementaire, la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales est sur le point d’être adoptée.

Les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat ont permis d’aboutir à un texte de compromis. La convergence des vues nous amène à une solution à la fois consensuelle et efficace, que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera sans hésitation.

En première comme en deuxième lecture, notre groupe avait soutenu la position de la commission des lois du Sénat sur l’article 1er, qui concentrait l’essentiel du débat. Cet article prévoit la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement, dès le stade des poursuites, pour le parent poursuivi pour crime contre l’autre parent ou pour crime ou agression sexuelle commis sur son enfant.

Notre groupe jugeait plus pertinent de conserver le caractère temporaire de cette suspension tout en laissant une place centrale au juge dans la procédure. Dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, il n’est plus question du délai maximal de six mois, voté en première lecture par le Sénat. Toutefois, le rôle du juge dans la procédure est renforcé. Nous espérons que cette nouvelle mouture permettra de mieux protéger les enfants : c’est là notre priorité.

Il ne s’agit pas tant de punir plus sévèrement le parent que de protéger l’enfant en le mettant à l’abri des violences et en lui permettant de conserver un lien avec ses parents, pourvu que cela ne nuise pas à son développement personnel.

Ainsi, la nouvelle version de l’article 1er ne retient plus le cas des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours comme motif entraînant la suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement. Cette version nous semble plus équilibrée. Encore une fois, l’objectif est non pas de protéger un parent violent, mais bien de préserver le développement de l’enfant.

C’est tout le sens des travaux menés depuis plus de trois ans par la Ciivise. J’espère sincèrement que le temps pris par ces travaux et par les nôtres sera interprété par toutes les victimes de violences non comme le signe d’une lenteur inappropriée, mais comme le gage d’un travail sérieux, pondéré et ambitieux.

Dès après son adoption par le Parlement, ce texte qui vise à mieux protéger les enfants devra être appliqué avec rapidité et efficacité : il y va de la crédibilité de l’action publique. Nous le devons à toutes les victimes des violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme le rapporteur applaudit également.)