Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mmes Catherine Di Folco, Patricia Schillinger.

1. Procès-verbal

2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

3. Questions d’actualité au Gouvernement

création de l’agence de conseil interne de l’état

Mme Nathalie Goulet ; M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques ; Mme Nathalie Goulet.

crise de l’éducation nationale

Mme Monique de Marco ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

réforme de l’assurance chômage (i)

Mme Frédérique Puissat ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; Mme Frédérique Puissat.

réforme de l’assurance chômage (ii)

Mme Nicole Duranton ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités.

situation des finances des départements

M. Pierre-Jean Verzelen ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

éolien en mer

M. Philippe Grosvalet ; M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.

situation à haïti

Mme Hélène Conway-Mouret ; Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux ; Mme Hélène Conway-Mouret.

réforme de l’assurance chômage (iii)

Mme Evelyne Corbière Naminzo ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités.

situation des finances publiques

M. Bruno Belin ; M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics ; M. Bruno Belin.

annonces sociales du premier ministre

Mme Monique Lubin ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; Mme Monique Lubin.

compétence « eau et assainissement »

M. Jean-Marc Boyer ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jean-Marc Boyer.

oraux de fin de sixième année de médecine

Mme Anne-Sophie Romagny ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Anne-Sophie Romagny.

menaces de mort visant le proviseur du lycée maurice-ravel à paris

Mme Agnès Evren ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

situation sociale de la france

Mme Marion Canalès ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités.

prise en charge des enfants en situation de handicap

Mme Marie-Pierre Richer ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Marie-Pierre Richer.

difficultés des professions de santé

Mme Corinne Imbert ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Corinne Imbert.

entrisme islamiste à l’école

M. Aymeric Durox ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Aymeric Durox.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

4. Mise au point au sujet d’un vote

5. Candidatures à une commission mixte paritaire

6. Adaptation du droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme Françoise Gatel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

M. Guy Benarroche

Mme Michelle Gréaume

M. Michel Masset

M. Olivier Bitz

Mme Audrey Linkenheld

Mme Nadine Bellurot

M. Louis Vogel

Mme Olivia Richard

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

Suspension et reprise de la séance

7. Accord judiciaire avec le Kazakhstan. – Adoption définitive en procédure accélérée et en procédure d’examen simplifié d’un projet de loi dans le texte de la commission

8. Convention d’extradition avec le Cambodge. – Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

M. Christian Cambon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Mme Michelle Gréaume

M. André Guiol

Mme Nicole Duranton

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure

Mme Catherine Belrhiti

M. Jean-Pierre Grand

M. Philippe Folliot

M. Akli Mellouli

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Vote sur l’ensemble

Adoption de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

9. Protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement. – Adoption définitive en troisième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances

M. Christian Bilhac

M. Saïd Omar Oili

M. Victorin Lurel

M. Bruno Belin

M. Christopher Szczurek

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Michel Canévet

M. Thomas Dossus

M. Fabien Gay

M. Franck Montaugé

M. Jean-Claude Anglars

Clôture de la discussion générale.

Article 2

Amendement n° 5 de la commission. – Retrait.

Amendement n° 3 de M. Christopher Szczurek. – Retrait.

Amendement n° 1 rectifié bis de M. Michel Canévet. – Retrait.

Amendement n° 4 rectifié bis de M. Michel Canévet. – Retrait.

Amendement n° 2 de M. Fabien Gay. – Retrait.

Vote sur l’ensemble

Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.

10. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Di Folco,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir dans notre tribune d’honneur une délégation de l’Assemblée nationale du Québec, conduite par sa présidente Mme Nathalie Roy. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

La délégation est composée de M. Luc Provençal, vice-président du groupe d’amitié, et de Mme Brigitte Garceau, tous deux députés. Elle est accompagnée par notre collègue Rémy Pointereau, le très actif président du groupe interparlementaire d’amitié France-Québec. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

J’ai eu le plaisir d’échanger ce matin avec nos amis québécois, qui ont visité hier la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

La visite de la délégation de l’Assemblée nationale du Québec en France s’inscrit dans le cadre des échanges réguliers entre nos deux assemblées. Elle précède votre visite au Québec la semaine prochaine, monsieur le Premier ministre (M. le Premier ministre acquiesce.), en vertu de la traditionnelle rencontre alternée entre nos deux chefs de gouvernement.

À l’ordre du jour des échanges avec nos collègues du groupe d’amitié, la délégation a choisi d’inscrire deux thèmes principaux : l’égalité entre les femmes et les hommes et les influences étrangères dans nos démocraties.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, dans cette langue que nous avons en partage, permettez-moi d’adresser un salut chaleureux à nos collègues de l’Assemblée nationale du Québec et de leur souhaiter un fructueux séjour ! (Vifs applaudissements.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

création de l’agence de conseil interne de l’état

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Monsieur le ministre, l’inauguration, le 26 mars dernier, des locaux de l’agence de conseil interne de l’État pourrait être une bonne nouvelle.

Je rappelle que, dans une anarchie déontologique absolue et une opacité complète, l’utilisation de cabinets de conseil avait coûté au contribuable plus de 1 milliard d’euros en 2021. Cette gabegie n’avait pas échappé à la vigilance du groupe CRCE-K (Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRCE-K.), et une commission d’enquête sénatoriale, menée de main de maître par Éliane Assassi et Arnaud Bazin et suivie d’un travail transpartisan, avait conduit à l’élaboration d’une proposition de loi, adoptée le 18 octobre 2022 au Sénat, puis, le 1er février 2024, à l’Assemblée nationale – à reculons, il faut le dire, et bien détricotée…

Pourquoi cette initiative en cours de navette parlementaire, alors que nous sommes en pleine disette budgétaire, que les agences et autres autorités pullulent à grands frais et que notre administration est dotée de nombreuses inspections générales, par ailleurs très compétentes ?

Monsieur le ministre, en quoi cette agence interne va-t-elle régler les questions de transparence et éviter les consanguinités et les conflits d’intérêts ? Comment pourra-t-elle assurer une meilleure utilisation de nos ressources financières et des moyens de notre haute fonction publique ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, je vais vous répondre très directement en vous lisant la recommandation n° 6 du rapport publié par la commission d’enquête sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, dirigée de main de maître, comme vous l’avez dit, par Arnaud Bazin et Éliane Assassi : « Élaborer un plan de réinternalisation pour mieux valoriser les compétences internes et moins recourir aux cabinets de conseil. »

Madame la sénatrice, c’est exactement et précisément ce que nous faisons. (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

À la vérité, nous pourrions nous rejoindre sur les objectifs. J’ai toujours été clair et constant sur ce sujet : il faut renforcer l’État et mieux maîtriser nos dépenses de conseil. C’est ce que nous faisons méticuleusement.

En janvier 2022, une circulaire du Premier ministre Jean Castex fixait pour objectif une diminution de 15 % des dépenses de conseil. L’année suivante, madame la sénatrice, nous avons divisé par deux nos dépenses de conseil externe ; l’année d’après, nous les avons divisées par trois ! Ce sont 190 millions d’euros qui ont été économisés, grâce à une politique très claire.

M. Jean-François Husson. Grâce au Sénat !

M. Rachid Temal. Cela coûtait très cher…

M. Stanislas Guerini, ministre. Nous le devons d’abord à l’accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), que j’ai mis en place quelques semaines après ma nomination.

Son texte reprend presque intégralement les recommandations du Sénat : réduction des budgets des missions de conseil, limitation des droits de suite, fin des missions pro bono ou en marque blanche, suppression des données chez les cabinets de conseil, capitalisation par les administrations, publication d’un jaune budgétaire, internalisation des missions de conseil… Nous visons exactement cet objectif, et nous obtenons des résultats.

Citez-moi donc des domaines où nous investissons globalement 10 millions d’euros pour en économiser 190 ! Je vous le dis, nous allons continuer, pour renforcer l’État et mieux maîtriser nos dépenses de conseil externe. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie, monsieur le ministre. Si vous avez réalisé ces économies, c’est tout de même grâce au travail du Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER.)

Je me souviens que Mme de Montchalin avait publié une circulaire sur ce sujet le matin même de son audition devant notre commission d’enquête, ce qui était d’une élégance folle… Les mesures que vous énumérez sont bienvenues, même si je ne comprends pas pourquoi elles arrivent en cours de navette, au lieu d’être inscrites dans le texte qui arrivera bientôt au Sénat.

Ce que nous demandons, c’est de la transparence. Il faut une tour de contrôle pour les compétences internes. Nous voulons aussi éviter les conflits d’intérêts, le pantouflage et le rétropantouflage. Nous souhaitons enfin la juste utilisation des deniers publics, qui est également très importante. Tant mieux si toutes ces mesures sont prévues, mais il eût été préférable de les faire figurer dans le texte qui sera transmis au Sénat.

En tout cas, monsieur le ministre, une agence de plus, ce sont des dépenses supplémentaires. Pour les économies, c’est mal parti ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Jean-François Husson. Très bien !

crise de l’éducation nationale

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre de l’éducation nationale, mes chers collègues, 1 500 ans : un établissement privé est susceptible d’être contrôlé une fois tous les 1 500 ans !

M. Loïc Hervé. Oh, ça va !

Mme Monique de Marco. Les conclusions de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le contrôle des établissements privés sont sans appel.

Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le double discours de votre gouvernement. D’un côté, vous donnez 7,8 milliards d’euros par an, sans aucun contrôle, à l’enseignement privé. De l’autre, vous rabotez le budget de l’école publique de 690 millions d’euros.

M. Loïc Hervé. C’est faux !

Mme Monique de Marco. Madame la ministre, quel est l’avenir de notre République sans l’école publique ? Chaque enfant doit recevoir des pouvoirs publics les mêmes moyens consacrés à son éducation et à son émancipation, quelles que soient son origine, sa position géographique ou ses croyances. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Dans de nombreux territoires, l’éducation nationale n’est plus en mesure de garantir cette égalité des chances. En Seine-Saint-Denis, par exemple, le personnel éducatif, les parents et les élèves sont mobilisés depuis plus d’un mois. Leur demande est claire : ils souhaitent un plan d’urgence pour recruter et rénover les établissements insalubres.

Votre réforme du « choc des savoirs » est un nouvel affront aux valeurs républicaines. En créant des groupes de niveau, vous institutionnalisez le tri social.

M. Max Brisson. Quelle caricature !

M. Olivier Paccaud. N’importe quoi !

Mme Monique de Marco. Les conservateurs se sont toujours prévalus de la liberté d’enseignement pour s’opposer à la mixité sociale. Ils ont toujours agité le chiffon rouge d’une guerre scolaire. Aujourd’hui, ils usent de tous les artifices pour éviter le débat sur les ghettos scolaires.

Néanmoins, l’école de la République doit être un rempart face aux inégalités. Nous ne voulons ni des groupes de niveau ni de l’uniforme. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Nous avons besoin d’un choc d’égalité et d’un choc de moyens. Nous attendons un plan d’urgence pour l’éducation nationale.

Madame la ministre, allez-vous remettre l’école publique au cœur des priorités de votre gouvernement ?

M. le président. Il faut conclure !

Mme Monique de Marco. Dans quel camp êtes-vous ? Celui des conservateurs ou celui des progressistes ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice de Marco, l’éducation nationale, c’est la priorité. Je n’ai pas à faire un plan d’urgence, puisque l’éducation nationale, c’est l’urgence de tous les moments ! Le Gouvernement dans son ensemble est tout à fait décidé à porter cette priorité au plus haut niveau.

Nous avons deux objectifs principaux. Le premier est d’assurer la réussite de nos élèves – de tous nos élèves. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà dit, je mettrai pleinement en œuvre le choc des savoirs.

Dans la diversité des mesures qui sont adoptées, il nous permettra, avec assurance, de prendre en charge la singularité de chacun de nos élèves, pour le porter au plus haut de ses compétences et de ses connaissances. Je le réaffirme devant vous.

Par ailleurs, vous n’avez pas posé la question de la sécurité, mais elle aussi est essentielle à nos yeux, puisqu’elle contribue à l’apprentissage serein de l’ensemble des connaissances.

Notre seconde priorité est, bien sûr, la mixité scolaire.

Vous faites allusion aux établissements privés sous contrat. Madame la sénatrice, nous avons ouvert plus d’une soixantaine de nouveaux emplois pour exercer le contrôle administratif, financier – avec les directions régionales des finances publiques – et pédagogique de ces établissements. Dès que quelque chose nous est signalé, nous contrôlons ce qui se passe : c’est tout à fait naturel.

Nous avons également élaboré un plan, avec le secrétariat général de l’enseignement catholique, pour développer la mixité dans les établissements privés. Je veillerai à ce qu’il se déploie dans toute son ampleur.

Enfin, madame la sénatrice, nous sommes également attentifs aux situations singulières. En Seine-Saint-Denis, puisque vous avez évoqué ce département, nous avons doublé les classes en école primaire dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP). Ainsi, six classes du premier degré sur dix y ont des effectifs de moins de quatorze élèves.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Nicole Belloubet, ministre. Nous sommes arc-boutés sur la réussite et sur la mixité, qui sont nos deux objectifs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

réforme de l’assurance chômage (i)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat. C’est compliqué, monsieur le Premier ministre. C’est compliqué de vous suivre sur cette réforme de l’assurance chômage !

Mme Frédérique Puissat. En effet, l’assurance chômage est un bien universel. Bien sûr, certaines personnes fraudent, et nous devons les condamner. Certains profitent du système, et nous devons veiller à leur réinsertion.

Toutefois, au-delà de ces cas, monsieur le Premier ministre, il y a des milliers de personnes qui travaillent. Elles ont besoin de règles stables, qui ne changent pas au fil des gouvernements successifs. Or la dernière réforme de l’assurance chômage date d’à peine un an !

En outre, c’est compliqué, parce que, en France, les règles de l’assurance chômage ne sont pas fixées par le Premier ministre au journal de vingt heures ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur les travées des groupes GEST et SER.) Ces règles sont définies par les partenaires sociaux.

M. Yannick Jadot. Exactement !

Mme Frédérique Puissat. Aussi, j’ai deux questions à vous poser.

Premièrement, considérez-vous que la dernière réforme, mise en place par Mme Borne, est déjà caduque ?

Deuxièmement, les partenaires sociaux ont formulé des propositions en novembre 2023. En avez-vous pris connaissance ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Puissat, vous venez de poser des questions extrêmement simples. Je vais y répondre en parlant de méthode.

L’assurance chômage, comme vous le savez, est évoquée à l’article L. 1 du code du travail, qui provient d’une excellente réforme, effectuée en 2007 par le président Larcher lui-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.) Cet article est extrêmement précis, car le dialogue social, dans notre pays, constitue la base de l’organisation du travail.

Que s’est-il passé en la matière depuis l’année dernière ? Au mois de novembre, pour être précise, les partenaires sociaux ont reçu une lettre de cadrage rédigée par le Gouvernement. Ce document a été préparé dans le contexte que nous connaissions au début de l’automne 2023 : les conditions économiques n’étaient pas celles du 3 avril 2024. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cette lettre de cadrage invite les partenaires sociaux à travailler sur une première approche, qui est celle du pacte de la vie au travail.

Elle aborde ensuite, comme vous le savez, madame la sénatrice, l’assurance chômage. À l’époque, en novembre 2023, les partenaires sociaux n’étaient pas complètement d’accord sur la façon dont ils souhaitaient travailler. C’est pourquoi, à ce moment-là très précisément, ils ont demandé au Gouvernement de continuer à discuter sur l’assurance chômage.

Le décret prévoyait un délai jusqu’au 31 décembre. Le Gouvernement a donc accepté de prendre un décret dit de jointure, qui court jusqu’au 30 juin 2024.

Ainsi, madame la sénatrice, la question ne porte pas sur le journal de vingt heures de telle ou telle chaîne de télévision, mais sur la réponse des partenaires sociaux. Celle-ci devait être rendue le 26 mars. Ils ont demandé un report au 8 avril. La balle est donc dans leur camp, jusqu’à la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, l’article L. 1 du code du travail, c’est aussi l’Unédic !

Que s’est-il passé depuis l’année dernière ? Vous avez fait le choix de soutirer 4 milliards d’euros à l’Unédic par des sous-compensations, au point que cet organisme a dû s’endetter de 1 milliard d’euros pour faire face à ses responsabilités. Vous avez, en quelque sorte, fait les poches de l’Unédic.

Eh bien, madame la ministre, cet État pickpocket, nous le craignons pour les collectivités territoriales, nous le redoutons pour l’Agirc-Arrco et nous le condamnons pour l’Unédic. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K. – MM. Yannick Jadot et Akli Mellouli invitent Mme Frédérique Puissat à les rejoindre sur les travées du groupe GEST.)

réforme de l’assurance chômage (ii)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme le Premier ministre l’a rappelé hier à l’Assemblée nationale, depuis 2017, nous allons vers une société de plein emploi.

Le taux de chômage aujourd’hui est au plus bas depuis vingt-cinq ans. N’en déplaise à ceux qui le prétendent, la France n’a pas perdu de son attractivité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Allo ? Allo ?

Mme Nicole Duranton. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, quelque 3 millions d’emplois ont été créés et nous avons redoublé d’efforts pour réindustrialiser la France.

M. Philippe Mouiller. Bref, tout va bien !

Mme Nicole Duranton. Certains reprochent au Gouvernement d’annoncer une nouvelle réforme de l’assurance chômage à des fins purement budgétaires. (Mêmes mouvements, sur les mêmes travées.)

Accompagner nos concitoyens dans la recherche d’un travail est pourtant bénéfique, car, lorsqu’ils en trouvent un, ils peuvent, la plupart du temps, se réinsérer dans la société. C’est l’un des objectifs annoncés pour la réforme à venir, qui s’inscrit dans la poursuite des engagements du Gouvernement à bâtir un modèle social juste, où le travail paie toujours mieux que l’inactivité.

Je tiens par ailleurs à rappeler aux commentateurs qui se focalisent sur la durée d’indemnisation que celle-ci n’est que l’un des leviers envisagés dans les discussions en cours avec les partenaires sociaux. Il serait bon de laisser ceux-ci travailler… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

En cristallisant le débat sur un seul paramètre, nous risquons d’occulter l’essentiel. Nous faisons confiance au dialogue social et nous saurons le retranscrire dans la loi, comme nous l’avons fait avec le consensus trouvé sur l’accord national interprofessionnel d’avril 2022.

Espérons que les partenaires trouvent un accord pour dégager des solutions, afin que les Françaises et les Français au chômage puissent retrouver le plus rapidement possible le chemin de l’emploi !

M. Rachid Temal. Posez votre question !

Mme Nicole Duranton. Aussi, madame la ministre (Ah ! sur les travées des groupes Les Républicains et SER.), face aux critiques de cette réforme, pourriez-vous nous préciser ses contours et nous indiquer comment elle aidera à atteindre l’objectif d’une société du plein emploi ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Duranton, je vous remercie de votre question, qui me permet de parler plus complètement de l’assurance chômage. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Vous l’avez dit, n’en déplaise à certains, nous sommes clairement sortis de l’époque du chômage de masse.

M. Hussein Bourgi. Vous l’avez déjà dit !

Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est une vraie différence, qui est capitale.

Depuis 2017, je le rappelle, ce sont 2,4 millions de personnes qui ont retrouvé le chemin de l’emploi. Il n’en reste pas moins vrai, mesdames, messieurs les sénateurs, que quelque 400 000 entreprises cherchent à recruter. Vous le voyez bien dans vos territoires, elles ont des offres d’emploi à proposer, mais elles ne trouvent personne pour pourvoir ces postes.

Cela nous renvoie à la question de la formation, que nous devons traiter. En disant cela, je vous réponds sur l’Unédic. Je rappelle que cet organisme, en 2019, était déficitaire de près de 4 milliards d’euros. Non, ce gouvernement n’a pas fait les poches de l’Unédic. Il l’a simplement ramenée à l’équilibre et lui a permis de mettre en place des formations.

Quand, sur les territoires, nous finançons des plans d’investissement dans les compétences, quand nous mettons en place France Travail, c’est l’Unédic qui est mobilisée. Quoi de plus normal que de former celles et ceux qui touchent le revenu de solidarité active (RSA).

C’est le moyen de conforter leur employabilité et de les aider à retourner vers l’emploi. C’est donc le moyen de renforcer l’attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation des finances des départements

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets d’associer à ma question mes collègues axonais, Pascale Gruny et Antoine Lefèvre.

Cela fait maintenant cinquante ans que l’État présente des budgets en déficit. Les collectivités territoriales, elles, les votent en équilibre.

M. Olivier Paccaud. C’est la loi !

M. Pierre-Jean Verzelen. Pourtant, lundi prochain, le président du conseil départemental de l’Aisne proposera un budget en déséquilibre.

Comme tous les départements, nous sommes affectés par la conjoncture économique. Mais, comme un certain nombre d’entre eux, nous sommes confrontés à des difficultés structurelles. Nous bouclons les budgets, ici, grâce à quelques millions d’euros issus des péréquations, là, avec quelques fonds de soutien exceptionnels… Cette situation n’est plus tenable.

Depuis vingt ans, vous le savez, les départements assument en lieu et place de l’État une partie des politiques sociales et de l’accompagnement des plus vulnérables. Nous décalons les investissements dans les collèges. Nous ne pouvons pas consacrer les moyens suffisants aux routes. J’ajoute que, dans les départements ruraux, les collectivités locales doivent se substituer à l’investissement privé pour le déploiement de la fibre optique, pour racheter et maintenir le dernier commerce et pour investir dans la création de maisons médicales.

Si l’on ne change pas le cadre, si l’on n’instaure pas une meilleure répartition des capacités à agir, si l’on ne fait pas régner une plus grande équité, si l’on ne remet pas le modèle à plat, un certain nombre de départements n’auront plus de raison d’exister et se contenteront d’être de simples guichets sociaux.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas devant vous des élus qui viennent se plaindre de leur sort. Vous n’avez pas des gens qui sont dans une démarche politicienne, mais des responsables qui veulent une discussion utile pour bâtir des solutions pérennes. D’ailleurs, nous participons activement aux travaux de la mission Woerth.

Monsieur le ministre, quelle réponse le Gouvernement compte-t-il apporter à ces départements qui sont au bord du précipice ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Olivier Paccaud. Et l’aménagement du territoire, cela n’existe plus ?…

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Pierre-Jean Verzelen, vous avez raison, les départements sont objectivement confrontés à un effet ciseaux. La diminution de leurs recettes, liée à l’effondrement des droits de mutation à titre onéreux, se conjugue à l’augmentation des dépenses sociales.

Il y a des disparités entre les départements, puisque ceux du littoral, où les prix de l’immobilier sont plus élevés, résistent mieux et ont des fondamentaux budgétaires plus solides que les départements de l’intérieur des terres.

Toutefois, votre analyse est objective. De la même manière que l’État a connu en fin d’année des baisses de recettes, les départements connaissent le même phénomène, qui se poursuit et qui plonge plusieurs d’entre eux dans des situations particulièrement complexes.

Plus de 300 millions d’euros, dans les articles 86, 131, 251 et 304 de la loi de finances pour 2024, sont consacrés à trois dispositifs spécifiques prévus pour les départements, dans le domaine de l’enfance et dans celui de l’autonomie, avec un fonds de sauvegarde porté à 106 millions d’euros pour les quatorze départements les plus en difficulté.

S’y ajoute l’augmentation, pour la deuxième année consécutive, de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui porte à 0,5 milliard d’euros le complément de crédits de fonctionnement apporté aux collectivités territoriales.

Toutefois, votre question ne porte pas seulement sur ce que nous avons fait. Vous voulez savoir ce que nous pouvons faire à présent.

De la même manière que vous m’interpellez en vous plaçant sous la bannière d’un état d’esprit constructif, je vous renvoie aux propos tenus la semaine dernière par Gabriel Attal. Répondant dans cet hémicycle à une question sur la dette posée, je crois, par Cécile Cukierman (M. Rachid Temal ironise.), il déclarait que l’objectif était de trouver des chemins collectifs, vu les difficultés des finances publiques à différentes échelles, non pas pour boucher quelques trous, mais pour identifier les réformes de structure à conduire.

Nous ne reviendrons pas aux contrats de Cahors. Mais nécessairement, pour les départements, il faudra porter un regard spécifique, tous les trois ou quatre ans, pour ne pas nous retrouver pris à chaque fois dans des crises conjoncturelles. C’est l’objet de la mission Woerth.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Ses conclusions seront rendues au début du mois de mai. Dans la foulée, nous travaillerons ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Olivier Paccaud. Où est la réponse à la question ?…

éolien en mer

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la mer, le 13 octobre 2017, nous assistions à la mise à l’eau de la première éolienne flottante en France, à Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique.

« C’est une filière d’avenir. J’y crois et je veux que nous soyons l’un des leaders. » Tels sont les mots qu’a prononcés le Président de la République lors des dernières assises de la Mer, le mardi 28 novembre dernier à Nantes.

Nous pouvons être fiers de posséder aujourd’hui en France les savoir-faire et les entreprises susceptibles de construire les turbines, les pales et les sous-stations nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés.

Pour autant, l’horizon n’est pas dégagé pour les acteurs de l’éolien en mer. Selon les grands industriels installés dans mon département, il y a un manque de planification et de visibilité pour atteindre l’objectif de 45 gigawatts en 2050.

Les difficultés rencontrées à Saint-Nazaire par General Electric, qui annonce se séparer de la moitié de ses effectifs, soit 600 salariés, en sont une parfaite illustration. Ayons bien en tête la situation catastrophique que connaît en ce moment la filière photovoltaïque en France : elle risque tout simplement de disparaître. Deux usines vont fermer dans mon département.

Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour garantir une meilleure planification ?

Plus précisément, concernant les appels d’offres, que prévoyez-vous pour renforcer la compétitivité de nos entreprises face à la concurrence étrangère, notamment chinoise ?

En outre, s’agissant de General Electric, que prévoyez-vous pour accompagner ce creux de charge et permettre de conserver les 600 emplois et les savoir-faire ?

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes Breton comme moi. Vous êtes attaché à nos pêcheurs. Comment comptez-vous rattraper les couacs de communication qui ont accompagné la présentation des cartographies des futurs parcs éoliens en mer ? Allez-vous engager une véritable concertation avec les principaux acteurs concernés, en premier lieu avec les pêcheurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Rachid Temal applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité.

M. Hervé Berville, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Grosvalet, je voulais tout d’abord vous remercier de votre implication. Dans nos territoires, y compris votre magnifique département – je profite de l’occasion pour saluer le maire de Saint-Nazaire, M. Samzun –, il nous faut engager trois chantiers fondamentaux.

Premièrement, nous devons assurer la souveraineté énergétique de notre pays et de nos territoires. Nous ne pouvons pas dépendre du gaz russe ou du pétrole venu d’ailleurs.

Deuxièmement, nous avons besoin d’une filière éolienne offshore et flottante qui soit française, qui crée de l’emploi et qui rayonne à l’international. Le développement des énergies renouvelables est un enjeu essentiel pour mener à bien la transition écologique que nous appelons tous de nos vœux.

M. Rachid Temal. Et concrètement ?

M. Hervé Berville, secrétaire dÉtat. Troisièmement, il est nécessaire de prendre en compte les zones de pêche, les zones de protection forte et les zones de développement touristique dans le cadre de la planification.

Très concrètement, nous avons lancé un exercice inédit de planification en mer depuis le mois de janvier de cette année. Pendant six mois, tout le monde pourra y participer, afin de réfléchir à la construction des éoliennes, à leurs retombées économiques, ainsi, bien évidemment, qu’aux effets sur l’emploi. J’invite tous ceux qui souhaitent contribuer à le faire. Vous l’avez fait vous-même dans votre département.

Il faut – nous le devons aux industriels que vous avez mentionnés – mener à bien ce travail de planification et lui donner de la visibilité. C’est la raison pour laquelle nous allons lancer un méga-appel d’offres sur l’éolien offshore de 10 gigawatts au mois de janvier 2025, à l’issue de ce travail.

Ensuite, nous devrons travailler avec les lycées professionnels, avec les régions et, plus généralement, avec l’ensemble des collectivités, afin de disposer des formations et des compétences dans nos territoires, de ne pas importer les différents composants et d’avoir une filière de l’éolien flottant qui permette de renforcer notre souveraineté et de favoriser la réindustrialisation de notre territoire.

Voilà notre horizon ! Je vous remercie une nouvelle fois de votre travail et de votre contribution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation à haïti

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux.

Mes chers collègues, je dispose de deux minutes pour vous emmener dans une région du monde qui nous fait rêver et où, pourtant, se joue un terrible drame. J’associe à ma question les membres du groupe d’amitié, avec lesquels j’ai préparé une résolution – je pense à tous nos collègues de la zone caraïbe, en particulier Catherine Conconne et Victorin Lurel.

Je dispose de deux minutes pour parler d’Haïti, un pays auquel notre histoire nous lie intimement depuis 1804, et des Haïtiens, qui, comme le rappelait Alexandre Dumas, n’ont cessé d’être Français qu’après avoir fourni leur « contingent de gloire » à la France.

Haïti, vous le savez, est aujourd’hui au centre d’un cataclysme. Car quel pays pourrait résister à l’assassinat de son président, Jovenel Moïse, à une Assemblée nationale vide depuis 2023 et à la démission du septième premier ministre en l’espace de quatre ans le 11 mars dernier ?

C’est un fait : le pays n’est plus dirigé. La mise en place d’un conseil de transition pour restaurer l’ordre public et démocratique dans un pays qui n’a pas voté depuis 2016, ainsi que de l’état d’urgence – il s’achève officiellement aujourd’hui –, n’a pas empêché le déplacement de 400 000 personnes et la prise de contrôle de la capitale par des gangs responsables de pillages et de viols collectifs.

Selon le bureau intégré des Nations unies, sous ces tristes tropiques, la violence a fait plus de 8 400 morts et 1 700 blessés en 2023. La République dominicaine, qui a déjà accueilli 700 000 Haïtiens et qui essaie d’endiguer l’afflux massif de réfugiés, mérite tout notre soutien.

Face à la crise humanitaire, dont nous semblons avoir pris conscience tardivement, qu’attendons-nous pour répondre à l’appel des Nations unies pour le déploiement d’une force internationale, à la fois pour protéger la population et pour créer les conditions d’une reprise du processus démocratique ? Six pays ont déjà proposé leur aide. Qu’entendez-vous faire, madame la secrétaire d’État ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – M. Bruno Belin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et des partenariats internationaux.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice, chère Hélène Conway-Mouret, vous avez raison de souligner à quel point la situation sécuritaire en Haïti s’est fortement dégradée ces dernières semaines, avec des conséquences humanitaires catastrophiques.

Tout d’abord, je veux vous dire que la France condamne avec la plus grande fermeté les attaques des groupes criminels. Rétablir l’accès humanitaire est une priorité pour notre pays et pour l’Union européenne. Nous soutenons activement les efforts de la communauté internationale en vue d’une solution politique en terre haïtienne.

J’ai représenté la France à la réunion organisée par la Communauté caribéenne (Caricom), le 11 mars dernier, aux côtés des États-Unis, du Canada et du Mexique.

La France salue les progrès effectués dans la constitution du conseil présidentiel de transition issu de l’accord de Kingston. Elle appelle désormais les membres du conseil présidentiel à désigner rapidement un nouveau Premier ministre pour établir la sécurité publique et préparer la tenue des élections.

Nous appelons au déploiement rapide de la mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, que nous soutenons à hauteur de 3,85 millions d’euros, via l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Et nous avons alloué un million d’euros de plus en 2024 pour soutenir la police haïtienne, qui est en première ligne dans la lutte contre les groupes armés.

La France a organisé à la fin du mois de mars dernier des affrètements spéciaux pour permettre aux ressortissants les plus vulnérables de quitter le pays. Ainsi, 243 personnes ont été prises en charge, dont 79 ressortissants étrangers. L’ambassade de France à Port-au-Prince continue de fonctionner et demeure pleinement mobilisée, au soutien de la communauté française sur place. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)

M. Rachid Temal. Et concrètement ?

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la secrétaire d’État, si nous saluons évidemment les efforts consentis par la France, je vous questionnais sur l’avenir. Et j’aurais aimé entendre un engagement de la France bien plus fort, en réponse à l’appel des Nations unies.

Convenez-en, la situation est intenable et ma question demeure sans réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Bruno Belin applaudit également.)

réforme de l’assurance chômage (iii)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé une nouvelle réforme de l’assurance chômage, la quatrième depuis qu’Emmanuel Macron a été élu, en 2017. Face aux déficits, vous cherchez 50 milliards d’euros. Et, plutôt que de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de taxer les super profits, vous cherchez encore une fois à faire des économies sur le dos des pauvres. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Non, monsieur le Premier ministre, envisager une réduction de la durée et du niveau d’indemnisation, ce n’est pas inciter les gens à reprendre le travail ! Le chômage n’est ni un choix ni un confort. Il est toujours le résultat d’un accident de vie. Éloignement des bassins d’emploi, saturation du marché du travail et discrimination à l’embauche sont autant de problématiques qu’il faut régler en priorité.

Le chômage ne s’explique pas par un prétendu attrait pour l’assurance chômage. Les chômeurs connaissent en réalité une double peine : celle des sentiments d’exclusion et d’inutilité et celle de la précarité.

Ainsi, 35 % des chômeurs sont touchés par la pauvreté : ceux-là sont deux à quatre fois plus nombreux en outre-mer ; celles-ci sont aussi des mères à la tête d’une famille monoparentale et, bien souvent, sans solution de garde, que vous allez, en contradiction totale avec les recommandations de la délégation aux droits des femmes, encore précariser.

Dans un contexte d’inflation, de cherté de la vie et de crise du logement, les ménages les plus modestes doivent chaque jour choisir entre se loger et se nourrir. Appauvrir ces Français précaires, c’est créer encore plus de dettes locatives et d’expulsions.

Comme l’a rappelé la secrétaire générale de la CFDT, le régime d’assurance chômage ne saurait être une variable d’ajustement budgétaire. J’ajoute que les chômeurs ne sont responsables ni du déficit ni de votre incapacité à gérer le budget de l’État.

Au lieu d’appauvrir les chômeurs, allez-vous permettre à tous nos concitoyens, en emploi ou privés d’emploi, de vivre dignement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Corbière Naminzo, je pense que nous pouvons partager la fin de votre commentaire.

La stratégie de ce gouvernement est précisément de sortir les femmes et les hommes du chômage qu’ils subissent aujourd’hui pour les amener vers l’emploi. Car la seule émancipation, c’est l’emploi !

Je vous rejoins sur un autre constat : l’une des priorités est de traiter les difficultés, qu’il s’agisse du logement ou de la garde d’enfants.

C’est le sens de ce qui est fait dans le cadre de France Travail, dont l’une des missions est de recevoir les bénéficiaires du RSA pour réaliser avec eux un bilan de leur situation, y compris sur le logement ou la garde d’enfants. Je pense notamment aux crèches à vocation d’insertion professionnelle (Avip), qui permettent aux demandeurs de faire garder leurs enfants pour aller vers la recherche d’emploi. L’idée est ensuite de permettre leur immersion pour les former et les aider à aller vers le travail.

La nouveauté, avec France Travail, c’est que les accords conclus avec les entreprises permettent une telle immersion, favorisant ainsi l’inclusion dans l’entreprise.

Vous le voyez, à la notion de chômage de masse, nous opposons celle de retour à l’emploi. Pour cela, il y a un financement qui vient de l’Unédic. Néanmoins, madame la sénatrice, pourquoi l’assurance chômage est-elle redevenue bénéficiaire ? Précisément parce que 2,5 millions de Français ont retrouvé le chemin de l’emploi !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ils ont surtout été radiés des listes !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Ne confondons donc pas les ajustements budgétaires et la réalité du travail. Ce sont deux sujets complètement différents.

Nous continuerons à agir pour l’accompagnement de nos concitoyens et, bien évidemment, pour l’attractivité du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Sept journées de réflexion se sont écoulées depuis notre dernière séance de questions, et je m’interroge toujours sur la situation de nos comptes publics.

Certains jours, comme celui où mon fils rapporte, à l’instar de tous les écoliers, une pièce de 2 euros sur les jeux Olympiques – l’opération a coûté 16 millions d’euros ! –, je me dis que tout va bien. (M. Éric Bocquet sesclaffe.) Mais quand je lis le journal, ce n’est plus la même chanson. On nous parle de milliards d’euros – on ne sait même plus combien ! – de déficit…

Aussi, où en sommes-nous, monsieur le ministre ? Quels sont les montants en cause ? Et quelles solutions allez-vous proposer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Belin, je vous remercie de cette question très ouverte (Sourires.) sur la situation de nos finances publiques.

Je pense que nous partageons les objectifs. Peut-être y a-t-il aussi un peu de frustration ?

Mme Sophie Primas. En effet ! Le 49.3…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, vous aviez proposé 45 milliards d’euros d’économies. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais ces économies qui, selon vous, étaient à notre portée et que nous n’aurions pas saisies auraient eu pour effet de faire disparaître la politique du logement !

Mme Sophie Primas. Parlons-en, de votre politique du logement !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Zéro euro pour le logement ! Zéro euro pour la cohésion des territoires ! Zéro euro pour l’audiovisuel public ! Zéro euro pour les sports ! Voilà ce que vous nous proposiez en deuxième partie du projet de loi de finances.

Quant aux 7 milliards d’euros que vous espériez récolter en première partie, ils étaient fondés sur une augmentation de 20 % des prix de l’électricité… Tel n’a pas été notre choix.

M. Jean-François Husson. Répondez à la question !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Vous avez voulu supprimer les crédits pour la formation des enseignants. Vous avez voulu retirer 1,4 milliard d’euros au plan de relance.

M. Olivier Paccaud. Ils ne sont pas consommés depuis dix ans !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il n’est pas trop tard pour bien faire, monsieur le sénateur. Bruno Le Maire, Frédéric Valletoux et moi-même avons convié toutes les forces politiques pour échanger sur la situation des finances publiques et écouter leurs propositions. Votre groupe n’était pas représenté à cet échange.

M. Xavier Iacovelli. La politique de la chaise vide !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je reste ouvert à la discussion, pour que nous continuions à construire ensemble les économies nécessaires pour redresser nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Pas brillant !

M. Jean-François Husson. Zéro pointé !

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.

M. Bruno Belin. Je vous ai bien écouté, monsieur le ministre, et je n’ai pas entendu de solution dans vos propos.

Réduire le train de vie de l’État ? Oui, mais sur quoi ? Nous savons très bien que l’essentiel, c’est la masse salariale.

S’attaquer à la santé, aux affections de longue durée (ALD) ? Mauvaise idée !

Instaurer des franchises sur les médicaments ? Il faudrait déjà régler la question des pénuries, car pas beaucoup sur pas grand-chose, cela ne fait pas lourd ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

S’attaquer aux collectivités territoriales ? Mauvaise idée ! Au contraire, il faut les renforcer : elles sont responsables des trois quarts des financements et des investissements publics.

Nous attendons en effet un projet de loi de finances rectificative, exercice de vérité et de sincérité. Au Sénat, nous avons effectivement proposé une moindre dépense de 7 milliards d’euros, sous l’autorité du rapporteur général, Jean-François Husson. Écoutez-nous !

Je terminerai en ayant une pensée pour le président Pompidou, dont on a commémoré hier le cinquantenaire du décès. C’est le dernier chef d’État sous lequel il y a eu un budget en équilibre dans ce pays ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

annonces sociales du premier ministre

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Madame la ministre, vous avez été interrogée à plusieurs reprises sur l’assurance chômage.

Pour ma part, j’ai une question simple. Assumez-vous le choix du gouvernement auquel vous appartenez de faire financer les déficits publics par les demandeurs d’emploi,…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Ce n’est pas du tout ce que nous faisons ! Cessez avec ça !

Mme Monique Lubin. … par les personnes les plus en difficulté, par les salariés et, plus largement, si j’en crois les rumeurs, par les assurés sociaux, plutôt que par les hauts revenus et les dividendes, qui explosent ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Lubin, j’ai effectivement répondu à plusieurs reprises à cette question, mais je veux bien recommencer : je crois que nous avons deux visions totalement opposées.

Mme Audrey Linkenheld. C’est sûr !

Mme Catherine Vautrin, ministre. La vision de la majorité à laquelle j’appartiens consiste à lutter contre le chômage de masse. Le moins que l’on puisse dire est que les majorités que vous avez soutenues en d’autres temps n’avaient pas forcément la même approche…

Notre démarche se mesure aux résultats. Encore une fois, 2,7 millions de personnes ont retrouvé le chemin de l’emploi depuis 2017 !

M. Rachid Temal. Il n’y a plus de chômeurs ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Et pourquoi l’assurance chômage était-elle déficitaire ? Parce qu’il y avait tellement de demandeurs d’emploi que cela faisait moins de cotisations !

Aujourd’hui, nous avons plus de cotisations. Je répète que le produit de ces cotisations sert à financer la formation des demandeurs d’emploi.

Notre objectif est d’accompagner concrètement les personnes les plus éloignées de l’emploi. Nous avons un bon taux d’emploi, sauf peut-être chez les seniors, où il est de 45 %, et chez les jeunes.

Dans ces conditions, celles et ceux qui ont des difficultés pour trouver un emploi ont besoin que l’on travaille sur leur employabilité. Pas plus tard que ce matin, j’ai rencontré un demandeur d’emploi de 55 ans. (Rires ironiques sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Comme cela ? Par hasard ?…

M. Hussein Bourgi. Vous lui avez conseillé de traverser la rue ?…

Mme Catherine Vautrin, ministre. Riez autant que vous le voulez, mais moi, cela ne m’amuse pas, car ce sont les difficultés que vivent nos concitoyens ! Essayez de retrouver un travail à 55 ans ! Je ne sais pas combien parmi vous ont été au chômage…

La différence entre vous et nous, c’est que, nous, nous recherchons des solutions concrètes, tandis que, vous, vous êtes dans les postures ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Mme Françoise Gatel applaudit également. – Brouhaha sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Madame la ministre, il me semble opportun de rappeler quelques chiffres : 6 millions de chômeurs sont inscrits à France Travail, dont 2,6 millions sont indemnisés, et la moitié travaillent tous les mois ; l’allocation moyenne est de 1 035 euros.

Nous sommes loin des nantis et des profiteurs dont nous entendons parler !

Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est vous qui en parlez !

Mme Monique Lubin. Vous venez de citer les chômeurs de plus de 55 ans. Or j’ai cru comprendre que vous aviez aussi pour projet de réduire la durée d’indemnisation. Que restera-t-il alors aux chômeurs ?

Ils n’auront plus la possibilité de se donner du temps pour chercher un emploi qui soit rémunéré à la hauteur de ce qu’ils avaient auparavant et de même qualité. Ils n’auront plus le temps de se former et, éventuellement, de changer d’orientation. Ce sera la course effrénée à l’emploi, quels que soient sa qualité et le montant de ressources qu’ils en tireront pour leur famille.

Que leur restera-t-il après tous ces mois ? L’allocation de solidarité spécifique (ASS). Ah non, c’est vrai, vous l’aurez supprimée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Ils se tourneront alors vers le RSA, c’est-à-dire vers les départements, ces collectivités dispendieuses dont vous ne cessez de critiquer la gestion et que vous allez saigner à blanc.

C’est cela, madame la ministre, les choix politiques et le projet de vie pour les Français de ce gouvernement : tout contre les assurés sociaux, tout contre les salariés et tout contre les plus pauvres, au bénéfice de ceux qui gagnent le plus et à qui l’on ne demande rien ! Les salariés s’en souviendront ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

compétence « eau et assainissement »

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

En ce cinquième anniversaire de la mort de Georges Pompidou (Ah ! sur les travées du groupe SER.), Président de la République auvergnat, sa réflexion est encore plus d’actualité : « Arrêtez d’emmerder les Français ! »

Cinquante ans après, vous imposez à la ruralité le transfert obligatoire des compétences « eau et assainissement » et le zéro artificialisation nette (ZAN) sur l’ensemble des territoires. Vous modifiez les zonages et les critères des zones de revitalisation rurale (ZRR).

Monsieur le ministre, quelle écoute et quelle confiance accordez-vous aux élus de nos territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Boyer, vous m’interrogez sur l’un des quatre axes de France ruralité qui ont été annoncés le 15 juin dernier, en l’occurrence celui des ZRR, dispositif renommé FRR (France Ruralités Revitalisation).

Il s’agit de permettre à nos artisans, à nos commerçants et à nos médecins qui sont installés dans les zones rurales de bénéficier de déductions de prélèvements fiscaux ou de charges sociales.

Oui, dans le projet de loi de finances pour 2024, nous avons proposé que 17 700 communes soient concernées par le zonage, afin que les acteurs économiques, les artisans, les commerçants et les médecins de ces territoires bénéficient de la défiscalisation.

Vous me dites qu’un certain nombre de communes de la ruralité, parfois même de la ruralité profonde, sortent aujourd’hui du zonage ? En effet ! Quand on établit un zonage, il y a des communes qui entrent et d’autres qui sortent. En l’occurrence, il y en a 6 000 qui entrent.

Cependant, même si je sais que vous avez parfaitement compris ce que nous avons fait – vous avez travaillé sur le sujet –, je vous indique que je suis au travail avec mon cabinet pour trouver, sous l’autorité du Premier ministre, des solutions pour les communes exclues du dispositif du fait du zonage. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.

M. Jean-Marc Boyer. Madame la ministre, je vous interrogeais sur l’eau et l’assainissement… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Béchu déclarait sur ce sujet au mois de décembre dernier : « Nous devons faire preuve de souplesse, sans obliger le transfert de la compétence à l’intercommunalité. » Or, dans la réalité, vous ne faites pas confiance aux élus. C’est toujours le « en même temps ».

En ce qui concerne le ZAN, vous ne voulez céder en rien. Le Sénat vous propose la garantie rurale d’un hectare, la mutualisation et la différenciation selon les territoires. Vous n’écoutez pas les élus de terrain. Vous restez toujours dans le « en même temps ».

Idem pour les ZRR : vous refusez le maillage communal, excluant ainsi 3 000 communes du dispositif.

Aussi, allez-vous longtemps vous laisser dicter votre politique par des conventions citoyennes dont le seul postulat est de soi-disant sauver la planète ?

Vous vous enfermez dans ces certitudes d’une écologie punitive, muselant les élus des collectivités, qui n’auront plus la gestion de l’eau ni de l’urbanisme. En ne les écoutant pas, vous participez à une politique liberticide, source de décroissance, qui marginalise la France en Europe et dans le monde.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Marc Boyer. Faites confiance au bon sens auvergnat, qu’incarnait si bien Georges Pompidou ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

oraux de fin de sixième année de médecine

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention, porte sur le concours de fin de sixième année de médecine. Celui-ci est fondamental, car il détermine la spécialité et la région d’exercice des futurs praticiens.

Or il a été réformé en même temps que le numerus clausus a été supprimé. C’est cette année que la réforme entre en vigueur : l’épreuve écrite de fin de sixième année est remplacée par un concours écrit organisé en début d’année et un concours oral en fin d’année appelé Examen clinique objectif et structuré (Ecos).

Cet examen oral consiste en une série de jeux de rôle, l’étudiant devant visiter des stations où l’attendent des patients interprétés par des volontaires rémunérés. L’intention est bonne, puisqu’il s’agit d’évaluer sa capacité à avoir les bons réflexes en situation.

Malheureusement, les premiers Ecos blancs, organisés le 12 mars dernier, ont révélé de nombreux dysfonctionnements : étudiants interrogés par des connaissances ou même par des proches ; étudiants ayant trouvé le brouillon de leurs prédécesseurs d’une station à l’autre ; étudiants ayant entendu le passage des précédents au travers des cloisons ou de simples paravents ; fuite de sujets ; perte de grilles d’évaluation ; examinateurs ne connaissant pas leur rôle ou diffusant des indices…

Bref, les défaillances sont nombreuses, et c’est une catastrophe qui rompt manifestement l’égalité des chances entre candidats.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que le concours de fin de sixième année, certainement le plus décisif de leur vie, où un centième de point peut faire la différence, ne s’apparente pas à une loterie ? À deux mois des examens seulement, une solution pourrait consister à rendre les Ecos validants, mais pas classants. Pourriez-vous l’envisager ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Anne-Sophie Romagny, vous avez raison de rappeler que ces épreuves sont une innovation dans le parcours de formation des futurs médecins. Elles ont pour objet de se fonder plus sur les examens cliniques et moins sur les QCM et l’apport théorique, afin de mieux juger les élèves à ce moment de leur formation.

L’examen blanc que vous avez mentionné était un test grandeur nature. Il a permis de déceler un certain nombre de dysfonctionnements – appelons un chat un chat – et d’envisager un certain nombre d’ajustements pour les épreuves qui auront lieu les 28 et 29 mai prochain. Celles-ci sont effectivement importantes, car elles sont – vous l’avez souligné – classantes.

Les enseignements tirés de l’épreuve-test permettront, grâce au travail d’un jury, de procéder à des ajustements. En revanche, il n’est pas possible de modifier la nature de l’examen en cours de route. D’ailleurs, son caractère classant, auquel vous avez fait référence, est prévu dans la loi.

Peut-être envisagerons-nous avec Sylvie Retailleau – nous allons certainement y réfléchir – des améliorations pour l’année prochaine s’il y a des soucis à l’issue des épreuves du mois de mai. Mais si le test a été réalisé, c’est précisément pour permettre des adaptations et faire en sorte que les examens du mois de mai se passent le mieux possible.

Tout est mis en place pour qu’un jury national puisse tirer les enseignements de l’épreuve test, afin que les dysfonctionnements constatés – vous les avez rappelés – puissent être corrigés.

Je souhaite tout de même rappeler un chiffre. Selon les évaluations, pour 96 % des 8 041 étudiants qui ont pris part à ces Ecos, il n’y a eu aucune difficulté. Il y a effectivement des cas résiduels qui posent problème, et nous les prenons en compte ; nous le ferions même s’il n’y en avait qu’un seul.

Il sera procédé à des ajustements pour que les épreuves se passent le mieux possible à la fin du mois de mai. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour la réplique.

Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur Valletoux, vous aimez les chiffres, et moi aussi. Aujourd’hui, une pétition circule, avec près de 8 300 signatures.

On ne peut pas ignorer le drame que vivent certains étudiants et sacrifier ceux de cette année en se disant que l’on procédera peut-être à des changements pour l’an prochain. Il s’agit tout de même du concours d’une vie ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

menaces de mort visant le proviseur du lycée maurice-ravel à paris

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Madame la ministre, les événements survenus au lycée Maurice-Ravel de Paris, qui ont conduit à la démission de son proviseur, sont devenus le nouveau symbole de la lâcheté face à l’offensive islamiste.

Le rectorat de Paris a maladroitement justifié son départ pour convenance personnelle, mais plus personne n’est dupe : ce proviseur a démissionné pour protéger sa sécurité, parce qu’il était la cible de menaces de mort et parce que, en 2020, un professeur, Samuel Paty, a été décapité, tout comme un autre professeur, Dominique Bernard, a été assassiné voilà moins de six mois.

Oui, madame la ministre, l’offensive islamiste se déploie dans nos écoles. Elle pousse les enseignants à l’autocensure, elle piétine les valeurs républicaines et elle tue.

À la fin, ce que les Français ont retenu de cet épisode, c’est la démission du proviseur face à des élèves qui, volontairement et en toute conscience, voulaient défier la loi de la République.

La République a cédé devant l’obscurantisme : voilà le message qui a été délivré. Or l’école ne doit pas être simplement un sanctuaire. Elle est bien plus que cela, car elle préfigure notre civilisation.

Quand on défend la laïcité telle que notre République l’a conçue, on défend la cohésion nationale, le développement de l’esprit critique, les libertés individuelles et l’État de droit. Sur tous ces tableaux, si l’école sombre, c’est la France qui sombre.

Madame la ministre, au-delà des brigades de sécurité et des décisions ponctuelles, nous attendons une réponse systémique.

Comment comptez-vous non seulement mieux protéger nos élèves, mais également mieux accompagner les enseignants et les chefs d’établissement au quotidien, les épauler et les soutenir, chaque fois qu’ils sont menacés, sans jamais attendre que les choses se dégradent ? (M. Stéphane Ravier sexclame.)

Ne cédons plus un pouce de terrain à ceux qui veulent abattre l’école, mais aussi, au travers de l’école, la République, et au travers de la République, la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Evren, le Gouvernement et moi-même vous rejoignons sur bien des points.

La laïcité est un fondement incontournable de notre République et de notre école. On ne peut bien apprendre que dans une école où les principes de la laïcité sont respectés, car ils créent le terreau commun à l’ensemble de nos élèves et de nos professeurs. Je le répète, nous serons de ce point de vue d’une totale intransigeance et aux côtés de nos équipes éducatives.

La réponse que nous avons construite à la suite des événements dramatiques et des assassinats islamistes terroristes que nous avons connus – vous avez évoqué Samuel Paty et Dominique Bernard – est, j’en suis sûre, efficace.

Nous sommes aux côtés des établissements. Dès qu’un événement s’y produit, nous déployons un bouclier de protection, en lien avec les forces de l’ordre et les équipes académiques, et nous agissons au plan juridique.

Au moindre incident sur les espaces numériques, nous suspendons les messageries de manière à arrêter la circulation des messages malveillants.

Nous proposons également à nos équipes un soutien de proximité, qu’il soit psychologique ou juridique, avec la protection fonctionnelle.

Voilà quelques jours, dans l’affaire qui concerne le proviseur du lycée Maurice-Ravel, M. le Premier ministre a souhaité que l’État porte plainte pour dénonciation calomnieuse.

J’ai moi-même annoncé récemment que l’État se porterait systématiquement partie civile dès qu’il sera porté atteinte à l’école. En effet, là où l’État porte plainte, l’école peut demander réparation. C’est un point d’une importance absolue.

Madame la sénatrice, notre réponse est globale, ferme et intransigeante. La laïcité est un principe cardinal. Nous serons définitivement arc-boutés sur son respect, à l’école et pour la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

situation sociale de la france

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marion Canalès. Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, la Défenseure des droits vient de dévoiler le regard inquiet qu’elle porte sur l’état des droits et libertés dans notre pays : qu’elles concernent l’enfance ou encore les services publics, les atteintes se multiplient.

Or le devoir de protection sociale et de solidarité est inscrit dans le préambule de notre Constitution ; ce n’est pas rien.

On dit souvent que le degré d’une civilisation et d’une société se mesure à la manière dont y sont traités les citoyens les plus vulnérables ; j’ajouterai : ainsi que tous ceux qui les accompagnent.

Quelque 1,3 million de travailleurs sociaux, dont 90 % de femmes, œuvrent au quotidien. Que leur dites-vous ? Chacun de nous a été ou sera en contact avec eux ; chacun de nous aura besoin d’eux. Depuis des années, ces hussards bleus, blancs ou rouges de la République et de la solidarité alertent : le point de rupture est proche.

Demain encore, ils manifesteront partout en France. Plus que de gratitude, ils ont besoin d’actes. Que leur direz-vous ?

La logique gestionnaire et les politiques de destruction sociale les fragilisent. Il est essentiel de mieux les rémunérer, de mieux reconnaître leurs compétences et de mieux les former. Que leur direz-vous ?

Alors même qu’ils sont très souvent invisibilisés, comme les publics qu’ils accompagnent, sans eux, il n’y a pas de pacte social.

Le déficit d’attractivité de leurs métiers conduit au report vers l’intérim, voire à une ubérisation qui dégrade le lien offert, voilà la réalité. Près de 30 000 postes sont vacants, 150 000 professionnels partiront à la retraite dans les deux prochaines années et 90 000 d’entre eux sont déjà partis.

Dans ces métiers toujours, en 2021, le salaire médian était inférieur au Smic, et les accidents du travail trois fois plus nombreux qu’ailleurs. Ces chiffres corroborent d’ailleurs l’idée selon laquelle plus un métier se féminise, plus il se précarise. Que dites-vous à ces personnes ?

Leurs compétences, souvent considérées comme naturelles, sont dévaluées.

Pour la première fois, des magistrats ont alerté sur la situation préoccupante du secteur de l’enfance. Devant le risque imminent de craquage du service social, quand présenterez-vous enfin une feuille de route ambitieuse et budgétée pour retrouver la confiance de ces professionnels et tracer des perspectives ?

Comptez-vous intégrer au Ségur celles et ceux que vous continuez d’en exclure pour permettre une revalorisation salariale ?

Enfin, en matière de protection de l’enfance, quand le décret établissant les taux et normes d’encadrement des établissements, prévu par la loi de 2022, sera-t-il enfin pris ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice, je vous remercie tout d’abord de cette question, qui met en avant le travail de l’ensemble des travailleurs sociaux de notre pays, qu’ils soient fonctionnaires ou membres d’associations.

Je voudrais souligner leur engagement au quotidien. Les missions locales, par exemple, jouent un rôle absolument essentiel d’accompagnement de nos jeunes.

Pendant cette session de questions au Gouvernement, il a beaucoup été question du lien à l’emploi. Je voudrais souligner la capacité des travailleurs des missions locales à rencontrer les jeunes sur le terrain et à les ramener dans un premier temps vers la mission locale, avant de travailler avec eux, dans un second temps, dans la perspective du retour vers l’emploi.

Madame la sénatrice, vous évoquez la reconnaissance.

Je vous remercie d’avoir cité le Ségur de la santé, qui a tout de même constitué, pour le fonctionnement de la fonction publique hospitalière, une avancée essentielle. Je rappelle que le Ségur a produit ses effets les plus récents en janvier dernier, lorsque l’indemnité pour les sujétions de garde et de week-end a été revalorisée.

En parallèle, nous travaillons encore sur le Ségur de l’investissement, pour les établissements médico-sociaux hospitaliers.

J’ai également un travail à mener sur les postes vacants, y compris avec ma collègue Sylvie Retailleau dans le cadre de Parcoursup, pour améliorer la lisibilité des parcours de formation aux métiers des travailleurs sociaux.

Incontestablement, les occasions qu’offrent ces métiers sont insuffisamment connues. Il faut travailler sur les passerelles qui permettent de s’engager dans des logiques de carrière.

Voilà la reconnaissance d’un État dans lequel, nous le savons tous, l’égalité des chances est le moteur de la cohésion. Il passe par les travailleurs sociaux.

Mme Laurence Rossignol. Quel blabla !

prise en charge des enfants en situation de handicap

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le ministre, je veux commencer mon intervention en saluant les nombreuses associations et institutions, ainsi que les départements qui œuvrent au quotidien pour une prise en charge de qualité des personnes handicapées.

Malheureusement, en raison de la complexité administrative et de moyens qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, ils ne peuvent apporter toutes les réponses.

J’en veux pour preuve les articles ou les reportages mettant en exergue les problèmes que posent certaines conditions d’hébergement, de traitement et de soins dans le secteur du handicap.

Le reportage qui a été diffusé le 24 mars dernier sur M6 n’a laissé personne insensible. Quel choc ! Quelle indignité et surtout quelle honte ! Des enfants maltraités, des adultes malmenés, des parents interdits de visite, des conditions d’hébergement déplorables… Où en est la prise en charge des personnes handicapées ?

Les mots ne sont pas assez forts pour dénoncer les nombreux dysfonctionnements d’un système qui laisse à l’abandon des personnes vulnérables, alors que celles-ci, au contraire, devraient être une priorité dans notre pays.

Loin de moi l’idée de vouloir stigmatiser quiconque ou généraliser : mon propos vise plutôt à regarder en face une réalité inexcusable, celle où l’insuffisance de la prise en charge et du contrôle des établissements accueillant des personnes handicapées est criante.

Si ces personnes doivent être au cœur des actions à mener, il ne faut pas oublier leurs familles, qui, en plus d’être désemparées, sont bien souvent livrées à elles-mêmes faute de place.

Enfin, à l’heure où l’on parle d’inclusion, force est de reconnaître que celle-ci n’est pas au rendez-vous. Les témoignages de parents d’enfants autistes, notamment, en attestent.

Face à ces difficultés, nous attendons des réponses. La ministre Fadila Khattabi a annoncé que tous les établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes handicapées seront contrôlés et que la parole des victimes sera libérée, et ce à partir de 2025. Désormais, nous attendons des garanties et des moyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Arlette Carlotti et MM. Hussein Bourgi et Éric Bocquet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, je m’associe à vos propos et à votre condamnation très ferme de toutes les situations de maltraitance, lorsqu’elles sont avérées. Qu’elles soient volontaires ou le résultat de négligences, elles sont intolérables. Nous ne devons pas les laisser passer.

Pour autant, comme vous le dites très bien, il ne faut pas jeter l’opprobre sur une profession et sur un ensemble d’acteurs, qui, au quotidien, sont tout de même plus nombreux à prendre en charge les enfants handicapés dans de bonnes conditions que le contraire.

La ministre Fadila Khattabi a en effet annoncé des moyens pour lutter contre la maltraitance dans les établissements accueillant des enfants handicapés. Il leur sera réservé le même traitement qu’aux établissements recevant des personnes âgées à la suite du scandale Orpea.

Ainsi, des recrutements auront lieu dans les agences régionales de santé pour contrôler efficacement ces établissements. Quelque 130 inspecteurs seront embauchés, en plus des 120 inspecteurs qui l’avaient été à la suite du scandale Orpea.

Ces derniers vérifieront que les conditions d’accueil et d’encadrement sont conformes à la réglementation et que les conditions de prise en charge de ces enfants sont satisfaisantes, au regard de la loi, mais aussi au plan humain.

De la même manière, un certain nombre de dispositions ont été prévues, notamment dans la récente proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie, pour faciliter l’écoute de la parole des familles et des enfants et signaler plus rapidement les cas qui nécessiteraient de l’être.

Pour toutes ces raisons, je pense que la ministre et l’ensemble du Gouvernement ont pris la mesure du problème. Nous agissons très fermement au bénéfice des enfants handicapés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le ministre, 2025, ce n’est pas demain, c’est après-demain, et c’est déjà trop tard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Olivia Richard applaudit également.)

difficultés des professions de santé

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

Monsieur le ministre, en 2023, deux propositions de loi ont été votées en faveur de l’amélioration de l’accès aux soins.

La première donne aux patients un accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) et permet à ces derniers de réaliser une primoprescription. Ces dispositions sont très attendues par les professionnels.

Quant à la seconde proposition de loi, vous la connaissez mieux que quiconque, puisque vous en êtes l’auteur. Au Sénat, nous avons introduit la possibilité de mener une expérimentation à l’échelle nationale de la signature, par les infirmiers volontaires, des certificats de décès quand une personne décède à domicile de façon non violente.

Ma question est simple : quand les décrets d’application seront-ils publiés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Imbert, vous connaissez bien ces questions, en particulier les deux lois auxquelles vous faites référence.

Votre question appelle des réponses précises. J’en ai fait le compte en arrivant : une vingtaine de textes réglementaires doivent être pris en application des deux lois que vous évoquez, mais aussi des lois de financement de la sécurité sociale.

Tous les dispositifs concernés visent en effet à répondre à cette priorité du Gouvernement : faciliter l’accès aux soins pour nos concitoyens.

Sur les vingt mesures d’élargissement de compétences et de simplification qui sont à prendre – vous n’en avez cité que deux –, dix ont été prises et sont déjà pleinement appliquées. Je citerai la possibilité pour les orthoptistes de prescrire des lunettes ou encore l’élargissement de la vaccination aux pharmaciens, aux sages-femmes et aux infirmières.

Pour le reste, tous les décrets seront publiés d’ici à l’été 2024.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Pour répondre précisément à votre question, le décret élargissant la possibilité pour les infirmières de réaliser des certificats de décès à partir de l’expérimentation menée l’année dernière sera pris dans les prochains jours. Je sais combien il est attendu par les élus locaux.

De la même manière, le décret ouvrant l’expérimentation de l’accès aux kinésithérapeutes dans les maisons de santé sera adopté dans le courant du mois d’avril.

Pour ce qui concerne les IPA, la concertation commence. La création des infirmières en pratique avancée – elles épauleront les médecins pour mieux prendre en charge les Français – constitue une véritable avancée à mettre à l’actif de cette majorité.

Le décret relatif à l’élargissement de la primoprescription aux IPA et à l’accès direct dans les structures d’exercice coordonné sera pris, je le répète, d’ici à l’été prochain.

De la même manière, des discussions sont en cours sur la possibilité, pour les pharmaciens, de réaliser des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) de repérage des angines et des cystites, ainsi que sur l’accès direct aux traitements associés. Le décret sera pris au mois d’avril.

Madame la sénatrice, vous auriez pu citer également la création de l’infirmier référent, prévue dans la proposition de loi devenue loi, dont je suis l’initiateur. Là encore, les discussions ont lieu, de manière que le décret soit pris d’ici à l’été.

D’ici à l’été, le dispositif réglementaire sera donc finalisé. Il permettra de concrétiser la délégation de tâches, c’est-à-dire la confiance que nous accordons à d’autres acteurs du soin pour intervenir aux côtés des médecins, au bénéfice des patients et des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Monsieur le ministre, avec tout le respect que j’ai pour vous, je commence à être vaccinée. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par le passé, dans cet hémicycle, deux ministres différents m’ont promis la publication d’un décret. Il s’agissait d’appliquer la loi Santé de 2019, et ce décret n’a jamais été publié !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Je ne suis ministre que depuis sept semaines !

Mme Corinne Imbert. Monsieur le ministre, pas plus tard qu’hier soir, lors de notre débat sur l’hôpital, vous avez fait l’éloge des IPA. Je ne mets pas en doute votre volonté d’améliorer l’accès aux soins, mais allez-y, signez les décrets !

Vous avez du pain sur la planche, si je puis employer cette expression familière. Avec tous les décrets que vous nous annoncez, vous devriez vous y mettre immédiatement…

Quant à l’expérimentation généralisée à l’échelle nationale pour les certificats de décès, ce sont les élus qui attendent. Ce sont aussi les forces de l’ordre, car, quand un élu ne trouve pas de médecin, il appelle la police ou la gendarmerie. Ce sont encore les ARS qui attendent. Mais, surtout, ce sont les familles qui attendent, car elles sont en désarroi et attendent des heures un médecin.

Aussi, monsieur le ministre, mettez-vous au travail !

M. le président. Il faut conclure !

Mme Corinne Imbert. Je le dis très sérieusement, quand la volonté du législateur est claire, elle doit être appliquée ; sinon, c’est un déni de démocratie parlementaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et SER.)

entrisme islamiste à l’école

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Aymeric Durox. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Le 27 mars dernier, nous apprenions la démission du proviseur de la cité scolaire Maurice-Ravel, dans le XXe arrondissement de Paris. Le rectorat a indiqué qu’il s’agissait d’un simple départ en retraite anticipée pour convenance personnelle ; en réalité, il s’agissait d’une démission pour raison de sécurité.

Ce proviseur avait reçu une multitude de menaces de mort après avoir demandé à une élève, le 28 février dernier, de retirer le voile qu’elle portait au sein de l’établissement. Cette dernière avait même prétendu que le proviseur l’avait violentée, et elle avait porté plainte.

Tout cela était faux, mais la fabrique du mensonge, alimentée par les réseaux sociaux, était en marche. Et dès le 1er mars, le lycée était bloqué, au cri de : « Élève frappée, lycée bloqué ! »

Le 16 mars, le témoignage mensonger de l’élève était diffusé par l’organisme islamiste Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE), successeur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), pourtant dissous en 2020. Onze jours plus tard, donc, le proviseur démissionnait.

Nous connaissons cette fabrique du mensonge. C’est exactement la même qui avait conduit à l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020, et le CCIF était déjà impliqué.

Jean-Pierre Obin, auteur du fameux rapport, a déclaré qu’il s’agissait là d’une « victoire » pour les islamistes et d’un « épisode peu glorieux » pour la République.

Depuis cette triste affaire, les messageries de centaines de lycées ont été noyées sous des menaces de terrorisme islamiste, et pas un jour ne se passe sans que de nouvelles menaces de mort envers la communauté éducative soient révélées. Elles ne représentent pourtant que la partie émergée de l’iceberg, d’après un rapport sénatorial d’information paru voilà moins d’un mois.

Par ailleurs, Mickaëlle Paty, la sœur de Samuel, a récemment dénoncé le peu de progrès réalisés depuis ce qui est arrivé à son frère ; elle a mis en cause la responsabilité de l’État.

Aussi, madame la ministre, ma question est simple : comment comptez-vous protéger les hussards noirs de la République face à l’entrisme islamique ? (MM. Stéphane Ravier, Christopher Szczurek, Joshua Hochart et Thierry Meignen applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Durox, j’ai eu l’occasion de le dire lors de ma réponse à votre collègue : nous sommes absolument intransigeants vis-à-vis des atteintes à la sécurité de notre communauté éducative.

Je le redis devant vous : nos enseignants ne sont pas seuls. Nous sommes à leurs côtés, comme nous avons été aux côtés du proviseur du lycée Maurice-Ravel, en nous rendant sur place dès le jour même, le lendemain et les jours suivants, pour le soutenir. Bien entendu, je comprends parfaitement la situation anxiogène qui l’a amené à prendre la décision de se mettre en retrait.

Monsieur le sénateur, nous menons auprès des personnels, je l’ai dit, des actions de sécurité, de soutien psychologique et de soutien juridique. Mais nous avons également mis en place des actions structurantes pour l’ensemble des établissements.

Ces actions structurantes s’articulent autour de trois axes.

Premièrement, ce sont des actions de prévention. Pour cela, nous déployons évidemment des protections matérielles. Je le fais avec mes homologues des ministères de l’intérieur et de la justice. Dès qu’un incident se produit dans un établissement ou à ses abords, nous sommes présents. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Deuxièmement, nous déployons des actions de formation initiale et continue, en direction de l’ensemble de nos personnels, de l’État et des collectivités territoriales.

Troisièmement, et enfin, nous déployons des actions d’accompagnement, dans lesquelles les équipes académiques « Valeurs de la République » sont très présentes. Lorsque les enseignants sont contestés au moment de leurs enseignements, nous proposons également la mise en place d’une cellule pédagogique, afin de leur venir en aide – uniquement à leur demande, car nous respectons la liberté pédagogique des enseignants – et de leur apporter un soutien, en classe et en dehors de la classe.

Bref, l’ensemble de ces dispositifs montrent que nous constituons un véritable bouclier auprès de nos équipes éducatives. Les enseignants ne sont pas seuls : nous sommes en permanence à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réplique.

M. Aymeric Durox. Madame la ministre, cela fait sept ans que le Gouvernement auquel vous appartenez est en charge de l’école et de la France, sept ans durant lesquels nous avons eu Samuel Paty, Dominique Bernard et de nombreux rapports qui n’ont jamais été suivis d’effet.

Le 18 octobre 2020, le Président de la République Emmanuel Macron déclarait que la peur allait « changer de camp ». Rarement une prédiction aura été aussi peu suivie d’effet…

Dans ce domaine-là comme dans tant d’autres, le constat de votre politique est celui d’un échec flagrant. (MM. Joshua Hochart, Stéphane Ravier et Christopher Szczurek, ainsi que Mme Christine Herzog, applaudissent.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 10 avril 2024, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Lors du scrutin n° 168 sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, Mme Lana Tetuanui a été enregistrée comme s’étant abstenue, alors qu’elle souhaitait voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de votre mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

5

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels
Article unique

Adaptation du droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (texte de la commission n° 467, rapport n° 466).

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi de notre collègue députée du Morbihan visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels s’est réunie la semaine dernière et est parvenue à un accord, ce dont nous nous réjouissons.

Ancré dans le quotidien de nos concitoyens, constituant souvent un irritant pour les élus et les chefs d’entreprise, le régime juridique de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage était jusqu’à présent de nature exclusivement jurisprudentielle.

La présente proposition de loi visait donc à inscrire ce régime dans la loi, dans un objectif de lisibilité, de clarté et de sécurité.

Consensuel dans son principe, le texte a néanmoins été remanié par le Sénat de manière très significative et qualitative. Nous ne pouvons que nous réjouir de la conclusion d’un accord en CMP, qui a permis de préserver le principal apport de la Haute Assemblée.

Il nous a en effet paru nécessaire de répondre aux difficultés rencontrées assez fréquemment par les exploitants agricoles face à de nombreux recours pour troubles anormaux de voisinage, parfois dénués de réels fondements et intentés par des personnes qui avaient connaissance de l’activité de leurs voisins au moment de leur installation.

Le régime de responsabilité spécifique pour les agriculteurs que nous avions instauré demeure dans le texte établi en CMP. Nous en avons néanmoins sécurisé juridiquement la rédaction : pour permettre le maintien, ô combien essentiel, d’activités agricoles dans nos territoires ruraux, nous nous sommes attachés à trouver un équilibre entre préservation de la liberté d’entreprendre des exploitants et droit légitime au recours et à la réparation de voisins éventuellement lésés.

Ainsi précisée, cette dérogation au régime général permettra notamment d’exonérer de leur responsabilité des exploitants qui ont modifié leur activité de façon non substantielle ou pour se mettre en conformité avec les lois et règlements.

Je ne puis m’empêcher, mes chers collègues, de vous raconter ce qui est arrivé dans mon département d’Ille-et-Vilaine, où l’interdiction de l’élevage de poules pondeuses en batterie, prévue par la loi Égalim, a conduit des exploitants à développer un élevage en plein air. Certains voisins ont alors considéré que le fait de voir et d’entendre des poules constituait un trouble anormal de voisinage, alors que les exploitants n’avaient fait que se mettre en conformité avec la norme. Si ce texte est adopté, ces derniers seront préservés de tout recours abusif.

Enfin, nous avons souhaité conserver une définition plus précise de la notion d’« installation » de la personne lésée. Ce terme, un peu vague, nous paraissait générateur d’aléas juridiques. Nous avons ainsi abouti, en lien avec la Chancellerie, dont je salue l’esprit coopératif, à une rédaction qui, tout en visant des actes juridiques, demeure aussi large que possible.

En contrepartie, nous avons fait droit à la demande d’un élargissement de la cause exonératoire prévue par le texte à l’ensemble des activités, et non plus aux seules activités agricoles. Voilà qui devrait donner satisfaction à ceux de nos collègues, nombreux, qui avaient évoqué des situations où la proximité d’une crèche avait donné lieu à des recours pour trouble anormal de voisinage jugés recevables.

Équilibré et enrichi – un vrai texte sénatorial ! –, le présent texte semble pouvoir faire l’objet d’un large consensus au sein de notre assemblée. Je vous invite donc, mes chers collègues, à l’adopter en l’état. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, RDSE et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le texte dont nous débattons cette après-midi me tient particulièrement à cœur.

Je veux d’emblée dire ma satisfaction quant à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire : désormais, le code civil disposera que nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

Toutefois, ne nous y trompons pas : si ce texte répond à un besoin réel exprimé dans nos campagnes, il a vocation, tout du moins dans sa première partie, à s’appliquer à toutes les relations de voisinage.

Chacun, en effet, a le droit de jouir paisiblement de sa propriété, de son logement, de son fonds et d’obtenir réparation du préjudice qu’il subit.

L’introduction de ce principe général dans le code civil consacre la jurisprudence de la Cour de cassation. Cela renforce la sécurité juridique du droit français et assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi.

Le texte institue par ailleurs une exception tirée de la théorie dite de la « pré-occupation », afin de trouver un meilleur équilibre entre les différents intérêts en présence.

Ainsi est posé le principe selon lequel celui qui s’installe à proximité d’un lieu particulièrement bruyant ou odorant ne peut se plaindre d’un trouble anormal du voisinage lorsque la nuisance existait déjà au moment de son installation.

Le texte adopté par le Sénat en première lecture restreignait le périmètre de cette exception aux seules activités économiques. Je me félicite que la commission mixte paritaire soit judicieusement revenue à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, qui visait de façon générale toutes les activités, « quelle qu’en soit la nature », ce qui permettra à la proposition de loi de s’appliquer au plus grand nombre de cas possible.

Je salue également le travail de la CMP sur la notion d’installation du voisin lésé, qui figurait dans la proposition de loi initiale.

Guidée par la sagesse de sa rapporteure pour le Sénat, Mme Gatel, que je tiens à saluer, la commission mixte paritaire a choisi, comme l’a fait le Sénat en première lecture, de privilégier la référence à un acte juridique plutôt qu’à une notion de fait, sujette à interprétation.

Je ne peux par ailleurs que me réjouir de la suppression bienvenue des deux alinéas relatifs aux troubles sonores des enfants, d’une part, et à la codification de la jurisprudence du Tribunal des conflits, d’autre part.

Comme je l’avais dit devant vous en séance publique, les mots ont un sens. Les effets sonores causés par les enfants dans les services aux familles, les aires de jeux pour enfants et les installations similaires ne sont pas, sauf cas extrême, des troubles anormaux de voisinage.

Enfin, le Sénat a souhaité étendre le périmètre d’exonération des activités agricoles par l’ajout de dispositions spécifiques dans le code rural et de la pêche maritime.

Il est en effet ubuesque que certains, dérangés par le bruit des tracteurs et des moissonneuses, s’attaquent à ceux qui nous nourrissent, alors même qu’ils avaient connaissance de l’environnement dans lequel ils s’installaient. Désormais, cela ne sera plus possible, et c’est heureux !

En ce qui concerne la portée de cette exemption, le texte de la CMP vise l’hypothèse d’une modification non substantielle de la nature ou de l’intensité des conditions d’exercice de l’activité. Cette rédaction est plus prudente que celle qui avait été adoptée par le Sénat en première lecture. Elle me semble préférable, dans la mesure où il s’agit de restreindre les conditions dans lesquelles la responsabilité civile peut être mise en œuvre.

En somme, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis aujourd’hui est un texte d’équilibre et de concorde, comme l’a souligné la rapporteure. Il définit les contours de ce fameux « vivre ensemble », respectueux de chacun, que j’ai déjà évoqué devant vous. Cette avancée est permise par une rédaction issue d’un travail de compromis réalisé en parfaite intelligence par vos deux assemblées.

Cette proposition de loi contribuera, j’en forme le vœu, dans le droit fil de la politique de l’amiable, à une résolution plus rapide des conflits et à la pacification des relations de voisinage sur l’ensemble du territoire – nous en avons grandement besoin ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels

Discussion générale
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

I. – Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Les troubles anormaux du voisinage

« Art. 1253. – Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.

« Sous réserve de l’article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien, ou à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal. »

II. – L’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation est abrogé.

III. – Après l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 311-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-1-1. – La responsabilité prévue au premier alinéa de l’article 1253 du code civil n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités agricoles existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien, ou à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions, dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal ou qui résultent de la mise en conformité de l’exercice de ces activités aux lois et aux règlements, ou sans modification substantielle de leur nature ou de leur intensité. »

Mme la présidente. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi, dans sa rédaction d’origine, découlait d’une réflexion de longue date autour de la codification du régime de la responsabilité sans faute du fait de troubles anormaux de voisinage.

Cette notion juridique, consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation, repose sur l’appréciation du juge du fond, qui seul détermine la nature du trouble.

Elle est caractérisée, comme le rappelait la rapporteure, par l’existence d’un dommage, le caractère anormal du trouble et une relation de voisinage entre le défendeur et le demandeur – ces éléments étant eux aussi soumis à l’appréciation du juge.

Cette notion s’accompagne d’exonérations, notamment en cas de « pré-occupation », c’est-à-dire de préexistence de l’activité entraînant un trouble anormal du voisinage : à partir du moment où l’activité à l’origine du trouble préexistait à l’installation du voisin, elle ne peut être constitutive d’un trouble anormal du voisinage. Tout cela apparaît assez logique.

Toutefois, le texte qui nous est présenté à l’issue de son examen par chacune des chambres du Parlement répond à des objectifs qui visent à exclure, par principe, les activités agricoles de la liste des causes de trouble anormal du voisinage : une exonération de responsabilité est ainsi prévue pour les activités qui sont antérieures, légales, et qui correspondent à une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 du code rural.

La seule condition posée à cette exclusion de principe plutôt floue est que « des conditions nouvelles [ne doivent] pas [être] à l’origine d’une aggravation du trouble anormal ».

Sous couvert de traiter les conflits de voisinage qui surgissent quand des néoruraux et des citadins sont gênés par le chant du coq, cette proposition de loi risque d’avoir des conséquences bien plus importantes sur des contentieux impliquant des exploitations agricoles polluantes, par exemple lorsqu’un élevage de taille moyenne s’est transformé en un élevage intensif, ou des activités industrielles. Le texte ne doit pas offrir un droit à polluer aux industriels et aux gros exploitants.

L’image fantasmée des néoruraux ne doit pas masquer la dégradation des conditions de vie et la mise en danger des personnes qui habitent en milieu rural et qui se plaignent des pollutions environnementales : je pense notamment à l’affaire des algues vertes en Bretagne, dont la prolifération est provoquée par l’accumulation de nitrates d’origine agricole dans les bassins versants. Je pourrais aussi citer l’affaire de l’usine ArcelorMittal, dans le bassin industriel de Fos-sur-Mer.

De telles affaires seraient-elles encore possibles si ce texte était adopté ?

La notion de « conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine de l’aggravation du trouble anormal » est floue et peu opérationnelle. De plus, sa portée a été anéantie par les discussions qui ont eu lieu dans notre assemblée. J’ai ainsi entendu en première lecture M. Duplomb, soutenu par la rapporteure, affirmer : « Le trouble est de même nature quand une ferme passe de soixante à cent vaches laitières. » Qui doit juger de cela, mes chers collègues ? Est-ce le juge, au cas par cas, ou bien le législateur, au travers de ce texte ?

Notre groupe, vous le savez, souhaite le contrôle du juge. C’est pourquoi l’exonération spécifique pour les activités agricoles, qui figure dans le texte de la CMP, nous paraît trop large.

Prenons le cas des épandages de pesticides. Nous avions soulevé ce sujet lors de l’examen de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS : nous avions demandé, en vain, que les maires puissent adapter les règles et les distances. Il est malheureusement possible que la majorité de cet hémicycle souhaite une exonération légale dans ce cas, au motif qu’une activité légale ne saurait être perçue comme un trouble anormal de voisinage. Dont acte.

Mais alors, qu’en est-il de ce raisonnement lorsqu’il s’agit de refuser l’installation d’éoliennes ? Cette activité est tout aussi légale ; elle est même essentielle, compte tenu de l’urgence de la transition environnementale. Et elle devrait pourtant être limitée ou sanctionnée sous prétexte de l’existence d’un préjudice visuel et parce qu’elle est nouvelle ? Ce raisonnement nous paraît pour le moins douteux…

Nous regrettons surtout que ce texte soit réduit, pour des raisons électorales, à la problématique agricole. Les troubles anormaux du voisinage existent aussi en ville, comme cela été récemment souligné par les voisins d’un nouveau fast-food à Paris.

Ai-je besoin de rappeler que les personnes les plus précaires sont souvent celles qui subissent les plus grands dommages liés à des troubles du voisinage, alors qu’elles n’ont pas de solution de relogement ?

Les effets sur la santé de la fréquentation routière sont connus et entraînent des problèmes liés aux pollutions sonores et de l’air.

La surfréquentation d’une route départementale liée à la création d’une entreprise, d’un chantier ou d’une activité à proximité touche les riverains, qui se retrouvent condamnés à habiter là où plus personne ne veut résider.

Nous regrettons donc la modification juridique opérée dans ce texte : celle-ci, j’y insiste, n’a d’autre but que de protéger les responsables de nuisances et de pollutions, dès lors que celles-ci servent l’activité économique et le profit.

Cette proposition de loi protège seulement les activités agricoles. Ses partisans se drapent dans une défense caricaturale de la ruralité et de l’agriculture, qui seraient perturbées et entravées par l’arrivée des rats des villes. Notre groupe, conscient des troubles liés à l’agriculture intensive, à l’industrialisation productiviste et au « quoi qu’il en coûte » économique, ne peut soutenir un tel texte. L’on peut et l’on doit prévoir un contrôle du juge sur les préjudices que subissent nos concitoyens du fait d’activités dans leur voisinage.

Aussi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’opposera-t-il à ce qu’est devenu ce texte, loin de répondre à l’intention louable de sécuriser, sur le plan juridique, la notion de trouble anormal de voisinage. Les conditions d’exemption, trop larges et trop peu protectrices des personnes subissant les préjudices, peuvent aboutir à créer un véritable droit à nuire et à polluer. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si les conflits de voisinages ne sont pas nouveaux, leur nombre est néanmoins en hausse sur tout notre territoire.

Dans bien des cas, les maires et les élus locaux sont en première ligne pour tenter de régler des situations soit qui s’enveniment depuis des années soit qui sont apparues à la suite d’arrivées plus récentes.

Je voudrais les remercier de jouer ce rôle de médiateur ou de conciliateur, qu’ils endossent parfois à leurs propres dépens. Il arrive en effet, malheureusement, que des maires soient agressés, parfois gravement, par des administrés, alors qu’ils tentent de régler des conflits de voisinage.

Ils constituent le premier rempart contre ces phénomènes, et c’est bien souvent grâce à eux que de nombreux conflits de voisinage ne se judiciarisent pas. Nous ne pouvons les laisser seuls face aux maux de notre société.

L’augmentation de ces conflits est symptomatique d’une dégradation du climat social et d’un affaiblissement du lien social dans notre pays. Dès lors, nous ne pouvons que saluer la volonté d’intégrer dans le code civil la notion de trouble anormal du voisinage. La codification proposée est une manière de garantir une application homogène de la jurisprudence sur tout le territoire.

Il s’agit ici de légiférer sur l’obligation de réparer un dommage causé à son voisin. En la matière, nous devons prendre des précautions. Notre rôle est d’abord de trouver le juste équilibre entre la protection des personnes face à des voisins quérulents et la garantie du droit au recours pour les nombreuses victimes de nuisances anormales.

Nous devons en effet garder en tête que nombre de locataires ou de propriétaires, compte tenu de l’état du marché immobilier, ne peuvent choisir le lieu où ils habitent. La précarité financière contraint certaines personnes à vivre dans des logements où elles subissent nuisances sonores ou pollution, au détriment de leur santé. Il nous faut donc aussi agir pour que chacun ait droit à un environnement décent.

Si nos usines et nos exploitations agricoles sont essentielles pour l’activité économique, il n’en reste pas moins que les personnes vivant à proximité des sites les plus polluants voient leur santé se dégrader, trop souvent sans pouvoir réagir, comme l’illustre l’affaire récente de Fos-sur-Mer.

Dans le Nord, à Lille, l’usine de batteries d’Exide, appelée Tudor, a craché des fumées chargées de poussières de plomb pendant plus d’un siècle et de nombreux cas de saturnisme ont été détectés dans le quartier populaire avoisinant. Si la maison mère américaine a été plusieurs fois condamnée pour pollution aux États-Unis, cela n’a pas été le cas en France.

Ne créons pas un droit à polluer, à faire du bruit et à détériorer la santé des plus précaires, au prétexte que cela faciliterait la réalisation de profits financiers. Il est de notre devoir de protéger l’intérêt général et de garantir un droit au recours à toutes les personnes victimes d’un trouble anormal de voisinage. Il ne saurait y avoir de sacrifiés de la pollution dans notre pays !

Enfin, je voudrais rappeler que la concertation en amont est primordiale pour éviter les conflits de voisinage.

Si ce texte permet d’écarter l’engagement de la responsabilité lorsque le trouble anormal provient d’activités antérieures, il faut tout de même rappeler que certaines installations récentes d’activités polluantes et bruyantes n’ont pas toujours été réalisées en concertation avec les riverains. Or le manque de concertation est bien trop souvent à l’origine de nombreux conflits. Je pense notamment à l’installation d’une antenne-relais à Saméon : grâce à la lutte de la municipalité et d’un collectif d’habitants, le pylône nocif a été déplacé – et je pourrais citer bien d’autres exemples…

Si nous saluons la recherche d’un équilibre dans ce texte, il ne s’agit que d’un pansement sur des maux plus profonds de notre société. Les conflits s’accumulent et se judiciarisent. Nous ne pouvons nous contenter de jouer les arbitres entre des intérêts privés divergents ; nous devons aussi œuvrer pour l’intérêt général en retissant du lien social.

Toutefois, nous voterons pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis et Mme Olivia Richard applaudissent également.)

M. Michel Masset. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voilà arrivés au terme du parcours législatif de ce texte important et attendu, et ce dans un temps très satisfaisant.

Cette proposition de loi relative au régime de la responsabilité civile pour les dommages causés par les troubles de voisinage répond à des problématiques bien connues dans nos territoires. Le tableau est le suivant : d’un côté, des entreprises, des associations culturelles ou sociales, qui font vivre nos territoires ; de l’autre, des habitants, qui cherchent à préserver leur cadre de vie.

J’avais déjà évoqué, à cette tribune, le phénomène d’expansion des zones d’habitat, qui conduit au rapprochement géographique des zones d’activité économique et des habitations.

Ce rapprochement entraîne inévitablement des frictions entre deux catégories d’occupants et une augmentation de la pression contentieuse sur les acteurs économiques.

Des artisans ou des industriels sont obligés de renoncer à des projets, pourtant vertueux pour l’économie française. Ils sont même parfois contraints de partir.

Plutôt que de laisser les acteurs s’opposer frontalement devant les juges, cette proposition de loi vise au contraire à clarifier les règles, pour éviter que les contentieux ne s’accumulent.

En effet, ce texte consacre dans la loi la solution qu’avait trouvée le juge judiciaire en instituant un régime autonome de responsabilité civile extracontractuelle pour les préjudices du fait de troubles du voisinage.

Je ne reviendrai pas sur l’importance des règles qui nous permettent de faire société et de bien vivre ensemble. Les débats que nous avions tenus dans cet hémicycle ont éclairé le texte que nous nous apprêtons à adopter.

De la navette parlementaire sort un texte d’équilibre, qui répond à un double objectif : d’une part, un objectif de justice, qui passe par une conciliation entre les intérêts en présence, la liberté d’entreprendre et celle de jouir de ses biens ; d’autre part, un objectif de lisibilité du droit et, partant, de sécurité juridique, que ce soit pour les habitants ou pour les acteurs à l’origine des nuisances. C’est une avancée vers une meilleure prévisibilité de l’application du droit.

Le groupe du RDSE se réjouit du consensus qui a été trouvé avec les députés. Dans l’ensemble, ce texte nous semble atteindre son but.

J’aimerais m’attarder sur le retour à la formulation générale pour les activités bénéficiant d’une cause exonératoire. Il nous apparaît positif de retenir une acception plus large que les seules activités économiques. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, cette rédaction permettra d’inclure notamment les activités associatives et culturelles, qui ne sont pas moins essentielles à la vie de nos collectivités.

Je voudrais également saluer la solution équilibrée trouvée en CMP sur les troubles provenant des activités agricoles.

Ce régime dérogatoire vient protéger les agriculteurs à deux titres, en sus de ce que prévoit le régime commun. D’abord, il prévoit une appréciation in concreto par le juge du caractère substantiel d’une modification de nature ou d’intensité de l’activité. Ensuite, et c’est le point principal, il protège les exploitants dans les cas où les nuisances seraient liées à une modification de l’activité ne visant qu’à se conformer aux lois et règlements. C’est une exigence : le poids de l’intérêt général exprimé dans les normes ne peut peser seulement sur quelques-uns, surtout quand les conséquences préjudicielles peuvent être très lourdes.

Si je m’inscris totalement dans la volonté de protéger nos agriculteurs, qui représentent une part importante de l’économie de nos campagnes, je voudrais tout de même réitérer mes regrets quant à la restriction de la dérogation au seul secteur agricole.

En effet, sur de nombreux territoires cohabitent d’autres activités économiques, comme l’industrie, par exemple, qui est très importante pour notre économie et notre souveraineté. Or certaines normes environnementales sont également de nature à entraîner un changement dans les nuisances produites par lesdites activités.

Malgré cette dernière nuance d’appréciation, le groupe RDSE votera ce texte juste et opportun. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. Olivier Bitz. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il convient tout d’abord de souligner l’intérêt des travaux conduits au sein des deux assemblées parlementaires et de la commission mixte paritaire. Je tiens d’emblée à remercier notre rapporteure, Françoise Gatel, pour la qualité de son travail et la synthèse à laquelle elle a su parvenir avec nos collègues députés.

Au cours de l’examen de cette proposition de loi, qui s’est déroulé dans un esprit d’écoute et de responsabilité, nous avons cherché à offrir une visibilité et une sécurité juridique accrues à nos concitoyens, particulièrement nos agriculteurs.

De l’entame de nos travaux jusqu’à la conclusion de la commission mixte paritaire, le 26 mars dernier, je retiens la qualité des échanges et l’évolution de ce texte vers une plus grande clarté et une meilleure protection des exploitations agricoles.

La ruralité ne désigne pas seulement un espace de repos, de loisir, de détente. C’est également un espace de production, de consommation et de développement.

Nos concitoyens attendent de nous des perspectives et des garanties pour que ces territoires puissent continuer à produire et à se développer. Les habitants des villes, qui sont de plus en plus nombreux à faire le choix de s’établir durablement ou épisodiquement, lors des fins de semaine, dans ces territoires ruraux, aspirent de leur côté au calme et à la tranquillité.

Ces attentes sont compréhensibles. Elles ne doivent toutefois pas porter préjudice aux projets et aux activités menés dans ces mêmes territoires.

Le dialogue peut certes résoudre des incompréhensions et des crispations. Les agriculteurs et les industriels ont d’ailleurs bien souvent entrepris des efforts réels pour améliorer leurs relations avec leurs voisins.

Néanmoins, les contentieux liés aux troubles de voisinage ont connu un essor préoccupant. C’est pourquoi il est nécessaire d’assurer une application homogène du droit civil sur tout le territoire national, sur la base de la jurisprudence récente, afin d’aboutir à de nouveaux points d’équilibre.

Les amendements relatifs à la cause exonératoire de responsabilité spécifique aux activités agricoles, qui ont été introduits dans le texte, vont dans le bon sens. Cette disposition permettra de tenir compte des conditions de mise en conformité d’une exploitation ou d’une installation imposée par la puissance publique. Elle est aussi de nature à encourager les exploitants et les repreneurs, la transmission des exploitations étant un enjeu majeur dans la grande majorité des territoires.

Le texte a été enrichi par plusieurs amendements, dont certains émanaient du groupe RDPI. J’y insiste, permettre l’évolution et le développement d’une exploitation existante est fondamental, même en l’absence d’obligation imposée par la puissance publique.

Notre groupe tient à réaffirmer que le maintien des sources de vitalité et de dynamisme dans nos territoires ruraux est non pas une option, mais une orientation ardente, légitime et bénéfique.

Ce développement doit naturellement se concilier avec la vie de l’ensemble des habitants. La protection du voisinage, si elle constitue une exigence partagée, ne peut éclipser ou reléguer, sous n’importe quel prétexte, la liberté d’entreprendre, qu’elle soit agricole, industrielle ou associative.

Le groupe RDPI, satisfait du travail mené et des inflexions rédactionnelles apportées, votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voilà au terme de l’examen de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.

Derrière ces mots se cachent les troubles de voisinage dans une société contemporaine, qui prône le respect de l’autre et le vivre ensemble, mais qui bute au quotidien sur le délicat accommodement des hommes entre eux, sur la cohabitation parfois douloureuse de l’homme et de son environnement ou encore sur la difficile conciliation de l’activité humaine avec les activités économiques, agricoles, culturelles.

Cette proposition de loi se donne donc pour objectif ambitieux de contribuer à l’apaisement de cette cohabitation.

Malgré les efforts déployés, tant ici, au Sénat, qu’à l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire, force est de constater que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reste encore et toujours circonspect quant à l’utilité de ce texte.

Nous l’avons dit : voilà près de quarante ans, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». Il s’agit là d’un régime de responsabilité objective, qui ne dépend pas de la démonstration d’un comportement fautif, mais qui requiert la démonstration d’un trouble permanent et continu, excédant la gêne normalement attendue dans le cadre des relations de voisinage. Celui-ci peut être sonore, olfactif, esthétique, visuel, diurne, nocturne et s’exprimer en ville comme à la campagne.

Il faut bien reconnaître qu’en quarante ans ce type de trouble n’a pas disparu. Pis, il s’en invente régulièrement de nouveaux : les poules, les tracteurs, la musique et même les enfants…

Ce sont donc ces situations anciennes et nouvelles que la proposition de loi cherche à couvrir en ajoutant un nouveau chapitre au code civil intitulé : Les troubles anormaux du voisinage.

À la suite des échanges en commission mixte paritaire, un nouvel article 1253 viendra consacrer, en cas d’adoption des présentes conclusions, d’abord le principe de responsabilité fondée sur ces troubles anormaux du voisinage, puis les exceptions, liées notamment à l’antériorité du trouble constaté, et la spécificité des activités agricoles au travers d’un nouvel article du code rural et de la pêche maritime.

Avec une telle articulation, les deux chambres pensent enfin avoir trouvé le bon schéma de cohabitation entre l’homme aspirant à sa quiétude et le développement d’activités utiles à notre société.

Bien évidemment, nos agriculteurs ont besoin de poursuivre leurs activités sereinement, à la condition de respecter les codes de l’urbanisme, de l’environnement et de la santé publique, comme une grande majorité d’entre eux le font déjà.

Bien évidemment, les habitants aspirant à une vie à la campagne doivent entendre qu’il s’agit d’une vie de tous les jours et non pas de vacances. Et comme toute vie de tous les jours, celle-ci peut être bruyante, odorante, parfois dérangeante.

De même, les habitants préférant la vie en ville, parce qu’elle offre une foultitude de services et d’équipements, doivent entendre que ces aménités vont avec quelques effets secondaires comme les éclats de voix et de rire entendus depuis les trottoirs, les terrasses et les cours de récréation, ou encore le bruit des ballons qui rebondissent.

Les élus que nous sommes savent que les Français, même s’ils restent très attachés à la défense des libertés collectives, sont aussi de plus en plus exigeants quant à leur liberté individuelle, à leur bien-être ou à leur confort personnel.

Cependant, aussi louable soit l’intention des auteurs de cette proposition de loi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’est pas convaincu qu’elle arrivera véritablement à transformer certains voisinages disputés en paradis sur terre.

Même si nous ne nions pas les efforts entrepris par les deux rapporteures pour surmonter leurs différences d’appréciation et pour chercher le nécessaire équilibre entre la liberté d’entreprendre et la protection de la jouissance d’un bien, entre la liberté d’installation et le droit au recours ou à réparation, je ne vous cache pas que nous ne sommes pas pleinement satisfaits du résultat de cette CMP conclusive.

En effet, si la réécriture législative enrichit le code civil, il n’en reste pas moins qu’elle affaiblit le code de la construction et de l’habitation, et ce même si elle en garde l’esprit en englobant finalement toutes les activités, quelle que soit leur nature.

Nombreux sont les associations et les collectifs citoyens, urbains comme ruraux, qui continuent de s’interroger sur l’utilité de modifier ainsi nos codes.

Derrière tout cela, on sent bien que ce qui compte au fond est moins un travail d’écriture in abstracto qu’un travail de dentelle in concreto. Et la finesse de la dentelle se saisit mieux, selon nous, dans les décisions sur mesure que nos juges continueront de rendre plutôt que dans la capacité du code civil ou du code rural à dissuader froidement les requérants potentiels.

Aussi, le doute subsistant, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce texte. Pour améliorer notre vivre ensemble, la réponse la plus efficace du Gouvernement face à l’inquiétude du monde agricole et aux enjeux majeurs du logement et de la transition écologique serait plutôt de sécuriser les revenus et les investissements nécessaires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme Nadine Bellurot. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour adopter – du moins je l’espère – l’article unique constituant la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Les troubles du voisinage constituent un problème récurrent. Nous sommes arrivés à un texte équilibré entre liberté d’entreprendre et protection de la jouissance d’un bien. Je souhaite saluer le travail de la rapporteure – chère Françoise Gatel –, qui a œuvré en ce sens. La rédaction finale répond à cette double exigence tout en reprenant les trois critères déjà établis, à savoir l’existence d’un dommage, l’anormalité du trouble et la relation de voisinage entre le défendeur et le demandeur.

Bien que le droit en vigueur permette assez largement de répondre aux contentieux, la création d’un régime dérogatoire se justifie au regard de la nécessité de protéger nos territoires ruraux et urbains face aux troubles anormaux de voisinage. Cette codification était attendue par de nombreux acteurs, en particulier les exploitants agricoles, essentiels au dynamisme économique et social de nos campagnes. Elle pourrait être jugée superfétatoire, mais c’est un signal opportun qui a son importance.

Dans la rédaction finale, le terme générique « activités » permet de viser l’ensemble de ces dernières, qu’elles soient économiques, sociales, culturelles ou associatives.

En commission mixte paritaire, les dispositions du Sénat relatives à la notion d’installation ont été conservées, même si une précision a été apportée afin d’en sécuriser la définition.

En ce qui concerne le régime spécifique prévu pour les activités agricoles, l’objectif était de parvenir au meilleur équilibre possible entre, d’une part, la liberté d’entreprendre des agriculteurs et, d’autre part, le droit au recours et à la réparation d’un préjudice pour les voisins. La dérogation entérinée en commission mixte paritaire semble avoir atteint cet objectif.

Je pense en cet instant à un conflit que j’ai eu à gérer en tant que maire de la commune viticole de Reuilly. De nouveaux arrivants étaient fort gênés par les éoliennes antigel, qui étaient pourtant là, de même que les vignerons, bien avant que ces résidents ne s’installent…

Concernant le critère de la poursuite de l’activité, dès lors qu’une exploitation agricole modifierait les conditions d’exercice de son activité pour se mettre en conformité aux lois et règlements, le trouble anormal qui en résulterait ne pourrait engager la responsabilité de l’exploitant. Cette disposition protégera nos agriculteurs face aux excès de normes, que nous regrettons tous – je pense au fameux exemple des poules pondeuses, évoqué par Mme la rapporteure.

Je salue également l’apport de notre collègue Laurent Duplomb, qui permet une exonération de responsabilité en cas de modification non substantielle de la nature ou de l’intensité de l’activité – que le juge appréciera in concreto.

Au travers de ce texte, nous apportons une attention particulière au monde agricole, qui en a bien besoin. Cette précision juridique permettra de lutter contre le sentiment d’abandon, souvent évoqué pas nos agriculteurs, face aux néoruraux qui connaissent parfois mal les pratiques et le mode de vie du monde rural.

Le groupe Les Républicains soutient donc cette initiative et votera en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (M. Ludovic Haye applaudit.)

M. Louis Vogel. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il revient parfois au législateur de devoir préciser des évidences.

C’est le cas aujourd’hui avec cette proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.

Son article unique insère dans le code civil à la fois une création d’origine jurisprudentielle, à savoir la responsabilité sans faute en cas de trouble anormal de voisinage, et son exception, la théorie de la pré-occupation.

L’objectif est clair : limiter le nombre de contentieux de voisinage déclenchés par les personnes qui s’installent en milieu rural sans en accepter les particularités. Je veux le répéter ici, après tous ceux qui m’ont précédé : la ruralité est une identité, une culture qui se partage, à condition qu’on la respecte.

Depuis quelques années, nombre d’élus locaux et d’exploitants agricoles font face à une hausse des incidents relevant d’un décalage entre une vision fantasmée – et donc forcément déformée – de la vie rurale, développée par ceux que l’on appelle les néoruraux, et le réel.

Importunés par de prétendus désagréments sonores, visuels ou olfactifs, ils multiplient les plaintes en mairie ou auprès de la gendarmerie.

Avant de développer mon propos, je me félicite de ce que la commission mixte paritaire ait été conclusive. L’esprit consensuel qui y a régné est la preuve de la ferme volonté de la représentation nationale de consacrer une jurisprudence bien établie, afin que le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage, à la campagne comme à la ville, puisse être appliqué sur l’ensemble du territoire de manière uniforme.

À cet égard, je suis particulièrement heureux de souligner que les travaux du Sénat ont contribué à améliorer ce texte.

Je veux parler de l’insertion dans le code rural d’une exonération particulière pour les activités agricoles. Ainsi, la responsabilité sans faute d’un exploitant agricole ne pourra pas être engagée si ses activités se sont poursuivies dans les mêmes conditions ou si elles n’ont fait l’objet d’aucune modification substantielle. C’est fondamental, la jurisprudence n’étant pas univoque à ce sujet.

Je veux remercier notre rapporteure, Françoise Gatel, pour son implication et la qualité des travaux qu’elle a menés, en bonne intelligence avec l’ensemble des parlementaires et le Gouvernement, pour aboutir à ce texte consensuel et équilibré.

Il faut protéger nos agriculteurs contre les actions abusives et aider les maires à désamorcer les conflits de voisinage au sein de leurs communes : la proposition de loi les aidera à atteindre cet objectif.

Quels sont ces avantages ? Elle permettra de contribuer à la pacification des relations de voisinage, à la ville comme à la campagne. Elle participera aussi au désengorgement des tribunaux – il n’y a pas de place pour des conflits de cette nature devant notre justice.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !

M. Louis Vogel. Enfin, elle renforcera la sécurité juridique dans nos territoires.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi, qui constitue un travail de codification indispensable. (M. Ludovic Haye applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Olivia Richard. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, alors qu’hier, sur un tout autre texte, face à l’impossibilité de trouver un accord entre les deux chambres, le groupe Union Centriste votait une motion tendant à opposer la question préalable, je me félicite que nous adoptions aujourd’hui les conclusions de cette commission mixte paritaire. Je remercie Mme la rapporteure d’avoir permis cette issue heureuse.

Cette proposition de loi vise à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels. Elle a ainsi pour objet d’améliorer la lisibilité du droit applicable et de limiter les conflits de voisinage. Il est question non pas de révolutionner le code civil, mais de le rendre plus lisible pour nos concitoyens. À l’issue de la CMP, il me semble que ce texte a atteint ces objectifs.

Tout d’abord, il s’agit d’introduire dans le code civil le principe jurisprudentiel de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage afin d’en garantir une application homogène sur l’ensemble du territoire national.

Le texte prévoit également une exception tirée de la théorie de la pré-occupation. Ainsi, une activité licite, antérieure à l’installation d’un nouveau voisin et continue ne saurait être contestée par ce dernier. Cette disposition répond aux préoccupations du monde rural en ce qu’elle permet de limiter les litiges avec les néoruraux.

Je tiens à saluer les apports du Sénat et l’engagement sans faille de la rapporteure – chère Françoise Gatel. L’examen de cette proposition de loi par la chambre haute a permis d’expliciter et de renforcer la protection des activités agricoles. À cet égard, vous avez obtenu une dérogation circonstanciée dans la cause exonératoire en faveur des activités agricoles.

En commission mixte paritaire toujours, le Sénat a également permis de mieux préciser les critères d’installation.

Un débat tout à fait légitime avait eu lieu dans cet hémicycle pour que les crèches et les écoles ne soient pas menacées de contentieux pour trouble anormal de voisinage. Les enfants pourront continuer de crier, puisque ce texte étend dans sa rédaction actuelle la dérogation à l’ensemble des activités, de quelque nature qu’elles soient. Par ailleurs, le caractère substantiel de modification d’activité restera opportunément soumis à l’appréciation souveraine du juge.

Soyez rassurés, mes chers collègues, le recours au juge reste protégé par la Constitution. Les comportements que vous décriviez me semblent relever davantage du code de l’environnement, voire du code pénal.

Je tiens enfin à saluer la prise en compte des préoccupations légitimes exprimées dans les deux hémicycles. La commission mixte paritaire a permis de trouver un juste équilibre entre intérêt général, liberté individuelle et liberté d’entreprendre. Le texte offre une meilleure lisibilité aux justiciables, et ainsi une plus grande sérénité dans les rapports de bon voisinage, dont on sait à quel point ils sont primordiaux. En adoptant ce texte, nous ajouterons donc une modeste pierre à l’édifice d’un meilleur vivre ensemble.

Le groupe Union Centriste votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. André Guiol et Ludovic Haye applaudissent également.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-trois, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels
 

7

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan
Article unique (début)

Accord judiciaire avec le Kazakhstan

Adoption définitive en procédure accélérée et en procédure d’examen simplifié d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan (projet n° 212, texte de la commission n° 451, rapport n° 450).

Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

projet de loi autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la république française et la république du kazakhstan

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan
Article unique (fin)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, signé à Nour-Soultan le 28 octobre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan
 

8

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge
Discussion générale (suite)

Convention d’extradition avec le Cambodge

Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge (projet n° 665 [2021-2022], texte de la commission n° 393, rapport n° 392).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge
Article unique

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux. Madame la présidente, monsieur le rapporteur – cher Christian Cambon –, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre la République française et le royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015 par les ministres de la justice des deux pays.

La France et le Cambodge entretiennent une relation dynamique, qui a vocation à se renforcer encore davantage et à se diversifier.

Cette relation est fondée sur des coopérations d’excellence, par exemple dans le domaine de la santé ou du patrimoine. La préservation du site d’Angkor illustre la richesse de ce travail commun.

Les relations bilatérales avec le Cambodge se sont encore renforcées sous l’impulsion du Président de la République.

Le Cambodge adhère aux ambitions de l’accord de Paris ; il pourra compter sur la France comme partenaire sur les enjeux globaux.

Nos deux pays partagent une communauté de valeurs, notamment un attachement à la Charte des Nations unies. Cet attachement s’est matérialisé par la prise de position du Cambodge à l’Assemblée générale des Nations unies contre l’agression russe de l’Ukraine ainsi que par l’organisation de formations au déminage pour l’armée ukrainienne.

La situation de la démocratie cambodgienne reste toutefois un sujet de vigilance. La France, coprésidente de la conférence qui a conduit à la signature des accords de paix à Paris, le 23 octobre 1991, y veille avec une attention particulière. Ces accords appellent le royaume du Cambodge à mettre en œuvre les mesures qui permettront d’assurer une réelle démocratie, pluraliste et respectueuse des libertés fondamentales.

Pour ces raisons, et au regard de la dynamique de notre relation et du rôle historique de la France, nous avons avec le Cambodge un dialogue franc et constructif sur la question de la démocratie et des droits de l’homme.

Nous n’éludons aucun sujet. Nous n’avons ainsi pas hésité à déplorer les mesures restrictives à l’encontre de médias indépendants et de membres de l’opposition dans les mois qui ont précédé les élections législatives de 2023.

Le Cambodge sait que le renforcement de notre partenariat suppose de veiller au respect des droits de l’homme.

La convention d’extradition soumise à votre approbation est une illustration de la dimension opérationnelle de cette coopération.

Ce texte vient compléter le tissu conventionnel avec ce pays dans le domaine judiciaire, la France et le Cambodge étant d’ores et déjà partie à plusieurs conventions multilatérales spécialisées, adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies : la convention unique sur les stupéfiants, adoptée en 1961 ; la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée en 1984 ; la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée en 1988 ; la convention contre la criminalité transnationale organisée, adoptée en 2000 ; la convention contre la corruption, adoptée en 2003.

Cependant, aucune convention bilatérale ne lie nos deux pays en matière de coopération judiciaire.

La coopération en matière d’extradition repose actuellement sur le principe de réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale.

Depuis le 1er janvier 2009, quatre demandes d’extradition ont été échangées entre la France et le Cambodge : trois ont été émises par les autorités françaises, une par les autorités cambodgiennes.

Les demandes d’extradition émises par la France ont concerné des faits de viol sur mineur de 15 ans, agressions sexuelles aggravées, trafic de stupéfiants, abus de confiance, escroquerie, faux et blanchiment. Elles avaient pour fondement tant des poursuites que l’exécution d’une peine. Toutes ces demandes ont donné lieu à la remise de la personne recherchée.

L’unique demande d’extradition passive a quant à elle donné lieu à un avis défavorable de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris en raison du caractère incomplet des réponses apportées par le gouvernement cambodgien.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la convention qui est aujourd’hui soumise à votre approbation a pour double objectif de faciliter et d’encadrer les demandes d’extradition entre nos deux États. Elle énonce un engagement d’extradition fondée sur une infraction pénale ou une condamnation pénale comportant une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l’autre partie à la suite d’une infraction pénale.

Cependant, la convention prévoit plusieurs motifs de refus obligatoires ou facultatifs.

Ainsi, l’extradition ne sera pas accordée lorsque la partie requise considère que la personne recherchée est réclamée pour une infraction politique ou encore lorsqu’elle a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre de ces raisons.

En outre, conformément au principe de respect des droits de la défense, une demande d’extradition sera rejetée si la personne réclamée doit être jugée dans la partie requérante par un tribunal d’exception n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure ou si elle doit exécuter une peine infligée par un tel tribunal.

L’extradition sera également refusée si les faits qui la motivent sont passibles de la peine de mort. Je tiens cependant à rappeler que la peine de mort a été abolie au Cambodge en 1989.

Je sais que plusieurs sénateurs ont émis en commission des réserves sur cette convention, fondées sur une inquiétude en matière de respect des droits de l’homme. Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, cette question a bien été intégrée et les dispositions de la convention sont protectrices des droits et libertés fondamentales.

Pour conclure, il convient de relever que le royaume du Cambodge a ratifié cette convention le 14 octobre 2020.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle la convention d’extradition signée en 2015 avec le royaume du Cambodge, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

(M. Pierre Ouzoulias remplace Mme Sylvie Vermeillet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Christian Cambon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet l’approbation d’une convention d’extradition entre le Gouvernement français et celui du royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015 par Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, et M. Ang Vong Vathana, ministre cambodgien de la justice. Le royaume du Cambodge a, pour sa part, achevé la ratification de cette convention depuis le 14 octobre 2020.

Précisons-le d’emblée, il est manifeste que l’enjeu de ce texte ne se limite pas à sa portée opérationnelle, qui est assez modique : seulement trois demandes d’extradition ont été formulées par la France et une par le Cambodge entre 2009 et 2013, et aucune au cours des dix dernières années.

Ces échanges extraditionnels, jusqu’à présent réalisés sur le fondement d’un principe informel de réciprocité, se trouvent tributaires du bon vouloir des parties ; leur sécurisation juridique pâtit de cette absence de cadre formel. Cependant, compte tenu de leur caractère sporadique, la signature d’une convention bilatérale ne s’imposait pas vraiment d’un point de vue strictement opérationnel.

C’est pourquoi, au cours de sa réunion du 6 mars dernier, c’est sur le double contexte dans lequel s’inscrit ce texte que la commission des affaires étrangères a essentiellement débattu : d’une part, le contexte de la détérioration de la situation des droits de l’homme au Cambodge depuis 2017, qui nous a interpellés et qui a motivé la demande de nos collègues du groupe CRCE-K de retour à la procédure normale pour l’examen de ce projet de loi ; d’autre part, le contexte de notre relation bilatérale, qui connaît quant à elle une dynamique très positive. Tout cela explique la tenue de ce débat en séance publique.

En matière de droits de l’homme, la commission n’a pu que regretter le profond décalage entre le droit affiché et la pratique. Certes, la Constitution comme la loi pénale cambodgiennes garantissent le respect des droits de l’homme, la liberté d’expression, l’indépendance des juges, la séparation des pouvoirs, les droits de la défense, la présomption d’innocence et encadrent strictement la garde à vue et la détention provisoire. Toutefois, il est clair que la mise en pratique de cette panoplie de garanties, qui n’a rien à envier aux démocraties les plus abouties, n’est pas à la hauteur des principes affichés.

Ainsi, les élections législatives du mois de juillet 2023 ont été précédées d’une vague de répression envers l’opposition au parti gouvernemental, qui a empêché toute opposition crédible : condamnation à vingt-sept ans de prison de l’opposant Kem Sokha et dissolution de son parti ; condamnation par contumace de Sam Rainsy et de soixante-dix autres opposants à des peines allant de vingt ans de prison à la perpétuité ; diverses mesures entravant le droit de vote et la liberté de la presse… Les syndicalistes, les défenseurs des droits fonciers, les militants écologistes font également l’objet d’intimidations et d’arrestations, que les ONG dénoncent régulièrement.

Cette situation interne a valu au royaume du Cambodge de se voir retirer par l’Union européenne, dès 2020, une partie des préférences commerciales qui lui avaient été accordées au titre du régime « Tout sauf les armes » (TSA), dont il bénéficiait depuis 2001.

Aussi la commission des affaires étrangères a-t-elle abordé avec une certaine circonspection, dans un premier temps, l’examen de ce texte, dont la ratification est repoussée depuis neuf ans en raison de la situation politique intérieure cambodgienne.

Si, à l’issue des auditions menées avec les services du ministère de la justice et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, j’ai, en tant que rapporteur, proposé à la commission l’approbation de cette convention, c’est pour un certain nombre de raisons.

D’abord, la commission a jugé rassurantes les garanties apportées aux justiciables par le texte. Sa rédaction, qui reprend le texte proposé par la France, est conforme en tous points aux standards juridiques nationaux et internationaux. Les motifs de refus qu’elle prévoit – les infractions politiques, les demandes paraissant motivées par l’origine ethnique, le sexe, la nationalité ou la religion de la personne réclamée, ainsi que le fait de posséder la nationalité de la partie requise – entraînent le rejet immédiat du dossier et interdisent toute demande d’extradition abusive ou formulée à l’encontre d’un opposant au régime.

Par ailleurs, la commission a observé qu’alors même que la peine capitale a été abolie au royaume du Cambodge en 1989 et que sa prohibition est inscrite dans sa constitution depuis 1993, la convention prévoit fort prudemment une clause de substitution de cette peine, afin de parer à toute tentation de retour en arrière.

Enfin, une clause dite humanitaire permet de rejeter une extradition susceptible de mettre en danger la personne réclamée en raison de son âge ou de son état de santé, ce qui nous est également apparu tout à fait pertinent.

Cet arsenal de précautions constitue autant de garde-fous qui encadrent la mise en œuvre de la future convention. La commission des affaires étrangères a estimé que, dans ces conditions, rien ne s’opposait à opérer, en cas de besoin, des échanges extraditionnels avec le royaume du Cambodge, comme la France le fait déjà, dans le cadre de conventions bilatérales similaires, avec cinquante-quatre États, dont la Chine ou l’Iran. Ainsi, les extraditions, qui sont aujourd’hui réalisées sur le fondement d’un principe informel de réciprocité, n’en seront que mieux cadrées et sécurisées, tant sur le fond que sur la forme.

Le second élément de contexte qui a nourri nos échanges en commission lors de l’examen de cette convention est la relation bilatérale franco-cambodgienne. En effet, après un temps d’arrêt pendant la pandémie et la période post-covid, celle-ci connaît une dynamique particulièrement constructive, avec la visite officielle de Sa Majesté Norodom Sihamoni, roi du Cambodge, au mois de novembre 2023, et celle du nouveau Premier ministre Hun Manet, le 18 janvier dernier. À cette occasion, les dirigeants cambodgiens ont réaffirmé leur volonté d’approfondir cette relation et se sont montrés demandeurs d’un partenariat renforcé avec la France.

Ces contacts récents s’inscrivent dans la continuité d’une coopération de longue date, héritée à la fois d’une histoire commune et du rôle central joué par la France dans le développement du pays et dans la mise en place de ses institutions, depuis les accords de Paris de 1991. La présence très active de la communauté cambodgienne en France et la place importante de la francophonie au sein du royaume contribuent à nourrir ces liens. Il y a donc une logique historique au renforcement de notre partenariat, à laquelle notre commission a été sensible.

En outre, la commission a jugé que, dans le contexte mondial actuel, où l’influence française est de toutes parts et par tous moyens remise en question, une telle volonté de rapprochement avec la France, clairement affirmée par le royaume du Cambodge, méritait d’être soulignée, voire encouragée.

De plus, cette relation privilégiée peut constituer un cadre efficient pour accompagner des évolutions positives dans le domaine des droits de l’homme, notamment au regard de la lutte contre l’impunité, de la question de l’égalité des droits des personnes LGBT+, du droit de l’environnement, ou pour œuvrer en faveur de la grâce d’opposants au régime.

Tel est le sens que je souhaite donner à l’adoption de ce projet de loi, qui a été approuvé par la commission des affaires étrangères dans sa majorité : un regard sans naïveté ni complaisance sur la situation intérieure du royaume, mais aussi le choix d’approfondir notre relation bilatérale avec un pays qui se trouve à la croisée des chemins, entre une influence chinoise particulièrement présente et une volonté de cultiver ses liens avec la France en renforçant et en diversifiant un partenariat ancré dans notre histoire commune.

En utilisant le levier de cette convention, laquelle renforcera objectivement, sans risque juridique notable, la lutte contre la criminalité menée par nos deux pays, notre diplomatie est dans son rôle. C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite à approuver ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRCE-K et le groupe GEST ont demandé un débat sur la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Cambodge, convention qui attend sa ratification depuis 2015. En effet, depuis sa signature par Mme Taubira, alors garde des sceaux, ce texte a été déposé trois fois à l’Assemblée nationale ou au Sénat ; à chaque fois, il a fini par être retiré.

Ces rétropédalages successifs sont liés à la détérioration très préoccupante de la situation des droits de l’homme dans le royaume du Cambodge.

Plusieurs rapports, notamment celui du Comité des droits de l’homme des Nations unies, décrivent une situation des droits civils et politiques au Cambodge plus que problématique. Le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge a par ailleurs fait état, dans son rapport en date du 20 juillet 2023, d’arrestations et de poursuites injustifiées à l’encontre de défenseurs des droits humains, de journalistes ainsi que de dissidents politiques.

Notons par ailleurs que le parti du sauvetage national du Cambodge, principale formation d’opposition, reste interdit et que les actions engagées contre ses membres et les militants du parti de la bougie, qui lui a succédé, se poursuivent encore aujourd’hui. D’ailleurs, cette situation a conduit l’Union européenne à retirer dès 2020 une partie des préférences commerciales accordées au Cambodge au titre du régime « Tout sauf les armes », dont il bénéficiait depuis 2001.

En outre, l’augmentation considérable de la population carcérale et les conditions de vie dans les prisons du pays sont pointées par ces différents rapports. Le taux de surpopulation serait de 300 % selon le rapporteur spécial de l’ONU, lequel souligne également un accès insuffisant des prisonniers à la nourriture, à l’eau potable et aux soins médicaux.

Les observations finales concernant le troisième rapport périodique du Cambodge, publié le 18 mai 2022, sont plus préoccupantes encore. En effet, si le Comité des droits de l’homme se félicite que les droits consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques soient traduits dans la législation, il s’est tout de même déclaré profondément préoccupé par les graves allégations de tortures et de mauvais traitements infligés en garde à vue et dans d’autres lieux de détention.

Dès lors, après lecture de ces différents rapports, soutenir la ratification de cette convention, c’est, une fois de plus, signer un « deux poids, deux mesures » en matière de défense et de respect des droits humains. Ce double standard ulcère légitimement nos concitoyens et décrédibilise la voix de la France sur la scène internationale.

C’est pourquoi nous pensons nécessaire de voter contre ce texte tant que nous n’aurons pas de solides garanties montrant la fin de telles exactions contre les droits humains. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. André Guiol. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. André Guiol. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France et le Cambodge sont partenaires dans plusieurs domaines, sous l’égide des Nations unies.

La convention unique sur les stupéfiants, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ou encore la convention du 31 octobre 2003 contre la corruption permettent déjà une offre de réciprocité entre nos deux pays. Cependant, pour une meilleure sécurisation juridique de l’extradition, cet arsenal multilatéral mérite d’être complété par une coopération bilatérale directe.

Aussi nous faut-il regarder avec intérêt le présent projet de loi de ratification, qui a déjà été retiré de l’ordre du jour à plusieurs reprises, ce qui appelle notre prudence et notre vigilance.

Malgré la faiblesse du nombre de cas potentiellement concernés, cette convention d’extradition entre nos deux pays permettra de renforcer la lutte commune contre la criminalité.

Enfin, cette convention répond à une exigence plus globale d’adaptabilité de la coopération judiciaire, au regard d’enjeux autour de litiges transnationaux, majoritairement d’ordre intrafamilial, ou de la question de l’exploitation sexuelle.

Bien évidemment, nos débats sur ladite convention ne doivent pas occulter la situation très fragile des droits de l’homme dans ce pays, ainsi que la dérive autoritaire du régime. À ce titre, le haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a qualifié la situation démocratique du pays de « très préoccupante ».

Lors des élections législatives du mois de juillet dernier, les partis d’opposition, les syndicats et les médias ont été ciblés par des procédures judiciaires, des intimidations et, parfois, des menaces physiques…

Ne pas retenir la procédure d’examen simplifié pour ce texte sert la vigilance, dont notre assemblée doit faire preuve.

C’est également l’occasion de rappeler la nécessité pour nos entreprises françaises de ne pas contribuer au désordre environnemental qu’engendre la stratégie dite du pentagone, mise en place par le Premier ministre cambodgien.

De jeunes militants écologistes sont jetés en prison parce qu’ils défendent les forêts cambodgiennes, menacées par des projets économiques d’envergure. Par ailleurs, le Vietnam s’inquiète du grand risque de désastre écologique qu’entraînerait le détournement des eaux du Mékong projeté par son voisin.

Au-delà de ces exigences, on ne peut nier la nécessité de conserver le dialogue avec le pouvoir en place, dans un contexte et une région du monde en proie aux velléités impérialistes de l’axe sino-russe.

Dès lors, nous considérons que cette convention s’inscrit dans une dynamique de rapprochement de nos deux pays, au nom de la stabilité régionale.

Les récents échanges diplomatiques entre le président Macron et le roi Norodom Sihamoni, puis le Premier ministre cambodgien, illustrent les efforts déployés pour renforcer nos relations bilatérales. Ceux-ci ont permis de s’engager vers une relation basée sur un « nouveau partenariat stratégique », en d’autres termes le plus haut niveau de relation diplomatique.

Le groupe RDSE se réjouit de ce rapprochement, qui s’inscrit en effet dans la stratégie indo-pacifique de la France, mais sans perdre de vue les efforts que Phnom Penh doit fournir en matière démocratique pour arriver à un niveau de responsabilité satisfaisant.

Espérant que ce projet de loi y contribuera, même modestement, le groupe RDSE l’approuvera. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà presque neuf ans, le 26 octobre 2015, la France et le Cambodge concluaient une convention d’extradition.

Depuis lors, le projet de loi d’approbation de ladite convention a connu un parcours difficile, symptôme des remous diplomatiques qui ont animé les relations entre la France et le Cambodge. Celles-ci se stabilisent, comme en témoigne la rencontre entre le Président de la République et le Premier ministre du royaume du Cambodge, le 18 janvier 2024.

Voilà donc l’occasion pour notre Parlement de débattre enfin sur ce texte, qui a été déposé, puis systématiquement retiré à plusieurs reprises entre 2016 et 2022.

Aboutissement des négociations bilatérales entre la France et le Cambodge, cette convention entend permettre le renforcement de la coopération entre les deux pays. Son approbation serait également un pas de plus vers la concrétisation du projet de convention d’entraide en matière pénale, second aspect des négociations entre la France et le Cambodge.

Président de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) en 2022, le Cambodge est un acteur de premier plan dans la région indo-pacifique, avec lequel l’Union européenne, a fortiori la France, souhaite collaborer.

Alors ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, M. Olivier Becht affirmait au mois de janvier 2023 que la relation économique entre la France et le Cambodge était déjà forte, mais qu’elle pouvait se renforcer davantage.

Ce souhait est toujours d’actualité, les chefs d’État français et cambodgien ayant depuis réitéré leur souhait de voir les investissements bilatéraux fleurir et les partenariats économiques se renforcer.

J’ai souhaité rappeler le rôle géopolitique et économique qu’occupe le Cambodge pour souligner l’importance d’une bonne entente et d’une coopération solide entre ce pays et le nôtre.

N’oublions pas que nous partageons une histoire et des valeurs communes.

La France souhaite que le Cambodge soit représenté à haut niveau au XIXe sommet de la francophonie, au mois d’octobre prochain. Le Cambodge fait par ailleurs preuve d’exemplarité en matière de promotion de la francophonie : le pays a officialisé son souhait d’accueillir la XXe édition de ce sommet en 2026.

En matière environnementale, nous partageons et nous soutenons l’ambition cambodgienne d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Par ailleurs, les liens culturels et historiques qui lient nos deux pays sont de toute évidence très forts et inaltérables. Notre histoire commune s’écrit en français et en cambodgien.

Poursuivre l’écriture de cette histoire à deux plumes nécessite de voter le présent projet de loi et d’approuver définitivement la convention d’extradition qui erre dans les limbes législatifs depuis trop longtemps.

Au-delà du contexte politique et géopolitique dont nous avons déjà discuté, concentrons-nous sur le texte en lui-même.

La convention comprend des dispositions importantes et poursuit un but vertueux, à savoir le renforcement des capacités communes de la France et du Cambodge dans la recherche et l’appréhension de malfaiteurs en fuite.

Le Cambodge, où continue malheureusement de prospérer le trafic d’êtres humains, notamment des enfants, à des fins d’exploitation sexuelle, peut être un pays refuge pour des Français auteurs d’infractions à caractère sexuel.

Que dire, à part que cette convention est un pas dans la bonne direction pour assurer l’extradition de ces malfaiteurs, la bonne tenue de leurs procès et, le cas échéant, la bonne application de la peine qui en résultera ?

Enfin, je tiens à préciser que je respecte mes collègues qui s’inquiètent des manquements cambodgiens en matière de droits de l’homme, de la liberté de l’information et du pluralisme politique. Ces manquements sont indéniables et les inquiétudes exprimées sont toutes légitimes.

Je pense cependant que l’histoire récente laisse entrevoir une évolution positive du Cambodge sur de nombreux sujets.

Dans leur déclaration commune faisant suite à leur entretien du mois de janvier dernier, le Président de la République et le Premier ministre cambodgien ont tous deux reconnu la nécessité du pluralisme politique et la protection des droits fondamentaux, deux piliers de la démocratie. Ils ont tous deux exprimé leur souhait de coopérer en ce sens.

Cette nette amélioration des relations entre la France et le Cambodge s’accompagne du témoignage de la bonne volonté du Cambodge dans le respect de la démocratie et l’application de ses valeurs, qui sont chères à la France.

En conséquence, la majorité des membres du groupe RDPI votera pour ce texte, certains s’abstiendront.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’histoire commune de la France et du Cambodge, les relations étroites et si singulières tissées au fil du temps, l’amitié réelle et la considération mutuelle que cultivent nos deux pays, mais aussi les mémoires collectives imprégnées de moments souvent insoutenables ont cette capacité à atténuer la distance géographique qui sépare Phnom Penh de Paris.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement naturel de ce long mouvement de rapprochement entre nos deux peuples.

Deux peuples qui cultivent leur attachement à la langue française, une communauté francophone forte de 463 000 locuteurs se trouvant au Cambodge.

Deux peuples qui ont fait le choix de conforter les coopérations économiques, culturelles, éducatives ou encore militaires et de donner un nouvel élan à leurs relations bilatérales depuis 2022.

Deux peuples qui ont inscrit au plus haut de leur hiérarchie des normes les valeurs de démocratie et de liberté.

En effet, en 1993, après des décennies de conflits et de régimes autoritaires, la promulgation de la Constitution cambodgienne a eu vocation à engager le pays sur le chemin de la démocratie. La loi fondamentale proclame ainsi la séparation des pouvoirs et un certain nombre de droits et de libertés, notamment la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et le droit à un procès équitable : autant de valeurs dans lesquelles la France se reconnaît.

Au-delà de ces principes, au-delà du texte, la situation est en réalité bien plus contrastée dans ce pays, où la vie politique est dominée par le parti du peuple cambodgien, dirigé depuis 2015 par l’ancien Premier ministre Hun Sen, dont le fils Hun Manet a récemment pris la tête du gouvernement.

Au-delà des proclamations, la liberté est trop souvent atrophiée par un régime qui a privé les dernières élections de toute opposition crédible.

Au-delà des intentions, l’arbitraire est désormais enraciné dans cet État, qui ordonne la fermeture de son dernier titre de presse indépendant, qui multiplie les intimidations et les arrestations et dans lequel la corruption s’enkyste.

C’est précisément pour ces raisons que le débat que nous avons aujourd’hui me semble nécessaire. Je veux d’ailleurs saluer mes collègues parlementaires qui ont pris l’initiative de solliciter, pour l’examen de ce texte, le retour à la procédure normale.

Ce débat constitue l’occasion pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de dénoncer les atteintes préoccupantes aux droits humains, qui ternissent l’image du Cambodge depuis 2017 – ce qu’il fait à cet instant avec clarté.

Ce débat nous permet également d’évoquer cette histoire commune et ces liens étroits avec le Cambodge, qui nous conduisent, en responsabilité et avec précaution, à favoriser un approfondissement des relations bilatérales avec ce pays.

Sur ce point, monsieur le rapporteur, nous faisons le même constat que vous, celui d’une nouvelle dynamique à l’œuvre dans le cadre des relations bilatérales qu’entretiennent nos deux États. Cela s’est confirmé avec la visite de travail du Premier ministre Hun Sen en France à l’hiver 2022, puis avec celle du roi du Cambodge à l’automne dernier et, plus récemment encore, avec celle du nouveau Premier ministre, Hun Manet, reçu par le Président de la République en début d’année.

Oui, la France doit aller plus loin dans sa relation avec le Cambodge. Mais le chemin de la coopération ne peut être emprunté sans poser des garanties claires et sans déterminer une direction commune, celle du confortement de nos démocraties.

En ce qui concerne les garanties, la convention soumise à notre examen peut être qualifiée de « robuste » au regard des précautions qu’elle comporte. Comme cela a déjà été souligné, le texte prévoit un certain nombre de garde-fous. Je veux à ce titre souligner qu’il s’inspire largement des dispositions de la convention européenne d’extradition de 1957.

Cette convention avec le Cambodge détaille par ailleurs les motifs de refus d’extradition, parmi lesquels les infractions de nature politique ou militaire. N’entrent pas non plus dans le champ de cet accord les demandes motivées par des considérations d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques. En outre, parce que nous savons que la quasi-totalité des opposants au régime qui sont réfugiés en France possèdent la double nationalité, la convention les préserve de toute demande d’extradition.

Ce texte permet donc de renforcer les capacités communes de nos deux États dans la recherche et l’appréhension des malfaiteurs en fuite. Il confortera notre coopération en matière de lutte contre la criminalité tout en garantissant la préservation de libertés fondamentales face à l’arbitraire et aux abus de pouvoir.

Concernant la direction que nous voulons prendre, je voudrais vous faire part d’une conviction : oui, le dialogue avec d’autres États peut contribuer à faire rayonner les valeurs universalistes que nous promouvons. Et c’est précisément à ce titre que nous demandons au Gouvernement de faire de cette convention un outil complémentaire au service du rapprochement entre la France et le Cambodge et de faire du resserrement de ces liens et du dialogue bilatéral un moyen de tendre vers une évolution positive de la situation des droits humains dans ce pays.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement doit continuer d’inscrire à l’ordre du jour de ses échanges avec les autorités cambodgiennes la question du rétablissement et de la préservation des libertés publiques. La France doit également poursuivre son rapprochement avec le Cambodge afin de faire progresser nos valeurs communes.

En votant pour l’approbation de cette convention d’extradition, nous faisons le pari de l’avenir, en responsabilité, avec la lucidité et la vigilance que celle-ci exige.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain suivra donc l’avis de la commission, avec les réserves que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, fortes d’un siècle et demi d’histoire, les relations qu’entretiennent la France et le royaume du Cambodge s’inscrivent dans le temps long. Au fil de ce riche passé commun, se sont développés entre nos deux nations des affinités profondes ainsi que de véritables liens d’amitié, de respect et de confiance mutuels.

Ces liens amèneront notamment la France à assumer un rôle de premier plan dans les accords qui, en 1991, permirent au peuple cambodgien de tourner enfin la page la plus tragique de son histoire contemporaine, après deux décennies de folie khmère rouge et de guerre civile meurtrière.

Aujourd’hui, les relations franco-cambodgiennes demeurent étroites. Elles s’épanouissent dans une volonté partagée de faire vivre une francophonie dynamique et dans le souhait de développer des liens économiques structurés non seulement par les investissements de nos grands groupes, mais aussi par la présence sur place de nombreux entrepreneurs français.

Nos relations se déploient également dans divers autres secteurs. Elles s’appuient sur une aide au développement conséquente, sur des échanges universitaires nourris – en particulier dans le domaine de la santé –, sur des contacts fructueux au niveau militaire et sur des coopérations dans l’éducation, le changement climatique, la biodiversité ou encore la culture et le patrimoine, au travers notamment des actions menées pour la sauvegarde du fabuleux site d’Angkor.

Récemment, nos deux pays se sont engagés dans la voie d’un renforcement de ce partenariat. Dans le contexte géopolitique actuel, chacun y trouve en effet un intérêt bien compris. La zone indo-pacifique, qui concentre certaines des routes commerciales les plus empruntées au monde, représentera en 2040 plus de la moitié du PIB mondial et constituera, à ce titre, la principale réserve de la croissance globale des années à venir.

La région attire donc autant les convoitises qu’elle cristallise les tensions, en particulier entre une Chine aux volontés de plus en plus hégémoniques et des États-Unis de plus en plus soucieux de contrer Pékin partout où ils le peuvent.

Pour la France, puissance riveraine de l’Indo-Pacifique par ses outre-mer, un réengagement solide dans la région est essentiel et le Cambodge peut représenter un point d’appui important.

Quant à nos partenaires cambodgiens, ils perçoivent dans l’offre française, qu’ils savent coopérative et inclusive, un moyen de diversifier leurs partenariats et de desserrer un peu l’omniprésence économique de la Chine sans pour autant se retrouver pris en étau dans la rivalité sino-américaine.

La convention d’extradition que nous examinons s’inscrit donc comme un jalon sur le chemin de ce rapprochement stratégique voulu à la fois par Paris et par Phnom Penh. Négociée sur l’initiative de notre pays et signée en 2015, elle vient enrichir la relation dans un domaine où nous ne sommes liés par aucun accord bilatéral et où la coopération est menée sur une base ad hoc, sans autre cadre que celui posé par les conventions multilatérales.

Ce texte ne soulève pas en soi de problème particulier. En premier lieu, parce qu’il ne devrait concerner qu’un nombre limité de cas au vu du très faible volume de demandes d’extradition formulées par la France et le Cambodge au cours des quinze dernières années. Ensuite, parce qu’il s’agit d’un accord conforme aux standards internationaux en la matière, semblable aux multiples conventions de cette nature signées par la France avec d’autres pays. Ce texte dispose donc de toutes les garanties procédurales nécessaires à la prévention d’éventuels abus.

À cet égard, je pense tout particulièrement aux dispositions encadrant les motifs de refus des extraditions. Ces dernières devront ainsi être récusées si elles concernent des infractions militaires, mais aussi – et surtout – des infractions politiques. Si ces dispositions revêtent une importance aussi prégnante, c’est naturellement en raison de la situation au Cambodge.

En effet, le présent texte ne susciterait sans doute aucun débat si les droits civils et politiques n’avaient connu dans ce pays une dégradation réelle au cours des dernières années.

Si le Cambodge a ratifié la plupart des conventions internationales sur les droits de l’homme, s’il a formellement mis sa législation en conformité avec ses engagements et s’il a – cela mérite d’être souligné – constitutionnalisé l’abolition de la peine de mort dès 1993, la réalité n’en est pas moins que les opposants politiques, les responsables syndicaux ou les journalistes font l’objet de nombreuses pressions, quand ils ne sont pas tout simplement incarcérés et leurs organisations interdites.

La situation avait ainsi conduit l’Union européenne, avec le soutien de la France, à suspendre en 2020 le traitement préférentiel accordé à Phnom Penh dans le cadre du régime commercial « Tout sauf les armes ».

La question du respect des droits de l’homme est donc une préoccupation tout à fait centrale. Toutefois, en la matière, la voie du dialogue – un dialogue certes exigeant – me semble toujours préférable à celle de l’ostracisme. C’est la méthode la plus efficace pour accompagner les évolutions positives que nous appelons tous de nos vœux. Or cette volonté de dialogue rencontrera une oreille d’autant plus attentive qu’elle sera exprimée dans le cadre d’une relation bilatérale solide et approfondie.

En outre, l’arrivée au pouvoir, l’année dernière, de Hun Manet peut constituer une occasion à saisir.

Bien évidemment, on ne peut ignorer que cette succession est avant tout de nature dynastique, puisque le nouveau Premier ministre n’est autre que le fils de son prédécesseur, resté trente-huit ans au pouvoir. Il ne faut donc pas se bercer d’illusions et imaginer que le Cambodge pourrait du jour au lendemain s’engager sur la voie d’un changement complet de régime et adopter en la matière les pratiques qui sont les nôtres.

Néanmoins, l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants déterminés à réformer et à développer leur pays et demandeurs, à cette fin, d’une relation renouvelée avec le nôtre, installe un contexte a priori favorable pour que la voix de la France porte davantage, y compris sur la question fondamentale des droits civils et politiques.

C’est donc en formant ce vœu pour les années à venir que le groupe Les Républicains, suivant en cela la recommandation de la commission des affaires étrangères, se prononcera en faveur de l’approbation de cet accord conclu avec le royaume ami du Cambodge. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières années, Phnom Penh s’est montrée désireuse de se rapprocher de Paris, tant pour accroître son développement que pour équilibrer quelque peu l’énorme influence du voisin chinois.

Depuis janvier dernier, la France est devenue le quatrième partenaire stratégique du Cambodge aux côtés du Japon, de la Chine et de la Thaïlande. Nous avons ainsi la chance d’accompagner le développement cambodgien. Nos entreprises peuvent utilement contribuer à la construction et à la modernisation des infrastructures de ce pays.

Cette relation nous offre également l’occasion de renforcer nos liens avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), l’un des centres économiques majeurs du monde. Il est important que la France puisse y faire entendre sa voix.

Au-delà des opportunités économiques et commerciales que représentent cette relation, notre coopération concerne également le domaine de la défense.

L’année 2023 a marqué la poursuite d’un rapprochement avec le Cambodge, dont nous ne pouvons que nous féliciter. Il intervient à la faveur d’une évolution politique dans le pays et s’inscrit dans la vision de l’Indo-Pacifique développée par le Président de la République. Nous ne devons – ni ne pouvons – nous désintéresser de cette région du monde : les enjeux y sont trop importants et nous y avons des intérêts à défendre.

Le texte que nous examinons vise à ratifier un accord de coopération judiciaire entre nos deux pays, comprenant notamment un dispositif d’extradition.

La France a tout intérêt à ce renforcement des liens avec le Cambodge, mais cette coopération ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Nous ne pouvons transiger sur nos valeurs les plus essentielles.

Nos deux pays sont liés par une longue histoire. Au cours de celle-ci, ils se sont tantôt éloignés, tantôt rapprochés. La France a plusieurs fois protesté contre les atteintes aux droits de l’homme commises dans le royaume.

La législation de ce pays a néanmoins évolué vers une meilleure protection des libertés individuelles, qu’il reste encore à traduire dans les faits. Ces progrès récents nous permettent cependant d’envisager plus sereinement l’avenir de notre coopération.

Il nous semble donc que le processus de ratification doit être relancé, et ce d’autant plus que les accords et les échanges sont un moyen efficace de promouvoir nos principes.

Nous ne pouvons pas attendre que le monde devienne conforme à nos idéaux – cela vaut ici comme ailleurs. Nous devons travailler dès aujourd’hui à le rendre meilleur.

La coopération en matière judiciaire est un sujet particulièrement sensible. Tout d’abord, la lutte contre la criminalité est essentielle pour établir l’État de droit. Ensuite, nous souhaitons nous prémunir contre toute instrumentalisation des procédures. À cet égard, l’accord conclu encadre strictement cette coopération et prévoit une série de garanties permettant de prévenir d’éventuelles dérives.

Nous devons encourager les évolutions qui sont à l’œuvre dans le Cambodge moderne. Le groupe des indépendants soutient par conséquent l’adoption de ce projet de loi tout en appelant le Gouvernement à la plus stricte vigilance sur la question des droits humains. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la relation entre la France et le Cambodge est singulière.

Comme d’autres l’ont rappelé avant moi, une histoire commune a permis de créer des liens très forts entre nos deux nations. La France a exercé pendant près d’un siècle un protectorat sur le Cambodge, jusqu’en 1953, où l’indépendance a été accordée sans heurt ni guerre, de manière naturelle et pacifique.

Cette relation singulière est également marquée par le sceau de la culture, puisque – faut-il le rappeler ? – c’est un Français qui a permis la redécouverte de la merveille qu’est le temple d’Angkor et qui a engagé la mise en œuvre de la préservation du site.

En outre, les destins de nos deux peuples sont singulièrement liés, puisque des Français ont vécu au Cambodge et que des Cambodgiens sont venus se réfugier dans notre pays, notamment pendant les heures douloureuses et tristes de l’histoire du Cambodge, lors du terrible génocide perpétré par les Khmers rouges au cours duquel un quart de la population du pays a été décimée.

Le Cambodge est parvenu à se relever de cette crise, lentement mais sûrement, au prix d’une lourde guerre civile qui a fait des dizaines de milliers de morts.

En tant qu’élu du Tarn, je veux rendre hommage à la fondation Pierre Fabre, qui s’est engagée, voilà quelques années, dans la construction de la faculté de pharmacie de Phnom Penh, ajoutant ainsi une nouvelle pierre dans la mise en œuvre d’une coopération privée entre nos deux pays.

Pour ce qui concerne la coopération publique, l’Agence française de développement (AFD) a investi quelque 1,3 milliard d’euros au Cambodge au cours des dernières années.

Compte tenu de ces liens privilégiés entre nos deux pays, il nous a paru naturel d’autoriser la signature d’une convention d’extradition et je félicite le président Cambon pour l’excellent travail qu’il a mené sur ce texte.

Cette convention permettra au Cambodge de faire un pas de plus vers l’État de droit. Elle est importante pour consolider nos relations bilatérales. Elle est essentielle dans la mesure où elle offre les garanties nécessaires pour que les droits de l’homme et les droits politiques auxquels nous sommes très attachés soient mieux respectés. Ainsi, il ne sera pas procédé aux extraditions visant des opposants politiques, des syndicalistes ou des personnes que l’on rechercherait pour des considérations ethniques ou politiques.

Pour autant, la situation politique au Cambodge reste insatisfaisante, notamment au regard du traitement réservé aux oppositions. Nous devons donc nous montrer vigilants et rappeler notre attachement essentiel et fondamental à l’État de droit, que ce soit ici ou là-bas.

Le groupe Union Centriste votera bien évidemment en faveur de ce projet de loi. Cette convention offre les garanties que nous sommes en droit d’attendre et ouvre surtout de nouvelles perspectives dans la relation forte et singulière entre nos deux nations. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli.

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, des liens indéfectibles unissent la France et le Cambodge. Ces liens, forgés au fil des siècles, sont le fruit d’une histoire commune, parfois complexe, mais toujours empreinte d’un profond respect mutuel.

Nous ne sommes pas appelés aujourd’hui à prendre position sur les liens d’amitié entre nos deux nations. Nous devons nous positionner sur un projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Cambodge. Nous devons le faire non seulement en tant que sénateurs, mais aussi en tant que défenseurs des droits humains et de la dignité humaine. Or l’amitié entre nos deux peuples nous oblige à tenir un discours de vérité.

La convention d’extradition récemment signée entre la France et le Cambodge, bien qu’elle marque un progrès en matière de coopération judiciaire, doit être scrutée à la lumière des rapports de l’ONU et d’Amnesty International révélant des faits accablants sur la campagne antidrogue au Cambodge, dans le cadre de laquelle la torture et d’autres formes de mauvais traitements sont employées de manière systématique à l’encontre des personnes arrêtées. Les récits de violence, d’abus et même de mort en détention soulignent un manquement grave aux principes fondamentaux des droits humains.

Ce n’est pas seulement une question de politique intérieure cambodgienne ; c’est une question qui doit interpeller notre conscience et qui doit rejaillir, par extension, sur notre coopération bilatérale avec le Cambodge en matière d’extradition.

Comment pouvons-nous assurer la protection des droits fondamentaux à des personnes extradées vers des prisons où la torture et les traitements inhumains sont rapportés comme étant des pratiques courantes dans le cadre de la lutte contre la drogue ?

Il est crucial de rappeler que le Cambodge a aboli la peine de mort et inscrit la prohibition de cette peine dans sa Constitution. C’est un pas en avant pour les droits humains.

Cependant, les actes de torture et les conditions déplorables de détention nous poussent à nous interroger sur l’effectivité de ces engagements constitutionnels.

Face à cette situation, nous, élus du groupe écologiste, proposons que la France adopte une position ferme et claire en matière de coopération avec le Cambodge. En tant que Nation, nous portons la responsabilité de promouvoir et de protéger les droits humains, non seulement à l’intérieur de nos frontières, mais également dans le cadre de nos relations internationales. Ce n’est qu’en adoptant une approche cohérente et engagée en matière de droits humains que nous pourrons contribuer à l’édification d’un monde plus juste et plus humain.

Les liens historiques et d’amitié entre le peuple français et le peuple cambodgien sont un héritage précieux que nous devons continuer à cultiver et à développer. Ce sont justement ces liens d’amitié qui nous permettent de dire les choses avec franchise.

Aussi, nous voterons contre ce projet de loi. Nous espérons toutefois que nous saurons trouver ensemble, avec nos amis cambodgiens, la voie d’une coopération respectueuse du droit des peuples et des droits fondamentaux tout en gardant à l’esprit l’importance de notre rôle en tant que défenseurs de la dignité humaine dans nos rapports avec nos partenaires internationaux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume du cambodge

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Cambodge.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt-six.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge
 

9

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Discussion générale (suite)

Protéger le groupe Électricité de France

Adoption définitive en troisième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en troisième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en troisième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (proposition n° 370, texte de la commission n° 473, rapport n° 472).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Article 2 (texte non modifié par la commission) (début)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le président, madame la rapporteure, chère Christine Lavarde, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà donc réunis pour la troisième lecture de ce texte.

Je m’étais engagé, lors du dernier examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, à ce que le Gouvernement l’inscrive à l’ordre du jour du Sénat dès aujourd’hui : c’est chose faite.

Cette troisième lecture permettra d’achever un travail engagé depuis plus d’un an, à l’issue duquel nous sommes parvenus à un texte auquel le Gouvernement est favorable.

Je veux remercier tous ceux qui se sont impliqués à l’Assemblée nationale et au Sénat, notamment le député rapporteur M. Philippe Brun, dont je suis sûr qu’il nous écoute, ainsi que la sénatrice rapporteure Mme Christine Lavarde, qui a succédé à Gérard Longuet – ce sont les joies du calendrier parlementaire – et que je remercie tout particulièrement pour le travail accompli.

Le texte auquel nous avons abouti devrait pouvoir donner lieu à un vote conforme, même si je ne veux pas, bien évidemment, préjuger de la volonté de la Haute Assemblée. Depuis son examen en première lecture, il a été – il faut le reconnaître – très largement enrichi, réécrit et amendé, de sorte que ces évolutions lui permettent désormais de prospérer, grâce à des mesures qui ont deux objets principaux.

Il s’agit tout d’abord d’inscrire dans la durée la relation entre l’État – actionnaire à 100 % – et EDF, par la conclusion d’un accord de dix ans, actualisé tous les trois ans. Cela est cohérent, bien évidemment, avec le contexte d’investissement massif que connaîtra l’entreprise dans les deux prochaines décennies.

Madame la rapporteure, comme je sais que vous y êtes sensible, je tiens à préciser que ce contrat vaudra pour dix années courantes ; nous pourrons clarifier de nouveau ce point dans le cadre de l’examen d’un amendement que vous avez déposé. De plus, tous les trois ans, un nouveau contrat de dix ans sera signé entre l’État et Électricité de France.

Il s’agit ensuite d’étendre, à partir du 1er février 2025, le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) aux très petites entreprises (TPE) et aux petites communes.

Grâce à l’élargissement des critères d’éligibilité, ledit tarif s’appliquera à 25 000 communes, contre 15 000 auparavant, soit à une très large majorité des communes de France. En outre, 3,7 millions de TPE seront éligibles contre 2,7 millions auparavant, soit 30 % de TPE supplémentaires.

Surtout, même si je dois reconnaître que le Gouvernement était un peu réservé sur cette mesure, …

M. Fabien Gay. C’est un euphémisme.

M. Roland Lescure, ministre délégué. … le dispositif sera plus simple, comme chacun en conviendra, dans la mesure où il évitera des distinctions parfois complexes en fonction de la puissance des compteurs.

C’est un signal protecteur que nous enverrons ainsi aux artisans, aux commerçants, aux agriculteurs et aux collectivités locales, et nous le ferons – de mon point de vue – au bon moment, puisque le contexte s’est apaisé et que les prix de l’énergie sont bas. Par conséquent, je considère que c’est une bonne mesure que de proposer aujourd’hui un dispositif de protection pour anticiper toute nouvelle augmentation des prix du marché – ce qui peut malheureusement encore arriver…

Cette troisième lecture, que j’espère définitive, intervient également neuf mois après l’offre publique d’achat (OPA) de l’État sur EDF, qui s’est bien passée.

Je ne serai pas plus long et vous inviterai simplement à adopter conforme le texte issu de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je n’épuiserai pas le temps de parole qui m’est imparti, car il est urgent d’accélérer sur ce texte.

Cette proposition de loi aura mobilisé beaucoup d’énergie. Malheureusement pour ses auteurs, ses rendements ont été décroissants au fil des lectures, le texte que nous nous apprêtons à adopter cet après-midi étant en effet assez éloigné de sa version initiale.

Pour ma part, je n’ai aucun état d’âme à proposer au Sénat d’adopter ce texte conforme, puisque, à l’issue de sa troisième lecture à l’Assemblée nationale, il est exactement conforme à l’esprit de celui que nous avons voté à deux reprises dans cet hémicycle, en première et en deuxième lecture.

Aussi, je m’étonne quelque peu que certains députés aient pu dire que le Gouvernement avait plié devant la représentation nationale. Les avancées du texte ne constituent en aucun cas un renoncement, elles sont simplement l’aboutissement d’une discussion.

Le ministre a reconnu que, à l’origine, le Gouvernement n’était pas très favorable à l’article 3 bis. Les députés de la majorité avaient même quitté l’hémicycle au moment de voter l’extension des tarifs réglementés lors de la première lecture du texte.

Je reconnais que la rédaction initiale de cet article pouvait être problématique à plusieurs égards. Au reste, l’Assemblée nationale a fini par se rallier à la sagesse du Sénat en adoptant un dispositif conforme au droit européen.

De son côté, le Gouvernement a accepté de soutenir un texte plus ambitieux que celui qui a été déposé au Conseil d’État à la fin de l’année 2023, lequel prévoyait un plafond de 250 kilovoltampères.

S’il convient de se réjouir que nos très petites entreprises et nos collectivités puissent désormais compter sur un système protecteur si une crise advenait, il faut également avoir le courage de dire que le dispositif n’est ni opérant ni intéressant à l’heure actuelle.

J’ai fait un test aujourd’hui même et consulté le comparateur du médiateur de l’énergie pour voir ce que je paierais si je renonçais aux tarifs réglementés et optais pour une offre de marché. En restant chez le même opérateur, je gagnerais 15 %, de même qu’en optant pour une offre d’électricité verte. Autrement dit, les tarifs réglementés ne sont pas plus attractifs que les offres de marché.

Par ailleurs, nous manquons de visibilité sur ce qui adviendra de la formule de calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité lorsque l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) prendra fin le 31 décembre 2025. Voilà la question à laquelle nous devons collectivement répondre.

À mon sens, la régulation d’EDF, notamment au travers du contrat décennal que vous avez mentionné, monsieur le ministre, permettra à l’État actionnaire et à l’entreprise de définir la politique qu’ils souhaitent mener pour assurer une énergie à un prix compétitif, à la fois aux citoyens et aux entreprises, sur une longue durée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je veux réaffirmer à cette tribune le caractère hautement stratégique d’EDF pour notre pays, en tant qu’opérateur historique.

Au travers de l’examen de ce texte en troisième lecture, nous devons préserver l’indépendance énergétique de la France, ainsi que la maîtrise et la sécurité des infrastructures de production, de transport et de distribution d’électricité, en particulier des centrales nucléaires.

La nationalisation d’EDF qui était proposée dans le texte initial a été abandonnée. Qualifiée d’entreprise d’intérêt national, EDF est désormais une société anonyme au capital détenu à 100 % par l’État. Ce choix protège l’opérateur de toute tentative de privatisation et sanctuarise son rattachement à l’État : il ne sera pas possible pour un gouvernement d’ouvrir le capital de l’entreprise sans passer par un vote au Parlement.

Le débat parlementaire, auquel le groupe du RDSE est très attaché, a permis d’aboutir à une proposition de loi qui, si elle est loin d’être parfaite, constitue néanmoins une première garantie. De plus, le spectre du démembrement d’EDF qu’incarnait le projet Hercule s’éloigne encore.

Ainsi, nous préservons notre indépendance énergétique et notre production très largement décarbonée d’électricité, en maintenant des coûts de production raisonnables par rapport à ceux de nos voisins européens. La signature d’un contrat décennal – que vous avez confirmée, monsieur le ministre – et l’extension des tarifs réglementés aux petites entreprises constituent des améliorations, même si la réglementation est insuffisante, comme l’a souligné la rapporteure.

L’actionnariat salarié, qui est souvent vanté dans notre pays, serait un atout pour l’opérateur, car il renforcerait l’implication des salariés dans la réussite de l’entreprise.

Comme il est question d’EDF, j’aborderai la hausse vertigineuse des tarifs de l’électricité. Selon l’UFC-Que Choisir, ces tarifs ont augmenté de 49 % entre janvier 2022 et février 2024, cependant que les prix alimentaires augmentaient de 23 %. Quand s’arrêtera cette spirale infernale pour le consommateur ?

Quant à la hausse des taxes sur l’électricité, ne s’agit-il pas, monsieur le ministre, d’une entorse au sacro-saint principe, répété en boucle par le Gouvernement, du « pas de hausse de la fiscalité » ?

Pour ma part, je trouve problématique le mode de calcul des prix pour le consommateur français, qui se fonde sur les prix des marchés internationaux indexés sur le prix du gaz, alors que l’électricité consommée en France est produite à 94 % sur le territoire national.

Enfin, à quelques semaines des élections européennes, il convient de s’interroger sur l’harmonisation des politiques nationales en matière de production énergétique. Elle doit se faire vers le haut, plutôt qu’en tirant vers le bas les bons élèves, ceux qui ont décarboné leur production énergétique. Ceux qui ont choisi des énergies fossiles, en particulier l’Allemagne, n’ont pas à faire payer l’addition aux Français.

Ces réflexions mises à part, le groupe du RDSE, sans enthousiasme, mais avec raison, votera majoritairement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons pour la troisième fois la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement. Comme l’illustre l’évolution même de son intitulé – initialement « proposition de loi visant à la nationalisation du groupe Électricité de France » –, cette proposition de loi a été grandement transformée au cours de nos discussions.

Elle l’a tout d’abord été grâce à l’action du Gouvernement, qui a agi promptement pour protéger le groupe Électricité de France. L’offre publique d’achat simplifiée qu’il a lancée en 2022 a été un succès : le capital d’EDF est désormais détenu à 100 % par l’État. Dès lors, les articles 1er et 3 de la proposition de loi sont devenus inopérants et ont donc été supprimés.

Nos discussions sur un temps long et la navette parlementaire ont également été cruciales pour établir progressivement un texte responsable et proportionné aux enjeux de la politique énergétique.

Je salue les modifications par le Gouvernement de l’article 3 sur l’actionnariat salarié. Le groupe RDPI soutient évidemment les mesures favorisant ce dernier, mais comme l’a rappelé Mme la rapporteure en commission des finances, l’ouverture du capital dès à présent aux salariés et aux anciens salariés du groupe n’aurait pas grand intérêt pour eux.

En effet, au vu de la situation financière du groupe EDF, il est très peu probable qu’ils reçoivent des dividendes dans les années à venir. Aussi nous semble-t-il préférable d’encourager l’intéressement au sein du groupe, comme s’est engagé à le faire son président-directeur général Luc Rémont, tout en nous laissant la possibilité d’ouvrir le capital aux salariés et aux anciens salariés lorsque le groupe se trouvera dans une meilleure situation.

Par ailleurs, nous nous réjouissons que l’Assemblée nationale ait entériné la version sénatoriale de l’article 3 bis en supprimant la condition limitative d’accès des très petites entreprises et des petites communes aux tarifs réglementés de vente de l’électricité aux seuls compteurs électriques ayant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères.

L’accès aux TRVE des nombreux boulangers, restaurateurs ou fleuristes qui en étaient exclus jusqu’alors renforcera les tissus économiques et sociaux locaux et les protégera en cas de nouvelle crise énergétique.

En outre, en adoptant la rédaction sénatoriale de l’article 3 bis et en acceptant l’ouverture ciblée du périmètre d’éligibilité des TRVE, l’Assemblée nationale a rendu le dispositif conforme aux normes européennes en la matière. Cela nous permet d’envoyer un message de responsabilité budgétaire particulièrement nécessaire dans la perspective de redresser la trajectoire de nos finances publiques.

Chers collègues, cet effort a été transpartisan et devrait, je l’espère, aboutir à l’adoption du texte dans une version conforme à celle qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale. L’accord de nombreux groupes politiques entre eux, celui du Gouvernement avec le Parlement et celui, probable, des deux chambres est rare et doit être salué.

La combinaison de l’action du Gouvernement en amont de l’adoption de cette proposition de loi et des dispositions introduites dans cette dernière nous assurera de conserver la mainmise sur notre politique énergétique. Nous pouvons nous en féliciter.

Aussi, à la faveur des multiples changements effectués au cours des trois lectures, qui sont autant de compromis issus de nos temps d’échange, le groupe RDPI votera le texte conforme à celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale. Nous pensons qu’il constitue désormais un texte raisonnable, réaliste et utile, pour protéger tant le groupe EDF que les TPE et les petites communes.

Puisque mon temps de parole n’est pas épuisé, je conclurai en formulant une remarque, en tant que sénateur de Mayotte, sur l’article 3 ter. Cet article ayant été voté conforme par les deux assemblées, je suis conscient que nous ne pourrons pas revenir dessus, mais je ne vois pas l’intérêt de nationaliser Électricité de Mayotte (EDM) et donc de réaliser un rapport à cet effet.

Les situations des groupes EDF et EDM sont différentes et je ne pense pas qu’il faille transposer ce que nous avons fait à l’échelle métropolitaine au territoire mahorais, qui, comme vous le savez, est confronté à des enjeux spécifiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous espérons que cette troisième lecture permettra l’adoption d’un texte conforme à celui de l’Assemblée nationale.

Si, à l’évidence, ce texte a considérablement évolué et si d’aucuns peuvent regretter le redimensionnement de son contenu, je pense néanmoins que nous pouvons être collectivement fiers du travail mené par l’ensemble des parlementaires.

Les socialistes peuvent en effet s’enorgueillir d’avoir largement convaincu sur toutes les travées – certes laborieusement – de la nécessité de sanctuariser le fleuron national qu’est EDF, de retrouver le contrôle de notre souveraineté énergétique et de protéger les Français contre la précarité énergétique qui les accable.

Tous ces enjeux d’intérêt supérieur rendaient impératifs un dialogue et donc un compromis : c’est la méthode que nous avons tous scrupuleusement appliquée.

Naturellement, nous aurions préféré que figure dans cette proposition de loi l’incessibilité d’Enedis et l’ouverture du capital d’EDF à ses salariés et anciens salariés. Toutefois, nous avons choisi de nous concentrer sur l’essentiel pour parvenir à l’adoption conforme et définitive de cette proposition de loi et entériner les avancées qu’elle comporte.

Première de ces avancées : la détention à 100 % publique du capital d’EDF est consacrée et la notion de société d’intérêt national, que nous avons inscrite en première lecture, est maintenue. Sans avoir pour objectif de figer définitivement la structure capitalistique d’EDF, cette rédaction impose au Gouvernement de saisir le Parlement pour toute nouvelle évolution de la participation publique au capital de la société.

Comme le démontrent d’ores et déjà les auditions menées par la commission d’enquête sénatoriale portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 conduite par Franck Montaugé et Vincent Delahaye, le réarmement du service public de l’électricité est devenu une urgence du temps présent et un impératif pour notre avenir.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de cette proposition de loi, nous demandons de nouveau au Gouvernement de définir une stratégie claire pour l’avenir énergétique du pays en présentant dans les meilleurs délais le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat maintes fois annoncé et maintes fois reporté.

Seconde avancée majeure de ce texte : les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont étendus sans condition de puissance souscrite à l’ensemble des très petites entreprises et des collectivités dont le budget s’élève à moins de 2 millions d’euros et comptant moins de dix équivalents temps plein. Face à la volatilité des prix de l’énergie, il s’agit d’un bouclier vital pour nos millions d’artisans, de commerçants, de restaurateurs et d’agriculteurs.

Pour conclure, je rends hommage à toutes celles et à tous ceux qui, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, nous auront permis de nous rassembler autour de choix stratégiques pour assurer la souveraineté et l’indépendance de notre pays et pour protéger nos concitoyens de la flambée inflationniste des prix de l’électricité.

Sans trancher le débat politique et philosophique qui peut nous opposer çà et là dans cet hémicycle sur cette question, l’examen de cette proposition de loi aura eu la vertu de transcender les antagonismes pour faire émerger des convergences. In fine, nous nous sommes accordés sur l’essentiel. Ce fut un exercice de parlementarisme abouti.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Madame la rapporteure, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir repris le travail de notre ancien collègue Gérard Longuet en vue d’aboutir, enfin, à un vote conforme entre les deux chambres sur cette proposition de loi – tout du moins, tel est le souhait du groupe que je représente.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte comporte certes des paragraphes techniques sur le capital, le démembrement ou la participation, comme cela a été souligné en commission, mais il y a urgence à l’adopter, car son volet sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité constitue un véritable progrès.

Nous pouvons nous en féliciter, car nos communes, essentiellement les communes rurales – celles qui emploient moins de dix ETP ou dont le budget de fonctionnement est inférieur à 2 millions d’euros –, vont pouvoir en bénéficier. Alors que depuis deux ans, nos collectivités souffrent et sont forcées de réaliser des économies pour faire face à la hausse des prix de l’énergie et à la baisse de leurs recettes de fonctionnement, nous leur adressons un message de soutien.

Nous adressons également un message de soutien aux commerçants, qui sont particulièrement concernés par la hausse des prix de l’électricité depuis l’automne 2022. Nous avons beaucoup parlé des boulangers, qui sont dans une situation de concurrence sinon injuste, du moins déséquilibrée avec la grande distribution. Nous leur apportons une réponse.

À cet égard, j’adresse pour conclure mes pensées au boulanger de Buxeuil, dans la Vienne, qui a été confronté ce week-end aux inondations. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines j’avais exprimé, au nom des sénateurs du Rassemblement national, notre perplexité devant un texte qui manquait profondément d’ambition, tant pour garantir la pérennité du groupe EDF que pour faire de cette nationalisation une occasion déterminante pour améliorer les rapports, toujours complexes, entre le capital et le travail.

Certes, le principe d’une détention publique intégrale du groupe est maintenu, comme la mention d’une entreprise d’intérêt national, ce qui laisse imaginer une protection supérieure face à tout processus de démembrement futur du groupe EDF. Néanmoins, l’abandon de dispositions importantes pour garantir l’actionnariat salarié constitue un grand défaut du texte.

Nous nous étonnons que la majorité sénatoriale, que nous pensions attachée au grand principe gaulliste de la participation, ait été l’allié le plus zélé du Gouvernement pour limiter au minimum le déploiement d’un actionnariat salarié réel au sein du groupe EDF. Cet actionnariat aurait permis, il convient de le rappeler, de garantir un partage de la valeur bénéfique pour le pouvoir d’achat des salariés, mais également de protéger davantage le groupe EDF d’un futur démantèlement boursier.

Laisser ce domaine au pouvoir réglementaire relève d’une forme de mépris du Parlement que nous ne cesserons jamais de dénoncer. Le principe d’un actionnariat salarié aurait dû être fixé dans la loi, le Gouvernement, ainsi encadré par l’action du législateur, conservant le soin d’organiser effectivement le partage de la valeur à moyen terme au sein de l’entreprise.

Loin d’être anachronique, la participation constitue toujours une idée profondément moderne, alliant engagement réel des salariés dans l’entreprise, pouvoir d’achat, protection de notre souveraineté et une gouvernance plus coopérative des grands groupes.

Ce texte aurait pu constituer l’occasion d’inscrire ce principe dans la loi et d’en faire un modèle exemplaire, pouvant être étendu à d’autres entreprises publiques, voire privées. Une telle disposition aurait été novatrice, à l’heure où l’atonie économique se conjugue avec l’asphyxie inflationniste. Encore une fois, la droite sénatoriale et le Gouvernement ont choisi le conservatisme le plus obtus ; nous le regrettons.

Comme notre collègue député auteur de cette proposition de loi, je ne crois pas à la bonne foi du Gouvernement quant au maintien de la propriété publique d’EDF. Comment faire confiance à un gouvernement ayant sciemment organisé le démantèlement de notre système énergétique, endetté EDF et enrichi sans raison des traders de l’énergie et l’industrie du charbon allemand ?

Fidèles à notre pragmatisme et à notre soutien sans réserve à l’intérêt national, nous voterons malgré tout en faveur de ce texte, mais nous appelons le Parlement à faire preuve de la plus grande vigilance sur le futur d’EDF.

En 2027, il nous faudra reconstruire notre indépendance énergétique, qu’on a laissé tomber depuis des décennies. Le défi sera grand, mais, plus que jamais, les Français attendent qu’on allège leur fardeau. Si la majorité actuelle n’a pas souhaité le faire, une majorité nouvelle le fera.

M. Mickaël Vallet. Avec Gazprom !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, revenons à l’hiver 2022. Nous étions quelques mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui avait engendré de vives tensions sur le marché du gaz. Le prix de l’énergie explosait. Il était question de coupures d’électricité, ce qui nous a obligés à importer de l’énergie fossile des centrales à charbon des pays voisins.

Cette situation résultait-elle de mauvais choix stratégiques d’une entreprise nationale ?

M. Pierre-Jean Verzelen. Non ! Elle était à la fois le fruit d’un mécanisme de fixation du prix de l’électricité en Europe qui est complètement fou, d’un contexte géopolitique explosif et, surtout, de mauvaises décisions politiques et gouvernementales, à la suite de l’accord électoral conclu entre Martine Aubry et Europe Écologie Les Verts.

Cet accord avait pour objet de ramener à 50 % la part du nucléaire dans notre production d’énergie et donc à fermer plusieurs centrales nucléaires.

M. Thomas Dossus. Vingt-deux réacteurs à l’arrêt !

M. Pierre-Jean Verzelen. Il avait été validé par le futur Président de la République, encore candidat, qui, à l’époque, qualifiait le nucléaire d’énergie du passé… Belle vision ! Dix ans plus tard, nous voyons le résultat…

Évidemment que la question de l’énergie est éminemment stratégique pour un État, et chacun comprend que la force publique soit aux avant-postes sur ce sujet. De fait, cela a toujours été le cas.

La question qui est posée au travers de cette proposition de loi est celle des rapports, du lien entre l’État et les grandes entreprises nationales. Nous en revenons à un débat qui anime la vie politique depuis longtemps : celui sur les nationalisations. L’État est-il un bon capitaine d’industrie ? On a toujours constaté le contraire…

Au reste, l’intégralité des gouvernements qui se sont succédé l’avaient bien compris : ceux qui ont le plus privatisé sont certes le gouvernement Chirac de 1986, sous l’égide du ministre Édouard Balladur, mais aussi le gouvernement de Lionel Jospin. Ce dernier a même été celui qui a privatisé le plus d’entreprises publiques sous la Ve République.

Nous sommes de ceux qui pensent que l’État ne doit pas administrer les entreprises. En revanche, nous sommes de ceux qui défendent un État stratège, qui se substitue au privé pour bâtir et lancer des filières en mettant, en clair, de l’argent là où le marché ne le ferait pas.

De la même manière, l’État doit assumer la relance de filières auxquelles nous avons pu tourner le dos. C’est le cas du nucléaire et donc d’EDF. Il convient d’investir de nouveau dans la recherche et l’innovation, de former des ingénieurs et de retrouver de la main-d’œuvre. Voilà où nous en sommes, nous qui étions numéro un du secteur il y a encore quelques années…

Le Gouvernement a fait le choix, avec le soutien des deux assemblées, de relancer la construction de nouvelles centrales. Nous soutenons pleinement cette orientation, qui est pertinente à la fois en matière de souveraineté énergétique et en matière écologique.

En ce qui concerne le mécanisme de fixation du prix européen, dit mécanisme de la dernière énergie appelée, la situation est tout à fait incompréhensible pour les Français, les collectivités, les entreprises et nombre d’entre nous. Nous produisons une électricité à un coût raisonnable. Le prix auquel nous payons l’énergie que nous consommons doit être en rapport avec son coût de production à l’échelle nationale.

Enfin, les tarifs réglementés de vente de l’électricité ont protégé les foyers lors de la crise énergétique. Nous saluons donc leur extension aux TPE et aux communes, qui pourront ainsi bénéficier de prix raisonnables en cas d’explosion des tarifs de l’électricité.

Vous l’aurez compris, notre groupe votera en faveur de la version finale de ce texte, qui est largement inspirée des travaux du Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Monsieur le ministre, nous avons plaisir à vous retrouver, un an après la première lecture de ce texte, lors de laquelle vous étiez déjà présent.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le plaisir est partagé !

M. Michel Canévet. Lors de la deuxième lecture, le Gouvernement était représenté par le ministre de l’économie et des finances, que nous avons également eu plaisir à retrouver dans l’hémicycle. Aujourd’hui, vous revenez lesté d’une charge supplémentaire, celle de l’énergie ; j’y reviendrai.

Monsieur le président, mes chers collègues, ce texte ne révolutionnera pas la situation d’EDF. Comme l’a expliqué Mme la rapporteure, il apporte plusieurs précisions concernant l’accès aux tarifs réglementés. Il était important que nous saisissions l’occasion de protéger les consommateurs, même si la rapporteure a démontré que les offres de marché étaient encore souvent plus avantageuses que les tarifs réglementés.

Les membres du groupe Union Centriste sont, je le rappelle, particulièrement attachés à la défense des consommateurs.

Le principal manque de ce texte concerne l’actionnariat salarié. Nous ne sentons pas une volonté de la part du Gouvernement de le promouvoir, et nous ne pouvons que le déplorer. Monsieur le ministre, vous étiez il y a cinq ans le rapporteur de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, dont l’un des objets était d’améliorer le partage de la valeur et l’accès des salariés aux responsabilités au sein des entreprises.

L’objectif, qui ne figure pas dans la loi, était alors que le capital des entreprises cotées puisse être détenu à hauteur de 10 % par les salariés. Hélas, force est de constater que l’actionnariat salarié tend à se réduire en Europe et que, en France, nous sommes très loin des objectifs fixés. En effet, à la fin de 2023, l’actionnariat salarié représentait 4,25 % du capital de nos entreprises cotées. C’est dire le chemin qu’il nous reste à parcourir !

Selon nous, l’État doit être exemplaire en la matière. Nous regrettons donc que la proposition de loi ne fixe aucun objectif chiffré au groupe EDF en termes d’actionnariat salarié. Les autres grandes entreprises du secteur, TotalEnergies et Engie, pratiquent l’actionnariat salarié à des niveaux intéressants. Il serait regrettable que le principal producteur d’électricité dans notre pays n’adopte pas un schéma similaire.

Cela le serait d’autant plus que chacun d’entre nous sait que, pour redresser la situation d’EDF, il convient de mobiliser l’ensemble des salariés pour qu’ils participent à la bonne marche de l’entreprise. Or l’un des moyens de le faire est bien sûr de partager le capital avec ces derniers. Nous comptons sur le Gouvernement pour s’engager sur cette voie par décret, puisque cette option a été choisie.

Monsieur le ministre délégué, je l’ai rappelé, vous êtes désormais chargé de l’énergie. Je profite donc de votre présence pour vous faire part de l’attachement des membres du groupe Union Centriste à l’élaboration d’un projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Il est absolument nécessaire que nous fixions un cap.

M. Thomas Dossus. Il serait temps !

M. Michel Canévet. Ce texte y pourvoit en partie pour EDF au travers du contrat décennal, qui sera révisé tous les trois ans, mais il nous semble important d’aller bien au-delà, car les enjeux énergétiques sont capitaux pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens, mais aussi et surtout pour la compétitivité économique de nos entreprises.

Un cap doit donc être fixé pour que nos entreprises puissent acheter de l’énergie à un coût le plus attractif possible. Nous avons aussi besoin de développer des initiatives pour diversifier notre production d’énergies renouvelables.

M. Michel Canévet. Nous nous appuyons beaucoup sur l’éolien, le solaire ou encore, depuis longtemps d’ailleurs, l’hydraulique, mais il existe d’autres formes d’énergies renouvelables, que nous devons développer. Cela ne pourra se faire sans une réelle volonté politique. Je pense notamment à la production de gaz par méthanisation et à l’ensemble des énergies marines, au-delà du seul éolien en mer.

Il faut encourager l’ensemble de ces filières. Le Gouvernement doit absolument se saisir du sujet et fixer le cap pour que demain, dans notre pays, les acteurs de terrain puissent explorer de nouvelles technologies. C’est ainsi que le coût de production des énergies renouvelables atteindra un niveau satisfaisant.

Voilà deux ans, la situation de notre parc nucléaire a suscité un certain nombre d’interrogations. Nous devons non seulement décarboner la production d’énergie – c’est une évidence –, mais aussi la diversifier, en adoptant le mix le plus productif possible. De même, nous devons si possible vendre notre production énergétique aux autres pays d’Europe.

Tels sont les différents enjeux du projet de loi de programmation que nous, membres du groupe Union Centriste, appelons de nos vœux ! (M. Christian Bilhac applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la part des dépenses d’électricité dans le budget des ménages ne cesse d’augmenter, et ce depuis longtemps.

Alors que l’électricité représentait 7 % du budget des ménages en 1970, ce chiffre est passé à 10 % en 1990, à 12 % en 2010 et à près de 15 % en 2021, dernière année pour laquelle nous disposons de statistiques.

En janvier dernier, le ministre de l’économie a relevé les tarifs de base de l’électricité de 9,8 % ; ainsi a-t-il tenu, non sans cynisme, sa promesse de ne pas les augmenter de plus de 10 %… Cette mesure n’est pas de nature à accroître le budget des ménages.

Oui, il y a du cynisme dans cette décision. On s’en rend bien compte quand on compare les analyses de court et de long termes.

Suivant une approche de court terme, le Gouvernement nous explique que la hausse est inévitable en raison de la guerre en Ukraine. Or les prix spot de l’électricité sont aujourd’hui au niveau de la fin de l’année 2020, soit avant le début du conflit.

Selon nous, l’explication majeure relève, à l’inverse, du long terme : c’est le gouffre financier que représente le nucléaire dans notre production électrique.

Il faut définitivement tordre le cou à l’idée reçue selon laquelle le nucléaire serait l’énergie la moins chère : c’est tout simplement faux. Quelques ordres de grandeur, incluant les dérapages financiers auxquels ont donné lieu les différents projets nucléaires, permettent de l’illustrer.

Pour l’EPR (Evolutionary Power Reactor) de Flamanville, 9 milliards d’euros étaient initialement prévus. À l’arrivée, le chantier coûtera 19,1 milliards d’euros et aura pris douze ans de retard.

Pour l’EPR d’Hinkley Point, en Angleterre, on prévoyait un coût de 21 milliards d’euros : il atteint 40 milliards d’euros au total.

Pour le grand carénage, destiné à prolonger le parc nucléaire existant, faute d’une diversification suffisante de notre mix, le budget est, enfin, de 49,4 milliards d’euros.

Tous ces coûts et surcoûts seront payés intégralement par EDF. Oui, les contribuables français vont payer les chantiers de réacteurs nucléaires anglais !

Cette parenthèse étant fermée, j’en viens au texte que nous examinons aujourd’hui.

Cette proposition de loi ne va certes pas révolutionner notre mix énergétique, qui en aurait pourtant bien besoin ; mais elle va dans le bon sens, même si sa portée a été réduite à plusieurs reprises au cours de la navette.

Initialement, le présent texte prévoyait la nationalisation d’EDF, la création d’un groupe public unifié aux activités clairement définies et l’indemnisation des actionnaires minoritaires. L’objectif était évidemment d’empêcher tout nouveau projet de démantèlement, à l’image du funeste projet Hercule.

Après le coup de rabot sénatorial, le texte actuel prévoit une contractualisation des activités du groupe EDF avec l’État et un actionnariat 100 % public. En parallèle, il faut relever un ajout notable : l’élargissement des tarifs réglementés de vente d’électricité.

Au total – je le répète –, le présent texte n’est pas révolutionnaire, mais il contient des avancées qu’il faut saluer.

La révolution qu’il nous faut opérer, c’est la diversification de notre mix énergétique, effort indispensable pour sortir de l’impasse nucléaire.

À cet égard, la France fait d’ailleurs preuve, à l’échelle planétaire, d’un entêtement curieux. Grevée par les retards et les surcoûts, l’industrie de l’atome recule dans le monde entier. En 2022, les investissements dans les énergies renouvelables ont atteint 495 milliards de dollars, un record historique, contre seulement 35 pour le nucléaire : le rapport est d’un à quatorze.

De tout cela, il n’est, hélas ! pas question dans ce texte. Nous le voterons tout de même, eu égard aux quelques avancées qu’il contient. Cela étant, reprendre EDF, c’est reprendre ses dettes abyssales, conséquences d’un certain nombre d’erreurs politiques en matière de diversification énergétique ; erreurs que ce gouvernement nostalgique de Pompidou semble vouloir reproduire…

J’y insiste à mon tour : nous avons besoin d’une loi de programmation de l’énergie. Seul un tel texte nous permettrait de débattre de tous ces enjeux sereinement.

Enfin, je précise que, même si cette proposition de loi ne nous convient pas à 100 %, nous nous abstiendrons sur les amendements déposés afin de permettre un vote conforme et, ce faisant, de mener à terme cette navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, mes chers collègues, nous y sommes enfin ! Nous examinons aujourd’hui en troisième lecture un texte imaginé il y a presque deux ans – je salue d’ailleurs son auteur, Philippe Brun, présent en tribune, en soulignant sa ténacité.

Monsieur le ministre, cette discussion a lieu au lendemain d’une défaite politique pour vous et le gouvernement auquel vous appartenez : le projet Hercule a avorté grâce à la mobilisation des salariés d’EDF et de quelques élus de gauche. Vous vouliez finir de détricoter le service public de l’énergie, inventé après-guerre par Marcel Paul – un communiste –, ministre de la production industrielle. Il s’agissait de scinder en trois l’entreprise EDF pour livrer ses activités les plus rentables au capital.

Bien sûr, ce texte a subi beaucoup de modifications. Il a été affaibli, notamment sur votre initiative ; mais il conserve au moins deux apports.

Premièrement, un contrat de dix ans va être conclu entre EDF et l’État. Les titres de l’entreprise seront presque rendus incessibles après cette ré-étatisation – il ne s’agit pas, en effet, d’une renationalisation. Cela étant, nous en sommes tous conscients : ce que fait une loi, une autre loi peut le défaire demain.

Deuxièmement, ce texte ouvre la voie au retour des tarifs réglementés ; sur ce sujet, votre collègue Bruno Le Maire et vous-même nous avez offert un formidable numéro de claquettes ! (Sourires.)

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je lui connaissais beaucoup de talents, mais pas celui-là ! (Nouveaux sourires.)

M. Fabien Gay. Sur scène, c’est fort sympathique ; en politique, ça l’est un peu moins…

Au lendemain du vote obtenu à l’Assemblée nationale, vous vous êtes gargarisés…

M. Roland Lescure, ministre délégué. Gargarisés ?

M. Fabien Gay. À vous entendre, c’est ce gouvernement qui va permettre le retour des tarifs réglementés, alors que vous y étiez opposés depuis le premier jour !

À l’évidence, il faut rafraîchir la mémoire de certains. Depuis 2017, les membres de notre groupe ont proposé lors de l’examen de chaque projet de budget le retour des tarifs réglementés : le Gouvernement s’y est toujours opposé.

Avant la crise énergétique, nous nous sommes parfois sentis bien seuls ; on nous traitait même de ringards. J’ajoute qu’en 2022, le Gouvernement, main dans la main avec la droite sénatoriale, s’est opposé à notre proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l’énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l’énergie.

En réalité, l’adoption de cette mesure est une victoire du Parlement et des oppositions de gauche : elle a été obtenue contre votre volonté.

Mes chers collègues, ce rappel étant formulé, je constate que plusieurs sujets restent sur la table.

Tout d’abord, il faut reconstruire un grand service public de l’énergie répondant à deux besoins : continuer à décarboner notre mix et sortir 12 millions de personnes de la précarité énergétique. C’est précisément pour atteindre ces objectifs que, dans quelques jours – M. le ministre le sait déjà et il en est certainement très heureux ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) –, les élus du groupe communiste déposeront une grande proposition de loi pour renationaliser tout le secteur énergétique, qu’il s’agisse d’Engie, d’EDF ou de TotalEnergies, et créer ainsi un groupe énergies de France, ou GEDF.

Ensuite, il faut préparer le post-Arenh. En ce sens – je le souligne à mon tour –, il nous faut une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie.

Enfin, le Sénat devrait selon moi se saisir d’un terrible scandale qui a eu lieu pendant la crise énergétique. La Cour des comptes l’a souligné dans un récent rapport. Écoutez bien : le bouclier tarifaire et les différents amortisseurs auront coûté en tout 40 milliards d’euros ; les fournisseurs, notamment alternatifs, auront dégagé 30 milliards d’euros de marges nettes ; quant à la rente inframarginale imaginée par le Gouvernement, elle aura rapporté 300 millions d’euros, bien loin des 12 milliards d’euros qu’elle était censée dégager…

Je vous livre un dernier chiffre : 36 %, c’est le taux de l’augmentation des tarifs de l’électricité subie depuis deux ans. Une telle hausse est insupportable pour l’ensemble des usagers.

Pour toutes ces raisons, nous voterons évidemment ce texte, en adressant nos félicitations à Philippe Brun et à tous nos collègues qui ont mené le combat ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à remercier nos collègues députés, en particulier Philippe Brun.

Je centrerai mon propos sur la responsabilité de l’État, désormais détenteur de l’intégralité du capital d’EDF.

L’article 2 de cette proposition de loi prévoit que, dans le cadre d’un contrat décennal, soient fixés des objectifs relatifs, entre autres sujets, à la trajectoire financière d’EDF et à la maîtrise des prix pour les ménages et les entreprises.

EDF – on le sait – se trouve face à un mur d’investissements pour prolonger la durée de vie de ses réacteurs en service, mettre en œuvre le programme de construction de quatorze EPR2, investir dans l’hydraulique, adapter le cycle du combustible ou encore financer l’adaptation des réseaux de transport et de distribution, ainsi que les solutions de flexibilité.

Monsieur le ministre, d’importants emprunts seront nécessaires et leur charge financière, même étalée dans le temps, aura un impact à la fois très fort et durable sur les coûts de production, donc sur les prix de l’électricité payés par l’ensemble des consommateurs – des ménages aux grosses entreprises en passant par les collectivités territoriales, les artisans, les PME ou encore les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Comment l’État va-t-il s’impliquer concrètement dans le financement de ces investissements ? Plus précisément, comment entend-il se mobiliser pour que, dans l’intérêt national, le coût financier des emprunts contractés par EDF, le coût moyen pondéré du capital, soit le plus faible possible ?

Sans implication forte de l’État sur ce poste de coût, le prix à payer sera très lourd pour les Français. De surcroît, la réforme annoncée de la structure du marché européen, peu claire à ce stade, ne sera d’aucun secours sur ce point.

La question est donc financière et exclusivement financière. La compétitivité du parc de production national en dépend pour une large part ; une implication sans faille de l’État est indispensable, au besoin sous forme de garantie.

À l’heure où les discussions se poursuivent avec EDF, le Gouvernement entend-il toujours prélever sur les dividendes de l’entreprise pour contribuer au redressement des comptes publics ? Pensez-vous que ce soit le moment de taxer ces ressources en capital ? L’État devrait, au contraire, les réserver au financement des lourds programmes d’investissements à venir. Quelle est votre position, monsieur le ministre ?

Nous voterons la proposition de loi de notre collègue député Phillipe Brun ; mais il revient maintenant au Gouvernement de tirer les conséquences de ce texte, en jouant le rôle qui doit être désormais le sien en tant qu’actionnaire unique et garant de l’intérêt général.

Enfin, nous saluons l’action des syndicats auprès de Bercy pour la juste reconnaissance de la participation des salariés au développement d’EDF. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les précédents orateurs l’ont rappelé : il est rare qu’un texte de loi soit examiné en troisième lecture. La navette est certes la procédure législative normale, mais le temps parlementaire est dominé par la procédure accélérée. Le Gouvernement l’utilise de manière presque systématique et ce choix a des conséquences dommageables sur nos délibérations.

La navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat permet d’atteindre une certaine maturité législative. Les lectures successives favorisent en effet des réflexions approfondies et une concertation sur les enjeux des textes.

En la matière, c’est précisément ce qui s’est passé. Les trois lectures de cette proposition de loi ont offert plusieurs occasions d’examiner en détail les dispositions législatives envisagées à propos du démembrement d’EDF et de les amender en conséquence.

En troisième lecture, nos collègues députés ont voté cette proposition de loi à l’unanimité lors d’une journée d’initiative parlementaire, après qu’un accord a été trouvé entre les groupes de la majorité, ceux de l’opposition et le Gouvernement.

Voilà donc un texte qui a évolué au fil de la navette et en fonction du contexte : en ce mois d’avril 2024, il n’a plus le même contenu que lors de son dépôt, en décembre 2022.

Initialement, cette proposition de loi visait à nationaliser le groupe EDF pour empêcher le projet Hercule, mais cet objectif a été supprimé. Désormais, il s’agit notamment de soutenir les très petites entreprises et les petites communes, lesquelles sont confrontées à l’augmentation des coûts de l’électricité.

À cet égard, je salue le travail accompli par la commission des finances du Sénat, en particulier par notre collègue Christine Lavarde, rapporteur de ce texte.

La version adoptée par le Sénat en deuxième lecture a été conservée pour l’essentiel. Entre autres apports venus de la Haute Assemblée, je citerai la faculté, accordée à EDF, de céder si besoin certaines activités, et le rétablissement au 1er février 2025 de l’extension des tarifs réglementés de vente d’électricité à l’ensemble des petites communes et des TPE.

Ce texte contient encore des dispositions relatives à EDF. Ainsi, la détention par l’État de 100 % du capital de l’entreprise figurant dans la loi, le Gouvernement serait contraint de passer par le Parlement s’il souhaitait procéder à la réouverture du capital. En parallèle, le statut de société anonyme est maintenu. Quant aux objectifs d’EDF, ils sont fixés par le présent texte : il s’agit de la décarbonation, de la maîtrise des prix, ainsi que de l’adaptation à l’évolution de la demande d’électricité.

La qualification d’intérêt national de l’entreprise EDF est également essentielle, en particulier pour les enjeux de souveraineté énergétique et de transition écologique.

Monsieur le ministre, dans cette perspective, permettez-moi d’évoquer la situation juridique dans laquelle se trouvent les concessions hydroélectriques, situation qui, pour l’heure, s’apparente à une impasse – j’ai régulièrement l’occasion de vous le rappeler.

Cet enjeu est directement lié au statut d’EDF. En effet, les exploitants actuels ont des projets pour investir et développer la production hydroélectrique, comme en Aveyron, sur la Truyère. À Montézic, sur le site de la station d’énergie par pompage (Step), une centrale de 430 mégawatts attenante aux installations existantes est désormais prête à démarrer. Mais la concrétisation de ces projets hydroélectriques dépend de l’évolution du cadre juridique et de la résolution du contentieux européen relatif au renouvellement des concessions.

Il y a une semaine, Bruno Le Maire nous a fait savoir que le Gouvernement privilégiait un transfert des concessions à un régime d’autorisation. Qu’en sera-t-il ? Nous attendons une réponse précise.

Bien sûr, nous voterons ce texte, tout en restant vigilants au sujet du futur projet de loi relatif à la souveraineté énergétique. Il va sans dire que le Parlement doit être étroitement associé à l’élaboration de ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à protéger le groupe électricité de france d’un démembrement

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Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
Article 2 (texte non modifié par la commission) (fin)

Article 2

(Non modifié)

I. – L’article L. 111-67 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Après le mot : « anonyme », sont insérés les mots : « d’intérêt national » et les mots : « plus de 70 % » sont remplacés par le taux : « 100 % » ;

2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« L’entreprise Électricité de France conclut avec l’État un contrat d’une durée de dix ans, actualisé tous les trois ans. Ce contrat détermine notamment les objectifs assignés à l’entreprise en matière de trajectoire financière, d’investissements, de décarbonation de la production d’électricité, de maîtrise des prix pour les ménages et pour les entreprises ainsi que d’adaptation des capacités de production à l’évolution de la demande d’électricité.

« L’entreprise rend compte chaque année, dans son rapport d’activité, de la mise en œuvre du contrat mentionné au deuxième alinéa. Ce rapport est adressé au Parlement et à la Commission de régulation de l’énergie.

« La part de la détention par l’État est, le cas échéant, minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, du capital détenu par les salariés de l’entreprise et par les anciens salariés adhérents du plan d’épargne de groupe de l’entreprise. »

II. – (Supprimé)

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M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Lavarde, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

pour une durée de dix ans

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. M. le ministre a déjà répondu, en ouvrant la discussion générale, à la question posée via cet amendement : nous sommes face à un cas de mauvaise correction rédactionnelle.

Un pan de phrase a été supprimé de manière inopportune à l’Assemblée nationale. Il serait regrettable de prolonger encore la navette pour corriger cette simple erreur, d’autant que M. le ministre a été clair : le contrat dont il s’agit est à durée indéterminée, réactualisé tous les trois ans pour une nouvelle période de dix ans.

Aussi, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 3, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« L’entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et à ses anciens salariés d’accéder à son capital. Cette opération porte au minimum sur 2 % du capital de l’entreprise. Elle a lieu dans les quatre mois suivant la date de publication de la loi.

« Un rabais est octroyé aux salariés et aux anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.

« Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les critères d’éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l’offre, les modalités d’ajustement de l’offre si la demande est supérieure à l’offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts prise en charge par l’État.

« Pour assurer le partage de la valeur au sein de l’entreprise Électricité de France, la part de la détention par l’État est minorée, jusqu’à 10 % du capital social de l’entreprise, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l’entreprise. »

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Nous souhaitons graver l’actionnariat salarié dans le marbre législatif. Cela étant, si le Gouvernement s’engage à mettre en œuvre cet actionnariat, je suis prêt à retirer mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Cambier, Courtial et Mizzon, Mme Loisier, MM. Hingray et Parigi, Mme Devésa, M. Folliot, Mmes Florennes et Sollogoub et M. Henno, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Pour assurer le partage de la valeur au sein de l’entreprise Électricité de France, la part de la détention par l’État est minorée, jusqu’à 10 % du capital social de l’entreprise, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l’entreprise. »

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Cet amendement va dans le même sens que celui qui vient d’être présenté à l’instant : selon nous, le présent texte doit faire mention de l’actionnariat salarié, en précisant qu’il peut être porté à hauteur de 10 % du capital de l’entreprise.

Les salariés doivent être étroitement associés à la bonne marche de l’entreprise, et c’est l’actionnariat salarié qui permet d’atteindre cet objectif. J’attends moi aussi la réponse du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Cambier, Courtial et Mizzon, Mme Loisier, MM. Hingray et Parigi, Mme Devésa, M. Folliot, Mmes Florennes et Sollogoub et M. Henno, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – Dans un délai de trois mois suivant la date de publication de la loi n° … du … visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement, l’entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et à ses anciens salariés d’accéder à son capital. Cette opération porte au minimum sur 2 % du capital de l’entreprise, pour un prix de souscription hors rabais qui ne peut être supérieur à 12 euros.

Un rabais est octroyé aux salariés et aux anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.

Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les critères d’éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l’offre, les modalités d’ajustement de l’offre si la demande est supérieure à l’offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts prise en charge par l’État.

… – L’entreprise Électricité de France peut s’exonérer de son obligation de mettre en place l’opération d’actionnariat salarié prévue au II en versant une prime de sortie à tous les actionnaires salariés et anciens salariés détenteurs de titre de l’entreprise au 8 juin 2023.

Un arrêté ministériel fixe le montant de la prime par action détenue.

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Lors du rachat décidé par l’État, les salariés d’EDF ont perçu 12 euros par action, alors même qu’ils avaient pu acheter leurs titres 25, voire 66 euros l’unité : c’est dire la perte qu’ils ont subie. Je précise qu’au total 80 000 salariés d’EDF avaient souscrit des actions de l’entreprise : c’est dire l’ampleur de cet actionnariat salarié, que nous souhaitons promouvoir dans une logique de partage de la valeur.

L’État doit être exemplaire. Ce faisant, il montrera la voie à l’ensemble des entreprises. D’ailleurs, en toutes circonstances, il faut commencer par balayer devant sa porte…

Le dispositif dit de la prime de sortie permettrait de compenser les pertes subies par les salariés d’EDF contraints de céder leurs actions à bas prix. Je le répète, ces salariés doivent continuer à se mobiliser, au service de la bonne marche de l’entreprise EDF et de la production énergétique de notre pays : leur concours est indispensable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. Prenant acte de l’accord conclu entre les rapporteurs – l’un communiste, l’autre socialiste – à l’Assemblée nationale et le Gouvernement, nous souhaitons que ce texte soit voté conforme, d’autant que sa rédaction actuelle reprend largement celle que notre commission avait adoptée en deuxième lecture, avant sa modification en séance.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, l’objectif est d’aboutir ce soir à un vote conforme.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, au cours des différentes lectures : le capital d’EDF est de nouveau détenu par l’État à 100 % et sa réouverture n’est évidemment pas d’actualité, à l’heure où s’ouvrent divers chantiers supposant des investissements considérables.

Le partage de la valeur reste une question essentielle et le débat sur ce sujet aura lieu. Il n’est pas souhaitable qu’une opération soit d’ores et déjà prévue par la loi. En revanche, tel qu’il est actuellement rédigé, ce texte nous épargne les difficultés auxquelles nous exposeraient ces amendements s’ils étaient adoptés. Il lève toute ambiguïté en explicitant le caractère facultatif d’une opération d’ouverture du capital ; il précise que, si une telle opération était mise en œuvre, seuls les anciens salariés conservant un lien avec l’entreprise au titre de son système collectif d’épargne pourraient en bénéficier ; et il renvoie à un décret les modalités qui pourraient s’appliquer à une future ouverture du capital – c’est, selon moi, la meilleure méthode.

Enfin, monsieur Canévet, le recours à la prime de sortie ne nous semble pas possible.

L’offre publique d’achat, qui concernait l’ensemble des actionnaires, salariés ou non d’EDF, a été validée par la justice à plusieurs reprises. À cet égard, la valeur des actions a été expertisée : elle correspond à celle de l’entreprise lors de l’opération.

Vous suggérez qu’EDF elle-même verse cette prime de sortie. Or, vous le savez, l’entreprise n’était pas l’initiatrice de l’OPA. Elle n’a donc pas à être sollicitée dans cette affaire, qui concerne uniquement ses actionnaires. C’est l’État qui a racheté les titres EDF détenus par des tiers : l’entreprise n’a ni perçu ni versé de liquidités.

En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de ces trois amendements.

M. le président. Monsieur Szczurek, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?

M. Christopher Szczurek. Je ne peux pas considérer avoir obtenu une réponse satisfaisante à ma question. Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote sur les amendements nos 1 rectifié bis et 4 rectifié bis.

M. Fabien Gay. M. Canévet continue de promouvoir l’actionnariat salarié : il n’a pas dévié de sa ligne depuis la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte). C’est toujours agréable d’observer que les gens ne changent pas d’opinion au gré du vent… (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mes chers collègues, vous savez que, pour notre part, nous sommes plus circonspects. Aujourd’hui, on nous parle d’actionnariat salarié et d’autres dispositifs encore pour éviter de parler des salaires. Cela étant, je soutiens l’amendement n° 4 rectifié bis. Contrairement à ce qu’affirme M. le ministre, le versement d’une prime de sortie ne remettrait pas en cause l’OPA réalisée.

Reste une question : les salariés qui avaient acheté leurs actions à 36 euros ou à 66 euros ont eu à subir des décisions imputables au seul Gouvernement. Ils n’ont obtenu que 12 euros par action et cette somme n’est évidemment pas à la hauteur des montants investis.

Je rappelle que, par son projet de loi de nationalisation, Marcel Paul avait réuni au sein d’EDF 1 300 entreprises électriques et gazières : ce n’était pas une mince affaire.

À l’époque, d’autres questions d’indemnisation s’étaient posées. Entre le vote et l’indemnisation, plusieurs mois, voire plusieurs trimestres peuvent s’écouler : c’est pourquoi Marcel Paul avait prévu un réajustement, au cas où telle ou telle valeur connaîtrait de trop grandes fluctuations.

En réalité, ces salariés ont payé les mauvais résultats imputés à EDF. À l’évidence, l’amendement n° 4 rectifié bis ne sera pas adopté, car on veut un vote conforme. Mais il me semble indispensable de débattre de cette question avec les représentants des actionnaires salariés afin de trouver un compromis.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Nous comprenons le sens des amendements de notre collègue Canévet. Plus encore, nous les approuvons, mais nous restons réalistes. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Nous attendions une réponse beaucoup plus claire de la part du ministre. Il nous semble qu’un accord avait été conclu, que des engagements avaient été pris avec les anciens salariés et les salariés actuels et que l’intersyndicale devait être reçue.

Le ministre a rappelé le caractère facultatif de l’ouverture du capital, le temps que la société parvienne à des résultats positifs, engrange des bénéfices et se redresse. Au-delà, un accord devait être trouvé. On ne peut pas dire que les choses soient laissées à la totale discrétion du Gouvernement. Peut-être l’engagement pris à l’égard des salariés pourrait-il aboutir à ce que demandent Michel Canévet et son groupe…

J’insiste, nous aimerions obtenir une réponse plus claire de la part du ministre. J’avoue que nous sommes un peu déçus, compte tenu du caractère optionnel et facultatif de l’opération.

Encore une fois, nous nous abstiendrons sur ces amendements et nous formons le vœu que le Gouvernement fasse des efforts tant à l’égard des salariés actuels que des anciens salariés.

M. Michel Canévet. Je retire mes deux amendements, monsieur le président !

M. le président. Les amendements nos 1 rectifié bis et 4 rectifié bis sont retirés.

L’amendement n° 2, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le capital de la société gestionnaire des réseaux publics de distribution mentionnée au 1° de l’article L. 111-52 du présent code est détenu en totalité par l’entreprise Électricité de France. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. À l’Assemblée nationale, en troisième lecture, le ministre et les rapporteurs ont trouvé un compromis pour exclure Enedis du texte.

Aujourd’hui, Enedis est une filiale d’EDF à 100 %, et cette dernière a été entièrement étatisée. En réalité, je pense que le Gouvernement n’a pas abandonné le projet Hercule : si EDF a été étatisée, c’est justement pour qu’elle puisse avoir les mains libres sur la gestion du capital.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Fabien Gay. Vous pouvez sourire, monsieur le ministre…

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne souris pas !

M. Fabien Gay. Chaque fois que nous avons interrogé Agnès Pannier-Runacher ou Bruno Le Maire sur ce sujet, les réponses n’ont jamais été très claires – nous ne pouvons pas vous en faire le reproche, monsieur le ministre, dans la mesure où vous venez d’hériter de ce portefeuille.

Pourquoi le Gouvernement a-t-il étatisé EDF ? Quel est le but de ce projet ? Vu les 60 milliards d’euros de dettes, la question de la vente des actifs et de l’ouverture du capital finira par se poser. Comme pour la SNCF, il y aura une grande entreprise chapeau, mais on pourra ouvrir le capital des filiales : c’est probablement ce qui se passera pour Enedis, car c’est une poule aux œufs d’or ! (M. le ministre délégué proteste.)

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons rendre incessibles les titres d’Enedis. Si vous nous rassurez et que vous prenez un engagement clair, monsieur le ministre, nous retirons peut-être cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. Vous présentez Enedis comme une poule aux œufs d’or, mais regardez plutôt son plan pluriannuel d’investissements et les engagements qu’elle devra prendre à l’avenir. (MM. Franck Montaugé et Fabien Gay protestent.)

M. Roland Lescure, ministre délégué. Exactement !

Mme Christine Lavarde, rapporteur. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Plusieurs d’entre vous l’ont rappelé : nos besoins d’investissements seront énormes au cours des prochaines décennies, pour construire des EPR, déployer des énergies renouvelables partout en France et investir dans les réseaux. La prétendue poule aux œufs d’or que constituerait Enedis ne sera donc pas très riche !

Je le dis ici, comme je l’ai affirmé à l’Assemblée nationale : le projet Hercule est mort. Par ailleurs, nous prévoyons la possibilité qu’un actionnaire public, lequel pourrait être l’État lui-même, puisse un jour soutenir Enedis dans ses projets d’investissement.

Enfin, votre amendement risque d’être inconstitutionnel puisqu’il aurait pour effet, s’il était adopté, d’adresser des injonctions à l’actionnaire d’Enedis, qui n’est autre qu’EDF.

Je suggère donc que vous retiriez cet amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable, car nous souhaitons, je le redis, que ce texte soit adopté conforme.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je pense strictement le contraire de ce que vient d’affirmer M. le ministre : une entreprise qui doit investir beaucoup pour se moderniser et répondre aux besoins, dans un contexte de transition écologique, va attiser les convoitises.

Ce n’est pas parce qu’Enedis ou RTE auront des investissements importants à réaliser qu’elles verront leur valeur ou leur potentiel diminuer, au contraire. Votre raisonnement ne tient pas la route, monsieur le ministre !

La question fondamentale que pose le groupe communiste au travers de cet amendement est celle de la souveraineté nationale : comment protéger EDF de ceux qui voudraient entrer à son capital ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est d’Enedis qu’il est question, pas d’EDF !

M. Franck Montaugé. Disons les choses clairement : comment protéger l’énergéticien central français, dont l’histoire importante ne peut être évacuée ?

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Vous ne m’avez pas du tout rassuré, monsieur le ministre, loin de là.

S’il est primordial de disposer d’une entreprise intégrée qui assure la production, le transport et la distribution, c’est parce que lorsque celle-ci doit investir, par exemple dans la production, les autres branches, elles, rapportent – et vice versa.

Il y a vingt ans, les libéraux ont fait le choix de scinder le capital des entreprises publiques pour y faire entrer des acteurs alternatifs, qui sont en réalité tous des requins. Telle est la réalité.

Ce que vient de dire M. Montaugé est tout à fait juste. Je le répète, Enedis est une poule aux œufs d’or ! Tout le monde doit savoir ceci : l’an dernier, cette filiale a assuré à EDF 1,25 milliard d’euros de remontées de dividendes. Si ce n’est pas une poule aux œufs d’or, qu’est-ce que c’est ?

Oui, Enedis devra réaliser des investissements, mais plus elle le fera, plus elle engrangera des bénéfices. Se pose aussi la question du réseau, de notre souveraineté, des liens avec les collectivités territoriales. Nombreux sont ceux qui lorgnent cette entreprise. Voilà pourquoi nous devrions rendre ses titres incessibles.

Nous retirons cet amendement, monsieur le président, car nous souhaitons, nous aussi, que ce texte soit voté conforme. Il n’en demeure pas moins que la réponse de M. le ministre doit tous nous alerter. Aussi, il faudrait organiser un grand débat pour définir le service public de l’énergie qu’il nous faut.

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l’article 2. Les autres dispositions du texte ne faisant pas l’objet d’une troisième lecture, le vote sur cet article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

M. le président. En conséquence, la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement est définitivement adoptée. (Mme Corinne Narassiguin et M. Jean-Claude Tissot félicitent M. Philippe Brun, présent dans les tribunes.)

Article 2 (texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement
 

10

Ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance.

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 9 avril 2024 :

À neuf heures trente :

Questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

Proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 493, 2023-2024) ;

Débat sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire dans les départements ;

Proposition de loi visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété, présentée par M. Jean-Jacques Panunzi et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 495, 2023-2024) ;

Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ;

Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, M. Jean-Michel Arnaud, Mmes Corinne Narassiguin, Audrey Linkenheld et Patricia Schillinger ;

Suppléants : Mmes Marie Mercier, Muriel Jourda, MM. Hervé Marseille, Pierre-Alain Roiron, Ian Brossat, Alain Marc et Mme Mélanie Vogel.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER